Jean-Jacques Rousseau

Émile: ou, De l′education -- Emilio o De la educación


Livre Troisieme.

LIBRO III

Quoique jusqu′à l′adolescence tout le cours de la vie soit un temps de faiblesse, il est un point, dans la durée de ce premier âge, où, le progrès des forces ayant passé celui des besoins, l′animal croissant, encore absolument faible, devient fort par relation. Ses besoins n′étant pas tous développés, ses forces actuelles sont plus que suffisantes pour pourvoir à ceux qu′il a. Comme homme il serait très faible, comme enfant il est très fort. Aunque hasta llegar a la adolescencia el curso de la vida es época de debilidad, durante esta primera edad hay un punto en que el progreso de las fuerzas ha dejado paso al de las necesidades; aunque el animal que crece es débil aún en un sentido absoluto, en el relativo es fuerte. Como sus necesidades todavía no están desenvueltas, sus fuerzas actuales son más que suficientes para satisfacer las que tiene. Como hombre, sería muy débil, pero como niño es muy fuerte.
D′où vient la faiblesse de l′homme ? De l′inégalité qui se trouve entre sa force et ses désirs. Ce sont nos passions qui nous rendent faibles, parce qu′il faudrait pour les contenter plus de forces que ne nous en donna la nature. Diminuez donc les désirs, c′est comme si vous augmentiez les forces : celui qui peut plus qu′il ne désire en a de reste ; il est certainement un être très fort. Voilà le troisième état de l′enfance, et celui dont j′ai maintenant à parler. Je continue à l′appeler enfance, faute de terme propre à l′exprimer ; car cet âge approche de l′adolescence, sans être encore celui de la puberté. La flaqueza del hombre, ¿de dónde proviene? De la diferencia entre su fuerza y sus deseos. Son nuestras pasiones las que nos hacen débiles, porque para contenerlas serían precisas más fuerzas-que las que nos otorgó la naturaleza. Disminuir, pues, los deseos, equivale a aumentar las fuerzas; al que puede más de lo que desea, le sobran, porque ciertamente es un ser muy fuerte. Este es el tercer estado de la niñez, y de él voy a tratar. Continúo denominándola niñez porque me falta un término propio para expresarla, aproximándose esta edad a la adolescencia, sin ser todavía la de la pubertad.
À douze ou treize ans les forces de l′enfant se développent bien plus rapidement que ses besoins. Le plus violent, le plus terrible, ne s′est pas encore fait sentir à lui ; l′organe même en reste dans l′imperfection, et semble, pour en sortir, attendre que sa volonté l′y force. Peu sensible aux injures de l′air et des saisons, il les brave sans peine, sa chaleur naissante lui tient lieu d′habit ; son appétit lui tient lieu d′assaisonnement ; tout ce qui peut nourrir est bon à son âge ; s′il a sommeil, il s′étend sur la terre et dort : il se voit partout entouré de tout ce qui lui est nécessaire ; aucun besoin imaginaire ne le tourmente ; l′opinion ne peut rien sur lui ; ses désirs ne vont pas plus loin que ses bras : non seulement il peut se suffire à lui-même, il a de la force au delà de ce qu′il lui en faut ; c′est le seul temps de sa vie où il sera dans ce cas. A los doce o trece años las fuerzas del niño se desarrollan más rápidamente que sus necesidades. La más violenta, la más sensible, todavía no se ha hecho sentir en él; hasta el mismo órgano permanece imperfecto, y para salir de su imperfección, parece esperar que le apremie la voluntad. Poco sensible a las inclemencias del aire y de las estaciones, las desafía sin temor, pues su calor naciente le sirve de abrigo, su apetito de condimento, y todo alimento es bueno para su edad; si tiene sueño, se tiende en el suelo y duerme, y encuentra en cualquier sitio lo que precisa; no le atormenta ninguna necesidad imaginaria, la opinión no puede nada con él, sus deseos no llegan más allá de sus brazos y no sólo se puede bastar a sí propio, sino que tiene más fuerza que la necesaria. Esta es la única época de la vida que se hallará en este caso.
Je pressens l′objection. L′on ne dira pas que l′enfant a plus de besoins que je ne lui en donne, mais on niera qu′il ait la force que je lui attribue : on ne songera pas que je parle de mon élève, non de ces poupées ambulantes qui voyagent d′une chambre à l′autre, qui labourent dans une caisse et portent des fardeaux de carton. L′on me dira que la force virile ne se manifeste qu′avec la virilité ; que les esprits vitaux, élaborés dans les vaisseaux convenables, et répandus dans tout le corps, peuvent seuls donner aux muscles la consistance, l′activité, le ton, le ressort, d′où résulte une véritable force. Voilà la philosophie du cabinet ; mais moi j′en appelle à l′expérience. Je vois dans vos campagnes de grands garçons labourer, biner, tenir la charrue, charger un tonneau de vin, mener la voiture tout comme leur père ; on les prendrait pour des hommes, si le son de leur voix ne les trahissait pas. Dans nos villes mêmes, de jeunes ouvriers, forgerons, taillandiers, maréchaux, sont presque aussi robustes que les maîtres, et ne seraient guère moins adroits, si on les eût exercés à temps. S′il y a de la différence, et je conviens qu′il y en a, elle y est beaucoup moindre, je le répète, que celle des désirs fougueux d′un homme aux désirs bornés d′un enfant. D′ailleurs il n′est pas ici question seulement de forces physiques, mais surtout de la force et capacité de l′esprit qui les supplée ou qui les dirige. Presiento la objeción. No se dirá que el niño tiene más necesidades de las que yo creo, pero sí se negará que tiene la fuerza que le atribuyo, sin pensar que yo hablo de mi alumno y no de esos muñecos ambulantes que pasan de una habitación a otra, que mueven una cajita y llevan cargas de cartón. Me dirán que la fuerza viril no se manifiesta hasta la virilidad, que lo único que puede dar a los músculos la consistencia, la actividad, el tono y el empuje, de donde resulta la verdadera fuerza, es la elaboración de los espíritus vitales en los vasos propios y su difusión por todo el cuerpo. Esa es la filosofía de gabinete, pero yo apelo a la experiencia. Veo en vuestras campiñas mozos que cavan, riegan, aran, cargan toneles de vino y llevan la carreta tan bien como su padre; los tomaríamos por hombres si el timbre de su voz no los traicionara. En nuestras mismas ciudades hay muchachos aprendices de herrero, de cerrajero, de herrador, que casi son tan robustos como sus maestros, y no serían menos diestros si se les hubiera ejercitado a tiempo. Si hay diferencia, y convengo en que la hay, repito que no es tanta como la de los deseos fogosos de un hombre comparados con los limitados de un niño. Aparte de que aquí no sólo se trata de fuerzas físicas, sino de la fuerza y del entendimiento que las sustituye o las dirige.
Cet intervalle où l′individu peut plus qu′il ne désire, bien qu′il ne soit pas le temps de sa plus grande force absolue, est, comme je l′ai dit, celui de sa plus grande force relative. Il est le temps le plus précieux de la vie, temps qui ne vient qu′une seule fois ; temps très court, et d′autant plus court, comme on verra dans la suite, qu′il lui importe plus de le bien employer. Este intervalo en que el individuo puede más de lo que desea, si bien no es la época de su mayor fuerza absoluta, es, como he manifestado, la de su mayor fuerza relativa. Es el tiempo más precioso de la vida, que se va para no volver; tiempo muy corto y que, como se verá más adelante, es muy útil emplearlo bien.
Que fera-t-il donc de cet excédent de facultés et de forces qu′il a de trop à présent, et qui lui manquera dans un autre âge ? Il tâchera de l′employer à des soins qui lui puissent profiter au besoin ; il jettera, pour ainsi dire, dans l′avenir le superflu de son être actuel ; l′enfant robuste fera des provisions pour l′homme faible ; mais il n′établira ses magasins ni dans des coffres qu′on peut lui voler, ni dans des granges qui lui sont étrangères ; pour s′approprier véritablement son acquis, c′est dans ses bras, dans sa tête, c′est dans lui qu′il le logera. Voici donc le temps des travaux, des instructions, des études, et remarquez que ce n′est pas moi qui fais arbitrairement ce choix, c′est la nature elle-même qui l′indique. ¿Qué hará, pues, con estas excesivas facultades y fuerzas que ahora le sobran y que en otra edad le harán falta? Procurará utilizarlas en tareas que pueda aprovechar en todo lo que sea necesario; destinará, por decirlo así, en lo venidero lo superfluo de su estado actual; el niño robusto hará provisiones para el hombre débil, pero no las guardará ni en los almacenes ni en los cofres que puedan robarle ni en las casas que le son extrañas; para aprovecharse verdaderamente de ellas, las tendrá en sus brazos, en su cabeza, dentro de sí mismo. Ya ha llegado, pues, el tiempo de trabajar, de instruirse, de estudiar, y debo remarcar que no soy yo quien arbitrariamente hago-esta elección, sino que es la misma naturaleza lo que la indica.
L′intelligence humaine a ses bornes ; et non seulement un homme ne peut pas tout savoir, il ne peut pas même savoir en entier le peu que savent les autres hommes. Puisque la contradictoire de chaque position fausse est une vérité, le nombre des vérités est inépuisable comme celui des erreurs. Il y a donc un choix dans les choses qu′on doit enseigner ainsi que dans le temps propre à les apprendre. Des connaissances qui sont à notre portée, les unes sont fausses, les autres sont inutiles, les autres servent à nourrir l′orgueil de celui qui les a. Le petit nombre de celles qui contribuent réellement à notre bien-être est seul digne des recherches d′un homme sage, et par conséquent d′un enfant qu′on veut rendre tel. Il ne s′agit point de savoir ce qui est, mais seulement ce qui est utile. La inteligencia humana tiene límites, y un hombre no puede saberlo todo, sino que ni siquiera puede saber totalmente lo poco que saben los demás, y ya que toda proposición contradictoria de una falsa es verdadera, tan inagotable es el número de las verdades como el de los errores. Entonces, hay que hacer una elección entre las cosas que deben enseñarse y ver en qué tiempo conviene aprenderlas. Entre los conocimientos que podemos adquirir, unos son falsos y otros inútiles, y algunos valen para enorgullecer al que los posee. El escaso número de los que verdaderamente contribuyen a nuestro bienestar es el único digno de ser investigado por un hombre sabio, y por consiguiente de un niño que queremos que lo sea. No se trata de saberlo todo, sino solamente lo útil.
De ce petit nombre il faut ôter encore ici les vérités qui demandent, pour être comprises, un entendement déjà tout formé ; celles qui supposent la connaissance des rapports de l′homme, qu′un enfant ne peut acquérir ; celles qui, bien que vraies en elles-mêmes, disposent une âme inexpérimentée à penser faux sur d′autres sujets. De este corto número aún se restarán las verdades necesarias para ser comprendidas por un entendimiento ya formado, las que suponen el conocimiento de las relaciones del hombre, que el niño no puede adquirir, v las que predisponen a un alma sin experiencia a que se forme ideas erróneas sobre otras materias.
Nous voilà réduits à un bien petit cercle relativement à l′existence des choses ; mais que ce cercle forme encore une sphère immense pour la mesure de l′esprit d′un enfant ! Ténèbres de l′entendement humain, quelle main téméraire osa toucher à votre voile ? Que d′abîmes je vois creuser par nos vaines sciences autour de ce jeune infortuné ! O toi qui vas le conduire dans ces périlleux sentiers, et tirer devant ses yeux le rideau sacré de la nature, tremble. Assure-toi bien premièrement de sa tête et de la tienne, crains qu′elle ne tourne à l′un ou à l′autre, et peut-être à tous les deux. Crains l′attrait spécieux du mensonge et les vapeurs enivrantes de l′orgueil. Souviens-toi, souviens-toi sans cesse que l′ignorance n′a jamais fait de mal, que l′erreur seule est funeste, et qu′on ne s′égare point par ce qu′on ne sait pas, mais par ce qu′on croit savoir. Estamos reducidos a un pequeño círculo con relación a la existencia de las cosas, ¡pero este círculo forma todavía una inmensa esfera para la capacidad de comprensión de un niño! Tinieblas del entendimiento humano, ¿qué mano temeraria se atreve a levantar vuestro velo? ¡Qué de abismos veo abrir por nuestras vanas ciencias en torno de este joven infortunado! Tú, que vas a conducirle por estos peligrosos senderos, y que vas a descorrer ante sus ojos la sagrada cortina de la naturaleza, tiembla; asegúrate primero bien de su cabeza y de la tuya, teme que al uno o al otro se os vaya, y tal vez a los dos. Teme los adornos engañosos de la mentira y los vapores embriagadores del orgullo. Acuérdate, acuérdate siempre de que la ignorancia jamás fue perniciosa, que sólo el error es funesto y que no nos extraviamos por no saber, sino por creer que sabemos.
Ses progrès dans la géométrie vous pourraient servir d′épreuve et de mesure certaine pour le développement de son intelligence : mais sitôt qu′il peut discerner ce qui est utile et ce qui ne l′est pas, il importe d′user de beaucoup de ménagement et d′art pour l′amener aux études spéculatives. Voulez-vous, par exemple, qu′il cherche une moyenne proportionnelle entre deux lignes ; commencez par faire en sorte qu′il ait besoin de trouver un carré égal à un rectangle donné : s′il s′agissait de deux moyennes proportionnelles, il faudrait d′abord lui rendre le problème de la duplication du cube intéressant etc. Voyez comment nous approchons par degrés des notions morales qui distinguent le bien et le mal. Jusqu′ici nous n′avons connu de loi que celle de la nécessité : maintenant nous avons égard à ce qui est utile ; nous arriverons bientôt à ce qui est convenable et bon. Sus adelantos en la geometría os podrán servir de prueba y medida cierta para el desarrollo de su inteligencia, pero tan pronto como es capaz de distinguir lo que es útil de lo que no lo es, es importante tener mucho cuidado y arte para inducirle a estudios especulativos. Si, por ejemplo, se desea que busque una media proporcional entre dos líneas, hágase de forma que precise hallar un cuadrado igual a un rectángulo determinado; si se trata de dos medias proporcionales, primeramente sería necesario hacer que le interesara el problema de la duplicación del cubo, etc. De esta manera nos vamos acercando paulatinamente a las nociones morales que diferencian el bien del mal. Hasta aquí únicamente hemos conocido la ley de la necesidad; ahora tenemos presente lo que es útil, pero pronto trataremos de lo que es conveniente y bueno.
Le même instinct anime les diverses facultés de l′homme. À l′activité du corps, qui cherche à se développer, succède l′activité de l′esprit qui cherche à s′instruire. D′abord les enfants ne sont que remuants, ensuite ils sont curieux ; et cette curiosité bien dirigée est le mobile de l′âge où nous voilà parvenus. Distinguons toujours les penchants qui viennent de la nature de ceux qui viennent de l′opinion. Il est une ardeur de savoir qui n′est fondée que sur le désir d′être estimé savant ; il en est une autre qui naît d′une curiosité naturelle à l′homme pour tout ce qui peut l′intéresser de près ou de loin. Le désir inné du bien-être et l′impossibilité de contenter pleinement ce désir lui font rechercher sans cesse de nouveaux moyens d′y contribuer. Tel est le premier principe de la curiosité ; principe naturel au cœur humain, mais dont le développement ne se fait qu′en proportion de nos passions et de nos lumières. Supposez un philosophe relégué dans une île déserte avec des instruments et des livres, sûr d′y passer seul le reste de ses jours ; il ne s′embarrassera plus guère du système du monde, des lois de l′attraction, du calcul différentiel : il n′ouvrira peut-être de sa vie un seul livre, mais jamais il ne s′abstiendra de visiter son île jusqu′au dernier recoin, quelque grande qu′elle puisse être. Rejetons donc encore de nos premières études les connaissances dont le goût n′est point naturel à l′homme, et bornons-nous à celles que l′instinct nous porte à chercher. El mismo instinto anima las distintas facultades del hombre, a la actividad del cuerpo que procura su desarrollo, sigue la del espíritu que procura instruirse. Al principio los niños son revoltosos, después son curiosos, y esta curiosidad bien dirigida es el móvil de la edad a que hemos llegado. Debemos distinguir siempre las tendencias que provienen de la naturaleza de las que se originan en la opinión. Existe un afán de saber que se basa únicamente en el deseo de ser considerado sabio y otro que proviene de una curiosidad natural del hombre por todo lo que le puede interesar de cerca o de lejos. El deseo innato de bienestar y la imposibilidad de contentar plenamente este deseo, son motivo de que aspire sin cesar a nuevos medios para contribuir. Este es el primer principio de la curiosidad, principio natural del corazón humano, pero que se desarrolla únicamente en proporción de nuestras pasiones y nuestras luces. Imaginad un filósofo relegado en una isla desierta con instrumentos y libros, seguro de pasar solo el resto de sus días; no se preocupará más del sistema del mundo, de las leyes de atracción, ni del cálculo diferencial; tal vez ya no abrirá un libro, pero no se abstendrá de visitar hasta el último rincón de su isla, por grande que sea. Rechacemos, pues, de nuestros primeros estudios los conocimientos que no son del agrado natural del hombre y limitémonos a los que nos hace desear el instinto.
L′île du genre humain, c′est la terre ; l′objet le plus frappant pour nos yeux, c′est le soleil. Sitôt que nous commençons à nous éloigner de nous, nos premières observations doivent tomber sur l′une et sur l′autre. Aussi la philosophie de presque tous les peuples sauvages roule-t-elle uniquement sur d′imaginaires divisions de la terre et sur la divinité du soleil. La tierra es la isla del género humano, y el objeto que nos impresiona más es el sol. Tan pronto como comenzamos a desviarnos de nosotros, sobre la tierra y el sol deben versar nuestras primeras observaciones. Por eso la filosofía de casi todos los pueblos salvajes se basa en divisiones imaginarias de la tierra y en la divinidad del sol.
Quel écart ! dira-t-on peut-être. Tout à l′heure nous n′étions occupés que de ce qui nous touche, de ce qui nous entoure immédiatement ; tout à coup nous voilà parcourant le globe et sautant aux extrémités de l′univers ! Cet écart est l′effet du progrès de nos forces et de la pente de notre esprit. Dans l′état de faiblesse et d′insuffisance, le soin de nous conserver nous concentre au dedans de nous ; dans l′état de puissance et de force, le désir d′étendre notre être nous porte au delà, et nous fait élancer aussi loin qu′il nous est possible ; mais, comme le monde intellectuel nous est encore inconnu, notre pensée ne va pas plus loin que nos yeux, et notre entendement ne s′étend qu′avec l′espace qu′il mesure. ¡Qué salto!, tal vez dirán. Hace sólo un instante que nos ocupábamos de lo que nos toca y rodea inmediatamente, y de pronto ya estamos recorriendo el globo y sin parar hasta el fin del mundo. Este salto es efecto del progreso de nuestras fuerzas y de la propensión de nuestro espíritu. En el estado de flaqueza e insuficiencia, nos reconcentra dentro de nosotros el afán de conservaros; en el estado de poderío y fuerza, nos saca fuera el deseo de explayar nuestro ser y nos lanza lo más lejos posible, pero como desconocemos todavía el mundo intelectual, nuestro pensamiento no va más lejos que nuestros ojos, ni nuestro entendimiento se extiende más allá del espacio que domina.
Transformons nos sensations en idées, mais ne sautons pas tout d′un coup des objets sensibles aux objets intellectuels. C′est par les premiers que nous devons arriver aux autres. Dans les premières opérations de l′esprit, que les sens soient toujours ses guides : point d′autre livre que le monde, point d′autre instruction que les faits. L′enfant qui lit ne pense pas, il ne fait que lire ; il ne s′instruit pas, il apprend des mots. Convirtamos nuestras sensaciones en ideas, pero no pasemos de pronto de los objetos sensibles a los intelectuales. Por los primeros debemos llegar a los últimos. En las primeras operaciones del espíritu los sentidos deben ser siempre sus guías. Ningún otro libro que no sea el mundo, ninguna otra instrucción que los hechos. El niño que lee no piensa, no hace más que leer; no se instruye, pues sólo aprende palabras.
Rendez votre élève attentif aux phénomènes de la nature, bientôt vous le rendrez curieux ; mais, pour nourrir sa curiosité, ne vous pressez jamais de la satisfaire. Mettez les questions à sa portée, et laissez-les lui résoudre. Qu′il ne sache rien parce que vous le lui avez dit, mais parce qu′il l′a compris lui-même ; qu′il n′apprenne pas la science, qu′il l′invente. Si jamais vous substituez dans son esprit l′autorité à la raison, il ne raisonnera plus ; il ne sera plus que le jouet de l′opinion des autres. Haced que vuestro alumno esté atento a los fenómenos de la naturaleza, v en seguida despertaréis su curiosidad, pero para sujetarla no os deis prisa a satisfacerla. Poned a su alcance las cuestiones y dejad que él las resuelva. Que no sepa nada porque se las habéis propuesto, sino porque las haya comprendido él mismo; que invente la ciencia y no que la aprenda. Si en su entendimiento sustituís una sola vez la autoridad a la razón, no discurrirá más y jugará con él la opinión de los otros.
