CANDIDE
de
Voltaire (François-Marie Arouet)
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PREMIER
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CAPITULO PRIMERO.
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COMMENT CANDIDE FUT ÉLEVÉ DANS UN BEAU CHÂTEAU,
ET COMMENT IL FUT CHASSÉ D′ICELUI
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_Donde se da cuenta de como fué criado Candido en una
hermosa quinta, y como de ella fué echado á patadas._
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Il y avait en Westphalie, dans le château de M.
le baron de Thunder-ten-tronckh, un jeune garçon à qui la nature avait
donné les moeurs les plus douces. Sa physionomie annonçait son âme. Il
avait le jugement assez droit, avec l′esprit le plus simple ; c′est, je
crois, pour cette raison qu′on le nommait Candide. Les anciens domestiques
de la maison soupçonnaient qu′il était fils de la soeur de monsieur le
baron et d′un bon et honnête gentilhomme du voisinage, que cette
demoiselle ne voulut jamais épouser parce qu′il n′avait pu prouver que
soixante et onze quartiers, et que le reste de son arbre généalogique
avait été perdu par l′injure du temps.
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En la quinta del Señor baron de Tunderten-tronck, título
de la Vesfalia, vivia un mancebo que habia dotado de la índole mas
apacible naturaleza. Víase en su fisonomía su alma: tenia bastante sano
juicio, y alma muy sensible; y por eso creo que le llamaban Candido.
Sospechaban los criados antiguos de la casa, que era hijo de la hermana
del señor baron, y de un honrado hidalgo, vecino suyo, con quien jamas
consintió en casarse la doncella, visto que no podia probar arriba de
setenta y un quarteles, porque la injuria de los tiempos habia acabado con
el resto de su árbol genealógico.
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Monsieur le baron était un des plus puissants
seigneurs de la Westphalie, car son château avait une porte et des
fenêtres. Sa grande salle même était ornée d′une tapisserie. Tous les
chiens de ses basses-cours composaient une meute dans le besoin ; ses
palefreniers étaient ses piqueurs ; le vicaire du village était son grand
aumônier. Ils l′appelaient tous monseigneur, et ils riaient quand il
faisait des contes.
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Era el señor baron uno de los caballeros mas poderosos
de la Vesfalia; su quinta tenia puerta y ventanas, y en la sala estrado
habia una colgadura. Los perros de su casa componian una xauria quando era
menester; los mozos de su caballeriza eran sus picadores, y el
teniente-cura del lugar su primer capellan: todos le daban señoría, y se
echaban á reir quando decia algun chiste.
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Madame la baronne, qui pesait environ trois cent
cinquante livres, s′attirait par là une très grande considération, et
faisait les honneurs de la maison avec une dignité qui la rendait encore
plus respectable. Sa fille Cunégonde, âgée de dix-sept ans, était haute en
couleur, fraîche, grasse, appétissante. Le fils du baron paraissait en
tout digne de son père. Le précepteur Pangloss était l′oracle de la
maison, et le petit Candide écoutait ses leçons avec toute la bonne foi de
son âge et de son caractère.
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La señora baronesa que pesaba unas catorce arrobas, se
habia grangeado por esta prenda universal respeto, y recibia las visitas
con una dignidad que la hacia aun mas respetable. Cunegunda, su hija,
doncella de diez y siete años, era rolliza, sana, de buen color, y muy
apetitosa muchacha; y el hijo del baron en nada desdecia de su padre. El
oráculo de la casa era el preceptor Panglós, y el chicuelo Candido
escuchaba sus lecciones con toda la docilidad propia de su edad y su
carácter.
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Pangloss enseignait la
métaphysico-théologo-cosmolonigologie. Il prouvait admirablement qu′il n′y
a point d′effet sans cause, et que, dans ce meilleur des mondes possibles,
le château de monseigneur le baron était le plus beau des châteaux et
madame la meilleure des baronnes possibles.
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Pangloss enseñaba metafísico-teólogo-cosmólogo-nigología. Probaba admirablemente que no hay efecto sin causa, y que, en el mejor de los mundos posibles, el castillo de monseñor el barón era el más hermoso de los castillos, y que la señora baronesa era la mejor de las baronesas posibles.
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« Il est démontré, disait-il, que les choses ne
peuvent être autrement : car, tout étant fait pour une fin, tout est
nécessairement pour la meilleure fin. Remarquez bien que les nez ont été
faits pour porter des lunettes, aussi avons-nous des lunettes. Les jambes
sont visiblement instituées pour être chaussées, et nous avons des
chausses. Les pierres ont été formées pour être taillées, et pour en faire
des châteaux, aussi monseigneur a un très beau château ; le plus grand
baron de la province doit être le mieux logé ; et, les cochons étant faits
pour être mangés, nous mangeons du porc toute l′année : par conséquent,
ceux qui ont avancé que tout est bien ont dit une sottise ; il fallait
dire que tout est au mieux. »
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Demostrado está, decia Panglós, que no pueden ser las
cosas de otro modo; porque habiéndose hecho todo con un fin, no puede
ménos este de ser el mejor de los fines. Nótese que las narices se
hiciéron para llevar anteojos, y por eso nos ponemos anteojos; las piernas
notoriamente para las calcetas, y por eso se traen calcetas; las piedras
para sacarlas de la cantera y hacer quintas, y por eso tiene Su Señoría
una hermosa quinta; el baron principal de la provincia ha de estar mas
bien aposentado que otro ninguno: y como los marranos naciéron para que se
los coman, todo el año comemos tocino. De suerte que los que han
sustentado que todo está bien, han dicho un disparate, porque debian decir
que todo está en el último ápice de perfeccion.
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Candide écoutait attentivement, et croyait
innocemment ; car il trouvait Mlle Cunégonde extrêmement belle, quoiqu′il
ne prît jamais la hardiesse de le lui dire. Il concluait qu′après le
bonheur d′être né baron de Thunder-ten-tronckh, le second degré de bonheur
était d′être Mlle Cunégonde ; le troisième, de la voir tous les jours ; et
le quatrième, d′entendre maître Pangloss, le plus grand philosophe de la
province, et par conséquent de toute la terre.
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Escuchábale Candido con atención, y le creía con
inocencia, porque la señorita Cunegunda le parecía un dechado de lindeza,
puesto que nunca habia sido osado á decírselo. Sacaba de aquí que despues
de la imponderable dicha de ser baron de Tunder-ten-tronck, era el segundo
grado el de ser la señorita Cunegunda, el tercero verla cada dia, y el
quarto oir al maestro Panglós, el filósofo mas aventajado de la provincia,
y por consiguiente del orbe entero.
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Un jour, Cunégonde, en se promenant auprès du
château, dans le petit bois qu′on appelait parc, vit entre des
broussailles le docteur Pangloss qui donnait une leçon de physique
expérimentale à la femme de chambre de sa mère, petite brune très jolie et
très docile. Comme Mlle Cunégonde avait beaucoup de dispositions pour les
sciences, elle observa, sans souffler, les expériences réitérées dont elle
fut témoin ; elle vit clairement la raison suffisante du docteur, les
effets et les causes, et s′en retourna tout agitée, toute pensive, toute
remplie du désir d′être savante, songeant qu′elle pourrait bien être la
raison suffisante du jeune Candide, qui pouvait aussi être la sienne.
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Paseándose un dia Cunegunda en los contornos de la
quinta por un tallar que llamaban coto, por entre unas matas vio al doctor
Panglós que estaba dando lecciones de física experimental á la doncella de
labor de su madre, morenita muy graciosa, y no ménos dócil. La niña
Cunegunda tenia mucha disposicion para aprender ciencias; observó pues sin
pestañear, ni hacer el mas mínimo ruido, las repetidas experiencias que
ámbos hacian; vió clara y distintamente la razon suficiente del doctor,
sus causas y efectos, y se volvió desasosegada y pensativa, preocupada del
anhelo de adquirir ciencia, y figurándose que podía muy bien ser ella la
razón suficiente de Candido, y ser este la suya.
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Elle rencontra Candide en revenant au château, et
rougit ; Candide rougit aussi ; elle lui dit bonjour d′une voix
entrecoupée, et Candide lui parla sans savoir ce qu′il disait. Le
lendemain après le dîner, comme on sortait de table, Cunégonde et Candide
se trouvèrent derrière un paravent ; Cunégonde laissa tomber son mouchoir,
Candide le ramassa, elle lui prit innocemment la main, le jeune homme
baisa innocemment la main de la jeune demoiselle avec une vivacité, une
sensibilité, une grâce toute particulière ; leurs bouches se
rencontrèrent, leurs yeux s′enflammèrent, leurs genoux tremblèrent, leurs
mains s′égarèrent. M. le baron de Thunder-ten-tronckh passa auprès du
paravent, et voyant cette cause et cet effet, chassa Candide du château à
grands coups de pied dans le derrière ; Cunégonde s′évanouit ; elle fut
souffletée par madame la baronne dès qu′elle fut revenue à elle-même ; et
tout fut consterné dans le plus beau et le plus agréable des châteaux
possibles.
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De vuelta á la quinta encontró á Candido, y se
abochornó, y Candido se puso también colorado. Saludóle Cunegunda con voz
trémula, y correspondió Candido sin saber lo que se decia. El dia
siguiente, despues de comer, al levantarse de la mesa, se encontraron
detras de un biombo Candido y Cunegunda; esta dexó caer el pañuelo, y
Candido le alzó del suelo; ella le cogió la mano sin malicia, y sin
malicia Candido estampó un beso en la de la niña, pero con tal gracia,
tanta viveza, y tan tierno cariño, qual no es ponderable; topáronse sus
bocas, se inflamáron sus ojos, les tembláron las rodillas, y se les
descarriáron las manos.... En esto estaban quando acertó á pasar por junto
al biombo el señor barón de Tunder-ten-tronck, y reparando en tal causa y
tal efecto, sacó á Candido fuera de la quinta á patadas en el trasero.
Desmayóse Cunegunda; y quando volvió en sí, le dió la señora baronesa una
mano de azotes; y reynó la mayor consternación en la mas hermosa y
deleytosa quinta de quantas exîstir pueden.
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CHAPITRE SECOND
|
CAPITULO II.
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CE QUE DEVINT CANDIDE PARMI LES BULGARES
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_De lo que sucedió á Candido con los Búlgaros._
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« Camarade, dit l′un, voilà un jeune homme très
bien fait, et qui a la taille requise. »
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Camarada, dixo uno, aquí tenemos un gallardo mozo, que
tiene la estatura que piden las ordenanzas.
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Ils s′avancèrent vers Candide et le prièrent à
dîner très civilement.
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Acercáronse al punto á Candido, y le convidáron á comer
con mucha cortesía.
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« Messieurs, leur dit Candide avec une modestie
charmante, vous me faites beaucoup d′honneur, mais je n′ai pas de quoi
payer mon écot. -- Ah ! monsieur, lui dit un des bleus, les personnes de
votre figure et de votre mérite ne payent jamais rien : n′avez-vous pas
cinq pieds cinq pouces de haut ?
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Caballeros, les dixo Candido con la mas sincera modestia,
mucho favor me hacen vms., pero no tengo para pagar mi parte. Caballero,
le dixo uno de los azules, los sugetos de su facha y su mérito nunca
pagan. ¿No tiene vm. dos varas y seis dedos?
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-- Oui, messieurs, c′est ma taille, dit-il en
faisant la révérence.
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Sí, señores, esa es mi estatura, dixo haciéndoles una
cortesía.
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-- Ah ! monsieur, mettez-vous à table ; non
seulement nous vous défrayerons, mais nous ne souffrirons jamais qu′un
homme comme vous manque d′argent ; les hommes ne sont faits que pour se
secourir les uns les autres.
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Vamos, caballero, siéntese vm. á la mesa, que no solo
pagarémos, sino que no consentirémos que un hombre como vm. ande sin
dinero; que entre gente honrada nos hemos de socorrer unos á otros.
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-- Vous avez raison, dit Candide : c′est ce que
M. Pangloss m′a toujours dit, et je vois bien que tout est au mieux. »
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Razón tienen vms., dixo Candido; así me lo ha dicho mil
veces el señor Panglós, y ya veo que todo está perfectísimo.
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On le prie d′accepter quelques écus, il les prend
et veut faire son billet ; on n′en veut point, on se met à table :
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Le ruegan que admita unos escudos; los toma, y quiere dar
un vale; pero no se le quieren, y se sientan á la mesa.
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« N′aimez-vous pas tendrement ?...
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--¿No quiere vm. tiernamente?...
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-- Oh ! oui, répondit-il, j′aime tendrement Mlle
Cunégonde.
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Sí, Señores, respondió Candido, con la mayor ternura
quiero á la baronesita Cunegunda.
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-- Non, dit l′un de ces messieurs, nous vous
demandons si vous n′aimez pas tendrement le roi des Bulgares.
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No preguntamos eso, le dixo uno de aquellos dos señores,
sino si quiere vm. tiernamente al rey de los Bulgaros.
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-- Point du tout, dit-il, car je ne l′ai jamais
vu.
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No por cierto, dixo, porque no le he visto en mi ida.
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-- Comment ! c′est le plus charmant des rois, et
il faut boire à sa santé.
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--Vaya, pues es el mas amable de los reyes, ¿Quiere vm.
Que brindemos á su salud?
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-- Oh ! très volontiers, messieurs » et il boit.
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--Con mucho gusto, señores; y brinda.
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« C′en est assez, lui dit-on, vous voilà l′appui,
le soutien, le défenseur, le héros des Bulgares ; votre fortune est faite,
et votre gloire est assurée. »
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Basta con eso, le dixéron, ya es vm. el apoyo, el
defensor, el adalid y el héroe de los Bulgaros; tiene segura su fortuna, y
afianzada su gloria.
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On lui met sur-le-champ les fers aux pieds, et on
le mène au régiment. On le fait tourner à droite, à gauche, hausser la
baguette, remettre la baguette, coucher en joue, tirer, doubler le pas, et
on lui donne trente coups de bâton ; le lendemain il fait l′exercice un
peu moins mal, et il ne reçoit que vingt coups ; le surlendemain on ne lui
en donne que dix, et il est regardé par ses camarades comme un prodige.
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Echáronle al punto un grillete al pié, y se le lleváron
al regimiento, donde le hiciéron volverse á derecha y á izquierda, meter
la baqueta, sacar la baqueta, apuntar, hacer fuego, acelerar el paso, y le
diéron treinta palos: al otro dia hizo el exercicio algo ménos jual, y no
le diéron mas de veinte; al tercero, llevó solamente diez, y le tuviéron
sus camaradas por un portento.
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Candide, tout stupéfait, ne démêlait pas encore
trop bien comment il était un héros. Il s′avisa un beau jour de printemps
de s′aller promener, marchant tout droit devant lui, croyant que c′était
un privilège de l′espèce humaine, comme de l′espèce animale, de se servir
de ses jambes à son plaisir. Il n′eut pas fait deux lieues que voilà
quatre autres héros de six pieds qui l′atteignent, qui le lient, qui le
mènent dans un cachot. On lui demanda juridiquement ce qu′il aimait le
mieux d′être fustigé trente-six fois par tout le régiment, ou de recevoir
à la fois douze balles de plomb dans la cervelle. Il eut beau dire que les
volontés sont libres ; et qu′il ne voulait ni l′un ni l′autre, il fallut
faire un choix ; il se détermina, en vertu du don de Dieu qu′on nomme
liberté, à passer trente-six fois par les baguettes ; il essuya deux
promenades. Le régiment était composé de deux mille hommes ; cela lui
composa quatre mille coups de baguette, qui, depuis la nuque du cou
jusqu′au cul, lui découvrirent les muscles et les nerfs. Comme on allait
procéder à la troisième course, Candide, n′en pouvant plus, demanda en
grâce qu′on voulût bien avoir la bonté de lui casser la tête ; il obtint
cette faveur ; on lui bande les yeux, on le fait mettre à genoux. Le roi
des Bulgares passe dans ce moment, s′informe du crime du patient ; et
comme ce roi avait un grand génie, il comprit, par tout ce qu′il apprit de
Candide, que c′était un jeune métaphysicien, fort ignorant des choses de
ce monde, et il lui accorda sa grâce avec une clémence qui sera louée dans
tous les journaux et dans tous les siècles.
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Atónito Candido aun no podia entender bien de qué modo
era un héroe. Púsosele en la cabeza un dia de primavera irse á paseo, y
siguió su camino derecho, presumiendo que era prerogativa de la especie
humana, lo mismo que de la especie animal, el servirse de sus piernas á su
antojo. Mas apénas había andado dos leguas, quando héteme otros quatro
héroes de dos varas y tercia, que me lo agarran, me le atan, y me le
llevan á un calabozo, Preguntáronle luego jurídicamente si queria mas
pasar treinta y seis veces por baquetas de todo el regimiento, ó recibir
una vez sola doce balazos en la mollera. Inútilmente alegó que las
voluntades eran libres, y que no queria ni una cosa ni otra, fué forzoso
que escogiese; y en virtud de la dádiva de Dios que llaman libertad, se
resolvió á pasar treinta y seis veces baquetas, y sufrió dos tandas.
Componíase el regimiento de dos mil hombres, lo qual hizo justamente
quatro mil baquetazos que de la nuca al trasero le descubriéron músculos y
nervios. Iban á proceder á la tercera tanda, quando Candido no pudiendo
aguantar mas pidió por favor que se le hicieran de levantarle la tapa de
los sesos; y habiendo conseguido tan señalada merced, le estaban vendando
los ojos, y le hacían hincarse de rodillas, quando acertó á pasar el rey
de los Bulgaros, que informándose del delito del paciente, como era este
rey sugeto de mucho ingenio, por todo quanto de Candido le dixéron, echó
de ver que era un aprendiz de metafísica muy bisoño en las cosas de este
mundo, y le otorgó el perdon con una clemencia que fué muy loada en todas
las gacetas, y lo será en todos los siglos.
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Un brave chirurgien guérit Candide en trois
semaines avec les émollients enseignés par Dioscoride, Il avait déjà un
peu de peau et pouvait marcher, quand le roi des Bulgares livra bataille
au roi des Abares.
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Un diestro cirujano curó á Candido con los emolientes que
enseña Dioscórides. Un poco de cútis tenia ya, y empezaba á poder andar,
quando dió una batalla el rey de los Bulgaros al de los Abaros.
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CHAPITRE TROISIÈME
|
CAPITULO III.
|
COMMENT CANDIDE SE SAUVA D′ENTRE LES BULGARES, ET
CE QU′IL DEVINT
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_De qué modo se libró Candido de manos de los Bulgaros,
y de lo que le sucedió despues._
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Rien n′était si beau, si leste, si brillant, si
bien ordonné que les deux armées. Les trompettes, les fifres, les
hautbois, les tambours, les canons, formaient une harmonie telle qu′il n′y
en eut jamais en enfer. Les canons renversèrent d′abord à peu près six
mille hommes de chaque côté ; ensuite la mousqueterie ôta du meilleur des
mondes environ neuf à dix mille coquins qui en infectaient la surface. La
baïonnette fut aussi la raison suffisante de la mort de quelques milliers
d′hommes. Le tout pouvait bien se monter à une trentaine de mille âmes.
Candide, qui tremblait comme un philosophe, se cacha du mieux qu′il put
pendant cette boucherie héroïque.
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No habia cosa mas hermosa, mas vistosa, mas lucida, ni
mas bien ordenada que ámbos exércitos: las trompetas, los pífanos, los
atambores, los obués y los cañones formaban una harmonía qual nunca la
hubo en los infiernos. Primeramente los cañones derribáron unos seis mil
hombres de cada parte, luego la fusilería barrió del mejor de los mundos
unos nueve ó diez mil bribones que inficionaban su superficie; y
finalmente la bayoneta fué la razon suficiente de la muerte de otros
quantos miles. Todo ello podia sumar cosa de treinta millares. Durante
esta heroica carnicería, Candido, que temblaba como un filósofo, se
escondió lo mejor que supo.
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Enfin, tandis que les deux rois faisaient chanter
des Te Deum chacun dans son camp, il prit le parti d′aller raisonner
ailleurs des effets et des causes. Il passa par-dessus des tas de morts et
de mourants, et gagna d′abord un village voisin ; il était en cendres :
c′était un village abare que les Bulgares avaient brûlé, selon les lois du
droit public. Ici des vieillards criblés de coups regardaient mourir leurs
femmes égorgées, qui tenaient leurs enfants à leurs mamelles sanglantes ;
là des filles éventrées après avoir assouvi les besoins naturels de
quelques héros rendaient les derniers soupirs ; d′autres, à demi brûlées,
criaient qu′on achevât de leur donner la mort. Des cervelles étaient
répandues sur la terre à côté de bras et de jambes coupés.
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Miéntras que hacian cantar un _Te Deum_ ámbos reyes cada
uno en su campo, se resolvió nuestro héroe á ir á discurrir á otra parte
sobre las causas y los efectos. Pasó por encima de muertos y moribundos
hacinados, y llegó á un lugar inmediato que estaba hecho cenizas; y era un
lugar abaro que conforme á las leyes de derecho público habian incendiado
los Bulgaros: aquí, unos ancianos acribillados de heridas contemplaban
exhalar el alma á sus esposas degolladas; mas allá, daban el postrer
suspiro vírgenes pasadas á cuchillo despues de haber saciado los deseos
naturales de algunos héroes; otras medio tostadas clamaban por que las
acabaran de matar; la tierra estaba sembrada de sesos al lado de brazos y
piernas cortadas.
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Candide s′enfuit au plus vite dans un autre
village : il appartenait à des Bulgares, et des héros abares l′avaient
traité de même. Candide, toujours marchant sur des membres palpitants ou à
travers des ruines, arriva enfin hors du théâtre de la guerre, portant
quelques petites provisions dans son bissac, et n′oubliant jamais Mlle
Cunégonde. Ses provisions lui manquèrent quand il fut en Hollande ; mais
ayant entendu dire que tout le monde était riche dans ce pays-là, et qu′on
y était chrétien, il ne douta pas qu′on ne le traitât aussi bien qu′il
l′avait été dans le château de monsieur le baron avant qu′il en eût été
chassé pour les beaux yeux de Mlle Cunégonde.
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Huyóse á toda priesa Candido á otra aldea que pertenecia
á los Bulgaros, y que habia sido igualmente tratada por los héroes abaros.
Al fin caminando sin cesar por cima de miembros palpitantes, ó atravesando
ruinas, salió al cabo fuera del teatro de la guerra, con algunas cortas
provisiones en la mochila, y sin olvidarse un punto de su Cunegunda. Al
llegar á Holanda se le acabáron las provisiones; mas habiendo oido decir
que la gente era muy rica en este pais, y que eran cristianos, no le quedó
duda de que le darian tan buen trato como el que en la quinta del señor
baron le habian dado, ántes de haberle echado á patadas á causa de los
buenos ojos de Cunegunda la baronesita.
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Il demanda l′aumône à plusieurs graves
personnages, qui lui répondirent tous que, s′il continuait à faire ce
métier, on l′enfermerait dans une maison de correction pour lui apprendre
à vivre
|
Pidió limosna á muchos sugetos graves que todos le
dixéron que si seguia en aquel oficio, le encerrarian en una casa de
correccion, para enseñarle á vivir sin trabajar.
|
Il s′adressa ensuite à un homme qui venait de
parler tout seul une heure de suite sur la charité dans une grande
assemblée. Cet orateur, le regardant de travers, lui dit :
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Dirigióse luego á un hombre que acababa de hablar una
hora seguida en una crecida asamblea sobre lacaridad, y el orador,
mirándole de reojo, le dixo:
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« Que venez-vous faire ici ? y êtes-vous pour la
bonne cause ?
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¿A qué vienes aquí? ¿estás por la buena causa?
|
-- Il n′y a point d′effet sans cause, répondit
modestement Candide, tout est enchaîné nécessairement et arrangé pour le
mieux. Il a fallu que je fusse chassé d′auprès de Mlle Cunégonde, que
j′aie passé par les baguettes, et il faut que je demande mon pain jusqu′à
ce que je puisse en gagner ; tout cela ne pouvait être autrement.
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No hay efecto sin causa, respondió modestamente Candido;
todo está encadenado por necesidad, y ordenado para lo mejor: ha sido
necesario que me echaran de casa de la baronesita Cunegunda, y que pasara
baquetas, y es necesario que mendigue el pan hasta que le pueda ganar;
nada de esto podia ménos de suceder.
|
-- Mon ami, lui dit l′orateur, croyez-vous que le
pape soit l′Antéchrist ?
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Amiguito, le dixo el orador, ¿crees que el papa es el
ante-cristo?
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-- Je ne l′avais pas encore entendu dire,
répondit Candide ; mais qu′il le soit ou qu′il ne le soit pas, je manque
de pain.
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Nunca lo habia oido, respondió Candido; pero, séalo ó no
lo sea, yo no tengo pan que comer.
|
-- Tu ne mérites pas d′en manger, dit l′autre ;
va, coquin, va, misérable, ne m′approche de ta vie. »
|
Ni lo mereces, replicó el otro; anda, bribon, anda,
miserable, y que no te vuelva yo á ver en mi vida.
|
La femme de l′orateur, ayant mis la tête à la
fenêtre et avisant un homme qui doutait que le pape fût antéchrist, lui
répandit sur le chef un plein... O ciel ! à quel excès se porte le zèle de
la religion dans les dames !
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Asomóse en esto á la ventana la muger del ministro, y
viendo á uno que dudaba de que el papa fuera el ante-cristo, le tiró á la
cabeza un vaso lleno de.... ¡O cielos, á qué excesos se entregan las damas
por zelo de la religion!
|
Un homme qui n′avait point été baptisé, un bon
anabaptiste, nommé Jacques, vit la manière cruelle et ignominieuse dont on
traitait ainsi un de ses frères, un être à deux pieds sans plumes, qui
avait une âme ; il l′amena chez lui, le nettoya, lui donna du pain et de
la bière, lui fit présent de deux florins, et voulut même lui apprendre à
travailler dans ses manufactures aux étoffes de Perse qu′on fabrique en
Hollande. Candide, se prosternant presque devant lui, s′écriait :
|
Uno que no habia sido bautizado, un buen anabantista,
llamado Santiago, testigo de la crueldad y la ignominia con que trataban á
uno de sus hermanos, á un ser bípedo y sin plumas, que tenia alma, se le
llevó á su casa, le limpió, le dió pan y cerbeza, y dos florines, y ademas
quiso enseñarle á trabajar en su fábrica de texidos de Persia, que se
hacen en Holanda. Candido, arrodillándose casi á sus plantas, clamaba:
|
« Maître Pangloss me l′avait bien dit que tout
est au mieux dans ce monde, car je suis infiniment plus touché de votre
extrême générosité que de la dureté de ce monsieur à manteau noir et de
madame son épouse. »
|
Bien decia el maestro Panglós, que todo estaba
perfectamente en este mundo; porque infinitamente mas me enternece la
mucha generosidad de vm., que lo que me enojó la inhumanidad de aquel
señor de capa negra, y de su señora muger.
|
Le lendemain, en se promenant, il rencontra un
gueux tout couvert de pustules, les yeux morts, le bout du nez rongé, la
bouche de travers, les dents noires, et parlant de la gorge, tourmenté
d′une toux violente et crachant une dent à chaque effort.
|
Yendo al otro dia de pasco se encontró con un
pordiosero, cubierto de lepra, los ojos casi ciegos, carcomida la punta de
la nariz, la boca tuerta, ennegrecídos los dientes, y el habla gangosa,
atormentado de una violenta tos, y que á cada esfuerzo escupia una muela.
|
CHAPITRE QUATRIÈME
|
CAPITULO IV.
|
COMMENT CANDIDE RENCONTRA SON ANCIEN MAÎTRE
DE PHILOSOPHIE, LE DOCTEUR PANGLOSS ET CE QUI EN ADVINT
|
_De qué modo encontró Candido á su maestro de filosofía,
el doctor Panglós, y de lo que le aconteció._
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Mas que á horror movido á compasion Candido le dió á
este horroroso pordiosero los dos florines que de su honrado anabautista
Santiago habia recibido. Miróle de hito en hito la fantasma, y vertiendo
lágrimas se le colgó al cuello. Zafóse Candido asustado,
|
« Hélas ! dit le misérable à l′autre misérable,
ne reconnaissez-vous plus votre cher Pangloss ?
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y el miserable dixo al otro miserable: ¡Ay! ¿con que no
conoces á tu amado maestro Panglós?
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-- Qu′entends-je ? Vous, mon cher maître ! vous,
dans cet état horrible ! Quel malheur vous est-il donc arrivé ? Pourquoi
n′êtes-vous plus dans le plus beau des châteaux ? Qu′est devenue Mlle
Cunégonde, la perle des filles, le chef d′oeuvre de la nature ?
|
¿Qué oygo? ¡vm., mi amado maestro! ¡vm. en tan horrible
estado! ¿Pues qué desdicha le ha sucedido? ¿porqué no está en la mas
hermosa de las granjas? ¿qué se ha hecho la señorita Cunegunda, la perla
de las doncellas, la obra maestra de la naturaleza?
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-- Je n′en peux plus », dit Pangloss. Aussitôt
Candide le mena dans l′étable de l′anabaptiste, où il lui fit manger un
peu de pain ; et quand Pangloss fut refait :
|
No puedo alentar, dixo Panglós. Llevóle sin tardanza
Candido al pajar del anabautista, le dió un mendrugo de pan; y quando hubo
cobrado aliento Panglós, le preguntó:
|
« Eh bien ! lui dit-il, Cunégonde ?
|
¿Qué es de Cunegunda?
|
-- Elle est morte », reprit l′autre.
|
Es muerta, respondió elotro.
|
Candide s′évanouit à ce mot ; son ami rappela ses
sens avec un peu de mauvais vinaigre qui se trouva par hasard dans
l′étable. Candide rouvre les yeux.
|
¿Desmayóse Candido al oirlo, y su amigo le volvió á la
vida con un poco de vinagre malo que encontró acaso en el pajar. Abrió
Candido los ojos, y exclamó:
|
« Cunégonde est morte ! Ah ! meilleur des mondes,
où êtes-vous ? Mais de quelle maladie est-elle morte ? ne serait-ce point
de m′avoir vu chasser du beau château de monsieur son père à grands coups
de pied ?
|
¡Cunegunda muerta! Ha perfectísimo entre los mundos,
¿adonde estás? ¿y de qué enfermedad ha muerto? ¿ha sido por ventura de la
pesadumbre de verme echar á patadas de la soberbia quinta de su padre?
|
-- Non, dit Pangloss ; elle a été éventrée par
des soldats bulgares, après avoir été violée autant qu′on peut l′être ;
ils ont cassé la tête à monsieur le baron qui voulait la défendre ; madame
la baronne a été coupée en morceaux ; mon pauvre pupille, traité
précisément comme sa soeur ; et quant au château, il n′est pas resté
pierre sur pierre, pas une grange, pas un mouton, pas un canard, pas un
arbre ; mais nous avons été bien vengés, car les Abares en ont fait autant
dans une baronnie voisine qui appartenait à un seigneur bulgare. »
|
No por cierto, dixo Panglós, sino de que unos soldados
bulgaros le sacáron las tripas, despues que la hubiéron violado hasta mas
no poder, habiendo roto la mollera al señor baron que la quiso defender.
La señora baronesa fué hecha pedazos, mi pobre alumno tratado lo mismo que
su hermana, y en la granja no ha quedado piedra sobre piedra, ni troxes,
ni siquiera un carnero, ni una gallina, ni un árbol; pero bien nos han
vengado, porque lo mismo han hecho los Abaros en una baronía inmediata que
era de un señor bulgaro.
|
A ce discours, Candide s′évanouit encore ; mais
revenu à soi, et ayant dit tout ce qu′il devait dire, il s′enquit de la
cause et de l′effet, et de la raison suffisante qui avait mis Pangloss
dans un si piteux état.
|
Desmayóse otra vez Candido al oir este lamentable
cuento; pero vuelto en sí, y habiendo dicho quanto tenia que decir, se
informó de la causa y efecto, y de la razon suficiente que en tan
lastimosa situacion á Panglós habia puesto.
|
« Hélas ! dit l′autre, c′est l′amour ; l′amour,
le consolateur du genre humain, le conservateur de l′univers, l′âme de
tous les êtres sensibles, le tendre amour.
|
¡Ay! dixo el otro, el amor ha sido; el amor, el
consolador del humano linage, el conservador del universo, el alma de
todos los seres sensibles, el blando amor.
|
-- Hélas ! dit Candide, je l′ai connu, cet amour,
ce souverain des coeurs, cette âme de notre âme ; il ne m′a jamais valu
qu′un baiser et vingt coups de pied au cul. Comment cette belle cause
a-t-elle pu produire en vous un effet si abominable ? »
|
Ha, dixo Candido, yo tambien he conocido á ese amor, á
ese árbitro de los corazones, á esa alma de nuestra alma, que nunca me ha
valido mas que un beso y veinte patadas en el trasero. ¿Cómo tan bella
causa ha podido producir en vm. tan abominables efectos?
|
Pangloss répondit en ces termes :
|
Respondióle Panglós en los términos siguientes:
|
« O mon cher Candide ! vous avez connu Paquette,
cette jolie suivante de notre auguste baronne ; j′ai goûté dans ses bras
les délices du paradis, qui ont produit ces tourments d′enfer dont vous me
voyez dévoré ; elle en était infectée, elle en est peut-être morte.
Paquette tenait ce présent d′un cordelier très savant, qui avait remonté à
la source ; car il l′avait eue d′une vieille comtesse, qui l′avait reçue
d′un capitaine de cavalerie, qui la devait à une marquise, qui la tenait
d′un page, qui l′avait reçue d′un jésuite, qui, étant novice, l′avait eue
en droite ligne d′un des compagnons de Christophe Colomb. Pour moi, je ne
la donnerai à personne, car je me meurs.
|
Ya conociste, amado Candido, á Paquita, aquella linda
doncella de nuestra ilustre baronesa; pues en sus brazos gocé los
contentos celestiales, que han producido los infernales tormentos que ves
que me consumen: estaba podrida, y acaso ha muerto. Paquita debió este don
á un Franciscano instruidísimo, que había averiguado el orígen de su
achaque, porque se le habia dado una condesa vieja, la qual le habia
recibido de un capitan de caballería, que le hubo de una marquesa, á quien
se le dió un page, que le cogió de un jesuita, el qual, siendo novicio, le
habia recibido en línea recta de uno de los compañeros de Cristobal Colon.
Yo por mi no se le daré á nadie, porque me voy á morir luego.
|
-- Ô Pangloss ! s′écria Candide, voilà une
étrange généalogie ! n′est-ce pas le diable qui en fut la souche ?
|
¡O Panglós, exclamó Candido, qué raro árbol de
genealogía es ese! ¿fue acaso el diablo su primer tronco?
|
-- Point du tout, répliqua ce grand homme ;
c′était une chose indispensable dans le meilleur des mondes, un ingrédient
nécessaire ; car si Colomb n′avait pas attrapé, dans une île de
l′Amérique, cette maladie qui empoisonne la source de la génération, qui
souvent même empêche la génération, et qui est évidemment l′opposé du
grand but de la nature, nous n′aurions ni le chocolat ni la cochenille ;
il faut encore observer que jusqu′aujourdh′ui, dans notre continent, cette
maladie nous est particulière, comme la controverse. Les Turcs, les
Indiens, les Persans, les Chinois, les Siamois, les Japonais, ne la
connaissent pas encore ; mais il y a une raison suffisante pour qu′ils la
connaissent à leur tour dans quelques siècles. En attendant, elle a fait
un merveilleux progrès parmi nous, et surtout dans ces grandes armées
composées d′honnêtes stipendiaires, bien élevés, qui décident du destin
des États ; on peut assurer que, quand trente mille hommes combattent en
bataille rangée contre des troupes égales en nombre, il y a environ vingt
mille vérolés de chaque côté.
|
No por cierto, replicó aquel varon eminente, que era
indispensable cosa y necesario ingrediente del mas excelente de los
mundos; porque si no hubieran pegado á Colon en una isla de América este
mal que envenena el manantial de la generacion, y que á veces estorba la
misma generacion, y manifiestamente se opone al principal blanco de
naturaleza, no tuviéramos ni chocolate ni cochinilla; y se ha de notar que
hasta el dia de hoy es peculiar de nosotros esta dolencia en este
continente, no ménos que la teología escolástica. Todavía no se ha
introducido en la Turquía, en la India, en la Persia, en la China, en
Sian, ni en el Japon; pero razon hay suficiente para que la padezcan
dentro de algunos siglos. Miéntras tanto es bendicion de Dios lo que entre
nosotros prospera, con particularidad en los exércitos numerosos, que
constan de honrados ganapanes muy bien educados, los quales deciden la
suerte de los estados, y donde se puede afirmar con certeza, que quando
pelean treinta mil hombres en campal batalla contra un exército igualmente
numeroso, hay cerca de veinte mil galicosos por una y otra parte.
|
-- Voilà qui est admirable, dit Candide, mais il
faut vous faire guérir.
|
Portentosa cosa es esa, dixo Candido, pero es preciso
tratar de curaros.
|
-- Et comment le puis- je ? dit Pangloss ; je
n′ai pas le sou, mon ami ; et dans toute l′étendue de ce globe, on ne peut
ni se faire saigner ni prendre un lavement sans payer, ou sans qu′il y ait
quelqu′un qui paye pour nous. »
|
¿Y cómo me he de curar, amiguito, dixo Panglós, si no
tengo un ochavo; y en todo este vasto globo á nadie sangran, ni le
administran una lavativa, sin que pague ó que alguien pague por él?
|
Ce dernier discours détermina Candide ; il alla
se jeter aux pieds de son charitable anabaptiste Jacques, et lui fit une
peinture si touchante de l′état où son ami était réduit que le bonhomme
n′hésita pas à recueillir le docteur Pangloss ; il le fit guérir à ses
dépens. Pangloss, dans la cure, ne perdit qu′un oeil et une oreille. Il
écrivait bien et savait parfaitement l′arithmétique. L′anabaptiste Jacques
en fit son teneur de livres. Au bout de deux mois, étant obligé d′aller à
Lisbonne pour les affaires de son commerce, il mena dans son vaisseau ses
deux philosophes. Pangloss lui expliqua comment tout était on ne peut
mieux. Jacques n′était pas de cet avis.
|
Estas últimas razones determináron á Candido á irse á
echar á los piés de su caritativo anabautista Santiago, á quien pintó tan
tiernamente la situacion á que se vía reducido su amigo, que no dificultó
el buen hombre en hospedar al doctor Panglós, y curarle á su costa. Esta
cura no costó á Panglós mas que un ojo y una oreja. Como sabia escribir y
contar con perfeccion, le hizo el anabautista su tenedor de libros.
Viéndose precisado á cabo de dos meses á ir á Lisboa para asuntos de su
comercio, se embarcó con sus dos filósofos. Panglós le explicaba de qué
modo todas las cosas estaban perfectísimamente, y Santiago no era de su
parecer.
|
« Il faut bien, disait-il, que les hommes aient
un peu corrompu la nature, car ils ne sont point nés loups, et ils sont
devenus loups. Dieu ne leur a donné ni canon de vingt-quatre ni
baïonnettes, et ils se sont fait des baïonnettes et des canons pour se
détruire. Je pourrais mettre en ligne de compte les banqueroutes, et la
justice qui s′empare des biens des banqueroutiers pour en frustrer les
créanciers.
|
Fuerza es, decia, que hayan los hombres estragado algo
la naturaleza, porque no naciéron lobos, y se han convertido en lobos.
Dios no les dió ni cañones de veinte y quatro, ni bayonetas, y ellos para
destruirse han fraguado bayonetas y cañones. Tambien pudiera mentar las
quiebras, y la justicia que embarga los bienes de los fallidos para
frustrar á los acreedores.
|
-- Tout cela était indispensable, répliquait le
docteur borgne, et les malheurs particuliers font le bien général, de
sorte que plus il y a de malheurs particuliers, et plus tout est bien. »
|
Todo eso era indispensable, replicó el doctor tuerto, y
de los males individuales se compone el bien general; de suerte que quanto
mas males particulares hay, mejor está el todo.
|
Tandis qu′il raisonnait, l′air s′obscurcit, les
vents soufflèrent des quatre coins du monde et le vaisseau fut assailli de
la plus horrible tempête à la vue du port de Lisbonne.
|
Miéntras estaba argumentando, se obscureció el cielo,
sopláron furiosos los vientos de los quatro ángulos del mundo, y á vista
del puerto de Lisboa fué embutido el navío de la tormenta mas hermosa.
|
CHAPITRE CINQUIÈME
|
CAPITULO V.
|
TEMPÊTE, NAUFRAGE, TREMBLEMENT DE TERRE, ET CE
QUI ADVINT DU DOCTEUR PANGLOSS, DE CANDIDE ET DE L′ANABAPTISTE JACQUES
|
_De una tormenta, un naufragio, y un terremoto. De los
sucesos del doctor Panglós, de Candido, y de Santiago el anabautista._
|
La moitié des passagers, affaiblis, expirants de
ces angoisses inconcevables que le roulis d′un vaisseau porte dans les
nerfs et dans toutes les humeurs du corps agitées en sens contraire,
n′avait pas même la force de s′inquiéter du danger. L′autre moitié jetait
des cris et faisait des prières ; les voiles étaient déchirées, les mâts
brisés, le vaisseau entrouvert. Travaillait qui pouvait, personne ne
s′entendait, personne ne commandait. L′anabaptiste aidait un peu à la
manoeuvre ; il était sur le tillac ; un matelot furieux le frappe rudement
et l′étend sur les planches ; mais du coup qu′il lui donna il eut lui-même
une si violente secousse qu′il tomba hors du vaisseau la tête la première.
Il restait suspendu et accroché à une partie de mât rompue. Le bon Jacques
court à son secours, l′aide à remonter, et de l′effort qu′il fit il est
précipité dans la mer à la vue du matelot, qui le laissa périr, sans
daigner seulement le regarder. Candide approche, voit son bienfaiteur qui
reparaît un moment et qui est englouti pour jamais. Il veut se jeter après
lui dans la mer ; le philosophe Pangloss l′en empêche, en lui prouvant que
la rade de Lisbonne avait été formée exprès pour que cet anabaptiste s′y
noyât. Tandis qu′il le prouvait a priori, le vaisseau s′entrouvre, tout
périt à la réserve de Pangloss, de Candide, et de ce brutal de matelot qui
avait noyé le vertueux anabaptiste ; le coquin nagea heureusement jusqu′au
rivage où Pangloss et Candide furent portés sur une planche.
|
Sin fuerza y medio muertos la mitad de los pasageros con
las imponderables bascas que causa el balance de un navío en los nervios y
en todos los humores que en opuestas direcciones se agitan, ni aun para
temer el riesgo tenian ánimo: la otra mitad gritaba y rezaba; estaban
rasgadas las velas, las xarcias rotas, y abierta la nave: quien podia
trabajaba, nadie se entendia, y nadie mandaba. Algo ayudaba á la faena el
anabautista, que estaba sobre el combes, quando un furioso marinero le
pega un fiero embion, y le derriba en las tablas; pero fué tanto el
esfuerzo que al empujarle hizo, que se cayó de cabeza fuera del navío, y
se quedó colgado y agarrado de una porcion del mástil roto. Acudió el buen
Santiago á socorrerle, y le ayudó á subir; pero con la fuerza que para
ello hizo, se cayó en la mar á vista del marinero que le dexó ahogarse,
sin dignarse siquiera de mirarle. Candido que se acerca, y ve á su
bienhechor que viene un instante sobre el agua, y que se hunde para
siempre, se quiere tirar tras de el al mar; pero le detiene el filósofo
Panglós, demostrándole que habia sido criada la cala de Lisboa con destino
á que se ahogara en ella el anabautista. Probándolo estaba _à priori_,
quando se abrió el navío, y todos pereciéron, ménos Panglós, Candido, y el
desalmado marinero que habia ahogado al virtuoso anabautista; que el
bribon salió á salvamento nadando hasta la orilla, donde aportáron Candido
y Panglós en una tabla.
|
Quand ils furent revenus un peu à eux, ils
marchèrent vers Lisbonne ; il leur restait quelque argent, avec lequel ils
espéraient se sauver de la faim après avoir échappé à la tempête.
|
Así que se recobráron un poco del susto y el cansancio,
se encamináron á Lisboa. Llevaban algun dinero, con el qual esperaban
librarse del hambre, despues de haberse zafado de la tormenta.
|
À peine ont-ils mis le pied dans la ville en
pleurant la mort de leur bienfaiteur, qu′ils sentent la terre trembler
sous leurs pas ; la mer s′élève en bouillonnant dans le port, et brise les
vaisseaux qui sont à l′ancre. Des tourbillons de flammes et de cendres
couvrent les rues et les places publiques ; les maisons s′écroulent, les
toits sont renversés sur les fondements, et les fondements se dispersent ;
trente mille habitants de tout âge et de tout sexe sont écrasés sous des
ruines, Le matelot disait en sifflant et en jurant : « Il y aura quelque
chose à gagner ici.
|
Apenas pusiéron los piés en la ciudad, lamentándose de
la muerte de su bien-hechor, la mar embatió bramando el puerto, y arrebató
quantos navíos se hallaban en él anclados; se cubriéron calles y plazas de
torbellinos de llamas y cenizas; hundíanse las casas, caían los techos
sobre los cimientos, y los cimientos se dispersaban, y treinta mil
moradores de todas edades y sexôs eran sepultados entre ruinas. El
marinero tarareando y votando decia: Algo ganarémos con esto.
|
-- Quelle peut être la raison suffisante de ce
phénomène ? disait Pangloss.
|
¿Qual puede ser la razon suficiente de este fenómeno?
decia Panglós;
|
-- Voici le dernier jour du monde ! »
|
y Candido exclamaba: Este es el dia del juicio final.
|
s′écriait Candide. Le matelot court incontinent
au milieu des débris, affronte la mort pour trouver de l′argent, en
trouve, s′en empare, s′enivre, et, ayant cuvé son vin, achète les faveurs
de la première fille de bonne volonté qu′il rencontre sur les ruines des
maisons détruites et au milieu des mourants et des morts. Pangloss le
tirait cependant par la manche.
|
El marinero se metió sin detenerse en medio de las
ruinas, arrostrando la muerte por buscar dinero, con el que encontró se
fué á emborrachar; y después de haber dormido la borrachera, compró los
favores de la ramera que topó primero, y que se dió á él entre las ruinas
de los desplomados edificios, y en mitad de los moribundos y los
cadáveres, puesto que Panglós le tiraba de la casaca, diciéndole:
|
« Mon ami, lui disait-il, cela n′est pas bien,
vous manquez à la raison universelle, vous prenez mal votre temps.
|
Amigo, eso no es bien hecho, que es pecar contra la
razon universal, porque ahora no es ocasion de holgarse.
|
-- Tête et sang ! répondit l′autre, je suis
matelot et né à Batavia ; j′ai marché quatre fois sur le crucifix dans
quatre voyages au Japon ; tu as bien trouvé ton homme avec ta raison
universelle ! »
|
Por vida del Padre Eterno, respondió el otro, yo soy
marinero, y nacido en Batavia; quatro veces he pisado el crucifixo en
quatro viages que tengo hechos al Japon. Pues no vienes mal ahora con tu
razon universal.
|
Quelques éclats de pierre avaient blessé Candide
; il était étendu dans la rue et couvert de débris. Il disait à Pangloss :
|
Candido, que la caida de unas piedras habia herido,
tendido en el suelo en mitad de la calle, y cubierto de ruinas, clamaba á
Panglós:
|
« Hélas ! procure-moi un peu de vin et d′huile ;
je me meurs.
|
¡Ay! tráeme un poco de vino y aceyte, que me muero.
|
-- Ce tremblement de terre n′est pas une chose
nouvelle, répondit Pangloss ; la ville de Lima éprouva les mêmes secousses
en Amérique l′année passée ; même causes, même effets : il y a
certainement une traînée de soufre sous terre depuis Lima jusqu′à
Lisbonne.
|
Este temblor de tierra, respondió Panglós, no es cosa
nueva: el mismo azote sufrió Lima años pasados; las mismas causas producen
los mismos efectos; sin duda que hay una veta de azufre subterránea que va
de Lisboa á Lima.
|
-- Rien n′est plus probable, dit Candide ; mais,
pour Dieu, un peu d′huile et de vin.
|
Verosímil cosa es, dixo Candido; pero, por Dios, un poco
de aceyte y vino.
|
-- Comment, probable ? répliqua le philosophe ;
je soutiens que la chose est démontrée. »
|
¿Cómo verosímil? replicó el filósofo, pues yo sustentaré
que está demostrada.
|
Candide perdit connaissance, et Pangloss lui
apporta un peu d′eau d′une fontaine voisine.
|
Candido perdió el sentido, y Panglós le llevó un trago
de agua de una fuente inmediata.
|
Le lendemain, ayant trouvé quelques provisions de
bouche en se glissant à travers des décombres, ils réparèrent un peu leurs
forces. Ensuite, ils travaillèrent comme les autres à soulager les
habitants échappés à la mort. Quelques citoyens secourus par eux leur
donnèrent un aussi bon dîner qu′on le pouvait dans un tel désastre. Il est
vrai que le repas était triste ; les convives arrosaient leur pain de
leurs larmes ; mais Pangloss les consola en les assurant que les choses ne
pouvaient être autrement :
|
Habiendo hallado el siguiente dia algunos manjares
metiéndose por entre los escombros, cobráron algunas fuerzas, y trabajáron
luego, á exemplo de los demas, en alivio de los habitantes que de la
muerte se habian librado. Algunos vecinos que habian socorrido les diéron
la ménos mala comida que en tamaño desastre se podia esperar: verdad es
que fué muy triste el banquete; los convidados bañaban el pan en llantos,
pero Panglós los consolaba sustentando que no podian suceder las cosas de
otra manera;
|
« Car, dit-il, tout ceci est ce qu′il y a de
mieux. Car, s′il y a un volcan à Lisbonne, il ne pouvait être ailleurs.