Vous voulez apprendre la géographie à cet enfant, et vous lui allez chercher des globes, des sphères, des cartes : que de machines ! Pourquoi toutes ces représentations ? que ne commencez-vous par lui montrer l′objet même, afin qu′il sache au moins de quoi vous lui parlez ! Queréis enseñar la geografía a ese niño, y vais a buscar globos, esferas y mapas; ¡cuántas máquinas! ¿Qué finalidad tienen estas representaciones? ¿Por qué no empezáis mostrándole el objeto mismo, para que por lo menos sepa de qué se trata?
Une belle soirée on va se promener dans un lieu favorable, où l′horizon bien découvert laisse voir à plein le soleil couchant, et l′on observe les objets qui rendent reconnaissable le lieu de son coucher. Le lendemain, pour respirer le frais, on retourne au même lieu avant que le soleil se lève. On le voit s′annoncer de loin par les traits de feu qu′il lance au-devant de lui. L′incendie augmente, l′orient paraît tout en flammes ; à leur éclat on attend l′astre longtemps avant qu′il se montre ; à chaque instant on croit le voir paraître ; on le voit enfin. Un point brillant part comme un éclair et remplit aussitôt tout l′espace ; le voile des ténèbres s′efface et tombe. L′homme reconnaît son séjour et le trouve embelli. La verdure a pris durant la nuit une vigueur nouvelle ; le jour naissant qui l′éclaire, les premiers rayons qui la dorent, la montrent couverte d′un brillant réseau de rosée, qui réfléchit à l′œil la lumière et les couleurs. Les oiseaux en chœur se réunissent et saluent de concert le père de la vie ; en ce moment pas un seul ne se tait ; leur gazouillement, faible encore, est plus lent et plus doux que dans le reste de la journée, il se sent de la langueur d′un paisible réveil. Le concours de tous ces objets porte aux sens une impression de fraîcheur qui semble pénétrer jusqu′à l′âme. Il y a là une demi-heure d′enchantement auquel nul homme ne résiste ; un spectacle si grand, si beau, si délicieux, n′en laisse aucun de sang-froid. Una tarde serena y bella vamos a pasear por un lugar a propósito, donde el horizonte aparece descubierto, dejando ver plenamente el sol en su ocaso, y observamos los objetos que hacen que se reconozca el sitio por donde se ha puesto. Al próximo día volveremos a tomar el fresco en el mismo lugar, pero antes de que salga el sol. Le contemplamos desde lejos con las flechas de fuego con que se anuncia. Va aumentando el incendio, aparece todo el oriente inflamado, su brillo nos obliga a que esperemos el astro mucho tiempo antes de que se descubra; a cada instante nos da la sensación de que lo vamos a ver, hasta que al fin logramos verle. Tiene unos destellos como un relámpago su trazo brillante, y al momento cubre todo el espacio, se funde el velo de las tinieblas y cae; el hombre reconoce su mansión y la encuentra embellecida. En el transcurso de la noche las plantas han cobrado un nuevo vigor, el naciente día que las alumbra, los primeros rayos que las besan nos las muestran con una capa de rocío que refleja los colores y la luz. El coro formado por el conjunto de las aves saluda con sus conciertos al Padre de la Vida; en este momento ni una sola de las aves está callada, su trinar todavía es débil, es más lento y más suave que en el resto del día, pues aún se resienten de lo soñoliento de su apacible despertar. El conjunto de todos estos objetos deja en el pecho una impresión de serenidad que se adentra hasta lo más profundo del alma. Durante media hora flota un fuerte embeleso al que ningún hombre es capaz de resistirse; este espectáculo tan hermoso, tan delicioso y magnífico nos conmueve a todos.
Plein de l′enthousiasme qu′il éprouve, le maître veut le communiquer à l′enfant : il croit l′émouvoir en le rendant attentif aux sensations dont il est ému lui-même. Pure bêtise ! c′est dans le cœur de l′homme qu′est la vie du spectacle de la nature ; pour le voir, il faut le sentir. L′enfant aperçoit les objets, mais il ne peut apercevoir les rapports qui les lient, il ne peut entendre la douce harmonie de leur concert. Il faut une expérience qu′il n′a point acquise, il faut des sentiments qu′il n′a point éprouvés, pour sentir l′impression composée qui résulte à la fois de toutes ces sensations. S′il n′a longtemps parcouru des plaines arides, si des sables ardents n′ont brûlé ses pieds, si la réverbération suffocante des rochers frappés du soleil ne l′oppressa jamais, comment goûtera-t-il l′air frais d′une belle matinée ? comment le parfum des fleurs, le charme de la verdure, l′humide vapeur de la rosée, le marcher mol et doux sur la pelouse, enchanteront-ils ses sens ? Comment le chant des oiseaux lui causera-t-il une émotion voluptueuse, si les accents de l′amour et du plaisir lui sont encore inconnus ? Avec quels transports verra-t-il naître une si belle journée, si son imagination ne sait pas lui peindre ceux dont on peut la remplir ? Enfin comment s′attendrira-t-il sur la beauté du spectacle de la nature, s′il ignore quelle main prit soin de l′orner ? Lleno del entusiasmo que se apodera de él, el maestro quiere comunicárselo a su discípulo y cree que le conmueve participándole las sensaciones que le han conmovido. ¡Qué disparate! En el corazón del hombre es donde reside la vida del espectáculo de la naturaleza, y para verlo es preciso sentirlo. El niño distingue los objetos, pero no puede conocer las relaciones que los estrechan ni oír la dulce armonía de su concierto. Se requiere una experiencia que todavía no ha adquirido, son precisos afectos que no ha experimentado para sentir la impresión que resulta de todas estas impresiones juntas. Si no ha andado mucho por áridas llanuras, si no han tostado sus pies ardientes arenales, si jamás le sofocó la ardiente reverberación de los pedregales encendidos por el sol, ¿cómo queréis que el fresco de una hermosa madrugada sea capaz de recrearle? ¿Cómo pueden embriagar sus sentidos el aroma de las flores, el verdor de las plantas, las húmedas perlas del rocío y la blanda y tierna alfombra del césped? ¿Qué clase de emoción le ha de proporcionar el gorjeo de los pajarillos si todavía desconoce los acentos del deleite y del amor? ¿Cómo puede cautivarle el nacimiento de un día tan hermoso si su imaginación aún no le sabe pintar los gustos con que puede llenarle? ¿Y cómo, por último, le ha de enternecer la hermosura del espectáculo de la naturaleza si ignora cuál es la mano que con tanto primor la adornó?
Ne tenez point à l′enfant des discours qu′il ne peut entendre. Point de descriptions, point d′éloquence, point de figures, point de poésie. Il n′est pas maintenant question de sentiment ni de goût. Continuez d′être clair, simple et froid ; le temps ne viendra que trop tôt de prendre un autre langage. No expliquéis a un niño nada que sea incapaz de entender; apartad las descripciones, la elocuencia, las figuras y la poesía. En este momento no se trata de sentimiento ni de gusto; continuad siendo claro, sencillo y tranquilo, pues pronto llegará el tiempo en que le podréis hablar empleando otro estilo.
Elevé dans l′esprit de nos maximes, accoutumé à tirer tous ses instruments de lui-même, et à ne recourir jamais à autrui qu′après avoir reconnu son insuffisance, à chaque nouvel objet qu′il voit il l′examine longtemps sans rien dire. Il est pensif et non questionner. Contentez-vous de lui présenter à propos les objets ; puis, quand vous verrez sa curiosité suffisamment occupée, faites-lui quelque question laconique qui le mette sur la voie de la résoudre. Dans cette occasion, après avoir bien contemplé avec lui le soleil levant, après lui avoir fait remarquer du même côté les montagnes et les autres objets voisins, après l′avoir laissé causer là-dessus tout à son aise, gardez quelques moments le silence comme un homme qui rêve, et puis vous lui direz : Je songe qu′hier au soir le soleil s′est couché là, et qu′il s′est levé là ce matin. Comment cela peut-il se faire ? N′ajoutez rien de plus : s′il vous fait des questions, n′y répondez point ; parlez d′autre chose. Laissez-le à lui-même, et soyez sûr qu′il y pensera. Educado en el espíritu de nuestras máximas, acostumbrado a sacar de sí mismo todos sus instrumentos, y a no recurrir nunca a otro, si no es después de reconocer su incapacidad, cada objeto nuevo que ve lo examina mucho tiempo sin decir nada. Es pensativo, pero no preguntón. Limitaos a presentarle los objetos cuando sea el momento oportuno; luego, cuando os deis cuenta de que se le despierta la curiosidad, hacedle alguna pregunta escueta que le encauce para la solución. En esta ocasión, después de contemplar el sol naciente y de haberle remarcado los montes que se ven hacia el oriente, y los demás objetos inmediatos, y que haya podido charlar a su gusto sobre todo, guardad un rato de silencio, como sí reflexionarais sobre algo muy importante, y luego le decís: «Estoy pensando en que ayer por la tarde el sol se puso por allí, y esta madrugada ha salido por aquí. ¿Cómo puede ser eso?» No le digáis nada más; si os hace preguntas, no se las respondáis, y hablad de otra cosa. Dejadle que piense él, seguro de que lo hará.
Pour qu′un enfant s′accoutume à être attentif, et qu′il soit bien frappé de quelque vérité sensible, il faut bien qu′elle lui donne quelques jours d′inquiétude avant de la découvrir. S′il ne conçoit pas assez celle-ci de cette manière, il y a moyen de la lui rendre plus sensible encore, et ce moyen c′est de retourner la question. S′il ne sait pas comment le soleil parvient de son coucher à son lever il sait au moins comment il parvient de son lever à son coucher, ses yeux seuls le lui apprennent. Eclaircissez donc la première question par l′autre : ou votre élève est absolument stupide, ou l′analogie est trop claire pour lui pouvoir échapper. Voilà sa première leçon de cosmographie. Para que un niño se habitúe a estar atento, y para que le impresione mucho una verdad sensible, es preciso que durante algunos días le cause inquietud, antes de que dé con ella. Si no la concibe de este modo suficientemente, hay manera de hacérsela todavía más palpable, y consiste en invertir la cuestión, ya que si no sabe cómo va el sol de su ocaso a su nacimiento, por lo menos sabe cómo va de su nacimiento a su ocaso, puesto que sus ojos lo han visto. Conformad, pues, la primera cuestión con la otra y veréis cómo no podrá menos que comprender una analogía tan evidente, a no ser que vuestro alumno sea absolutamente necio. Esta será su primera lección de cosmografía.
Comme nous procédons toujours lentement d′idée sensible en idée sensible, que nous nous familiarisons longtemps avec la même avant de passer à une autre, et qu′enfin nous ne forçons jamais notre élève d′être attentif, il y a loin de cette première leçon à la connaissance du cours du soleil et de la figure de la terre : mais comme tous les mouvements apparents des corps célestes tiennent au même principe, et que la première observation mène à toutes les autres, il faut moins d′effort, quoiqu′il faille plus de temps, pour arriver d′une révolution diurne au calcul des éclipses, que pour bien comprendre le jour et la nuit. Como siempre procedemos lentamente de una idea sensible a otra idea sensible, como nos familiarizamos durante mucho tiempo con una antes de que pasemos a otra, y como nunca forzamos a nuestro alumno a que esté atento, mucho tendrá que andar desde esta primera lección hasta conocer el curso del sol y la configuración de la tierra, pero como todos los movimientos aparentes de los cuerpos celestes están basados en el mismo principio, y la primera observación nos lleva a todas las demás observaciones, nos cuesta menos, aunque se necesite más tiempo, llegar desde una revolución diurna al cálculo de los eclipses que entender bien la causa de la sucesión del día y de la noche.
Puisque le soleil tourne autour du monde, il décrit un cercle et tout cercle doit avoir un centre ; nous savons déjà cela. Ce centre ne saurait se voir, car il est au cœur de la terre, mais on peut sur la surface marquer deux points opposés qui lui correspondent. Une broche passant par les trois points et prolongée jusqu′au ciel de part et d′autre sera l′axe du monde et du mouvement journalier du soleil. Un toton rond tournant sur sa pointe représente le ciel tournant sur son axe ; les deux pointes du toton sont les deux pôles : l′enfant sera fort aise d′en connaître un ; je le lui montre à la queue de la Petite Ourse. Voilà de l′amusement pour la nuit ; peu à peu l′on se familiarise avec les étoiles, et de là naît le premier goût de connaître les planètes et d′observer les constellations. Puesto que el sol gira alrededor del mundo, describirá un círculo, y todo círculo es necesario que tenga un centro, y nosotros ya lo sabemos. Este centro no podemos verlo porque está en el interior de la tierra, pero en su superficie podemos señalar dos puntos opuestos que le correspondan. Una aguja que pase por los tres puntos y se prolongue hasta el cielo por una y otra parte será el eje del mundo y del movimiento diurno del sol. Una peonza redonda que ruede representará el cielo dando vueltas sobre su eje; los dos puntos de la peonza son los dos polos, y el niño tendrá una gran satisfacción en conocer uno, pues yo se lo muestro en la cola de la osa menor. Ya tenemos diversión para las estrellas, y de aquí nace la primera afición por conocer los planetas y observar las constelaciones.
Nous avons vu lever le soleil à la Saint-Jean ; nous l′allons voir aussi lever à Noël ou quelque autre beau jour d′hiver ; car on sait que nous ne sommes pas paresseux, et que nous nous faisons un jeu de braver le froid. J′ai soin de faire cette seconde observation dans le même lieu où nous avons fait la première ; et moyennant quelque adresse pour préparer la remarque, l′un ou l′autre ne manquera pas de s′écrier : Oh ! oh ! voilà qui est plaisant ! le soleil ne se lève plus à la même place ! ici sont nos anciens renseignements, et à présent il s′est levé là, etc.... Il y a donc un orient d′été, et un orient d′hiver, etc.... Jeune maître, vous voilà sur la voie. Ces exemples vous doivent suffire pour enseigner très clairement la sphère, en prenant le monde pour le monde, et le soleil pour le soleil. Nosotros hemos visto salir el sol el día de San Juan; vamos también a verle salir por Navidad, o cualquier otro día sereno de invierno, puesto que ya es sabido que no tenemos pereza y que no nos asusta el frío. Tengo mucho cuidado de realizar esta observación en el mismo sitio en que hicimos la primera y mediante alguna habilidad para lograr que se fije en ello, uno de los dos exclama: «¡Qué sorpresa!, el sol no sale por el mismo sitio. Aquí están nuestros sitios de antes, y ahora ha salido por allí; luego existe un oriente de verano y otro de invierno...» Maestro joven, ya estás en el camino. Estos ejemplos te deben ser suficientes para poder enseñar con mucha claridad la esfera, representando el mundo por el mundo y el sol por el sol.
En général, ne substituez jamais le signe à la chose que quand il vous est impossible de la montrer ; car le signe absorbe l′attention de l′enfant et lui fait oublier la chose représentée. Por regla general, nunca debéis sustituir el objeto con signos, a no ser que os sea imposible experimentar con las cosas reales, pues el signo absorbe la atención del niño y le hace olvidar el objeto representado.
La sphère armillaire me paraît une machine mal composée et exécutée dans de mauvaises proportions. Cette confusion de cercles et les bizarres figures qu′on y marque lui donnent un air de grimoire qui effarouche l′esprit des enfants. La terre est trop petite, les cercles sont trop grands, trop nombreux ; quelques-uns, comme les colures, sont parfaitement inutiles ; chaque cercle est plus large que la terre ; l′épaisseur du carton leur donne un air de solidité qui les fait prendre pour des masses circulaires réellement existantes ; et quand vous dites à l′enfant que ces cercles sont imaginaires, il ne sait ce qu′il voit, il n′entend plus rien. La esfera armilar me parece una máquina mal compuesta y ejecutada desproporcionadamente; aquella confusión de círculos y las extrañas figuras grabadas en ella, le dan un aspecto de magia que turba la mente de los pequeños. La tierra es muy pequeña y los círculos muy grandes; algunos, como los coluros, son completamente inútiles y cada círculo es más ancho que la tierra; el espesor del cartón les da una forma sólida que hace que se miren como masas circulares realmente existentes, y cuando le decís al niño que todos estos círculos son imaginarios, ni sabe lo que ve ni entiende nada.
Nous ne savons jamais nous mettre à la place des enfants ; nous n′entrons pas dans leurs idées, nous leur prêtons les nôtres ; et suivant toujours nos propres raisonnements, avec des chaînes de vérités nous n′entassons qu′extravagances et qu′erreurs dans leur tête. Nosotros nunca sabemos colocarnos en el sitio de los niños, ni acomodarnos a sus ideas, sino que les atribuimos las nuestras, y siguiendo siempre nuestros propios razonamientos con verdades bien eslabonadas, sólo amontonamos en sus cabezas extravagancias y errores.
On dispute sur le choix de l′analyse ou de la synthèse pour étudier les sciences ; il n′est pas toujours besoin de choisir. Quelquefois on peut résoudre et composer dans les mêmes recherches, et guider l′enfant par la méthode enseignante lorsqu′il croît ne faire qu′analyse. Alors, en employant en même temps l′une et l′autre, elles se serviraient mutuellement de preuves. Partant à la fois des deux points opposés, sans penser faire la même route, il serait tout surpris de se rencontrer, et cette surprise ne pourrait qu′être fort agréable. Je voudrais, par exemple, prendre la géographie par ces deux termes, et joindre à l′étude des révolutions du globe la mesure de ses parties, à commencer du lieu qu′on habite. Tandis que l′enfant étudie la sphère et se transporte ainsi dans les cieux, ramenez-le à la division de la terre, et montrez-lui d′abord son propre séjour. Se discute acerca de la preferencia entre el análisis o la síntesis para estudiar las ciencias, pero no siempre existe la posibilidad de escoger; a veces es posible resolver y componer en una misma investigación, guiando el niño por el método de la enseñanza, cuando él cree que no hace más que analizar. Entonces, empleando a un mismo tiempo el uno y el otro, ellos se servirán mutuamente de pruebas. Partiendo a la vez de los dos puntos opuestos, sin pensar que anda el mismo camino, quedará extrañado de encontrarse y no dejará de serle muy agradable esta sorpresa. Yo quisiera, por ejemplo, tomar la geografía por ambos extremos y unir con el estudio de las revoluciones del globo la medida de sus partes, comenzando por el sitio de su habitación. En tanto que el niño estudia la esfera y de este modo se traslada a los cielos, llevadle a la división de la tierra y le enseñáis primero su propia morada.
Ses deux premiers points de géographie seront la ville où il demeure et la maison de campagne de son père, ensuite les lieux intermédiaires, ensuite les rivières du voisinage, enfin l′aspect du soleil et la manière de s′orienter. C′est ici le point de réunion. Qu′il fasse lui-même la carte de tout cela ; carte très simple et d′abord formée de deux seuls objets, auxquels il ajoute peu à peu les autres, à mesure qu′il sait ou qu′il estime leur distance et leur position. Vous voyez déjà quel avantage nous lui avons procuré d′avance en lui mettant un compas dans les yeux. Sus dos primeros puntos de geografía serán el pueblo donde vive y la casa de campo de su padre; después los lugares intermedios, luego los ríos de las cercanías, y por último el aspecto del sol y la forma de orientarse. Este es el punto de reunión. Que él mismo haga el mapa de todo esto, mapa muy sencillo y primero formado con solo dos objetos, a los cuales irá añadiendo los demás, al paso que va sabiendo o valorando su distancia v su posición. Ya se ven las ventajas que le hemos proporcionado al meterle un compás en los ojos.
Malgré cela, sans doute, il faudra le guider un peu ; mais très peu, sans qu′il y paraisse. S′il se trompe laissez-le faire, ne corrigez point ses erreurs, attendez en silence qu′il soit en état de les voir et de les corriger lui-même ; ou tout au plus, dans une occasion favorable, amenez quelque opération qui les lui fasse sentir. S′il ne se trompait jamais, il n′apprendrait pas si bien. Au reste, il ne s′agit pas qu′il sache exactement la topographie du pays, mais le moyen de s′en instruire ; peu importe qu′il ait des cartes dans la tête, pourvu qu′il conçoive bien ce qu′elles représentent, et qu′il ait une idée nette de l′art qui sert à les dresser. Voyez déjà la différence qu′il y a du savoir de vos élèves à l′ignorance du mien ! Ils savent les cartes, et lui les fait. Voici de nouveaux ornements pour sa chambre. Sin embargo, será preciso guiarle un poco, aunque lo menos posible, y sin que él lo vea. Si se engaña, le debéis dejar y no enmendéis sus yerros; esperad sin decir nada que se encuentre en situación de verlos y de enmendarlos por sí mismo, o lo más que se puede hacer es que al tener una ocasión propicia se aproveche algún detalle que se los haga ver. Si nunca se engañare, su aprendizaje sería más deficiente. Referente a lo demás, no pretendemos que sepa con exactitud la topografía del país, sino la manera de que mediante ella pueda instruirse; poco importa que tenga o no grabados en su mente los mapas; lo que sí importa es que comprenda bien lo que representan y que tenga ideas claras del procedimiento para levantarlos. Observad la diferencia que hay entre el saber de vuestros alumnos y la ignorancia del mío. Los vuestros saben mapas y el mío los hace. Ya tenemos nuevos adornos para su aposento.
Souvenez-vous toujours que l′esprit de mon institution n′est pas d′enseigner à l′enfant beaucoup de choses, mais de ne laisser jamais entrer dans son cerveau que des idées justes et claires. Quand il ne saurait rien, peu m′importe, pourvu qu′il ne se trompe pas, et je ne mets des vérités dans sa tête que pour le garantir des erreurs qu′il apprendrait à leur place. La raison, le jugement, viennent lentement, les préjugés accourent en foule ; c′est d′eux qu′il le faut préserver. Mais si vous regardez la science en elle-même, vous entrez dans une mer sans fond, sans rive, toute pleine d′écueils ; vous ne vous en tirerez jamais. Quand je vois un homme épris de l′amour des connaissances se laisser séduire à leur charme et courir de l′une à l′autre sans savoir s′arrêter, je crois voir un enfant sur le rivage amassant des coquilles, et commençant par s′en charger, puis, tenté par celles qu′il voit encore, en rejeter, en reprendre, jusqu′à ce qu′accablé de leur multitude et ne sachant plus que choisir, il finisse par tout jeter et retourne à vide. Acordaos siempre de que el espíritu de mi sistema no es enseñar muchas cosas al niño, sino el de no permitir que se metan en su cerebro otras ideas que las justas y claras. Aunque no sepa nada, me importa muy poco, con tal que no se engañe, y si planto verdades en su cabeza, es por preservarle de los errores que en su lugar aprenderían. Caminando despacio se llega hasta alcanzar la razón y el discernimiento, pero las preocupaciones acuden de una forma atropellada y es indispensable evitárselas. Mas si consideráis la ciencia en sí misma, os metéis en un mar sin fondo ni orillas, lleno de bajíos, y nunca llegaréis a puerto seguro. Cuando veo a un hombre que se deja seducir por el amor a los conocimientos, y corre de uno a otro sin que se consiga parar, me figuro que estoy viendo a un muchacho cogiendo conchas a la orilla del mar y cargando con ellas; luego, llevado de la codicia, al ver otras, tira las primeras y coge otras, hasta que rendido por el excesivo peso, y no sabiendo cómo seguir adelante, las arroja todas y se vuelve con las manos vacías.
Durant le premier âge, le temps était long : nous ne cherchions qu′à le perdre, de peur de le mal employer. Ici c′est tout le contraire, et nous n′en avons pas assez pour faire tout ce qui serait utile. Songez que les passions approchent, et que, sitôt qu′elles frapperont à la porte, votre élève n′aura plus d′attention que pour elles. L′âge paisible d′intelligence est si court, il passe si rapidement, il a tant d′autres usages nécessaires, que c′est une folie de vouloir qu′il suffise à rendre un enfant savant. Il ne s′agit point de lui enseigner les sciences, mais de lui donner du goût pour les aimer et des méthodes pour les apprendre, quand ce goût sera mieux développé. C′est là très certainement un principe fondamental de toute bonne éducation. Durante la primera edad, el tiempo era largo, y nosotros procurábamos perderlo por miedo a emplearlo mal. Ahora todo es al revés; no tenemos el tiempo suficiente para hacer lo que nos sería útil. Pensad que ya están cerca las pasiones, y así que llamen a la puerta, vuestro alumno pondrá su mejor atención en ellas. La edad serena de la inteligencia es tan corta, huye con tanta rapidez, y hay que emplearla en tantas cosas indispensables, que es una locura creer que es suficiente para hacer sabio a un niño. No se trata de enseñarle las ciencias, sino de que se aficione a ellas y proporcionarle métodos para que las aprenda cuando se desarrollen mejor sus aficiones. He aquí el principio fundamental de toda educación.
Voici le temps aussi de l′accoutumer peu à peu à donner une attention suivie au même objet : mais ce n′est jamais la contrainte, c′est toujours le plaisir ou le désir qui doit produire cette attention ; il faut avoir grand soin qu′elle ne l′accable point et n′aille pas jusqu′à l′ennui. Tenez donc toujours l′œil au guet ; et, quoi qu′il arrive, quittez tout avant qu′il s′ennuie ; car il n′importe jamais autant qu′il apprenne, qu′il importe qu′il ne fasse rien malgré lui.
S′il vous questionne lui-même, répondez autant qu′il faut pour nourrir sa curiosité, non pour la rassasier : surtout quand vous voyez qu′au lieu de questionner pour s′instruire, il se met à battre la campagne et à vous accabler de sottes questions, arrêtez-vous à l′instant, sûr qu′alors il ne se soucie plus de la chose, mais seulement de vous asservir à ses interrogations. Il faut avoir moins d′égard aux mots qu′il prononce qu′au motif qui le fait parler. Cet avertissement, jusqu′ici moins nécessaire, devient de la dernière importance aussitôt que l′enfant commence à raisonner. Cuando os interrogue, debéis contestarle sólo lo necesario para entretener su curiosidad, pero no para dejarla satisfecha, pero cuando os deis cuenta de que en vez de proponer cuestiones para instruirse se pone a divagar y a incomodaros con preguntas necias, callaos en el acto y estad seguros de que entonces no insistirá en la cuestión, sino en que os sometáis a sus interrogatorios. Se debe tener menos cuenta las palabras que dice que el motivo que las dicta. Esta advertencia, no tan necesaria hasta aquí, empieza a ser de la mayor importancia en cuanto el niño empieza a discurrir.
Il y a une chaîne de vérités générales par laquelle toutes les sciences tiennent à des principes communs et se développent successivement : cette chaîne est la méthode des philosophes. Ce n′est point de celle-là qu′il s′agit ici. Il y en a une toute différente, par laquelle chaque objet particulier en attire un autre et montre toujours celui qui le suit. Cet ordre, qui nourrit, par une curiosité continuelle, l′attention qu′ils exigent tous, est celui que suivent la plupart des hommes, et surtout celui qu′il faut aux enfants. En nous orientant pour lever nos cartes, il a fallu tracer des méridiennes. Deux points d′intersection entre les ombres égales du matin et du soir donnent une méridienne excellente pour un astronome de treize ans. Mais ces méridiennes s′effacent, il faut du temps pour les tracer ; elles assujettissent à travailler toujours dans le même lieu : tant de soins, tant de gêne, l′ennuieraient à la fin. Nous l′avons prévu ; nous y pourvoyons d′avance. Existe un encadenamiento de verdades generales, en virtud del cual todas las ciencias penden de principios comunes y que se desarrollan sucesivamente; este encadenamiento es el método de los filósofos, del que no tratamos aquí. Existe otro completamente distinto, en el cual cada objeto particular viene eslabonado con otro anterior y trae detrás de sí al que sigue. Este orden que mantiene siempre con una curiosidad continua la atención que todos los estudios requieren, es el seguido por la mayor parte de los hombres y el que conviene con especialidad a los niños.′ Cuando nos orientábamos para levantar nuestros mapas, fue preciso trazar meridianos. Dos puntos de intersección entre las sombras iguales de la mañana y la tardé, son un excelente meridiano para un astrónomo de trece años. Pero estos meridianos se borran y se necesita tiempo para trazarlos; obligan a trabajar siempre en un mismo sitio, y tanta solicitud y tanta sujeción le aburrirían. Esto ya lo hemos previsto y remediado de antemano.
Me voici de nouveau dans mes longs et minutieux détails. Lecteurs, j′entends vos murmures, et je les brave : je ne veux point sacrifier à votre impatience la partie la plus utile de ce livre. Prenez votre parti sur mes longueurs ; car pour moi j′ai pris le mien sur vos plaintes. Ya estoy de nuevo en mis largos y minuciosos detalles. Ya oigo, lectores, vuestras murmuraciones y las arrostro, que no quiero sacrificar a vuestra impaciencia la parte más útil de este libro. Tomad la resolución que os parezca acerca de mis prolijidades, puesto que yo tengo tomada la mía acerca de vuestras quejas.
Depuis longtemps nous nous étions aperçus, mon élève et moi, que l′ambre, le verre, la cire, divers corps frottés attiraient les pailles, et que d′autres ne les attiraient pas. Par hasard nous en trouvons un qui a une vertu plus singulière encore ; c′est d′attirer à quelque distance, et sans être frotté, la limaille et d′autres brins de fer. Combien de temps cette qualité nous amuse, sans que nous puissions y rien voir de plus ! Enfin nous trouvons qu′elle se communique au fer même, aimanté dans un certain sens. Un jour nous allons à la foire {a href="#1">[1] ; un joueur de gobelets attire avec un morceau de pain un canard de cire flottant sur un bassin d′eau. Fort surpris, nous ne disons pourtant pas : c′est un sorcier ; car nous ne savons ce que c′est qu′un sorcier. Sans cesse frappés d′effets dont nous ignorons les causes, nous ne nous pressons de juger de rien, et nous restons en repos dans notre ignorance jusqu′à ce que nous trouvions l′occasion d′en sortir. Desde mucho tiempo antes mi alumno y yo habíamos observado que el ámbar, el vidrio, la cera y otros varios cuerpos frotados atraían las pajitas, y que otros no lo hacían. Casualmente encontramos uno que tiene una virtud todavía más extraña, que es la de atraer desde alguna distancia y sin que lo froten las limaduras y otras virutas de hierro. ¡Cuánto tiempo esta cualidad nos divierte, sin poder descubrir su misterio! Por último descubrimos que el hierro se adhiere al imán. Un día vamos a la feria , y un prestidigitador atrae con un mendrugo de pan un pato de cera que nada en un barreño. Aunque nos extrañó mucho, no decimos que es un brujo porque no sabemos qué es un brujo. Tocando continuamente efectos cuyas causas ignoramos, no nos apresuramos a decidir sobre nada, y estamos quietos hasta que encontramos ocasión para salir de nuestra ignorancia.
De retour au logis, à force de parler du canard de la foire, nous allons nous mettre en tête de l′imiter : nous prenons une bonne aiguille bien aimantée, nous l′entourons de cire blanche, que nous façonnons de notre mieux en forme de canard, de sorte que l′aiguille traverse le corps et que la tête fasse le bec. Nous posons sur l′eau le canard, nous approchons du bec un anneau de clef, et nous voyons, avec une joie facile à comprendre, que notre canard suit la clef précisément comme celui de la foire suivait le morceau de pain. Observer dans quelle direction le canard s′arrête sur l′eau quand on l′y laisse en repos, c′est ce que nous pourrons faire une autre fois. Quant à présent, tout occupés de notre objet, nous n′en voulons pas davantage. Al regresar a casa, a fuerza de hablar del pato de la plaza, se nos mete en la cabeza el imitarle: cogemos una aguja fuerte, la pegamos a la piedra de un imán, la rodeamos con cera blanca, a la cual damos lo mejor posible la figura de un pato, de modo que el cuerpo quede atravesado por la aguja y su cabeza forme el pico. Metemos el pato en el agua, aproximamos a su pico una llave, y con un júbilo que no es difícil comprender, lo mismo que el de la plaza, seguía al mendrugo. El observar la dirección que toma el pato dentro del agua cuando le dejan quieto, es una operación que podremos realizar otro día. Por el momento, queremos ocuparnos de nuestro asunto.
Dès le même soir nous retournons à la foire avec du pain préparé dans nos poches ; et, sitôt que le joueur de gobelets a fait son tour, mon petit docteur, qui se contenait à peine, lui dit que ce tour n′est pas difficile, et que lui-même en fera bien autant. Il est pris au mot : à l′instant, il tire de sa poche le pain où est caché le morceau de fer ; en approchant de la table, le cœur lui bat ; il présente le pain presque en tremblant ; le canard vient et le suit ; l′enfant s′écrie et tressaillit d′aise. Aux battements de mains, aux acclamations de l′assemblée la tête lui tourne, il est hors de lui. Le bateleur interdit vient pourtant l′embrasser, le féliciter, et le prie de l′honorer encore le lendemain de sa présence, ajoutant qu′il aura soin d′assembler plus de monde encore pour applaudir à son habileté. Mon petit naturaliste enorgueilli veut babiller, mais sur-le-champ je lui ferme la bouche, et l′emmène comblé d′éloges. Desde aquella misma tarde volvimos a la plaza, con el pan preparado ya en nuestros bolsillos; tan pronto como el prestidigitador puso en práctica su habilidad, mi doctorcillo, que ya no se podía contener, le dijo que aquello era muy fácil y que también él podía hacerlo. Su palabra es aceptada, y al instante se saca del bolsillo el pan en el cual está metido el pedazo de hierro; cuando se acerca a la mesa, le late el corazón y presenta el pan casi temblando; viene el ánade y le sigue. Con el palmoteo y las aclamaciones del corro se le va la cabeza v está como mareado. No obstante, el prestidigitador, confuso, de momento, se acerca para abrazarle y darle la enhorabuena, y le ruega que le honre con su presencia al día siguiente, añadiendo que juntará más gente para que aplaudan su habilidad. Más que contento, mi pequeño naturalista quiere hablar, pero le tapo la boca y me lo llevo colmado de elogios.
L′enfant, jusqu′au lendemain, compte les minutes avec une risible inquiétude. Il invite tout ce qu′il rencontre ; il voudrait que tout le genre humain fût témoin de sa gloire ; il attend l′heure avec peine, il la devance ; on vole au rendez-vous ; la salle est déjà pleine. En entrant, son jeune cœur s′épanouit. D′autres jeux doivent précéder ; le joueur de gobelets se surpasse et fait des choses surprenantes. L′enfant ne voit rien de tout cela ; il s′agite, il sue, il respire à peine ; il passe son temps à manier dans sa poche son morceau de pain d′une main tremblante d′impatience. Enfin son tour vient ; le maître l′annonce au public avec pompe. Il s′approche un peu honteux, il tire son pain... Nouvelle vicissitude des choses humaines ! Le canard, si privé la veille, est devenu sauvage aujourd′hui ; au lieu de présenter le bec, il tourne la queue et s′enfuit ; il évite le pain et la main qui le présente avec autant de soin qu′il les suivait auparavant. Après mille essais inutiles et toujours hués, l′enfant se plaint, dit qu′on le trompe, que c′est un autre canard qu′on a substitué au premier, et défie le joueur de gobelets d′attirer celui-ci. Con gran impaciencia el niño cuenta los minutos hasta llegar el otro día. Invita a todos los conocidos que encuentra; desea que presencie su gloria todo el linaje humano, y espera con ansia la hora señalada; sale antes del tiempo debido, vuela hacia al sitio, donde ya está formado el corro. Cuando entra en él, su tierno corazón se ha ensanchado. Antes han de realizar otros juegos; el prestidigitador pone gran esmero y ejecuta una serie de habilidades, pero el niño no ve nada; se inquieta, suda y apenas respira; transcurre el tiempo buscando en el bolsillo su mendrugo, y le tiembla la mano con la impaciencia. Por último llega su turno y el maestro le anuncia al público con mucha pompa. Se acerca con un poco de vergüenza, saca su pan... ¡Oh veleidad de las cosas humanas! El pato, tan manso la víspera, hoy está huraño; en lugar de presentarle el pico, le vuelve la cola y se va; huye del pan y de la mano que se lo presenta con la misma diligencia con que antes le seguía. Después de mil pruebas inútiles y siempre fracasadas, el niño se queja de que le han engañado, de que le han cambiado el pato de la víspera v le exige al prestidigitador que le traiga el verdadero.
Le joueur de gobelets, sans répondre, prend un morceau de pain, le présente au canard ; à l′instant le canard suit le pain, et vient à la main qui le retire. L′enfant prend le même morceau de pain ; mais loin de réussir mieux qu′auparavant, il voit le canard se moquer de lui et faire des pirouettes tout autour du bassin : il s′éloigne enfin tout confus, et n′ose plus s′exposer aux huées. Entonces el sujeto coge el trozo de pan que el niño ha traído, se lo presenta al pato, y al instante viene hacia su mano. Agarra el niño el mismo mendrugo, pero en vez de serle más provechosa la experiencia que antes, se da cuenta de que el pato se burla de él, y de que va dando vueltas alrededor del barreño; por último, avergonzado, y sin atreverse a hacer otra prueba, se va para que no se burlen de él otra vez.
Alors le joueur de gobelets prend le morceau de pain que l′enfant avait apporté, et s′en sert avec autant de succès que du sien : il en tire le fer devant tout le monde, autre risée à nos dépens ; puis de ce pain ainsi vidé, il attire le canard comme auparavant. Il fait la même chose avec un autre morceau coupé devant tout le monde par une main tierce, il en fait autant avec son gant, avec le bout de son doigt ; enfin il s′éloigne au milieu de la chambre, et, du ton d′emphase propre à ces gens-là, déclarant que son canard n′obéira pas moins à sa voix qu′à son geste, il lui parle et le canard obéit ; il lui dit d′aller à droite et il va à droite, de revenir et il revient, de tourner et il tourne : le mouvement est aussi prompt que l′ordre. Les applaudissements redoublés sont autant d′affronts pour nous. Nous nous évadons sans être aperçus, et nous nous renfermons dans notre chambre, sans aller raconter nos succès à tout le monde comme nous l′avions projeté. Entonces el sujeto toma el mismo mendrugo de pan que había traído el niño, y se sirve de él con tan buen resultado como del suyo; saca el hierro delante de todo el mundo, y otras risotadas a costa nuestra; luego con ese pan, sacado ahora del hierro atrae lo mismo que antes al pato. Hace igual con otro mendrugo cortado delante del público por otra persona; otro tanto realiza con su guante, con la yema del dedo; por último se pone en medio del corro, y con el tono enfático propio de estas gentes, declara que no será menos obediente a su voz que a su ademán; le habla y el pato obedece; le dice que se vaya por la derecha, y va a la derecha; que vuelva, y vuelve; que dé una vuelta, y la da; tan pronto como da la orden, la orden es cumplida. Los aplausos tan repetidos resultan para nosotros otras tantas afrentas. Nos escapamos sin ser vistos y nos encerramos en nuestra habitación, sin irle a contar nuestras victorias a nadie, al revés de lo que habíamos convenido.
Le lendemain matin l′on frappe à notre porte ; j′ouvre : c′est l′homme aux gobelets. Il se plaint modestement de notre conduite. Que nous avait-il fait pour nous engager à vouloir décréditer ses jeux et lui ôter son gagne-pain ? Qu′y a-t-il donc de si merveilleux dans l′art d′attirer un canard de cire, pour acheter cet honneur aux dépens de la subsistance d′un honnête homme ? Ma foi, messieurs, si j′avais quelque autre talent pour vivre, je ne me glorifierais guère de celui-ci. Vous deviez croire qu′un homme qui a passé sa vie à s′exercer à cette chétive industrie en sait là-dessus plus que vous, qui ne vous en occupez que quelques moments. Si je ne vous ai pas d′abord montré mes coups de maître, c′est qu′il ne faut pas se presser d′étaler étourdiment ce qu′on sait ; j′ai toujours soin de conserver mes meilleurs tours pour l′occasion, et après celui-ci, j′en ai d′autres encore pour arrêter de jeunes indiscrets. Au reste, messieurs, je viens de bon cœur vous apprendre ce secret qui vous a tant embarrassés, vous priant de n′en pas abuser pour me nuire, et d′être plus retenus une autre fois. En la mañana del día siguiente llaman a la puerta; abro, y me encuentro con el hombre de los cubiletes, quien se queja con mucha moderación de nuestro proceder. ¿Qué nos había hecho él para que quisiéramos desacreditar sus juegos y quitarle el medio de ganarse el pan? ¿Qué milagro es saber atraer un ánade de cera para que se quiera tener esta honra a costa de la subsistencia de un hombre de bien? «Os prometo, señores, que si dispusiera de otro talento para poder vivir, poco alarde haría de éste. Debíais comprender que un hombre que pasa la vida ejercitándose en esta pobre industria, sabe más que vosotros de todo esto, que solamente os ocupáis en ella algunos ratos. Si al principio no les enseñé mis magistrales argucias, fue porque no es conveniente darse prisa en demostrar lo que uno sabe; yo tengo un gran cuidado en reservar mis mejores habilidades para un caso determinado, y después de una me quedan otras muchas con las cuales puedo confundir a los jóvenes indiscretos. Por lo demás, vengo de muy buena gana a revelaros el secreto que tanto os ha dado que hacer, rogándoos que no hagáis abuso del mismo en perjuicio mío, y que para otra vez seáis más discretos.»
Alors il nous montre sa machine, et nous voyons avec la dernière surprise qu′elle ne consiste qu′en un aimant fort et bien armé, qu′un enfant caché sous la table faisait mouvoir sans qu′on s′en aperçût. Entonces nos enseñó su máquina, y con la mayor sorpresa vimos que no consistía en otra cosa que en un gran imán, el cual lo movía un niño que estaba escomido debajo de la mesa.