Car il est impossible que les choses ne soient pas où elles sont. Car tout
est bien. »
|
porque todo esto, decia, es lo mejor que hay; porque si
hay un volcan en Lisboa, no podia estar en otra parte; porque no es
posible que no esten las cosas donde estan; porque todo está bien.
|
Un petit homme noir, familier de l′Inquisition,
lequel était à côté de lui, prit poliment la parole et dit :
|
Un hombrecito vestido de negro, familiar de la
inquisicion, que junto á el estaba sentado, interrumpió muy cortesmente, y
le dixo:
|
« Apparemment que monsieur ne croit pas au péché
originel ; car, si tout est au mieux, il n′y a donc eu ni chute ni
punition.
|
Sín duda, caballero, que no cree vm. en el pecado
original; porque, si todo está perfecto, no ha habido pecado ni castigo.
|
-- Je demande très humblement pardon à Votre
Excellence, répondit Pangloss encore plus poliment, car la chute de
l′homme et la malédiction entraient nécessairement dans le meilleur des
mondes possibles.
|
Perdóneme Vueselencia, le respondió con mas cortesía
Panglós, porque la caida del hombre y su maldicion hacian parte necesaria
del mas excelente de los mundos posibles.
|
-- Monsieur ne croit donc pas à la liberté ? dit
le familier.
|
¿Según eso este caballero no cree que seamos libres?
dixo el familiar.
|
-- Votre Excellence m′excusera, dit Pangloss ; la
liberté peut subsister avec la nécessité absolue ; car il était nécessaire
que nous fussions libres ; car enfin la volonté déterminée... »
|
Otra vez ha de perdonar Vueselencia, replicó Panglós,
porque puede subsistir la libertad con la necesidad absoluta; porque era
necesario que fuéramos libres; porque finalmente la voluntad
determinada....
|
Pangloss était au milieu de sa phrase, quand le
familier fit un signe de tête à son estafier qui lui servait à boire du
vin de Porto, ou d′Oporto.
|
En medio de la frase estaba Panglós, quando hizo el
familiar una seña á su secretario que le escanciaba vino de Porto ó de
Oporto.
|
CHAPITRE SIXIÈME
|
CAPITULO VI.
|
COMMENT ON FIT UN BEL AUTO-DA-FÉ POUR EMPÊCHER
LES TREMBLEMENTS DE TERRE, ET COMMENT CANDIDE FUT FESSÉ
|
_Del magnífico auto de fe que se hizo para que cesara el
terremoto, y de los doscientos azotes que pegáron á Candido._
|
Après le tremblement de terre qui avait détruit
les trois quarts de Lisbonne, les sages du pays n′avaient pas trouvé un
moyen plus efficace pour prévenir une ruine totale que de donner au peuple
un bel auto-da-fé ; il était décidé par l′université de Coïmbre que le
spectacle de quelques personnes brûlées à petit feu, en grande cérémonie,
est un secret infaillible pour empêcher la terre de trembler.
|
Pasado el terremoto que habia destruido las tres quartas
partes de Lisboa, el mas eficaz medio que ocurrió á los sabios del pais
para precaver una total ruina, fue la fiesta de un soberbio auto de fe,
habiendo decidido la universidad de Coïmbra que el espectáculo de unas
quantas personas quemadas á fuego lento con toda solemnidad es infalible
secreto para impedir los temblores de tierra.
|
On avait en conséquence saisi un Biscayen
convaincu d′avoir épousé sa commère, et deux Portugais qui en mangeant un
poulet en avaient arraché le lard : on vint lier après le dîner le docteur
Pangloss et son disciple Candide, l′un pour avoir parlé, et l′autre pour
avoir écouté avec un air d′approbation : tous deux furent menés séparément
dans des appartements d′une extrême fraîcheur, dans lesquels on n′était
jamais incommodé du soleil ; huit jours après ils furent tous deux revêtus
d′un san-benito, et on orna leurs têtes de mitres de papier : la mitre et
le san-benito de Candide étaient peints de flammes renversées et de
diables qui n′avaient ni queues ni griffes ; mais les diables de Pangloss
portaient griffes et queues, et les flammes étaient droites. Ils
marchèrent en procession ainsi vêtus, et entendirent un sermon très
pathétique, suivi d′une belle musique en faux-bourdon. Candide fut fessé
en cadence, pendant qu′on chantait ; le Biscayen et les deux hommes qui
n′avaient point voulu manger de lard furent brûlés, et Pangloss fut pendu,
quoique ce ne soit pas la coutume. Le même jour la terre trembla de
nouveau avec un fracas épouvantable.
|
Habian sido presos por tanto un Vizcayno que estaba
convicto de haberse casado con su comadre, y dos Portugueses que se habían
comido un pollo un viernes, y la olla sin tocino un sábado; y despues de
comer se lleváron atados al doctor Panglós y su discípulo Candido, al uno
por lo que habia dicho, y al otro por haberle escuchado con ademan de
aprobar lo que decia. Pusiéronlos separados en unos aposentos muy frescos,
donde nunca incomodaba el sol, y de allí á ocho dias los vistiéron de un
san-benito, y les engalanáron la cabeza con unas mitras de papel: la
coroza y el san-benito de Candido llevaban llamas boca abaxo, y diablos
sin garras ni rabo; pero los diablos de Panglós tenian rabo y garras, y
las llamas ardian hácia arriba. Así vestidos saliéron en procesion, y
oyéron un sermon muy tierno, al qual se siguió una bellísima música en
fabordon. A Candido, miéntras duró el canto, le pegáron doscientos azotes
á compas; al Vizcayno y á los dos que habian comido la olla sin tocino los
quemáron, y Panglós fué ahorcado, aunque no era estilo. Aquel mismo día,
tembló la tierra con un furor espantable.
|
Candide, épouvanté, interdit, éperdu, tout
sanglant, tout palpitant, se disait à lui-même :
|
Candido atónito, desatentado, confuso, ensangrentado y
palpitante, decia entre sí:
|
« Si c′est ici le meilleur des mondes possibles,
que sont donc les autres ? Passe encore si je n′étais que fessé, je l′ai
été chez les Bulgares. Mais, ô mon cher Pangloss ! le plus grand des
philosophes, faut-il vous avoir vu pendre sans que je sache pourquoi ! Ô
mon cher anabaptiste, le meilleur des hommes, faut-il que vous ayez été
noyé dans le port ! Ô Mlle Cunégonde ! la perle des filles, faut-il qu′on
vous ait fendu le ventre ! »
|
¿Si este es el mejor de los mundos posibles, cómo serán
los otros? Vaya con Dios, si no hubieran hecho mas que espolvorearme las
espaldas, que ya los Bulgaros me habian hecho el mismo agasajo. Pero tú,
caro Panglós, el mayor de los filósofos, ¿porqué te he visto ahorcar, sin
saber por qué? O mi amado anabautista, tu que eras el mejor de los
hombres, ¿porqué te has ahogado en el puerto? Y tú, baronesita Cunegunda,
perla de las niñas, ¿porqué te han sacado el redaño?
|
Il s′en retournait, se soutenant à peine, prêché,
fessé, absous et béni, lorsqu′une vieille l′aborda et lui dit :
|
Volvíase diciendo esto á su casa, sin poderse tener en
pié, predicado, azotado, absuelto, y bendito, quando se le acercó una
vieja que le dixo:
|
« Mon fils, prenez courage, suivez-moi. »
|
Hijo mió, ten buen ánimo, y sígueme.
|
CHAPITRE SEPTIÈME
|
CAPITULO VII.
|
COMMENT UNE VIEILLE PRIT SOIN DE CANDIDE, ET
COMMENT IL RETROUVA CE QU′IL AIMAIT
|
_Que cuenta como una vieja remedió las cuitas de
Candido, y como topó este con su dama._
|
Candide ne prit point courage, mais il suivit la
vieille dans une masure ; elle lui donna un pot de pommade pour se
frotter, lui laissa à manger et à boire ; elle lui montra un petit lit
assez propre ; il y avait auprès du lit un habit complet.
|
No cobró ánimo Candido, pero siguió á la vieja á una
ruin casucha, donde le dió su conductora un bote de pomada para untarse, y
le dexó de comer y de beber; luego le enseñó una camita muy aseada, y al
lado de la cama un vestido completo:
|
« Mangez, buvez, dormez, lui dit- elle, et que
Notre-Dame d′Atocha, Mgr saint Antoine de Padoue et Mgr saint Jacques de
Compostelle prennent soin de vous : je reviendrai demain. »
|
Come, hijo, bebe y duerme, le dixo, y Nuestra Señora de
Atocha, el señor San Antonio de Padua, y el señor Santiago de Compostela
se queden contigo: mañana volveré.
|
Candide, toujours étonné de tout ce qu′il avait
vu, de tout ce qu′il avait souffert, et encore plus de la charité de la
vieille, voulut lui baiser la main.
|
Confuso Candido con todo quanto habia visto, y quanto
habia padecido, y inas todavía con la caridad de la vieja, le quiso besar
la mano.
|
« Ce n′est pas ma main qu′il faut baiser, dit la
vieille ; je reviendrai demain. Frottez-vous de pommade, mangez et dormez.
»
|
No es mi mano la que has de besar, le dixo la vieja;
mañana volveré. Untate con la pomada, come y duerme.
|
Candide, malgré tant de malheurs, mangea et
dormit. Le lendemain la vieille lui apporte à déjeuner, visite son dos, le
frotte elle-même d′une autre pommade ; elle lui apporte ensuite à dîner ;
elle revient sur le soir, et apporte à souper. Le surlendemain elle fit
encore les mêmes cérémonies.
|
No obstante sus muchas desventuras, comió y durmió
Candido. Al otro dia le trae la vieja de almorzar, le visita las espaldas,
se las estriega con otra pomada, y luego le trae de comer: á la noche
vuelve, y le trae que cenar. El tercer dia fué la misma ceremonia.
|
« Qui êtes-vous ? lui disait toujours Candide ;
qui vous a inspiré tant de bonté ? quelles grâces puis-je vous rendre ? »
|
¿Quién es vm.? le decia Candido; ¿quién le ha inspirado
tanta bondad? ¿cómo puedo darle dignas gracias?
|
La bonne femme ne répondait jamais rien ; elle
revint sur le soir et n′apporta point à souper.
|
La buena señora nunca respondia palabra, pero volvió
aquella noche, y no traxo que cenar.
|
« Venez avec moi, dit-elle, et ne dites mot. »
|
Ven conmigo, le dixo, y no chistes;
|
Elle le prend sous le bras, et marche avec lui
dans la campagne environ un quart de mille : ils arrivent à une maison
isolée, entourée de jardins et de canaux. La vieille frappe à une petite
porte. On ouvre ; elle mène Candide, par un escalier dérobé, dans un
cabinet doré, le laisse sur un canapé de brocart, referme la porte, et
s′en va. Candide croyait rêver, et regardait toute sa vie comme un songe
funeste, et le moment présent comme un songe agréable.
|
y diciendo esto agarró á Candido del brazo, y echó á
andar con el por el campo. A cosa de medio quarto de legua que hubiéron
andado, llegáron á una casa sola, cercada de canales y jardines. Llama la
vieja á un postigo: abren, y lleva á Candido por una escalera secreta á un
gabinete dorado, donde le dexa sobre un canapé de terciopelo, cierra la
puerta, y se marcha. A Candido se le figuraba que soñaba, teniendo su vida
entera por un sueño funesto, y el momento actual por un sueño delicioso.
|
La vieille reparut bientôt ; elle soutenait avec
peine une femme tremblante, d′une taille majestueuse, brillante de
pierreries et couverte d′un voile.
|
Presto volvió la vieja, sustentando con dificultad del
brazo á una muger que venia toda trémula, de magestuosa estatura, cubierta
de piedras preciosas, y tapada con un velo.
|
« Ôtez ce voile », dit la vieille à Candide.
|
Alza ese velo, dixo á Candido la vieja.
|
Le jeune homme approche ; il lève le voile d′une
main timide. Quel moment ! quelle surprise ! il croit voir Mlle Cunégonde
; il la voyait en effet, c′était elle-même. La force lui manque, il ne
peut proférer une parole, il tombe à ses pieds. Cunégonde tombe sur le
canapé. La vieille les accable d′eaux spiritueuses ; ils reprennent leurs
sens, ils se parlent : ce sont d′abord des mots entrecoupés, des demandes
et des réponses qui se croisent, des soupirs, des larmes, des cris. La
vieille leur recommande de faire moins de bruit, et les laisse en liberté.
|
Arrímase el mozo, y alza con mano tímida el velo. ¡Qué
instante! ¡qué pasmo! cree que está viendo á su baronesita, á su
Cunegunda; y así era la verdad, porque era ella propia. Fáltale el
aliento, no puede articular palabra, y cae desmayado á sus plantas.
Cunegunda se cae sobre el canapé: la vieja los inunda en aguas de olor;
vuelven en sí, se hablan; primero en voces interrumpidas, en preguntas y
respuestas que no se dan vado unas á otras, en suspiros, lágrimas y
gritos. La vieja, recomendándoles que metan ménos bulla, los dexa libres.
|
« Quoi ! c′est vous, lui dit Candide, vous vivez
! Je vous retrouve en Portugal ! On ne vous a donc pas violée ? On ne vous
a point fendu le ventre, comme le philosophe Pangloss me l′avait assuré ?
|
¡Con que es vm., dice Candido! ¡con que la veo en
Portugal, y no ha sido violada, y no le han pasado de parte á parte las
entrañas, como me habia dicho el filósofo Panglós!
|
-- Si fait, dit la belle Cunégonde ; mais on ne
meurt pas toujours de ces deux accidents.
|
Sí tal, replicó la hermosa Cunegunda, pero no siempre
son mortales esos accidentes.
|
-- Mais votre père et votre mère ont-ils été tués
? -- Il n′est que trop vrai, dit Cunégonde en pleurant.
|
--¿Y han sido muertos el padre y la madre de vm.?
—Por mi desgracia, sí, respondió llorando Cunegunda.
|
-- Et votre frère ?
|
--¿Y su hermano?
|
-- Mon frère a été tué aussi.
|
--Mi hermano también.
|
-- Et pourquoi êtes-vous en Portugal ? et comment
avez-vous su que j′y étais ? et par quelle étrange aventure m′avez-vous
fait conduire dans cette maison ?
|
--¿Pues porqué está vm. en Portugal? ¿cómo ha sabido que
también yo lo estaba? ¿porqué raro acaso me ha hecho venir á esta csa?
|
-- Je vous dirai tout cela, répliqua la dame ;
mais il faut auparavant que vous m′appreniez tout ce qui vous est arrivé
depuis le baiser innocent que vous me donnâtes et les coups de pied que
vous reçûtes. »
|
Todo lo diré, replicó la dama; pero antes es forzoso que
me diga vm. quantos sucesos le han pasado desde el inocente beso que me
dió, y las patadas con que se le hiciéron pagar.
|
Candide lui obéit avec un profond respect ; et
quoiqu′il fût interdit, quoique sa voix fût faible et tremblante, quoique
l′échine lui fît encore un peu mal, il lui raconta de la manière la plus
naïve tout ce qu′il avait éprouvé depuis le moment de leur séparation.
Cunégonde levait les yeux au ciel ; elle donna des larmes à la mort du bon
anabaptiste et de Pangloss ; après quoi elle parla en ces termes à
Candide, qui ne perdait pas une parole, et qui la dévorait des yeux. VIII
|
Obedeció Candido con profundo respeto; y puesto que
estaba confuso, que tenia trémula y flaca la voz, y que aun le dolia no
poco el espinazo, contó con la mayor ingenuidad quanto desde el punto de
su separacion habia padecido. Alzaba Cunegunda los ojos al cielo, y vertió
tiernas lágrimas por la muerte del buen anabautista y de Panglós; habló
despues como sigue á Candido, el qual no perdió una palabra, y se la comia
con los ojos.
|
CHAPITRE HUITIÈME
|
CAPITULO VIII.
|
HISTOIRE DE CUNÉGONDE
|
_Historia de Cunegunda._
|
« J′étais dans mon lit et je dormais
profondément, quand il plut au ciel d′envoyer les Bulgares dans notre beau
château de Thunder-ten-tronckh ; ils égorgèrent mon père et mon frère, et
coupèrent ma mère par morceaux. Un grand Bulgare, haut de six pieds,
voyant qu′à ce spectacle j′avais perdu connaissance, se mit à me violer ;
cela me fit revenir, je repris mes sens, je criai, je me débattis, je
mordis, j′égratignai, je voulais arracher les yeux à ce grand Bulgare, ne
sachant pas que tout ce qui arrivait dans le château de mon père était une
chose d′usage : le brutal me donna un coup de couteau dans le flanc gauche
dont je porte encore la marque.
|
Durmiendo á pierna suelta estaba en mi cama, quando
plugo al cielo que entraran los Bulgaros en nuestra soberbia quinta de
Tunder-ten-tronck, y degollaran á mi padre y á mi hermano, é hiciesen
tajadas á mi madre. Un pazguato de Bulgaro de dos varas y tercia, viendo
que habia yo perdido los sentidos con esta escena, se puso á violarme; con
lo qual volví en mí, y empecé á morder, á arañar, y á querer sacar los
ojos al Bulgarote, no sabiendo que era cosa de estilo quanto en la quinta
de mi padre estaba pasando; pero me dió el belitre una cuchillada junto á
la teta izquierda, que todavía me queda la señal.
|
-- Hélas ! j′espère bien la voir, dit le naïf
Candide.
|
Ha, espero que me la enseñará vm., dixo el ingenuo
Candido.
|
-- Vous la verrez, dit Cunégonde ; mais
continuons.
|
Ya la verá vm., dixo Cunegunda, pero sigamos el cuento.
|
-- Continuez », dit Candide.
|
Siga vm., replicó Candido.
|
Elle reprit ainsi le fil de son histoire :
|
Añudó pues así el hilo de su historia Cunegunda:
|
« Un capitaine bulgare entra, il me vit toute
sanglante, et le soldat ne se dérangeait pas. Le capitaine se mit en
colère du peu de respect que lui témoignait ce brutal, et le tua sur mon
corps. Ensuite il me fit panser, et m′emmena prisonnière de guerre dans
son quartier. Je blanchissais le peu de chemises qu′il avait, je faisais
sa cuisine ; il me trouvait fort jolie, il faut l′avouer ; et je ne nierai
pas qu′il ne fût très bien fait, et qu′il n′eût la peau blanche et douce ;
d′ailleurs peu d′esprit, peu de philosophie : on voyait bien qu′il n′avait
pas été élevé par le docteur Pangloss. Au bout de trois mois, ayant perdu
tout son argent et s′étant dégoûté de moi, il me vendit à un Juif nommé
don Issacar, qui trafiquait en Hollande et en Portugal, et qui aimait
passionnément les femmes. Ce Juif s′attacha beaucoup à ma personne, mais
il ne pouvait en triompher ; je lui ai mieux résisté qu′au soldat bulgare.
Une personne d′honneur peut être violée une fois, mais sa vertu s′en
affermit. Le Juif, pour m′apprivoiser, me mena dans cette maison de
campagne que vous voyez. J′avais cru jusque-là qu′il n′y avait rien sur la
terre de si beau que le château de Thunder-ten-tronckh ; j′ai été
détrompée.
|
Entró un capitan bulgaro, que me vió llena de sangre,
debaxo del soldado que no se incomodaba; y enojado del poco respeto que le
tenia el malandrin, le mató encima de mí: hízome luego poner en cura, y me
llevó prisionera de guerra á su guarnicion. Allí lavaba las pocas camisas
que el tenia, y le guisaba la comida; el decia que era yo muy bonita, y
tambien he de confesar que era muy lindo mozo, y que tenia la carne suave
y blanca, pero poco entendimiento, y ménos filosofía: y á tiro de ballesta
se echaba de ver que no le habia educado el doctor Panglós. A cabo de tres
meses perdió todo quanto dinero tenia, y no curándose mas de mí, me vendió
á un Judío llamado Don Isacar, que tenia casa de comercio en Holanda y en
Portugal, y se perdia por mugeres. Prendóse mucho de mi el tal Judío, pero
nada pudo conseguir, que me he resistido á el mas bien que al soldado
bulgaro; porque una honrada muger bien puede ser violada una vez, pero con
ese mismo contratiempo se fortalece su virtud. El Judío para domesticarme
me ha traído á la casa de campo que vm. ve. Hasta ahora habia creido que
no habia en la tierra mansion mas hermosa que la granja de
Tunder-ten-tronck, pero ya estoy desengañada de mi error.
|
« Le grand inquisiteur m′aperçut un jour à la
messe, il me lorgna beaucoup, et me fit dire qu′il avait à me parler pour
des affaires secrètes. Je fus conduite à son palais ; je lui appris ma
naissance ; il me représenta combien il était au-dessous de mon rang
d′appartenir à un Israélite. On proposa de sa part à don Issacar de me
céder à monseigneur. Don Issacar, qui est le banquier de la cour et homme
de crédit, n′en voulut rien faire. L′inquisiteur le menaça d′un
auto-da-fé. Enfin mon Juif, intimidé, conclut un marché, par lequel la
maison et moi leur appartiendraient à tous deux en commun : que le Juif
aurait pour lui les lundis, mercredis et le jour du sabbat, et que
l′inquisiteur aurait les autres jours de la semaine. Il y a six mois que
cette convention subsiste. Ce n′a pas été sans querelles ; car souvent il
a été indécis si la nuit du samedi au dimanche appartenait à l′ancienne
loi ou à la nouvelle. Pour moi, j′ai résisté jusqu′à présent à toutes les
deux, et je crois que c′est pour cette raison que j′ai toujours été aimée.
|
El inquisidor general me vió un dia en misa, no me quitó
los ojos de encima, y me mandó á decir que me tenia que hablar de un
asunto secreto. Lleváronme á su palacio, y yo le dixe quien eran mis
padres. Representóme entónces quanto desdecia de mi nobleza el pertenecer
á un israelita. Su Ilustrísima propuso á Don Isacar que le hiciera cesión
de mí; y este, que es banquero de palacio y hombre de mucho poder, nunca
tal quiso consentir. El inquisidor le amenazó con un auto de fe. Al fin
atemorizado mi Judío hizo un ajuste en virtud del qual la casa y yo habian
de ser de ámbos de mancomun; el Judío se reservó los lúnes, los miércoles
y los sábados, y el inquisidor los demas dias de la semana. Seis meses ha
que subsiste este convenio, aunque no sin freqüentes contiendas, porque
muchas veces han disputado sobre si la noche de sábado á domingo
pertenecia á la ley antigua, ó á la ley de gracia. Yo empero á entrámbas
leyes me lie resistido hasta ahora, y por este motivo pienso que me
quieren tanto.
|
« Enfin, pour détourner le fléau des tremblements
de terre, et pour intimider don Issacar, il plut à monseigneur
l′inquisiteur de célébrer un auto-da-fé. Il me fit l′honneur de m′y
inviter. Je fus très bien placée ; on servit aux dames des
rafraîchissements entre la messe et l′exécution. Je fus, à la vérité,
saisie d′horreur en voyant brûler ces deux Juifs et cet honnête Biscayen
qui avait épousé sa commère ; mais quelle fut ma surprise, mon effroi, mon
trouble, quand je vis, dans un san-benito et sous une mitre, une figure
qui ressemblait à celle de Pangloss ! Je me frottai les yeux, je regardai
attentivement, je le vis pendre ; je tombai en faiblesse. À peine
reprenais-je mes sens que je vous vis dépouillé tout nu : ce fut là le
comble de l′horreur, de la consternation, de la douleur, du désespoir. Je
vous dirai, avec vérité, que votre peau est encore plus blanche et d′un
incarnat plus parfait que celle de mon capitaine des Bulgares. Cette vue
redoubla tous les sentiments qui m′accablaient, qui me dévoraient. Je
m′écriai, je voulus dire : " Arrêtez, barbares ! " mais la voix me manqua,
et mes cris auraient été inutiles. Quand vous eûtes été bien fessé :
|
Finalmente, por conjurar la plaga de los terremotos, y
por poner miedo á Don Isacar, le plugo al Ilustrísimo señor inquisidor
celebrar un auto de fe. Honróme convidándome á la fiesta; me diéron uno de
los mejores asientos, y se sirviéron refrescos á las señoras en el
intervalo de la misa y el suplicio de los ajusticiados. Confieso que
estaba sobrecogida de horror de ver quemar á los dos Judíos, y al honrado
Vizcayno casado con su comadre; pero ¡qué asombro, qué confusión y qué
susto fué el mio quando vi con un sambenito y una coroza una cara parecida
á la de Panglós! Estreguéme los ojos, miré con atencion, le vi ahorcar, y
me tomó un desmayo. Apénas habia vuelto en mí, quando le vi á vm. desnudo
de medio cuerpo: allí fué el cúmulo de mi horror, mi consternacion, mi
desconsuelo, y mi desesperacion. Digo de verdad que la cútis de vm. es mas
blanca y mas encarnada que la de mi capitan de Bulgaros; y esta vista
aumentó todos los afectos que abrumada y consumida me tenian. A dar gritos
iba, yá decir: deteneos, inhumanos; pero me faltó la voz, y habrian sido
en balde mis gritos. Quando os hubiéron azotado á su sabor, decia yo entre
mí:
|
« Comment se peut-il faire, disais-je, que
l′aimable Candide et le sage Pangloss se trouvent à Lisbonne, l′un pour
recevoir cent coups de fouet, et l′autre pour être pendu par l′ordre de
monseigneur l′inquisiteur dont je suis la bien-aimée ? Pangloss m′a donc
bien cruellement trompée quand il me disait que tout va le mieux du monde.
»
|
¿Cómo es posible que se encuentren en Lisboa el amable
Candido y el sabio Panglós; uno para llevar doscientos azotes, y otro para
ser ahorcado por órden del ilustrísimo Señor inquisidor que tanto me ama?
¡Qué cruelmente me engañaba Panglós, quando me decia que todo era
perfectísimo!
|
« Agitée, éperdue, tantôt hors de moi-même, et
tantôt prête de mourir de faiblesse, j′avais la tête remplie du massacre
de mon père, de ma mère, de mon frère, de l′insolence de mon vilain soldat
bulgare, du coup de couteau qu′il me donna, de ma servitude, de mon métier
de cuisinière, de mon capitaine bulgare, de mon vilain don Issacar, de mon
abominable inquisiteur, de la pendaison du docteur Pangloss, de ce grand
miserere en faux-bourdon pendant lequel on vous fessait, et surtout du
baiser que je vous avais donné derrière un paravent, le jour que je vous
avais vu pour la dernière fois. Je louai Dieu qui vous ramenait à moi par
tant d′épreuves. Je recommandai à ma vieille d′avoir soin de vous, et de
vous amener ici dès qu′elle le pourrait. Elle a très bien exécuté ma
commission ; j′ai goûté le plaisir inexprimable de vous revoir, de vous
entendre, de vous parler. Vous devez avoir une faim dévorante ; j′ai grand
appétit ; commençons par souper. »
|
Agitada, desatentada, fuera de mi unas veces, y
muriéndome otras de pesar, tenia preocupada la imaginacion con la muerte
de mi padre, mi madre y mi hermano, con la insolencia de aquel soez
soldado bulgaro, con la cuchillada que me dió, con mi oficio de lavandera
y cocinera, con mi capitan bulgaro, con mi sucio Don Isacar, con mi
abominable inquisidor, con la horca del doctor Panglós, con aquel gran
miserere en fabordon durante el qual le diéron á vm. doscientos azotes, y
mas que todo con el beso que dí á vm. detras del biombo la última vez que
nos vimos. Dí gracias á Dios que nos volvia á reunir por medio de tantas
pruebas, y encargué á mi vieja que cuidase de vm., y me le traxese luego
que fuese posible. Ha desempeñado muy bien mi encargo, y he disfrutado el
imponderable gusto de volver á ver á vm., de oírle, y de hablarle. Sin
duda que debe tener una hambre canina, yo tambien, tengo buenas ganas, con
que cenemos ántes de otra cosa.
|
Les voilà qui se mettent tous deux à table ; et
après le souper, ils se replacent sur ce beau canapé dont on a déjà parlé
; ils y étaient quand le signor don Issacar, l′un des maîtres de la
maison, arriva. C′était le jour du sabbat. Il venait jouir de ses droits,
et expliquer son tendre amour.
|
Sentáronse pues ámbos á la mesa, y despues de cenar se
volviéron al hermoso canapé de que ya he hablado. Sobre el estaban, quando
llegó el señor Don Isacar, uno de los dos amos de casa; que era sábado, y
venia á gozar sus derechos, y explicar su rendido amor.
|
CHAPITRE NEUVIÈME
|
|
CE QUI ADVINT DE CUNÉGONDE, DE CANDIDE, DU GRAND
INQUISITEUR ET D′UN JUIF
|
_Prosiguen los sucesos de Cunegunda, Candido, el
Inquisidor general, y el Judío._
|
Cet Issacar était le plus colérique Hébreu qu′on
eût vu dans Israël depuis la captivité en Babylone.
|
Era el tal Isacar el hebreo mas vinagre que desde la
cautividad de Babilonia se habia visto en Israel.
|
« Quoi ! dit-il, chienne de Galiléenne, ce n′est
pas assez de monsieur l′inquisiteur ? Il faut que ce coquin partage aussi
avec moi ? »
|
¿Qué es esto, dixo, perra Galilea? ¿con que no te basta
con el señor inquisidor, que tambien ese chulo entra á la parte conmigo?
|
En disant cela il tire un long poignard dont il
était toujours pourvu, et ne croyant pas que son adverse partie eût des
armes, il se jette sur Candide ; mais notre bon Westphalien avait reçu une
belle épée de la vieille avec l′habit complet. Il tire son épée, quoiqu′il
eût les moeurs fort douces, et vous étend l′Israélite roide mort sur le
carreau, aux pieds de la belle Cunégonde.
|
Al decir esto saca un puñal buido que siempre llevaba en
el cinto, y creyendo que su contrario no traía armas, se tira á él. Pero
la vieja habia dado á nuestro buen Vesfaliano una espada con el vestido
completo que hemos dicho: desenvaynóla Candido, y derribó en el suelo al
Israelita muerto, puesto que fuese de la mas mansa índole.
|
« Sainte Vierge ! s′écria-t-elle, qu′allons-nous
devenir ? Un homme tué chez moi ! si la justice vient, nous sommes perdus.
|
¡Virgen Santísima! exclamó la hermosa Cunegunda; ¿qué
será de nosotros? ¡Un hombre muerto en mi casa! Si viene la justicia, soy
perdida.
|
-- Si Pangloss n′avait pas été pendu, dit
Candide, il nous donnerait un bon conseil dans cette extrémité, car
c′était un grand philosophe. À son défaut consultons la vieille. »
|
Si no hubieran ahorcado á Panglós, dixo Candido, el nos
daria consejo en este apuro, porque era eminente filósofo; pero pues el
nos falta, consultemos con la vieja.
|
Elle était fort prudente, et commençait à dire
son avis, quand une autre petite porte s′ouvrit. Il était une heure après
minuit, c′était le commencement du dimanche. Ce jour appartenait à
monseigneur l′inquisiteur. Il entre et voit le fessé Candide l′épée à la
main, un mort étendu par terre, Cunégonde effarée, et la vieille donnant
des conseils.
|
Era esta muy discreta, y empezaba á decir su parecer,
quando abriéron otra puertecilla. Era la una de la noche; habia ya
principiado el domingo, dia que pertenecia al señor inquisidor. Al entrar
este ve al azotado Candido con la espada en la mano, un muerto en el
suelo, Cunegunda asustada, y la vieja dando consejos.
|
Voici dans ce moment ce qui se passa dans l′âme
de Candide, et comment il raisonna :
|
En este instante le ocurriéron á Candido las siguientes
ideas, y discurrió así:
|
« Si ce saint homme appelle du secours, il me
fera infailliblement brûler ; il pourra en faire autant de Cunégonde ; il
m′a fait fouetter impitoyablement ; il est mon rival ; je suis en train de
tuer, il n′y a pas à balancer. »
|
Si pide auxîlio este varon santo, infaliblemente me hará
quemar, y otro tanto podrá hacer á Cunegunda; me ha hecho azotar sin
misericordia, es mi contrincante, y yo estoy de vena de matar; pues no hay
que detenerse.
|
Ce raisonnement fut net et rapide, et sans donner
le temps à l′inquisiteur de revenir de sa surprise, il le perce d′outre en
outre, et le jette à côté du Juif.
|
Fué este discurso tan bien hilado como pronto; y sin dar
tiempo á que se recobrase el inquisidor del primer susto, le pasó de parte
á parte de una estocada, y le dexó tendido cabe el Judío.
|
« En voici bien d′une autre, dit Cunégonde ; il
n′y a plus de rémission ; nous sommes excommuniés, notre dernière heure
est venue. Comment avez-vous fait, vous qui êtes né si doux, pour tuer en
deux minutes un Juif et un prélat ?
|
Buena la tenemos, dixo Cunegunda: ya no hay remision;
estamos excomulgados, y es llegada nuestra última hora. ¿Cómo ha hecho
vm., siendo de tan suave condicion, para matar en dos minutos á un prelado
y á un Judío?
|
-- Ma belle demoiselle, répondit Candide, quand
on est amoureux, jaloux et fouetté par l′Inquisition, on ne se connaît
plus. »
|
Hermosa señorita, respondió, quando uno está enamorado,
zeloso, y azotado por la inquisicion, no sabe lo que se hace.
|
La vieille prit alors la parole et dit :
|
Rompió entónces la vieja el silencio, y dixo:
|
« Il y a trois chevaux andalous dans l′écurie,
avec leurs selles et leurs brides : que le brave Candide les prépare ;
madame a des moyadors et des diamants : montons vite à cheval, quoique je
ne puisse me tenir que sur une fesse, et allons à Cadix ; il fait le plus
beau temps du monde, et c′est un grand plaisir de voyager pendant la
fraîcheur de la nuit. »
|
En la caballeriza hay tres caballos andaluces con sus
sillas y frenos; ensíllelos el esforzado Candido; esta señora tiene
moyadores y diamantes; montemos á caballo, y vamos á Cadiz, puesto que yo
no me puedo sentar mas que sobre una nalga. El tiempo está hermosísimo, y
da contento caminar con el fresco de la noche.
|
Aussitôt Candide selle les trois chevaux.
Cunégonde, la vieille et lui font trente milles d′une traite. Pendant
qu′ils s′éloignaient, la Sainte-Hermandad arrive dans la maison ; on
enterre monseigneur dans une belle église, et on jette Issacar à la
voirie.
|
Ensilló volando Candido los tres caballos, y Cunegunda,
él, y la vieja anduviéron diez y seis leguas sin parar. Miéntras que iban
andando, vino á la casa de Cunegunda la santa hermandad, enterráron á Su
Ilustrísima en una suntuosa iglesia, y á Isacar le tiráron á un muladar.
|
Candide, Cunégonde et la vieille étaient déjà
dans la petite ville d′Avacéna, au milieu des montagnes de la
Sierra-Morena ; et ils parlaient ainsi dans un cabaret.X
|
Ya estaban Candido, Cunegunda y la vieja en la villa de
Aracena, en mitad de los montes de Sierra-Morena, y decian lo que sigue en
un meson.
|
CHAPITRE DIXIÈME
|
CAPITULO X.
|
DANS QUELLE DÉTRESSE CANDIDE, CUNÉGONDE ET LA
VIEILLE ET DE LEUR EMBARQUEMENT
|
_De la triste situacion en que, se viéron Candido,
Cunegunda y la vieja; de su arribo á Cadiz, y como se embarcáron para
América._
|
« Qui a donc pu me voler mes pistoles et mes
diamants ? disait en pleurant Cunégonde ; de quoi vivrons-nous ? comment
ferons-nous ? où trouver des inquisiteurs et des Juifs qui m′en donnent
d′autres ?
|
¿Quién me habrá robado mis doblones y mis diamantes?
decia llorando Cunegunda; ¿cómo hemos de vivir? ¿qué hemos de hacer?
¿donde he de hallar inquisidores y Judíos que me den otros?
|
-- Hélas ! dit la vieille, je soupçonne fort un
révérend père cordelier qui coucha hier dans la même auberge que nous à
Badajoz ; Dieu me garde de faire un jugement téméraire ! mais il entra
deux fois dans notre chambre, et il partit longtemps avant nous.
|
¡Ay! dixo la vieja, mucho me sospecho de un reverendo
padre Franciscano que ayer durmió en Badajoz en nuestra posada. Líbreme
Dios de hacer juicios temerarios; pero él dos veces entró en nuestro
quarto, y se fué mucho ántes que nosotros.
|
-- Hélas ! dit Candide, le bon Pangloss m′avait
souvent prouvé que les biens de la terre sont communs à tous les hommes,
que chacun y a un droit égal. Ce cordelier devait bien, suivant ces
principes, nous laisser de quoi achever notre voyage. Il ne vous reste
donc rien du tout, ma belle Cunégonde
|
Ha, dixo Candido, muchas veces me ha probado el buen
Panglós que los bienes de la tierra son comunes de todos, y cada uno tiene
igual derecho á su posesion. Conforme á estos principios, nos habia de
haber dexado el padre para acabar nuestro camino. ¿Con que no te queda
nada, hermosa Cunegunda?
|
-- Pas un maravédis, dit-elle.
|
Ni un maravedí, respondió esta.
|
-- Quel parti prendre ? dit Candide.
|
¿Y qué nos harémos? exclamó Candido.
|
-- Vendons un des chevaux, dit la vieille ; je
monterai en croupe derrière mademoiselle, quoique je ne puisse me tenir
que sur une fesse, et nous arriverons à Cadix. »
|
Vendamos uno de los caballos, dixo la vieja; yo montaré
á las ancas de el de la señorita, puesto que no me puedo sentar mas que
sobre una nalga, y así llegarémos á Cadiz.
|
Il y avait dans la même hôtellerie un prieur de
bénédictins ; il acheta le cheval bon marché. Candide, Cunégonde et la
vieille passèrent par Lucena, par Chillas, par Lebrixa, et arrivèrent
enfin à Cadix. On y équipait une flotte, et on y assemblait des troupes
pour mettre à la raison les révérends pères jésuites du Paraguay, qu′on
accusait d′avoir fait révolter une de leurs hordes contre les rois
d′Espagne et de Portugal, auprès de la ville du Saint- Sacrement. Candide,
ayant servi chez les Bulgares, fit l′exercice bulgarien devant le général
de la petite armée avec tant de grâce, de célérité, d′adresse, de fierté,
d′agilité, qu′on lui donna une compagnie d′infanterie à commander. Le
voilà capitaine ; il s′embarque avec Mlle Cunégonde, la vieille, deux
valets et les deux chevaux andalous qui avaient appartenu à M. le grand
inquisiteur de Portugal.
|
En el mismo meson habia un prior de Benitos, que compró
barato el caballo. Candido, Cunegunda y la vieja atravesáron á Lucena, á
Cilla, y á Lebrixa, y llegaron en fin á Cadiz, donde estaban armando una
esquadra para poner en razon á los reverendos padres jesuitas del
Paraguay, que habian excitado á uno de sus aduares de Indios contra los
reyes de España y Portugal, cerca de la colonia del Sacramento. Candido,
que habia servido en la tropa bulgara, hizo á presencia del general de
aquel pequeño exército el exercicio á la bulgara con tanto donayre,
ligereza, maña, agilidad y desembarazo, que le dió este el mando de una
compañía de infantería. Hétele pues capitan; con esta graduacion se
embarcó en compañía de su Cunegunda, de la vieja, de dos criados, y de los
dos caballos andaluces que habian sido del señor inquisidor general de
Portugal.
|
Pendant toute la traversée ils raisonnèrent
beaucoup sur la philosophie du pauvre Pangloss.
|
En la travesía discurriéron largamente cerca de la
filosofía del pobre Panglós.
|
« Nous allons dans un autre univers, disait
Candide ; c′est dans celui-là sans doute que tout est bien. Car il faut
avouer qu′on pourrait gémir un peu de ce qui se passe dans le nôtre en
physique et en morale.
|
Vamos á otro mundo, decia Candido, y sin duda que en el
es donde todo está bien; porque en este nuestro hemos de confesar que hay
sus defectillos en lo físico y en lo moral.
|
-- Je vous aime de tout mon coeur, disait
Cunégonde ; mais j′ai encore l′âme tout effarouchée de ce que j′ai vu, de
ce que j′ai éprouvé.
|
Yo te quiero con toda mi alma, decia Cunegunda; pero
todavía llevo el corazon traspasado con lo que he visto, y lo que he
padecido.
|
-- Tout ira bien, répliquait Candide ; la mer de
ce nouveau monde vaut déjà mieux que les mers de notre Europe ; elle est
plus calme, les vents plus constants. C′est certainement le nouveau monde
qui est le meilleur des univers possibles.
|
Todo irá bien, replicó Candido; ya el mar de este nuevo
mundo vale mas que nuestros mares de Europa, que es mas bonancible, y los
vientos son mas constantes: no cabe duda de que el nuevo mundo es el mejor
de los mundos posibles.
|
-- Dieu le veuille ! disait Cunégonde ; mais j′ai
été si horriblement malheureuse dans le mien que mon coeur est presque
fermé à l′espérance.
|
Plega á Dios, dixo Cunegunda; pero tan horrorosas
desgracias han pasado por mi en el mio, que apénas si queda en mi corazon
resquicio de esperanza.
|
-- Vous vous plaignez, leur dit la vieille ;
hélas ! vous n′avez pas éprouvé des infortunes telles que les miennes. »
|
Vms. Se quejan, les dixo la vieja; pues sepan que no han
experimentado desventuras como las mias.
|
Cunégonde se mit presque à rire, et trouva cette
bonne femme fort plaisante de prétendre être plus malheureuse qu′elle.
|
Sonrióse Cunegunda del disparate de la buena muger que
se alababa de ser mas desdichada que ella.
|
« Hélas ! lui dit-elle, ma bonne, à moins que
vous n′ayez été violée par deux Bulgares, que vous n′ayez reçu deux coups
de couteau dans le ventre, qu′on n′ait démoli deux de vos châteaux, qu′on
n′ait égorgé à vos yeux deux mères et deux pères, et que vous n′ayez vu
deux de vos amants fouettés dans un auto-da-fé, je ne vois pas que vous
puissiez l′emporter sur moi ; ajoutez que je suis née baronne avec
soixante et douze quartiers, et que j′ai été cuisinière.
|
¡Ay! Le dixo, madre, á ménos que haya vm. sido violada
por dos Bulgaros, que le hayan dado dos cuchilladas en la barriga, que
hayan demolido dos de sus granjas, que hayan degollado en su presencia dos
padres y dos madres de vm., y que haya visto á dos de sus amantes azotados
en un auto de fe, no se como pueda haber corrido mayores borrascas: sin
contar que he nacido baronesa con setenta y dos quarteles en mi escudo de
armas, y he sido cocinera.
|
-- Mademoiselle, répondit la vieille, vous ne
savez pas quelle est ma naissance ; et si je vous montrais mon derrière,
vous ne parleriez pas comme vous faites, et vous suspendriez votre
jugement. »
|
Señorita, replicó la vieja, vm. no sabe qual ha sido mi
cuna; y si le enseñara mi trasero, no hablaria del modo que habla, y
suspenderia el juicio.
|
Ce discours fit naître une extrême curiosité dans
l′esprit de Cunégonde et de Candide. La vieille leur parla en ces termes.
|
Excitó esta réplica fuerte curiosidad en los ánimos de
Candido y Cunegunda, y la vieja la satisfizo en las siguientes razones.
|
CHAPITRE ONZIÈME
|
CAPITULO XI.
|
HISTOIRE DE LA VIEILLE
|
_Que cuenta la historia de la vieja._
|
« Je n′ai pas eu toujours les yeux éraillés et
bordés d′écarlate ; mon nez n′a pas toujours touché à mon menton, et je
n′ai pas toujours été servante. Je suis la fille du pape Urbain X, et de
la princesse de Palestrine. On m′éleva jusqu′à quatorze ans dans un palais
auquel tous les châteaux de vos barons allemands n′auraient pas servi
d′écurie ; et une de mes robes valait mieux que toutes les magnificences
de la Westphalie. Je croissais en beauté, en grâces, en talents, au milieu
des plaisirs, des respects et des espérances. J′inspirais déjà de l′amour,
ma gorge se formait ; et quelle gorge ! blanche, ferme, taillée comme
celle de la Vénus de Médicis ; et quels yeux ! quelles paupières ! quels
sourcils noirs ! quelles flammes brillaient dans mes deux prunelles, et
effaçaient la scintillation des étoiles, comme me disaient les poètes du
quartier. Les femmes qui m′habillaient et qui me déshabillaient tombaient
en extase en me regardant par-devant et par-derrière, et tous les hommes
auraient voulu être à leur place.
|
No siempre he tenido yo los ojos lagañosos y ribeteados
de escarlata; no siempre se ha tocado mi barba con mis narices, ni he sido
siempre criada de servicio. Soy hija del papa Urbano X y la princesa de
Palestrina. Hasta que tuve catorce años, me criáron en un palacio al qual
no hubieran podido servir de caballeriza todas las quintas de barones
tudescos, y era mas rico uno de mis trages que todas las magnificencias de
la Vesfalia. Crecia en gracia, en talento y beldad, en medio de gustos,
respetos y esperanzas, y ya inspiraba amor. Formábase mi pecho; pero ¡qué
pecho! blanco, duro, de la forma del de la ve nus de Medicis; ¡y qué ojos!
¡qué pestañas! ¡qué negras cejas! ¡qué llamas salian de las niñas de mis
ojos, que eclipsaban el resplandor de los astros, segun decian los poetas
de mi barrio! Las doncellas que me desnudaban y me vestian se quedaban
absortas quando me contemplaban por detras y por delante; y todos los
hombres se hubieran querido hallar en su lugar.
|
« Je fus fiancée à un prince souverain de
Massa-Carrara. Quel prince ! aussi beau que moi, pétri de douceur et
d′agréments, brillant d′esprit et brûlant d′amour. Je l′aimais comme on
aime pour la première fois, avec idolâtrie, avec emportement. Les noces
furent préparées. C′était une pompe, une magnificence inouïe ; c′étaient
des fêtes, des carrousels, des opera- buffa continuels ; et toute l′Italie
fit pour moi des sonnets dont il n′y eut pas un seul de passable. Je
touchais au moment de mon bonheur, quand une vieille marquise qui avait
été maîtresse de mon prince l′invita à prendre du chocolat chez elle. Il
mourut en moins de deux heures avec des convulsions épouvantables. Mais ce
n′est qu′une bagatelle. Ma mère, au désespoir, et bien moins affligée que
moi, voulut s′arracher pour quelque temps à un séjour si funeste. Elle
avait une très belle terre auprès de Gaète. Nous nous embarquâmes sur une
galère du pays, dorée comme l′autel de Saint-Pierre de Rome. Voilà qu′un
corsaire de Salé fond sur nous et nous aborde. Nos soldats se défendirent
comme des soldats du pape : ils se mirent tous à genoux en jetant leurs
armes, et en demandant au corsaire une absolution in articulo mortis.
|
Celebráronse mis desposorios con un príncipe soberano de
Masa-Carrara. ¡Dios mio! ¡qué príncipe! tan lindo como yo; ayroso, y de la
condición mas blanda, del mas agudo ingenio, y perdido por mi de amores:
yo le amaba como quien quiere por la vez primera, esto es que le
idolatraba. Dispusiéronse las bodas con pompa y magnificencia nunca vista:
todo era fiestas, torneos, óperas bufas; y en toda Italia se hiciéron
sonetos en mi elogio, de los quales ninguno hubo que no fuera rematado de
malo. Ya rayaba la aurora de mi felicidad, quando una marquesa vieja, á
quien habia cortejado mi príncipe, le convidó á tomar chocolate con ella,
y el desventurado murió al cabo de dos horas en horribles convulsiones;
pero esto es friolera para lo que falta. Desesperada mi madre, puesto que
mucho ménos desconsolada que yo, quiso perder de vista por algun tiempo
esta funesta mansion. Teníamos una hacienda muy pingüe en las
inmediaciones de Gaeta, y nos embarcámos para este puerto en una galera
del pais, dorada como el altar de San Pedro en Roma. Hete aquí un pirata
de Salé que nos da caza y nos aborda: nuestros soldados se defendiéron
como buenos soldados del papa, es decir que tiráron las armas y se
hincáron de rodillas, pidiendo al pirata la absolución _in articulo
mortis_.
|
« Aussitôt on les dépouilla nus comme des singes,
et ma mère aussi, nos filles d′honneur aussi, et moi aussi. C′est une
chose admirable que la diligence avec laquelle ces messieurs déshabillent
le monde. Mais ce qui me surprit davantage, c′est qu′ils nous mirent à
tous le doigt dans un endroit où nous autres femmes nous ne nous laissons
mettre d′ordinaire que des canules. Cette cérémonie me paraissait bien
étrange : voilà comme on juge de tout quand on n′est pas sorti de son
pays. J′appris bientôt que c′était pour voir si nous n′avions pas caché là
quelques diamants : c′est un usage établi de temps immémorial parmi les
nations policées qui courent sur mer. J′ai su que MM. les religieux
chevaliers de Malte n′y manquent jamais quand ils prennent des Turcs et
des Turques ; c′est une loi du droit des gens à laquelle on n′a jamais
dérogé.
|
En breve los desnudáron de piés á cabeza, y lo mismo
hiciéron con mi madre, con nuestras doncellas, y conmigo. Cosa portentosa
es de ver con qué presteza desnudan estos caballeros á la gente; pero lo
que mas extrañé, fué que á todos nos metiéron el dedo en un sitio donde
nosotras las mugeres no estamos acostumbradas á meter mas que cañutos de
xeringa. Parecióme muy rara esta ceremonia; que así falla de todo el que
no ha salido de su pais: mas luego supe que era por ver si en aquel sitio
habíamos escondido algunos diamantes, y que es estilo establecido de
tiempo inmemorial en las naciones civilizadas que andan barriendo los
mares, y que los señores religiosos caballeros de Malta nunca le omiten
quando apresan á Turcos ó Turcas, porque es ley del derecho de gentes, que
nunca ha sido quebrantada.
|
« Je ne vous dirai point combien il est dur pour
une jeune princesse d′être menée esclave à Maroc avec sa mère. Vous
concevez assez tout ce que nous eûmes à souffrir dans le vaisseau
corsaire. Ma mère était encore très belle ; nos filles d′honneur, nos
simples femmes de chambre, avaient plus de charmes qu′on n′en peut trouver
dans toute l′Afrique. Pour moi, j′étais ravissante, j′étais la beauté, la
grâce même, et j′étais pucelle ; je ne le fus pas longtemps : cette fleur
qui avait été réservée pour le beau prince de Massa-Carrara me fut ravie
par le capitaine corsaire ; c′était un nègre abominable, qui croyait
encore me faire beaucoup d′honneur. Certes, il fallait que Mme la
princesse de Palestrine et moi fussions bien fortes pour résister à tout
ce que nous éprouvâmes jusqu′à notre arrivée à Maroc. Mais passons ; ce
sont des choses si communes qu′elles ne valent pas la peine qu′on en
parle.
|
No diré si fué cosa dura para una princesa joven que la
llevaran cautiva á Marruecos con su madre; bien se pueden vms. figurar
quanto padeceríamos en el navío pirata. Mi madre todavía era muy hermosa;
nuestras camareras, y hasta nuestras meras criadas eran mas lindas que
quantas mugeres pueden hallarse en el Africa toda; y yo era un embeleso,
el epílogo de la beldad y la gracia, y era doncella; pero no lo fui mucho
tiempo, que el arraez del barco me robó la flor que estaba destinada para
el precioso príncipe de Masa-Carrara. Este arraez era un negro abominable,
que creía que me honraba con sus caricias. Sin duda la princesa de
Palestrina y yo debíamos de ser muy robustas, quando resistímos á todo
quanto pasámos hasta llegar á Marruecos. Pero vernos adelante, que son
cosas tan comunes que no merecen mentarse siquiera.
|
« Maroc nageait dans le sang quand nous
arrivâmes. Cinquante fils de l′empereur Muley- Ismaël avaient chacun leur
parti : ce qui produisait en effet cinquante guerres civiles, de noirs
contre noirs, de noirs contre basanés, de basanés contre basanés, de
mulâtres contre mulâtres. C′était un carnage continuel dans toute
l′étendue de l′empire.
|
Quando llegámos, corrian rios de sangre por Marruecos;
cada uno de los cincuenta hijos del emperador Muley-Ismael tenia su
partido aparte, lo qual componia cincuenta guerras civiles distintas de
negros contra negros, de negros contra moros, de moros contra moros, de
mulatos contra mulatos; y todo el ámbito del imperio era una continua
carnicería.
|
« À peine fûmes-nous débarqués que des noirs
d′une faction ennemie de celle de mon corsaire se présentèrent pour lui
enlever son butin. Nous étions, après les diamants et l′or, ce qu′il avait
de plus précieux. Je fus témoin d′un combat tel que vous n′en voyez jamais
dans vos climats d′Europe. Les peuples septentrionaux n′ont pas le sang
assez ardent. Ils n′ont pas la rage des femmes au point où elle est
commune en Afrique. Il semble que vos Européens aient du lait dans les
veines ; c′est du vitriol, c′est du feu qui coule dans celles des
habitants du mont Atlas et des pays voisins. On combattit avec la fureur
des lions, des tigres et des serpents de la contrée, pour savoir à qui
nous aurait. Un Maure saisit ma mère par le bras droit, le lieutenant de
mon capitaine la retint par le bras gauche ; un soldat maure la prit par
une jambe, un de nos pirates la tenait par l′autre. Nos filles se
trouvèrent presque toutes en un moment tirées ainsi à quatre soldats. Mon
capitaine me tenait cachée derrière lui. Il avait le cimeterre au poing,
et tuait tout ce qui s′opposait à sa rage. Enfin, je vis toutes nos
Italiennes et ma mère déchirées, coupées, massacrées par les monstres qui
se les disputaient. Les captifs mes compagnons, ceux qui les avaient pris,
soldats, matelots, noirs, basanés, blancs, mulâtres, et enfin mon
capitaine, tout fut tué ; et je demeurai mourante sur un tas de morts. Des
scènes pareilles se passaient, comme on sait, dans l′étendue de plus de
trois cents lieues, sans qu′on manquât aux cinq prières par jour ordonnées
par Mahomet.
|
Apénas hubimos desembarcado, acudiéron unos negros de
una faccion enemiga de la de mi pirata para quitarle el botin. Despues del
oro y los diamantes, la cosa de mas precio que habia éramos nosotras; y
presencié un combate qual nunca se ve igual en nuestros climas europeos,
porgue no tienen los pueblos septentrionales tan ardiente la sangre, ni es
en ellos la pasion á las mugeres lo que es entre los Africanos. Parece que
los Europeos tienen leche en las venas, mientras que por las de los
moradores del monte Atlante y paises inmediatos corre fuego y pólvora.
Peleáron con la furia de los leones, los tigres, y las sierpes de la
comarca, para saber quien habia de ser dueño nuestro. Agarró un moro de mi
madre por el brazo derecho, el teniente del barco la tiró hácia el por el
izquierdo; un soldado moro la cogió de una pierna, y uno de los piratas
asió de la otra; y casi todas nuestras doncellas se encontráron en un
momento tiradas de quatro soldados. Mi capitan se habia puesto delante de
mí, y blandiendo la cimitarra daba la muerte á quantos á su furor se
oponian. Finalmente vi á todas nuestras Italianas y á mi madre
estropeadas, acribilladas de heridas, y hechas tajadas por los monstruos
que batallaban por su posesion; mis compañeros cautivos, los que los
habian cautivado, soldados, marineros, negros, blancos, mestizos, mulatos,
y mi capitan en fin, todos fuéron muertos, y yo quedé moribunda encima de
un monton de cadáveres. Las mismas escenas se repetian, como es sabido, en
un espacio de mas de trescientas leguas, sin que nadie faltase á las cinco
oraciones al dia que manda Mahoma.
|
« Je me débarrassai avec beaucoup de peine de la
foule de tant de cadavres sanglants entassés, et je me traînai sous un
grand oranger au bord d′un ruisseau voisin ; j′y tombai d′effroi, de
lassitude, d′horreur, de désespoir et de faim. Bientôt après, mes sens
accablés se livrèrent à un sommeil qui tenait plus de l′évanouissement que
du repos. J′étais dans cet état de faiblesse et d′insensibilité, entre la
mort et la vie, quand je me sentis pressée de quelque chose qui s′agitait
sur mon corps. J′ouvris les yeux, je vis un homme blanc et de bonne mine
qui soupirait, et qui disait entre ses dents : O che sciagura d′essere
senza c ... !
|
Zaféme con mucho trabajo de tanta multitud de
sangrientos cadáveres amontonados, y llegué arrastrando al pié de un
naranjo grande que habia á orillas de un arroyo inmediato: allí me caí
rendida del susto, del cansancio, del horror, de la desesperacion, y del
hambre. En breve mis sentidos postrados se entregáron á un sueño que mas
que sosiego era letargo. En este estado de insensibilidad y flaqueza
estaba entre la vida y la muerte, quando me sentí comprimida por una cosa
que bullia sobre mi cuerpo; y abriendo los ojos, vi á un hombre blanco y
de buena traza, que suspirando decia entre dientes: _O che sciagura
d′essere senza cogl...._
|
CHAPITRE DOUZIÈME
|
CAPITULO XII.
|
SUITE DES MALHEURS DE LA VIEILLE
|
_Donde prosigue la historia de la vieja._
|
« Étonnée et ravie d′entendre la langue de ma
patrie, et non moins surprise des paroles que proférait cet homme, je lui
répondis qu′il y avait de plus grands malheurs que celui dont il se
plaignait. Je l′instruisis en peu de mots des horreurs que j′avais
essuyées, et je retombai en faiblesse. Il m′emporta dans une maison
voisine, me fit mettre au lit, me fit donner à manger, me servit, me
consola, me flatta, me dit qu′il n′avait rien vu de si beau que moi, et
que jamais il n′avait tant regretté ce que personne ne pouvait lui rendre.
|
Atónita quanto alborozada de oir el idioma de mi patria,
extrañando empero las palabras que decia aquel hombre, le respondí que
mayores desgracias habia que el desman de que se lamentaba, informándole
en pocas razones de los horrores que habia sufrido; despues de esto me
volví á desmayar. Llevóme á una casa inmediata, hizo que me metieran en la
cama, y me dieran de comer, me sirvió, me consoló, me halagó, me dixo que
no habia visto en su vida criatura mas hermosa, ni habia nunca sentido mas
que le faltara lo que nadie podia suplir.
|
« Je suis né à Naples, me dit-il, on y chaponne
deux ou trois mille enfants tous les ans ; les uns en meurent, les autres
acquièrent une voix plus belle que celle des femmes, les autres vont
gouverner les États. On me fit cette opération avec un très grand succès,
et j′ai été musicien de la chapelle de Mme la princesse de Palestrine.
|
Nací en Nápoles, me dixo, donde capan todos los años dos
ó tres mil chiquillos: unos se mueren, otros sacan mejor voz que las
mugeres, y otros van á gobernar estados. Me hiciéron la operacion
susodicha con suma felicidad, y he sido músico de la capilla de la señora
princesa de Palestrina.
|
-- De ma mère ! m′écriai-je.
|
¡De mi madre! exclamé.
|
-- De votre mère ! s′écria-t-il en pleurant. Quoi
! vous seriez cette jeune princesse que j′ai élevée jusqu′à l′âge de six
ans, et qui promettait déjà d′être aussi belle que vous êtes ?
|
¡De su madre de vm.! exclamó él llorando. ¡Con que es
vm. aquella princesita que crié yo hasta que tuvo seis años, y daba
nuestras de ser tan hermosa como es vm.!
|
-- C′est moi-même ; ma mère est à quatre cents
pas d′ici, coupée en quartiers sous un tas de morts... »
|
—Esa misma soy, y mi madre está quatrocientos
pasos de aquí, hecha tajadas, baxo un montón de cadáveres......
|
« Je lui contai tout ce qui m′était arrivé ; il
me conta aussi ses aventures, et m′apprit comment il avait été envoyé chez
le roi de Maroc par une puissance chrétienne, pour conclure avec ce
monarque un traité, par lequel on lui fournirait de la poudre, des canons
et des vaisseaux, pour l′aider à exterminer le commerce des autres
chrétiens. "
|
Contéle entónces quanto me habia sucedido, y el también
me dio cuenta de sus aventuras, y me dixo que era ministro
plenipotenciario de una potencia cristiana cerca del rey de Marruecos,
para firmar un tratado con este monarca, en virtud del qual se le
subministraban navíos, cañones y pólvora, para ayudarle á exterminar el
comercio de los demas cristianos.
|
Ma mission est faite, me dit cet honnête eunuque
; je vais m′embarquer à Ceuta, et je vous ramènerai en Italie. Ma che
sciagura d′essere senza c... ! "
|
Ya está desempeñada mi comision, añadió el honrado
eunuco, y me voy á embarcar á Ceuta, de donde la llevaré á vm. á Italia.
_Ma che sciagura, d′essere senza cogl...._
|
« Je le remerciai avec des larmes
d′attendrissement ; et au lieu de me mener en Italie, il me conduisit à
Alger, et me vendit au dey de cette province. À peine fus-je vendue que
cette peste qui a fait le tour de l′Afrique, de l′Asie et de l′Europe, se
déclara dans Alger avec fureur. Vous avez vu des tremblements de terre ;
mais, mademoiselle, avez-vous jamais eu la peste ?
|
Díle las gracias vertiendo tiernas lágrimas; y en vez de
llevarme á Italia, me conduxo á Argel, y me vendió al Dey. Apenas me habia
vendido, se manifestó en la ciudad con toda su furia aquella peste que ha
dado la vuelta por Africa, Europa y Asia. Señorita, vm. ha visto temblores
de tierra, pero ¿ha padecido la peste?
|
-- Jamais, répondit la baronne.
|
Nunca, respondió la baronesa.
|
-- Si vous l′aviez eue, reprit la vieille, vous
avoueriez qu′elle est bien au-dessus d′un tremblement de terre. Elle est
fort commune en Afrique ; j′en fus attaquée. Figurez vous quelle situation
pour la fille d′un pape, âgée de quinze ans, qui en trois mois de temps
avait éprouvé la pauvreté, l′esclavage, avait été violée presque tous les
jours, avait vu couper sa mère en quatre, avait essuyé la faim et la
guerre, et mourait pestiférée dans Alger. Je n′en mourus pourtant pas.
Mais mon eunuque et le dey, et presque tout le sérail d′Alger, périrent.
|
Si la hubiera padecido, confesaria vm. que no tienen
comparacion los terremotos con ella, puesto que es muy freqüente en
Africa, y que yo la he pasado. Fígurese vm. qué situacion para la hija de
un papa, de quince años de edad, que en el espacio de tres meses habia
sufrido pobreza y esclavidud, habia sido violada casi todos los dias,
habia visto hacer quatro pedazos á su madre, habia padecido las plagas de
la guerra y la hambre, y se moria de la peste en Argel. Verdad es que no
me morí; pero pereció mi eunuco, el Dey, y el serrallo casi todo.
|
« Quand les premiers ravages de cette
épouvantable peste furent passés, on vendit les esclaves du dey. Un
marchand m′acheta et me mena à Tunis, il me vendit à un autre marchand,
qui me revendit à Tripoli ; de Tripoli je fus revendue à Alexandrie,
d′Alexandrie revendue à Smyrne, de Smyrne à Constantinople. J′appartins
enfin à un aga des janissaires, qui fut bientôt commandé pour aller
défendre Azof contre les Russes qui l′assiégeaient.
|
Quando calmó un poco la desolacion de esta espantosa
peste, vendiéron á los esclavos del Dey. Compróme un mercader que me llevó
á Tunez, donde me vendió á otro mercader, el qual me revendió en Tripoli;
de Tripoli me revendiéron en Alexandría; de Alexandría en Esmyrna, y de
Esmyrna en Constantinopla: al cabo vine á parar á manos de un agá de
genízaros, que en breve tuvo órden de ir á defender á Azof contra los
Rusos que la tenian sitiada.
|
« L′aga, qui était un très galant homme, mena
avec lui tout son sérail, et nous logea dans un petit fort sur les
Palus-Méotides, gardé par deux eunuques noirs et vingt soldats. On tua
prodigieusement de Russes, mais ils nous le rendirent bien. Azof fut mis à
feu et à sang, et on ne pardonna ni au sexe ni à l′âge ; il ne resta que
notre petit fort ; les ennemis voulurent nous prendre par famine. Les
vingt janissaires avaient juré de ne se jamais rendre. Les extrémités de
la faim où ils furent réduits les contraignirent à manger nos deux
eunuques, de peur de violer leur serment. Au bout de quelques jours, ils
résolurent de manger les femmes.
|
El agá, hombre de mucho mérito, se llevó consigo todo su
serrallo, y nos alojó en un fortin sobre la laguna Meótides, á la guarda
de dos eunucos negros y veinte soldados. Fuéron muertos millares de Rusos,
pero no nos quedáron á deber nada: Azof fué entrada á sangre y fuego, y no
se perdonó edad ni sexô: solo quedó nuestro fortin, que los enemigos
quisiéron tomar por hambre. Los veinte genízaros juráron no rendirse; los
apuros del hambre á que se viéron reducidos, los forzáron á comerse á los
dos eunucos, por no faltar al juramento; y al cabo de pocos dias se
resolviéron á comerse las mugeres.
|
« Nous avions un iman très pieux et très
compatissant, qui leur fit un beau sermon par lequel il leur persuada de
ne nous pas tuer tout à fait.
|
Teníamos un iman, varon muy pío y caritativo, que les
predicó un sermón eloqüente, exhortándolos á que no nos mataran del todo.
|
« Coupez, dit-il, seulement une fesse à chacune
de ces dames, vous ferez très bonne chère ; s′il faut y revenir, vous en
aurez encore autant dans quelques jours ; le ciel vous saura gré d′une
action si charitable, et vous serez secourus. »
|
Cortad, dixo, una nalga á cada una de estas señoras, con
la qual os regalaréis á vuestro sabor; si es menester, les cortaréis la
otra dentro de algunos dias: el cielo remunerará obra tan caritativa, y
recibiréis socorro.
|
« Il avait beaucoup d′éloquence ; il les
persuada. On nous fit cette horrible opération. L′iman nous appliqua le
même baume qu′on met aux enfants qu′on vient de circoncire. Nous étions
toutes à la mort.
|
Como era tan eloqüente, los persuadió, y nos hiciéron
tan horrorosa operacion. Púsonos el iman el mismo ungüento que se pone á
las criaturas recien circuncidadas, y todas estábamos á punto de muerte.
|
« À peine les janissaires eurent-ils fait le
repas que nous leur avions fourni que les Russes arrivent sur des bateaux
plats ; il ne réchappa pas un janissaire. Les Russes ne firent aucune
attention à l′état où nous étions. Il y a partout des chirurgiens français
: un d′eux, qui était fort adroit, prit soin de nous ; il nous guérit, et
je me souviendrai toute ma vie que, quand les plaies furent bien fermées,
il me fit des propositions. Au reste, il nous dit à toutes de nous
consoler ; il nous assura que dans plusieurs sièges pareille chose était
arrivée, et que c′était la loi de la guerre.
|
Apénas habian comido los genízaros la carne que nos
habian quitado, desembarcáron los Rusos en unos barcos chatos, y no se
escapó con vida ni siquiera un genízaro: los Rusos no paráron la
consideracion en el estado en que nos hallábamos. En todas partes se
encuentran cirujanos franceses; uno que era muy hábil nos tomó á su cargo,
y nos curó: y toda mi vida me acordaré de que, así que se cerráron mis
llagas, me reqüestó de amores. Nos exhortó luego á tener paciencia,
afirmándonos que lo mismo habia sucedido en otros muchos sitios, y que esa
era la ley de la guerra.
|
« Dès que mes compagnes purent marcher, on les
fit aller à Moscou. J′échus en partage à un boyard qui me fit sa
jardinière, et qui me donnait vingt coups de fouet par jour. Mais ce
seigneur ayant été roué au bout de deux ans avec une trentaine de boyards
pour quelque tracasserie de cour, je profitai de cette aventure ; je
m′enfuis ; je traversai toute la Russie ; je fus longtemps servante de
cabaret à Riga, puis à Rostock, à Vismar, à Leipsick, à Cassel, à Utrecht,
à Leyde, à La Haye, à Rotterdam : j′ai vieilli dans la misère et dans
l′opprobre, n′ayant que la moitié d′un derrière, me souvenant toujours que
j′étais fille d′un pape ; je voulus cent fois me tuer, mais j′aimais
encore la vie. Cette faiblesse ridicule est peut-être un de nos penchants
les plus funestes ; car y a t-il rien de plus sot que de vouloir porter
continuellement un fardeau qu′on veut toujours jeter par terre ? d′avoir
son être en horreur, et de tenir à son être ? enfin de caresser le serpent
qui nous dévore, jusqu′à ce qu′il nous ait mangé le coeur ?
|
Luego que pudiéron andar mis compañeras, las conduxéron
á Moscou, y yo cupe en suerte á un boyardo que me hizo su hortelana, y me
daba veinte zurriagazos cada dia. A cabo de dos años fué desquartizado
este señor, por no se qué tracamundana de palacio; y aprovechándome de la
ocasion, me escapé, atravesé la Rusia entera, y serví mucho tiempo en los
mesones, primero de Riga, y luego de Rostoc, de Vismar, de Lipsia, de
Casel, de Utrec, de Leyden, de la Haya, y de Roterdan. Así he envejecido
en el oprobio y la miseria, con no mas que la mitad del trasero, siempre
acordándome de que era hija de un papa. Cien veces he querido darme la
muerte, mas me sentia con apego á la vida. Acaso esta ridícula flaqueza es
una de nuestras propensiones mas funestas; porque ¿donde hay mayor necedad
que empeñarse en llevar continuamente encima una carga que siempre anhela
uno por tirar al suelo; horrorizarse de su exîstencia, y querer exîstir;
halagar en fin la víbora que nos está royendo, hasta que nos haya comido
las entrañas y el corazon?
|
« J′ai vu dans les pays que le sort m′a fait
parcourir, et dans les cabarets où j′ai servi, un nombre prodigieux de
personnes qui avaient leur existence en exécration ; mais je n′en ai vu
que douze qui aient mis volontairement fin à leur misère : trois nègres,
quatre Anglais, quatre Genevois et un professeur allemand nommé Robeck.
J′ai fini par être servante chez le Juif don Issacar ; il me mit auprès de
vous, ma belle demoiselle ; je me suis attachée à votre destinée, et j′ai
été plus occupée de vos aventures que des miennes. Je ne vous aurais même
jamais parlé de mes malheurs, si vous ne m′aviez pas un peu piquée, et
s′il n′était d′usage dans un vaisseau de conter des histoires pour se
désennuyer. Enfin, mademoiselle, j′ai de l′expérience, je connais le monde
; donnez-vous un plaisir, engagez chaque passager à vous conter son
histoire ; et s′il s′en trouve un seul qui n′ait souvent maudit sa vie,
qui ne se soit souvent dit à lui-même qu′il était le plus malheureux des
hommes, jetez-moi dans la mer la tête la première. »
|
En los paises adonde me ha llevado mi suerte, y en los
mesones donde he servido, he visto infinita cantidad de personas que
maldecian su exîstencia; pero no han pasado de doce las que he visto que
daban voluntariamente fin á sus cuitas: tres negros, quatro Ingleses,
quatro Ginebrinos, y un catedrático aleman llamado Robel. Al fin me tomó
por su criada el Judío Don Isacar, y me llevó, hermosa señorita, á casa de
vm., donde no he pensado mas queen la felicidad de vm., interesándome mas
en sus aventuras que en las mias propias; y nunca hubiera mentado siquiera
mis cuitas, si no me hubiera vm. picado cun poco, y si no fuese estilo de
los que van embarcados contar cuentos para matar el tiempo. Señorita, yo
tengo experiencia, y se lo que es el mundo: vaya vm. preguntando á cada
pasagero uno por uno la historia de su vida, y mande que me arrojen de
cabeza en el mar, si encuentra uno solo que no haya maldecido cien veces
la exîstencia, y que no se haya creido el mas desventurado de los
mortales.
|
CHAPITRE TREIZIÈME
|
CAPITULO XIII.
|
COMMENT CANDIDE FUT OBLIGÉ DE SE SÉPARER DE LA
BELLE CUNÉGONDE ET DE LA VIEILLE
|
_De como Candido tuvo que separarse por fuerza de la
hermosa Cunegunda y la vieja._
|
La belle Cunégonde, ayant entendu l′histoire de
la vieille, lui fit toutes les politesses qu′on devait à une personne de
son rang et de son mérite. Elle accepta la proposition ; elle engagea tous
les passagers l′un après l′autre à lui conter leurs aventures. Candide et
elle avouèrent que la vieille avait raison.
|
Oída la historia de la vieja, la hermosa Cunegunda la
trató con toda la urbanidad y decoro que se merecia una persona de tan
alta gerarquí y tanto mérito, y admitió su propuesta. Rogó á todos los
pasageros que le contaran sus aventuras uno después de otro, y Candido y
ella confesáron que tenia la vieja razon.
|
« C′est bien dommage, disait Candide, que le sage
Pangloss ait été pendu contre la coutume dans un auto-da-fé ; il nous
dirait des choses admirables sur le mal physique et sur le mal moral qui
couvrent la terre et la mer et je me sentirais assez de force pour oser
lui faire respectueusement quelques objections. »
|
¡Qué lástima es, decia Candido, que hayan ahorcado,
contra lo que es práctica, al sabio Panglós en un auto de fe! Cosas
maravillosas nos diria cerca del mal físico, y del mal moral, que cubren
mares y tierras, y yo tuviera valor para hacerle con mucho respeto algunos
reparillos.
|
À mesure que chacun racontait son histoire, le
vaisseau avançait. On aborda dans Buenos- Ayres. Cunégonde, le capitaine
Candide et la vieille allèrent chez le gouverneur Don Fernando d′Ibaraa, y
Figueora, y Mascarenes, y Lampourdos, y Souza. Ce seigneur avait une
fierté convenable à un homme qui portait tant de noms. Il parlait aux
hommes avec le dédain le plus noble, portant le nez si haut, élevant si
impitoyablement la voix, prenant un ton si imposant, affectant une
démarche si altière, que tous ceux qui le saluaient étaient tentés de le
battre. Il aimait les femmes à la fureur. Cunégonde lui parut ce qu′il
avait jamais vu de plus beau. La première chose qu′il fit fut de demander
si elle n′était point la femme du capitaine. L′air dont il fit cette
question alarma Candide : il n′osa pas dire qu′elle était sa femme, parce
qu′en effet elle ne l′était point ; il n′osait pas dire que c′était sa
soeur, parce qu′elle ne l′était pas non plus ; et quoique ce mensonge
officieux eût été autrefois très à la mode chez les anciens, et qu′il pût
être utile aux modernes, son âme était trop pure pour trahir la vérité.
|
Miéntras contaba cada uno su historia, iba andando el
navío, y al fin aportó á Buenos-Ayres. Cunegunda, el capitan Candido y la
vieja se fuéron á presentar al gobernador Don Fernando de Ibarra,
Figueroa, Mascareñas, Lampurdan y Souza, el qual señor tenia una
arrogancia que no desdecia de un sugeto posesor de tantos apellidos.
Trataba á los hombres con la mas noble altivez, alzando el pescuezo,
hablando en tan descompasadas y recias voces, y en tono tan altivo, y
afectando ademanes tan arrogantes, que á quantos le saludaban les venían
tentaciones de hartarle de bofetadas. Era con esto enamorado hasta no mas,
y Cunegunda le pareció la mas hermosa criatura de quantas habia visto. Lo
primero que hizo fué preguntar si era muger del capitan. Sobresaltóse
Candido del tonillo con que acompañó esta pregunta, y no se atrevió á
decir que fuese su muger, porque verdaderamente no lo era; ni ménos que
fuese su hermana, porque no lo era tampoco; puesto que esta mentira
oficiosa era muy freqüentemente usada do los antiguos: pero el alma de
Candido era tan pura que no pudo desmentir la verdad.
|
« Mlle Cunégonde, dit-il, doit me faire l′honneur
de m′épouser, et nous supplions Votre Excellence de daigner faire notre
noce. »
|
Esta Señorita, díxo, me debe favorecer con su mano, y
suplicamos ámbos á Vueselencia que se digne ser padrino de los novios.
|
Don Fernando d′Ibaraa, y Figueora, y Mascarenes,
y Lampourdos, y Souza, relevant sa moustache, sourit amèrement, et ordonna
au capitaine Candide d′aller faire la revue de sa compagnie. Candide obéit
; le gouverneur demeura avec Mlle Cunégonde. Il lui déclara sa passion,
lui protesta que le lendemain il l′épouserait à la face de l′Église, ou
autrement, ainsi qu′il plairait à ses charmes. Cunégonde lui demanda un
quart d′heure pour se recueillir, pour consulter la vieille et pour se
déterminer.
|
Oyendo esto Don Fernando de Ibarra, Figueroa,
Mascareñas, Lampurdan y Souza, se alzó con la izquierda mano los bigotes,
se rió con ademan burlon, y mandó al capitan Candido que fuera á pasar
revista á su compañía. Obedeció este, y se quedó el gobernador á solas con
la baronesita; le manifestó su amor, previniéndola que el dia siguiente
seria su esposo por delante ó por detras de la iglesia, como mas á
Cunegunda le potase. Pidióle esta un quarto de hora para pensarlo bien,
consultarlo con la vieja, y resolverse.
|
La vieille dit à Cunégonde :
|
Entráron Cunegunda y la vieja en bureo, y esta dixo:
|
« Mademoiselle, vous avez soixante et douze
quartiers, et pas une obole ; il ne tient qu′à vous d′être la femme du
plus grand seigneur de l′Amérique méridionale, qui a une très belle
moustache ; est-ce à vous de vous piquer d′une fidélité à toute épreuve ?
Vous avez été violée par les Bulgares ; un Juif et un inquisiteur ont eu
vos bonnes grâces : les malheurs donnent des droits. J′avoue que, si
j′étais à votre place, je ne ferais aucun scrupule d′épouser monsieur le
gouverneur et de faire la fortune de M. le capitaine Candide. »
|
Señorita, vm. tiene setenta y dos quarteles y ni un
ochavo, y está en su mano ser muger del señor mas principal de la América
meridional, que tiene unos estupendos bigotes, y así no viene al caso
echarla de incontrastable firmeza. Los Bulgaros la violáron á vm.; un
inquisidor y un Judío han disfrutado sus favores: las desdichas dan
derechos legítimos. Si yo fuera vm., confieso que no tendría reparo
ninguno en casarme con el señor gobernador, y hacer rico al señor capitan
Candido.
|
Tandis que la vieille parlait avec toute la
prudence que l′âge et l′expérience donnent, on vit entrer dans le port un
petit vaisseau ; il portait un alcade et des alguazils, et voici ce qui
était arrivé.
|
Así decia la vieja con toda aquella autoridad que su
prudencia y sus canas le daban, y miéntras estaba aferrando áncoras un
navichuelo que traía un alcalde y dos alguaciles; y era esta la causa de
su arribo.
|
La vieille avait très bien deviné que ce fut un
cordelier à la grande manche qui vola l′argent et les bijoux de Cunégonde
dans la ville de Badajoz, lorsqu′elle fuyait en hâte avec Candide. Ce
moine voulut vendre quelques-unes des pierreries à un joaillier. Le
marchand les reconnut pour celles du grand inquisiteur. Le cordelier,
avant d′être pendu, avoua qu′il les avait volées ; il indiqua les
personnes et la route qu′elles prenaient. La fuite de Cunégonde et de
Candide était déjà connue. On les suivit à Cadix ; on envoya sans perdre
temps un vaisseau à leur poursuite. Le vaisseau était déjà dans le port de
Buenos-Ayres. Le bruit se répandit qu′un alcade allait débarquer, et qu′on
poursuivait les meurtriers de monseigneur le grand inquisiteur. La
prudente vieille vit dans l′instant tout ce qui était à faire.
|
No se habia equivocado la vieja en sospechar que el
ladron del dinero y las joyas de Cunegunda en Badajoz, quando venia
huyendo con Candido, era un frayle Francisco de manga ancha. El frayle
quiso vender á un diamantista algunas de las piedras preciosas hurtadas, y
este conoció que eran las mismas que le habia comprado á el propio el
Inquisidor general. Fué preso el santo religioso, y confesó de plano á
quien y como las habia robado, y el camino que llevaban Candido y
Cunegunda. Ya se sabia la fuga de ámbos: fuéron pues en su seguimiento
hasta Cadiz, y sin perder tiempo salió un navío en su demanda. Ya estaba
la embarcación al ancla en el puerto de Buenos-Ayres, y acudió la voz de
que iba á desembarcar un alcalde del crímen, que venia en busca de los
asesinos del ilustrísimo Señor Inquisidor general. Al punto dió órden la
discreta vieja en lo que habia que hacer.
|
« Vous ne pouvez fuir, dit-elle à Cunégonde, et
vous n′avez rien à craindre ; ce n′est pas vous qui avez tué monseigneur ;
et d′ailleurs le gouverneur, qui vous aime, ne souffrira pas qu′on vous
maltraite ; demeurez. »
|
Vm. no se puede escapar, dixo á Cunegunda, ni tiene nada
que temer, que no fue vm. quien mató á Su Ilustrísima; y fuera de eso el
gobernador enamorado no consentirá que la toquen en el pelo de la ropa:
con que no hay que menearse.
|
Elle court sur-le-champ à Candide :
|
Va luego corriendo á Candido, y le dice:
|
« Fuyez, dit-elle, ou dans une heure vous allez
être brûlé »
|
Escápate, hijo mio, si no quieres que dentro de una hora
te quemen vivo.
|
Il n′y avait pas un moment à perdre ; mais
comment se séparer de Cunégonde, et où se réfugier ?
|
No daba el caso un instante de vagar; pero ¿cómo se
habia de apartar de Cunegunda? ¿y donde hallaria asilo?
|
CHAPITRE QUATORZIÈME
|
CAPITULO XIV.
|
COMMENT CANDIDE ET CACAMBO FURENT RE
ÇUS CHEZ LES
JÉSUITES DU PARAGUAY
|
_Del recibimiento que á Candido y á Cacambo hiciéron los
jesuitas del Paraguay._
|
Candide avait amené de Cadix un valet tel qu′on
en trouve beaucoup sur les côtes d′Espagne et dans les colonies. C′était
un quart d′Espagnol, né d′un métis dans le Tucuman ; il avait été enfant
de choeur, sacristain, matelot, moine, facteur, soldat, laquais. Il
s′appelait Cacambo, et aimait fort son maître parce que son maître était
un fort bon homme. Il sella au plus vite les deux chevaux andalous.
|
Se había traído consigo Candido de Cadiz uncriado corno
se encuentran muchos en los puertos de mar de España, que era un
quarteron, hijo de un mestizo de Tucuman, y que habia sido monaguillo,
sacristan, marinero, metedor, soldado y lacayo. Llamábase Cacambo, y
queria mucho á su amo, porque su amo era muy bueno. Ensilló en un abrir y
cerrar de ojos los dos caballos andaluces, y dixo á Candido:
|
« Allons, mon maître, suivons le conseil de la
vieille ; partons, et courons sans regarder derrière nous. »
|
Vamos, Señor, sigamos el consejo de la vieja, y echamos
á correr sin mirar siquiera hacia atrás.
|
Candide versa des larmes.
|
Candido vertia amargas lágrimas diciendo:
|
« O ma chère Cunégonde ! faut-il vous abandonner
dans le temps que monsieur le gouverneur va faire nos noces ! Cunégonde
amenée de si loin, que deviendrez-vous ?
|
¡Oh mi amada Cunegunda! ¿con que es fuerza que te
abandone quando iba el señor gobernador á ser padrino de nuestras bodas?
¿Qué va á ser de mi Cunegunda, que de tan léjos habia traído?
|
-- Elle deviendra ce qu′elle pourra, dit Cacambo
; les femmes ne sont jamais embarrassées d′elles ; Dieu y pourvoit ;
courons.
|
Será lo que Dios quisiere, dixo Cacambo: las mugeres
para todo encuentran salida; Dios las remedia; vámonos. ¿Adonde me llevas?
|
-- Où me mènes-tu ? où allons-nous ? que
ferons-nous sans Cunégonde ? disait Candide.
|
¿adonde vamos? ¿qué nos haremos sin Cunegunda? decia
Candido.
|
-- Par saint Jacques de Compostelle, dit Cacambo,
vous alliez faire la guerre aux jésuites ; allons la faire pour eux : je
sais assez les chemins, je vous mènerai dans leur royaume, ils seront
charmés d′avoir un capitaine qui fasse l′exercice à la bulgare ; vous
ferez une fortune prodigieuse ; quand on n′a pas son compte dans un monde,
on le trouve dans un autre. C′est un très grand plaisir de voir et de
faire des choses nouvelles.
|
Voy á Santiago, replicó Cacambo; vm. venia con ánimo de
pelear contra los jesuitas, pues vamos á pelear en su favor. Yo se el
camino, y le llevaré á vm. á su reyno; y tendrán mucha complacencia en
poseer un capitan que hace el exercicio á la bulgara; vm. hará un inmenso
caudal: que quando no tiene uno lo que ha menester en un mundo, lo busca
en el otro, y es gran satisfaccion ver y hacer cosas nuevas.
|
-- Tu as donc été déjà dans le Paraguay ? dit
Candide.
|
¿Con que tu ya has estado en el Paraguay? Le dixo
Candido.
|
-- Eh vraiment oui ! dit Cacambo ; j′ai été
cuistre dans le collège de l′Assomption, et je connais le gouvernement de
Los Padres comme je connais les rues de Cadix. C′est une chose admirable
que ce gouvernement. Le royaume a déjà plus de trois cents lieues de
diamètre ; il est divisé en trente provinces. Los Padres y ont tout, et
les peuples rien ; c′est le chef-d′oeuvre de la raison et de la justice.
Pour moi, je ne vois rien de si divin que Los Padres, qui font ici la
guerre au roi d′Espagne et au roi de Portugal, et qui en Europe confessent
ces rois ; qui tuent ici des Espagnols, et qui à Madrid les envoient au
ciel : cela me ravit ; avançons ; vous allez être le plus heureux de tous
les hommes. Quel plaisir auront Los Padres quand ils sauront qu′il leur
vient un capitaine qui sait l′exercice bulgare ! »
|
Friolera es si he estado, replicó Cacambo; he sido
pinche en el colegio de la Asuncion, y conozco el gobierno de los padres
lo mismo que las calles de Cadiz. Es un portento el tal gobierno. Ya tiene
mas de trescientas leguas de diámetro, y se divide en treinta provincias.
Los padres son dueños de todo, y los pueblos no tienen nada: es la obra
maestra de la razon y la justicia. Yo por mí no veo mas divina cosa que
los padres, que aquí estan haciendo la guerra á los reyes de España y
Portugal, y confesándolos en Europa; aquí matan á los Españoles, y en
Madrid les abren de par en par el cielo: vaya, es cosa que me encanta.
Vamos apriesa, que va vm. á ser el mas afortunado de los humanos. ¡Qué
gusto para los padres, quando sepan que les llega un capitan que sabe el
exercicio bulgaro!
|
Dès qu′ils furent arrivés à la première barrière,
Cacambo dit à la garde avancée qu′un capitaine demandait à parler à
monseigneur le commandant. On alla avertir la grande garde. Un officier
paraguain courut aux pieds du commandant lui donner part de la nouvelle.
Candide et Cacambo furent d′abord désarmés ; on se saisit de leurs deux
chevaux andalous. Les deux étrangers sont introduits au milieu de deux
files de soldats ; le commandant était au bout, le bonnet à trois cornes
en tête, la robe retroussée, l′épée au côté, l′esponton à la main. Il fit
un signe ; aussitôt vingt-quatre soldats entourent les deux nouveaux
venus. Un sergent leur dit qu′il faut attendre, que le commandant ne peut
leur parler, que le révérend père provincial ne permet pas qu′aucun
Espagnol ouvre la bouche qu′en sa présence, et demeure plus de trois
heures dans le pays.
|
Así que llegáron á la primera barrera, dixo Cacambo á la
guardia avanzada que un capitan queria hablar con el señor comandante.
Fuéron á avisar á la gran guardia, y un oficial paraguayés fué corriendo á
echarse á los piés del comandante para darle parte de esta nueva.
Desarmáron primero á Candido y á Cacambo, y les cogiéron sus caballos
andaluces; introduxéronlos luego entre dos filas de soldados, al cabo de
las quales estaba el comandante, con su bonete de Teatino puesto, la
espada ceñida, la sotana remangada, y una alabarda en la mano: hizo una
seña, y al punto veinte y quatro soldados rodeáron á los recienvenidos.
Díxoles un sargento que esperasen, porque no les podia hablar el
comandante, habiendo mandado el padre provincial que ningún Español
descosiese la boca como no fuese en su presencia, ni se detuviese arriba
de tres horas en el pais.
|
« Et où est le révérend père provincial ? dit
Cacambo.
|
¿Y donde está el reverendo padre provincial? dixo
Cacambo.
|
-- Il est à la parade après avoir dit sa messe,
répondit le sergent ; et vous ne pourrez baiser ses éperons que dans trois
heures. -- Mais, dit Cacambo, monsieur le capitaine, qui meurt de faim
comme moi, n′est point espagnol, il est allemand ; ne pourrions-nous point
déjeuner en attendant Sa Révérence ? »
|
En la parada, desde que dixo misa, y no podrán vms.
besarle las espuelas hasta de aquí á tres horas. Si el señor capitan, que
se está muriendo de hambre lo mismo que yo, dixo Cacambo, no es Español,
que es Aleman; con que me parece que podemos almorzar miéntras llega Su
Reverendísima.
|
Le sergent alla sur-le-champ rendre compte de ce
discours au commandant.
|
Fuése incontinenti el sargento á dar cuenta al
comandante.
|
« Dieu soit béni ! dit ce seigneur ; puisqu′il
est allemand, je peux lui parler ; qu′on le mène dans ma feuillée. »
|
Bendito sea Dios, dixo este señor: una vez que es
Aleman, bien podemos hablar;
|
Aussitôt on conduit Candide dans un cabinet de
verdure orné d′une très jolie colonnade de marbre vert et or, et de
treillages qui renfermaient des perroquets, des colibris, des oiseaux-
mouches, des pintades, et tous les oiseaux les plus rares. Un excellent
déjeuner était préparé dans des vases d′or ; et tandis que les Paraguains
mangèrent du maïs dans des écuelles de bois, en plein champ, à l′ardeur du
soleil, le révérend père commandant entra dans la feuillée.
|
llévenle á mi enramada. Lleváron al punto á Candido á un
retrete de verdura, ornado de una muy bonita colunata de mármol verde y
color de oro, y de enjaulados donde habia encerrados papagayos,
páxaros-moscas, colibríes, gallinas de Guinea, y otros páxaros raros.
Estaba servido en vaxilla de oro un excelente almuerzo; y miéntras comian
granos de maiz los Paraguayeses en escudillas de palo, y en campo raso al
calor del sol, se metió el padre reverendo en la enramada.
|
C′était un très beau jeune homme, le visage
plein, assez blanc, haut en couleur, le sourcil relevé, l′oeil vif,
l′oreille rouge, les lèvres vermeilles, l′air fier, mais d′une fierté qui
n′était ni celle d′un Espagnol ni celle d′un jésuite. On rendit à Candide
et à Cacambo leurs armes, qu′on leur avait saisies, ainsi que les deux
chevaux andalous ; Cacambo leur fit manger l′avoine auprès de la feuillée,
ayant toujours l′oeil sur eux, crainte de surprise.
|
Era este un mozo muy galan, lleno de cara, blanco y
colorado, las cejas altas y arqueadas, los ojos despiertos, encarnadas las
orejas, roxos los labios, el ademan altivo, pero no aquella altivez de un
Español, ni la de un jesuita. Fuéron restituidas á Candido y á Cacambo las
armas que les habian quitado, y con ellas los dos caballos andaluces; y
Cacambo les echó un pienso cerca de la enramada, sin perderlos de vista,
temiendo que le jugaran alguna treta.
|
Candide baisa d′abord le bas de la robe du
commandant, ensuite ils se mirent à table.
|
Besó Candido la sotana del comandante, y se sentaron
ámbos á la mesa.
|
« Vous êtes donc allemand ? lui dit le jésuite en
cette langue.
|
¿Con que es vm. Aleman? le dixo el jesuita en este
idioma.
|
-- Oui, mon Révérend Père », dit Candide.
|
Sí, padre reverendísimo, dixo Candido.
|
L′un et l′autre, en prononçant ces paroles, se
regardaient avec une extrême surprise et une émotion dont ils n′étaient
pas les maîtres.
|
Miráronse uno y otro, al pronunciar estas palabras, con
un pasmo y una alteracion que no podian contener en el pecho.
|
« Et de quel pays d′Allemagne êtes-vous ? dit le
jésuite.
|
¿De qué pais de Alemania es vm.? dixo el jesuita.
|
-- De la sale province de Westphalie, dit Candide
: je suis né dans le château de Thunder-ten-tronckh.
|
De la sucia provincia de Vesfalia, replicó Candido,
natural de la quinta de Tunder-ten-tronck.
|
-- Ô ciel ! est il possible ? s′écria le
commandant.
|
¡Dios mio! ¿es posible? exclamó el comandante.
|
-- Quel miracle ! s′écria Candide.
|
¡Qué portento! gritaba Candido.
|
-- Serait-ce vous ? dit le commandant.
|
¿Es vm.? decia el comandante.
|
-- Cela n′est pas possible », dit Candide. Ils se
laissent tomber tous deux à la renverse, ils s′embrassent, ils versent des
ruisseaux de larmes.
|
No puede ser, replicaba Candido. Ambos á dos se tiran
uno á otro, se abrazan, y derraman un mar de lágrimas.
|
« Quoi ! serait-ce vous, mon Révérend Père ?
vous, le frère de la belle Cunégonde ! vous, qui fûtes tué par les
Bulgares ! vous, le fils de monsieur le baron ! vous, jésuite au Paraguay
! Il faut avouer que ce monde est une étrange chose. Ô Pangloss ! Pangloss
! que vous seriez aise si vous n′aviez pas été pendu ! »
|
¿Con que es vm., reverendo padre? ¡vm., hermano de la
hermosa Cunegunda; vm., que fué muerto por los Bulgaros; vm., hijo del
señor baron; vm., jesuita en el Paraguay! vaya, que en este mundo se ven
cosas extrañas. ¡Ha Panglós, Panglós, qué júbilo fuera el tuyo si no te
hubieran ahorcado!
|
Le commandant fit retirer les esclaves nègres et
les Paraguains qui servaient à boire dans des gobelets de cristal de
roche. Il remercia Dieu et saint Ignace mille fois ; il serrait Candide
entre ses bras ; leurs visages étaient baignés de pleurs.
|
Hizo retirar el comandante á los esclavos negros y á los
Paraguayeses, que le escanciaban vinos preciosos en vasos de cristal de
roca, y dió mil veces gracias á Dios y á San Ignacio, estrechando en sus
brazos á Candido, miéntras que por los rostros de ámbos corrian copiosos
llantos.
|
« Vous seriez bien plus étonné, plus attendri,
plus hors de vous-même, dit Candide, si je vous disais que Mlle Cunégonde,
votre soeur, que vous avez crue éventrée, est pleine de santé.
|
Mas se enternecerá vm., se pasmará, y perderá el juicio,
continuó Candido, quando sepa que la baronesita su hermana, á quien cree
que le han pasado el vientre, está buena y sana.—
|
-- Où ?
|
¿Adonde?
|
-- Dans votre voisinage, chez M. le gouverneur de
Buenos-Ayres ; et je venais pour vous faire la guerre. »
|
—Aquí cerca, en casa del señor gobernador de
Buenos-Ayres, y yo he venido con ella á la guerra.
|
Chaque mot qu′ils prononcèrent dans cette longue
conversation accumulait prodige sur prodige. Leur âme tout entière volait
sur leur langue, était attentive dans leurs oreilles et étincelante dans
leurs yeux. Comme ils étaient allemands, ils tinrent table longtemps, en
attendant le révérend père provincial ; et le commandant parla ainsi à son
cher Candide.
|
Cada palabra que en esta larga conversación decian era
un prodigio nuevo: toda su alma la tenian pendiente de la lengua, atenta
en los oidos, y brillándoles en los ojos. A fuer de Alemanes, estuviéron
largo espacio sentados á la mesa, miéntras venia el reverendo padre
provincial; y el comandante habló así á su amado Candido.
|
CHAPITRE QUINZIÈME
|
CAPITULO XV.
|
COMMENT CANDIDE TUA LE FRÈRE DE SA CHÈRE
CUNÉGONDE
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_Que cuenta la muerte gue dió Candido al hermano de su
querida Cunegunda._
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« J′aurai toute ma vie présent à la mémoire le
jour horrible où je vis tuer mon père et ma mère, et violer ma soeur.
Quand les Bulgares furent retirés, on ne trouva point cette soeur
adorable, et on mit dans une charrette ma mère, mon père et moi, deux
servantes et trois petits garçons égorgés, pour nous aller enterrer dans
une chapelle de jésuites, à deux lieues du château de mes pères. Un
jésuite nous jeta de l′eau bénite ; elle était horriblement salée ; il en
entra quelques gouttes dans mes yeux ; le père s′aperçut que ma paupière
faisait un petit mouvement : il mit la main sur mon coeur et le sentit
palpiter ; je fus secouru, et, au bout de trois semaines, il n′y
paraissait pas. Vous savez, mon cher Candide, que j′étais fort joli, je le
devins encore davantage ; aussi le révérend père Croust, supérieur de la
maison, prit pour moi la plus tendre amitié ; il me donna l′habit de
novice ; quelque temps après je fus envoyé à Rome. Le père général avait
besoin d′une recrue de jeunes jésuites allemands. Les souverains du
Paraguay reçoivent le moins qu′ils peuvent de jésuites espagnols ; ils
aiment mieux les étrangers, dont ils se croient plus maîtres. Je fus jugé
propre par le révérend père général pour aller travailler dans cette
vigne. Nous partîmes, un Polonais, un Tyrolien et moi. Je fus honoré, en
arrivant, du sous-diaconat et d′une lieutenance ; je suis aujourd′hui
colonel et prêtre. Nous recevrons vigoureusement les troupes du roi
d′Espagne ; je vous réponds qu′elles seront excommuniées et battues. La
Providence vous envoie ici pour nous seconder. Mais est-il bien vrai que
ma chère soeur Cunégonde soit dans le voisinage, chez le gouverneur de
Buenos-Ayres ? »
|
Toda mi vida tendré presente aquel horrorosa dia que vi
dar muerte á mi padre y á mi madre, y violar á mi hermana. Quando se
retiráron los Bulgaros, nadie pudo dar lengua de esta adorable hermana, y
echáron en una carreta á mi madre, á mi padre, y á mí, á dos criadas, y
tres muchachos degollados, para enterrarnos en una iglesia de jesuitas,
que dista dos leguas de la quinta de mi padre. Un jesuita nos roció con
agua bendita, que estaba muy salada; me entráron unas gotas en los ojos, y
advirtió el padre que hacian mis pestañas un movimiento de contraccion;
púsome la mano en el corazon, y le sintió latir: me socorriéron, y al cabo
de tres semanas me hallé sano. Ya sabe vm., querido Candido, que era muy
bonitillo; creció mi hermosura con la edad, de suerte que el reverendo
padre Croust, rector de la casa, me tomó mucho cariño, y me dió el hábito
de novicio: poco despues me enviáron á Roma. El padre general necesitaba
una leva de jesuitas alemanes mozos. Los soberanos del Paraguay admiten lo
ménos jesuitas españoles que pueden, y prefieren á los extrangeros, de
quien se tienen por mas seguros. El reverendo padre general me creyó bueno
para el cultivo de esta viña, y vinimos juntos un Polaco, un Tirolés, y
yo. Así que llegué, me ordenáron de subdiácono, y me diéron una tenencia:
y ya soy coronel y sacerdote. Las tropas del rey de España serán recibidas
con brío, y yo salgo fiador de que se han de volver excomulgadas y
vencidas. La Providencia le ha traído á vm. aquí para favorecernos. Pero
¿es cierto que está mi querida Cunegunda aquí cerca en casa del gobernador
de Buenos-Ayres?
|
Candide l′assura par serment que rien n′était
plus vrai. Leurs larmes recommencèrent à couler.
|
Candido le confirmó conjuramento la verdad de quanto le
habia referido, y corriéron de nuevo los llantos de entrámbos.
|
Le baron ne pouvait se lasser d′embrasser
Candide, il l′appelait son frère, son sauveur.
|
No se hartaba el baron de dar abrazos á Candido,
apellidándole su hermano y su libertador.
|
« Ah ! peut-être, lui dit-il, nous pourrons
ensemble, mon cher Candide, entrer en vainqueurs dans la ville, et
reprendre ma soeur Cunégonde.
|
Acaso podrémos, querido Candido, le dixo, entrar
vencedores los dos juntos en Buenos-Ayres, y recuperar á mi hermana
Cunegunda.
|
-- C′est tout ce que je souhaite, dit Candide ;
car je comptais l′épouser, et je l′espère encore.
|
No deseo yo otra cosa, respondió Candido, porque me iba
á casar con ella, y todavía espero ser su esposo.
|
-- Vous, insolent ! répondit le baron, vous
auriez l′impudence d′épouser ma soeur qui a soixante et douze quartiers !