L′homme replie sa machine ; et, après lui avoir fait nos remerciements et nos excuses, nous voulons lui faire un présent ; il le refuse. « Non, messieurs, je n′ai pas assez à me louer de vous pour accepter vos dons ; je vous laisse obligés à moi malgré vous ; c′est ma seule vengeance. Apprenez qu′il y a de la générosité dans tous les états ; je fais payer mes tours et non mes leçons. » Recoge el hombre su máquina, y después de darle nosotros las gracias y de pedirle perdón, queremos hacerle un regalo que él rehúsa. «No, señores; no estoy tan satisfecho de vuestro proceder que quiera admitiros dádivas; os dejo reconocidos a pesar vuestro; y ésa es mi única venganza. Sabed que en todas las condiciones se encuentra generosidad; yo cobro dinero por mis habilidades, pero no por mis lecciones:»
En sortant, il m′adresse à moi nommément et tout haut une réprimande. J′excuse volontiers, me dit-il, cet enfant ; il n′a péché que par ignorance. Mais vous, monsieur, qui deviez connaître sa faute, pourquoi la lui avoir laissé faire ? Puisque vous vivez ensemble, comme le plus âgé vous lui devez vos soins, vos conseil ; votre expérience est l′autorité qui doit le conduire. En se reprochant, étant grand, les torts de sa jeunesse, il vous reprochera sans doute ceux dont vous ne l′aurez pas averti{a href="#2">[2]. Al salir, me dirige en voz alta una reprensión: «Comprendo -me dice- sin dificultad a este niño, que ha pecado por ignorancia, pero usted, caballero, que debía comprender su culpa, ¿por qué se la dejó cometer? Puesto que viven juntos, el mayor debe apoyar al otro y aconsejarle, ya que la experiencia de usted es la autoridad que le debe guiar. Cuando sea hombre y se arrepienta de los yerros de su mocedad, le cargará a usted la culpa de todos los que no le haya prevenido» .
Il part et nous laisse tous deux très confus. Je me blâme de ma molle facilité ; je promets à l′enfant de la sacrifier une autre fois à son intérêt, et de l′avertir de ses fautes avant qu′il en fasse ; car le temps approche où nos rapports vont changer, et où la sévérité du maître doit succéder à la complaisance du camarade ; ce changement doit s′amener par degrés ; il faut tout prévoir, et tout prévoir de fort loin. Se marchó y nos dejó confundidos. Me reproché mi blandura y le dije al niño que otra vez, y en su provecho, dejaré de ser tan blando y que le advertiría de sus errores antes de que los cometiese, ya que se iba acercando el tiempo de cambiar nuestras relaciones, sucediendo la severidad del maestro a la condescendencia del camarada; esta mudanza debía venir por sus pasos contados, y había que preverlo todo y con tiempo.
Le lendemain nous retournons à la foire pour revoir le tour dont nous avons appris le secret. Nous abordons avec un profond respect notre bateleur Socrate ; à peine osons-nous lever les yeux sur lui : il nous comble d′honnêtetés, et nous place avec une distinction qui nous humilie encore. Il fait ses tours comme à l′ordinaire ; mais il s′amuse et se complaît longtemps à celui du canard, en nous regardant souvent d′un air assez fier. Nous savons tout, et nous ne soufflons pas. Si mon élève osait seulement ouvrir la bouche, ce serait un enfant à écraser. El día siguiente, volvemos a la feria a presenciar la habilidad cuyo secreto sabemos. Nos acercamos con un profundo respeto a nuestro Sócrates titiritero, sin atrevernos a levantar los ojos hasta él. Nos hace mil cortesías y nos demuestra una deferencia que para nosotros es un nuevo bochorno. Como de costumbre realiza sus habilidades, pero se recrea y se divierte mucho con la del ánade, mirándonos con un ademán irónico varias veces. Lo sabemos todo y somos incapaces de descubrir la trampa. Si mi alumno se atreviese a abrir la boca, merecería que se le azotase.
Tout le détail de cet exemple importe plus qu′il ne semble. Que de leçons dans une seule ! Que de suites mortifiantes attire le premier mouvement de vanité ! Jeune maître, épiez ce premier mouvement avec soin. Si vous savez en faire sortir ainsi l′humiliation, les disgrâces {a href="#3">[3], soyez sûr qu′il n′en reviendra de longtemps un second. Que d′apprêts ! direz-vous. J′en conviens, et le tout pour nous faire une boussole qui nous tienne lieu de méridienne. Todos los detalles de este ejemplo importan más de lo que a simple vista parece. ¡Cuántas lecciones recibidas en una sola! ¡Cuántas mortificaciones trae consigo el primer movimiento de vanidad! Maestro joven, observa con gran cuidado este :movimiento. Si podéis lograr que de él nazcan desaires y desgracias , estad seguros de que durante mucho tiempo no se producirá el segundo. Cuántos preparativos, diréis; es cierto, y todo para construir una brújula que le sirva de meridiano.
Ayant appris que l′aimant agit à travers les autres corps, nous n′avons rien de plus pressé que de faire une machine semblable à celle que nous avons vue : une table évidée, un bassin très plat ajusté sur cette table, et rempli de quelques lignes d′eau, un canard fait avec un peu plus de soin, etc. Souvent attentifs autour du bassin, nous remarquons enfin que le canard en repos affecte toujours à peu près la même direction. Nous suivons cette expérience, nous examinons cette direction : nous trouvons qu′elle est du midi au nord. Il n′en faut pas davantage : notre boussole est trouvée, ou autant vaut ; nous voilà dans la physique. Cuando ya sepamos que el imán actúa a través de los demás cuerpos, nos apresuramos a fabricar una máquina semejante a la que hemos visto: una mesa agujereada, encima un barreño, con un poco de agua y un pato construido con mucho cuidado. Mirando atentamente alrededor del barreño, observamos que cuando el pato está quieto conserva siempre la misma dirección, y con una diferencia muy pequeña. Continuamos la experiencia y examinando esta dirección, viendo que es de sur a norte; ya no se precisa más, hemos encontrado nuestra brújula, o lo que es lo mismo: estamos en la física.
Il y a divers climats sur la terre, et diverses températures à ces climats. Les saisons varient plus sensiblement à mesure qu′on approche du pôle ; tous les corps se resserrent au froid et se dilatent à la chaleur ; cet effet est plus mesurable dans les liqueurs, et plus sensible dans les liqueurs spiritueuses ; de là le thermomètre. Le vent frappe le visage ; l′air est donc un corps, un fluide ; on le sent, quoiqu′on n′ait aucun moyen de le voir. Renversez un verre dans l′eau, l′eau ne le remplira pas à moins que vous ne laissiez à l′air une issue ; l′air est donc capable de résistance. Enfoncez le verre davantage, l′eau gagnera dans l′espace l′air, sans pouvoir remplir tout à fait cet espace ; l′air est donc capable de compression jusqu′à certain point. Un ballon rempli d′air comprimé bondit mieux que rempli de toute autre matière ; l′air est donc un corps élastique. Étant étendu dans le bain, soulevez horizontalement le bras hors de l′eau, vous le sentirez chargé d′un poids terrible ; l′air est donc un corps pesant. En mettant l′air en équilibre avec d′autres fluides, on peut mesurer son poids : de là le baromètre, le siphon, la canne à vent, la machine pneumatique. Toutes les lois de la statique et de l′hydrostatique se trouvent par des expériences tout aussi grossières. Je ne veux pas qu′on entre pour rien de tout cela dans un cabinet de physique expérimentale : tout cet appareil d′instruments et de machines me déplaît. L′air scientifique tue la science. Ou toutes ces machines effrayent un enfant, ou leurs figures partagent et dérobent l′attention qu′il devrait à leurs effets. Existen diferentes climas en la tierra y una gran diversidad de temperaturas dentro de estos climas. Las estaciones varían de una forma más sensible a medida que uno se va acercando al polo; todos los cuerpos se contraen con el frío y se dilatan con el calor; este efecto es más sensible que el de los licores alcohólicos; de ahí viene el termómetro. El viento da en el rostro; por consiguiente el aire es un cuerpo, un fluido que se siente, aunque no sea visible. Poned un vaso boca abajo dentro del agua y veréis que no se llena si no dais salida al aire; por lo tanto el aire es un fluido resistente. Si empujáis con mayor fuerza el vaso, el agua entrará en una parte del espacio que llena el aire, pero no se puede llenar totalmente este espacio; luego el aire es compresible hasta ciertos límites. Una pelota llena de aire bota mucho mejor que si está llena de cualquier otra materia; entonces, el aire es un cuerpo elástico. Si tendidos en el baño levantáis horizontalmente el brazo hasta sacarlo del agua, sentiréis que pesa mucho; así, pues, el aire es un cuerpo pesado. Al ponerlo en equilibrio con otros cuerpos fluidos, se puede medir su peso; de este experimento han nacido el barómetro, el sifón, la escopeta de viento y la máquina neumática. Con experiencias no menos toscas se descubren todas las leyes de la estática y de la hidrostática. Para que conozca todo esto, no quiero que entre en ningún gabinete de física experimental, puesto que no me gusta todo este aparato de instrumentos y de máquinas. El aspecto científico acaba con la ciencia. O asustan a un niño todas las máquinas o bien le distraen, y sus figuras le quitan la atención que debería poner en sus efectos.
Je veux que nous fassions nous-mêmes toutes nos machines ; et je ne veux pas commencer par faire l′instrument avant l′expérience ; mais je veux qu′après avoir entrevu l′expérience comme par hasard, nous inventions peu à peu l′instrument qui doit la vérifier. J′aime mieux que nos instruments ne soient point si parfaits et si justes, et que nous ayons des idées plus nettes de ce qu′ils doivent être, et des opérations qui doivent en résulter. Pour ma première leçon de statique, au lieu d′aller chercher des balances, je mets un bâton en travers sur le dos d′une chaise, je mesure la longueur des deux parties du bâton en équilibre, j′ajoute de part et d′autre des poids, tantôt égaux, tantôt inégaux ; et, le tirant ou le poussant autant qu′il est nécessaire, je trouve enfin que l′équilibre résulte d′une proportion réciproque entre la quantité des poids et la longueur des leviers. Voilà déjà mon petit physicien capable de rectifier des balances avant que d′en avoir vu. Quiero que nosotros mismos construyamos nuestras máquinas, y para lograr esto no he de empezar construyendo un instrumento antes de que se haya verificado la experiencia; quiero que después de haber visto la experiencia, como por casualidad, inventemos poco a poco el instrumento que debe verificarla. Prefiero que no sean tan justos y perfectos nuestros instrumentos y que poseamos ideas más exactas de lo que deben ser y de las operaciones que tienen que resultar. En la primera lección de estática, en vez de ir a buscar balanzas, cruzo un palo sobre el respaldo de una silla, mido la longitud de las dos partes del palo en equilibrio, y por uno y otro lado pongo pesos diferentes, unas veces iguales y otras desiguales, y tirando o empujando el palo cuanto precise, descubro que resulta el equilibrio de la proporción recíproca entre la cantidad de los pesos y la longitud de las palancas. Mi pequeño físico ya es apto para rectificar balanzas antes de que haya visto ninguna.
Sans contredit on prend des notions bien plus claires et bien plus sûres des choses qu′on apprend ainsi de soi-même, que de celles qu′on tient des enseignements d′autrui ; et, outre qu′on n′accoutume point sa raison à se soumettre servilement à l′autorité, l′on se rend plus ingénieux à trouver des rapports, à lier des idées, à inventer des instruments, que quand, adoptant tout cela tel qu′on nous le donne, nous laissons affaisser notre esprit dans la nonchalance, comme le corps d′un homme qui, toujours habillé, chaussé, servi par ses gens et traîné par ses chevaux, perd à la fin la force et l′usage de ses membres. Boileau se vantait d′avoir appris à Racine à rimer difficilement. Parmi tant d′admirables méthodes pour abréger l′étude des sciences, nous aurions grand besoin que quelqu′un nous en donnât une pour les apprendre avec effort. No cabe duda de que se adquieren nociones más claras y seguras de las cosas que aprende uno por sí mismo que las que se saben por la enseñanza de otro, y además de que la razón no acostumbra a someterse ciegamente a la autoridad, acaba uno siendo más ingenioso para hallar relaciones, ligar ideas, inventar instrumentos, que cuando, adoptándolo todo de la forma como nos lo dan, permitimos que nuestro espíritu caiga en la desidia, como el hombre que, siempre vestido, calzado, servido por criados y llevado por sus caballos, termina sin vigor para el uso de sus miembros. Boileau se envanece de haber enseñado a Racine a versificar con dificultad. Con métodos tan admirables para abreviar el estudio de las ciencias, necesitaríamos quien nos diera uno para poder aprenderlas con trabajo.
L′avantage le plus sensible de ces lentes et laborieuses recherches est de maintenir, au milieu des études spéculatives, le corps dans son activité, les membres dans leur souplesse, et de former sans cesse les mains au travail et aux usages utiles à l′homme. Tant d′instruments inventés pour nous guider dans nos expériences et suppléer à la justesse des sens, en font négliger l′exercice. Le graphomètre dispense d′estimer la grandeur des angles ; l′œil qui mesurait avec précision les distances s′en fie à la chaîne qui les mesure pour lui ; la romaine m′exempte de juger à la main le poids que je connais par elle. Plus nos outils sont ingénieux, plus nos organes deviennent grossiers et maladroits : à force de rassembler des machines autour de nous, nous n′en trouvons plus en nous-mêmes. La ventaja más sensible de estas lentas y laboriosas investigaciones es que en medio de los estudios especulativos, mantienen la actividad del cuerpo y la agilidad de los miembros, y sin cesar conforman las manos para las faenas y usos que son provechosos al hombre. Tantos instrumentos inventados para que nos guíen en nuestras experiencias y suplan la exactitud de los sentidos, hacen que no nos cuidemos de ejercitarlos. El grafómetro nos ahorra que valuemos la exactitud de los ángulos; los ojos que medían con exactitud las distancias, se fían de la cadena que las mide en vez de ellos; la romana exime de juzgar con la mano el peso. Cuanto más ingeniosas son nuestras herramientas, más torpes y rudos se vuelven nuestros sentidos, y después de haber amontonado máquinas a nuestro alrededor, no encontramos ninguna dentro de nosotros.
Mais, quand nous mettons à fabriquer ces machines l′adresse qui nous en tenait lieu, quand nous employons à les faire la sagacité qu′il fallait pour nous en passer, nous gagnons sans rien perdre, nous ajoutons l′art à la nature, et nous devenons plus ingénieux, sans devenir moins adroits. Au lieu de coller un enfant sur des livres, si je l′occupe dans un atelier, ses mains travaillent au profit de son esprit : il devient philosophe et croit n′être qu′un ouvrier. Enfin cet exercice a d′autres usages dont je parlerai ci-après ; et l′on verra comment des jeux de la philosophie on peut s′élever aux véritables fonctions de l′homme. Mas si ponemos en la fabricación de estas máquinas toda la habilidad que las sustituya, si en hacerlas empleamos la sagacidad que necesitábamos para no hacer uso de ellas, obtenemos una ganancia y no perdemos nada; agregamos el arte a la naturaleza, y, sin ser menos hábiles, nos hacemos más ingeniosos. En vez de sujetar a un niño constantemente entre libros, si lo ocupamos en un obrador, trabajan sus manos en beneficio de su entendimiento, y tiende a pensar cuando cree que no es más que un operario. Por último, este ejercicio proporciona otras utilidades, de las cuales hablaré más adelante, y veremos de qué modo es posible encumbrarse a las verdaderas funciones del hombre desde los juguetes de la filosofía.
J′ai déjà dit que les connaissances purement spéculatives ne convenaient guère aux enfants, même approchant de l′adolescence ; mais sans les faire entrer bien avant dans la physique systématique, faites pourtant que toutes leurs expériences se lient l′une à l′autre par quelque sorte de déduction, afin qu′à l′aide de cette chaîne ils puissent les placer par ordre dans leur esprit, et se les rappeler au besoin ; car il est bien difficile que des faits et même des raisonnements isolés tiennent longtemps dans la mémoire, quand on manque de prise pour les y ramener. Ya he advertido que no les convienen a los niños, ni cuando rayan en la adolescencia, los conocimientos puramente especulativos; pero sin sumirlos en las profundidades de la física sistemática, procurad que todas las experiencias enlacen una a otra por algún género de deducción, para que, con el auxilió de este encadenamiento, las puedan colocar con orden en su espíritu y acordarse de ellas cuando sea necesario, pues es muy difícil que hechos y hasta razonamientos aislados se queden mucho tiempo en la memoria, cuando no hay un asidero para atraerlos.
Dans la recherche des lois de la nature, commencez toujours par les phénomènes les plus communs et les plus sensibles, et accoutumez votre élève à ne pas prendre ces phénomènes pour des raisons, mais pour des faits. Je prends une pierre, je feins de la poser en l′air ; j′ouvre la main, la pierre tombe. Je regarde Émile attentif à ce que je fais, et je lui dis : Pourquoi cette pierre est-elle tombée ? En la investigación de las leyes de la naturaleza, empezad siempre por los fenómenos más sensibles y más comunes y acostumbrad a vuestro alumno a que crea que estos fenómenos son hechos y no razones. Tomo una piedra y finjo que la dejo en el aire, abro la mano y cae la piedra. Observo que Emilio está muy atento y le hago esta pregunta: «¿Por qué ha caído esta piedra?».
Quel enfant restera court à cette question ? Aucun, pas même Émile, si je n′ai pris grand soin de le préparer à n′y savoir pas répondre. Tous diront que la pierre tombe parce qu′elle est pesante. Et qu′est-ce qui est pesant ? C′est ce qui tombe. La pierre tombe donc parce qu′elle tombe ? Ici mon petit philosophe est arrêté tout de bon. Voilà sa première leçon de physique systématique, et soit qu′elle lui profite ou non dans ce genre, ce sera toujours une leçon de bon sens. ¿Qué niño será el que no sepa qué contestar a esta pregunta? Ninguno, ni Emilio, si yo no he tratado de desorientarle para que no sepa responder. Todos contestarán que la piedra cae porque es pesada. ¿Y qué significa pesado? Lo que cae. ¿Luego la piedra cae porque cae? Es aquí donde se detiene mi pequeño filósofo. Esta será su primera lección de física sistemática y lo mismo si la aprovecha como si no, para esta ciencia siempre resultará una lección de un recto juicio.
À mesure que l′enfant avance en intelligence, d′autres considérations importantes nous obligent à plus de choix dans ses occupations. Sitôt qu′il parvient à se connaître assez lui-même pour concevoir en quoi consiste son bien-être, sitôt qu′il peut saisir des rapports assez étendus pour juger de ce qui lui convient et de ce qui ne lui convient pas, dès lors il est en état de sentir la différence du travail à l′amusement, et de ne regarder celui-ci que comme le délassement de l′autre. Alors des objets d′utilité réelle peuvent entrer dans ses études, et l′engager à y donner une application plus constante qu′il n′en donnait à de simples amusements. La loi de la nécessité, toujours renaissante, apprend de bonne heure à l′homme à faire ce qui ne lui plaît pas pour prévenir un mal qui lui déplairait davantage. Tel est l′usage de la prévoyance ; et, de cette prévoyance bien ou mal réglée, naît toute la sagesse ou toute la misère humaine. A medida que el niño crece en inteligencia, nos obligan otros motivos importantes a escoger con mayor detención sus ocupaciones. Cuando ya llega a conocerse a sí mismo de un modo suficiente para comprender en qué consiste su bienestar; cuando adquiere relaciones suficientes para comprender lo que le conviene y lo que no, entonces ya está en condiciones de apreciar la diferencia que existe entre el trabajo y la diversión y de mirarla como a un desahogo del trabajo. Ya pueden formar parte de sus estudios objetos realmente útiles y convencerse de que debe poner en ellos una aplicación más constante que la que ponía en simples pasatiempos. Desde muy temprano enseña al hombre la ley de la necesidad, la cual renace a cada instante, a que haga lo que no es de su agrado para prevenir lo que le sería más penoso. Para esta finalidad nos sirve la previsión, y de esta previsión, bien o mal ordenada, nace la sabiduría o la miseria humana.
Tout homme veut être heureux ; mais, pour parvenir à l′être, il faudrait commencer par savoir ce que c′est que le bonheur. Le bonheur de l′homme naturel est aussi simple que sa vie ; il consiste à ne pas souffrir : la santé, la liberté, le nécessaire le constituent. Le bonheur de l′homme moral est autre chose ; mais ce n′est pas de celui-là qu′il est ici question. Je ne saurais trop répéter qu′il n′y a que des objets purement physiques qui puissent intéresser les enfants, surtout ceux dont on n′a pas éveillé la vanité, et qu′on n′a point corrompus d′avance par le poison de l′opinion. Todo hombre aspira a la felicidad, pero para conseguirla, debemos saber primero qué es la felicidad. La del hombre natural es tan sencilla como su vida; tiene por fundamento el no padecer y la constituyen la salud, la libertad y lo necesario. Otra es la felicidad del hombre moral, pero aquí no tratamos de ésta. Nunca me cansaré de repetir que sólo los objetos puramente físicos pueden interesar a los niños, especialmente a los que aún no ha despertado la vanidad, y de antemano no han sido maleados por el veneno de la opinión.