Je vous trouve bien effronté d′oser me parler d′un dessein si téméraire !
»
|
¡Tú, insolente! replicó el baron: ¡tener descaro para
casarte con mi hermana, que tiene setenta y dos quarteles!¡y tienes
avilantez para hablarme de tan temerario pensamiento!
|
Candide, pétrifié d′un tel discours, lui répondit
:
|
Confuso Candido al oir estas razones, le respondió:
|
« Mon Révérend Père, tous les quartiers du monde
n′y font rien ; j′ai tiré votre soeur des bras d′un Juif et d′un
inquisiteur ; elle m′a assez d′obligations, elle veut m′épouser. Maître
Pangloss m′a toujours dit que les hommes sont égaux, et assurément je
l′épouserai.
|
Reverendo padre, no importan un bledo todos los cuarteles
de este mundo; yo he sacado á la hermana de vuestra reverencia de poder de
un Judío y un inquisidor; ella me está agradecida, y quiere ser mi muger:
maese Panglós me ha dicho que todos éramos iguales, y Cunegunda ha de ser
mia.
|
-- C′est ce que nous verrons, coquin ! » dit le
jésuite baron de Thunder-ten-tronckh, et en même temps il lui donna un
grand coup du plat de son épée sur le visage. Candide dans l′instant tire
la sienne et l′enfonce jusqu′à la garde dans le ventre du baron jésuite ;
mais, en la retirant toute fumante, il se mit à pleurer :
|
Eso lo verémos, picaruelo, dixo el jesuita baron de
Tunder-ten-tronck, alargándole con la hoja de la espada un cintarazo en
los hocicos. Candido desenvayna la suya, y se la mete en la barriga hasta
la cazoleta al baron jesuita; pero, al sacarla humeando en sangre, echó á
llorar.
|
« Hélas ! mon Dieu, dit-il, j′ai tué mon ancien
maître, mon ami, mon beau-frère ; je suis le meilleur homme du monde, et
voilà déjà trois hommes que je tue ; et dans ces trois il y a deux
prêtres. »
|
¡Ay, Dios mio, dixo, que he quitado la vida á mi amo
antiguo, á mi amigo y mi cuñado! El mejor hombre del mundo soy, y ya llevo
muertos tres hombres, y de estos tres los dos son clérigos.
|
Cacambo, qui faisait sentinelle à la porte de la
feuillée, accourut.
|
Acudió á la bulla Cacambo que estaba de centinela á la
puerta de la enramada.
|
« Il ne nous reste qu′à vendre cher notre vie,
lui dit son maître : on va sans doute entrer dans la feuillée, il faut
mourir les armes à la main. »
|
No nos queda mas que vender caras nuestras vidas, le
dixo su amo; sin duda van á entrar en la enramada: muramos con las armas
en la mano.
|
Cacambo, qui en avait vu bien d′autres, ne perdit
point la tête ; il prit la robe de jésuite que portait le baron, la mit
sur le corps de Candide, lui donna le bonnet carré du mort, et le fit
monter à cheval. Tout cela se fit en un clin d′oeil.
|
Cacambo que no se atosigaba por nada, sin inmutarse
cogió la sotana del baron, se la echó á Candido encima, le puso el bonete
de Teatino del cadáver, y le hizo montar á caballo: todo esto se executó
en un momento.
|
« Galopons, mon maître ; tout le monde vous
prendra pour un jésuite qui va donner des ordres ; et nous aurons passé
les frontières avant qu′on puisse courir après nous. »
|
Galopemos, Señor: todo el mundo creerá que es vm. Un
jesuita que lleva órdenes, y ántes que vengan tras de nosotros, estarémos
ya fuera de las fronteras.
|
Il volait déjà en prononçant ces paroles, et en
criant en espagnol :
|
Todo fué uno el pronunciar estas palabras, y volar
gritando:
|
« Place, place pour le révérend père colonel. »
|
Plaza, plaza al reverendo padre coronel.
|
CHAPITRE SEIZIÈME
|
CAPITULO XVI.
|
CE QUI ADVINT AUX DEUX VOYAGEURS AVEC DEUX
FILLES, DEUX SINGES ET LES SAUVAGES NOMMÉS OREILLONS
|
_Donde se da cuenta de los sucesos de nuestros dos
caminantes con dos muchachas, dos ximios, y los salvages llamados
Orejones._
|
Candide et son valet furent au-delà des
barrières, et personne ne savait encore dans le camp la mort du jésuite
allemand. Le vigilant Cacambo avait eu soin de remplir sa valise de pain,
de chocolat, de jambon, de fruits et de quelques mesures de vin. Ils
s′enfoncèrent avec leurs chevaux andalous dans un pays inconnu, où ils ne
découvrirent aucune route. Enfin une belle prairie entrecoupée de
ruisseaux se présenta devant eux. Nos deux voyageurs font repaître leurs
montures. Cacambo propose à son maître de manger, et lui en donne
l′exemple.
|
Ya habian pasado las barreras Candido y su criado, y
todavía ninguno en el campo sabia la muerte del jesuita tudeseo. El
vigilante Cacambo no se habia olvidado de hacer buen repuesto de pan,
chocolate, jamon, fruta, y botas de buen vino, y así se metiéron con sus
caballos andaluces en un pais desconocido, donde no descubriéron sendero
ninguno trillado: al cabo se ofreció á su vista una hermosa pradera regada
de mil arroyuelos, y nuestros dos caminantes dexáron pacer sus
caballerías, Cacambo propuso á su amo que comiese, dándole con el consejo
el exemplo.
|
« Comment veux-tu, disait Candide, que je mange
du jambon, quand j′ai tué le fils de monsieur le baron, et que je me vois
condamné à ne revoir la belle Cunégonde de ma vie ? à quoi me servira de
prolonger mes misérables jours, puisque je dois les traîner loin d′elle
dans les remords et dans le désespoir ? et que dira le journal de Trévoux
? »
|
¿Cómo quieres, le dixo Candido, que coma jamon, después
de haber muerto al hijo del señor baron, y viéndome condenado á no volver
á mirar á la bella Cunegunda? ¿Qué me valdrá el alargar mis desventurados
años, debiendo pasailos léjos de ella en los remordimientos y la
desesperacion? ¿Qué dirá el diarista de Trevoux?
|
En parlant ainsi, il ne laissait pas de manger.
Le soleil se couchait. Les deux égarés entendirent quelques petits cris
qui paraissaient poussés par des femmes. Ils ne savaient si ces cris
étaient de douleur ou de joie ; mais ils se levèrent précipitamment avec
cette inquiétude et cette alarme que tout inspire dans un pays inconnu.
Ces clameurs partaient de deux filles toutes nues qui couraient légèrement
au bord de la prairie, tandis que deux singes les suivaient en leur
mordant les fesses. Candide fut touché de pitié ; il avait appris à tirer
chez les Bulgares, et il aurait abattu une noisette dans un buisson sans
toucher aux feuilles. Il prend son fusil espagnol à deux coups, tire, et
tue les deux singes.
|
Dicho esto, no dexó de comer. El sol iba á ponerse,
quando á deshora oyen los dos asendereados caminantes unos blandos
quejidos como de mugeres; pero no sabian si eran de gusto ó de
sentimiento: levantáronse empero á toda priesa con el susto y la inquietud
que qualquiera cosa infunde en un pais no conocido. Daban estos gritos dos
mozas en cueros, que corrian con mucha ligereza por la pradera, y en su
seguimiento iban dos ximios dándoles bocados en las nalgas. Movióse
Candido á compasion; habia aprendido á tirar con los Búlgaros, y era tan
diestro que derribaba una avellana del árbol sin tocar á las hojas; cogió
pues su escopeta madrileña de dos cañones, tiró, y mató ámbos ximios.
|
« Dieu soit loué, mon cher Cacambo ! j′ai délivré
d′un grand péril ces deux pauvres créatures ; si j′ai commis un péché en
tuant un inquisiteur et un jésuite, je l′ai bien réparé en sauvant la vie
à deux filles. Ce sont peut-être deux demoiselles de condition, et cette
aventure nous peut procurer de très grands avantages dans le pays. »
|
Bendito sea Dios, querido Cacambo, dixo, que de tamaño
peligro he librado esas dos pobres criaturas: si cometí un pecado en matar
á un inquisidor y á un jesuita, ya he satisfecho á Dios, librando de la
muerte á dos muchachas, que acaso son señoritas de circunstancias; y esta
aventura no puede ménos de grangearnos mucho provecho en el pais.
|
Il allait continuer, mais sa langue devint
percluse quand il vit ces deux filles embrasser tendrement les deux
singes, fondre en larmes sur leurs corps et remplir l′air des cris les
plus douloureux.
|
Iba á decir mas, pero se le heló la sangre y el habla
quando vió que las dos muchachas se abrazaban amorosamente de los monos,
inundaban en llanto los cadáveres, y henchian el viento de los mas
dolientes gritos.
|
« Je ne m′attendais pas à tant de bonté d′âme »,
dit-il enfin à Cacambo ; lequel lui répliqua :
|
No esperaba yo tanta bondad, dixo á Cacambo; el qual le
replicó:
|
« Vous avez fait là un beau chef-d′oeuvre, mon
maître ; vous avez tué les deux amants de ces demoiselles.
|
Buena la hemos hecho, Señor. Los que vm. ha muerto eran
los amantes de estas dos niñas.
|
-- Leurs amants ! serait-il possible ? vous vous
moquez de moi, Cacambo ; le moyen de vous croire ?
|
¡Amantes! ¿cómo es posible? Cacambo, tu te estás
burlando: ¿cómo quieres que tal crea?′ Señor amado, replicó Cacambo, vm.
de todo se pasma.
|
-- Mon cher maître, reprit Cacambo, vous êtes
toujours étonné de tout ; pourquoi trouvez-vous si étrange que dans
quelques pays il y ait des singes qui obtiennent les bonnes grâces des
dames ? Ils sont des quarts d′hommes, comme je suis un quart d′Espagnol.
|
¿Porqué extraña tanto que en algunos países sean los
ximios favorecidos de las damas, si son quarterones de hombre, lo mismo
que yo quarteron de Español?
|
-- Hélas ! reprit Candide, je me souviens d′avoir
entendu dire à maître Pangloss qu′autrefois pareils accidents étaient
arrivés, et que ces mélanges avaient produit des égipans, des faunes, des
satyres ; que plusieurs grands personnages de l′antiquité en avaient vu ;
mais je prenais cela pour des fables.
|
Ha, repuso Candido, bien me acuerdo de haber oido decir
á maese Panglós que antiguamente sucedian esos casos, y que de estas
mezelas procediéron los egypancs, los faunos, los sátiros, que viéron
muchos principales personages de la antigüedad; pero yo todo lo tenia por
fabuloso.
|
-- Vous devez être convaincu à présent, dit
Cacambo, que c′est une vérité, et vous voyez comment en usent les
personnes qui n′ont pas reçu une certaine éducation ; tout ce que je
crains, c′est que ces dames ne nous fassent quelque méchante affaire. »
|
Ya puede vm. convencerse ahora, dixo Cacambo, de que son
verdades, y ya ve los estilos de la gente que no ha tenido cierta
educacion: lo que me temo, es que estas damas nos metan en algun
atolladero.
|
Ces réflexions solides engagèrent Candide à
quitter la prairie et à s′enfoncer dans un bois. Il y soupa avec Cacambo ;
et tous deux, après avoir maudit l′inquisiteur de Portugal, le gouverneur
de Buenos-Ayres et le baron, s′endormirent sur de la mousse. À leur
réveil, ils sentirent qu′ils ne pouvaient remuer ; la raison en était que
pendant la nuit les Oreillons, habitants du pays, à qui les deux dames les
avaient dénoncés, les avaient garrottés avec des cordes d′écorce d′arbre.
Ils étaient entourés d′une cinquantaine d′Oreillons tout nus, armés de
flèches, de massues et de haches de caillou : les uns faisaient bouillir
une grande chaudière ; les autres préparaient des broches, et tous
criaient :
|
Persuadido Candido por tan sólidas reflexîones, se
desvió de la pradera, y se metió en una selva, donde cenó con Cacambo; y
despues que hubiéron ámbos echado sendas maldiciones al inquisidor de
Portugal, al gobernador de Buenos-Ayres, y al baron, se quedáron dormidos
sobre la yerba. Al despertar sintiéron que no se podian menear; y era la
causa que por la noche los Orejones, moradores del pais, á quien habian
dado el soplo las dos damas, los habian atado con cuerdas hechas de
cortezas de árboles. Cercábanlos unos cincuenta Orejones desnudos, y
armados con flechas, mazas y hachas de pedernal: unos hacian hervir un
grandísimo caldero, otros aguzaban asadores, y todos clamaban:
|
« C′est un jésuite, c′est un jésuite ! nous
serons vengés, et nous ferons bonne chère ; mangeons du jésuite, mangeons
du jésuite ! »
|
Un jesuita, un jesuita; ahora nos vengarémos, y nos
regalarémos; á comer jesuita, á comer jesuíta.
|
« Je vous l′avais bien dit, mon cher maître,
s′écria tristement Cacambo, que ces deux filles nous joueraient d′un
mauvais tour. »
|
Bien le habia yo dicho á vm., señor, dixo en triste voz
Cacambo, que las muchachas aquellas nos jugarian una mala pasada.
|
Candide, apercevant la chaudière et les broches,
s′écria :
|
Candido mirando los asadores y el caldero, dixo:
|
« Nous allons certainement être rôtis ou
bouillis. Ah ! que dirait maître Pangloss, s′il voyait comme la pure
nature est faite ? Tout est bien ; soit, mais j′avoue qu′il est bien cruel
d′avoir perdu Mlle Cunégonde et d′être mis à la broche par des Oreillons »
|
Sin, duda que van á cocernos ó asarnos. Ha, ¿qué diria
el doctor Panglós si viera lo que es la pura naturaleza? Todo está
bien,norabuena; pero confesemos que es triste cosa haber perdido á mi
Cunegunda, y ser espetado en un asador por unos Orejones.
|
Cacambo ne perdait jamais la tête.
|
Cacambo, que nunca se alteraba por nada, dixo al
desconsolado Candido:
|
« Ne désespérez de rien, dit-il au désolé Candide
; j′entends un peu le jargon de ces peuples, je vais leur parler.
|
No se aflija vm., que yo entiendo algo el guirigay de
estos pueblos, y les voy á hablar.
|
-- Ne manquez pas, dit Candide, de leur
représenter quelle est l′inhumanité affreuse de faire cuire des hommes, et
combien cela est peu chrétien. »
|
No dexes de representarles, dixo Candido, que es una
inhumanidad horrible el cocer la gente en agua hirviendo, y accion de mal
cristiano.
|
« Messieurs, dit Cacambo, vous comptez donc
manger aujourd′hui un jésuite : c′est très bien fait ; rien n′est plus
juste que de traiter ainsi ses ennemis. En effet le droit naturel nous
enseigne à tuer notre prochain, et c′est ainsi qu′on en agit dans toute la
terre. Si nous n′usons pas du droit de le manger, c′est que nous avons
d′ailleurs de quoi faire bonne chère ; mais vous n′avez pas les mêmes
ressources que nous ; certainement il vaut mieux manger ses ennemis que
d′abandonner aux corbeaux et aux corneilles le fruit de sa victoire. Mais,
messieurs, vous ne voudriez pas manger vos amis. Vous croyez aller mettre
un jésuite en broche, et c′est votre défenseur, c′est l′ennemi de vos
ennemis que vous allez rôtir. Pour moi, je suis né dans votre pays ;
monsieur que vous voyez est mon maître, et, bien loin d′être jésuite, il
vient de tuer un jésuite, il en porte les dépouilles : voilà le sujet de
votre méprise. Pour vérifier ce que je vous dis, prenez sa robe, portez-la
à la première barrière du royaume de Los Padres ; informez-vous si mon
maître n′a pas tué un officier jésuite. Il vous faudra peu de temps ; vous
pourrez toujours nous manger si vous trouvez que je vous ai menti. Mais,
si je vous ai dit la vérité, vous connaissez trop les principes du droit
public, les moeurs et les lois, pour ne nous pas faire grâce. »
|
Señores, dixo alzando la voz Cacambo, vms. piensan que
se van á comer á un jesuíta; y fuera muy bien hecho, que no hay cosa mas
conforme á justicia que tratar así á sus enemigos. Efectivamente el
derecho natural enseña á matar al próxîmo, y así es estilo en todo el
mundo: y si no exercitamos nosotros el derecho de comérnoslos, consiste en
que tenemos otros manjares con que regalarnos; pero vosotros no estais en
el mismo caso, y cierto vale mas comerse á sus enemigos, que abandonar á
los cuervos y las cornejas el fruto de la victoria. Mas vms., señores, no
se querrán comer á sus amigos; y creen que van á espetar á un jpsuita en
el asador, miéntras que el asado es vuestro defensor, y enemigo de
vuestros enemigos. Yo soy nacido en vuestro mismo pais; este señor que
estais viendo es mi amo, y léjos de ser jesuita, acaba de matar á un
jesuita, y se ha traído los despojos: este es el motivo de vuestro error.
Para verificar lo que os digo, coged su sotana, llevadla á la primera
barrera del reyno de los padres, é informaos si es cierto que mi amo ha
muerto á un jesuita. Poco tiempo será necesario, y luego nos podeis comer,
si averiguais que es mentira; pero si os he dicho la verdad, harto bien
sabeis los principios de derecho público, la moral y las leyes, para que
nos hagais mal.
|
Les Oreillons trouvèrent ce discours très
raisonnable ; ils députèrent deux notables pour aller en diligence
s′informer de la vérité ; les deux députés s′acquittèrent de leur
commission en gens d′esprit, et revinrent bientôt apporter de bonnes
nouvelles. Les Oreillons délièrent leurs deux prisonniers, leur firent
toutes sortes de civilités, leur offrirent des filles, leur donnèrent des
rafraîchissements, et les reconduisirent jusqu′aux confins de leurs États,
en criant avec allégresse :
|
Pareció justa la proposicion á los Orejones, y
comisionáron á dos prohombres para que con la mayor presteza se informaran
de la verdad: los diputados desempeñáron su comision con mucha sagacidad,
y volvieron con buenas noticias. Desatáron pues los Orejones á los dos
presos, les hiciéron mil agasajos, les diéron víveres, y los conduxéron
hasta los confines de su estado, gritando muy alegres:
|
« Il n′est point jésuite, il n′est point jésuite
! »
|
No es jesuita, no es jesuita.
|
Candide ne se lassait point d′admirer le sujet de
sa délivrance.
|
No se hartaba Candido de pasmarse del motivo porque le
habían puesto en libertad.
|
« Quel peuple ! disait-il, quels hommes ! quelles
moeurs ! Si je n′avais pas eu le bonheur de donner un grand coup d′épée au
travers du corps du frère de Mlle Cunégonde, j′étais mangé sans rémission.
Mais, après tout, la pure nature est bonne, puisque ces gens-ci, au lieu
de me manger, m′ont fait mille honnêtetés dès qu′ils ont su que je n′étais
pas jésuite. »
|
¡Qué pueblo, decia, qué gente, qué costumbres! Si no
hubiera tenido la fortuna de atravesar de una estocada de parte á parte al
hermano de mi baronesita, me comian sin mas remision. Verdad es que la
naturaleza pura es buena, quando en vez de comerme me lian agasajado tanto
estas gentes, así que han sabido que no era jesuita.
|
CHAPITRE DIX-SEPTIÈME
|
CAPITULO XVII.
|
ARRIVÉE DE CANDIDE ET DE SON VALET AU PAYS
D′ELDORADO, ET CE QU′ILS Y VIRENT
|
_Cuéntase el arribo de Candido con su criado al pais del
Dorada, y lo que alli viéron._
|
Quand ils furent aux frontières des Oreillons :
|
Quando estuviéron en la raya de los Orejones,
|
« Vous voyez, dit Cacambo à Candide, que cet
hémisphère-ci ne vaut pas mieux que l′autre : croyez-moi, retournons en
Europe par le plus court.
|
Ya ve vm., dixo Cacambo á Candido, que este hemisferio
vale tan poco como el otro; créame, y vólvamónos á Europa por el camino
mas corto.
|
-- Comment y retourner ? dit Candide, et où aller
? Si je vais dans mon pays, les Bulgares et les Abares y égorgent tout ;
si je retourne en Portugal, j′y suis brûlé ; si nous restons dans ce
pays-ci, nous risquons à tout moment d′être mis en broche. Mais comment se
résoudre à quitter la partie du monde que Mlle Cunégonde habite ?
|
¿Cómo me he de volver, respondió Candido, ni adonde he
de ir? Si me vuelvo á mi pais, los Abaros y los Bulgaros lo talan todo á
sangre y fuego; si á Portugal, me queman; si nos quedamos en este pais,
corremos peligro de que nos asen vivos. Mas ¿cómo nos hemos de resolver á
dexar la parte del mundo donde reside mi baronesita?
|
-- Tournons vers la Cayenne, dit Cacambo : nous y
trouverons des Français, qui vont par tout le monde ; ils pourront nous
aider. Dieu aura peut-être pitié de nous. »
|
Encaminémonos á Cayena, dixo Cacambo; alli hallarémos
Franceses, que andan por todo el mundo, y que nos podrán valer: y acaso
tendrá Dios misericordia de nosotros.
|
Il n′était pas facile d′aller à la Cayenne : ils
savaient bien à peu près de quel côté il fallait marcher ; mais des
montagnes, des fleuves, des précipices, des brigands, des sauvages,
étaient partout de terribles obstacles. Leurs chevaux moururent de fatigue
; leurs provisions furent consumées ; ils se nourrirent un mois entier de
fruits sauvages, et se trouvèrent enfin auprès d′une petite rivière bordée
de cocotiers, qui soutinrent leur vie et leurs espérances.
|
No era cosa fácil ir á Cayena: bien sabian, á poco mas ó
ménos, hácia que parte se habian de dirigir; pero las montañas, los rios,
los despeñaderos, los salteadores, y los salvages cran en todas partes
estorbos insuperables. Los caballos se muriéron de cansancio; se les
acabáron las provisiones; y se mantuviéron por espacio de un mes con
frutas silvestres. Al cabo se halláron á orillas de un riachuelo poblado
de cocos, que les conserváron la vida y la esperanza.
|
Cacambo, qui donnait toujours d′aussi bons
conseils que la vieille, dit à Candide :
|
Cacambo, que era de tan buen consejo como la vieja, dixo
á Candido:
|
« Nous n′en pouvons plus, nous avons assez marché
; j′aperçois un canot vide sur le rivage, emplissons-le de cocos,
jetons-nous dans cette petite barque, laissons-nous aller au courant ; une
rivière mène toujours à quelque endroit habité. Si nous ne trouvons pas
des choses agréables, nous trouverons du moins des choses nouvelles.
|
Ya no podemos ir mas tiempo á pié, sobrado hemos andado;
una canoa vacía estoy viendo á la orilla del río, llenémosla de cocos,
metámonos dentro, y dexémonos llevar de la corriente: un río va siempre á
parar á algun sitio habitado; y si no vemos cosas gratas, á lo ménos
verémos cosas nuevas.
|
-- Allons, dit Candide, recommandons-nous à la
Providence. »
|
Vamos allá, dixo Candido, y encomendémonos á la
Providencia.
|
Ils voguèrent quelques lieues entre des bords
tantôt fleuris, tantôt arides, tantôt unis, tantôt escarpés. La rivière
s′élargissait toujours ; enfin elle se perdait sous une voûte de rochers
épouvantables qui s′élevaient jusqu′au ciel. Les deux voyageurs eurent la
hardiesse de s′abandonner aux flots sous cette voûte. Le fleuve, resserré
en cet endroit, les porta avec une rapidité et un bruit horrible. Au bout
de vingt-quatre heures ils revirent le jour ; mais leur canot se fracassa
contre les écueils ; il fallut se traîner de rocher en rocher pendant une
lieue entière ; enfin ils découvrirent un horizon immense, bordé de
montagnes inaccessibles. Le pays était cultivé pour le plaisir comme pour
le besoin ; partout l′utile était agréable. Les chemins étaient couverts
ou plutôt ornés de voitures d′une forme et d′une matière brillante,
portant des hommes et des femmes d′une beauté singulière, traînés
rapidement par de gros moutons rouges qui surpassaient en vitesse les plus
beaux chevaux d′Andalousie, de Tétuan et de Méquinez.
|
Navegáron por espacio de algunas leguas entre riberas,
unas veces amenas, otras áridas, aquí llanas, y allá escarpadas. El río se
iba continuamente ensanchando, y al cabo se encañaba baso una bóveda de
espantables breñas que escalaban el cielo. Tuviéron ámbos caminantes la
osadía de dexarse arrastrar de las olas debaxo de esta bóveda; y el río,
que en este sitio se estrechaba, se los llevó con horroroso estrépito y no
vista velocidad. Al cabo de veinte y quatro horas viéron otra vez la luz;
pero la canoa se hizo añicos en los baxíos, y tuviéron que andar á gatas
de uno en otro peñasco una legua entera: finalmente avistáron un inmenso
horizonte cercado de inaccesibles montañas. Todo el pais estaba cultivado
no ménos para recrear el gusto que para satisfacer las necesidades; en
todas paftes lo útil se maridaba con lo agradable; víanse los caminos
reales cubiertos, ó por mejor decir ornados de carruages deforma elegante
y luciente materia, y dentro mugeres y hombres de peregrina hermosura:
tiraban con raudo paso de estos carruages unos avultados carneros
encarnados, muy mas ligeros que los mejores caballos de Andalucía, Tetuan
y Mequinez.
|
« Voilà pourtant, dit Candide, un pays qui vaut
mieux que la Westphalie. »
|
Mejor tierra es esta, dixo Candido, que la Vesfalia;
|
Il mit pied à terre avec Cacambo auprès du
premier village qu′il rencontra. Quelques enfants du village, couverts de
brocarts d′or tout déchirés, jouaient au palet à l′entrée du bourg ; nos
deux hommes de l′autre monde s′amusèrent à les regarder : leurs palets
étaient d′assez larges pièces rondes, jaunes, rouges, vertes, qui jetaient
un éclat singulier. Il prit envie aux voyageurs d′en ramasser quelques-uns
; c′était de l′or, c′était des émeraudes, des rubis, dont le moindre
aurait été le plus grand ornement du trône du Mogol.
|
y se apeó con Cacambo en el primer lugar que topó.
Algunos muchachos de la aldea, vestidos de tisú de oro hecho pedazos,
estaban jugando al tejo á la entrada del lugar; nuestros dos hombres del
otro mundo se divertian en mirarlos. Eran los tejos unas piezas redondas
muy anchas, amarillas, encarnadas y verdes, que despedian mucho brillo:
cogiéron algunas, y eran oro, esmeraldas y rubíes, de tanto valor que el
de ménos precio hubiera sido la mas rica joya del trono del Gran Mogol.
|
« Sans doute, dit Cacambo, ces enfants sont les
fils du roi du pays qui jouent au petit palet. »
|
Estos muchachos, dixo Cacambo, son sin duda los infantes
que estan jugando al tejo.
|
Le magister du village parut dans ce moment pour
les faire rentrer à l′école.
|
En esto se asomó el maestro de primeras letras del
lugar, y dixo á los muchachos que ya era hora de entrar en la escuela.
|
« Voilà, dit Candide, le précepteur de la famille
royale. »
|
Ese es, dixo Candido, el preceptor de la familia real.
|
Les petits gueux quittèrent aussitôt le jeu, en
laissant à terre leurs palets et tout ce qui avait servi à leurs
divertissements. Candide les ramasse, court au précepteur, et les lui
présente humblement, lui faisant entendre par signes que Leurs Altesses
Royales avaient oublié leur or et leurs pierreries. Le magister du
village, en souriant, les jeta par terre, regarda un moment la figure de
Candide avec beaucoup de surprise, et continua son chemin.
|
Los chicos del lugar abandonáron al punto el juego, y
tiráron los tejos, y quanto para divertirse les habia servido. Cogiólos
Candido, y acercándose á todo correr al preceptor, se los presentó con
mucha humildad, diciéndole por señas que sus Altezas Reales se habian
dexado olvidado aquel oro y aquellas piedras preciosas. Echóse á reir el
maestro de leer, y las tiró al suelo; miró luego atentamente á Candido á
la cara, y siguió su camino.
|
Les voyageurs ne manquèrent pas de ramasser l′or,
les rubis et les émeraudes.
|
Los caminantes se diéron priesa á coger el oro, los
rubíes y las esmeraldas.
|
« Où sommes-nous ? s′écria Candide ; il faut que
les enfants des rois de ce pays soient bien élevés, puisqu′on leur apprend
à mépriser l′or et les pierreries. »
|
¿Donde estamos? decia Candido: menester es que esten
bien educados los infantes de este pais, pues así los enseñan á no hacer
caso del oro ni las piedras preciosas.
|
Cacambo était aussi surpris que Candide. Ils
approchèrent enfin de la première maison du village ; elle était bâtie
comme un palais d′Europe. Une foule de monde s′empressait à la porte, et
encore plus dans le logis. Une musique très agréable se faisait entendre,
et une odeur délicieuse de cuisine se faisait sentir. Cacambo s′approcha
de la porte, et entendit qu′on parlait péruvien ; c′était sa langue
maternelle : car tout le monde sait que Cacambo était né au Tucuman, dans
un village où l′on ne connaissait que cette langue.
|
No estaba Cacambo ménos atónito que Candido. Al fin se
llegáron á la primera casa del lugar, que tenia trazas de un palacio de
Europa; á la puerta habia agolpada una muchedumbre de gente, y mas todavía
dentro: oíase resonar una música melodiosa, y se respiraba un delicioso
olor de exquisitos manjares. Arrimóse Cacambo á la puerta, y oyó hablar
peruano, que era su lengua materna; pues ya sabe todo el mundo que Cacambo
era hijo de Tucuman, de un pueblo donde no se conocia otro idioma.
|
« Je vous servirai d′interprète, dit-il à Candide
; entrons, c′est ici un cabaret. »
|
Yo le serviré á vm. De intérprete, dixo á Candido;
entremos, que este es un meson.
|
Aussitôt deux garçons et deux filles de
l′hôtellerie, vêtus de drap d′or, et les cheveux renoués avec des rubans,
les invitent à se mettre à la table de l′hôte. On servit quatre potages
garnis chacun de deux perroquets, un contour bouilli qui pesait deux cents
livres, deux singes rôtis d′un goût excellent, trois cents colibris dans
un plat, et six cents oiseaux-mouches dans un autre ; des ragoûts exquis,
des pâtisseries délicieuses ; le tout dans des plats d′une espèce de
cristal de roche. Les garçons et les filles de l′hôtellerie versaient
plusieurs liqueurs faites de canne de sucre.
|
Al punto dos mozos y dos criadas del meson, vestidos de
tela de oro, y los cabellos prendidos con lazos de lo mismo, los
convidaron á que se sentaran á mesa redonda. Sirviéron en ella quatro
sopas con dos papagayos cada una, un buytre cocido que pesaba doscientas
libras, dos monos asados de un sabor muy delicado, trescientos colibríes
en un plato, y seiscientos páxaros-moscas en otro, exquisitas frutas, y
pastelería deliciosa, todo en platos de cristal de roca; y los mozos y
sirvientas del meson escanciaban varios licores sacados de la caña de
azúcar.
|
Les convives étaient pour la plupart des
marchands et des voituriers, tous d′une politesse extrême, qui firent
quelques questions à Cacambo avec la discrétion la plus circonspecte, et
qui répondirent aux siennes d′une manière à le satisfaire.
|
La mayor parte de los comensales eran mercaderes y
carruageros, todos de una urbanidad imponderable, que con la mas prudente
circunspeccion hiciéron á Cacambo algunas preguntas, y respondiéron á las
de este,dexándole muy satisfecho de sus respuestas.
|
Quand le repas fut fini, Cacambo crut, ainsi que
Candide, bien payer son écot en jetant sur la table de l′hôte deux de ces
larges pièces d′or qu′il avait ramassées ; l′hôte et l′hôtesse éclatèrent
de rire, et se tinrent longtemps les côtés. Enfin ils se remirent :
|
Quando se acabó la comida, Cacambo y Candido créyeron
que pagaban muy bien el gasto, tirando en la mesa dos de aquellas grandes
piezas de oro que habian cogido; pero soltarón la carcajada el huésped y
la huéspeda, y no pudiéron durante largo rato contener la risa: al fin se
serenáron, y el huésped les dixo:
|
« Messieurs, dit l′hôte, nous voyons bien que
vous êtes des étrangers ; nous ne sommes pas accoutumés à en voir.
Pardonnez-nous si nous nous sommes mis à rire quand vous nous avez offert
en payement les cailloux de nos grands chemins. Vous n′avez pas sans doute
de la monnaie du pays, mais il n′est pas nécessaire d′en avoir pour dîner
ici. Toutes les hôtelleries établies pour la commodité du commerce sont
payées par le gouvernement. Vous avez fait mauvaise chère ici, parce que
c′est un pauvre village ; mais partout ailleurs vous serez reçus comme
vous méritez de l′être. »
|
Bien vemos, señores, que son vms. extrangeros; y como no
estamos acostumbrados á ver ninguno, vms. perdonen si nos hemos echado á
reir quando nos han querido pagar con las piedras de nuestros caminos
reales. Sin duda vms. no tienen moneda del pais, pero tampoco se necesita
para comer aquí, porque todas las posadas establecidas para comodidad del
comercio las paga el gobierno. Aquí han, comido vms. mal, porque estan en
una pobre aldea; pero en las demas partes los recibirán como se merecen.
|
Cacambo expliquait à Candide tous les discours de
l′hôte, et Candide les écoutait avec la même admiration et le même
égarement que son ami Cacambo les rendait.
|
Explicaba Cacambo á Candido todo quanto decia el
huésped, y lo escuchaba Candido con tanto pasmo y maravilla como tenia en
decírselo su amigo Cacambo.
|
« Quel est donc ce pays, disaient-ils l′un et
l′autre, inconnu à tout le reste de la terre, et où toute la nature est
d′une espèce si différente de la nôtre ? C′est probablement le pays où
tout va bien ; car il faut absolument qu′il y en ait de cette espèce. Et,
quoi qu′en dît maître Pangloss, je me suis souvent aperçu que tout allait
assez mal en Westphalie. »
|
¿Pues qué pais es este, decían ambos, ignorado de todo
lo demas de la tierra, y donde la naturaleza entera tanto de la nuestra se
diferencia? Es regular que este sea el pais donde todo está bien, añadia
Candido, que alguno ha de haber de esta especie; y diga lo que quiera
maese Panglós, muchas veces he advertido que todo iba mal en Vesfalia.
|
CHAPITRE DIX-HUITIÈME
|
CAPITULO XVIII.
|
CE QU′ILS VIRENT DANS LE PAYS D′ELDORADO
|
_Donde se da cuenta de lo que en el pais del Dorado
viéron._
|
Cacambo témoigna à son hôte toute sa curiosité ;
l′hôte lui dit :
|
Cacambo dió parte de su curiosidad á su huésped, y este
le dixo:
|
« Je suis fort ignorant, et je m′en trouve bien ;
mais nous avons ici un vieillard retiré de la cour, qui est le plus savant
homme du royaume, et le plus communicatif.
|
Yo soy un ignorante, y no me arrepiento de serlo; pero
en el pueblo tenemos á un anciano retirado de la corte, que es el sugeto
mas docto del reyno, y que mas gusta de comunicar con los otros lo que
sabe.
|
Aussitôt il mène Cacambo chez le vieillard.
Candide ne jouait plus que le second personnage, et accompagnait son
valet. Ils entrèrent dans une maison fort simple, car la porte n′était que
d′argent, et les lambris des appartements n′étaient que d′or, mais
travaillés avec tant de goût que les plus riches lambris ne l′effaçaient
pas. L′antichambre n′était à la vérité incrustée que de rubis et
d′émeraudes ; mais l′ordre dans lequel tout était arrangé réparait bien
cette extrême simplicité.
|
Dicho esto, llevó á Cacambo á casa del anciano. Candido
representaba la segunda persona, y acompañaba á su criado. Entráron ámbos
en una casa sin pompa, porque las puertas no eran mas que de plata, y los
techos de los aposentos de oro, pero con tan fino gusto labrados, que con
los mas ricos techos podian entrar en cetejo; la antesala solamente en
rubíes y esmeraldas estaba embutida, pero el órden con que estaba todo
colocado resarcia esta excesiva simplicidad.
|
Le vieillard reçut les deux étrangers sur un
sopha matelassé de plumes de colibri, et leur fit présenter des liqueurs
dans des vases de diamant ; après quoi il satisfit à leur curiosité en ces
termes :
|
Recibió el anciano á los dos extrangeros en un sofá de
plumas de colibrí, y les ofreció varios licores en vasos de diamante, y
luego satisfizo su curiosidad en estos términos.
|
« Je suis âgé de cent soixante et douze ans, et
j′ai appris de feu mon père, écuyer du roi, les étonnantes révolutions du
Pérou dont il avait été témoin. Le royaume où nous sommes est l′ancienne
patrie des Incas, qui en sortirent très imprudemment pour aller subjuguer
une partie du monde, et qui furent enfin détruits par les Espagnols.
|
Yo tengo ciento setenta y dos años, y mi difunto padre,
caballerízo del rey, me contó las asombrosas revoluciones del Perú, que
habia el presenciado. El reyno donde estamos es la antigua patria de los
Incas, que cometiéron el disparate de abandonarla por ir á sojuzgar parte
del mundo, y que al fin destruyéron los Españoles.
|
« Les princes de leur famille qui restèrent dans
leur pays natal furent plus sages ; ils ordonnèrent, du consentement de la
nation, qu′aucun habitant ne sortirait jamais de notre petit royaume ; et
c′est ce qui nous a conservé notre innocence et notre félicité. Les
Espagnols ont eu une connaissance confuse de ce pays, ils l′ont appelé El
Dorado, et un Anglais, nommé le chevalier Raleigh, en a même approché il y
a environ cent années ; mais, comme nous sommes entourés de rochers
inabordables et de précipices, nous avons toujours été jusqu′à présent à
l′abri de la rapacité des nations de l′Europe, qui ont une fureur
inconcevable pour les cailloux et pour la fange de notre terre, et qui,
pour en avoir, nous tueraient tous jusqu′au dernier. »
|
Mas prudentes fuéron los príncipes de su familia que
permaneciéron en su patria, y por consentimiento de la nacion dispusiéron
que no saliera nunca ningun habitante de nuestro pequeño reyno: lo qual ha
mantenido intacta nuestra inocencia y felicidad. Los Españoles han tenido
una confusa idea de este pais, que han llamado _El Dorado_; y un Inglés,
nombrado el caballero Raleigh, llegó aquí cerca unos cien años hace; mas
como estamos rodeados de intransitables breñas y simas espantosas, siempre
hemos vivido exentos de la rapacidad europea, que con la insaciable sed
que los atormenta de las piedras y el lodo de nuestra tierra, hubieran
acabado con todos nosotros sin dexar uno vivo.
|
La conversation fut longue ; elle roula sur la
forme du gouvernement, sur les moeurs, sur les femmes, sur les spectacles
publics, sur les arts. Enfin Candide, qui avait toujours du goût pour la
métaphysique, fit demander par Cacambo si dans le pays il y avait une
religion.
|
Fué larga la conversacion, y se trató en ella de la
forma de gobierno, de las costumbres, de las mugeres, de los teatros y de
las artes; finalmente Candido, que era muy adicto á la metafísica,
preguntó, por medio de Cacambo, si tenian religion los moradores.
|
Le vieillard rougit un peu.
|
Sonrojóse un poco el anciano, y respondió:
|
« Comment donc, dit-il, en pouvez-vous douter ?
Est-ce que vous nous prenez pour des ingrats ? » \
|
¿Pues cómo lo dudais? ¿creeis que tan ingratos somos?
|
Cacambo demanda humblement quelle était la
religion d′Eldorado. Le vieillard rougit encore.
|
Preguntó Cacambo con mucha humildad qué religion era la
del Dorado. Otra vez se abochornó el viejo, y le replicó:
|
« Est-ce qu′il peut y avoir deux religions ?
dit-il ; nous avons, je crois, la religion de tout le monde : nous adorons
Dieu du soir jusqu′au matin.
|
¿Acaso puede haber dos religiones? Nuestra religion es
la de todo el mundo: adoramos á Dios noche y dia.
|
-- N′adorez-vous qu′un seul Dieu ? dit Cacambo,
qui servait toujours d′interprète aux doutes de Candide.
|
¿Y no adorais mas que un solo Dios? repuso Cacambo,
sirviendo de intérprete á las dudas de Candido.
|
-- Apparemment, dit le vieillard, qu′il n′y en a
ni deux, ni trois, ni quatre. Je vous avoue que les gens de votre monde
font des questions bien singulières. »
|
Como si hubiera dos, ó tres, ó quatro, dixo el anciano:
vaya, que las personas de vuestro mundo hacen preguntas muy raras.
|
Candide ne se lassait pas de faire interroger ce
bon vieillard ; il voulut savoir comment on priait Dieu dans l′Eldorado.
|
No se hartaba Candido de preguntar al buen viejo, y
queria saber qué era lo que pedian á Dios en el Dorado.
|
« Nous ne le prions point, dit le bon et
respectable sage ; nous n′avons rien à lui demander ; il nous a donné tout
ce qu′il nous faut ; nous le remercions sans cesse. »
|
No le pedimos nada, dixo el respetable y buen sabio, y
nada tenemos que pedirle, pues nos ha dado todo quanto necesitamos; pero
le tributamos sin cesar acciones de gracias.
|
Candide eut la curiosité de voir des prêtres ; il
fit demander où ils étaient. Le bon vieillard sourit.
|
A Candido le vino la curiosidad de ver los sacerdotes, y
preguntó donde estaban; y el venerable anciano le dixo sonriéndose:
|
« Mes amis, dit-il, nous sommes tous prêtres ; le
roi et tous les chefs de famille chantent des cantiques d′actions de
grâces solennellement tous les matins ; et cinq ou six mille musiciens les
accompagnent.
|
Amigo mio, aquí todos somos sacerdotes; el rey y todas
las cabezas de familia cantan todas las mañanas solemnes cánticos de
acciones de gracias, que acompañan cinco ó seis mil músicos.
|
-- Quoi ! vous n′avez point de moines qui
enseignent, qui disputent, qui gouvernent, qui cabalent, et qui font
brûler les gens qui ne sont pas de leur avis ?
|
--¿Con que no teneis frayles que enseñen, que arguyan,
que gobiernen, que enreden, y que quemen á los que no son de su parecer?
|
-- Il faudrait que nous fussions fous, dit le
vieillard ; nous sommes tous ici du même avis, et nous n′entendons pas ce
que vous voulez dire avec vos moines. »
|
--Menester seria que estuviéramos locos, respondió el
anciano; aquí todos somos de un mismo parecer, y no entendemos que
significan esos vuestros frayles.
|
Candide à tous ces discours demeurait en extase,
et disait en lui-même :
|
Estaba Candido como extático oyendo estas razones, y
decia para sí:
|
« Ceci est bien différent de la Westphalie et du
château de monsieur le baron : si notre ami Pangloss avait vu Eldorado, il
n′aurait plus dit que le château de Thunder-ten-tronckh était ce qu′il y
avait de mieux sur la terre ; il est certain qu′il faut voyager. »
|
Muy distinto pais es este de la Vesfalia, y de la quinta
del señor baron; si hubiera visto nuestro amigo Panglós el Dorado, no
diria que la quinta de Tunder-ten-tronck era lo mejor que habia en la
tierra. Cierto que es bueno viajar.
|
Après cette longue conversation, le bon vieillard
fit atteler un carrosse à six moutons, et donna douze de ses domestiques
aux deux voyageurs pour les conduire à la cour :
|
Acabada esta larga conversacion, hizo el buen viejo
poner un coche tirado de seis carneros, y dió á los dos caminantes doce de
sus criados para que los llevaran á la Corte.
|
« Excusez-moi, leur dit-il, si mon âge me prive
de l′honneur de vous accompagner. Le roi vous recevra d′une manière dont
vous ne serez pas mécontents, et vous pardonnerez sans doute aux usages du
pays s′il y en a quelques-uns qui vous déplaisent. »
|
Perdonad, les dixo, si me priva mi edad de la honra de
acompañaros; pero el rey os agasajará de modo que quedeis gustosos, y sin
duda disculparéis los estilos del pais, si alguno de ellos os desagrada.
|
Candide et Cacambo montent en carrosse ; les six
moutons volaient, et en moins de quatre heures on arriva au palais du roi,
situé à un bout de la capitale. Le portail était de deux cent vingt pieds
de haut et de cent de large ; il est impossible d′exprimer quelle en était
la matière. On voit assez quelle supériorité prodigieuse elle devait avoir
sur ces cailloux et sur ce sable que nous nommons or et pierreries.
|
Montáron en coche Candido y Cacambo; los seis carneros
iban volando, y en ménos de quatro horas llegáron al palacio del rey,
situado á un extremo de la capital. La puerta principal tenia doscientos y
veinte piés de alto, y ciento de ancho, y no es dable decir de qué materia
era; mas bien se echa de ver quan portentosas ventajas sacaria á los
pedruscos y la arena que llamamos nosotros oro y piedras preciosas.
|
Vingt belles filles de la garde reçurent Candide
et Cacambo à la descente du carrosse, les conduisirent aux bains, les
vêtirent de robes d′un tissu de duvet de colibri ; après quoi les grands
officiers et les grandes officières de la couronne les menèrent à
l′appartement de Sa Majesté, au milieu de deux files chacune de mille
musiciens, selon l′usage ordinaire. Quand ils approchèrent de la salle du
trône, Cacambo demanda à un grand officier comment il fallait s′y prendre
pour saluer Sa Majesté ; si on se jetait à genoux ou ventre à terre ; si
on mettait les mains sur la tête ou sur le derrière ; si on léchait la
poussière de la salle ; en un mot, quelle était la cérémonie.
|
Al apearse Candido y Cacambo del coche, fuéron recibidos
por veinte hermosas doncellas de la guardia real, que los lleváron al
baño, y los vistiéron de un ropage de plumion de colibrí; luego los
principales oficiales y oficialas de palacio los conduxéron al aposento de
Su Magestad, entre dos filas de mil músicos cada una, como era estilo.
Quando estuviéron cerca de la sala del trono, preguntó Cacambo á uno de
los oficiales principales como habian de saludar á Su Magestad; si
hincados de rodillas ó postrados al suelo; si habian de poner las manos en
la cabeza ó en el trasero; si habian de lamer el polvo de la sala;
finalmente quales eran las ceremonias.
|
« L′usage, dit le grand officier, est d′embrasser
le roi et de le baiser des deux côtés. »
|
La práctica, dixo el oficial, es dar un abrazo al rey, y
besarle en ámbas mexillas.
|
Candide et Cacambo sautèrent au cou de Sa
Majesté, qui les reçut avec toute la grâce imaginable et qui les pria
poliment à souper.
|
Abalanzáronse pues Candido y Cacambo al cuello de Su
Magestad, el qual correspondió con la mayor afabilidad, y los convidó
cortesmente á cenar.
|
En attendant, on leur fit voir la ville, les
édifices publics élevés jusqu′aux nues, les marchés ornés de mille
colonnes, les fontaines d′eau pure, les fontaines d′eau rose, celles de
liqueurs de canne de sucre, qui coulaient continuellement dans de grandes
places, pavées d′une espèce de pierreries qui répandaient une odeur
semblable à celle du gérofle et de la cannelle. Candide demanda à voir la
cour de justice, le parlement ; on lui dit qu′il n′y en avait point, et
qu′on ne plaidait jamais. Il s′informa s′il y avait des prisons, et on lui
dit que non. Ce qui le surprit davantage, et qui lui fit le plus de
plaisir, ce fut le palais des sciences, dans lequel il vit une galerie de
deux mille pas, toute pleine d′instruments de mathématique et de physique.
|
Entre tanto les enseñáron la ciudad, los edificios
públicos que escalaban las nubes, las plazas de mercado ornadas de mil
colunas, las fuentes de agua clara, las de agua rosada, las de licores de
caña, que sin parar corrian en vastas plazas empedradas con una especie de
piedras preciosas que esparcian un olor parecido al del clavo y la canela.