Lorsque avant de sentir leurs besoins ils les prévoient, leur intelligence est déjà fort avancée, ils commencent à connaître le prix du temps. Il importe alors de les accoutumer à en diriger l′emploi sur des objets utiles, mais d′une utilité sensible à leur âge, et à la portée de leurs lumières. Tout ce qui tient à l′ordre moral et à l′usage de la société ne doit point sitôt leur être présenté, parce qu′ils ne sont pas en état de l′entendre. C′est une ineptie d′exiger d′eux qu′ils s′appliquent à des choses qu′on leur dit vaguement être pour leur bien, sans qu′ils sachent quel est ce bien, et dont on les assure qu′il tireront du profit étant grands, sans qu′ils prennent maintenant aucun intérêt à ce prétendu profit, qu′ils ne sauraient comprendre. Cuando prevén sus necesidades antes de sentirlas, ya está muy adelantada su inteligencia y comienzan a conocer el valor del tiempo. Entonces es muy importante acostumbrarles a que encaminen su empleo hacia objetos útiles, pero de una utilidad palpable para su edad y que su edad pueda alcanzar. No se les debe presentar tan pronto aquello que tiene conexión con el orden moral y con el clima de la sociedad, puesto que no son capaces de entenderlo. Es una necedad exigir que se dediquen a cosas que sólo de una forma muy vaga han de servir para su bien, desconociendo qué clase de bien es ese que les aseguran que les ha de ser provechoso para cuando sean mayores, sin que ningún interés tengan por el momento para ese pretendido provecho, el cual son incapaces de comprender.
Que l′enfant ne fasse rien sur parole : rien n′est bien pour lui que ce qu′il sent être tel. En le jetant toujours en avant de ses lumières, vous croyez user de prévoyance, et vous en manquez. Pour l′armer de quelques vains instruments dont il ne fera peut-être jamais d′usage, vous lui ôtez l′instrument le plus universel de l′homme, qui est le bon sens ; vous l′accoutumez à se laisser toujours conduire, à n′être jamais qu′une machine entre les mains d′autrui. Vous voulez qu′il soit docile étant petit : c′est vouloir qu′il soit crédule et dupe étant grand. Vous lui dites sans cesse : « Tout ce que je vous demande est pour votre avantage ; mais vous n′êtes pas en état de le connaître. Que m′importe à moi que vous fassiez ou non ce que j′exige ? c′est pour vous seul que vous travaillez. » Avec tous ces beaux discours que vous lui tenez maintenant pour le rendre sage, vous préparez le succès de ceux que lui tiendra quelque jour un visionnaire, un souffleur, un charlatan, un fourbe, ou un fou de toute espèce, pour le prendre à son piège ou pour lui faire adopter sa folie. Que el niño no haga nada porque así se lo digan, ya que sólo es bueno para él lo que él entiende que es bueno. Si lo ponéis siempre más allá de donde pueden alcanzar sus luces, os figuráis que tenéis previsión, pero carecéis de ella. Por cargarle con algunos instrumentos vanos de los cuales quizá no hará nunca uso, le quitáis el instrumento más universal del hombre: la razón; le acostumbráis a que siempre se deje guiar, de tal forma que jamás será otra cosa que una máquina en manos ajenas. Pretendéis que sea dócil cuando es pequeño, y eso es querer que sea crédulo y le burle cuando sea hombre. Continuamente le decís: «Todo lo que te exijo es para tu provecho, pero no eres capaz de comprenderlo. ¿Qué me importa a mí que lo hagas o no? Para ti el resultado». Con estas buenas razones que ahora le dais con el fin de que adquiera discreción, le dejáis dispuesto para que un día se deje sugestionar por las que le diga un iluso, un truhán, un majadero o un loco cualquiera, para que caiga en sus lazos o comparta su locura.
Il importe qu′un homme sache bien des choses dont un enfant ne saurait comprendre l′utilité ; mais faut-il et se peut-il qu′un enfant apprenne tout ce qu′il importe à un homme de savoir ? Tâchez d′apprendre à l′enfant tout ce qui est utile à son âge, et vous verrez que tout son temps sera plus que rempli. Pourquoi voulez-vous, au préjudice des études qui lui conviennent aujourd′hui, l′appliquer à celles d′un âge auquel il est si peu sûr qu′il parvienne ? Mais, direz-vous, sera-t-il temps d′apprendre ce qu′on doit savoir quand le moment sera venu d′en faire usage ? Je l′ignore : mais ce que je sais, c′est qu′il est impossible de l′apprendre plus tôt ; car nos vrais maîtres sont l′expérience et le sentiment, et jamais l′homme ne sent bien ce qui convient à l′homme que dans les rapports où il s′est trouvé. Un enfant sait qu′il est fait pour devenir homme, toutes les idées qu′il peut avoir de l′état d′homme sont des occasions d′instruction pour lui ; mais sur les idées de cet état qui ne sont pas à sa portée il doit rester dans une ignorance absolue. Tout mon livre n′est qu′une preuve continuelle de ce principe d′éducation. Es conveniente que un hombre sepa muchas cosas cuya utilidad no puede comprender un niño, ¿pero necesita o es posible siquiera que aprenda un niño todo lo que importa que sepa el hombre? Procurad enseñar a un niño todo lo que es útil para su edad, y os daréis cuenta de que es más que suficiente para llenar su tiempo. ¿Por qué queréis, en detrimento de los estudios que actualmente le convienen, aplicarle los de una edad a la cual es incierto haya de llegar? Vosotros me diréis: ¿habría tiempo para aprender lo que debe saberse cuando llegue el momento de hacer uso de ello? No lo sé, pero lo que sí sé es que no es posible aprenderlo antes, porque la experiencia y el sentimiento son nuestros verdaderos maestros, y el hombre nunca sabe lo que le conviene más allá del círculo en que se ha desenvuelto. El niño ha de llegar a hombre; todas las ideas que del estado de hombre puede forjarse resultan para él motivos de instrucción, pero acerca de las ideas de este estado, las cuales exceden a su capacidad, debe permanecer en absoluta ignorancia. Todo mi libro no es más que la prueba ininterrumpida de este principio de educación.
Sitôt que nous sommes parvenus à donner à notre élève une idée du mot utile, nous avons une grande prise de plus pour le gouverner ; car ce mot le frappe beaucoup, attendu qu′il n′a pour lui qu′un sens relatif à son âge, et qu′il en voit clairement le rapport à son bien-être actuel. Vos enfants ne sont point frappés de ce mot parce que vous n′avez pas eu soin de leur en donner une idée qui soit à leur portée, et que d′autres se chargeant toujours de pourvoir à ce qui leur est utile, ils n′ont jamais besoin d′y songer eux-mêmes, et ne savent ce que c′est qu′utilité. En el momento que hemos logrado dar a nuestro alumno una idea de la palabra útil, ya tenemos otro asidero para conducirle. Esta voz le causa mucha impresión, va que para él sólo tiene un significado relativo a su edad y ve claramente la relación con su actual bienestar. A vuestros hijos no les hace mella esta voz, porque no os habéis esmerado en proporcionarles una idea de ella que no excediese a su capacidad, y porque encargándose otros de proporcionarles lo que es útil, nunca necesitan pensar en la utilidad ni saben qué es.
À quoi cela est-il bon ? Voilà désormais le mot sacré, le mot déterminant entre lui et moi dans toutes les actions de notre vie : voilà la question qui de ma part suit infailliblement toutes ses questions, et qui sert de frein à ces multitudes d′interrogations sottes et fastidieuses dont les enfants fatiguent sans relâche et sans fruit tous ceux qui les environnent, plus pour exercer sur eux quelque espèce d′empire que pour en tirer profit. Celui à qui, pour sa plus importante leçon, l′on apprend à ne vouloir rien savoir que d′utile, interroge comme Socrate ; il ne fait pas une question sans s′en rendre à lui-même la raison qu′il sait qu′on lui en va demander avant que de la résoudre. ¿Para qué sirve eso? Esta será en lo sucesivo la palabra sagrada, la expresión que entre él y yo ha de determinar todas las acciones de nuestra vida; la pregunta que de un modo infalible rebatiré siempre y que pondrá freno a esa serie de necias y fastidiosas preguntas con que fatigan a cuantos tienen cerca, menos por sacar provecho que por tener sobre ellos algún género de imperio. Aquél a quien enseñan como la lección más importante que nada debe saber que no sea útil, pregunta como Sócrates, y no propone ninguna cuestión sin darse primero así mismo razón que antes de resolverla sabe que van a pedirle.
Voyez quel puissant instrument je vous mets entre les mains pour agir sur votre élève. Ne sachant les raisons de rien, le voilà presque réduit au silence quand il vous plaît ; et vous, au contraire, quel avantage vos connaissances et votre expérience ne vous donnent-elles point pour lui montrer l′utilité de tout ce que vous lui proposez ! Car, ne vous y trompez pas, lui faire cette question, c′est lui apprendre à vous la faire à son tour ; et vous devez compter, sur tout ce que vous lui proposerez dans la suite, qu′à votre exemple il ne manquera pas de dire : À quoi cela est-il bon ? Ved qué poderoso instrumento pongo en vuestras manos para emplearlo con vuestro alumno. Como no sabe la razón de nada, le tenéis ya reducido casi al silencio cuando queráis, y, por el contrario, ¡qué ventaja sacaréis de vuestros conocimientos y experiencias al hacerle ver la utilidad de todo lo que le propongáis! Porque, pero no os equivoquéis, hacerle esta pregunta es enseñarle a que él también os la haga, y debéis tener en cuenta que para todo lo que en adelante le propongáis, no dejará de preguntaros, lo mismo que vosotros: ¿Para qué sirve eso?».
C′est ici peut-être le piège le plus difficile à éviter pour un gouverneur. Si, sur la question de l′enfant, ne cherchant qu′à vous tirer d′affaire, vous lui donnez une seule raison qu′il ne soit pas en état d′entendre, voyant que vous raisonnez sur vos idées et non sur les siennes, il croira ce que vous lui dites bon pour votre âge, et non pour le sien ; il ne se fiera plus à vous, et tout est perdu. Mais où est le maître qui veuille bien rester court et convenir de ses torts avec son élève ? tous se font une loi de ne pas convenir même de ceux qu′ils ont ; et moi je m′en ferais une de convenir même de ceux que je n′aurais pas, quand je ne pourrais mettre mes raisons à sa portée : ainsi ma conduite, toujours nette dans son esprit, ne lui serait jamais suspecte, et je me conserverais plus de crédit en me supposant des fautes, qu′ils ne font en cachant les leurs. Tal vez sea éste el lazo que con mayor dificultad evita un ayo. Si, a la pregunta del niño, procurando sólo salir del paso, dais una razón que no sea capaz de entender, al observar que discurras según vuestras ideas y no según las suyas, creerá que lo que le decís sirve para vuestra edad y no para la de él; dejará de tener confianza en vos, y entonces se habrá perdido todo. ¿Cuál es, sin embargo, el maestro que se quiera quedar corto y confesar a su alumno que no tiene razón? Generalmente todos tienen por norma la de no confesar al alumno sus yerros, aun cuando los cometan; yo, por el contrario, tendría la de confesar hasta los que no hubiese cometido cuando fuese incapaz de poner a su alcance mis razones; así, no desconfiando de mi conducta, nunca le sería sospechosa y me concedería más crédito al atribuirme culpas no cometidas que el que logran los maestros ocultando las que realmente cometen.
Premièrement, songez bien que c′est rarement à vous de lui proposer ce qu′il doit apprendre ; c′est à lui de le désirer, de le chercher, de le trouver ; à vous de le mettre à sa portée, de faire naître adroitement ce désir et de lui fournir les moyens de le satisfaire. Il suit de là que vos questions doivent être peu fréquentes, mais bien choisies ; et que, comme il en aura beaucoup plus à vous faire que vous à lui, vous serez toujours moins à découvert, et plus souvent dans le cas de lui dire : En quoi ce que vous me demandez est-il utile à savoir ? Pensad que rara vez debéis proponerle lo que él ha de aprender; a él le toca desearlo, indagarlo y hallarlo, y el ayo ponerlo a su alcance, hacer con habilidad que nazca este deseo y proporcionarle medios para que lo satisfaga. De aquí se infiere que vuestras preguntas hayan de ser poco frecuentes, pero bien escogidas, y como él os hará muchas más que las que le hagáis a él, siempre estaréis menos en descubierto, y con más frecuencia en el caso de decirle:
De plus, comme il importe peut qu′il apprenne ceci ou cela, pourvu qu′il conçoive bien ce qu′il apprend, et l′usage de ce qu′il apprend, sitôt que vous n′avez pas à lui donner sur ce que vous lui dites un éclaircissement qui soit bon pour lui, ne lui en donnez point du tout. Dites-lui sans scrupule : Je n′ai pas de bonne réponse à vous faire ; j′avais tort, laissons cela. Si votre instruction était réellement déplacée, il n′y a pas de mal à l′abandonner tout à fait ; si elle ne l′était pas, avec un peu de soin vous trouverez bientôt l′occasion de lui en rendre l′utilité sensible. … «No tengo una respuesta buena para darte; yo no tenía razón, y dejemos eso». Si era realmente inoportuna vuestra instrucción, no hay ningún inconveniente en abandonarla, y si no lo era, con un poco de tacto pronto hallaréis ocasión de lograr que sea palpable su utilidad.
Je n′aime point les explications en discours ; les jeunes gens y font peu d′attention et ne les retiennent guère. Les choses ! les choses ! Je ne répéterai jamais assez que nous donnons trop de pouvoir aux mots ; avec notre éducation babillarde nous ne faisons que des babillards. No me complacen las explicaciones con largos razonamientos; los niños atienden poco a ellas, y aún las retienen menos en la cabeza. Cosas, cosas... No me cansaré de repetir que damos mucho valor a las palabras, y que con nuestra educación a base de palabrería, no formamos otra cosa que niños palabreros.
Supposons que, tandis que j′étudie avec mon élève le cours du soleil et la manière de s′orienter, tout à coup il m′interrompe pour me demander à quoi sert tout cela. Quel beau discours je vais lui faire ! de combien de choses je saisis l′occasion de l′instruire en répondant à sa question, surtout si nous avons des témoins de notre entretien {a href="#4">[4]. Je lui parlerai de l′utilité des voyages, des avantages du commerce, des productions particulières à chaque climat, des mœurs des différents peuples, de l′usage du calendrier, de la supputation du retour des saisons pour l′agriculture, de l′art de la navigation, de la manière de se conduire sur mer et de suivre exactement sa route, sans savoir où l′on est. La politique, l′histoire naturelle, l′astronomie, la morale même et le droit des gens entreront dans mon explication, de manière à donner à mon élève une grande idée de toutes ces sciences et un grand désir de les apprendre. Quand j′aurai tout dit, j′aurai fait l′étalage d′un vrai pédant, auquel il n′aura pas compris une seule idée. Il aurait grande envie de me demander comme auparavant à quoi sert de s′orienter ; mais il n′ose, de peur que je me fâche. Il trouve mieux son compte à feindre d′entendre ce qu′on l′a forcé d′écouter. Ainsi se pratiquent les belles éducations. Supongamos que mientras estoy estudiando con mi alumno el curso del sol y el modo para orientarse, de pronto me interrumpe preguntándome para qué sirve eso. ¡Qué razonamiento más elocuente le voy a ofrecer! ¡Cómo voy a aprovecharme de esta ocasión para que aprenda una porción de cosas en la respuesta a su pregunta, especialmente si hay quien presencie nuestra conferencia ! Le hablaré de la utilidad de los viajes, de los beneficios que proporciona el comercio, de las producciones peculiares de cada clima, de las varias costumbres de los pueblos, del uso del calendario, de la computación de la vuelta de las estaciones para la agricultura, del arte de la navegación, del modo de dirigirse en el mar y seguir con puntualidad su camino sin saber uno dónde esta; mezclaré en mi explicación la política, la Historia Natural, ′la Astronomía y hasta la Moral y el Derecho de gentes, para que mi alumno tenga una alta idea de todas estas ciencias y un gran deseo de aprenderlas. Cuando le haya dicho todo esto, habré hecho el alarde de un verdadero pedante, y él no habrá comprendido ni siquiera una palabra. Le quedarían ganas de preguntarme, como antes, para qué sirve orientarse, pero no se atreve debido a que teme que me enfade; le tiene más cuenta fingir que ha entendido lo que le han obligado a escuchar. Así se hacen las brillantes educaciones.
Mais notre Émile, plus rustiquement élevé, et à qui nous donnons avec tant de peine une conception dure, n′écoutera rien de tout cela. Du premier mot qu′il n′entendra pas, il va s′enfuir, il va folâtre par la chambre, et me laisser pérorer tout seul. Cherchons une solution plus grossière ; mon appareil scientifique ne vaut rien pour lui. Pero educado más a lo rústico, nuestro Emilio, a quien con tanto trabajo hemos inculcado nuestras concepciones, no escucha nada, y a la primera palabra que no entiende, se zafa, empieza a brincar por la habitación y me deja plantado. Busquemos una solución más tosca, puesto que mi aparato científico no vale nada para él.
Nous observions la position de la forêt au nord de Montmorency, quand il m′a interrompu par son importune question : À quoi sert cela ? Vous avez raison, lui dis-je, il y faut penser à loisir ; et si nous trouvons que ce travail n′est bon à rien, nous ne le reprendrons plus, car nous ne manquons pas d′amusements utiles. On s′occupe d′autre chose, et il n′est plus question de géographie du reste de la journée. Estábamos observando la posición del bosque al norte de Montmorency cuando me interrumpió con su impertinente pregunta: «¿Para qué sirve eso?» «Tienes razón, le dije; pensaremos más despacio, y si hallamos que este estudio no sirve para nada, nunca trataremos del mismo, puesto que no nos hace falta en qué entretener útilmente el tiempo.» Nos ocupamos en otra cosa y no se vuelve en todo el resto de la tarde a hablar de geografía.
Le lendemain matin, je lui propose un tour de promenade avant le déjeuner ; il ne demande pas mieux ; pour courir, les enfants sont toujours prêts, et celui-ci a de bonnes jambes. Nous montons dans la forêt, nous parcourons les Champeaux, nous nous égarons, nous ne savons plus où nous sommes ; et, quand il s′agit de revenir, nous ne pouvons plus retrouver notre chemin. Le temps se passe, la chaleur vient, nous avons faim ; nous nous pressons, nous errons vainement de côté et d′autre, nous ne trouvons partout que des bois, des carrières, des plaines, nul renseignement pour nous reconnaître. Bien échauffés, bien recrus, bien affamés, nous ne faisons avec nos courses que nous égarer davantage. Nous nous asseyons enfin pour nous reposer, pour délibérer. Émile que je suppose élevé comme un autre enfant, ne délibère point, il pleure ; il ne sait pas que nous sommes à la porte de Montmorency, et qu′un simple taillis nous le cache ; mais ce taillis est une forêt pour lui, un homme de sa stature est enterré dans des buissons. Al día siguiente, por la mañana, le propongo un paseo antes del desayuno; él no desea otra cosa, puesto que los chicos siempre están dispuestos para correr, v Emilio tiene buenas piernas. Trepamos por el bosque, atravesamos prados, nos extraviamos, no sabemos dónde nos hallamos, y pretendiendo regresar, no damos con el camino. Va pasando el tiempo, arrecia el calor y tenemos hambre; vamos vagando de un sitio para otro y sólo encontramos bosques, barbechos y llanos, sin ver ninguna señal que nos proporcione algún conocimiento sobre el lugar donde estamos. Sudorosos, fatigados y hambrientos, con nuestros extravíos no hacemos otra cosa que agotarnos más. Por último nos sentamos para descansar y deliberar. Emilio, que yo supongo que está educado como otro niño cualquiera, no delibera, sino que llora; él ignora que estamos en las puertas de Montmorency y que un poderoso arbolado nos impide verlo, pero para él este muro vegetal es una terrible selva, pues un hombre de su estatura entre zarzas está como enterrado.
Après quelques moments de silence, je lui dis d′un air inquiet : Mon cher Émile, comment ferons-nous pour sortir d′ici ? Luego de unos instantes de silencio, le digo con acento inquieto: «Querido Emilio, ¿qué haremos para salir de aquí?».
EMILE, en nage, & pleurant à chaudes larmes. Emilio, sudando y llorando a lágrima viva, gime:
Je n′en sais rien. Je suis las ; j′ai faim ; j′ai soif ; je n′en puis plus. -No lo sé. Estoy cansado; tengo hambre y sed; yo no puedo más.