Quiso Candido ver la sala del crimen y el tribunal, y le dixéron que no
los habia, porque ninguno litigaba: se informó si habia cárcel, y le fué
dicho que no; pero lo que mas extrañó y mas satisfaccion le causó, fué el
palacio de las ciencias, donde vió una galería de dos mil pasos, llena
toda de instrumentos de física y matemáticas.
|
Après avoir parcouru, toute l′après-dînée, à peu
près la millième partie de la ville, on les ramena chez le roi. Candide se
mit à table entre Sa Majesté, son valet Cacambo et plusieurs dames. Jamais
on ne fit meilleure chère, et jamais on n′eut plus d′esprit à souper qu′en
eut Sa Majesté. Cacambo expliquait les bons mots du roi à Candide, et
quoique traduits, ils paraissaient toujours des bons mots. De tout ce qui
étonnait Candide, ce n′était pas ce qui l′étonna le moins.
|
Habiendo andado en toda aquella tarde como la milésima
parte de la ciudad, los traxéron de vuelta á palacio. Candido se sentó á
la mesa entre Su Magestad, su criado Cacambo, y muchas señoras; y no se
puede ponderar lo delicado de los manjares, ni los dichos agudos que de
boca del monarca se oían. Cacambo le explicaba á Candido los donayres del
rey, y aunque traducidos todavía eran donayres; y de todo quanto pasmó á
Candido, no fué esto lo que le dexó ménos pasmado.
|
Ils passèrent un mois dans cet hospice. Candide
ne cessait de dire à Cacambo :
|
Un mes estuviéron en este hospicio. Candido decia
continuamente á Cacambo:
|
« Il est vrai, mon ami, encore une fois, que le
château où je suis né ne vaut pas le pays où nous sommes ; mais enfin Mlle
Cunégonde n′y est pas, et vous avez sans doute quelque maîtresse en
Europe. Si nous restons ici, nous n′y serons que comme les autres ; au
lieu que si nous retournons dans notre monde seulement avec douze moutons
chargés de cailloux d′Eldorado, nous serons plus riches que tous les rois
ensemble, nous n′aurons plus d′inquisiteurs à craindre, et nous pourrons
aisément reprendre Mlle Cunégonde. »
|
Ello es cierto, amigo mio, que la quinta donde yo nací no
se puede comparar con el pais donde estamos; pero al cabo mi Cunegunda no
habita en él, y sin duda que tampoco á tí te faltará en Europa una que
bien quieras. Si nos quedamos aquí, serémos uno de tantos; y si damos
vuelta á nuestro mundo no mas que con una docena de carneros cargados de
piedras del Dorado, serémos mas ricos que todos los monarcas juntos, no
tendrémos que tener miedo á inquisidores, y con facilidad podrémos cobrar
á la baronesita.
|
Ce discours plut à Cacambo : on aime tant à
courir, à se faire valoir chez les siens, à faire parade de ce qu′on a vu
dans ses voyages, que les deux heureux résolurent de ne plus l′être et de
demander leur congé à Sa Majesté.
|
Este razonamiento petó á Cacambo: tal es la manía de
correr mundo, de ser tenido entre los suyos, de hacer alarde de lo que ha
visto uno en sus viages, que los dos afortunados se determináron á dexarlo
de ser, y á despedirse de Su Magestad.
|
« Vous faites une sottise, leur dit le roi ; je
sais bien que mon pays est peu de chose ; mais, quand on est passablement
quelque part, il faut y rester ; je n′ai pas assurément le droit de
retenir des étrangers ; c′est une tyrannie qui n′est ni dans nos moeurs,
ni dans nos lois : tous les hommes sont libres ; partez quand vous
voudrez, mais la sortie est bien difficile. Il est impossible de remonter
la rivière rapide sur laquelle vous êtes arrivés par miracle, et qui court
sous des voûtes de rochers. Les montagnes qui entourent tout mon royaume
ont dix mille pieds de hauteur, et sont droites comme des murailles ;
elles occupent chacune en largeur un espace de plus de dix lieues ; on ne
peut en descendre que par des précipices. Cependant, puisque vous voulez
absolument partir, je vais donner ordre aux intendants des machines d′en
faire une qui puisse vous transporter commodément. Quand on vous aura
conduits au revers des montagnes, personne ne pourra vous accompagner ;
car mes sujets ont fait voeu de ne jamais sortir de leur enceinte, et ils
sont trop sages pour rompre leur voeu. Demandez-moi d′ailleurs tout ce
qu′il vous plaira.
|
Haceis un disparate, les dixo el rey: bien se que mi
pais vale poco; mas quando se halla uno medianamente bien en un sitio, se
debe estar en él. Yo no tengo por cierto derecho para detener á los
extrangeros, tiranía tan opuesta á nuestra práctica como á nuestras leyes.
Todo hombre es libre, y os podeis ir quando quisiéreis; pero es muy ardua
empresa el salir de este pais: no es posible subir el raudo río por el
qual habeis venido por milagro, y que corre baxo bóvedas de peñascos; las
montañas que cercan mis dominios tienen quatro mil varas de elevacion, y
son derechas como torres; su anchura coge un espacio de diez leguas, y no
es posible baxarlas como no sea despeñándose. Pero, pues estais resueltos
á iros, voy á dar órden á los intendentes de máquinas para que hagan una
que os pueda transportar con comodidad; y quando os hayan conducido al
otro lado de las montañas, nadie os podrá acompañar; porque tienen hecho
voto mis vasallos de no pasar nunca su recinto, y no son tan imprudentes
que le hayan de quebrantar: en quanto á lo demás, pedidme lo que mas os
acomode.
|
-- Nous ne demandons à Votre Majesté, dit
Cacambo, que quelques moutons chargés de vivres, de cailloux, et de la
boue du pays. »
|
No pedimos que Vuestra Magestad nos dé otra cosa, dixo
Cacambo, que algunos carneros cargados de víveres, de piedras y barro del
pais.
|
Le roi rit.
|
Rióse el rey, y dixo:
|
« Je ne conçois pas, dit-il, quel goût vos gens
d′Europe ont pour notre boue jaune ; mais emportez-en tant que vous
voudrez, et grand bien vous fasse. »
|
No se qué, pasion es la que tienen vuestros Europeos á
nuestro barro amarillo; llévaos todo el que querais, y buen provecho os
haga.
|
Il donna l′ordre sur-le-champ à ses ingénieurs de
faire une machine pour guinder ces deux hommes extraordinaires hors du
royaume. Trois mille bons physiciens y travaillèrent ; elle fut prête au
bout de quinze jours, et ne coûta pas plus de vingt millions de livres
sterling, monnaie du pays. On mit sur la machine Candide et Cacambo ; il y
avait deux grands moutons rouges sellés et bridés pour leur servir de
monture quand ils auraient franchi les montagnes, vingt moutons de bât
chargés de vivres, trente qui portaient des présents de ce que le pays a
de plus curieux, et cinquante chargés d′or, de pierreries et de diamants.
Le roi embrassa tendrement les deux vagabonds.
|
Inmediatamente dió órden á sus ingenieros que hicieran
una máquina para izar fuera del reyno á estos dos hombres extraordinarios:
tres mil buenos físicos trabajáron en ella, y se concluyó al cabo de
quince dias, sin costar arriba de cien millones de duros, moneda del pais.
Metiéron en la máquina á Candido y á Cacambo: dos carneros grandes
encarnados tenian puesta la silla y el freno para que montasen en ellos
así que hubiesen pasado los montes, y los seguian otros veinte cargados de
víveres, treinta con preseas de las cosas mas curiosas que en el pais
habia, y cincuenta con oro, diamantes, y otras piedras preciosas. El rey
dió un cariñoso abrazo á los dos vagamundos.
|
Ce fut un beau spectacle que leur départ, et la
manière ingénieuse dont ils furent hissés, eux et leurs moutons, au haut
des montagnes. Les physiciens prirent congé d′eux après les avoir mis en
sûreté, et Candide n′eut plus d′autre désir et d′autre objet que d′aller
présenter ses moutons à Mlle Cunégonde.
|
Fue cosa de ver su partida, y el ingenioso modo con que
los izáron á ellos y á sus carneros á la cumbre de las montañas.
Habiéndolos dexado en parage seguro, se despidiéron de ellos los físicos;
y Candido no tuvo otro hipo ni otra idea que ir á presentar sus carneros á
la baronesita.
|
« Nous avons, dit-il, de quoi payer le gouverneur
de Buenos- Ayres, si Mlle Cunégonde peut être mise à prix. Marchons vers
la Cayenne, embarquons- nous, et nous verrons ensuite quel royaume nous
pourrons acheter. »
|
A bien que llevamos, decia, con que pagar al gobernador
de Buenos-Ayres, si es dable poner precio á mi Cuncgunda: vamos á la isla
de Cayena, embarquémonos, y luego verémos qué reyno habernos de poner en
ajuste.
|
CHAPITRE DIX-NEUVIÈME
|
CAPITULO XIX.
|
CE QUI LEUR ARRIVA À SURINAM, ET COMMENT CANDIDE
FIT CONNAISSANCE AVEC MARTIN
|
_De los sucesos de Surinam, y del conocimiento que hizo
Candido de Martin._
|
La première journée de nos deux voyageurs fut
assez agréable. Ils étaient encouragés par l′idée de se voir possesseur de
plus de trésors que l′Asie, l′Europe et l′Afrique n′en pouvaient
rassembler. Candide, transporté, écrivit le nom de Cunégonde sur les
arbres. À la seconde journée deux de leurs moutons s′enfoncèrent dans des
marais, et y furent abîmés avec leurs charges ; deux autres moutons
moururent de fatigue quelques jours après ; sept ou huit périrent ensuite
de faim dans un désert ; d′autres tombèrent au bout de quelques jours dans
des précipices. Enfin, après cent jours de marche, il ne leur resta que
deux moutons. Candide dit à Cacambo :
|
La primera jornada de nuestros dos caminantes fué
bastante agradable, llevados en alas de la idea de encontrarse posesores
de mayores tesoros que quantos en Asia, Europa y Africa se podian reunir.
El enamorado Candido grabó el nombre de Cunegunda en las cortezas de los
árboles. A la segunda jornada se atolláron en pantanos dos carneros, y
pereciéron con la carga que llevaban; otros dos se muriéron de cansancio
algunos dias despues; luego pereciéron de hambre de siete á ocho en un
desierto; de allí á algunos dias se cayéron otros en unas simas: por fin á
los cien dias de viage no les quedáron mas que dos carneros. Candido dixo
á Cacambo:
|
« Mon ami, vous voyez comme les richesses de ce
monde sont périssables ; il n′y a rien de solide que la vertu et le
bonheur de revoir Mlle Cunégonde.
|
Ya ves, amigo, que deleznables son las riquezas de este
mundo; nada hay sólido, como no sea la virtud, y la dicha de volver á ver
á Cunegunda.
|
-- Je l′avoue, dit Cacambo ; mais il nous reste
encore deux moutons avec plus de trésors que n′en aura jamais le roi
d′Espagne, et je vois de loin une ville que je soupçonne être Surinam,
appartenant aux Hollandais. Nous sommes au bout de nos peines et au
commencement de notre félicité. »
|
Confiéselo así, dixo Cacambo; pero todavía tenemos dos
carneros con mas tesoros que quantos podrá poseer el rey de España, y
desde aquí columbro una ciudad, que presumo que ha de ser Surinam, colonia
holandesa. Al término de nuestras miserias tocamos, y al principio de
nuestra ventura.
|
En approchant de la ville, ils rencontrèrent un
nègre étendu par terre, n′ayant plus que la moitié de son habit,
c′est-à-dire d′un caleçon de toile bleue ; il manquait à ce pauvre homme
la jambe gauche et la main droite.
|
En las inmediaciones del pueblo encontráron á un negro
tendido en el suelo, que no tenia mas que la mitad de su vestido, esto es
de unos calzoncillos de lienzo crudo azul, y al pobre le faltaba la pierna
izquierda y la mano derecha.
|
« Eh, mon Dieu ! lui dit Candide en hollandais,
que fais- tu là, mon ami, dans l′état horrible où je te vois ?
|
¡Dios mió! le dixo Candido, ¿qué haces ahí, amigo, en la
terrible situacion en que te veo?
|
-- J′attends mon maître, M. Vanderdendur, le
fameux négociant, répondit le nègre.
|
Estoy aguardando á mi amo el señor de Vanderdendur,
negociante afamado, respondió el negro.
|
-- Est-ce M. Vanderdendur, dit Candide, qui t′a
traité ainsi ?
|
¿Ha sido por ventura el señor Vanderdendur quien tal te
ha parado? dixo Candido.
|
-- Oui, monsieur, dit le nègre, c′est l′usage. On
nous donne un caleçon de toile pour tout vêtement deux fois l′année. Quand
nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, on
nous coupe la main ; quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la
jambe : je me suis trouvé dans les deux cas. C′est à ce prix que vous
mangez du sucre en Europe. Cependant, lorsque ma mère me vendit dix écus
patagons sur la côte de Guinée, elle me disait : " Mon cher enfant, bénis
nos fétiches, adore-les toujours, ils te feront vivre heureux, tu as
l′honneur d′être esclave de nos seigneurs les blancs, et tu fais par là la
fortune de ton père et de ta mère. " Hélas ! je ne sais pas si j′ai fait
leur fortune, mais ils n′ont pas fait la mienne. Les chiens, les singes et
les perroquets sont mille fois moins malheureux que nous. Les fétiches
hollandais qui m′ont converti me disent tous les dimanches que nous sommes
tous enfants d′Adam, blancs et noirs. Je ne suis pas généalogiste ; mais
si ces prêcheurs disent vrai, nous sommes tous cousins issus de germains.
Or vous m′avouerez qu′on ne peut pas en user avec ses parents d′une
manière plus horrible.
|
Sí, Señor, respondió el negro; así es práctica: nos dan
un par de calzoncillos de lienzo dos veces al año para que nos vistamos;
quando trabajamos en los ingenios de azúcar, y nos coge un dedo la piedra
del molino, nos cortan la mano; quando nos queremos escapar, nos cortan
una pierna: yo me he visto en ámbos casos, y á ese precio se come azúcar
en Europa; puesto que quando en la costa de Guinea me vendió mi madre por
dos escudos patagones, me dixo: Hijo querido, da gracias á nuestros
fetiches, y adóralos sin cesar, para que vivas feliz; ya logras de ellos
la gracia de ser esclavo de nuestros señores los blancos, y de hacer
afortunados á tu padre y á tu madre. Yo no se ¡ay! si los he hecho
afortunados; lo que se es que ellos me han hecho muy desdichado, y que los
perros, los monos y los papagayos lo son mil veces ménos que nosotros. Los
fetiches holandeses que me han convertido, dicen que los blancos y los
negros somos todos hijos de Adan. Yo no soy genealogista, pero si los
predicadores dicen la verdad, todos somos primos hermanos; y cierto que no
es posible portarse de un modo mas horroroso con sus propios parientes.
|
-- Ô Pangloss ! s′écria Candide, tu n′avais pas
deviné cette abomination ; c′en est fait, il faudra qu′à la fin je renonce
à ton optimisme.
|
O Panglós, exclamó Candido, esta abominacion no la
habias tú adivinado: se acabó, será fuerza que abjure tu optimismo.
|
-- Qu′est-ce qu′optimisme ? disait Cacambo.
|
¿Qué es el optimismo? dixo Cacambo.
|
-- Hélas ! dit Candide, c′est la rage de soutenir
que tout est bien quand on est mal. »
|
Ha, respondió Candido, es la manía de sustentar que todo
está bien quando está uno muy mal.
|
Et il versait des larmes en regardant son nègre,
et en pleurant il entra dans Surinam.
|
Vertia lágrimas al decirlo contemplando al negro, y
entró llorando en Surinam.
|
La première chose dont ils s′informent, c′est
s′il n′y a point au port quelque vaisseau qu′on pût envoyer à
Buenos-Ayres. Celui à qui ils s′adressèrent était justement un patron
espagnol, qui s′offrit à faire avec eux un marché honnête. Il leur donna
rendez-vous dans un cabaret. Candide et le fidèle Cacambo allèrent l′y
attendre avec leurs deux moutons.
|
Lo primero que preguntáron fué si habia en el puerto
algun navío que se pudiera fletar para Buenos-Ayres. El hombre á quien se
lo preguntáron era justamente un patron español que les ofreció ajustarse
en conciencia con ellos, y les dió cita en una hostería, adonde Candido y
Cacambo le fuéron á esperar con sus carneros.
|
Candide, qui avait le coeur sur les lèvres, conta
à l′Espagnol toutes ses aventures, et lui avoua qu′il voulait enlever Mlle
Cunégonde.
|
Candido que llevaba siempre el corazon en las manos
contó todas sus aventuras al Español, y le confesó que queria robar á la
baronesita Cunegunda.
|
« Je me garderai bien de vous passer à Buenos-
Ayres, dit le patron : je serais pendu et vous aussi. La belle Cunégonde
est la maîtresse favorite de monseigneur. »
|
Ya me guardaré yo, le respondió, de pasarlos á vms. Á
Buenos-Ayres, porque seria irremisiblemente ahorcado, y vms. ni mas ni
ménos; que la hermosa Cunegunda es la dama en privanza de Su Excelencia.
|
Ce fut un coup de foudre pour Candide ; il pleura
longtemps ; enfin il tira à part Cacambo :
|
Este dicho fué una puñalada en el corazon de Candido:
lloró amalgamente, y despues de su llanto, llamando aparte á Cacambo, le
dixo:
|
« Voici, mon cher ami, lui dit-il, ce qu′il faut
que tu fasses. Nous avons chacun dans nos poches pour cinq ou six millions
de diamants ; tu es plus habile que moi ; va prendre Mlle Cunégonde à
Buenos-Ayres. Si le gouverneur fait quelques difficultés, donne-lui un
million ; s′il ne se rend pas, donne-lui-en deux ; tu n′as point tué
d′inquisiteur, on ne se défiera point de toi. J′équiperai un autre
vaisseau ; j′irai t′attendre à Venise ; c′est un pays libre où l′on n′a
rien à craindre ni des Bulgares, ni des Abares, ni des Juifs, ni des
inquisiteurs. »
|
Escucha, querido amigo, lo que tienes que hacer; cada
uno de nosotros lleva en el bolsillo uno ó dos millones de pesos en
diamantes, y tu eres mas astuto que yo: vete á Buenos-Ayres, en busca de
Cunegunda. Si pone el gobernador alguna dificultad, dale cien mil duros;
si no basta, dale doscientos mil: tu no has muerto á inquisidor ninguno, y
nadie te perseguirá. Yo fletaré otro navío, y te iré á esperar á Venecia;
que es pais libre, donde no hay ni Bulgaros, ni Abaros, ni Judíos, ni
inquisidores que temer.
|
Cacambo applaudit à cette sage résolution. Il
était au désespoir de se séparer d′un bon maître, devenu son ami intime ;
mais le plaisir de lui être utile l′emporta sur la douleur de le quitter.
Ils s′embrassèrent en versant des larmes. Candide lui recommanda de ne
point oublier la bonne vieille. Cacambo partit dès le jour même : c′était
un très bon homme que ce Cacambo.
|
Parecióle bien á Cacambo tan prudente determinacion,
puesto que sentia á par de muerte haberse de separar de amo tan bueno;
pero la satisfaccion de servirle pudo mas con el que el sentimiento de
dexarle. Abrazáronse derramando muchas lágrimas; Candido le encomendó que
no se olvidara de la buena vieja; y Cacambo se partió aquel mismo dia: el
tal Cacambo era un excelente sugeto.
|
Candide resta encore quelque temps à Surinam, et
attendit qu′un autre patron voulût le mener en Italie, lui et les deux
moutons qui lui restaient. Il prit des domestiques, et acheta tout ce qui
lui était nécessaire pour un long voyage ; enfin M. Vanderdendur, maître
d′un gros vaisseau, vint se présenter à lui.
|
Detúvose algún tiempo Candido en Surinam, esperando á
que hubiese otro patron que le llevase á Italia con los dos carneros que
le habian, quedado. Tomó criados para su servicio, y compró todo quanto
era necesario para un viage largo; finalmente se le presentó el señor
Vanderdendur, armador de una gruesa embarcacion.
|
« Combien voulez-vous, demanda-t-il à cet homme,
pour me mener en droiture à Venise, moi, mes gens, mon bagage, et les deux
moutons que voilà ? »
|
¿Quanto pide vm., le preguntó, por llevarme en derechura
á Venecia, con mis criados, mi bagage, y los dos carneros que vm. ve ?
|
Le patron s′accorda à dix mille piastres. Candide
n′hésita pas.
|
El patron pidió diez mil duros, y Candido se los ofreció
sin rebaxa.
|
« Oh ! oh ! dit à part soi le prudent
Vanderdendur, cet étranger donne dix mille piastres tout d′un coup ! il
faut qu′il soit bien riche. »
|
¡Hola, hola! dixo entre sí el prudente Vanderdendur,
¿con que esté extrangero da diez mil duros sin regatear? Menester es que
sea muy rico.
|
Puis, revenant un moment après, il signifia qu′il
ne pouvait partir à moins de vingt mille.
|
Volvió de allí á un rato, y dixo que no podia hacer el
viage por ménos de veinte mil.
|
« Eh bien ! vous les aurez », dit Candide.
|
Veinte mil le daré á vm., dixo Candido.
|
« Ouais ! se dit tout bas le marchand, cet homme
donne vingt mille piastres aussi aisément que dix mille. »
|
Toma, dixo en voz baxa el mercader, ¿con que da veinte
mil duros con la misma facilidad que diez mil?
|
Il revint encore, et dit qu′il ne pouvait le
conduire à Venise à moins de trente mille piastres.
|
Otra vez volvió, y dixo que no le podia llevar á Venecia
si no le daba treinta mil duros.
|
« Vous en aurez donc trente mille » répondit
Candide.
|
Pues treinta mil serán, respondió Candido.
|
« Oh ! oh ! se dit encore le marchand hollandais,
trente mille piastres ne coûtent rien à cet homme-ci ; sans doute les deux
moutons portent des trésors immenses ; n′insistons pas davantage :
faisons-nous d′abord payer les trente mille piastres, et puis nous
verrons. »
|
Ha, ha, murmuró el holandés, treinta mil duros no le
cuestan nada á este hombre; sin duda que en los dos carneros lleva
inmensos tesoros: no insistamos mas; hagamos que nos pague los treinta mil
duros, y luego verémos.
|
Candide vendit deux petits diamants, dont le
moindre valait plus que tout l′argent que demandait le patron. Il le paya
d′avance. Les deux moutons furent embarqués. Candide suivait dans un petit
bateau pour joindre le vaisseau à la rade ; le patron prend son temps, met
à la voile, démarre ; le vent le favorise. Candide, éperdu et stupéfait,
le perd bientôt de vue.
|
Vendió Candido dos diamantes, que el mas chico valia mas
que todo quanto dinero le habia pedido el patron, y le pagó adelantado.
Estaban ya embarcados los dos carneros, y seguia Candido de léjos en una
lancha para ir al navío que estaba en la rada; el patron se aprovecha de
la ocasion, leva anclas, y sesga el mar llevando el viento en popa. En
breve le pierde de vista Candido confuso y desatentado.
|
« Hélas ! cria-t-il, voilà un tour digne de
l′ancien monde. »
|
¡Ay! exclamaba, esta picardía es digna del antiguo
hemisferio.
|
Il retourne au rivage, abîmé dans la douleur ;
car enfin il avait perdu de quoi faire la fortune de vingt monarques.
|
Vuélvese á la playa anegado en su dolor, y habiendo
perdido lo que bastaba para hacer ricos á veinte monarcas.
|
Il se transporte chez le juge hollandais ; et
comme il était un peu troublé, il frappe rudement à la porte ; il entre,
expose son aventure, et crie un peu plus haut qu′il ne convenait. Le juge
commença par lui faire payer dix mille piastres pour le bruit qu′il avait
fait. Ensuite il l′écouta patiemment, lui promit d′examiner son affaire
sitôt que le marchand serait revenu, et se fit payer dix mille autres
piastres pour les frais de l′audience.
|
Fuera de sí, se va á dar parte al juez holandés, y en el
arrebato de su turbacion llama muy recio á la puerta, entra, cuenta su
cuita, y alza la voz algo mas de lo que era regular. Lo primero que hizo
el juez fué condenaile á pagar diez mil duros por la bulla que habia
metido: oyóle luego con mucha pachorra, le prometió que exâmininaria el
asunto así que voliera el mercader, y exîgió otros diez mil duros por los
derechos de audiencia.
|
Ce procédé acheva de désespérer Candide ; il
avait à la vérité essuyé des malheurs mille fois plus douloureux ; mais le
sang-froid du juge, et celui du patron dont il était volé, alluma sa bile,
et le plongea dans une noire mélancolie. La méchanceté des hommes se
présentait à son esprit dans toute sa laideur ; il ne se nourrissait que
d′idées tristes. Enfin, un vaisseau français étant sur le point de partir
pour Bordeaux, comme il n′avait plus de moutons chargés de diamants à
embarquer, il loua une chambre du vaisseau à juste prix, et fit signifier
dans la ville qu′il payerait le passage, la nourriture, et donnerait deux
mille piastres à un honnête homme qui voudrait faire le voyage avec lui, à
condition que cet homme serait le plus dégoûté de son état et le plus
malheureux de la province.
|
Esta conducta acabó de desesperar á Candido; y aunque á
la verdad habia padecido otras desgracias mil veces mas crueles, la calma
del juez y del patron que le habia robado le exâltaron la cólera, y le
ocasionáron una negra melancolía. Presentábase á su mente la maldad humana
con toda su disformidad, y solo pensamientos tristes revolvia. Finalmente
estando para salir para Burdeos un navío francés, y no quedándole carneros
cargados de diamantes que embarcar, ajustó en lo que valia un camarote del
navío, y mandó pregonar en la ciudad que pagaba el viage y la manutencion,
y daba dos mil duros á un hombre de bien que le quisiera acompañar, con la
condición de que fuese el mas descontento de su suerte, y el mas
desdichado de la provincia.
|
Il se présenta une foule de prétendants qu′une
flotte n′aurait pu contenir. Candide voulant choisir entre les plus
apparents, il distingua une vingtaine de personnes qui lui paraissaient
assez sociables, et qui toutes prétendaient mériter la préférence. Il les
assembla dans son cabaret, et leur donna à souper, à condition que chacun
ferait serment de raconter fidèlement son histoire, promettant de choisir
celui qui lui paraîtrait le plus à plaindre et le plus mécontent de son
état à plus juste titre, et de donner aux autres quelques gratifications.
|
Presentóse una cáfila tal de pretendientes, que no
hubieran podido caber en una esquadra. Queriendo Candido escoger los que
mejor educados parecian, señaló hasta unos veinte que le parecieron mas
sociables, y todos pretendían que merecían la preferencia. Reuniólos en su
posada, y los convidó á cenar, poniendo por condicion que hiciese cada uno
de ellos juramento de contar con sinceridad su propia historia, y
prometiendo escoger al que mas digno de compasion y mas descontento con
justicia de su suerte le pareciese, y dar á los demas una gratificacion.
|
La séance dura jusqu′à quatre heures du matin.
Candide, en écoutant toutes leurs aventures, se ressouvenait de ce que lui
avait dit la vieille en allant à Buenos-Ayres, et de la gageure qu′elle
avait faite, qu′il n′y avait personne sur le vaisseau à qui il ne fût
arrivé de très grands malheurs. Il songeait à Pangloss à chaque aventure
qu′on lui contait,
|
Duró la sesion hasta las quatro de la madrugada; y al
oir sus aventuras ó desventuras se acordaba Candido de lo que le habia
dicho la vieja quando iban á Buenos-Ayres, y de la apuesta que habia hecho
de que no habia uno en el navío á quien no hubiesen acontecido gravísimas
desdichas. A cada lástima que contaban, pensaba en Panglós, y decia:
|
« Ce Pangloss, disait-il, serait bien embarrassé
à démontrer son système. Je voudrais qu′il fût ici. Certainement, si tout
va bien, c′est dans Eldorado, et non pas dans le reste de la terre. »
|
El tal Panglós apurado se habia de ver para demostrar su
sistema: yo quisiera que se hallase aquí. Es cierto que si está todo bien,
es en el Dorado, pero no en lo demas de la tierra.
|
Enfin il se détermina en faveur d′un pauvre
savant qui avait travaillé dix ans pour les libraires d′Amsterdam. Il
jugea qu′il n′y avait point de métier au monde dont on dût être plus
dégoûté.
|
Finalmente se determinó enfavor de un hombre docto y
pobre, que habia trabajado diez años para los libreros de Amsterdan,
creyendo que no habia en el mundo oficio que mas aperreado traxese al que
le exercitaba.
|
Ce savant, qui était d′ailleurs un bon homme,
avait été volé par sa femme, battu par son fils, et abandonné de sa fille
qui s′était fait enlever par un Portugais. Il venait d′être privé d′un
petit emploi duquel il subsistait ; et les prédicants de Surinam le
persécutaient parce qu′ils le prenaient pour un socinien. Il faut avouer
que les autres étaient pour le moins aussi malheureux que lui ; mais
Candide espérait que le savant le désennuierait dans le voyage. Tous ses
autres rivaux trouvèrent que Candide leur faisait une grande injustice ;
mais il les apaisa en leur donnant à chacun cent piastres.
|
Fuera de eso este docto sugeto, que era hombre de muy
buena pasta, habia sido robado por su muger, aporreado por su hijo, y su
hija le habia abandonado, y se habia escapado con un Portugués. Le
acababan de quitar un miserable empleo con el qual vivia, y le perseguian
los predicantes de Surinam, porque le tachaban de sociniano. Hase de
confesar que los demas eran por lo menós tan desventurados como él; pero
Candido esperaba que con el docto se aburriria ménos en el viage. Todos
sus competidores se quejáron de la injusticia manifiesta de Candido; mas
este los calmó repartiendo cien duros á cada uno.
|
CHAPITRE VINGTIÈME
|
CAPITULO XX.
|
CE QUI ARRIVA SUR MER A CANDIDE ET À MARTIN
|
_De lo que sucedió á Candido y á Martin durante la
navegacion._
|
Le vieux savant, qui s′appelait Martin,
s′embarqua donc pour Bordeaux avec Candide. L′un et l′autre avaient
beaucoup vu et beaucoup souffert ; et quand le vaisseau aurait dû faire
voile de Surinam au Japon par le cap de Bonne-Espérance, ils auraient eu
de quoi s′entretenir du mal moral et du mal physique pendant tout le
voyage.
|
Embarcóse pues para Burdeos con Candido el docto
anciano, cuyo nombre era Martin. Ambos habian visto y habian padecido
mucho; y aun quando el navío hubiera ido de Surinam al Japon por el cabo
de Buena Esperanza, no les hubiera en todo el viage faltado materia para
discurrir acerca del mal físico y el mal moral.
|
Cependant Candide avait un grand avantage sur
Martin, c′est qu′il espérait toujours revoir Mlle Cunégonde, et que Martin
n′avait rien à espérer ; de plus, il avait de l′or et des diamants ; et,
quoiqu′il eût perdu cent gros moutons rouges chargés des plus grands
trésors de la terre, quoiqu′il eût toujours sur le coeur la friponnerie du
patron hollandais, cependant, quand il songeait à ce qui lui restait dans
ses poches, et quand il parlait de Cunégonde, surtout à la fin du repas,
il penchait alors pour le système de Pangloss.
|
Verdad es que Candido le sacaba muchas ventajas á
Martin, porque llevaba la esperanza de ver á su Cunegunda, y Martin no
tenia cosa ninguna que esperar: y le quedaba oro y diamantes; de suerte
que aunque habia perdido cien carneros grandes cargados de las mayores
riquezas de la tierra, y aunque le escarbaba continuamente la bribonada
del patron holandés, todavía quando pensaba en lo que aun llevaba en su
bolsillo, y hablaba de Cunegunda, con especialidad después de comer, se
inclinaba al sistema de Panglós.
|
« Mais vous, monsieur Martin, dit-il au savant,
que pensez-vous de tout cela ? Quelle est votre idée sur le mal moral et
le mal physique ?
|
Y vm., señor Martín, le dixo al docto, ¿qué piensa de
todo esto? ¿qué opinion lleva cerca del mal físico y el mal moral?
|
-- Monsieur, répondit Martin, mes prêtres m′ont
accusé d′être socinien ; mais la vérité du fait est que je suis manichéen.
|
Señor, respondió Martin, los clérigos me han acusado de
ser sociniano; pero la verdad es que soy maniquéo.
|
-- Vous vous moquez de moi, dit Candide, il n′y a
plus de manichéens dans le monde.
|
Ese es cuento, replicó Candido, que ya no hay maniquéos
en el mundo.
|
-- Il y a moi, dit Martin ; je ne sais qu′y
faire, mais je ne peux penser autrement.
|
Pues yo en el mundo estoy, dixo Martin, y es la realidad
que no está en mi creer otra cosa.
|
-- Il faut que vous ayez le diable au corps, dit
Candide.
|
Menester es que tenga vm. el diablo en el cuerpo, repuso
Candido.
|
-- Il se mêle si fort des affaires de ce monde,
dit Martin, qu′il pourrait bien être dans mon corps, comme partout
ailleurs ; mais je vous avoue qu′en jetant la vue sur ce globe, ou plutôt
sur ce globule, je pense que Dieu l′a abandonné à quelque être malfaisant
; j′en excepte toujours Eldorado. Je n′ai guère vu de ville qui ne désirât
la ruine de la ville voisine, point de famille qui ne voulût exterminer
quelque autre famille. Partout les faibles ont en exécration les puissants
devant lesquels ils rampent, et les puissants les traitent comme des
troupeaux dont on vend la laine et la chair. Un million d′assassins
enrégimentés, courant d′un bout de l′Europe à l′autre, exerce le meurtre
et le brigandage avec discipline pour gagner son pain, parce qu′il n′a pas
de métier plus honnête ; et dans les villes qui paraissent jouir de la
paix et où les arts fleurissent, les hommes sont dévorés de plus d′envie,
de soins et d′inquiétudes qu′une ville assiégée n′éprouve de fléaux. Les
chagrins secrets sont encore plus cruels que les misères publiques. En un
mot, j′en ai tant vu, et tant éprouvé, que je suis manichéen.
|
Tanto papelea en este mundo, dixo Martin, que muy bien
puede ser que esté en mi cuerpo lo mismo que en otra parte. Confieso que
quando tiendo la vista por este globo ó glóbulo, se me figura que le ha
dexado Dios á disposicion de un ser maléfico, exceptuando el Dorado. Aun
no he visto un pueblo que no desee la ruina del pueblo inmediato, ni una
familia que no quisiera exterminar otra familia. En todas partes los
menudos exêcran de los grandes, y se postran á sus plantas; y los grandes
los tratan como viles rebaños, desollándolos y comiéndoselos. Un millon de
asesinos en regimientos andan corriendo la Europa entera, saqueando y
matando con disciplina, porque no saben oficio mas honroso; en las
ciudades que en apariencia disfrutan la paz, y en que florecen las artes,
estan roidos los hombres de mas envidia, inquietudes y afanes, que quantas
plagas padece una ciudad sitiada. Todavía son mas crueles los pesares
secretòs que las miserias públicas; en una palabra, he visto tanto y he
padecido tanto, que soy maniquéo.
|
-- Il y a pourtant du bon, répliquait Candide.
|
Cosas buenas hay, no obstante, replicó Candido.
|
-- Cela peut être, disait Martin, mais je ne le
connais pas. »
|
Podrá ser, decía Martin, mas no han llegado á mi
noticia.
|
Au milieu de cette dispute, on entendit un bruit
de canon. Le bruit redouble de moment en moment. Chacun prend sa lunette.
On aperçoit deux vaisseaux qui combattaient à la distance d′environ trois
milles ; le vent les amena l′un et l′autre si près du vaisseau français
qu′on eut le plaisir de voir le combat tout à son aise. Enfin l′un des
deux vaisseaux lâcha à l′autre une bordée si bas et si juste qu′il le
coula à fond. Candide et Martin aperçurent distinctement une centaine
d′hommes sur le tillac du vaisseau qui s′enfonçait ; ils levaient tous les
mains au ciel et jetaient des clameurs effroyables ; en un moment tout fut
englouti.
|
En esta disputa estaban quando se oyéron descargas de
artillería. De uno en otro instante crecia el estruendo, y todos se
armáron de un anteojo. Veíanse como á distancia de tres millas dos navios
que combatían, y los traxo el viento tan cerca del navío francés á uno y á
otro, que tuviéron el gusto de mirar el combate muy á su sabor. Al cabo
uno de los navios descargó una andanada con tanto tino y acierto, y tan á
flor de agua, que echó á pique á su contrario. Martin y Candido
distinguiéron con mucha claridad en el combes de la nave que zozobraba
unos cien hombres que todos alzaban las manos al cielo dando espantosos
gritos; en un punto se los tragó á todos la mar.
|
« Eh bien ! dit Martin, voilà comme les hommes se
traitent les uns les autres.
|
Vea vm., dixo Martin, pues así se tratan los hombres
unos á otros.
|
-- Il est vrai, dit Candide, qu′il y a quelque
chose de diabolique dans cette affaire. »
|
Verdad es, dixo Candido, que anda aquí la mano del
diablo.
|
En parlant ainsi, il aperçut je ne sais quoi d′un
rouge éclatant qui nageait auprès de son vaisseau. On détacha la chaloupe
pour voir ce que ce pouvait être : c′était un de ses moutons. Candide eut
plus de joie de retrouver ce mouton qu′il n′avait été affligé d′en perdre
cent tous chargés de gros diamants d′Eldorado.
|
Diciendo esto, advirtió cierta cosa de un encarnado muy
subido, que nadaba junto al navio; echáron la lancha para ver que era, y
era uno de sus carneros. Mas se alegró Candido con haber recobrado este
carnero, que lo que habia sentido la pérdida de ciento cargados todos de
diamantes gruesos del Dorado.
|
Le capitaine français aperçut bientôt que le
capitaine du vaisseau submergeant était espagnol, et que celui du vaisseau
submergé était un pirate hollandais ; c′était celui-là même qui avait volé
Candide. Les richesses immenses dont ce scélérat s′était emparé furent
ensevelies avec lui dans la mer, et il n′y eut qu′un mouton de sauvé.
|
En breve reconoció el capitán del navío francés que el
del navío sumergidor era Español, y el del navío sumergido un pirata
holandés, el mismo que habia robado á Candido. Con el pirata se hundiéron
en el mar las inmensas riquezas de que se habia apoderado el infame, y
solo se libertó un carnero.
|
« Vous voyez, dit Candide à Martin, que le crime
est puni quelquefois : ce coquin de patron hollandais a eu le sort qu′il
méritait.
|
Ya ve vm., dixo Candido á Maitin, que á veces llevan los
delitos su merecido: este pícaro de patrón holandés ha sufrido la pena
digna de sus maldades.
|
-- Oui, dit Martin, mais fallait-il que les
passagers qui étaient sur son vaisseau périssent aussi ? Dieu a puni ce
fripon, le diable a noyé les autres. »
|
Está bien, dixo Martin, pero ¿porqué han muerto los
pasageros que venian en su navío? Dios ha castigado al malo, y el diablo
ha ahogado á los buenos.
|
Cependant le vaisseau français et l′espagnol
continuèrent leur route, et Candide continua ses conversations avec
Martin. Ils disputèrent quinze jours de suite, et au bout de quinze jours
ils étaient aussi avancés que le premier. Mais enfin ils parlaient, ils se
communiquaient des idées, ils se consolaient. Candide caressait son
mouton.
|
Seguían en tanto su derrota el navío francés y el
español, y Candido en sus conversaciones con Martin. Quince dias sin parar
disputáron, y tan adelantados estaban el último como el primero; pero
hablaban, se comunicaban sus ideas, y se consolaban. Candido pasando la
mano por el lomo á su carnero.
|
« Puisque je t′ai retrouvé, dit-il, je pourrai
bien retrouver Cunégonde. »
|
le decía: Una vez que te he hallado á tí, tambien podié
hallar á Cunegunda.
|
CHAPITRE VINGT ET UNIÈME
|
CAPITULO XXI.
|
CANDIDE ET MARTIN APPROCHENT DES CÔTES DE FRANCE
ET RAISONNENT
|
_Donde se da cuenta de la plática de Candido y Martín,
al acercarse á las costas de Francia._
|
On aperçut enfin les côtes de France.
|
Avistaronse al fin las costas de Francia.
|
« Avez-vous jamais été en France, monsieur Martin
? dit Candide.
|
¿Ha estado vm. en Francia, señor Martin? dixo Candido.
|
-- Oui, dit Martin, j′ai parcouru plusieurs
provinces. Il y en a où la moitié des habitants est folle, quelques-unes
où l′on est trop rusé, d′autres où l′on est communément assez doux et
assez bête, d′autres où l′on fait le bel esprit ; et dans toutes, la
principale occupation est l′amour, la seconde de médire, et la troisième
de dire des sottises.
|
Sí, Señor, respondió Martin, y he corrido muchas
provincias: en unas la mitad de los habitantes son locos, en otras muy
retrecheros, en estas bastante bonazos y bastante tontos, y en aquellas lo
dan por ladinos. En todas la ocupacion principal es enamorar, murmurar la
segunda, y la tercera decir majaderías.
|
-- Mais, monsieur Martin, avez-vous vu Paris ?
|
--¿Y ha visto vm. á Paris, señor Martin?
|
-- Oui, j′ai vu Paris ; il tient de toutes ces
espèces-là ; c′est un chaos, c′est une presse dans laquelle tout le monde
cherche le plaisir, et où presque personne ne le trouve, du moins à ce
qu′il m′a paru. J′y ai séjourné peu ; j′y fus volé, en arrivant, de tout
ce que j′avais, par des filous, à la foire Saint-Germain ; on me prit moi-
même pour un voleur, et je fus huit jours en prison ; après quoi je me fis
correcteur d′imprimerie pour gagner de quoi retourner à pied en Hollande.
Je connus la canaille écrivante, la canaille cabalante, et la canaille
convulsionnaire. On dit qu′il y a des gens fort polis dans cette ville-là
; je le veux croire.
|
--He visto á París, que es una menestra de páxaros de
todas clases, un caos, una prensa, donde todo el mundo anhela por
placeres, y casi nadie los halla, á lo ménos según me ha parecido. Estuve
poco tiempo; al llegar, me robáron quanto traía unos rateros en la plaza
de San German; luego me reputáron á mi por ladron, y me tuviéron ocho dias
en la cárcel; y al salir libre entré como corrector en una imprenta, para
ganar con que volverme á pié á Holanda. He conocido la canalla escritora,
la canalla enredadora, y la canalla convulsa. Dicen que hay algunas
personas muy cultas en este pueblo, y creo que así será.
|
-- Pour moi, je n′ai nulle curiosité de voir la
France, dit Candide ; vous devinez aisément que, quand on a passé un mois
dans Eldorado, on ne se soucie plus de rien voir sur la terre que Mlle
Cunégonde ; je vais l′attendre à Venise ; nous traverserons la France pour
aller en Italie ; ne m′accompagnerez-vous pas ?
|
Yo por mi no tengo hipo ninguno por ver la Francia, dixo
Candido; bien puede vm. considerar que quien ha vivido un mes en el Dorado
no se cura de ver cosa ninguna de este mundo, como no sea Cunegunda. Voy á
esperarla á Venecia, y atravesarémos la Francia para ir á Italia: ¿me
acompañará vm.?
|
-- Très volontiers, dit Martin ; on dit que
Venise n′est bonne que pour les nobles Vénitiens, mais que cependant on y
reçoit très bien les étrangers quand ils ont beaucoup d′argent ; je n′en
ai point, vous en avez, je vous suivrai partout.
|
Con mil amores, respondió Martin; dicen que Venecia solo
para los nobles Venecianos es buena, puesto que hacen mucho agasajo á los
extrangeros que llevan mucho dinero: yo no le tengo, pero vm. sí, y le
seguiré adonde quiera que fuere.
|
-- À propos, dit Candide, pensez-vous que la
terre ait été originairement une mer, comme on l′assure dans ce gros livre
qui appartient au capitaine du vaisseau ?
|
Hablando de otra cosa, dixo Candido, ¿cree vm. que la
tierra haya sido antiguamente mar, como lo afirma aquel libro gordo que es
del capitan del buque?
|
-- Je n′en crois rien du tout, dit Martin, non
plus que de toutes les rêveries qu′on nous débite depuis quelque temps.
|
No por cierto, replicó Martin, como ni tampoco los demas
adefesios que nos quieren hacer tragar de algun tiempo acá.
|
-- Mais à quelle fin ce monde a-t-il donc été
formé ? dit Candide.
|
¿Pues para qué fin piensa vm. que fué criado el mundo?
continuó Candido.
|
-- Pour nous faire enrager, répondit Martin.
|
Para hacernos dar al diablo, respondió Martin.
|
-- N′êtes-vous pas bien étonné, continua Candide,
de l′amour que ces deux filles du pays des Oreillons avaient pour ces deux
singes, et dont je vous ai conté l′aventure ?
|
¿No se pasma vm., siguió Candido, del amor de las dos
mozas del pais de los Orejones á los dos ximios, que conté á vm.?
|
-- Point du tout, dit Martin ; je ne vois pas ce
que cette passion a d′étrange ; j′ai tant vu de choses extraordinaires,
qu′il n′y a plus rien d′extraordinaire.
|
Muy léjos de eso, repuso Martin; no veo que tenga nada
de extraño esa pasion, y he visto tantas cosas extraordinarias, que nada
se me hace extraordinario.
|
-- Croyez-vous, dit Candide, que les hommes se
soient toujours mutuellement massacrés comme ils font aujourd′hui ? qu′ils
aient toujours été menteurs, fourbes, perfides, ingrats, brigands,
faibles, volages, lâches, envieux, gourmands, ivrognes, avares, ambitieux,
sanguinaires, calomniateurs, débauchés, fanatiques, hypocrites et sots ?
|
¿Cree vm., le dixo Candido, que en todos tiempos se
hayan degollado los hombres como hacen hoy, y que siempre hayan sido
embusteros, aleves, pérfidos, ingratos, ladrones, flacos, mudables, viles,
envidiosos, glotones, borrachos, codiciosos, ambiciosos, sangrientos,
calumniadores, disolutos, fanáticos, hipócritas y necios?
|
-- Croyez-vous, dit Martin, que les éperviers
aient toujours mangé des pigeons quand ils en ont trouvé ?
|
¿Cree vm., replicó Martin, que los milanos se hayan,
siempre engullido las palomas, quando han podido dar con ellas?
|
-- Oui, sans doute, dit Candide.
|
Sin duda, dixo Candido.
|
-- Eh bien ! dit Martin, si les éperviers ont
toujours eu le même caractère, pourquoi voulez-vous que les hommes aient
changé le leur ?
|
Pues bien, continuó Martin, si los milanos siempre han
tenido las mismas inclinaciones, ¿porqué quiere vm. que las de los hombres
hayan ariado?
|
-- Oh ! dit Candide, il y a bien de la
différence, car le libre arbitre... »
|
No, dixo Candido, eso es muy diferente porque el libre
albedrío.....
|
En raisonnant ainsi, ils arrivèrent à Bordeaux.
|
Así discurrian, quando aportáron á Burdeos.
|
CHAPITRE VING - DEUXIÈME
|
CAPITULO XXII.
|
CE QUI ARRIVA EN FRANCE À CANDIDE ET À MARTIN
|
_De los sucesos que en Francia aconteciéron á Candido y
á Martin._
|
Candide ne s′arrêta dans Bordeaux qu′autant de
temps qu′il en fallait pour vendre quelques cailloux du Dorado, et pour
s′accommoder d′une bonne chaise à deux places ; car il ne pouvait plus se
passer de son philosophe Martin. Il fut seulement très fâché de se séparer
de son mouton, qu′il laissa à l′Académie des sciences de Bordeaux,
laquelle proposa pour le sujet du prix de cette année de trouver pourquoi
la laine de ce mouton était rouge ; et le prix fut adjugé à un savant du
Nord, qui démontra par A plus B, moins C, divisé par Z, que le mouton
devait être rouge, et mourir de la clavelée.
|
No se detuvo Candido en Burdeos mas tiempo que el que le
fué necesario para vender algunos pedernales del Dorado, y comprar una
buena silla de posta de dos asientos, porque no podia ya vivir sin su
filósofo Martin. Lo único que sintió fué tenerse que separar de su
carnero, que dexó á la Academia de ciencias de Burdeos, la qual propuso
por asunto del premio de aquel año determinar porque la lana de aquel
carnero era encarnada; y se le adjudicó á un docto del Norte, que demostró
por A mas B, ménos C dividido por Z, que era forzoso que fuera aquel
carnero encarnado, y que se muriese de la moniña.
|
Cependant tous les voyageurs que Candide
rencontra dans les cabarets de la route lui disaient :
|
Todos quantos caminantes topaba Candido en los mesones
le decian:
|
« Nous allons à Paris. »
|
Vamos á Paris.
|
Cet empressement général lui donna enfin l′envie
de voir cette capitale ; ce n′était pas beaucoup se détourner du chemin de
Venise.
|
Este general prurito le inspiró al fin deseos de ver
esta capital, en lo qual no se desviaba mucho de la dirección de Venecia.
|
Il entra par le faubourg Saint-Marceau, et crut
être dans le plus vilain village de la Westphalie.
|
Entró por el arrabal de San Marcelo, y creyó que estaba
en la mas sucia aldea de Vesfalia.
|
A peine Candide fut-il dans son auberge qu′il fut
attaqué d′une maladie légère causée par ses fatigues. Comme il avait au
doigt un diamant énorme, et qu′on avait aperçu dans son équipage une
cassette prodigieusement pesante, il eut aussitôt auprès de lui deux
médecins qu′il n′avait pas mandés, quelques amis intimes qui ne le
quittèrent pas, et deux dévotes qui faisaient chauffer ses bouillons.
Martin disait :
|
Apénas llegó á la posada, le acometió una ligera
enfermedad originada del cansancio; y como llevaba al dedo un enorme
diamante, y habian advertido en su coche una caxa muy pesada, al punto se
le acercáron dos doctores médicos que no habia mandado llamar, varios
íntimos amigos que no se apartaban de él, y dos devotas mugeres que le
hacian caldos.
|
« Je me souviens d′avoir été malade aussi à Paris
dans mon premier voyage ; j′étais fort pauvre : aussi n′eus-je ni amis, ni
dévotes, ni médecins, et je guéris. »
|
Decia Martin: Bien me acuerdo de haber estado yo malo en
Paris, quando mi primer viage; pero era muy pobre, y así ni tuve amigos,
ni devotas, ni médicos, y sané muy presto.
|
Cependant, à force de médecines et de saignées,
la maladie de Candide devint sérieuse. Un habitué du quartier vint avec
douceur lui demander un billet payable au porteur pour l′autre monde ;
Candide n′en voulut rien faire. Les dévotes l′assurèrent que c′était une
nouvelle mode ; Candide répondit qu′il n′était point homme à la mode.