JEAN-JACQUES: Me croyez-vous en meilleur état que vous ? & pensez-vous que je me fisse faute de pleurer, si je pouvois déjeuner de mes larmes ? Il ne s′agit pas de pleurer, il s′agit de se reconnaître. Voyons votre montre ; quelle heure est-il ? JUAN JACOBO:
¿Crees que yo estoy en mejor estado? ¿Piensas tú que no lloraría si pudiera desayunar con lágrimas? No se trata de llorar, sino de conocer el sitio donde estamos. A ver tu reloj; ¿qué hora es?
EMILE:
Il est midi, & je suis à jeun.
EMILIO:
Son las doce y no me he desayunado.
JEAN-JACQUES:
Cela est vrai, il est midi, & je suis à jeun.
JUAN JACOBO:
Es verdad, son las doce, y no me he desayunado.
EMILE:
Oh ! que vous devez avoir faim !
EMILIO:
¡Oh, qué hambre debe de tener usted!
JEAN-JACQUES:
Le malheur est que mon dîner ne viendra pas me chercher ici. Il est midi : c′est justement l′heure où nous observions hier de Montmorency la position de la forêt. Si nous pouvions de même observer de la forêt la position de Montmorency !…
JUAN JACOBO:
Lo peor es que la comida no vendrá aquí. Son las doce, justamente la misma hora en que ayer observábamos desde Montmorency la posición del bosque. Si pudiéramos observar del mismo modo desde el bosque la posición de Montmorency...
EMILE:
Oui ; mais nous voyions la forêt, & d′ici nous voyons pas la ville.
EMILIO:
Si, pero ayer veíamos el bosque, y desde aquí no vemos el pueblo.
JEAN-JACQUES:
Voilà le mal… Si nous pouvions nous passer de la pour trouver sa position !…
JUAN JACOBO:
Eso es lo malo... Si pudiéramos sin verlo precisar su posición...
EMILE:
Ô mon bon ami !
EMILIO:
¡Ah, mi buen amigo!
JEAN-JACQUES:
Ne disions-nous pas que la forêt était.
JUAN JACOBO:
Decíamos que el bosque estaba en...
EMILE:
Au nord de Montmorency.
EMILIO:
Al norte de Montmorency.
JEAN-JACQUES:
Par conséquent Montmorency doit être…
JUAN JACOBO:
¿Entonces, Montmorency estará...?
EMILE:
Au sud de la forêt.
EMILIO:
Al sur del bosque.
JEAN-JACQUES:
Nous avons un moyen de trouver le bord à midi ?
JUAN JACOBO:
Tenemos un medio para hallar el norte a las doce del día.
EMILE:
Oui, par la direction de l′ombre.
EMILIO:
Sí, por la dirección de la sombra.
JEAN JACQUES:
Mais le sud ?
JUAN JACOBO:
: ¿Y el sur?
EMILE:
Comment faire ?
EMILIO:
¿Cómo lo haremos?
JEAN JACQUES:
Le sud est l′opposé du nord.
JUAN JACOBO:
El sur es la parte opuesta del norte.
EMILE: Cela est vrai ; il n′y a qu′à chercher l′opposé de l′ombre. Oh ! voilà le sud ! voilà le sud ! sûrement Montmorency est de ce cote. EMILIO:
Cierto, no hay más que seguir la dirección contraria a la sombra. ¡Ah!, hacia allá está el sur, es el sur, estoy seguro de que Montmorency está hacia este lado.
JEAN-JAQUES:
Vous pouvez avoir raison : prenons ce sentier à travers le bois.
JUAN JACOBO:
Puede que tengas razón; sigamos ese caminito que atraviesa el bosque.
EMILE, frappant des mains, & poussant un cri de joie. Ah ! je vois Montmorency ! le voilà tout devant nous, tout à découvert. Allons déjeuner, allons dîner, courons vite : est bonne à quelque chose. Emilio, dando palmadas y gritos de alborozo, exclama: «¡Ah!, ya veo el pueblo; está ahí, frente a nosotros. Vamos a almorzar, vamos a comer, corramos; ¡qué buena es la astronomía!»
Prenez garde que, s′il ne dit pas cette dernière phrase, il la pensera ; peu importe, pourvu que ce ne soit pas moi qui la dise. Or soyez sûr qu′il n′oubliera de sa vie la leçon de cette journée ; au lieu que, si je n′avais fait que lui supposer tout cela dans sa chambre, mon discours eût été oublié dès le lendemain. Il faut parler tant qu′on peut par les actions, et ne dire que ce qu′on ne saurait faire. Debéis notar que si no pronuncia esta última palabra no dejará por eso de pensarla, y nada importa con tal que no sea yo quien la pronuncie. Pero debéis estar seguros de que no olvidará en toda su vida la lección de este día; en cambio, si yo no hubiera hecho más que figurarle todo esto en su habitación, al día siguiente a no habría recordado una sola palabra de mis razones, es preciso hablar, en cuanto sea posible, con acciones, y sólo lo que no se puede hacer.
Le lecteur ne s′attend pas que je le méprise assez pour lui donner un exemple sur chaque espèce d′étude : mais, de quoi qu′il soit question, je ne puis trop exhorter le gouverneur à bien mesurer sa preuve sur la capacité de l′élève ; car, encore une fois, le mal n′est pas dans ce qu′il n′entend point, mais dans ce qu′il croit entendre. No incomodaré al lector hasta el extremo de presentarle un ejemplo de cada especie de estudios, pero de cualquier cosa que se trate, nunca puedo exhortar lo suficiente al ayo a que mida bien su prueba según la capacidad del alumno, porque, vuelvo a repetirlo, no es lo malo que no entienda, sino que él crea que entiende.
Je me souviens que, voulant donner à un enfant du goût pour la chimie, après lui avoir montré plusieurs précipitations métalliques, je lui expliquais comment se faisait l′encre. Je lui disais que sa noirceur ne venait que d′un fer très divisé, détaché du vitriol, et précipité par une liqueur alcaline. Au milieu de ma docte explication, le petit traître m′arrêta tout court avec ma question que je lui avais apprise : me voilà fort embarrassé. Me viene a la memoria que una vez quise que un niño tomara afición a la química, y después de enseñarle varias precipitaciones metálicas, le explicaba cómo se hacía la tinta, diciéndole que su color negro procedía de un hierro muy dividido, desprendido del vitriolo y precipitado por un licor alcalino. Estando en medio de mi docta explicación, me paró el traidorzuelo preguntándome qué le había enseñado, y me quedé confuso.
Après avoir un peu rêvé, je pris mon parti ; j′envoyai chercher du vin dans la cave du maître de la maison, et d′autre vin à huit sous chez un marchand de vin. Je pris dans un petit flacon de la dissolution d′alcali fixe ; puis, ayant devant moi, dans deux verres, de ces deux différents vins {a href="#5">[5], je lui parlai ainsi : Después de pensar un rato, mandé a buscar vino a la bodega de la casa y otro barato a la taberna. Puse en un frasquito una disolución de álcali fijo; después, teniendo delante un vaso de cada uno de los distintos vinos , le dije:
On falsifie plusieurs denrées pour les faire paraître meilleures qu′elles ne sont. Ces falsifications trompent l′œil et le goût ; mais elles sont nuisibles, et rendent la chose falsifiée pire, avec sa belle apparence, qu′elle n′était auparavant. «Muchos géneros se falsifican para que parezcan mejores de lo que son. Estas falsificaciones engañan a la vista y al gusto, pero son perjudiciales, y con su bonita apariencia transforman la cosa falsificada en otra peor.
On falsifie surtout les boissons, et surtout les vins, parce que la tromperie est plus difficile à connaître, et donne plus de profit au trompeur. »Se falsifican especialmente las bebidas, y más que todas los vinos, pues es más difícil conocer el engaño y más provechoso para el que engaña.
La falsification des vins verts ou aigres se fait avec de la litharge, la litharge est une préparation de plomb. Le plomb uni aux acides fait un sel fort doux, qui corrige au goût la verdeur du vin, mais qui est un poison pour ceux qui le boivent. Il importe donc, avant de boire du vin suspect, de savoir s′il est lithargiré ou s′il ne l′est pas. Or voici comment je raisonne pour découvrir cela. »La falsificación de los vinos ásperos o ácidos se hace con almártaga, una preparación del plomo. Unido el plomo con los ácidos forma una sal muy dulce, la cual corrige la aspereza del vino, pero es un veneno para los que lo beben. Por consiguiente, es importante, antes de beber un vino sospechoso, saber si tiene o no almártaga. Para descubrirlo, discurre yo de la manera siguiente:
La liqueur du vin ne contient pas seulement de l′esprit inflammable, comme vous l′avez vu par l′eau-de-vie qu′on en tire ; elle contient encore de l′acide, comme vous pouvez le connaître par le vinaigre et le tartre qu′on en tire aussi. El vino no sólo contiene alcohol, como lo demuestra el aguardiente que de él se saca, sino que además contiene ácido, como se puede comprobar por el vinagre y el tártaro que de él salen.
L′acide a du rapport aux substances métalliques, et s′unit avec elles par dissolution pour former un sel composé, tel, par exemple, que la rouille, qui n′est qu′un fer dissous par l′acide contenu dans l′air ou dans l′eau, et tel aussi que le vert-de-gris, qui n′est qu′un cuivre dissous par le vinaigre. »El ácido tiene afinidad con las sustancias metálicas, y uniéndose con ellas por disolución, forma una sal compuesta, como el moho, por ejemplo, que no es otra cosa que un hierro disuelto por el ácido contenido en el aire o en el agua, y también el cardenillo, que es el cobre en disolución por el vinagre.
Mais ce même acide a plus de rapport encore aux substances alcalines qu′aux substances métalliques, en sorte que, par l′intervention des premières dans les sels composés dont je viens de vous parler, l′acide est forcé de lâcher le métal auquel il est uni, pour s′attacher à l′alcali. »Pero ese ácido tiene todavía mayor afinidad con las sustancias alcalinas que con las metálicas, de tal modo que, interviniendo las primeras en las sales compuestas, se ve forzado el ácido a soltar el metal a que estaba unido para combinarse con el álcali.
Alors la substance métallique, dégagée de l′acide qui la tenait dissoute, se précipite et rend la liqueur opaque. »Entonces, desprendida la sustancia metálica del ácido en que estaba disuelta, se precipita y enturbia el licor.
Si donc un de ces deux vins est lithargiré, son acide tient la litharge en dissolution. Que j′y verse de la liqueur alcaline, elle forcera l′acide de quitter prise pour s′unir à elle ; le plomb, n′étant plus tenu en dissolution, reparaîtra, troublera la liqueur, et se précipitera enfin dans le fond du verre. »Por consiguiente, si uno de estos dos vinos tiene almártaga, la disuelve el ácido; echándole un licor alcalino, hará que el ácido suelte su presa para combinarse con él, y el plomo, que ya no quedará en disolución, volverá a manifestarse, enturbiará el licor y al final se parará en el fondo del vaso.
S′il n′y a point de plomb {a href="#6">[6] ni d′aucun métal dans le vin, l′alcali s′unira paisiblement {a href="#7">[7] avec l′acide, le tout restera dissous, et il ne se fera aucune précipitation. »Si no hay plomo ni metal alguno en el vino, se combinará pacíficamente el álcali con el ácido , quedará todo disuelto y no habrá precipitación alguna.»
Ensuite je versai de ma liqueur alcaline successivement dans les deux verres : celui du vin de la maison resta clair et diaphane ; l′autre en un moment fut trouble, et au bout d′une heure on vit clairement le plomb précipité dans le fond du verre. Acto seguido derramé sucesivamente gotas de mi licor alcalino en ambos vasos: el vino de casa quedó claro y diáfano, el otro se enturbió al instante, y al cabo de una hora vimos claramente el plomo precipitado en el fondo del vaso.
Voilà, repris-je, le vin naturel et pur dont on peut boire, et voici le vin falsifié qui empoisonne. Cela se découvre par les mêmes connaissances dont vous me demandiez l′utilité : celui qui sait bien comment se fait l′encre sait connaître aussi les vins frelatés. »Este es, continué, el vino natural y puro, y se puede beber, pero este otro es falsificado, es un veneno. Por los mismos conocimientos, cuya utilidad me preguntabas, se descubre esto: el que sabe cómo se hace la tinta, sabe conocer también los vinos adulterados.»
J′étais fort content de mon exemple, et cependant je m′aperçus que l′enfant n′en était point frappé. J′eus besoin d′un peu de temps pour sentir que je n′avais fait qu′une sottise : car, sans parler de l′impossibilité qu′à douze ans un enfant pût suivre mon explication, l′utilité de cette expérience n′entrait pas dans son esprit, parce qu′ayant goûté de deux vins, et les trouvant bons tous deux, il ne joignait aucune idée à ce mot de falsification que je pensais lui avoir si bien expliqué. Ces autres mots malsain, poison, n′avaient même aucun sens pour lui ; il était là-dessus dans le cas de l′historien du médecin Philippe : c′est le cas de tous les enfants. Estaba yo muy contento con mi ejemplo, y, sin embargo note que no le había causado impresión al niño. Necesité algún tiempo para darme cuenta de que había hecho una tontería, ya que, además de que era imposible que un niño de doce años pudiera seguir mi explicación, en su entendimiento no se sabía explicar la utilidad de esta experiencia, porque habiendo probado los dos vinos y habiéndole gustado uno y otro no aplicaba idea alguna a la palabra falsificación, la cual yo creía haberla explicado muy bien. Tampoco comprendía las palabras «perjudicial» y «veneno», y por lo tanto para él carecían de todo significado, y en este punto se hallaba en el mismo caso que el historiador del médico Filipo, que es el de todos los niños.
Les rapports des effets aux causes dont nous n′apercevons pas la liaison, les biens et les maux dont nous n′avons aucune idée, les besoins que nous n′avons jamais sentis, sont nuls pour nous ; il est impossible de nous intéresser par eux à rien faire qui s′y rapporte. On voit à quinze ans le bonheur d′un homme sage, comme à trente la gloire du paradis. Si l′on ne conçoit bien l′un et l′autre, on fera peu de chose pour les acquérir ; et quand même on les concevrait, on fera peu de chose encore si on ne les désire, si on ne les sent convenables à soi. Il est aisé de convaincre un enfant que ce qu′on lui veut enseigner est utile : mais ce n′est rien de le convaincre, si l′on ne sait le persuader. En vain la tranquille raison nous fait approuver ou blâmer ; il n′y a que la passion qui nous fasse agir ; et comment se passionner pour des intérêts qu′on n′a point encore ? Las relaciones de los efectos con las causas, cuya conexión no sabemos ver; los bienes y los males de los cuales no tenemos ninguna idea; las necesidades que nunca hemos sentido, son cosas nulas para nosotros; es imposible que nos inclinen a realizar nada que tenga referencia con ellas. A los quince años uno mira la felicidad de un sabio, y a los treinta la bienaventuranza de los elegidos. Quien no conciba bien una y otra, poco hará para ganarlas, y aun cuando las conciba, se afanará muy poco quien no las desee ni crea que le son convenientes. Es muy fácil convencer a un niño de que es útil lo que quieren enseñarle, pero no importa nada que lo convenzamos si no logramos persuadirle. En vano la razón no hace aprobar o rechazar, ya que sólo la pasión nos induce a obrar, ¿y cómo nos hemos de apasionar por intereses que no son todavía los nuestros?
Ne montrez jamais rien à l′enfant qu′il ne puisse voir. Tandis que l′humanité lui est presque étrangère, ne pouvant l′élever à l′état d′homme, rabaissez pour lui l′homme à l′état d′enfant. En songeant à ce qui lui peut être utile dans un autre âge, ne lui parlez que de ce dont il voit dès à présent l′utilité. Du reste, jamais de comparaisons avec d′autres enfants, point de rivaux, point de concurrents, même à la course, aussitôt qu′il commence à raisonner ; j′aime cent fois mieux qu′il n′apprenne point ce qu′il n′apprendrait que par jalousie ou par vanité. Seulement je marquerai tous les ans les progrès qu′il aura faits ; je les comparerai à ceux qu′il fera l′année suivante ; je lui dirai : Vous êtes grandi de tant de lignes ; voilà le fossé que vous sautiez, le fardeau que vous portiez ; voici la distance où vous lanciez un caillou, la carrière que vous parcouriez d′une haleine, etc. ; voyons maintenant ce que vous ferez. Je l′excite ainsi sans le rendre jaloux de personne. Il voudra se surpasser, il le doit ; je ne vois nul inconvénient qu′il soit émule de lui-même. No mostréis jamás al niño nada que no pueda ver; mientras que casi es ajena de él la humanidad, y no podéis subirle al estado de hombre, bajad al hombre al estado de niño. Disponedle para lo que pueda serle útil en otra edad, pero no le habléis de cosas cuya actual utilidad no sepa ver. En cuanto a lo demás, no hagáis nunca comparaciones con otros niños, que no tenga rivales ni contrincantes, ni siquiera para correr, tan pronto como empiece a discurrir, pues prefiero que nunca aprenda si ha de aprender por celos o por vanidad. Señalaré cada año los progresos que haga y los compararé con los que hará el año siguiente; y le diré: «Tantos dedos has crecido; es el foso que saltabas, la carga que llevabas; hasta aquella distancia tirabas una piedra; ese espacio lo corrías sin descansar, etc. Veamos lo que ahora haces». De esta forma le estimulo sin que tenga celos de nadie. Se querrá vencer a sí mismo, y lo hará; no sé ver que haya ningún inconveniente en que sea émulo de sí mismo.
Je hais les livres ; ils n′apprennent qu′à parler de ce qu′on ne sait pas. On dit qu′Hermès grava sur des colonnes les éléments des sciences, pour mettre ses découvertes à l′abri d′un déluge. S′il les eût bien imprimées dans la tête des hommes, elles s′y seraient conservées par tradition. Des cerveaux bien préparés sont les monuments où se gravent le plus sûrement les connaissances humaines. Aborrezco los libros porque sólo enseñan a hablar de lo que uno no sabe. Dicen que grabó Hermes en columnas los elementos de las ciencias para que no pudiera un diluvio borrar sus descubrimientos. Si los hubiera incrustado bien en la cabeza de los hombres, la tradición los habría conservado. Los monumentos donde con caracteres más duraderos quedan grabados los conocimientos humanos, son los cerebros bien dispuestos.
N′y aurait-il point moyen de rapprocher tant de leçons éparses dans tant de livres, de les réunir sous un objet commun qui pût être facile à voir, intéressant à suivre, et qui pût servir de stimulant, même à cet âge ? Si l′on peut inventer une situation où tous les besoins naturels de l′homme se montrent d′une manière sensible à l′esprit d′un enfant, et où les moyens de pouvoir à ces mêmes besoins se développent successivement avec la même facilité, c′est par la peinture vive et naïve de cet état qu′il faut donner le premier exercice à son imagination. ¿No habría algún modo de agrupar todas las lecciones desparramadas en tantos libros en un objeto común, que pudiera ser fácil verle, interesante seguirle y que sirviera de estimulante incluso en esta edad? Si es posible inventar una situación en que de un modo sensible se manifiesten al espíritu de un niño las necesidades naturales del hombre, y con la misma facilidad se desarrollan sucesivamente los medios de remediar estas mismas necesidades, el primer ejercicio que se debe dar a su imaginación es la pintura viva y natural de este estado.
Philosophe ardent, je vois déjà s′allumer la vôtre. Ne vous mettez pas en frais ; cette situation est trouvée, elle est décrite, et, sans vous faire tort, beaucoup mieux que vous ne la décririez vous-même, du moins avec plus de vérité et de simplicité. Puisqu′il nous faut absolument des livres, il en existe un qui fournit, à mon gré, le plus heureux traité d′éducation naturelle. Ce livre sera le premier que lira mon Émile ; seul il composera durant longtemps toute sa bibliothèque, et il y tiendra toujours une place distinguée. Il sera le texte auquel tous nos entretiens sur les sciences naturelles ne serviront que de commentaire. Il servira d′épreuve durant nos progrès à l′état de notre jugement ; et, tant que notre goût ne sera pas gâté, sa lecture nous plaira toujours. Quel est donc ce merveilleux livre ? Est-ce Aristote ? est-ce Pline ? est-ce Buffon ? Non ; c′est Robinson Crusoé. Filósofo ardiente, ya veo inflamarse la vuestra. No os desviváis, pues esta situación se ha hallado y descrito, y sin querer agravaros, mucho mejor que vos la describierais, por lo menos con más sencillez y verdad. Puesto que precisamos de un modo absoluto los libros, existe uno que, para mi gusto, es el tratado más feliz de educación natural. Ese será el primer libro que lea mi Emilio; él solo compondrá por mucho tiempo toda su biblioteca y siempre ocupará un lugar distinguido. Será el texto al cual servirán de simple comentario todas nuestras conferencias acerca de las ciencias naturales, y servirá de prueba del estado de nuestro discernimiento durante nuestros progresos, y mientras no se nos empobrezca el gusto, siempre nos será agradable su lectura. ¿Pues qué libro maravilloso es éste? ¿Es Aristóteles? ¿Es Plinio? ¿Es Buffon? No; es Robinson Crusoe.