Martin voulut jeter l′habitué par les fenêtres. Le clerc jura qu′on
n′enterrerait point Candide. Martin jura qu′il enterrerait le clerc s′il
continuait à les importuner. La querelle s′échauffa ; Martin le prit par
les épaules et le chassa rudement ; ce qui causa un grand scandale, dont
on fit un procès-verbal.
|
Las resultas fuéron que á poder de sangrías, recetas y
médicos, se agravó la enfermedad de Candido.
|
Candide guérit ; et pendant sa convalescence il
eut très bonne compagnie à souper chez lui. On jouait gros jeu. Candide
était tout étonné que jamais les as ne lui vinssent ; et Martin ne s′en
étonnait pas.
|
Al fin sanó; y miéntras estaba convaleciente, le
visitáron muchos sugetos de trato fino, que cenaban con él. Habia juego
fuerte, y Candido se pasmaba de que nunca le venian, buenos naypes; pero
Martin no lo extrañaba.
|
Parmi ceux qui lui faisaient les honneurs de la
ville, il y avait un petit abbé périgourdin, l′un de ces gens empressés,
toujours alertes, toujours serviables, effrontés, caressants,
accommodants, qui guettent les étrangers à leur passage, leur content
l′histoire scandaleuse de la ville, et leur offrent des plaisirs à tout
prix. Celui-ci mena d′abord Candide et Martin à la comédie. On y jouait
une tragédie nouvelle. Candide se trouva placé auprès de quelques beaux
esprits. Cela ne l′empêcha pas de pleurer à des scènes jouées
parfaitement. Un des raisonneurs qui étaient à ses côtés lui dit dans un
entracte :
|
Entre los que mas concurrian á su casa habia un cierto
abate, que era de aquellos hombres diligentes, siempre listos para todo
quanto les mandan, serviciales, entremetidos, halagüeños, descarados,
buenos para todo, que atisban á los forasteros que llegan á la capital,
les cuentan los sucesos mas escandalosos que acontecen, y les brindan con
placeres á qualquier precio. Lo primero que hizo fué llevar á la comedia á
Martin y á Candido. Representaban una tragedia nueva, y Candido se
encontró al lado de unos quantos hypercríticos, lo qual no le quitó que
llorase al ver algunas escenas representadas con la mayor perfeccion. Uno
de los hypercríticos que junto á el estaban, le dixo en un entre-acto:
|
« Vous avez grand tort de pleurer : cette actrice
est fort mauvaise ; l′acteur qui joue avec elle est plus mauvais acteur
encore ; la pièce est encore plus mauvaise que les acteurs ; l′auteur ne
sait pas un mot d′arabe, et cependant la scène est en Arabie ; et, de
plus, c′est un homme qui ne croit pas aux idées innées : je vous
apporterai demain vingt brochures contre lui.
|
Hace vm. muy mal en llorar; esa comedianta es malísima,
y el que representa con ella peor todavía, y peor la tragedia que los
actores: el autor no sabe palabra de arábigo, y ha puesto la escena en la
Arabia; sin contar con que es hombre que cree que no hay ideas innatas:
mañana le traeré á vm. veinte folletos contra él.
|
-- Monsieur, combien avez- vous de pièces de
théâtre en France ? »
|
Caballero, ¿quantas composiciones dramáticas tienen vms.
En Francia?
|
dit Candide à l′abbé ; lequel répondit :
|
dixo Candido al abate; y este respondió:
|
« Cinq ou six mille.
|
Cinco o séis mil.
|
-- C′est beaucoup, dit Candide ; combien y en
a-t-il de bonnes ?
|
Mucho es, dixo Candido; ¿y quantas buenas hay?
|
-- Quinze ou seize, répliqua l′autre.
|
Quince ó diez y seis, replicó el otro.
|
-- C′est beaucoup », dit Martin.
|
Mucho es, dixo Martin.
|
Candide fut très content d′une actrice qui
faisait la reine Élisabeth dans une assez plate tragédie que l′on joue
quelquefois.
|
Salió Candido muy satisfecho con una cómica que hacia el
papel de la reyna Isabel de Inglaterra, en una tragedia muy insulsa que
algunas veces se representa.
|
« Cette actrice, dit-il à Martin, me plaît
beaucoup ; elle a un faux air de Mlle Cunégonde ; je serais bien aise de
la saluer. »
|
Mucho me gusta esta actriz, le dixo á Martin, porque se
da ayre á Cunegunda; mucho gusto tendria en hacerle una visita.
|
L′abbé périgourdin s′offrit à l′introduire chez
elle. Candide, élevé en Allemagne, demanda quelle était l′étiquette, et
comment on traitait en France les reines d′Angleterre.
|
El abate, se brindó á llevarle á su casa. Candido criado
en Alemania preguntó qué ceremonias eran las que se estilaban en Francia
para tratar con las reynas de Inglaterra.
|
« Il faut distinguer, dit l′abbé ; en province,
on les mène au cabaret ; à Paris, on les respecte quand elles sont belles,
et on les jette à la voirie quand elles sont mortes.
|
Distingo, dixo el abate: en las provincias las llevan á
comer á los mesones, en Paris las respetan quando son bonitas, y las tiran
al muladar después de muertas.
|
-- Des reines à la voirie ! dit Candide.
|
¡Al muladar las reynas! dixo Candido.
|
-- Oui vraiment, dit Martin ; monsieur l′abbé a
raison : j′étais à Paris quand Mlle Monime passa, comme on dit, de cette
vie à l′autre ; on lui refusa ce que ces gens-ci appellent les honneurs de
la sépulture, c′est-à-dire de pourrir avec tous les gueux du quartier dans
un vilain cimetière ; elle fut enterrée toute seule de sa bande au coin de
la rue de Bourgogne ; ce qui dut lui faire une peine extrême, car elle
pensait très noblement.
|
Verdad es, dixo Martin; razon tiene el señor abate: en
Paris estaba yo quando la señora Monima pasó, como dicen, de esta á mejor
vida, y le negáron lo que esta gente llama _sepultura en tierra santa_, lo
qual significa podrirse con toda la pobretería de la parroquia en un
hediondo cementerio, y la enterráron sola y señera en un rincon de su
jardin, lo qual le causó sin duda muchísima pesadumbre, porque tenia muy
hidalgos pensamientos.
|
-- Cela est bien impoli, dit Candide.
|
Accion de mala crianza fué en efecto, dixo Candido.
|
-- Que voulez-vous ? dit Martin ; ces gens-ci
sont ainsi faits. Imaginez toutes les contradictions, toutes les
incompatibilités possibles, vous les verrez dans le gouvernement, dans les
tribunaux, dans les églises, dans les spectacles de cette drôle de nation.
|
¿Qué quiere vm., dixo Martin, si estas gentes son así?
Imagínese vm. Todas las contradicciones, y todas las incompatibilidades
posibles, y las hallará reunidas en el gobierno, en los tribunales, en las
iglesias, y en los espectáculos de esta donosa nacion.
|
-- Est-il vrai qu′on rit toujours à Paris ? dit
Candide.
|
¿Y es cierto que en Paris se ríe la gente de todo?
|
-- Oui, dit l′abbé, mais c′est en enrageant ; car
on s′y plaint de tout avec de grands éclats de rire ; et même on y fait en
riant les actions les plus détestables.
|
Verdad es, dixo el abate, pero se ríen dándose al
diablo; se lamentan de todo dando careajadas de risa; y riéndose se
cometen las mas detestables acciones.
|
-- Quel est, dit Candide, ce gros cochon qui me
disait tant de mal de la pièce où j′ai tant pleuré et des acteurs qui
m′ont fait tant de plaisir ?
|
¿Quién es, dixo Candido, aquel marrano que tan mal
hablaba de la tragedia que tanto me ha hecho llorar, y de los actores que
tanto gusto me han dado?
|
-- C′est un mal vivant, répondit l′abbé, qui
gagne sa vie à dire du mal de toutes les pièces et de tous les livres ; il
hait quiconque réussit, comme les eunuques haïssent les jouissants : c′est
un de ces serpents de la littérature qui se nourrissent de fange et de
venin ; c′est un folliculaire.
|
Un malandrin, respondió el abate, que gana la vida
hablando mal de todas las composiciones dramáticas y de todos los libros
que salen; que aborrece á todo aquel que es aplaudido, como aborrecen los
eunucos á los que gozan; una sierpe de la literatura, que vive de ponzoña
y cieno; un folletista.
|
-- Qu′appelez-vous folliculaire ? dit Candide.
|
¿Qué llama vm. folletista? dixo Candido.
|
-- C′est, dit l′abbé, un faiseur de feuilles, un
Fréron. »
|
Un compositor de folletos, dixo el abate, un Freron, ó
un Ostolaza.
|
C′est ainsi que Candide, Martin et le Périgourdin
raisonnaient sur l′escalier, en voyant défiler le monde au sortir de la
pièce.
|
Así discurrian Candido, Martin y el abate en la escalera
del coliseo, miéntras que iba saliendo la gente, concluida la comedia.
|
« Quoique je sois très empressé de revoir Mlle
Cunégonde, dit Candide, je voudrais pourtant souper avec Mlle Clairon ;
car elle m′a paru admirable. »
|
Puesto que tengo muchísimos deseos de ver á Cunegunda,
dixo Candido, bien quisiera cenar con la primera trágica, que me ha
parecido un portento.
|
L′abbé n′était pas homme à approcher de Mlle
Clairon, qui ne voyait que bonne compagnie.
|
No era hombre el abate que tuviese entrada en casa de la
tal primera actriz, que solo recibia sugetos del mas fino trato.
|
« Elle est engagée pour ce soir, dit-il ; mais
j′aurai l′honneur de vous mener chez une dame de qualité, et là vous
connaîtrez Paris comme si vous y aviez été quatre ans. »
|
Está ocupada esta noche, respondió; pero tendré la honra
de llevar á vm. á casa de una señora de circunstancias, y conocerá á París
allí como si hubiera vivido en el muchos años.
|
Candide, qui était naturellement curieux, se
laissa mener chez la dame, au fond du faubourg Saint-Honoré ; on y était
occupé d′un pharaon ; douze tristes pontes tenaient chacun en main un
petit livre de cartes, registre cornu de leurs infortunes. Un profond
silence régnait, la pâleur était sur le front des pontes, l′inquiétude sur
celui du banquier, et la dame du logis, assise auprès de ce banquier
impitoyable, remarquait avec des yeux de lynx tous les parolis, tous les
sept-et-le-va de campagne, dont chaque joueur cornait ses cartes ; elle
les faisait décorner avec une attention sévère mais polie, et ne se
fâchait point, de peur de perdre ses pratiques : la dame se faisait
appeler la marquise de Parolignac. Sa fille, âgée de quinze ans, était au
nombre des pontes et avertissait d′un clin d′oeil des friponneries de ces
pauvres gens, qui tâchaient de réparer les cruautés du sort. L′abbé
périgourdin, Candide et Martin entrèrent ; personne ne se leva, ni les
salua, ni les regarda ; tous étaient profondément occupés de leurs cartes.
|
Candido, que naturalmente era amigo de saber, se dexó
llevar á casa de la tal señora: estaban ocupados los tertulianos en jugar
á la banca, y doce tristes apuntes tenian en la mano cada uno un juego de
naypes, archivo de su mala ventura. Reynaba un profundo silencio; teñido
estaba el semblante de los apuntes de una macilenta amarillez, y se leía
la zozobra en el del banquero; y la señora de la casa, sentada junto al
despiadado banquero, con ojos de lince anotaba todos los parolis, y todos
los sietelevares con que doblaba cada jugador sus naypes, haciéndoselos
desdoblar con un cuidado muy escrupuloso, pero con cortesía y sin
enfadarse, por temor de perder sus parroquianos. Llamábanla la marquesa de
Paroliñac; su hija, muchacha de quince años, era uno de los apúntes, y con
un guiñar de ojos advertía á su madre las picardigüelas de los pobres
apuntes que procuraban enmendar los rigores de la mala suerte. Entráron el
abate, Candido y Martin, y nadie se levantó á darles las buenas noches, ni
los saludó, ni los miró siquiera; tan ocupados todos estaban en sus
naypes.
|
« Madame la baronne de Thunder-ten-tronckh était
plus civile », dit Candide.
|
Mas cortés era la señora baronesa de Tunder-tentronck,
dixo entre sí Candido.
|
Cependant l′abbé s′approcha de l′oreille de la
marquise, qui se leva à moitié, honora Candide d′un sourire gracieux, et
Martin d′un air de tête tout à fait noble ; elle fit donner un siège et un
jeu de cartes à Candide, qui perdit cinquante mille francs en deux tailles
; après quoi on soupa très gaiement, et tout le monde était étonné que
Candide ne fût pas ému de sa perte ; les laquais disaient entre eux, dans
leur langage de laquais :
|
Acercóse en esto el abate al oido de la marquesa, la
qual se medio-levantó de la silla, honró á Candido con una risita
agraciada, y á Martin haciéndole cortesía con la cabeza con magestuoso
ademan; mandó luego que traxeran á Candido asiento y una baraja, y este
perdió en dos tallas diez mil duros. Cenaron luego con mucha jovialidad, y
todos estaban atónitos de que Candido no sintiese mas lo que perdia. Los
lacayos en su idioma lacayuno se decían unos á otros:
|
« Il faut que ce soit quelque milord anglais. »
|
Preciso es que sea un mylord inglés.
|
Le souper fut comme la plupart des soupers de
Paris : d′abord du silence, ensuite un bruit de paroles qu′on ne distingue
point, puis des plaisanteries dont la plupart sont insipides, de fausses
nouvelles, de mauvais raisonnements, un peu de politique et beaucoup de
médisance ; on parla même de livres nouveaux.
|
La cena se parecia á casi todas las cenas de Paris;
primero mucho silencio, luego un estrépito de palabras que no se
entendian, chistes luego, casi todos muy insulsos, noticias falsas, malos
raciocinios, algo de política, y mucha murmuracion; despues habláron de
obras nuevas.
|
« Avez-vous lu, dit l′abbé périgourdin, le roman
du sieur Gauchat, docteur en théologie ?
|
|
-- Oui, répondit un des convives, mais je n′ai pu
l′achever. Nous avons une foule d′écrits impertinents, mais tous ensemble
n′approchent pas de l′impertinence de Gauchat, docteur en théologie ; je
suis si rassasié de cette immensité de détestables livres qui nous
inondent que je me suis mis à ponter au pharaon.
|
|
-- Et les Mélanges de l′archidiacre T..., qu′en
dites-vous ? dit l′abbé.
|
|
-- Ah ! dit Mme de Parolignac, l′ennuyeux mortel
! comme il vous dit curieusement tout ce que le monde sait ! comme il
discute pesamment ce qui ne vaut pas la peine d′être remarqué légèrement !
comme il s′approprie sans esprit l′esprit des autres ! comme il gâte ce
qu′il pille ! comme il me dégoûte ! Mais il ne me dégoûtera plus : c′est
assez d′avoir lu quelques pages de l′archidiacre. »
|
|
Il y avait à table un homme savant et de goût qui
appuya ce que disait la marquise.
|
|
On parla ensuite de tragédies ; la dame demanda
pourquoi il y avait des tragédies qu′on jouait quelquefois, et qu′on ne
pouvait lire. L′homme de goût expliqua très bien comment une pièce pouvait
avoir quelque intérêt et n′avoir presque aucun mérite ; il prouva en peu
de mots que ce n′était pas assez d′amener une ou deux de ces situations
qu′on trouve dans tous les romans, et qui séduisent toujours les
spectateurs, mais qu′il faut être neuf sans être bizarre, souvent sublime,
et toujours naturel ; connaître le coeur humain et le faire parler ; être
grand poète sans que jamais aucun personnage de la pièce paraisse poète ;
savoir parfaitement sa langue, la parler avec pureté, avec une harmonie
continue, sans que jamais la rime coûte rien au sens.
|
Pasáron luego á tratar de teatros, y el ama de casa
preguntó porque habia ciertas tragedias que se representaban con
freqüencia, y que nadie podia leer. Un hombre de fino gusto que habia
entre los convidados, explicó con mucha claridad como podia interesar una
tragedia que tuviera poquísimo mérito, probando en breves razones que no
bastaba traer por los cabellos una ó dos situacíones de aquellas que tan
freqüentes son en las novelas, y siempre embelesan á los oyentes; que es
menester novedad sin xtravagancia, sublimidad á veces, y naturalidad
siempre; conocer el corazon del hombre y el estilo de las pasiones; ser
gran poeta, sin que parezca poeta ninguno de los interlocutores; saber con
perfeccion su idioma, hablarle con pureza, y con harmonía continua, sin
sacrificar nunca el sentido al consonante.
|
« Quiconque, ajouta-t-il, n′observe pas toutes
ces règles peut faire une ou deux tragédies applaudies au théâtre, mais il
ne sera jamais compté au rang des bons écrivains ; il y a très peu de
bonnes tragédies ; les unes sont des idylles en dialogues bien écrits et
bien rimés ; les autres, des raisonnements politiques qui endorment, ou
des amplifications qui rebutent ; les autres, des rêves d′énergumène, en
style barbare, des propos interrompus, de longues apostrophes aux dieux,
parce qu′on ne sait point parler aux hommes, des maximes fausses, des
lieux communs ampoulés. »
|
Todo aquel que no observare todas estas reglas, añadió,
muy bien podrá componer una ó dos tragedias que sean aplaudidas en el
teatro, mas nunca pasará plaza de buen escritor. Poquísimas tragedias hay
buenas: unas son idylios en coloquios bien escritos y bien versificados;
otras disertaciones de política que infunden sueño, ó amplificaciones que
cansan; otras desatinos de un energúmeno en estilo bárbaro, razones
cortadas, apóstrofes interminables á los Dioses no sabiendo que decir á
los hombres, falsas máxîmas, y lugares comunes hinchados.
|
Candide écouta ce propos avec attention, et
conçut une grande idée du discoureur ; et, comme la marquise avait eu soin
de le placer à côté d′elle, il s′approcha de son oreille, et prit la
liberté de lui demander qui était cet homme qui parlait si bien.
|
Escuchaba con mucha atención Candido este razonamiento,
y formó por él altísima idea del orador; y como había tenido la marquesa
la atencion de colocarle á su lado, se tomó la licencia de preguntarle al
oido quien era un hombre que tan de perlas hablaba.
|
« C′est un savant, dit la dame, qui ne ponte
point, et que l′abbé m′amène quelquefois à souper ; il se connaît
parfaitement en tragédies et en livres, et il a fait une tragédie sifflée
et un livre dont on n′a jamais vu hors de la boutique de son libraire
qu′un exemplaire qu′il m′a dédié.
|
Ese es un docto, dixo la dama, que nunca apunta, y que
me trae á cenar algunas veces el abate, que entiende perfectamente de
tragedias y libros, y que ha compuesto una tragedia que silbáron, y un
libro del qual un solo exemplar que me dedicó ha salido de la tienda de su
librero.
|
-- Le grand homme ! dit Candide ; c′est un autre
Pangloss. »
|
¡Qué varon tan eminente! dixo Candido, es otro Panglós;
|
Alors, se tournant vers lui, il lui dit :
|
y volviéndose hácia él le dixo:
|
« Monsieur, vous pensez sans doute que tout est
au mieux dans le monde physique et dans le moral, et que rien ne pouvait
être autrement ?
|
¿Sin duda, Caballero, que es vm. de dictámen de que todo
está perfectamente en el mundo físico y en el moral, y de que nada podia
suceder de otra manera?
|
-- Moi, monsieur, lui répondit le savant, je ne
pense rien de tout cela : je trouve que tout va de travers chez nous ; que
personne ne sait ni quel est son rang, ni quelle est sa charge, ni ce
qu′il fait, ni ce qu′il doit faire, et qu′excepté le souper, qui est assez
gai et où il paraît assez d′union, tout le reste du temps se passe en
querelles impertinentes : jansénistes contre molinistes, gens du parlement
contre gens d′église, gens de lettres contre gens de lettres, courtisans
contre courtisans, financiers contre le peuple, femmes contre maris,
parents contre parents ; c′est une guerre éternelle. »
|
¡Yo, caballero! le respondió el docto; nada ménos que
eso. Todo me parece que va al revés en nuestro pais, y que nadie sabe ni
qual es su estado, ni qual su cargo, ni lo que hace, ni lo que debiera
hacer; y que excepto la cena que es bastante jovial, y donde la gente está
bastante acorde, todo el resto del tiempo se consume en impertinentes
contiendas; de jansenistas con motinistas, de parlamentarios con
eclesiásticos, de literatos con literatos, de palaciegos con palaciegos,
de alcabaleros y diezmeros con el pueblo, de mugeres con maridos, y de
parientes con parientes; por fin una guerra perdurable.
|
Candide lui répliqua : « J′ai vu pis. Mais un
sage, qui depuis a eu le malheur d′être pendu, m′apprit que tout cela est
à merveille ; ce sont des ombres à un beau tableau.
|
Replicóle Candido: Cosas peores he visto yo; pero un
sabio que despues tuvo la desgracia de ser ahorcado, me enseñó que todas
esas cosas son dechado de perfecciones, y sombras de una hermosa pintura.
|
_ Votre pendu se moquait du monde, dit Martin ;
vos ombres sont des taches horribles.
|
Ese ahorcado se reía de la gente, dixo Martin, y esas
sombras sen manchas horrorosas,
|
-- Ce sont les hommes qui font les taches, dit
Candide, et ils ne peuvent pas s′en dispenser.
|
Los hombres son los que echan esas manchas, dixo
Candido, y no pueden hacer ménos.
|
-- Ce n′est donc pas leur faute », dit Martin. La
plupart des pontes, qui n′entendaient rien à ce langage, buvaient ; et
Martin raisonna avec le savant, et Candide raconta une partie de ses
aventures à la dame du logis.
|
¿Con que no es culpa de ellos? replicó Martin. Bebian en
tanto la mayor parte de los apuntes, que no entendian una palabra de la
materia; Martin discurria con el hombre docto, y Candido contaba parte de
sus aventuras al ama de la casa.
|
Après soupé, la marquise mena Candide dans son
cabinet et le fit asseoir sur un canapé.
|
Despues de cenar, llevó la marquesa á su retiete á
Candido, y le sentó en un canapé.
|
« Eh bien ! lui dit-elle, vous aimez donc
toujours éperdument Mlle Cunégonde de Thunder- ten-tronckh ?
|
¿Con que está vm. enamorado perdido de Cunegunda, la
baronesita de Tunder-ten-tronck?
|
-- Oui, madame », répondit Candide. La marquise
lui répliqua avec un souris tendre :
|
Sí, Señora, respondió Candido. Replicóle la marquesa con
una amorosa sonrisa:
|
« Vous me répondez comme un jeune homme de
Westphalie ; un Français m′aurait dit : " Il est vrai que j′ai aimé Mlle
Cunégonde ; mais en vous voyant, madame, je crains de ne la plus aimer. ²
|
Vm. responde como un mozo de Vesfalia; un Francés me
hubiera dicho: Verdad es, Señora, que he querido á Cunegunda, pero quando
la miro á vm., me temo no quererla.
|
-- Hélas ! madame, dit Candide, je répondrai
comme vous voudrez.
|
Yo, Señora, dixo Candido, responderé como vm. quisiere.
|
-- Votre passion pour elle, dit la marquise, a
commencé en ramassant son mouchoir ; je veux que vous ramassiez ma
jarretière.
|
La pasión de vm., dixo la marquesa, empezó alzando un
pañuelo, y yo quiero que vm. alce mi liga.
|
-- De tout mon coeur », dit Candide ; et il la
ramassa.
|
Con toda mi alma, dixo Candido, y la levantó del suelo.
|
« Mais je veux que vous me la remettiez », dit la
dame ; et Candide la lui remit.
|
Ahora quiero que me la ponga, continuó la dama, y
Candido se la puso.
|
« Voyez- vous, dit la dame, vous êtes étranger,
je fais quelquefois languir mes amants de Paris quinze jours, mais je me
rends à vous dès la première nuit, parce qu′il faut faire les honneurs de
son pays à un jeune homme de Westphalie. »
|
Mire vm., repuso la dama, vm. es extrangero: á mis
amantes de Paris los hago yo penar á veces quince dias seguidos, pero á
vm. me rindo desde la primera noche, porque es menester tratar cortesmente
á un buen mozo de Vesfalia.
|
La belle, ayant aperçu deux énormes diamants aux
deux mains de son jeune étranger, les loua de si bonne foi que des doigts
de Candide ils passèrent aux doigts de la marquise.
|
La buena caña que había reparado en dos diamantes
enormes de dos sortijas del extrangero buen mozo, tanto se los alabó, que
de los dedos de Candido pasáron á los de la marquesa.
|
Candide, en s′en retournant avec son abbé
périgourdin, sentit quelques remords d′avoir fait une infidélité à Mlle
Cunégonde ; monsieur l′abbé entra dans sa peine ; il n′avait qu′une légère
part aux cinquante mille livres perdues au jeu par Candide, et à la valeur
des deux brillants moitié donnés, moitié extorqués. Son dessein était de
profiter, autant qu′il le pourrait, des avantages que la connaissance de
Candide pouvait lui procurer. Il lui parla beaucoup de Cunégonde ; et
Candide lui dit qu′il demanderait bien pardon à cette belle de son
infidélité, quand il la verrait à Venise.
|
Al volverse Candido á su casa con el abate, sintió
algunos remordimientos por haber cometido una infidelidad á Cunegunda; y
el señor abate tomó parte en su sentimiento, porque le habia cabido una
muy pequeña en los diez mil duros perdidos por Candido al juego, y en el
valor de los dos brillantes, medio-dados y medio-estafados: y era su ánimo
aprovecharse todo quanto pudiese de lo que el trato de Candido le podía
valer. Hablábale sin cesar de Cunegunda, y Candido le dixo que quando la
viera en Venecia, le pediria perdon de la infidelidad que acababa de
cometer.
|
Le Périgourdin redoublait de politesse et
d′attentions, et prenait un intérêt tendre à tout ce que Candide disait, à
tout ce qu′il faisait, à tout ce qu′il voulait faire.
|
Cada dia estaba el abate mas cortés y mas atento,
interesándole todo quanto decía Candido, todo quanto hacia, y quanto
quería hacer.
|
« Vous avez donc, monsieur, lui dit-il, un
rendez-vous à Venise ?
|
¿Con que está vm. aplazado por la baronesita para
Venecia? le dixo.
|
-- Oui, monsieur l′abbé, dit Candide ; il faut
absolument que j′aille trouver Mlle Cunégonde. »
|
Sí, señor abate, respondió Candido, tengo precision de
ir allá á buscar á Cunegunda.
|
Alors, engagé par le plaisir de parler de ce
qu′il aimait, il conta, selon son usage, une partie de ses aventures avec
cette illustre Westphalienne.
|
Llevado entónces del gusto de hablar de su amada, le
contó, como era su costumbre, parte de sus aventuras con esta ilustre
Vesfaliana.
|
« Je crois, dit l′abbé, que Mlle Cunégonde a bien
de l′esprit, et qu′elle écrit des lettres charmantes ?
|
Bien creo, dixo el abate, que esa señorita tiene mucho
talento, y escribe muy bonitas cartas.
|
-- Je n′en ai jamais reçu, dit Candide ; car
figurez-vous qu′ayant été chassé du château pour l′amour d′elle, je ne pus
lui écrire ; que bientôt après j′appris qu′elle était morte, qu′ensuite je
la retrouvai, et que je la perdis, et que je lui ai envoyé à deux mille
cinq cents lieues d′ici un exprès dont j′attends la réponse. »
|
Nunca me ha escrito, dixo Candido, porque se ha de
figurar vm. que quando me echáron de la granja por amor de ella, no le
pude escribir; que poco después supe que era muerta, que despues me la
encontré, y la volví á perder, y que le he despachado un mensagero á dos
mil y quinientas leguas de aquí, que aguardo con su respuesta.
|
L′abbé écoutait attentivement, et paraissait un
peu rêveur. Il prit bientôt congé des deux étrangers, après les avoir
tendrement embrassés. Le lendemain Candide reçut à son réveil une lettre
conçue en ces termes :
|
Escuchóle con mucha atención el abate, se paró algo
pensativo, y se despidió luego de ámbos extrangeros, abrazándolos
tiernamente. Al otro dia, ántes de levantarse de la cama, diéron á Candido
la esquela siguiente:
|
«Monsieur, mon très cher amant, il y a huit jours
que je suis malade en cette ville ; j′apprends que vous y êtes. Je
volerais dans vos bras si je pouvais remuer. J′ai su votre passage à
Bordeaux ; j′y ai laissé le fidèle Cacambo et la vieille, qui doivent
bientôt me suivre. Le gouverneur de Buenos-Ayres a tout pris, mais il me
reste votre coeur. Venez, votre présence me rendra la vie, ou me fera
mourir de plaisir.»
|
"Muy Señor mió, y mi querido amante: ocho días hace que
estoy mala en esta ciudad, y acabo de saber que se encuentra vm. En ella.
Hubiera ido volando á echarme en sus brazos, si me pudiera menear. He
sabido que habia vm. pasado por Burdeos, donde se ha quedado el fiel
Cacambo y la vieja, que llegarán muy en breve. El gobernador de
Buenos-Ayres se ha quedado con todo quanto Cacambo llevaba; pero el
corazón de vm. me queda. Venga vm. á verme; su presencia me dará la vida,
ó hará que me muera de alegría."
|
Cette lettre charmante, cette lettre inespérée,
transporta Candide d′une joie inexprimable ; et la maladie de sa chère
Cunégonde l′accabla de douleur. Partagé entre ces deux sentiments, il
prend son or et ses diamants, et se fait conduire avec Martin à l′hôtel où
Mlle Cunégonde demeurait. Il entre en tremblant d′émotion, son coeur
palpite, sa voix sanglote ; il veut ouvrir les rideaux du lit, il veut
faire apporter de la lumière.
|
Una carta tan tierna, y tan poco esperada, puso á
Candido en una imponderable alegría, pero la enfermedad de su amada
Cunegunda le traspasaba de dolor. Fluctuante entre estos dos afectos,
agarra á puñados el oro y los diamantes, y hace que le lleven con Martin á
la posada donde estaba Cunegunda alojada: entra temblando con la ternura,
latiéndole el corazon, y el habla interrumpida con sollozos; quiere
descorrer las coitinas de la cama, y manda que traygan luz.
|
« Gardez-vous-en bien, lui dit la suivante, la
lumière la tue » ; et soudain elle referme le rideau.
|
No haga vm. tal, le dixo la criada, la luz le hace mal;
y volvió á correr la cortina.
|
« Ma chère Cunégonde, dit Candide en pleurant,
comment vous portez-vous ? si vous ne pouvez me voir, parlez-moi du moins.
|
Amada Cunegunda, dixo llorando Candido: ¿cómo te hallas?
|
-- Elle ne peut parler », dit la suivante. La
dame alors tire du lit une main potelée que Candide arrose longtemps de
ses larmes, et qu′il remplit ensuite de diamants, en laissant un sac plein
d′or sur le fauteuil.
|
No puede hablar, dixo la criada. Entónces la enferma
sacó fuera de la cama una mano muy suave que bañó Candido un largo rato
con lágrimas, y que llenó lurgo de diamantes, desando un saco de oro
encima del taburete.
|
Au milieu de ses transports arrive un exempt
suivi de l′abbé périgourdin et d′une escouade.
|
En medio de sus arrebatos se aparece un alguacil
acompañado del abate y de seis corchetes.
|
« Voilà donc, dit-il, ces deux étrangers suspects
? Il les fait incontinent saisir, et ordonne à ses braves de les traîner
en prison.
|
¿Con que estos son, dixo, los dos extranjeros
sospechosos? y mandó incontinenti que los ataran y los llevaran á la
cárcel.
|
« Ce n′est pas ainsi qu′on traite les voyageurs
dans le Dorado, dit Candide.
|
No tratan de esta manera en el Dorado á los forasteros,
dixo Candido.
|
-- Je suis plus manichéen que jamais, dit Martin.
|
Mas maniquéo soy que nunca, replicó Martin.
|
-- Mais, monsieur, où nous menez-vous ? dit
Candide.
|
Pero, señor, ¿adonde nos lleva vm.? dixo Candido.
|
-- Dans un cul de basse-fosse », dit l′exempt.
|
A un calabozo, respondió el alguacil.
|
Martin, ayant repris son sang-froid, jugea que la
dame qui se prétendait Cunégonde était une friponne, monsieur l′abbé
périgourdin un fripon qui avait abusé au plus vite de l′innocence de
Candide, et l′exempt un autre fripon dont on pouvait aisément se
débarrasser.
|
Martin, que se habia recobrado del primer sobresalto,
sospechó que la señora que se decia Cnnegunda era una buscona, el señor
abate un tunante que habia abusado del candor de Candido, y el alguacil
otro tuno de quien no era difícil desprenderse.
|
Plutôt que de s′exposer aux procédures de la
justice, Candide, éclairé par son conseil, et d′ailleurs toujours
impatient de revoir la véritable Cunégonde, propose à l′exempt trois
petits diamants d′environ trois mille pistoles chacun.
|
Por no exponerse á tener que lidiar con la justicia, y
con el hipo que tenia de ver á la verdadera Cunegunda, Candido, por
consejo de Maitin, ofreció al alguacil tres diamantillos de tres mil duros
cada uno.
|
« Ah ! monsieur, lui dit l′homme au bâton
d′ivoire, eussiez-vous commis tous les crimes imaginables, vous êtes le
plus honnête homme du monde ; trois diamants ! chacun de trois mille
pistoles ! Monsieur ! je me ferais tuer pour vous, au lieu de vous mener
dans un cachot. On arrête tous les étrangers, mais laissez-moi faire ;
j′ai un frère à Dieppe en Normandie, je vais vous y mener ; et si vous
avez quelque diamant à lui donner, il aura soin de vous comme moi-même.
|
Ha, señor, le dixo el hombre de vara de justicia, aunque
hubiera vm. cometido todos los delitos imaginables, seria el mas hombre de
bien de este mundo. ¡Tres diamantes de tres mil duros cada uno! La vida
perderia yo por vm., para lue le lleve á un calabozo. Todos los
extrangeros son arrestados, pero déxelo por mi cuenta, que yo tengo mi
hermano en Diepe en la Normandía, y le llevaré alla; y si tiene vm.
algunos diamantes que darle, le tratará como yo propio.
|
-- Et pourquoi arrête-t-on tous les étrangers ? »
|
¿Y porqué arrestan á todos los extranjeros? dixo
Candido.
|
dit Candide. L′abbé périgourdin prit alors la
parole et dit : « C′est parce qu′un gueux du pays d′Atrébatie a entendu
dire des sottises : cela seul lui a fait commettre un parricide, non pas
tel que celui de 1610 au mois de mai, mais tel que celui de 1594 au mois
de décembre, et tel que plusieurs autres commis dans d′autres années et
dans d′autres mois par d′autres gueux qui avaient entendu dire des
sottises. »
|
El abate tomando entónces el hilo, respondió: Porque un
miserable andrajoso del país de Atrebácia [Footnote: Artois. Daiuieu, el
que hirió á Luis XV, era natural de Arras, capital del Artois.], que había
oido decir disparates, ha cometido un parricidio, no como el del mes de
Mayo de 1610, [Footnote: Francisco Kavaillac mató á Henrique IV de una
puñalada en Mayo de 1610.] sino como el del mes de Diciembre de 1594, [23?
HOTE: Juan Clialel, en Diciembre de 1594, hirió á Henrique quarto; pero la
herida no fué de peligro.24?] y como otros muchos cometidos otros años y
otros meses por andrajosos que habian oido decir disparates.
|
L′exempt alors expliqua de quoi il s′agissait.
|
Entónces explicó el alguacil lo que habia apuntado el
abate.
|
« Ah, les monstres ! s′écria Candide ; quoi ! de
telles horreurs chez un peuple qui danse et qui chante ! Ne pourrai-je
sortir au plus vite de ce pays où des singes agacent des tigres ? J′ai vu
des ours dans mon pays ; je n′ai vu des hommes que dans le Dorado. Au nom
de Dieu, monsieur l′exempt, menez-moi à Venise, où je dois attendre Mlle
Cunégonde.
|
¡Qué monstruos! exclamó Candido. ¿Cómo se cometen
tamañas atrocidades en un pueblo que canta y bayla? ¿Quando saldré yo de
este pais donde azuzan ximios á tigres? En mi pais he visto osos; solo en
el Dorado he visto hombres. En nombre de Dios, señor alguacil, lléveme vm.
Á Venecia, donde aguardo á mi Cunegunda.
|
-- Je ne peux vous mener qu′en Basse-Normandie »,
dit le barigel.
|
Donde yo puedo llevar á vm., es á la Normandía baxa,
dixo el cabo de ronda.
|
Aussitôt il lui fait ôter ses fers, dit qu′il
s′est mépris, renvoie ses gens et emmène à Dieppe Candide et Martin, et
les laisse entre les mains de son frère. Il y avait un petit vaisseau
hollandais à la rade. Le Normand, à l′aide de trois autres diamants,
devenu le plus serviable des hommes, embarque Candide et ses gens dans le
vaisseau qui allait faire voile pour Portsmouth en Angleterre.
|
Hízole luego quitar los grillos, dixo que se habia
equivocado, despidió á sus corchetes, y se llevó á Candido y Martin á
Diepe, entregándolos á su hermano. Había un buque holandés pequeño al
ancla; y el Normando, que con el cebo de otros tres diamantes era el mas
servicial de los mortales, embarcó á Candido y á su familia en el tal
navío que iba á dar á la vela para Portsmúa en Inglaterra.
|
Ce n′était pas le chemin de Venise ; mais Candide
croyait être délivré de l′enfer, et il comptait bien reprendre la route de
Venise à la première occasion.
|
No era camino para Venecia; pero Candido creyó que salía
del infierno, y estaba resuelto a dirigirse á Venecia luego que se le
presentase ocasion.
|
CHAPITRE VINGT - TROISIÈME
|
CAPITULO XXIII.
|
CANDIDE ET MARTIN VONT SUR LES CÔTES D′ANGLETERRE
; CE QU′ILS Y VOIENT
|
_Del arribo de Candido y Martin á la costa de
Inglaterra, y de lo que allí viéron._
|
« Ah, Pangloss ! Pangloss ! Ah, Martin ! Martin !
Ah, ma chère Cunégonde ! qu′est-ce que ce monde-ci ? disait Candide sur le
vaisseau hollandais.
|
¡Ay Panglós amigo! ¡ay amigo Martin! ¡ay amada
Cunegunda! ¡lo que es este mundo! decia Candido en el navío holandés.
|
-- Quelque chose de bien fou et de bien
abominable, répondait Martin.
|
Cosa muy desatinada y muy abominable, respondió Martin.
|
-- Vous connaissez l′Angleterre ; y est-on aussi
fou qu′en France ?
|
--Vm. ha estado en Inglaterra: ¿son tan locos como en
Francia?
|
-- C′est une autre espèce de folie, dit Martin.
Vous savez que ces deux nations sont en guerre pour quelques arpents de
neige vers le Canada, et qu′elles dépensent pour cette belle guerre
beaucoup plus que tout le Canada ne vaut, De vous dire précisément s′il y
a plus de gens à lier dans un pays que dans un autre, c′est ce que mes
faibles lumières ne me permettent pas. Je sais seulement qu′en général les
gens que nous allons voir sont fort atrabilaires. »
|
--Es locura de otra especie, dixo Martin; ya sabe vm.
que ámbas naciones estan en guerra por algunas aranzadas de nieve en el
Canadá, y por tan discreta guerra gastan mucho mas que lo que todo el
Canadá vale. Decir á vm. á punto fixo en qual de los dos paises hay mas
locos de atar, mis cortas luces no alcanzan á tanto; lo que sí sé, es que
en el pais que vamos á ver son locos atrabiliosos.
|
En causant ainsi ils abordèrent à Portsmouth ;
une multitude de peuple couvrait le rivage, et regardait attentivement un
assez gros homme qui était à genoux, les yeux bandés, sur le tillac d′un
des vaisseaux de la flotte ; quatre soldats, postés vis-à-vis de cet
homme, lui tirèrent chacun trois balles dans le crâne le plus paisiblement
du monde, et toute l′assemblée s′en retourna extrêmement satisfaite.
|
Diciendo esto aportáron á Portsmúa: la orilla del mar
estaba cubierta de gente que miraba con atencion á un hombre gordo [El
almirante Byng], hincado de rodillas, y vendados los ojos, en el combes de
uno de los navíos de la esquadra. Quatro soldados formados en frente le
tiráron cada uno tres balas á la mollera con el mayor sosiego, y toda la
asamblea se fué muy satisfecha.
|
« Qu′est-ce donc que tout ceci ? dit Candide, et
quel démon exerce partout son empire ? »
|
¿Qué quiere decir esto? Dixo Candido: ¿qué perverso
demonio reyna en todas partes?
|
Il demanda qui était ce gros homme qu′on venait
de tuer en cérémonie.
|
Preguntó quien era aquel hombre gordo que acababan de
matar con tanta solemnidad.
|
« C′est un amiral, lui répondit-on.
|
Un almirante, le dixéron.—
|
-- Et pourquoi tuer cet amiral ?
|
¿Y porqué han muerto á ese almirante?
|
-- C′est, lui dit-on, parce qu′il n′a pas fait
tuer assez de monde ; il a livré un combat à un amiral français, et on a
trouvé qu′il n′était pas assez près de lui.
|
—Porque no ha hecho matar bastante gente; ha
dado una batalla á un almirante francés, y hemos fallado que no estaba
bastante cerca del enemigo.
|
-- Mais, dit Candide, l′amiral français était
aussi loin de l′amiral anglais que celui-ci l′était de l′autre !
|
Pues el almirante francés tan léjos estaba del inglés
como este del francés, replicó Candido.
|
-- Cela est incontestable, lui répliqua-t-on ;
mais dans ce pays-ci il est bon de tuer de temps en temps un amiral pour
encourager les autres. »
|
Sin disputa, le dixéron; pero en esta tierra es
conveniente matar de quando en quando algun almirante para dar mas ánimo á
los otros.
|
Candide fut si étourdi et si choqué de ce qu′il
voyait, et de ce qu′il entendait, qu′il ne voulut pas seulement mettre
pied à terre, et qu′il fit son marché avec le patron hollandais (dût-il le
voler comme celui de Surinam) pour le conduire sans délai à Venise.
|
Tanto se irritó y se pasmó Candido con lo que oía y lo
que vía, que no quiso siquiera poner pié en tierra, y se ajustó con el
patron holandés, á riesgo de que le robara como el de Surinam, para que le
conduxera sin mas tardanza á Venecia.
|
Le patron fut prêt au bout de deux jours. On
côtoya la France ; on passa à la vue de Lisbonne, et Candide frémit. On
entra dans le détroit et dans la Méditerranée ; enfin on aborda à Venise.
|
A cabo de dos dias estuvo listo el patrón. Costeáron la
Francia, pasáron á vista de Lisboa, y se estremeció Candido; desembocáron
por el estrecho en el Mediterráneo, y finalmente aportáron á Venecia. XXIV
|
« Dieu soit loué ! dit Candide en embrassant
Martin ; c′est ici que je reverrai la belle Cunégonde. Je compte sur
Cacambo comme sur moi-même. Tout est bien, tout va bien, tout va le mieux
qu′il soit possible. »
|
Bendito sea Dios, dixo Candido dando un abrazo á Martin,
que aquí veré á la hermosa Cunegunda. Con Cacambo cuento lo mismo que
conmigo propio. Todo está bien, todo va bien y lo mejor que es posible.
|
CHAPITRE VING - QUATRIÈME
|
CAPITULO XXIV.
|
DE PAQUETTE ET DE FRÈRE GIROFLÉE
|
_Que trata de fray Hilarion y de Paquita._
|
Dès qu′il fut à Venise, il fit chercher Cacambo
dans tous les cabarets, dans tous les cafés, chez toutes les filles de
joie, et ne le trouva point. Il envoyait tous les jours à la découverte de
tous les vaisseaux et de toutes les barques : nulles nouvelles de Cacambo.
|
Luego que llegó á Venecia, se echó á buscar á Cacambo en
todas las posadas, en todos los cafés, y en casa de todas las mozas de
vida alegre; pero no le fué posible dar con él. Todos los dias iba á
informarse de todos los navíos y barcos, y nadie sabia de Cacambo.
|
« Quoi ! disait- il à Martin, j′ai eu le temps de
passer de Surinam à Bordeaux, d′aller de Bordeaux à Paris, de Paris à
Dieppe, de Dieppe à Portsmouth, de côtoyer le Portugal et l′Espagne, de
traverser toute la Méditerranée, de passer quelques mois à Venise, et la
belle Cunégonde n′est point venue ! Je n′ai rencontré au lieu d′elle
qu′une drôlesse et un abbé périgourdin ! Cunégonde est morte sans doute,
je n′ai plus qu′à mourir. Ah ! il valait mieux rester dans le paradis du
Dorado que de revenir dans cette maudite Europe. Que vous avez raison, mon
cher Martin ! tout n′est qu′illusion et calamité. »
|
¡Con que he tenido yo lugar, le decía á Martin, para
pasar de Surinam á Burdeos, para ir de Burdeos á Paris, de Paris á Diepe,
de Diepeá Portsmúa, para costear á Portugal y á España, para atravesar
todo el Mediterráneo, y pasar algunos meses en Venecia, y aun no ha
llegado la hermosa Cunegunda, y en su lugar he topado una buscona y un
abate! Sin duda es muerta Cunegunda, y á mi no me queda mas remedio que
morir. ¡Ha, quanto mas hubiera valido quedarme en aquel paraiso terrenal
del Dorado, que volver á esta maldita Europa! Razon tiene vm., amado
Martin; todo es mera ilusion y calamidad.
|
Il tomba dans une mélancolie noire, et ne prit
aucune part a l′opéra alla moda ni aux autres divertissements du carnaval
; pas une dame ne lui donna la moindre tentation. Martin lui dit :
|
Acometióle una negra melancolía, y no fué ni á la ópera
á la moda, ni á las demas diversiones del carnaval, ni hubo dama que le
causara la mas leve tentacion.
|
« Vous êtes bien simple, en vérité, de vous
figurer qu′un valet métis, qui a cinq ou six millions dans ses poches, ira
chercher votre maîtresse au bout du monde et vous l′amènera à Venise. Il
la prendra pour lui, s′il la trouve. S′il ne la trouve pas, il en prendra
une autre : je vous conseille d′oublier votre valet Cacambo et votre
maîtresse Cunégonde. »
|
Díxole Martin: ¡Qué sencillo es vm., si se figura que un
criado mestizo, que lleva un millon de duros en la faltriquera, irá á
buscar á su amada al fin del mundo, y á traérsela á Venecia; la guardará
para sí, si la encuentra, y si no, tomará otra: aconsejo á vm. que se
olvide de Cacambo y de su Cunegunda. Martin no era hombre que daba
consuelos.
|
Martin n′était pas consolant. La mélancolie de
Candide augmenta, et Martin ne cessait de lui prouver qu′il y avait peu de
vertu et peu de bonheur sur la terre, excepté peut-être dans Eldorado, où
personne ne pouvait aller.
|
Crecia la melancolía de Candido, y Martin no se hartaba
de probarle que eran muy raras la virtud y la felicidad sobre la tierra,
excepto acaso en el Dorado, donde ninguno podia entrar.
|
En disputant sur cette matière importante, et en
attendant Cunégonde, Candide aperçut un jeune théatin dans la place
Saint-Marc, qui tenait sous le bras une fille. Le théatin paraissait
frais, potelé, vigoureux ; ses yeux étaient brillants, son air assuré, sa
mine haute, sa démarche fière. La fille était très jolie et chantait ;
elle regardait amoureusement son théatin, et de temps en temps lui pinçait
ses grosses joues.
|
Sobre esta importante materia disputaban, miéntras venia
Cunegunda, quando reparó Candido en un frayle Francisco mozo, que se
paseaba por la plaza de San Marcos, llevando del brazo á una moza. El
Franciscano era robusto, fuerte, y de buenos colores, los ojos brillantes,
la cabeza erguida, el continente reposado, y el paso sereno; la moza, que
era muy linda, iba cantando, y miraba con enamorados ojos á su diaguino,
el qual de quando en quando le pasaba la mano por la cara.
|
« Vous m′avouerez du moins, dit Candide à Martin,
que ces gens-ci sont heureux. Je n′ai trouvé jusqu′à présent dans toute la
terre habitable, excepté dans Eldorado, que des infortunés ; mais, pour
cette fille et ce théatin, je gage que ce sont des créatures très
heureuses.
|
Me confesará vm. á lo ménos, dixo Candido á Martin, que
estos dos son dichosos. Ménos en el Dorado, no he encontrado hasta ahora
en el mundo habitable mas que desventurados; pero apuesto á que esa moza y
ese frayle son felicísimas criaturas.
|
-- Je gage que non, dit Martin.
|
Yo apuesto á que no, dixo Martin.
|
-- Il n′y a qu′à les prier à dîner, dit Candide,
et vous verrez si je me trompe. »
|
Convidémoslos á comer, dixo Candido, y verémos si me
equivoco.
|
Aussitôt il les aborde, il leur fait son
compliment, et les invite à venir à son hôtellerie manger des macaronis,
des perdrix de Lombardie, des oeufs d′esturgeon, et à boire du vin de
Montepulciano, du lacrima-christi, du chypre et du samos. La demoiselle
rougit, le théatin accepta la partie, et la fille le suivit en regardant
Candide avec des yeux de surprise et de confusion qui furent obscurcis de
quelques larmes. À peine fut-elle entrée dans la chambre de Candide
qu′elle lui dit :
|
Acercóse á ellos, hízoles una reverencia, y los convidó
á su posada á comer macarrones, perdices de Lombardía, huevos de sollo, y
á teber vino de Montepulciano y _lácrima-cristi_, Chipre y Samos.