Robinson Crusoé dans son île, seul, dépourvu de l′assistance de ses semblables et des instruments de tous les arts, pourvoyant cependant à sa subsistance, à sa conservation, et se procurant même une sorte de bien-être, voilà un objet intéressant pour tout âge, et qu′on a mille moyens de rendre agréable aux enfants. Voilà comment nous réalisons l′île déserte qui me servait d′abord de comparaison. Cet état n′est pas, j′en conviens, celui de l′homme social ; vraisemblablement il ne doit pas être celui d′Émile : mais c′est sur ce même état qu′il doit apprécier tous les autres. Le plus sûr moyen de s′élever au-dessus des préjugés et d′ordonner ses jugements sur les vrais rapports des choses, est de se mettre à la place d′un homme isolé, et de juger de tout comme cet homme en doit juger lui-même, eu égard à sa propre utilité. Robinson Crusoe, solo en su isla; privado del auxilio de sus semejantes y de los instrumentos de todas las artes, procurándose, no obstante, su alimento y conservación, y logrando hasta una especie de bienestar, es un objeto que a cualquier edad interesa, y existen mil medios de hacerlo grato a los niños. De este modo realizamos la isla desierta que al principio me sirvió de comparación. Estoy de acuerdo en que no es el estado del hombre social, ni es verosímil que haya de ser el de Emilio, pero por este estado debe apreciar todos los demás. El medio más seguro de colocarse en una esfera superior a las preocupaciones, y coordinar sus juicios según las verdaderas relaciones de las cosas, es suponerse un hombre aislado y juzgar de todo como debe juzgar este mismo hombre en relación, a su propia utilidad.
Ce roman, débarrassé de tout son fatras, commençant au naufrage de Robinson près de son île, et finissant à l′arrivée du vaisseau qui vient l′en tirer, sera tout à la fois l′amusement et l′instruction d′Émile durant l′époque dont il est ici question. Je veux que la tête lui en tourne, qu′il s′occupe sans cesse de son château, de ses chèvres, de ses plantations ; qu′il apprenne en détail, non dans des livres, mais sur les choses, tout ce qu′il faut savoir en pareil cas ; qu′il pense être Robinson lui-même ; qu′il se voie habillé de peaux, portant un grand bonnet, un grand sabre, tout le grotesque équipage de la figure, au parasol près, dont il n′aura pas besoin. Je veux qu′il s′inquiète des mesures à prendre, si ceci ou cela venait à lui manquer, qu′il examine la conduite de son héros, qu′il cherche s′il n′a rien omis, s′il n′y avait rien de mieux à faire ; qu′il marque attentivement ses fautes, et qu′il en profite pour n′y pas tomber lui-même en pareil cas ; car ne doutez point qu′il ne projette d′aller faire un établissement semblable ; c′est le vrai château en Espagne de cet heureux âge, où l′on ne connaît d′autre bonheur que le nécessaire et la liberté. Apartando de esta novela todo su fárrago, comenzándola por el naufragio de Robinson cerca de su isla y concluyéndola con la llegada del navío que viene a sacarle de ella, será en conjunto la diversión y la instrucción de Emilio durante la época de que aquí tratamos. Deseo que pierda la cabeza ocupándose sin cesar en su fortaleza, en sus cabras, en sus plantíos; que aprenda circunstancialmente, no en los libros, sino eN las cosas, todo cuanto en un caso semejante debe saberse, y que se figure que él es un Robinson; que se vea vestido de pieles, con un gorro sin forma, un enorme sable, y todo el estrambótico atavío de la figura menos el quitasol que no necesita. Quiero que le angustien las medidas que ha de tomar si le llega a faltar esto o lo otro; que examine la conducta de su héroe que averigüe si éste no omitió nada y si hubiera podido hacer otra cosa mejor; que note con atención su: errores y los aproveche para no incurrir en ellos s llegase a encontrarse en un caso semejante, pues no os quepa duda alguna de que proyectará ir a construir un establecimiento parecido, porque estas son las torres de viento de esta venturosa edad en que no se aspira a otra dicha que tener lo necesario y libertad.
Quelle ressource que cette folie pour un homme habile, qui n′a su la faire naître qu′afin de la mettre à profit ! L′enfant, pressé de se faire un magasin pour son île, sera plus ardent pour apprendre que le maître pour enseigner. Il voudra savoir tout ce qui est utile, et ne voudra savoir que cela ; vous n′aurez plus besoin de le guider, vous n′aurez qu′à le retenir. Au reste, dépêchons-nous de l′établir dans cette île, tandis qu′il y borne sa félicité ; car le jour approche où, s′il y veut vivre encore, il n′y voudra plus vivre seul, et où Vendredi, qui maintenant ne le touche guère, ne lui suffira pas longtemps. ¡Cuántos recursos ofrece esta locura a un hombre hábil, que sólo se le ha sugerido para aprovecharse de ella! Ansioso el niño para ordenar un almacén para su isla, aprenderá con mayor ardor que si se lo enseñar< el maestro. Querrá saber todo lo que pueda serle de alguna utilidad, y no deseará saber nada más. Ya no necesitaréis guiarle, puesto que os veréis precisados < contenerle; por lo demás, renunciemos a habitar en esa isla que para él es su felicidad y todavía quiere vivir en ella, pero sin estar solo, el salvaje compañero de Robinson, Domingo, que le interesa poco actualmente, ya no puede bastarle.
La pratique des arts naturels, auxquels peut suffire un seul homme, mène à la recherche des arts d′industrie, et qui ont besoin du concours de plusieurs mains. Les premiers peuvent s′exercer par des solitaires, par des sauvages ; mais les autres ne peuvent naître que dans la société, et la rendent nécessaire. Tant qu′on ne connaît que le besoin physique, chaque homme se suffit à lui-même ; l′introduction du superflu rend indispensable le partage et distribution du travail ; car, bien qu′un homme travaillant seul ne gagne que la subsistance d′un homme, cent hommes, travaillant de concert, gagneront de quoi en faire subsister deux cents. Sitôt donc qu′une partie des hommes se repose, il faut que le concours des bras de ceux qui travaillent supplée à l′oisiveté de ceux qui ne font rien. El ejercicio de las artes naturales, para las cuales puede ser suficiente un hombre solo, conduce a la investigación de las artes industriales, que necesitan del concurso de muchos. Salvajes y solitarios pueden desarrollar las primeras, y las otras nacen en la sociedad, resultando indispensables. Cuando sólo se conoce la necesidad física, cada hombre se basta a sí mismo; la introducción de lo superfluo necesita dividir y distribuir el trabajo, porque si bien es verdad que un hombre que trabaja solo no gana más que para la subsistencia de uno, cien que trabajen de acuerdo ganarán para que subsistan doscientos. Por lo tanto, si una parte de los hombres viven sin trabajar, es necesario que los que trabajan suplan la ociosidad de aquéllos.
Votre plus grand soin doit être d′écarter de l′esprit de votre élève toutes les notions des relations sociales qui ne sont pas à sa portée ; mais, quand l′enchaînement des connaissances vous force à lui montrer la mutuelle dépendance des hommes, au lieu de la lui montrer par le côté moral, tournez d′abord toute son attention vers l′industrie et les arts mécaniques, qui les rendent utiles les uns aux autres. En le promenant d′atelier en atelier, ne souffrez jamais qu′il voie aucun travail sans mettre lui-même la main à l′œuvre, ni qu′il en sorte sans savoir parfaitement la raison de tout ce qui s′y fait, ou du moins de tout ce qu′il a observé. Pour cela, travaillez vous-même, donnez-lui partout l′exemple ; pour le rendre maître, soyez partout apprenti, et comptez qu′une heure de travail lui apprendra plus de choses qu′il n′en retiendrait d′un jour d′explications. Vuestro mayor cuidado será apartar del espíritu de vuestro alumno todas las nociones de las relaciones sociales que excedan de su capacidad, pero cuando por el encadenamiento de sus conocimientos os veáis obligados a exponerle la dependencia recíproca de los hombres, en vez de mostrársela por su aspecto moral, llamad primero su atención hacia la industria y las artes mecánicas, las cuales hacen que sean útiles unos a otros. Paseadle de obrador en obrador y no consintáis nunca que vea una operación sin que él intervenga, ni que salga del taller sin saber a fondo la razón de lo que se hace en él, o de lo que haya observado. Para lograr este fin, debéis trabajar vos mismo, dándole de este modo ejemplo; para que él se haga maestro, debéis haceros aprendiz, y estad seguro de que aprenderá más en una hora de trabajo que con un día de explicaciones.
Il y a une estime publique attachée aux différents arts en raison inverse de leur utilité réelle. Cette estime se mesure directement sur leur inutilité même, et cela doit être. Les arts les plus utiles sont ceux qui gagnent le moins, parce que le nombre des ouvriers se proportionne au besoin des hommes, et que le travail nécessaire à tout le monde reste forcément à un prix que le pauvre peut payer. Au contraire, ces importants qu′on n′appelle pas artisans, mais artistes, travaillant uniquement pour les oisifs et les riches, mettent un prix arbitraire à leurs babioles ; et, comme le mérite de ces vains travaux n′est que dans l′opinion, leur prix même fait partie de ce mérite, et on les estime à proportion de ce qu′ils coûtent. Le cas qu′en fait le riche ne vient pas de leur usage, mais de ce que le pauvre ne les peut payer. {I>Nolo habere bona nisi quibus populus inviderit.{/I> Hay una estimación pública que se aplica a las diversas artes en razón inversa de su utilidad real. Esta estimación se mide directamente por su inutilidad, y es necesario que sea así. Las artes más útiles son las que menos ganan, porque se proporciona el número de operarios con la necesidad de los hombres, y porque el trabajo necesario para todo el mundo tiene forzosamente un precio que puede pagar el pobre. Por el contrario, ésos que no se llaman artesanos, sino artistas, como trabajan únicamente para los ociosos y los ricos, ponen a sus baratijas un precio ,arbitrario, y consistiendo la estimación sólo en el mérito de estos vanos artefactos, hasta su elevado precio constituye una parte de él y se estiman en proporción a lo que cuestan. El aprecio que hacen de ellos los ricos no se debe a su servicio, sino a que no puede pagarlos el pobre. {I>Nolo haber bona nisi quibus populus inviderit. {/I>
Que deviendront vos élèves, si vous leur laissez adopter ce sot préjugé, si vous le favorisez vous-même, s′ils vous voient, par exemple, entrer avec plus d′égards dans la boutique d′un orfèvre que dans celle d′un serrurier ? Quel jugement porteront-ils du vrai mérite des arts et de la véritable valeur des choses, quand ils verront partout le prix de fantaisie en contradiction avec le prix tiré de l′utilité réelle, et que plus la chose coûte, moins elle vaut ? Au premier moment que vous laisserez entrer ces idées dans leur tête, abandonnez le reste de leur éducation ; malgré vous ils seront élevés comme tout le monde ; vous avez perdu quatorze ans de soins. ¿Qué será de vuestros alumnos si les dejáis que adopten esta necia preocupación, si vos mismo la favorecéis, si ven, por ejemplo, que entráis con mayores atenciones en la tienda de un platero que en la de un cerrajero? ¿Qué juicio han de formar del verdadero mérito de las artes y del exacto de las cosas, si en todas partes ven el precio de capricho en contradicción con el que resulta de la utilidad real, y que cuanto más cuesta una cosa menos vale? En cuanto dejéis que se introduzca esta idea en su cabeza, abandonad lo restante de su educación; a pesar vuestro, serán educados como todo el mundo, y habréis perdido catorce años de afanes.
Émile songeant à meubler son île aura d′autres manières de voir. Robinson eût fait beaucoup plus de cas de la boutique d′un taillandier que de tous les colifichets de Saïde. Le premier lui eût paru un homme très respectable, et l′autre un petit charlatan. Emilio, que piensa en amueblar su isla, tiene un modo de ver distinto. En mayor aprecio habría tenido Robinson la tienda de un herrero que todas las alhajas de un joyero; el primero le hubiera parecido un hombre muy respetable, pero el segundo...
« Mon fils est fait pour vivre dans le monde ; il ne vivra pas avec des sages, mais avec des fous ; il faut donc qu′il connaisse leurs folies, puisque c′est par elles qu′ils veulent être conduits. La connaissance réelle des choses peut être bonne, mais celle des hommes et de leurs jugements vaut encore mieux ; car, dans la société humaine, le plus grand instrument de l′homme est l′homme, et le plus sage est celui qui se sert le mieux de cet instrument. À quoi bon donner aux enfants l′idée d′un ordre imaginaire tout contraire à celui qu′ils trouveront établi, et sur lequel il faudra qu′ils se règlent ? Donnez-leur premièrement des leçons pour être sages, et puis vous leur en donnerez pour juger en quoi les autres sont fous. » «Mi hijo está destinado a vivir en el mundo, y no ha de vivir con sabios, sino con locos; por consiguiente, es necesario que conozca sus locuras, ya que los hombres quieren ser guiados por ellas. Será bueno el conocimiento real de las cosas, pero vale más todavía el de los hombres y sus juicios; porque siendo en la sociedad humana el hombre el mayor instrumento del hombre, el más sabio es el que mejor se vale de este instrumento. ¿De qué sirve dar a los niños idea de un orden imaginario opuesto en todo al que han de hallar establecido y por el cual será forzoso que se arreglen? Dadles primero lecciones para que sean sabios, y luego se las daréis para que conozcan en qué son locos los demás.»
Voilà les spécieuses maximes sur lesquelles la fausse prudence des pères travaille à rendre leurs enfants esclaves des préjugés dont ils les nourrissent, et jouets eux-mêmes de la tourbe insensée dont ils pensent faire l′instrument de leurs passions. Pour parvenir à connaître l′homme, que de choses il faut connaître avant lui ! L′homme est la dernière étude du sage, et vous prétendez en faire la première d′un enfant ! Avant de l′instruire de nos sentiments, commencez par lui apprendre à les apprécier. Est-ce connaître une folie que de la prendre pour la raison ? Pour être sage il faut discerner ce qui ne l′est pas. Comment votre enfant connaîtra-t-il les hommes, s′il ne sait ni juger leurs jugements ni démêler leurs erreurs ? C′est un mal de savoir ce qu′ils pensent, quand on ignore si ce qu′ils pensent est vrai ou faux. Apprenez-lui donc premièrement ce que sont les choses en elles-mêmes, et vous lui apprendrez après ce qu′elles sont à nos yeux ; c′est ainsi qu′il saura comparer l′opinion à la vérité, et s′élever au-dessus du vulgaire ; car on ne connaît point les préjugés quand on les adopte, et l′on ne mène point le peuple quand on lui ressemble. Mais si vous commencez par l′instruire de l′opinion publique avant de lui apprendre à l′apprécier, assurez-vous que, quoi que vous puissiez faire, elle deviendra la sienne, et que vous ne la détruirez plus. Je conclus que, pour rendre un jeune homme judicieux, il faut bien former ses jugements, au lieu de lui dicter les nôtres. Conformándose con estas especiosas máximas, se afana la falsa prudencia de los padres en hacer esclavos a sus hijos de las preocupaciones en que los mantienen, y de la irrisión de la turba insensata cuando piensan que la hacen instrumento de las pasiones de ellos. ¡Cuántas cosas es necesario conocer antes de llegar al conocimiento del hombre! El hombre es el último estudio del sabio, y pretendéis que primero sea el de un niño. Antes de instruirle en nuestro modo de sentir, debéis enseñarle primero a que lo aprecie. Para ser sabio es preciso discernir lo que no está conforme con la sabiduría. ¿Cómo queréis que conozca vuestro hijo a los hombres si es incapaz de juzgar sus juicios y de distinguir sus errores? E s malo saber lo que aquellos piensan, ignorando si en su pensar aciertan o yerran. Por consiguiente, enseñadle primero lo que son las cosas en sí mismas y luego le enseñaréis lo que son a vuestro modo de ver; de este modo sabrá comparar la opinión con la verdad y elevarse sobre la esfera del vulgo, porque no conoce las preocupaciones quien las adopta, ni conduce al pueblo el que se le parece. Pero si empezáis instruyéndole en la opinión pública, antes de enseñarle a que la estime en lo que vale, estad seguro de que por mucho que os afanéis la hará suya y jamás la extirparéis en él. De aquí se deduce que, para lograr que tenga una razón sana, es preciso formar bien sus juicios en lugar de dictarle los nuestros.
Vous voyez que jusqu′ici je n′ai point parlé des hommes à mon élève, il aurait eu trop de bon sens pour m′entendre ; ses relations avec son espèce ne lui sont pas encore assez sensibles pour qu′il puisse juger des autres par lui. Il ne connaît d′être humain que lui seul, et même il est bien éloigné de se connaître ; mais s′il porte peu de jugements sur sa personne, au moins il n′en porte que de justes. Il ignore quelle est la place des autres, mais il sent la sienne et s′y tient. Au lieu des lois sociales qu′il ne peut connaître, nous l′avons lié des chaînes de la nécessité. Il n′est presque encore qu′un être physique, continuons de le traiter comme tel. Ya veis que hasta aquí no he hablado de los hombres a mi alumno, que hubiera tenido sobrada razón para entenderme; aún no son para él palpables sus relaciones con su especie para juzgar por sí de los demás. No conoce otro ser humano que a sí mismo, y está todavía muy lejos de conocerse, pero si forma pocos juicios acerca de su persona, por lo menos son exactos. Desconoce el puesto de los demás, pero ve el suyo, y se mantiene firme en él. En vez de las leyes sociales, que no puede conocer, le hemos aprisionado con las cadenas de la necesidad. Todavía no es casi nada más que un ser físico, y por lo tanto debemos tratarle como tal.
C′est par leur rapport sensible avec son utilité, sa sûreté, sa conservation, son bien-être, qu′il doit apprécier tous les corps de la nature et tous les travaux des hommes. Ainsi le fer doit être à ses yeux d′un beaucoup plus grand prix que l′or, et le verre que le diamant ; de même, il honore beaucoup plus un cordonnier, un maçon, qu′un Lempereur, un Le Blanc, et tous les joailliers de l′Europe ; un pâtissier est surtout à ses yeux un homme très important, et il donnerait toute l′académie des sciences pour le moindre confiseur de la rue des Lombards. Les orfèvres, les graveurs, les doreurs, les brodeurs, ne sont à son avis que des fainéants qui s′amusent à des jeux parfaitement inutiles ; il ne fait pas même un grand cas de l′horlogerie. L′heureux enfant jouit du temps sans en être esclave : il en profite et n′en connaît pas le prix. Le calme des passions qui rend pour lui sa succession toujours égale lui tient lieu d′instrument pour le mesurer au besoin {a href="#8">[8]. En lui supposant une montre, aussi bien qu′en le faisant pleurer, je me donnais un Émile vulgaire, pour être utile et me faire entendre ; car, quant au véritable, un enfant si différent des autres ne servirait d′exemple à rien. Debe apreciar todos los cuerpos de la naturaleza y todos los oficios de los hombres, por la relación sensible que tiene su utilidad, seguridad, conservación y bienestar. A su modo de ver, el hierro debe ser un cuerpo más apreciable que el oro, y el vidrio más que el diamante, y del mismo modo aprecia más a un albañil o a un zapatero que a todos los diamantistas de Europa; particularmente un pastelero es para él un sujeto, importantísimo y daría toda la Academia de la Historia por un confitero. Los plateros, los grabadores, los doradores y los bordadores, son a su parecer unos holgazanes que pasan el tiempo en juegos absolutamente inútiles, y tampoco hace un gran caso de la relojería. El venturoso niño disfruta del tiempo sin ser su esclavo, lo aprovecha y no sabe lo que vale; lo calma de las pasiones que le hace siempre igual a su sucesión, le sirve de instrumento para medirle cuando lo necesita . Cuando supuse que tenía un reloj, y le hice llorar, me fingía un Emilio vulgar para ser útil y que me entendiese, porque en cuanto al verdadero niño, tan distinto de los demás, para nada serviría de ejemplo.