Sonrojóse la mozuela; admitió el Franciscano el convite, y le siguió la
muchacha mirando á Candido pasmada y confusa, y vertiendo algunas
lágrimas. Apénas entró la mozuela en el aposento de Candido, le dixo:
|
« Eh quoi ! monsieur Candide ne reconnaît plus
Paquette ! »
|
¿Pues que, ya no conoce el señor Candido á Paquita?
|
À ces mots, Candide, qui ne l′avait pas
considérée jusque-là avec attention, parce qu′il n′était occupé que de
Cunégonde, lui dit :
|
Candido que oyó estas palabras, y que hasta entónces no
la habia mirado con atencion, porque solo en Cunegunda pensaba, le dixo:
|
« Hélas ! ma pauvre enfant, c′est donc vous qui
avez mis le docteur Pangloss dans le bel état où je l′ai vu ?
|
¡Ha, pobre chica! ¿con que tú eres la que puso al doctor
Panglós en el lindo estado en que le vi?
|
-- Hélas ! monsieur, c′est moi-même, dit Paquette
; je vois que vous êtes instruit de tout. J′ai su les malheurs
épouvantables arrivés à toute la maison de madame la baronne et à la belle
Cunégonde. Je vous jure que ma destinée n′a guère été moins triste.
J′étais fort innocente quand vous m′avez vue. Un cordelier qui était mon
confesseur me séduisit aisément. Les suites en furent affreuses ; je fus
obligée de sortir du château quelques temps après que monsieur le baron
vous eut renvoyé à grands coups de pied dans le derrière. Si un fameux
médecin n′avait pas pris pitié de moi, j′étais morte. Je fus quelque temps
par reconnaissance la maîtresse de ce médecin. Sa femme, qui était jalouse
à la rage, me battait tous les jours impitoyablement ; c′était une furie.
Ce médecin était le plus laid de tous les hommes, et moi la plus
malheureuse de toutes les créatures d′être battue continuellement pour un
homme que je n′aimais pas. Vous savez, monsieur, combien il est dangereux
pour une femme acariâtre d′être l′épouse d′un médecin. Celui-ci, outré des
procédés de sa femme, lui donna un jour, pour la guérir d′un petit rhume,
une médecine si efficace qu′elle en mourut en deux heures de temps dans
des convulsions horribles. Les parents de madame intentèrent à monsieur un
procès criminel ; il prit la fuite, et moi je fus mise en prison. Mon
innocence ne m′aurait pas sauvée si je n′avais été un peu jolie. Le juge
m′élargit à condition qu′il succéderait au médecin. Je fus bientôt
supplantée par une rivale, chassée sans récompense, et obligée de
continuer ce métier abominable qui vous paraît si plaisant à vous autres
hommes, et qui n′est pour nous qu′un abîme de misères. J′allai exercer la
profession à Venise. Ah ! monsieur, si vous pouviez vous imaginer ce que
c′est que d′être obligée de caresser indifféremment un vieux marchand, un
avocat, un moine, un gondolier, un abbé ; d′être exposée à toutes les
insultes, à toutes les avanies ; d′être souvent réduite à emprunter une
jupe pour aller se la faire lever par un homme dégoûtant ; d′être volée
par l′un de ce qu′on a gagné avec l′autre ; d′être rançonnée par les
officiers de justice, et de n′avoir en perspective qu′une vieillesse
affreuse, un hôpital et un fumier, vous concluriez que je suis une des
plus malheureuses créatures du monde. »
|
¡Ay, señor! yo propia soy, dixo Paquita; ya veo que está
vm. informado de todo. Supe las desgracias horrorosas que sucediéron á la
señora baronesa y á la hermosa Cunegunda, y júrole á vm. que no ha sido
ménos adversa mi estrella. Quando vm. me vió era yo una inocente; y un
capuchino, que era mi confesor, me engañó con mucha facilidad: las
resultas fuéron horribles, y me vi precisada á salir de la quinta, poco
después que le echó á vm. el señor baron á patadas en el trasero. Si no
hubiera tenido lástima de mi un, médico famoso, me hubiera muerto; por
gradecérselo, fui un poco de tiempo la querida del tal médico: y su muger,
que estaba endiablada de zelos, me aporreaba sin misericordia todos los
días. Era ella una furia, el mas feo el de los hombres, y yo la mas sin
ventura de las mugeres, aporreada sin cesar por un hombre á quien no podía
ver. Bien sabe vm., señor, los peligros que corre una muger vinagre que lo
es de un médico: aburrido el mío de los rompimientos de cabeza de su
muger, un dia para curarla de un resfriado le administró un remedio tan
eficaz, que en menos de dos horas se murió en horrendas convulsiones. Los
parientes de la difunta formáron causa criminal al doctor, el qual se
escapó, y á mi me metiéron en la cárcel; y si no hubiera sido algo bonita,
DO me hubiera sacado á salvamento mi inocencia. El juez me declaró libre,
con la condicion de ser el sucesor del médico; y muy en breve me sustituyó
otra, y fuí despedida sin darme un quarto, y forzada á emprender este
abominable oficio, que á vosotros los hombres os parece tan gustoso, y que
para nosotras es un piélago de desventuras. Víneme á exercitar mi
profesion á Venecia. Ha, señor, si se figurara vm. qué cosa tan
inaguantable es halagar sin diferencia al negociante viejo, al letrado, al
frayle, al gondolero, y al abate; estar expuesta á tanto insulto, á tantos
malos tratamientos; verse á cada paso obligada á pedir prestado un
guardapesillo para que se le remangue á una un hombre asqueroso; robada
por este de lo que ha ganado con aquel, estafada por los alguaciles, y sin
tener otra perspectiva que una horrible vejez, un hospital y un muladar,
confesaria que soy la mas malhadada criatura de este mundo.
|
Paquette ouvrait ainsi son coeur au bon Candide,
dans un cabinet, en présence de Martin, qui disait à Candide :
|
Así descubria Paquita su corazon al buen Candido, en su
gabinete, á presencia de Martin, el qual dixo:
|
« Vous voyez que j′ai déjà gagné la moitié de la
gageure. »
|
Ya llevo ganada, como vm. ve, la mitad de la apuesta.
|
Frère Giroflée était resté dans la salle à
manger, et buvait un coup en attendant le dîner.
|
Habíase quedado fray Hilarion en la sala de comer,
bebiendo un trago miéntras servian la comida.
|
« Mais, dit Candide à Paquette, vous aviez l′air
si gai, si content, quand je vous ai rencontrée ; vous chantiez, vous
caressiez le théatin avec une complaisance naturelle ; vous m′avez paru
aussi heureuse que vous prétendez être infortunée.
|
Candido le dixo á Paquita: Pues si parecias tan alegre y
tan contenta quando te encontré; si cantabas y halagabas al diaguino con
tanta naturalidad, que te tuve por tan feliz como dices que eres
desdichada.
|
-- Ah ! monsieur, répondit Paquette, c′est encore
là une des misères du métier. J′ai été hier volée et battue par un
officier, et il faut aujourd′hui que je paraisse de bonne humeur pour
plaire à un moine. »
|
Ha, señor, respondió Paquita, esa es otra de las lacras
de nuestro oficio. Ayer me robó y me aporreó un oficial, y hoy tengo que
fingir que estoy alegre para agradar á un frayle.
|
Candide n′en voulut pas davantage ; il avoua que
Martin avait raison. On se mit à table avec Paquette et le théatin, le
repas fut assez amusant, et sur la fin on se parla avec quelque confiance.
|
No quiso Candido oir mas, y confesó que Martin tenia
razón. Sentáronse luego á la mesa con Paquita y el frayle Francisco; fué
bastante alegre la comida, y de sobremesa habláron con alguna confianza.
Díxole Candido al frayle:
|
« Mon Père, dit Candide au moine, vous me
paraissez jouir d′une destinée que tout le monde doit envier ; la fleur de
la santé brille sur votre visage, votre physionomie annonce le bonheur ;
vous avez une très jolie fille pour votre récréation, et vous paraissez
très content de votre état de théatin.
|
Paréceme, padre, que disfruta Vuestra Reverencia de una
suerte envidiable. En su semblante brilla la salud y la robustez, su
fisonomía indica el bien-estar, tiene una muy linda moza para su recreo, y
me parece muy satisfecho con su hábito de diaguino.
|
-- Ma foi, monsieur, dit frère Giroflée, je
voudrais que tous les théatins fussent au fond de la mer. J′ai été tenté
cent fois de mettre le feu au couvent, et d′aller me faire turc. Mes
parents me forcèrent à l′âge de quinze ans d′endosser cette détestable
robe, pour laisser plus de fortune à un maudit frère aîné que Dieu
confonde ! La jalousie, la discorde, la rage, habitent dans le couvent. Il
est vrai que j′ai prêché quelques mauvais sermons qui m′ont valu un peu
d′argent, dont le prieur me vole la moitié : le reste me sert à entretenir
des filles ; mais, quand je rentre le soir dans le monastère, je suis prêt
de me casser la tête contre les murs du dortoir ; et tous mes confrères
sont dans le même cas. »
|
Por Dios santo, caballero, respondió fray Hilarion, que
quisiera que todos los Franciscanos estuvieran en el quinto infierno, y
que mil veces me han dado tentaciones de pegar fuego al convento, y de
hacerme Turco. Quando tenia quince años, mis padres, por dexar mas caudal
á un maldito hermano mayor (condenado el sea), me obligáron á tomar este
exêcrable hábito. El convento es un nido de zelos, de rencillas y de
desesperacion. Verdad es que por algunas malas misiones de quaresma que he
predicado, me han dado algunos quartos, que la mitad me ha robado el
guardian: lo restante me sirve para mantener mozas; pero quando por la
noche entro en mi celda, me dan impulsos de romperme la cabeza contra las
paredes, y lo mismo sucede á todos los demas religiosos.
|
Martin se tournant vers Candide avec son
sang-froid ordinaire :
|
Volviéndose entónces Martin á Candido con su
acostumbrado relente, le dixo:
|
« Eh bien ! lui dit-il, n′ai-je pas gagné la
gageure tout entière ? »
|
¿Qué tal? ¿he ganado, ó no, la apuesta?
|
Candide donna deux mille piastres à Paquette et
mille piastres à frère Giroflée.
|
Candido regaló dos mil duros á Paquita, y mil á fray
Hilarion.
|
« Je vous réponds, dit-il, qu′avec cela ils
seront heureux.
|
Yo fío, dixo, que con este dinero serán felices.
|
-- Je n′en crois rien du tout, dit Martin ; vous
les rendrez peut-être avec ces piastres beaucoup plus malheureux encore.
|
Pues yo fío lo contrario, dixo Martin, que con esos
miles los hará vm. más infelices todavía.
|
-- Il en sera ce qui pourra, dit Candide ; mais
une chose me console, je vois qu′on retrouve souvent les gens qu′on ne
croyait jamais retrouver ; il se pourra bien faire qu′ayant rencontré mon
mouton rouge et Paquette, je rencontre aussi Cunégonde.
|
Sea lo que fuere, dixo Candido, un consuelo tengo, y es
que á veces encuentra uno gentes que creía no encontrar nunca; y muy bien,
podrá suceder que después de haber topado á mi carnero encarnado y á
Paquita, me halle un dia de manos á boca con Cunegunda.
|
-- Je souhaite, dit Martin, qu′elle fasse un jour
votre bonheur ; mais c′est de quoi je doute fort.
|
Mucho deseo, dixo Martin, que sea para la mayor
felicidad de vm.; pero se me hace muy cuesta arriba.
|
-- Vous êtes bien dur, dit Candide.
|
Malas creederas tiene vm., respondió Candido.
|
-- C′est que j′ai vécu, dit Martin.
|
Consiste en que he vivido mucho, replicó Martin.
|
-- Mais regardez ces gondoliers, dit Candide ; ne
chantent-ils pas sans cesse ?
|
¿Pues no ve vm. esos gondoleros, dixo Candido, que no
cesan de cantar?
|
-- Vous ne les voyez pas dans leur ménage, avec
leurs femmes et leurs marmots d′enfants, dit Martin. Le doge a ses
chagrins, les gondoliers ont les leurs. Il est vrai qu′à tout prendre le
sort d′un gondolier est préférable à celui d′un doge ; mais je crois la
différence si médiocre que cela ne vaut pas la peine d′être examiné.
|
Pero no los ve vm. en su casa con sus mugeres y sus
chiquillos, repuso Martin. Sus pesadumbres tiene el Dux, y los gondoleros
las suyas. Verdad es que pesándolo todo, mas feliz suerte que la del Dux
es la del gondolero; pero es tan poca la diferencia, que no merece la pena
de un detenido exâmen.
|
-- On parle, dit Candide, du sénateur Pococuranté
qui demeure dans ce beau palais sur la Brenta, et qui reçoit assez bien
les étrangers. On prétend que c′est un homme qui n′a jamais eu de chagrin.
|
Me han hablado, dixo Candido, del senador Pococurante,
que vive en ese suntuoso palacio situado sobre el Brenta, y que agasaja
mucho á los forasteros; y dicen que es un hombre que nunca ha sabido qué
cosa sea tener pesadumbre.
|
-- Je voudrais voir une espèce si rare », dit
Martin.
|
Mucho diera por ver un ente tan raro, dixo Martin. XXV
|
Candide aussitôt fit demander au seigneur
Pococuranté la permission de venir le voir le lendemain.
|
Sin mas dilación mandó Candido á pedir licencia al señor
Pococurante para hacerle una visita el dia siguiente.
|
CHAPITRE VINGT - CINQUIÈME
|
CAPITULO XXV.
|
VISITE CHEZ LE SEIGNEUR POCOCURANTÉ, NOBLE
VÉNITIEN
|
_Que da cuenta de la visita que hiciéron Martin y
Candido al señor Pococurante, noble veneciano._
|
Candide et Martin allèrent en gondole sur la
Brenta et arrivèrent au palais du noble Pococuranté. Les jardins étaient
bien entendus, et ornés de belles statues de marbre ; le palais, d′une
belle architecture. Le maître du logis, homme de soixante ans, fort riche,
reçut très poliment les deux curieux, mais avec très peu d′empressement,
ce qui déconcerta Candide et ne déplut point à Martin.
|
Emarcaronse Candido y Martin en una gondola, y fuéron
por el Brenta al palacio del noble Pococurante. Los jardines eran amenos y
ornados con hermosas estatuas de mármol, el palacio de magnífica fábrica,
y el dueño un hombre como de sesenta años, y muy rico. Recibió á los dos
curiosos forasteros con mucha urbanidad, pero sin mucho cumplimiento; cosa
que intimidó á Candido, y no le pareció mal á Martin.
|
D′abord deux filles jolies et proprement mises
servirent du chocolat qu′elles firent très bien mousser. Candide ne put
s′empêcher de les louer sur leur beauté, sur leur bonne grâce et sur leur
adresse.
|
Al instante dos muchachas bonitas y muy aseadas
sirviéron el chocolate: Candido no pudo ménos de elogiar sus gracias y su
hermosura.
|
« Ce sont d′assez bonnes créatures, dit le
sénateur Pococuranté ; je les fais quelquefois coucher dans mon lit, car
je suis bien las des dames de la ville, de leurs coquetteries, de leurs
jalousies, de leurs querelles, de leurs humeurs, de leurs petitesses, de
leur orgueil, de leurs sottises, et des sonnets qu′il faut faire ou
commander pour elles ; mais, après tout, ces deux filles commencent fort à
m′ennuyer. »
|
No son malas chicas, dixo el senador; algunas veces
mando que duerman conmigo, porque estoy aburrido de las señoras del
pueblo, de su retrechería, sus zelos, sus contiendas, su mal genio, sus
nimiedades, su vanidad, sus tonterías, y mas aun de los sonetos que tiene
uno que hacer ó mandar hacer en elogio suyo: mas con todo ya empiezan á
fastidiarme estas muchachas.
|
Candide, après le déjeuner, se promenant dans une
longue galerie, fut surpris de la beauté des tableaux. Il demanda de quel
maître étaient les deux premiers.
|
Despues de almorzar, se fuéron á pasear á una espaciosa
galería, y pasmado Candido de la hermosura de las pinturas, preguntó de
qué maestro eran las dos primeras.
|
« Ils sont de Raphaël, dit le sénateur ; je les
achetai fort cher par vanité il y a quelques années ; on dit que c′est ce
qu′il y a de plus beau en Italie, mais ils ne me plaisent point du tout :
la couleur en est très rembrunie ; les figures ne sont pas assez
arrondies, et ne sortent point assez ; les draperies ne ressemblent en
rien à une étoffe ; en un mot, quoi qu′on en dise, je ne trouve point là
une imitation vraie de la nature. Je n′aimerai un tableau que quand je
croirai voir la nature elle- même : il n′y en a point de cette espèce.
J′ai beaucoup de tableaux mais je ne les regarde plus. »
|
Son de Rafael, dixo el senador, y las compré muy caras
por vanidad, algunos años ha; dicen que son la cosa mas hermosa que tiene
Italia, pero á mi no me gustan: los colores son muy denegridos, las
figuras no están bien perfiladas, ni salen lo bastante del plano; los
ropages no se parecen en nada á la ropa de vestir; y en una palabra, digan
lo que quisieren, yo no alcanzo á ver aquí una feliz imitacion de la
naturaleza, y no daré mi aprobacion á un quadro hasta que me retrate la
propia naturaleza; pero no los hay de esta especie. Yo tengo muchos, pero
no miro á uno siquiera.
|
Pococuranté, en attendant le dîner, se fit donner
un concerto. Candide trouva la musique délicieuse.
|
Pococurante, ántes de comer, mandó que le dieran un
concierto: la música le pareció deliciosa á Candido.
|
« Ce bruit, dit Pococuranté, peut amuser une
demi-heure ; mais, s′il dure plus longtemps, il fatigue tout le monde,
quoique personne n′ose l′avouer. La musique aujourd′hui n′est plus que
l′art d′exécuter des choses difficiles, et ce qui n′est que difficile ne
plaît point à la longue.
|
Bien puede este estruendo, dixo Pococurante, divertir
cosa de media hora; pero quando dura mas, á todo el mundo cansa, puesto
que nadie se atreve á confesarlo. La música del dia no es otra cosa que el
arte de executar cosas dificultosas, y lo que no es mas que difícil no
gusta mucho tiempo.
|
« J′aimerais peut-être mieux l′opéra, si on
n′avait pas trouvé le secret d′en faire un monstre qui me révolte. Ira
voir qui voudra de mauvaises tragédies en musique, où les scènes ne sont
faites que pour amener, très mal à propos, deux ou trois chansons
ridicules qui font valoir le gosier d′une actrice ; se pâmera de plaisir
qui voudra, ou qui pourra, en voyant un châtré fredonner le rôle de César
et de Caton et se promener d′un air gauche sur des planches ; pour moi, il
y a longtemps que j′ai renoncé à ces pauvretés, qui font aujourd′hui la
gloire de l′Italie, et que des souverains payent si chèrement. »
|
Mas me agradaría la ópera, si no hubieran atinado con el
arte de convertirla en un monstruo que me repugna. Vaya quien quisiere á
ver malas tragedias en música, cuyas escenas no paran en mas que en traer
al estricote dos ó tres ridiculas coplas donde lucen los gorgeos de una
cantarina; saboréese otro en oir á un tiple tararear el papel de César ó
Caton, y pasearse en afeminados pasos por las tablas: yo por mí, muchos
años hace que no veo semejantes majaderías de que tanto se ufana hoy la
Italia, y que tan caras pagan los soberanos extrangeros.
|
Candide disputa un peu, mais avec discrétion.
Martin fut entièrement de l′avis du sénateur.
|
Candido contradixo un poco, pero con prudencia; y Martin
fué en todo del dictámen del senador.
|
On se mit à table, et après un excellent dîner,
on entra dans la bibliothèque. Candide, en voyant un Homère magnifiquement
relié, loua l′illustrissime sur son bon goût.
|
Sentáronse á la mesa, y después de una opípara comida
entráron en la biblioteca. Candido que vió un Homero magníficamente
enquadernado, alabó mucho el fino gusto de Su Ilustrísima.
|
« Voilà, dit- il, un livre qui faisait les
délices du grand Pangloss, le meilleur philosophe de l′Allemagne.
|
Este es el libro, dixo, que era las delicias de Panglós,
el mejor filósofo de Alemania.
|
-- Il ne fait pas les miennes, dit froidement
Pococuranté ; on me fit accroire autrefois que j′avais du plaisir en le
lisant ; mais cette répétition continuelle de combats qui se ressemblent
tous, ces dieux qui agissent toujours pour ne rien faire de décisif, cette
Hélène qui est le sujet de la guerre, et qui à peine est une actrice de la
pièce ; cette Troie qu′on assiège et qu′on ne prend point, tout cela me
causait le plus mortel ennui. J′ai demandé quelquefois à des savants s′ils
s′ennuyaient autant que moi à cette lecture. Tous les gens sincères m′ont
avoué que le livre leur tombait des mains, mais qu′il fallait toujours
l′avoir dans sa bibliothèque, comme un monument de l′antiquité, et comme
ces médailles rouillées qui ne peuvent être de commerce.
|
Pues no es las mias, dixo con mucha frialdad
Pococurante: en otro tiempo me habían hecho creer que tenia mucho gusto en
leerle; pero la repeticion no interrumpida de batallas que todas son
parecidas, aquellos Dioses siempre en accion, y que nunca hacen cosa
ninguna decisiva; aquella Helena, causa de la guerra, y que apénas tiene
accion en el poema; aquella Troya siempre sitiada, y nunca tomada: todo
esto me causaba un fastidio mortal. Algunas veces he preguntado á varios
hombres doctos si los aburria esta lectura tanto como á mí; y todos los
que hablaban sinceramente me han confesado que se les caía el libro de las
manos, pero que era indispensable tenerle en su biblioteca, como un
monumento de la antigüedad, ó como una medalla enmohecida que no es ya
materia de comercio.
|
-- Votre Excellence ne pense pas ainsi de Virgile
? dit Candide.
|
No piensa así Vueselencia de Virgilio, dixo Candido.
|
-- Je conviens, dit Pococuranté, que le second,
le quatrième et le sixième livre de son Énéide sont excellents ; mais pour
son pieux Énée, et le fort Cloanthe, et l′ami Achates, et le petit
Ascanius, et l′imbécile roi Latinus, et la bourgeoise Amata, et l′insipide
Lavinia, je ne crois pas qu′il y ait rien de si froid et de plus
désagréable. J′aime mieux le Tasse et les contes à dormir debout de
l′Arioste.
|
Convengo, dixo Pococurante, en que el segundo, el quarto
y el sexto libro de su Eneyda son excelentes; mas por lo que hace á su pío
Eneas, al fuerte Cloanto, al amigo Acates, al niño Ascanio, al tonto del
rey Latino, á la zafia Amata, y á la insulsa Lavinia, creo que no hay cosa
mas fria ni mas desagradable: y mas me gusta el Taso, y las novelas para
arrullar criaturas del Ariosto.
|
-- Oserais-je vous demander, monsieur, dit
Candide, si vous n′avez pas un grand plaisir à lire Horace ?
|
¿Me hará Su Excelencia el gusto de decirme, repuso
Candido, si no le tiene muy grande en la lectura de Horacio?
|
-- Il y a des maximes, dit Pococuranté, dont un
homme du monde peut faire son profit, et qui, étant resserrées dans des
vers énergiques, se gravent plus aisément dans la mémoire. Mais je me
soucie fort peu de son voyage à Brindes, et de sa description d′un mauvais
dîner, et de la querelle des crocheteurs entre je ne sais quel Pupilus,
dont les paroles, dit-il, étaient pleines de pus, et un autre dont les
paroles étaient du vinaigre. Je n′ai lu qu′avec un extrême dégoût ses vers
grossiers contre des vieilles et contre des sorcières ; et je ne vois pas
quel mérite il peut y avoir à dire à son ami Mæcenas que, s′il est mis par
lui au rang des poètes lyriques, il frappera les astres de son front
sublime. Les sots admirent tout dans un auteur estimé. Je ne lis que pour
moi ; je n′aime que ce qui est à mon usage. »
|
Máxîmas hay en él, dixo Pococurante, que pueden ser
útiles á un hombre de mundo, y que reducidas á enérgicos versos se graban
con facilidad en la memoria; pero no me curo ni de su viage á Brindis, ni
de su descripcion de una mala comida, ni de la disputa digna de unos mozos
de esquina entre no sé qué Rupilo, cuyas razones, dice, _estaban llenas de
podre_, y las de su contrincante _llenas de vinagre_. Sus groseros versos
contra viejas y hechiceras los he leido con mucho asco; y no veo qué
mérito tiene decir á su amigo Mecenas, que si le pone en el catálogo de
poetas líricos, tocará á los astros con su erguida frente. A los tontos
todo los maravilla en un autor apreciado; pero yo, que leo para mí solo,
no apruebo mas que lo que me da gusto.
|
Candide, qui avait été élevé à ne jamais juger de
rien par lui-même, était fort étonné de ce qu′il entendait ; et Martin
trouvait la façon de penser de Pococuranté assez raisonnable.
|
Candido, que se habia criado no juzgando de nada por sí
propio, estaba muy atónito con todo quanto oía; y á Martin le parecía el
modo de pensar de Pococurante muy conforme á razón.
|
« Oh ! voici un Cicéron, dit Candide ; pour ce
grand homme-là, je pense que vous ne vous lassez point de le lire ?
|
¡Ha! aquí hay un Cicerón, dixo Candido: sin duda no se
cansa Vueselencia de leerle.
|
-- Je ne le lis jamais, répondit le Vénitien. Que
m′importe qu′il ait plaidé pour Rabirius ou pour Cluentius ? J′ai bien
assez des procès que je juge ; je me serais mieux accommodé de ses oeuvres
philosophiques ; mais, quand j′ai vu qu′il doutait de tout, j′ai conclu
que j′en savais autant que lui, et que je n′avais besoin de personne pour
être ignorant.
|
Nunca le leo, respondió el Veneciano. ¿Qué tengo yo con
que haya defendido á Rabirio ó á Cluencio? Sobrados pleytos tengo sin esos
que fallar. Mas me hubieran agradado sus obras filosóficas; pero quando he
visto que de todo dudaba, he inferido que lo mismo sabia yo que él, y que
para ser ignorante á nadie necesitaba.
|
-- Ah ! voilà quatre-vingts volumes de recueils
d′une académie des sciences, s′écria Martin ; il se peut qu′il y ait là du
bon.
|
¡Hola! ochenta tomos de la academia de ciencias; algo
bueno podrá haber en ellos, exclamó Martin.
|
-- Il y en aurait, dit Pococuranté, si un seul
des auteurs de ces fatras avait inventé seulement l′art de faire des
épingles ; mais il n′y a dans tous ces livres que de vains systèmes et pas
une seule chose utile.
|
Sí que lo habría, dixo Pococurante, si uno de los
autores de ese fárrago hubiese inventado siquiera el arte de hacer
alfileres; pero en todos esos libros no se hallan mas que sistemas vanos,
y ninguna cosa útil.
|
-- Que de pièces de théâtre je vois là ! dit
Candide ; en italien, en espagnol, en français !
|
¡Quantas composiciones teatrales estoy viendo, dixo
Candido, en italiano, en castellano y en francés!
|
-- Oui, dit le sénateur, il y en a trois mille,
et pas trois douzaines de bonnes. Pour ces recueils de sermons, qui tous
ensemble ne valent pas une page de Sénèque, et tous ces gros volumes de
théologie, vous pensez bien que je ne les ouvre jamais, ni moi ni
personne. »
|
Así es verdad, dixo el senador; de tres mil pasan, y no
hay treinta buenas. Lo que es esas recopilaciones de sermones que todos
juntos no equivalen á una página de Séneca, y todos esos librotes de
teología, ya se presumen vms. que no los abro nunca, ni yo ni nadie.
|
Martin aperçut des rayons chargés de livres
anglais.
|
Reparó Martin en unos estantes cargados de libros
ingleses.
|
« Je crois, dit-il, qu′un républicain doit se
plaire à la plupart de ces ouvrages, écrits si librement.
|
Bien creo, dixo, que un republicano se recrea con la
mayor parte de estas obras con tanta libertad escritas.
|
-- Oui, répondit Pococuranté, il est beau
d′écrire ce qu′on pense ; c′est le privilège de l′homme. Dans toute notre
Italie, on n′écrit que ce qu′on ne pense pas ; ceux qui habitent la patrie
des Césars et des Antonins n′osent avoir une idée sans la permission d′un
jacobin. Je serais content de la liberté qui inspire les génies anglais si
la passion et l′esprit de parti ne corrompaient pas tout ce que cette
précieuse liberté a d′estimable. »
|
Sí, respondió Pococurante, bella cosa es escribir lo que
se siente; que es la prerogativa del hombre. En nuestra Italia toda solo
se escribe lo que no se siente, y no son osados los moradores de la patria
de los Césares y los Antoninos á concebir una idea sin la venia de un
Domínico. Mucho me contentaria la libertad que á los ingenios ingleses
inspira, si no estragaran la pasión y el espíritu de partido quantas dotes
apreciables aquella tiene.
|
Candide, apercevant un Milton, lui demanda s′il
ne regardait pas cet auteur comme un grand homme.
|
Reparando Candido en un Milton, le preguntó si tenia por
un hombre sublime á este autor.
|
« Qui ? dit Pococuranté, ce barbare qui fait un
long commentaire du premier chapitre de la Genèse en dix livres de vers
durs ? ce grossier imitateur des Grecs, qui défigure la création, et qui,
tandis que Moïse représente l′Être éternel produisant le monde par la
parole, fait prendre un grand compas par le Messiah dans une armoire du
ciel pour tracer son ouvrage ? Moi, j′estimerais celui qui a gâté l′enfer
et le diable du Tasse ; qui déguise Lucifer tantôt en crapaud, tantôt en
pygmée ; qui lui fait rebattre cent fois les mêmes discours ; qui le fait
disputer sur la théologie ; qui, en imitant sérieusement l′invention
comique des armes à feu de l′Arioste, fait tirer le canon dans le ciel par
les diables ? Ni moi, ni personne en Italie, n′a pu se plaire à toutes ces
tristes extravagances. Le mariage du péché et de la mort et les couleuvres
dont le péché accouche font vomir tout homme qui a le goût un peu délicat,
et sa longue description d′un hôpital n′est bonne que pour un fossoyeur.
Ce poème obscur, bizarre et dégoûtant, fut méprisé à sa naissance ; je le
traite aujourd′hui comme il fut traité dans sa patrie par les
contemporains. Au reste, je dis ce que je pense, et je me soucie fort peu
que les autres pensent comme moi. »
|
¿A quién? dixo Pococurante: ¿á ese bárbaro que en diez
libros de duros versos ha hecho un prolixo comento del Génesis? ¿á ese
zafio imitador de los Griegos, que desfigura la creacion, y miéntras que
pinta Moises al eterno Ser criando el mundo por su palabra, hace que coja
el Mesías en un armario del cielo un inmenso compás para trazar su obra?
¡Yo, estimar á quien ha echado á perder el infierno y el diablo del Taso;
á quien disfraza á Lucifer, unas veces de sapo, otras de pigmeo, le hace
repetir cien veces las mismas razones, y disputar sobre teología; á quien
imitando seriamente la cómica invencion de las armas de fuego del Ariosto,
representa á los diablos tirando cañonazos en el cielo! Ni yo, ni nadie en
Italia ha podido gustar de todas esas tristes extravagancias. Las bodas
del Pecado y la Muerte, y las culebras que pare el Pecado provocan á
vomitar á todo hombre de gusto algo delicado; y su prolixa descripcion de
un hospital solo para un enterrador es buena. Este poema obscuro,
estrambótico y repugnante, fue despreciado en su cuna, y yo le trato hoy
como le tratáron en su patria sus coetáneos. Por lo demas, yo digo mi
dictámen sin curarme de si los demas piensan como yo.
|
Candide était affligé de ces discours ; il
respectait Homère, il aimait un peu Milton.
|
Candido estaba muy afligido con estas razones, porque
respetaba á Homero, y no le desagradaba Milton.
|
« Hélas ! dit-il tout bas à Martin, j′ai bien
peur que cet homme-ci n′ait un souverain mépris pour nos poètes allemands.
|
¡Ay! dixo en voz baxa á Martin, mucho me temo que
profese este hombre un profundo desprecio á nuestros poetas tudescos.
|
-- Il n′y aurait pas grand mal à cela, dit
Martin.
|
Poco inconveniente seria, replicó Martin.
|
-- Oh, quel homme supérieur ! disait encore
Candide entre ses dents, quel grand génie que ce Pococuranté ! rien ne
peut lui plaire. »
|
¡O qué hombre tan superior, decía entre dientes Candido,
qué ingenio tan divino este Pococurante! ninguna cosa le agrada.
|
Après avoir fait ainsi la revue de tous les
livres, ils descendirent dans le jardin. Candide en loua toutes les
beautés.
|
Hecho el escrutinio de todos los libros, baxáron al
jardín, y Candido alabó mucho todas sus preciosidades.
|
« Je ne sais rien de si mauvais goût, dit le
maître : nous n′avons ici que des colifichets ; mais je vais dès demain en
faire planter un d′un dessin plus noble. »
|
No hay una cosa de peor gusto, dixo Pococurante, aquí no
tenemos otra cosa que fruslerías; bien es que mañana voy á disponer que me
planten otro por un estilo mas noble.
|
Quand les deux curieux eurent pris congé de Son
Excellence : « Or çà, dit Candide à Martin, vous conviendrez que voilà le
plus heureux de tous les hommes, car il est au-dessus de tout ce qu′il
possède.
|
Despidiéronse en fin ámbos curiosos de Su Excelencia, y
al volverse á su casa dixo Candido á Martin: Confiese vm. que el señor
Pococurante es el mas feliz de los humanos, porque es un hombre superior á
todo quanto tiene.
|
-- Ne voyez-vous pas, dit Martin, qu′il est
dégoûté de tout ce qu′il possède ? Platon a dit, il y a longtemps, que les
meilleurs estomacs ne sont pas ceux qui rebutent tous les aliments.
|
¿Pues no considera vm., dixo Martin, que está aburrido
de quanto tiene? Mucho tiempo ha que dixo Platon que no son los mejores
estómagos los que vomitan todos los alimentos.
|
-- Mais, dit Candide, n′y a-t-il pas du plaisir à
tout critiquer, à sentir des défauts où les autres hommes croient voir des
beautés ?
|
¿Pero no es un gusto, respondió Candido, criticarlo
todo, y hallar defectos donde los demas solo perfecciones encuentran?
|
-- C′est-à-dire, reprit Martin, qu′il y a du
plaisir à n′avoir pas de plaisir ?
|
Eso es lo mismo, replicó Martin, que decir que es mucho
gusto no tener gustos.
|
-- Oh bien ! dit Candide, il n′y a donc d′heureux
que moi, quand je reverrai Mlle Cunégonde.
|
Segun eso, dixo Candido, no hay otro hombre feliz que
yo, quando vuelva á ver á mi Cunegunda.
|
-- C′est toujours bien fait d′espérer », dit
Martin.
|
Buena cosa es la esperanza, respondió Martin.
|
Cependant les jours, les semaines s′écoulaient ;
Cacambo ne revenait point, et Candide était si abîmé dans sa douleur qu′il
ne fit pas même réflexion que Paquette et frère Giroflée n′étaient pas
venus seulement le remercier.
|
Corrian en tanto los dias y las semanas, y Cacambo no
parecia, y estaba Candido tan sumido en su pesadumbre, que ni siquiera
notó que no habian venido á darle las gracias fray Hilarion ni Paquita.
|
CHAPITRE VINGT - SIXIÈME
|
CAPITULO XXVI.
|
D′UN SOUPER QUE CANDIDE ET MARTIN FIRENT AVEC SIX
ÉTRANGERS, ET QUI ILS ÉTAIENT
|
_Que da cuenta de como Candido y Martin cenáron con unos
extranjeros, y quien eran estos._
|
Un soir que Candide, suivi de Martin, allait se
mettre à table avec les étrangers qui logeaient dans la même hôtellerie,
un homme à visage couleur de suie l′aborda par-derrière, et, le prenant
par le bras, lui dit :
|
Un dia, yendo Candido y Martin á sentarse á la mesa con
los forasteros alojados en su misma posada, se acercó por detras al
primero uno que tenia una cara de color de hollin de chimenca, el qual,
agarrándole del brazo, le dixo:
|
« Soyez prêt à partir avec nous, n′y manquez pas.
»
|
Dispóngase vm. á venirse con nosotros, y no se descuide.
|
Il se retourne, et voit Cacambo. Il n′y avait que
la vue de Cunégonde qui pût l′étonner et lui plaire davantage. Il fut sur
le point de devenir fou de joie. Il embrasse son cher ami.
|
Vuelve Candido el rostro, conoce á Cacambo; solo la
vista de Cunegunda le hubiera podido causar mas extrañeza y mas contento.
Poco le faltó para volverse loco de alegría; y dando mil abrazos á su caro
amigo, le dixo:
|
« Cunégonde est ici, sans doute, où est-elle ?
Mène-moi vers elle, que je meure de joie avec elle.
|
¿Con que sin duda está contigo Cunegunda? ¿donde está?
llévame á verla, y á morir de gozo á sus plantas.
|
-- Cunégonde n′est point ici, dit Cacambo, elle
est à Constantinople.
|
Cunegunda no está aquí, dixo Cacambo, que está en
Constantinopla.
|
-- Ah, Ciel ! à Constantinople ! mais, fût-elle à
la Chine, j′y vole, partons.
|
--¡Dios mio, en Constantinopla! pero aunque estuviera en
la China, voy allá volando: vamos.
|
-- Nous partirons après souper, reprit Cacambo,
je ne peux vous en dire davantage ; je suis esclave, mon maître m′attend ;
il faut que j′aille le servir à table : ne dites mot ; soupez et
tenez-vous prêt. »
|
Despues de cenar nos irémos, respondió Cacambo: no puedo
decir á vm. mas, que soy esclavo, y me está esperando mi amo, y así es
menester que le vaya á servir á la mesa: no diga vm. una palabra; cene, y
esté aparejado.
|
Candide, partagé entre la joie et la douleur,
charmé d′avoir revu son agent fidèle, étonné de le voir esclave, plein de
l′idée de retrouver sa maîtresse, le coeur agité, l′esprit bouleversé, se
mit à table avec Martin, qui voyait de sang-froid toutes ces aventures, et
avec six étrangers qui étaient venus passer le carnaval à Venise.
|
Preocupado Candido de júbilo y sentimiento, gozoso por
haber vuelto á ver á su fiel agente, atónito de verle esclavo, rebosando
en la alegría de encontrar á su amada, palpitándole el pecho, y vacilante
su razon, se sentó á la mesa con Martin, el qual sin inmutarse contemplaba
todas estas aventuras, y con otros seis extrangeros que habian venido á
pasar el carnaval á Venecia.
|
Cacambo, qui versait à boire à l′un de ces six
étrangers, s′approcha de l′oreille de son maître, sur la fin du repas, et
lui dit :
|
Cacambo, que era el copero de uno de los extrangeros,
arrimándose á su amo al fin de la comida, le dixo al oido:
|
« Sire, Votre Majesté partira quand elle voudra,
le vaisseau est prêt. »
|
Señor, Vuestra Magestad puede irse quando quisiere, que
el buque está pronto;
|
Ayant dit ces mots, il sortit. Les convives,
étonnés, se regardaient sans proférer une seule parole, lorsqu′un autre
domestique, s′approchant de son maître, lui dit :
|
y se fué dichas estas palabras. Atónitos los convidados
se miraban sin chistar, quando llegándose otro sirviente á su amo, le
dixo:
|
« Sire, la chaise de Votre Majesté est à Padoue,
et la barque est prête. »
|
Señor, el coche de Vuestra Magestad está en Padua, y el
barco listo.
|
Le maître fit un signe, et le domestique partit.
Tous les convives se regardèrent encore, et la surprise commune redoubla.
Un troisième valet, s′approchant aussi d′un troisième étranger, lui dit :
|
El amo hizo una seña, y se fué el criado. Otra vez se
miráron á la cara los convidados, y creció el asombro. Arrimándose luego
el tercer criado á otro extrangero, le dixo:
|
« Sire, croyez-moi, Votre Majesté ne doit pas
rester ici plus longtemps : je vais tout préparer »
|
Señor, créame Vuestra Magestad, que no se debe detener
mas aquí; yo voy á disponerlo todo,
|
; et aussitôt il disparut.
|
y desapareció.
|
Candide et Martin ne doutèrent pas alors que ce
ne fût une mascarade du carnaval. Un quatrième domestique dit au quatrième
maître :
|
Entónces no dudáron Candido ni Martin de que era
mogiganga de carnaval. El quarto criado dixo al quarto amo:
|
« Votre Majesté partira quand elle voudra », et
sortit comme les autres. Le cinquième valet en dit autant au cinquième
maître. Mais le sixième valet parla différemment au sixième étranger, qui
était auprès de Candide ; il lui dit :
|
Vuestra Magestad se podrá ir quando quiera, y se salió
lo mismo que los demas. Otro tanto dixo el criado quinto al quinto amo;
pero el sexto se explicó de muy diferente modo con el sexto forastero, que
estaba al lado de Candido, y le dixo:
|
« Ma foi, Sire, on ne veut plus faire crédit à
Votre Majesté, ni à moi non plus ; et nous pourrions bien être coffrés
cette nuit, vous et moi : je vais pourvoir à mes affaires ; adieu. »
|
A fe, Señor, que nadie quiere fiar un ochavo á Vuestra
Magestad, ni á mi tampoco, y que esta misma noche pudiera ser muy bien que
nos metieran en la cárcel, y así voy á ponerme en salvo: quédese con Dios
Vuestra Magestad.
|
Tous les domestiques ayant disparu, les six
étrangers, Candide et Martin demeurèrent dans un profond silence. Enfin
Candide le rompit.
|
Habiéndose marchado todos los criados, se quedáron en
alto silencio Candido, Martin y los seis forasteros. Rompióle al fin
Candido,
|
« Messieurs, dit-il, voilà une singulière
plaisanterie : pourquoi êtes-vous tous rois ? Pour moi, )e vous avoue que
ni moi ni Martin nous ne le sommes. »
|
diciendo: Cierto, señores, que es donosa la burla;
¿porqué son todos vms. reyes? Yo por mi declaro que ni el señor Martin ni
yo lo somos.
|
Le maître de Cacambo prit alors gravement la
parole, et dit en italien :
|
Respondiendo entónces con mucha dignidad el amo de
Cacambo, dixo en italiano:
|
« Je ne suis point plaisant, je m′appelle Achmet
III. J′ai été grand sultan plusieurs années ; je détrônai mon frère ; mon
neveu m′a détrôné ; on a coupé le cou à mes vizirs ; j′achève ma vie dans
le vieux sérail ; mon neveu le grand sultan Mahmoud me permet de voyager
quelquefois pour ma santé, et je suis venu passer le carnaval à Venise. »
|
Yo no soy un bufon; mi nombre es Acmet III; he sido gran
Sultan por espacio de muchos años; habia destronado á mi hermano, y mi
sobrino me na destronado á mí; á mis visires les han cortado la cabeza, y
yo acabo mis dias en el serrallo viejo. Mi sobrino el gran Sultan Mahamud
me da licencia para viajar de quando en quando para restablecer mi salud;
y he venido á pasar el carnaval á Venecia.
|
Un jeune homme qui était auprès d′Achmet parla
après lui, et dit :
|
Después de Acmet habló un mancebo que junto á el estaba,
y dixo:
|
« Je m′appelle Ivan ; j′ai été empereur de toutes
les Russies ; j′ai été détrôné au berceau ; mon père et ma mère ont été
enfermés ; on m′a élevé en prison ; j′ai quelquefois la permission de
voyager, accompagné de ceux qui me gardent, et je suis venu passer le
carnaval à Venise. »
|
Yo me llamo Ivan, he sido emperador de toda la Rusia, y
destronado en la cuna. Mi padre y mi madre fuéron encarcelados, y á mi me
criáron en una cárcel. Algunas veces me dan licencia para viajar en
compañía de mis alcaydes; y he venido á pasar el carnaval á Venecia.
|
Le troisième dit :
|
Dixo luego el tercero:
|
« Je suis Charles-Édouard, roi d′Angleterre ; mon
père m′a cédé ses droits au royaume ; j′ai combattu pour les soutenir ; on
a arraché le coeur à huit cents de mes partisans, et on leur en a battu
les joues. J′ai été mis en prison ; je vais à Rome faire une visite au roi
mon père, détrôné ainsi que moi et mon grand-père, et je suis venu passer
le carnaval à Venise. »
|
Yo soy Carlos Eduardo, rey de Inglaterra, habiéndome
cedido mi padre sus derechos á la corona. He peleado por sustentarlos; á
ochocientos partidarios mios les han arrancado el corazon, y les han
sacudido con el en la cara: á mi me han tenido preso, y ahora voy á ver al
Rey mi padre á Roma, el qual ha sido destronado así como mi abuelo, y así
como yo; y he venido á pasar el carnaval á Venecia.
|
Le quatrième prit alors la parole et dit :
|
Habló entónces el quarto, y dixo:
|
« Je suis roi des Polaques ; le sort de la guerre
m′a privé de mes États héréditaires ; mon père a éprouvé les mêmes revers
; je me résigne à la Providence comme le sultan Achmet, l′empereur Ivan et
le roi Charles-Édouard, à qui Dieu donne une longue vie, et je suis venu
passer le carnaval à Venise. »
|
Yo soy rey de los Polacos; la suerte de la guerra me ha
privado de mis estados hereditarios; los mismos contratiempos ha sufrido
mi padre: me resigno á los decretos de la Providencia, como hacen el
sultan Acmet, el emperador Ivan, y el rey Carlos Eduardo, que Dios guarde
dilatados años; y he venido á pasar el carnaval á Venecia.
|
Le cinquième dit :
|
Dixo despues el quinto:
|
« Je suis aussi roi des Polaques ; j′ai perdu mon
royaume deux fois ; mais la Providence m′a donné un autre État, dans
lequel j′ai fait plus de bien que tous les rois des Sarmates ensemble n′en
ont jamais pu faire sur les bords de la Vistule ; je me résigne aussi à la
Providence, et je suis venu passer le carnaval à Venise. »
|
Tambien yo soy rey de los Polacos, y dos veces he
perdido mi reyno; pero la Providencia me ha dado otro estado, en el qual
he hecho mas bienes que quantos han podido hacer en las riberas del
Vistula todos los reyes de la Sarmacia juntos: tambien me resigno á los
juicios de la Providencia; y he venido á pasar el carnaval á Venecia.
|
Il restait au sixième monarque à parler.
|
Habló por último el sexto monarca, y dixo:
|
« Messieurs, dit-il, je ne suis pas si grand
seigneur que vous ; mais enfin j′ai été roi tout comme un autre. Je suis
Théodore ; on m′a élu roi en Corse ; on m′a appelé Votre Majesté, et à
présent, à peine m′appelle-t-on Monsieur. J′ai fait frapper de la monnaie,
et je ne possède pas un denier ; j′ai eu deux secrétaires d′État, et j′ai
à peine un valet ; je me suis vu sur un trône, et j′ai longtemps été à
Londres en prison, sur la paille. J′ai bien peur d′être traité de même
ici, quoique je sois venu comme Vos Majestés passer le carnaval à Venise.
»
|
Caballeros, yo no soy tan gran señor como vms., mas al
cabo rey he sido como el mas pintado: mi nombre es Teodoro; fuí electo rey
en Córcega, me daban _magestad,_ y ahora apénas se dignan de decirme _su
merced_: he hecho acuñar moneda, y no tengo un maravedí; tenia dos
secretarios de estado, y apénas me queda un lacayo; me he visto en un
trono, y he estado mucho tiempo en Londres en una cárcel acostado sobre
paja; y me rezelo que me suceda aquí lo mismo, puesto que he venido, como
Vuestras Magestades, á pasar el carnaval á Venecia.
|
Les cinq autres rois écoutèrent ce discours avec
une noble compassion. Chacun d′eux donna vingt sequins au roi Théodore
pour avoir des habits et des chemises ; et Candide lui fit présent d′un
diamant de deux mille sequins.
|
Escucháron con magnánima compasion los otros cinco
monarcas este razonamiento, y dió cada uno veinte zequíes al rey Teodoro
para que comprase vestidos y ropa blanca. Candido le regaló un brillante
de dos mil zequíes.
|
« Quel est donc, disaient les cinq rois, ce
simple particulier qui est en état de donner cent fois autant que chacun
de nous, et qui le donne ? »
|
¿Quién es este particular, dixéron los cinco reyes, que
puede hacer una dádiva cien veces mas quantiosa que qualquiera de
nosotros, y que efectivamente la hace?
|
Dans l′instant qu′on sortait de table, il arriva
dans la même hôtellerie quatre altesses sérénissimes qui avaient aussi
perdu leurs États par le sort de la guerre, et qui venaient passer le
reste du carnaval à Venise. Mais Candide ne prit pas seulement garde à ces
nouveaux venus. Il n′était occupé que d′aller trouver sa chère Cunégonde à
Constantinople.
|
Al levantarse de la mesa, llegáron á la misma posada
quatro Altezas Serenísimas que tambien habian perdido sus estados por los
acasos de la guerra, y venian á pasar lo restante del carnaval á Venecia;
pero ne se informó siquiera Candido de las aventuras de los
recien-venidos, no pensando en mas que en ir á buscar á su amada Cunegunda
á Constantinopla.
|
CHAPITRE VINGT - SEPTIÈME
|
CAPITULO XXVII.
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VOYAGE DE CANDIDE À CONSTANTINOPLE
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_Del viage de Candido á Constantinopla._
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Le fidèle Cacambo avait déjà obtenu du patron
turc qui allait reconduire le sultan Achmet à Constantinople qu′il
recevrait Candide et Martin sur son bord. L′un et l′autre s′y rendirent
après s′être prosternés devant Sa misérable Hautesse. Candide, chemin
faisant, disait à Martin :
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Ya el fiel Cacambo había concertado con el capitan turco
que habia de llevar á Constantinopla al sultan Acmet, que tomara á bordo á
Candido y á Martin; y ámbos se embarcáron, habiéndose postrado primero
ante su miserable Alteza.
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« Voilà pourtant six rois détrônés, avec qui nous
avons soupé, et encore dans ces six rois il y en a un à qui j′ai fait
l′aumône. Peut-être y a-t-il beaucoup d′autres princes plus infortunés.
Pour moi, je n′ai perdu que cent moutons, et je vole dans les bras de
Cunégonde. Mon cher Martin, encore une fois, Pangloss avait raison : tout
est bien.
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Candido en el camino decia á Martin: ¡Con que hemos
cenado con seis reyes destronados, y de los seis á uno he tenido que darle
tina limosna! Acaso hay otros muchos príncipes mas desgraciados. Yo á la
verdad no he perdido mas que cien carneros, y voy á descansar de mis
fatigas en brazos de Cunegunda. Razon tenia Panglós, amado Martin, todo
está bien.
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-- Je le souhaite, dit Martin.
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Sea enhorabuena, dixo Martin.
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-- Mais, dit Candide, voilà une aventure bien peu
vraisemblable que nous avons eue à Venise. On n′avait jamais vu ni ouï
conter que six rois détrônés soupassent ensemble au cabaret.
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Increible aventura es empero, continuó Candido, la que
en Venecia nos ha sucedido; porque nunca se ha visto ni oido cosa tal como
cenar juntos en la misma posada seis monarcas destronados.
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-- Cela n′est pas plus extraordinaire, dit
Martin, que la plupart des choses qui nous sont arrivées. Il est très
commun que des rois soient détrônés ; et à l′égard de l′honneur que nous
avons eu de souper avec eux, c′est une bagatelle qui ne mérite pas notre
attention. »
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No es eso cosa mas extraordinaria, replicó Martin, que
otras muchas que nos han sucedido. Con mucha freqüencia sucede que un rey
sea destronado; y por lo que respeta á la honra que hemos tenido de cenar
con ellos, eso es una friolera que ni siquiera mentarse merece.
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À peine Candide fut-il dans le vaisseau qu′il
sauta au cou de son ancien valet, de son ami Cacambo.
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Apénas estaba Candido en el navío, se arrojó en brazos
de su criado antiguo y su amigo Cacambo.
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« Eh bien ! lui dit-il, que fait Cunégonde ?
Est-elle toujours un prodige de beauté ? M′aime-t-elle toujours ? Comment
se porte-t-elle ? Tu lui as sans doute acheté un palais à Constantinople ?
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¿Y pues, le dixo, qué hace Cunegunda? ¿es todavía un
portento de beldad? ¿me quiere aun? ¿cómo está? Sin duda que le has
comprado un palacio en Constantinopla.
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-- Mon cher maître, répondit Cacambo, Cunégonde
lave les écuelles sur le bord de la Propontide, chez un prince qui a très
peu d′écuelles ; elle est esclave dans la maison d′un ancien souverain
nommé Ragotski, à qui le Grand Turc donne trois écus par jour dans son
asile ; mais ce qui est bien plus triste, c′est qu′elle a perdu sa beauté
et qu′elle est devenue horriblement laide.
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Señor mi amo, le respondió Cacambo, Cunegunda está
fregando platos á orillas de la Propontis, en casa de un príncipe que
tiene poquísimos platos, porque es esclava de un soberano antiguo llamado
Ragotski, á quien da el gran Turco tres duros diarios en su asilo; y lo
peor es que ha perdido su hermosura, y que está horrorosa de puro fea.
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-- Ah ! belle ou laide, dit Candide, je suis
honnête homme, et mon devoir est de l′aimer toujours. Mais comment
peut-elle être réduite à un état si abject avec les cinq ou six millions
que tu avais apportés ?
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¡Ay! fea ó hermosa, dixo Candido, yo soy hombre de bien,
y mi obligacion es quererla siempre. ¿Pero cómo se puede encontrar en tan
miserable estado con el millón de duros que tu le llevaste?
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-- Bon, dit Cacambo, ne m′en a-t-il pas fallu
donner deux millions au señor don Fernando d′Ibaraa, y Figueora, y
Mascarenes, y Lampourdos, y Souza, gouverneur de Buenos-Ayres, pour avoir
la permission de reprendre mademoiselle Cunégonde ? Et un pirate ne nous
a-t-il pas bravement dépouillés de tout le reste ? Ce pirate ne nous
a-t-il pas menés au cap de Matapan, à Milo, à Nicarie, à Samos, à Petra,
aux Dardanelles, à Marmora, à Scutari ? Cunégonde et la vieille servent
chez ce prince dont je vous ai parlé, et moi je suis esclave du sultan
détrôné.
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Bueno está eso, respondió Cacambo: ¿pues no tuve que dar
doscientos mil al señor Don Fernando de Ibarra, Figueroa, Mascareñas,
Lampurdan y Souza, gobernador de Buenos-Ayres, para alcanzar su licencia
de traerme á Cunegunda? ¿y no nos ha robado un pirata todo quanto nos
había quedado? ¿No nos ha conducido dicho pirata al cabo de Matapan, á
Milo, á Nicaria, á Samos, á Petri, á los Dardanelos, á Mármara y á
Escutari? Cunegunda y la vieja estan sirviendo al príncipe que llevo
dicho, y yo soy esclavo del sultan destronado.
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-- Que d′épouvantables calamités enchaînées les
unes aux autres ! dit Candide. Mais, après tout, j′ai encore quelques
diamants ; je délivrerai aisément Cunégonde. C′est bien dommage qu′elle
soit devenue si laide. »
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¡Quanta espantosa calamidad encadenada una con otra!
dixo Candido. Al cabo aun me quedan algunos diamantes, y con facilidad
rescataré á Cunegunda. ¡Que lástima es que esté tan fea!
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Ensuite, se tournant vers Martin :
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Volviéndose luego á Martin,
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« Qui pensez-vous, dit-il, qui soit le plus à
plaindre, de l′empereur Achmet, de l′empereur Ivan, du roi
Charles-Édouard, ou de moi ?
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le dixo: ¿Quién piensa vm. que es mas digno de
compasion, el emperador Acmet, el emperador Ivan, el rey Carlos Eduardo, ó
yo?
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-- Je n′en sais rien, dit Martin ; il faudrait
que je fusse dans vos coeurs pour le savoir.
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No lo sé, dixo Martin, y menester fuera hallarme dentro
del pecho de vms. para saberlo.
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-- Ah ! dit Candide, si Pangloss était ici, il le
saurait et nous l′apprendrait.
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Ha, dixo Candido, si estuviera aquí Panglós, el lo
sabria, y nos lo diria.
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-- Je ne sais, dit Martin, avec quelles balances
votre Pangloss aurait pu peser les infortunes des hommes et apprécier
leurs douleurs. Tout ce que je présume, c′est qu′il y a des millions
d′hommes sur la terre cent fois plus à plaindre que le roi
Charles-Édouard, l′empereur Ivan et le sultan Achmet.
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Yo no poseo, respondió Martin, la balanza con que pesaba
ese señor Panglós las miserias, y valuaba las cuitas humanas; pero sí
presumo que hay en la tierra millones de hombres mas dignos de lástima que
el rey Carlos Eduardo, el emperador Ivan, y el sultan Acmet.
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-- Cela pourrait bien être », dit Candide.
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Bien puede ser, dixo Candido.
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On arriva en peu de jours sur le canal de la mer
Noire. Candide commença par racheter Cacambo fort cher, et, sans perdre de
temps, il se jeta dans une galère, avec ses compagnons, pour aller sur le
rivage de la Propontide chercher Cunégonde, quelque laide qu′elle pût
être.
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A pocos dias llegáron al canal del mar Negro. Candido
rescató á precio muy subido á Cacambo, y sin perder un instante se metió
con sus compañeros en una galera para ir á orillas de la Propontis en
demanda de Cunegunda, por mas fea que estuviese.
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Il y avait dans la chiourme deux forçats qui
ramaient fort mal, et à qui le levanti patron appliquait de temps en temps
quelques coups de nerf de boeuf sur leurs épaules nues ; Candide, par un
mouvement naturel, les regarda plus attentivement que les autres galériens
et s′approcha d′eux avec pitié. Quelques traits de leurs visages défigurés
lui parurent avoir un peu de ressemblance avec Pangloss et avec ce
malheureux jésuite, ce baron, ce frère de Mlle Cunégonde. Cette idée
l′émut et l′attrista. Il les considéra encore plus attentivement.
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Habia entre la chusma dos galeotes que remaban muy mal,
y á quien el arraez levantisco aplicaba de quando en quando sendos
latigazos en las espaldas con el rebenque. Por un movimiento natural los
miró Candido con mas atención que á los demas forzados, arrimándose a
ellos con lástima; y en algunas facciones de sus desfigurados rostros le
pareció que se daban un poco de ayre á Panglós, y al otro desventurado
jesuíta, al baron, hermano de Cunegunda. Enternecido y movido á compasión
con esta idea, los contempló con mayor atencion,
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« En vérité, dit-il à Cacambo, si je n′avais pas
vu pendre maître Pangloss, et si je n′avais pas eu le malheur de tuer le
baron, je croirais que ce sont eux qui rament dans cette galère. »
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y dixo á Cacambo: Por mi vida, que si no hubiera visto
ahorcar á maese Panglós, y no hubiera tenido la desgracia de matar al
baron, creeria que son esos que van remando en la galera.
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Au nom du baron et de Pangloss les deux forçats
poussèrent un grand cri, s′arrêtèrent sur leur banc et laissèrent tomber
leurs rames. Le levanti patron accourait sur eux, et les coups de nerf de
boeuf redoublaient.
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Oyendo los nombres del baron y de Panglós, diéron un
agudo grito ámbos galeotes, se paráron en el banco, y dexáron caer los
remos. Al punto se tiró á ellos el arraez, menudeando los latigazos con el
rebenque. \
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« Arrêtez, arrêtez, Seigneur, s′écria Candide, je
vous donnerai tant d′argent que vous voudrez.
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Deténgase, deténgase, Señor, clamó Candido, que le daré
el dinero que me pidiere.
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-- Quoi ! c′est Candide ! disait l′un des
forçats.
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¿Con que es Candido? decía uno de los forzados.
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-- Quoi ! c′est Candide ! disait l′autre.
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¿Con que es Candido? repetia el otro.
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-- Est-ce un songe ? dit Candide ; veillé-je ?
suis-je dans cette galère ? Est-ce là monsieur le baron que j′ai tué ?
Est-ce là maître Pangloss que j′ai vu pendre ?
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¿Es sueño? decia Candido; ¿estoy en esta galera? ¿estoy
despierto? ¿Es el señor baron á quien yo maté? ¿es maese Panglós á quien
vi ahorcar?
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-- C′est nous-mêmes, c′est nous-mêmes,
répondaient-ils.
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Nosotros somos, nosotros somos, respondian á la par.
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-- Quoi ! c′est là ce grand philosophe ? disait
Martin.
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¿Con que este es aquel insigne filósofo? Decia Martin.
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-- Eh ! Monsieur le levanti patron, dit Candide,
combien voulez-vous d′argent pour la rançon de M. de Thunder-ten-tronckh,
un des premiers barons de l′Empire, et de M. Pangloss, le plus profond
métaphysicien d′Allemagne ?
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Ha, señor arraez levantisco, ¿quanto quiere por el
rescate del señor baron de Tunder-ten-tronck, uno de los primeros barones
del imperio, y del señor Panglós, el metafísico mas profundo de Alemania?
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-- Chien de chrétien, répondit le levanti patron,
puisque ses deux chiens de forçats chrétiens sont des barons et des
métaphysiciens, ce qui est sans doute une grande dignité dans leurs pays,
tu m′en donneras cinquante mille sequins.
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Perro cristiano, respondió el arraez, una vez que esos
dos perros de galeotes cristianos son barones y etafísicos, lo qual es sin
duda un, cargo muy alto en su pais, me has de dar por ellos cincuenta mil
zequíes.
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-- Vous les aurez, monsieur, ramenez-moi comme un
éclair à Constantinople, et vous serez payé sur-le-champ. Mais non,
menez-moi chez Mlle Cunégonde. »
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--Yo se los daré, señor; lléveme de un vuelo á
Constantinopla, y al punto será satisfecho; pero no, lléveme á casa de
Cunegunda.
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Le levanti patron, sur la première offre de
Candide, avait déjà tourné la proue vers la ville, et il faisait ramer
plus vite qu′un oiseau ne fend les airs.
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El arráez, así que oyó la oferta de Candido, puso la
proa á la ciudad, y hacia que remaran con mas ligereza que un páxaro sesga
el ayre.
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Candide embrassa cent fois le baron et Pangloss.
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Dió Candido cien abrazos á Panglós y al baron.
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« Et comment ne vous ai-je pas tué, mon cher
baron ? et mon cher Pangloss, comment êtes-vous en vie après avoir été
pendu ? et pourquoi êtes-vous tous deux aux galères en Turquie ? Est-il
bien vrai que ma chère soeur soit dans ce pays ? disait le baron.
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--¿Pues cómo no he muerto á vm., mi amado baron? ¿y vm.,
mi amado Panglós, cómo está vivo habiéndole ahorcado? ¿y porqué están
ámbos en galeras en Turquía? Es cierto que esté mi querida hermana en esta
tierra? dixo el barón.
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-- Oui, répondait Cacambo.
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Sí, Señor, respondió Cacambo.
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-- Je revois donc mon cher Candide », s′écriait
Pangloss. Candide leur présentait Martin et Cacambo. Ils s′embrassaient
tous, ils parlaient tous à la fois. La galère volait, ils étaient déjà
dans le port. On fit venir un Juif, à qui Candide vendit pour cinquante
mille sequins un diamant de la valeur de cent mille, et qui lui jura par
Abraham qu′il n′en pouvait donner davantage. Il paya incontinent la rançon
du baron et de Pangloss. Celui-ci se jeta aux pieds de son libérateur et
les baigna de larmes ; l′autre le remercia par un signe de tête, et lui
promit de lui rendre cet argent à la première occasion.
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Al fin vuelvo á ver á mi caro Candido, exclamaba
Panglós. Candido les presentaba á Martin y á Cacambo: todos se abrazaban,
todos hablaban á la par; bogaba la galera, y estaban ya dentro del puerto.
Llamáron á un. Judío á quien vendió Candido por cincuenta mil zequíes un
diamante que valia cien mil, y el Judío le juró por Abrahan, que no podia
dar un ochavo mas. Incontinenti satisfizo el rescate del baron y Panglós:
este se arrojó á las plantas de su libertador, bañándolas en lágrimas;
aquel le dió las gracias baxando la cabeza, y le prometió pagarle su
dinero así que tuviese con que.
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« Mais est-il bien possible que ma soeur soit en
Turquie ? disait-il.
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¿Pero es posible, decia, que esté en Turquía mi hermana?
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-- Rien n′est si possible, reprit Cacambo, puis
qu′elle écure la vaisselle chez un prince de Transylvanie. »
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Tan posible, replicó Cacambo, que está fregando platos
en casa de un príncipe de Transilvania.
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On fit aussitôt venir deux Juifs ; Candide vendit
encore des diamants ; et ils repartirent tous dans une autre galère pour
aller délivrer Cunégonde.
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Llamáron, al punto á otros Judíos, vendió Candido otros
diamantes, y se partiéron todos en otra galera para ir á librar á
Cunegunda.
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CHAPITRE VINGT - HUITIÈME
|
CAPITULO XXVIII.
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CE QUI ARRIVA À CANDIDE, À CUNÉGONDE ANGLOSS, À
MARTIN, ETC.
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_Que trata de los sucesos que pasáron con Candido,
Cunegunda, Panglós y Martin._
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« Pardon, encore une fois, dit Candide au baron ;
pardon, mon Révérend Père, de vous avoir donné un grand coup d′épée au
travers du corps.
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Mil perdones pido á vm., dixo Candido al baron, mil
perdones, padre reverendísimo, de haberle pasado el cuerpo de una
estocada.
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-- N′en parlons plus, dit le baron ; je fus un
peu trop vif, je l′avoue ; mais, puisque vous voulez savoir par quel
hasard vous m′avez vu aux galères, je vous dirai qu′après avoir été guéri
de ma blessure par le frère apothicaire du collège, je fus attaqué et
enlevé par un parti espagnol ; on me mit en prison à Buenos-Ayres dans le
temps que ma soeur venait d′en partir. Je demandai à retourner à Rome
auprès du père général. Je fus nommé pour aller servir d′aumônier à
Constantinople auprès de M. l′ambassadeur de France. Il n′y avait pas huit
jours que j′étais entré en fonctions, quand je trouvai sur le soir un
jeune icoglan très bien fait. Il faisait fort chaud : le jeune homme
voulut se baigner ; je pris cette occasion de me baigner aussi. Je ne
savais pas que ce fût un crime capital pour un chrétien d′être trouvé tout
nu avec un jeune musulman. Un cadi me fit donner cent coups de bâton sous
la plante des pieds et me condamna aux galères. Je ne crois pas qu′on ait
fait une plus horrible injustice. Mais je voudrais bien savoir pourquoi ma
soeur est dans la cuisine d′un souverain de Transylvanie réfugié chez les
Turcs.
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No tratemos mas de eso, dixo el baron, yo confieso que
me excedí un poco. Pero una vez que desea vm. saber como me he visto en
galeras, le contaré que despues que me hubo sanado de mi herida el hermano
boticario del colegio, me acometió y me hizo prisionero una partida
española, y me pusiéron en la cárcel de Buenos-Ayres, quando acababa mi
hermana de embarcarse para Europa. Pedí que me enviaran á Roma al padre
general, y me nombráron para ir á Constantinopla de capellan de la
embaxada de Francia. Habia apénas ocho dias que estaba desempeñando las
obligaciones de mi empleo, quando encontré una noche á un icoglan muy
muchacho y muy lindo; y como hacia mucho calor, quiso el mozo bañarse, y
yo tambien me metí con el en el baño, no sabiendo que era delito capital
en un cristiano que le hallaran desnudo con un mancebo musulman. Un cadí
me mando dar cien palos en la planta de los piés, y me condenó á galeras;
y pienso que jamas se ha cometido injusticia mas horrorosa. Ahora querria
saber porque se halla mi hermana de fregona de un príncipe de Transilvania
refugiado en Turquía.
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-- Mais vous, mon cher Pangloss, dit Candide,
comment se peut-il que je vous revoie ?
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¿Y vm., mi amado Panglós, cómo es posible que le esté
viendo?
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-- Il est vrai, dit Pangloss, que vous m′avez vu
pendre ; je devais naturellement être brûlé ; mais vous vous souvenez
qu′il plut à verse lorsqu′on allait me cuire : l′orage fut si violent
qu′on désespéra d′allumer le feu ; je fus pendu, parce qu′on ne put mieux
faire : un chirurgien acheta mon corps, m′emporta chez lui, et me
disséqua. Il me fit d′abord une incision cruciale depuis le nombril
jusqu′à la clavicule. On ne pouvait pas avoir été plus mal pendu que je
l′avais été. L′exécuteur des hautes oeuvres de la sainte Inquisition,
lequel était sous-diacre, brûlait à la vérité les gens à merveille, mais
il n′était pas accoutumé à pendre : la corde était mouillée et glissa mal,
elle fut nouée ; enfin je respirais encore : l′incision cruciale me fit
jeter un si grand cri que mon chirurgien tomba à la renverse, et, croyant
qu′il disséquait le diable, il s′enfuit en mourant de peur, et tomba
encore sur l′escalier en fuyant. Sa femme accourut au bruit, d′un cabinet
voisin ; elle me vit sur la table étendu avec mon incision cruciale : elle
eut encore plus de peur que son mari, s′enfuit et tomba sur lui. Quand ils
furent un peu revenus à eux, j′entendis la chirurgienne qui disait au
chirurgien :
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Verdad es, dixo Panglós, que me viste ahorcar; iban á
quemarme, pero ya te acuerdas que llovia á chaparrones quando me habian de
echar á la hoguera, y que no fué posible encender el fuego; así que me
ahorcáron, sin exemplar, no pudiendo mas: y un cirujano que compró mi
cuerpo, me llevó á su casa, y me disecó. Primero me hizo una incision
crucial desde el ombligo hasta la clavícula. Yo estaba tan mal ahorcado,
que no podia ser mas: el executor de las sentencias de la santa
inquisicion, que era subdiácono, es verdad que quemaba las personas con la
mayor habilidad, pero no entendia cosa en materia de ahorcar: la soga que
estaba mojada apretó poco, en fin todavía estaba vivo. La incision crucial
me hizo dar un grito tan desaforado, que atemorizado el cirujano se cayó
de espaldas; y creyendo que estaba disecando á Lucifer se escapó muerto de
miedo, y se volvió á caer de la escalera abaxo. Al estrépito acudió su
muger de un quarto inmediato; y viéndome tendido en la mesa con la
incision crucial, se asustó mas que su marido, se escapó, y se cayó encima
de él. Quando volviéron algo en sí, oí que decia la cirujana al cirujano:
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« Mon bon, de quoi vous avisez-vous aussi de
disséquer un hérétique ? Ne savez-vous pas que le diable est toujours dans
le corps de ces gens-là ? Je vais vite chercher un prêtre pour
l′exorciser. »
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¿Quién te metió en disecar á un herege? ¿acaso no sabes
que todos ellos tienen metido el diablo en el cuerpo? me voy corriendo á
llamar á un clérigo que le exôrcize.
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Je frémis à ce propos, et je ramassai le peu de
forces qui me restaient, pour crier : " Ayez pitié de moi ! " Enfin le
barbier portugais s′enhardit ; il recousit ma peau ; sa femme même eut
soin de moi ; je fus sur pied au bout de quinze jours. Le barbier me
trouva une condition, et me fit laquais d′un chevalier de Malte qui allait
à Venise ; mais mon maître n′ayant pas de quoi me payer, je me mis au
service d′un marchand vénitien, et je le suivis à Constantinople.
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Asustado con estas palabras recogí las pocas fuerzas que
me quedaban, y me puse á gritar: Tengan lástima de mí. Al fin cobró ánimo
el barbero portugués, me dió unos quantos puntos en la incision, su muger
me cuidó, y á cabo de quince dias estaba ya bueno. El barbero me acomodó
de lacayo de un caballero de Malta que iba á Venecia; pero no teniendo mi
amo con que mantenerme, me puse á servir á un mercader veneciano, y le
acompañé á Constantinopla.
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« Un jour il me prit fantaisie d′entrer dans une
mosquée ; il n′y avait qu′un vieil iman et une jeune dévote très jolie qui
disait ses patenôtres ; sa gorge était toute découverte : elle avait entre
ses deux tétons un beau bouquet de tulipes, de roses, d′anémones, de
renoncules, d′hyacinthes et d′oreilles-d′ours ; elle laissa tomber son
bouquet ; je le ramassai, et je le lui remis avec un empressement très
respectueux. Je fus si longtemps à le lui remettre que l′iman se mit en
colère, et voyant que j′étais chrétien, il cria à l′aide. On me mena chez
le cadi, qui me fit donner cent coups de lattes sur la plante des pieds et
m′envoya aux galères. Je fus enchaîné précisément dans la même galère et
au même banc que monsieur le baron. Il y avait dans cette galère quatre
jeunes gens de Marseille, cinq prêtres napolitains, et deux moines de
Corfou, qui nous dirent que de pareilles aventures arrivaient tous les
jours. Monsieur le baron prétendait qu′il avait essuyé une plus grande
injustice que moi ; je prétendais, moi, qu′il était beaucoup plus permis
de remettre un bouquet sur la gorge d′une femme que d′être tout nu avec un
icoglan. Nous disputions sans cesse, et nous recevions vingt coups de nerf
de boeuf par jour, lorsque l′enchaînement des événements de cet univers
vous a conduit dans notre galère, et que vous nous avez rachetés.
|
Ocurrióme un dia la idea de entrar en una mezquita,
donde no habia mas que un iman viejo y una santurrona moza muy bonita, que
rezaba sus padre-nuestros: tenia descubiertos los pechos, y entre las dos
tetas un ramillete muy hermoso de tulipas, rosas, anémonas, ranúnculos,
jacintos y aurículas. Cayósele el ramillete, y yo le cogí, y se le puse
con tanta cortesía como respeto. Tanto tardaba en ponérsele, que se enfadó
el iman; y advirtiendo que era cristiano, llamó gente. Lleváronme á casa
del cadí, que me mandó dar cien varazos en los piés y me envió á galeras,
amarrándome justamente á la misma galera y al mismo banco que el señor
baron. En ella habia quatro mozos de Marsella, cinco clérigos napolitanos,
y dos frayles de Corfú, que nos aseguráron que casi todos los dias
sucedian aventuras como las nuestras. Sustentaba el señor baron que le
habian hecho mas injusticia que á mí; y yo defendia que mucho mas
permitido era volver á poner un ramillete al pecho de una moza, que
hallarse en cueros con un icoglan: disputábamos continuamente, y nos
sacudian cien latigazos al dia con la penca, quando te conduxo á nuestra
galera la cadena de los sucesos de este universo, y nos rescataste.
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-- Eh bien ! mon cher Pangloss, lui dit Candide,
quand vous avez été pendu, disséqué, roué de coups, et que vous avez ramé
aux galères, avez-vous toujours pensé que tout allait le mieux du monde ?
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¿Y pues, amado Panglós, le dixo Candido, quando se vió
vm. ahorcado, disecado, molido á palos, y remando en galeras, pensaba que
todo iba perfectamente?
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-- Je suis toujours de mon premier sentiment,
répondit Pangloss, car enfin je suis philosophe : il ne me convient pas de
me dédire, Leibnitz ne pouvant pas avoir tort, et l′harmonie préétablie
étant d′ailleurs la plus belle chose du monde, aussi bien que le plein et
la matière subtile. »
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Siempre me estoy en mis trece, respondió Panglós; que al
fin soy filósofo, y un filósofo no se ha de desdecir, porque no se puede
engañar Leibnitz, aparte que la harmonía preestablecida, es la cosa mas
linda del mundo, no ménos que el lleno y la materia sutil.
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CHAPITRE VINGT - NEUVIÈME
|
CAPITULO XXIX.
|
COMMENT CANDIDE RETROUVA CUNÉGONDE ET LA VIEILLE
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_De como topó Candido con Cunegunda y con la vieja._
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Pendant que Candide, le baron, Pangloss, Martin
et Cacambo contaient leurs aventures, qu′ils raisonnaient sur les
événements contingents ou non contingents de cet univers, qu′ils
disputaient sur les effets et les causes, sur le mal moral et sur le mal
physique, sur la liberté et la nécessité, sur les consolations que l′on
peut éprouver lorsqu′on est aux galères en Turquie, ils abordèrent sur le
rivage de la Propontide à la maison du prince de Transylvanie. Les
premiers objets qui se présentèrent furent Cunégonde et la vieille, qui
étendaient des serviettes sur des ficelles pour les faire sécher.
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Miéntras se daban cuenta de sus aventuras Candido, el
baron, Panglós, Martin y Cacambo; miéntras que discurrian acerca de los
sucesos contingentes ó no contingentes de este mundo, que disputaban sobre
los efectos y las causas, sobre el mal moral y el mal físico, sobre la
libertad y la necesidad, sobre los consuelos que puede recibir quien está
en galeras en Turquía, aportáron á las playas de la Propontis, junto á la
morada del principe de Transilvania. Lo primero que se les presentó fué
Cunegunda y la vieja que estaban tendiendo unas servilletas para que se
enxugasen en unas tomizas.
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Le baron pâlit à cette vue. Le tendre amant
Candide, en voyant sa belle Cunégonde rembrunie, les yeux éraillés, la
gorge sèche, les joues ridées, les bras rouges et écaillés, recula trois
pas saisi d′horreur, et avança ensuite par bon procédé. Elle embrassa
Candide et son frère ; on embrassa la vieille : Candide les racheta toutes
deux.
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Al ver esta escena, se puso amarillo el baron; y el
tierno y enamorado Candido contemplando á Cunegunda toda prieta, los ojos
lagañosos, enxutos los pechos, la cara arrugada, y los bazos amoratados,
se hizo tres pasos atras, y se adelantó luego por buena crianza. Abrazó
Cunegunda á Candido y á su hermano, todos abrazáron á la vieja, y Candido
las rescató á entrámbas.
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Il y avait une petite métairie dans le voisinage
: la vieille proposa à Candide de s′en accommoder, en attendant que toute
la troupe eût une meilleure destinée. Cunégonde ne savait pas qu′elle
était enlaidie, personne ne l′en avait avertie : elle fit souvenir Candide
de ses promesses avec un ton si absolu que le bon Candide n′osa pas la
refuser. Il signifia donc au baron qu′il allait se marier avec sa soeur.
|
Habia un cortijillo en las inmediaciones, y propuso la
vieja á Candido que le comprase, ínterin hallaba toda la compañía mejor
acómodo. Cunegunda que no sabia que estaba fea, no habiéndoselo dicho
nadie, acordó sus promesas á Candido en tono tan resuelto, que no se
atrevió el pobre á replicar. Declaró pues al baron que se iba á casar con
su hermana;
|
« Je ne souffrirai jamais, dit le baron, une
telle bassesse de sa part et une telle insolence de la vôtre, cette
infamie ne me sera jamais reprochée : les enfants de ma soeur ne
pourraient entrer dans les chapitres d′Allemagne. Non, jamais ma soeur
n′épousera qu′un baron de l′Empire. »
|
pero este dixo: Nunca consentiré yo en semejante vileza
de su parte, y tamaña osadía de la tuya, ni nunca no podrán echar en cara
tal ignominia. ¿Con que los hijos de mi hermana no podrán entrar en los
cabildos de Alemania? No, mi hermana no se ha de casar, como no sea con un
baron del imperio.
|
Cunégonde se jeta à ses pieds et les baigna de
larmes ; il fut inflexible.
|
Cunegunda se postró á sus plantas, y las bañó en llanto,
pero fué en balde.
|
« Maître fou, lui dit Candide, je t′ai réchappé
des galères, j′ai payé ta rançon, j′ai payé celle de ta soeur ; elle
lavait ici des écuelles, elle est laide, j′ai la bonté d′en faire ma
femme, et tu prétends encore t′y opposer ! Je te retuerais si j′en croyais
ma colère.
|
¡Fatuo, sin seso, le dixo Candido, te he librado de
galeras, he pagado tu rescate, y el de tu hermana que estaba fregando
platos, y que es fea; soy tan bueno que quiero que sea mi muger, y todavía
quieres tu estorbármelo!
|
-- Tu peux me tuer encore, dit le baron, mais tu
n′épouseras pas ma soeur de mon vivant. »
|
Si me dexara llevar de la ira, te matara segunda vez.
Otras ciento me puedes matar, respondió el baron, pero no te has de casar
con mi hermana miéntras yo viva.
|
CHAPITRE TRENTIÈME
|
CAPITULO XXX.
|
CONCLUSION
|
_Donde se da fin á la historia._
|
Candide, dans le fond de son coeur, n′avait
aucune envie d′épouser Cunégonde. Mais l′impertinence extrême du baron le
déterminait à conclure le mariage, et Cunégonde le pressait si vivement
qu′il ne pouvait s′en dédire. Il consulta Pangloss, Martin et le fidèle
Cacambo. Pangloss fit un beau mémoire par lequel il prouvait que le baron
n′avait nul droit sur sa soeur, et qu′elle pouvait, selon toutes les lois
de l′Empire, épouser Candide de la main gauche. Martin conclut à jeter le
baron dans la mer. Cacambo décida qu′il fallait le rendre au levanti
patron et le remettre aux galères ; après quoi on l′enverrait à Rome au
père général par le premier vaisseau. L′avis fut trouvé fort bon ; la
vieille l′approuva ; on n′en dit rien à sa soeur ; la chose fut exécutée
pour quelque argent, et on eut le plaisir d′attraper un jésuite et de
punir l′orgueil d′un baron allemand.
|
En lo interior de su corazon no tenia Candido ganas
ningunas de casarse con Cunegunda; pero la mucha insolencia del baron le
determinó á acelerar las bodas, sin contar que la baronesita le apretaba
tanto, que no las podía dilatar mas. Consultó pues á Panglós, á Martin y
al fiel Cacambo. Panglós compuso una erudita memoria, probando que no
tenia el baron derecho ninguno en su hermana, y que segun todas las leyes
del imperio podia Cunegunda casarse con Candido, dándole la mano
izquierda; Martin fué de parecer de que tiraran con el baron al mar; y
Cacambo de que se le entregaran al arraez levantisco, el qual le volveria
á poner á remar á la galera, ínterin le enviaban al padre general por la
primera embarcacion que diese á la vela para Roma. Pareció bien esta idea:
aprobóla la vieja; y sin decir palabra á Cunegunda, se puso en execucion
mediante algun dinero: teniendo así la satisfaccion de jugar pieza á un
jesuita, y escarmentar la vanidad de un baron aleman.
|
Il était tout naturel d′imaginer qu′après tant de
désastres, Candide, marié avec sa maîtresse et vivant avec le philosophe
Pangloss, le philosophe Martin, le prudent Cacambo et la vieille, ayant
d′ailleurs rapporté tant de diamants de la patrie des anciens Incas,
mènerait la vie du monde la plus agréable ; mais il fut tant friponné par
les Juifs qu′il ne lui resta plus rien que sa petite métairie ; sa femme,
devenant tous les jours plus laide, devint acariâtre et insupportable ; la
vieille était infirme et fut encore de plus mauvaise humeur que Cunégonde.
Cacambo, qui travaillait au jardin, et qui allait vendre des légumes à
Constantinople, était excédé de travail et maudissait sa destinée.
Pangloss était au désespoir de ne pas briller dans quelque université
d′Allemagne. Pour Martin, il était fermement persuadé qu′on est également
mal partout ; il prenait les choses en patience. Candide, Martin et
Pangloss disputaient quelquefois de métaphysique et de morale. On voyait
souvent passer sous les fenêtres de la métairie des bateaux chargés
d′effendis, de bachas, de cadis, qu′on envoyait en exil à Lemnos, à
Mitylène, à Erzeroum. On voyait venir d′autres cadis, d′autres bachas,
d′autres effendis, qui prenaient la place des expulsés et qui étaient
expulsés à leur tour. On voyait des têtes proprement empaillées qu′on
allait présenter à la Sublime Porte. Ces spectacles faisaient redoubler
les dissertations ; et quand on ne disputait pas, l′ennui était si
excessif que la vieille osa un jour leur dire :
|
Cosa natural era pensar que despues de tantas desgracias
Candido casado con su amada, viviendo en compañía del filósofo Panglós,
del filósofo Martin, del prudente Cacambo y de la vieja, y habiendo traído
tantos diamantes de la patria de los antiguos Incas, disfrutaria la vida
mas feliz; pero tanto le estafáron los Judíos, que no le quedáron mas
bienes que su pobre cortijo. Su muger, que cada dia era mas fea, se hizo
de una condicion de vinagre inaguantable; y la vieja cayó enferma, y era
mas regañona, todavía que Cunegunda. Cacambo que cavaba el huerto y
llevaba á vender la hortaliza á Constantinopla, estaba rendido de faena, y
maldecia su suerte. Panglós se desesperaba, porque no lucia su saber en
alguna universidad de Alemania: solo Martin, firmemente convencido de que
en todas partes el hombre se encuentra mal, llevaba las cosas en
paciencia. Algunas veces disputaban Candido, Martin y Panglós sobre
metafísica y moral. Por las ventanas del coitijo sovían pasar con mucha
freqüencia barcos cargados de efendis, baxáes y cadíes, que iban
desterrados á Lemnos, Mitylene y Erzerum; y llegar otros cadíes, otros
baxáes y otros efendis, que ocupaban el lugar de los depuestos, y que lo
eran ellos luego; y se vían cabezas rellenas con mucho aseo de paja, que
se llevaban de regalo á la Sublime Puerta. Estas escenas daban materia á
nuevas disertaciones; y quando no disputaban se aburrian tanto, que la
vieja se aventuró á decirles un dia:
|
« Je voudrais savoir lequel est le pire, ou
d′être violée cent fois par des pirates nègres, d′avoir une fesse coupée,
de passer par les baguettes chez les Bulgares, d′être fouetté et pendu
dans un auto-da-fé, d′être disséqué, de ramer en galère, d′éprouver enfin
toutes les misères par lesquelles nous avons tous passé, ou bien de rester
ici à ne rien faire ?
|
Quisiera yo saber qué es peor, ¿ser violada cien veces
al dia por piratas negros, verse cortar una nalga, pasar baquetas entre
los Bulgaros, ser azotado y ahorcado en un auto de fe, ser disecado, remar
en galeras, finalmente padecer todas quantas desventuras hemos pasado, ó
estar aquí sin hacer nada?
|
-- C′est une grande question », dit Candide.
|
Ardua es la qüestion, dixo Candido.
|
Ce discours fit naître de nouvelles réflexions,
et Martin surtout conclut que l′homme était né pour vivre dans les
convulsions de l′inquiétude, ou dans la léthargie de l′ennui. Candide n′en
convenait pas, mais il n′assurait rien. Pangloss avouait qu′il avait
toujours horriblement souffert ; mais ayant soutenu une fois que tout
allait à merveille, il le soutenait toujours, et n′en croyait rien.
|
Suscitó este razonamiento nuevas reflexîones; y coligió
Martin que el destino del hombre era vivir en las convulsiones de las
angustias, ó en el parasismo del fastidio. Candido no se lo concedia, pero
no afirmaba nada: Panglós confesaba que toda su vida habia sido una serie
de horrorosos infortunios; pero como una vez habia sustentado que todo
estaba perfecto, seguía sustentándolo sin creerlo.
|
Une chose acheva de confirmer Martin dans ses
détestables principes, de faire hésiter plus que jamais Candide, et
d′embarrasser Pangloss. C′est qu′ils virent un jour aborder dans leur
métairie Paquette et le frère Giroflée, qui étaient dans la plus extrême
misère ; ils avaient bien vite mangé leurs trois mille piastres, s′étaient
quittés, s′étaient raccommodés, s′étaient brouillés, avaient été mis en
prison, s′étaient enfuis, et enfin frère Giroflée s′était fait turc.
Paquette continuait son métier partout, et n′y gagnait plus rien.
|
Lo que acabó de cimentar los detestables principios de
Martin, de hacer titubear mas que nunca á Candido, y de poner en confusion
á Panglós, fué que un dia viéron llegar á su cortijo á Paquita y fray
Hilarion en la mas horrenda miseria. En breve tiempo se habian comido los
tres mil duros, se habian dexado y vuéltose á juntar, y vuelto á reñir,
habian sido puestos en la cárcel, se habian escapado, y finalmente fray
Hilarion se habia hecho Turco. Paquita seguía exercitando su oficio, pero
ya no ganaba con el para comer.
|
« Je l′avais bien prévu, dit Martin à Candide,
que vos présents seraient bientôt dissipés et ne les rendraient que plus
misérables. Vous avez regorgé de millions de piastres, vous et Cacambo, et
vous n′êtes pas plus heureux que frère Giroflée et Paquette.
|
Bien habia yo pronosticado, dixo Martín á Candido, que
en breve disiparian las dádivas de vm., y serian mas miserables: vm. y
Cacambo han rebosado en millones de pesos, y no son mas afortunados que
fray Hilarion y Paquita.
|
-- Ah, ah ! dit Pangloss à Paquette, le ciel vous
ramène donc ici parmi nous, ma pauvre enfant ! Savez-vous bien que vous
m′avez coûté le bout du nez, un oeil et une oreille ? Comme vous voilà
faite ! Et qu′est-ce que ce monde ! »
|
¡Ha, dixo Panglós á Paquita, con que te ha traído el
cielo con nosotros! ¿Sabes, pobre muchacha, que me tienes de costa la
punta de la nariz, un ojo y una oreja? ¡Qué mudada que estás! ¡válgame
Dios, lo que es este mundo!
|
Cette nouvelle aventure les engagea à philosopher
plus que jamais.
|
Esta nueva aventura les dió márgen á que filosofaran mas
que nunca.
|
Il y avait dans le voisinage un derviche très
fameux, qui passait pour le meilleur philosophe de la Turquie ; ils
allèrent le consulter ; Pangloss porta la parole, et lui dit :
|
En la vecindad vivia un derviche que gozaba la
reputacion del mejor filósofo de Turquía. Fuéren á consultarle; habló
Panglós por los demás, y le dixo:
|
« Maître, nous venons vous prier de nous dire
pourquoi un aussi étrange animal que l′homme a été formé.
|
Maestro, venimos á rogarte que nos digas para que fué
formado un animal tan extraño como el hombre?
|
-- De quoi te mêles-tu ? dit le derviche, est-ce
là ton affaire ?
|
¿Quién te mete en eso? le dixo el derviche: ¿te importa
para algo?
|
-- Mais, mon Révérend Père, dit Candide, il y a
horriblement de mal sur la terre.
|
Pero, reverendo padre, horribles males hay en la tierra.
|
-- Qu′importe, dit le derviche, qu′il y ait du
mal ou du bien ? Quand Sa Hautesse envoie un vaisseau en Égypte,
s′embarrasse-t-elle si les souris qui sont dans le vaisseau sont à leur
aise ou non ?
|
¿Qué hace al caso que haya bienes ó que haya males?
Quando envía Su Alteza un navio á Egipto, se informa de si se hallan bien
ó mal los ratones que van en él?
|
-- Que faut-il donc faire ? dit Pangloss.
|
Pues qué se ha de hacer? dixo Panglós.
|
-- Te taire, dit le derviche.
|
Que te calles, respondió el derviche.
|
-- Je me flattais, dit Pangloss, de raisonner un
peu avec vous des effets et des causes, du meilleur des mondes possibles,
de l′origine du mal, de la nature de l′âme et de l′harmonie préétablie. »
|
Yo esperaba, dixo Panglós, discurrir con vos acerca de
las causas y los efectos, del mejor de los mundos posibles, del origen del
mal, de la naturaleza del alma, y de la harmonía preestablecida.
|
Le derviche, à ces mots, leur ferma la porte au
nez.
|
En respuesta les dió el derviche con la puerta en los
hocicos.
|
Pendant cette conversation, la nouvelle s′était
répandue qu′on venait d′étrangler à Constantinople deux vizirs du banc et
le muphti, et qu′on avait empalé plusieurs de leurs amis. Cette
catastrophe faisait partout un grand bruit pendant quelques heures.
Pangloss, Candide et Martin, en retournant à la petite métairie,
rencontrèrent un bon vieillard qui prenait le frais à sa porte sous un
berceau d′orangers. Pangloss, qui était aussi curieux que raisonneur, lui
demanda comment se nommait le muphti qu′on venait d′étrangler.
|
Miéntras que estaban en esta conversacion, se esparció
la voz de que acababan de ahorcar en Constantinopla á dos visires del
banco y al muftí, y de empalar á varios de sus amigos; catástrofe que
metió mucha bulla por espacia de algunas horas. Al volverse Panglós,
Candido y Martin á su cortijo ,`encontráron á un buen anciano que estaba
tomando el fresco á la puerta de su casa, baxo un emparrado de naranjos.
Panglós, que no era ménos curioso que argu-mentista, le preguntó como se
llamaba el muftí que acababan de ahorcar. No lo sé, respondió el buen
hombre, ni nunca he sabido el nombre de muftí ni de visir ninguno.
|
« Je n′en sais rien, répondit le bonhomme, et je
n′ai jamais su le nom d′aucun muphti ni d′aucun vizir. J′ignore absolument
l′aventure dont vous me parlez ; je présume qu′en général ceux qui se
mêlent des affaires publiques périssent quelquefois misérablement, et
qu′ils le méritent ; mais je ne m′informe jamais de ce qu′on fait à
Constantinople ; je me contente d′y envoyer vendre les fruits du jardin
que je cultive. »
|
Ignoro absolutamente la aventura de que me hablais;
presumo, sí, que generalmente los que manejan los negocios públicos
perecen á veces miserablemente, y que bien se lo merecen; pero jamas me
informo de los sucesos de Constantinopla, contentandome con enviará vender
allá las frutas del huerto que labro.
|
Ayant dit ces mots, il fit entrer les étrangers
dans sa maison : ses deux filles et ses deux fils leur présentèrent
plusieurs sortes de sorbets qu′ils faisaient eux-mêmes, du kaïmac piqué
d′écorces de cédrat confit, des oranges, des citrons, des limons, des
ananas, des pistaches, du café de Moka qui n′était point mêlé avec le
mauvais café de Batavia et des îles. Après quoi les deux filles de ce bon
musulman parfumèrent les barbes de Candide, de Pangloss et de Martin.
|
Dicho esto, convidó á los extrangeros á entrar en su
casa; y sus dos hijas y dos hijos les presentáron muchas especies de
sorbetes que ellos propios fabricaban, kaimak guarnecido de cáscaras de
azamboa confitadas, naranjas, limones, limas, pinas, alfónsigos, y café de
Moka, que no estaba mezclado con los malos cafées de Batavia y las islas
de América; y luego las dos hijas del buen musulman sahumáron las barbas
de Candido, Panglós y Martin.
|
« Vous devez avoir, dit Candide au Turc, une
vaste et magnifique terre ?
|
Sin duda que teneis, dixo Candido al Turco, una vasta y
magnífica posesión.
|
-- Je n′ai que vingt arpents, répondit le Turc ;
je les cultive avec mes enfants ; le travail éloigne de nous trois grands
maux : l′ennui, le vice, et le besoin. »
|
Nada mas que veinte fanegadas de tierra, respondió el
Turco, que labro con mis hijos: y el trabajo nos libra de tres insufribles
calamidades, el aburrimiento, el vicio, y la necesidad.
|
Candide, en retournant dans sa métairie, fit de
profondes réflexions sur le discours du Turc. Il dit à Pangloss et à
Martin :
|
Miéntras se volvia Candido á su cortijo, iba haciendo
profundas reflexiones en las razones del Turco, y le dixo á Panglós y á
Martin:
|
« Ce bon vieillard me paraît s′être fait un sort
bien préférable à celui des six rois avec qui nous avons eu l′honneur de
souper.
|
Se me figura que se ha sabido este buen viejo labrar una
suerte muy mas feliz que la de los seis monarcas con quien tuvimos la
honra de cenar en Venecia.
|
-- Les grandeurs, dit Pangloss, sont fort
dangereuses, selon le rapport de tous les philosophes : car enfin Églon,
roi des Moabites, fut assassiné par Aod ; Absalon fut pendu par les
cheveux et percé de trois dards ; le roi Nadab, fils de Jéroboam, fut tué
par Baaza ; le roi Éla, par Zambri ; Ochosias, par Jéhu ; Athalia, par
Joïada ; les rois Joachim, Jéchonias, Sédécias, furent esclaves. Vous
savez comment périrent Crésus, Astyage, Darius, Denys de Syracuse,
Pyrrhus, Persée, Annibal, Jugurtha, Arioviste, César, Pompée, Néron,
Othon, Vitellius, Domitien, Richard II d′Angleterre, Édouard II, Henri VI,
Richard III, Marie Stuart, Charles Ier, les trois Henri de France,
l′empereur Henri IV ? Vous savez...
|
Las grandezas, dixo Panglós, son muy peligrosas, segun
opinan todos los filósofos. Eglon, rey de los Moabita, fué asesinado por
Aod; Absalon colgado de los cabellos y atravesado con tres saetas; el rey
Nadab, hijo de Jeroboan, muerto por Baza; el rey Ela por Zambri; Ocosías
por Jehú; Atalia por Joyada; y los reyes Joaquín, Jeconías y Sedecías
fuéron esclavos. Sabido es de qué modo muriéron Creso, Astyages, Dario,
Dionisio de Syracusa, Pyrro, Perseo, Hanibal, Jugurta, Ariovisto, César,
Pompeyo, Neron, Oton, Vitelio, Domiciano, Ricardo II de Inglaterra,
Eduardo II, Henrique VI, Ricardo III, María Estuardo, Carlos I, los tres
Henriques de Francia, el emperador Heririque IV, el rey godo Don Rodrigo,
Don Alvaro de Luna; y nadie ignora...
|
-- Je sais aussi, dit Candide, qu′il faut
cultiver notre jardin.
|
Tampoco ignoro yo, dixo Cundido, que es menester
cultivar nuestra huerta.
|
-- Vous avez raison, dit Pangloss : car, quand
l′homme fut mis dans le jardin d′Éden, il y fut mis ut operaretur eum,
pour qu′il travaillât, ce qui prouve que l′homme n′est pas né pour le
repos.
|
Razon tienes, dixo Panglós; porque quando fue colocado
el hombre en el paraiso de Eden, fué para labrarle, _ut operaretur eum_,
lo qual prueba que no nació para el sosiego.
|
-- Travaillons sans raisonner, dit Martin ; c′est
le seul moyen de rendre la vie supportable. »
|
Trabajemos pues sin argumentar, dixo Martin, que es el
medio único de que sea la ida tolerable.
|
Toute la petite société entra dans ce louable
dessein ; chacun se mit à exercer ses talents. La petite terre rapporta
beaucoup. Cunégonde était à la vérité bien laide ; mais elle devint une
excellente pâtissière ; Paquette broda ; la vieille eut soin du linge. Il
n′y eut pas jusqu′à frère Giroflée qui ne rendît service ; il fut un très
bon menuisier, et même devint honnête homme ; et Pangloss disait
quelquefois à Candide :
|
Toda la compañía aprobó tan loable determinacion; empezó
cada uno á exercitar su habilidad, y el cortijillo rindió mucho. Verdad es
que Cunegunda era muy fea, pero hacia excelentes pasteles; Paquita
bordaba, y la vieja cuidaba de la ropa blanca. Hasta fray Hilarion sirvió,
que aprendió con perfeccion el oficio de carpintero, y paró en ser muy
hombre de bien. Panglós decia algunas veces á Candido.
|
« Tous les événements sont enchaînés dans le
meilleur des mondes possibles ; car enfin, si vous n′aviez pas été chassé
d′un beau château à grands coups de pied dans le derrière pour l′amour de
Mlle Cunégonde, si vous n′aviez pas été mis à l′Inquisition, si vous
n′aviez pas couru l′Amérique à pied, si vous n′aviez pas donné un bon coup
d′épée au baron, si vous n′aviez pas perdu tous vos moutons du bon pays
d′Eldorado, vous ne mangeriez pas ici des cédrats confits et des
pistaches.
|
Todos los sucesos están encadenados en el mejor de los
mundos posibles; porque si no te hubieran echado á patadas en el trasero
de una magnífica quinta por amor de Cunegunda, si no te hubieran metido en
la inquisicion, si no hubieras andado á pié por las soledades de la
América, si no hubieras pegado una birena estocada al baron, y si no
hubieras perdido todos tus carneros del buen pais del Dorado, no estarias
aqui ahora comiendo azamboas en dulce, y alfónsigos.
|
-- Cela est bien dit, répondit Candide, mais il
faut cultiver notre jardin. »
|
Bien dice vm., respondió Candido; pero es menester labrar
nuestra huerta.
|
FIN
|
Fin de Candido, |