Il y a un ordre non moins naturel et plus judicieux encore, par lequel on considère les arts selon les rapports de nécessité qui les lient, mettant au premier rang les plus indépendants, et au dernier ceux qui dépendent d′un plus grand nombre d′autres. Cet ordre, qui fournit d′importantes considérations sur celui de la société générale, est semblable au précédent, et soumis au même renversement dans l′estime des hommes ; en sorte que l′emploi des matières premières se fait dans des métiers sans honneur, presque sans profit, et que plus elles changent de mains, plus la main-d′œuvre augmente de prix et devient honorable. Je n′examine pas s′il est vrai que l′industrie soit plus grande et mérite plus de récompense dans les arts minutieux qui donnent la dernière forme à ces matières, que dans le premier travail qui les convertit à l′usage des hommes : mais je dis qu′en chaque chose l′art dont l′usage est le plus général et le plus indispensable est incontestablement celui qui mérite le plus d′estime, et que celui à qui moins d′autres arts sont nécessaires, la mérite encore par-dessus les plus subordonnés, parce qu′il est plus libre et plus près de l′indépendance. Voilà les véritables règles de l′appréciation des arts et de l′industrie ; tout le reste est arbitraire et dépend de l′opinion. Existe otro orden no menos natural y más conforme a razón todavía, en virtud del cual se consideran las artes según las relaciones de necesidad que las estrechan, colocando en primer lugar las más independientes y en último las que penden de mayor número de otras. Este orden, que presenta importantes consideraciones acerca del de la sociedad general, es parecido al anterior y sujeto al mismo trastorno en la estimación de los hombres; de tal modo que se emplean las materias primeras en oficios que no dan honra ni casi provecho, y cuanto mayor número de manos han intervenido, más honra tiene y crece el valor de la mano de obra. No examino aquí si es cierto que sea mayor la industria y merezca mayor recompensa en las minuciosas artes que dan a estas materias la última forma que en el primer trabajo que las convierte en usuales a los hombres; digo que solamente en cada cosa el arte cuyo uso es más general y más indispensable es, sin lugar a duda, el que mayor estimación merece, y que la industria que menos artes auxiliares necesita, también es acreedora a un mayor aprecio que las que emplean muchas, puesto que es más libre y más independiente. Estas son las verdaderas reglas de la valoración de las artes y la industria; todo lo demás es arbitrario y depende de la opinión.
Le premier et le plus respectable de tous les arts est l′agriculture : je mettrais la forge au second rang, la charpente au troisième, et ainsi de suite. L′enfant qui n′aura point été séduit par les préjugés vulgaires en jugera précisément ainsi. Que de réflexions importantes notre Émile ne tirera-t-il point là-dessus de son Robinson ! Que pensera-t-il en voyant que les arts ne se perfectionnent qu′en se subdivisant, en multipliant à l′infini les instruments des uns et des autres ? Il se dira : Tous ces gens-là sont sottement ingénieux : on croirait qu′ils ont peur que leurs bras et leurs doigts ne leur servent à quelque chose, tant ils inventent d′instruments pour s′en passer. Pour exercer un seul art ils sont asservis à mille autres ; il faut une ville à chaque ouvrier. Pour mon camarade et moi, nous mettons notre génie dans notre adresse ; nous nous faisons des outils que nous puissions porter partout avec nous. Tous ces gens si fiers de leurs talents dans Paris ne sauraient rien dans notre île, et seraient nos apprentis à leur tour. La primera y más respetable de todas las artes es la agricultura; en segundo lugar yo colocaría a la herrería; la carpintería en tercero, etc. El niño a quien no hayan atraído las preocupaciones vulgares, pensará de este modo. Cuántas importantes reflexiones sacará nuestro Emilio sobre este punto de su Robinson. ¿Qué pensará cuando vea que sólo subdividiéndose y multiplicando hasta el infinito los instrumentos de unas y otras se perfeccionan las artes? Dirá: Todas estas gentes son neciamente ingeniosas; se pensaría que sienten miedo de que les sirvan para algo sus dedos y sus brazos, según la multitud de instrumentos que inventan para no usarlos. Para ejercitar una sola de las artes, se han sujetado a otras mil, y cada artífice necesita de una ciudad entera. En lo que hace referencia a mi camarada y yo, nuestro ingenio lo aprovechamos con habilidad, y construimos herramientas que podemos llevar a cualquier parte. Todos estos sujetos tan ufanos con su talento en una capital, no sabrían nada en nuestra isla y serían aprendices nuestros.
Lecteur, ne vous arrêtez pas à voir ici l′exercice du corps et l′adresse des mains de notre élève ; mais considérez quelle direction nous donnons à ses curiosités enfantines ; considérez le sens, l′esprit inventif, la prévoyance ; considérez quelle tête nous allons lui former. Dans tout ce qu′il verra, dans tout ce qu′il fera, il voudra tout connaître, il voudra savoir la raison de tout ; d′instrument en instrument, il voudra toujours remonter au premier ; il n′admettra rien par supposition ; il refuserait d′apprendre ce qui demanderait une connaissance antérieure qu′il n′aurait pas : s′il voit faire un ressort, il voudra savoir comment l′acier a été tiré de la mine ; s′il voit assembler les pièces d′un coffre, il voudra savoir comment l′arbre a été coupé ; s′il travaille lui-même, à chaque outil dont il se sert, il ne manquera pas de se dire : Si je n′avais pas cet outil, comment m′y prendrais-je pour en faire un semblable ou pour m′en passer ? Lectores, no os detengáis solamente en el ejercicio del cuerpo y en la habilidad manual de nuestro alumno, pero considerad qué dirección damos a su pueril curiosidad, qué cabeza le vamos formando. En todo cuanto vea, en cuanto haga, lo querrá conocer todo y saber la razón de ello; de un instrumento a otro siempre querrá subir al primero; no admitirá nada por suposición y se negaría a aprender lo que requiriese un conocimiento que no tuviese; si ve construir un muelle, pretenderá saber cómo se sacó el acero de la mina; si ve juntar las piezas de un arca, tratará de saber cómo se cortó el árbol; si trabaja él, ante cada herramienta que maneje no dejará de preguntarse: «Si yo no tuviese esta herramienta, ¿cómo me las arreglaría para construir otra semejante, o para no tenerla que emplear?»
Au reste, une erreur difficile à éviter dans les occupations pour lesquelles le maître se passionne est de supposer toujours le même goût à l′enfant : gardez, quand l′amusement du travail vous emporte, que lui cependant ne s′ennuie sans vous l′oser témoigner. L′enfant doit être tout à la chose ; mais vous devez être tout à l′enfant, l′observer, l′épier sans relâche et sans qu′il y paraisse, pressentir tous ses sentiments d′avance, et prévenir ceux qu′il ne doit pas avoir, l′occuper enfin de manière que non seulement il se sente utile à la chose, mais qu′il s′y plaise à force de bien comprendre à quoi sert ce qu′il fait. Por otra parte, un error difícil de evitar en las ocupaciones por las cuales siente pasión el maestro es el de que siempre presupone la misma afición al niño. Cuando os arrastre la diversión del trabajo, debéis tener muy en cuenta que el niño no se aburra sin que se atreva a manifestároslo. El niño debe estar completamente atento en lo que haga, pero debéis entregaros por entero al niño; observándole, vigilándole sin meteros en su misión y sin que lo note; debéis prever de antemano todos sus sentimientos y evitar los que no debe tener; ocuparle, en fin, de manera que no sólo reconozca que es útil, sino que se complazca en ello a fuerza de entender para qué es bueno lo que hace.
La société des arts consiste en échanges d′industrie, celle du commerce en échanges de choses, celle des banques en échanges de signes et d′argent : toutes ces idées se tiennent, et les notions élémentaires sont déjà prises ; nous avons jeté les fondements de tout cela dès le premier âge, à l′aide du jardinier Robert. Il ne nous reste maintenant qu′à généraliser ces mêmes idées, et les étendre à plus d′exemples, pour lui faire comprendre le jeu du trafic pris en lui-même, et rendu sensible par les détails d′histoire naturelle qui regardent les productions particulières à chaque pays, par les détails d′arts et de sciences qui regardent la navigation, enfin, par le plus grand ou moindre embarras du transport, selon l′éloignement des lieux, selon la situation des terres, des mers, des rivières, etc. La sociedad de las artes consiste en cambios de industria, la del comercio en cambios de cosas, la de los Bancos en cambios de signos y dinero; todas estas ideas, lo mismo que las nociones elementales de ellas, son cosas que ya tenemos adquiridas. Los cimientos de todo esto los pusimos en la edad primera, mediante la ayuda del hortelano Roberto. Ahora sólo nos queda el generalizar estas ideas y extenderlas a otros ejemplos para que comprenda el tráfico en sí mismo, haciéndosele sensible con las noticias de historia natural, que sobre las producciones peculiares de cada país se rozan con las noticias de las artes y de las ciencias que tienen referencia con la navegación; por último, con la mayor o menor dificultad del transporte, según la distancia de los sitios y según la situación de las tierras, mares, ríos, etc.
Nulle société ne peut exister sans échange, nul échange sans mesure commune, et nulle mesure commune sans égalité. Ainsi, toute société a pour première loi quelque égalité conventionnelle, soit dans les hommes, soit dans les choses. No puede existir ninguna sociedad sin cambio, ni sin la existencia de una medida común puede existir ningún cambio, ni sin igualdad ninguna medida común. De modo que la ley primera de toda sociedad es una igualdad de convención, sea en los hombres o sea en las cosas.
L′égalité conventionnelle entre les hommes, bien différente de l′égalité naturelle, rend nécessaire le droit positif, c′est-à-dire le gouvernement et les lois. Les connaissances politiques d′un enfant doivent être nettes et bornées ; il ne doit connaître du gouvernement en général que ce qui se rapporte au droit de propriété, dont il a déjà quelque idée. La igualdad convencional, muy distinta entre los hombres de la igualdad natural, hace necesario el derecho positivo, esto es, el gobierno y las leyes. Los conocimientos políticos de un niño han de ser claros y limitados; del gobierno en general sólo debe conocer lo que tiene conexión con el derecho de propiedad, de lo cual ya posee alguna idea.
L′égalité conventionnelle entre les choses a fait inventer la monnaie ; car la monnaie n′est qu′un terme de comparaison pour la valeur des choses de différentes espèces ; et en ce sens la monnaie est le vrai lien de la société ; mais tout peut être monnaie ; autrefois le bétail l′était, des coquillages le sont encore chez plusieurs peuples ; le fer fut monnaie à Sparte, le cuir l′a été en Suède, l′or et l′argent le sont parmi nous. La igualdad convencional entre las cosas llevó al invento de la moneda, puesto que no es más que un término de comparación del valor de las cosas de distinta especie, y en este sentido la moneda es el verdadero vínculo de la sociedad, pero todo puede ser moneda; en otro tiempo lo era el ganado, y las conchas lo son aún en muchos pueblos; el hierro era moneda en Esparta, el cuero lo ha sido en Grecia, y el oro y la plata lo son en nuestros países.
Les métaux, comme plus faciles à transporter, ont été généralement choisis pour termes moyens de tous les échanges ; et l′on a converti ces métaux en monnaie, pour épargner la mesure ou le poids à chaque échange : car la marque de la monnaie n′est qu′une attestation que la pièce ainsi marquée est d′un tel poids ; et le prince seul a droit de battre monnaie attendu que lui seul a droit d′exiger que son témoignage fasse autorité parmi tout un peuple. Los metales, por ser más fáciles de transportar, fueron generalmente escogidos como términos medios de todos los cambios, y estos metales fueron convertidos en moneda para ahorrarse la medida o el peso a cada cambio, porque el sello de la moneda no es otra cosa que el testimonio de que una pieza de tal manera sellada pesa tanto, y sólo el rey tiene derecho al acuñamiento de moneda, puesto que sólo él puede exigir que todo un pueblo dé crédito a su autoridad.
L′usage de cette invention ainsi expliqué se fait sentir au plus stupide. Il est difficile de comparer immédiatement des choses de différentes natures, du drap, par exemple, avec du blé ; mais, quand on a trouvé une mesure commune, savoir la monnaie, il est aisé au fabricant et au laboureur de rapporter la valeur des choses qu′ils veulent échanger à cette mesure commune. Si telle quantité de drap vaut une telle somme d′argent et que telle quantité de blé vaille aussi la même somme d′argent, il s′ensuit que le marchand, recevant ce blé pour son drap, fait un échange équitable. Ainsi, c′est par la monnaie que les biens d′espèces diverses deviennent commensurables et peuvent se comparer. Explicado de este modo el uso de esta invención, la entiende el menos avisado. Es difícil comparar inmediatamente cosas de distinta naturaleza; por ejemplo, paño con trigo, pero hallada una medida común, es decir, la moneda, es fácil que el fabricante y el labrador prefieran el valor de las cosas que quieren permutar a esta medida común. Si tal cantidad de paño vale tal suma de dinero y tal cantidad de trigo vale también la misma suma de dinero, resulta que el mercader que recibe este trigo por su paño verifica una permuta igual. De esta forma se hacen conmensurables y se pueden comparar los bienes de distintas especies.
N′allez pas plus loin que cela, et n′entrez point dans l′explication des effets moraux de cette institution. En toute chose il importe de bien exposer les usages avant de montrer les abus. Si vous prétendiez expliquer aux enfants comment les signes font négliger les choses, comment de la monnaie sont nées toutes les chimères de l′opinion, comment les pays riches d′argent doivent être pauvres de tout, vous traiteriez ces enfants non seulement en philosophes, mais en hommes sages, et vous prétendriez leur faire entendre ce que peu de philosophes même ont bien conçu. No vayáis más adelante, ni os metáis a explicar los efectos morales de esta institución. En toda cosa importa explicar bien el uso antes de hacer ver el abuso. Si pretendierais explicar a los niños cómo los signos hacen descuidar las cosas, cómo han nacido de la moneda todas las fantasías de la opinión, cómo los países ricos en dinero deben ser pobres en todo, trataríais a estos niños no solamente como filósofos, sino como sabios, y querríais que comprendieran lo que muy pocos filósofos han llegado a comprender.
Sur quelle abondance d′objets intéressants ne peut-on point tourner ainsi la curiosité d′un élève, sans jamais quitter les rapports réels et matériels qui sont à sa portée, ni souffrir qu′il s′élève dans son esprit une seule idée qu′il ne puisse pas concevoir ! L′art du maître est de ne laisser jamais appesantir ses observations sur des minuties qui ne tiennent à rien, mais de le rapprocher sans cesse des grandes relations qu′il doit connaître un jour pour bien juger du bon et du mauvais ordre de la société civile. Il faut savoir assortir les entretiens dont on l′amuse au tour d′esprit qu′on lui a donné. Telle question, qui ne pourrait pas même effleurer l′attention d′un autre, va tourmenter Émile pendant six mois. ¡Sobre qué abundancia de objetos interesantes puede girar la curiosidad de un alumno, sin dejar las relaciones reales y materiales que se hallan en la esfera de su capacidad, ni permitir que penetre en su espíritu ni una sola idea que no sea capaz de comprender! El arte del maestro consiste no en recargar sus observaciones de menudencias, que no se relacionen en nada, sino en aproximarle continuamente a las grandes relaciones que debe conocer un día, para opinar rectamente sobre el buen o mal orden de la sociedad civil. Es preciso saber combinar las conversaciones con que el niño se distrae con la forma que se ha dado a su espíritu. Tal asunto, incapaz de despertar la atención de otro niño, va a desvelar a Emilio durante seis meses.
Nous allons dîner dans une maison opulente ; nous trouvons les apprêts d′un festin, beaucoup de monde, beaucoup de laquais, beaucoup de plats, un service élégant et fin. Tout cet appareil de plaisir et de fête a quelque chose d′enivrant qui porte à la tête quand on n′y est pas accoutumé. Je pressens l′effet de tout cela sur mon jeune élève. Tandis que le repas se prolonge, tandis que les services se succèdent, tandis qu′autour de la table règnent mille propos bruyants, je m′approche de son oreille, et je lui dis : Par combien de mains estimeriez-vous bien qu′ait passé tout ce que vous voyez sur cette table avant que d′y arriver ? Quelle foule d′idées j′éveille dans son cerveau par ce peu de mots ! À l′instant voilà toutes les vapeurs du délire abattues. Il rêve, il réfléchit, il calcule, il s′inquiète. Tandis que les philosophes, égayés par le vin, peut-être par leurs voisines, radotent et font les enfants, le voilà, lui, philosophant tout seul dans son coin ; il m′interroge ; je refuse de répondre, je le renvoie à un autre temps ; il s′impatiente, il oublie de manger et de boire, il brûle d′être hors de table pour m′entretenir à son aise. Quel objet pour sa curiosité ! Quel texte pour son instruction ! Avec un jugement sain que rien n′a pu corrompre, que pensera-t-il du luxe, quand il trouvera que toutes les régions du monde ont été mises à contribution, que vingt millions de mains ont peut-être, ont longtemps travaillé, qu′il en a coûté la vie peut-être à des milliers d′hommes, et tout cela pour lui présenter en pompe à midi ce qu′il va déposer le soir dans sa garde-robe ? Vamos a comer a una casa rica, y hallamos los preparativos de un banquete, mucha gente, muchos platos, muchos criados, un servicio elegante y refinado... Todo este aparato de placer y de fiesta excita no sé qué embriaguez que trastorna la cabeza de cualquier persona que no esté habituada. Preveo el efecto de todo eso en mi alumno. Mientras, se prolonga la comida, los servicios se suceden y se escuchan varios y agudos dichos; me acerco a él y le pregunto al oído: «¿Por cuántas manos crees que habrá pasado todo lo que ves sobre la mesa antes de llegar aquí?». ¡Qué cantidad de ideas despierto en su cerebro con estas pocas palabras! Al momento todos los vapores del delirio quedan abatidos. Piensa, reflexiona, calcula, se inquieta. Mientras los filósofos, animados por los efectos del vino y tal vez por sus vecinas, chochean y hacen los niños, está él filosofando en un rincón. Me hace preguntas, no le quiero responder y le digo que le contestaré otra vez; se impacienta, no se acuerda de comer y beber, y espera ansiosamente la hora de levantarse de la mesa para poder interrogarme a placer. ¡Qué objeto para su curiosidad! ¡Qué texto para su instrucción! Con un juicio sano que todavía nada ha podido corromper, `¿qué ha de opinar del lujo cuando se entere que se han puesto a contribución todas las regiones del orbe, que tal vez veinte millones de manos han trabajado mucho tiempo y ha costado la vida a miles de hombres, todo por presentarle a mediodía con pompa lo que va a depositar en su retrete por la noche?
Epiez avec soin les conclusions secrètes qu′il tire en son cœur de toutes ces observations. Si vous l′avez moins bien gardé que je ne le suppose, il peut être tenté de tourner ses réflexions dans un autre sens, et de se regarder comme un personnage important au monde, en voyant tant de soins concourir pour apprêter son dîner. Si vous pressentez ce raisonnement, vous pouvez aisément le prévenir avant qu′il le fasse, ou du moins en effacer aussitôt l′impression. Ne sachant encore s′approprier les choses que par une jouissance matérielle, il ne peut juger de leur convenance ou disconvenance avec lui que par des rapports sensibles. La comparaison d′un dîner simple et rustique, préparé par l′exercice, assaisonné par la faim, par la liberté, par la joie, avec son festin si magnifique et si compassé, suffira pour lui faire sentir que tout l′appareil du festin ne lui ayant donné aucun profit réel, et son estomac sortant tout aussi content de la table du paysan que de celle du financier, il n′y avait rien à l′un de plus qu′à l′autre qu′il pût appeler véritablement sien. Observad con cuidado las conclusiones ocultas que en su interior saca de todas estas observaciones. Si le habéis guardado menos bien de lo que yo supongo, puede tener la tentación de dar otro giro a sus reflexiones y considerarse un personaje importante en el mundo viendo que tantos afanes cuesta guisarle su comida. Si prevéis este razonamiento, fácilmente le podéis prevenir antes de que se le ocurra, o por lo menos borrar al instante la impresión que le haya causado. No sabiendo apropiarse todavía las cosas de otro modo que por el goce material, no puede juzgar de la conveniencia o discrepancia que con él tienen, como no sea por relaciones sensibles. La comparación de una sencilla y rústica comida, preparada por el ejercicio, sazonada por el hambre, la libertad y la alegría, con tan magnífico festín, tan medido a compás, será suficiente para hacerle entender que no aportándole ningún beneficio real el banquete, y sacando tan satisfecho el estómago de la mesa del labriego como de la del banquero, lo mismo hay en una y en otra que pueda llamar verdaderamente suyo.
Imaginons ce qu′en pareil cas un gouverneur pourra lui dire. Rappelez-vous bien ces deux repas, et décidez en vous-même lequel vous avez fait avec le plus de plaisir ; auquel avez-vous remarqué le plus de joie ? auquel a-t-on mangé de plus grand appétit, bu plus gaiement, ri de meilleur cœur ? lequel a duré le plus longtemps sans ennui, et sans avoir besoin d′être renouvelé par d′autres services ? Cependant voyez la différence : ce pain bis, que vous trouvez si bon, vient du blé recueilli par ce paysan ; son vin noir et grossier, mais désaltérant et sain, est du cru de sa vigne ; le linge vient de son chanvre, filé l′hiver par sa femme, par ses filles, par sa servante ; nulles autres mains que celles de sa famille n′ont fait les apprêts de sa table ; le moulin le plus proche et le marché voisin sont les bornes de l′univers pour lui. En quoi donc avez-vous réellement joui de tout ce qu′ont fourni de plus la terre éloignée et la main des hommes sur l′autre table ? Si tout cela ne vous a pas fait faire un meilleur repas, qu′avez-vous gagné à cette abondance ? qu′y avait-il là qui fût fait pour vous ? Si vous eussiez été le maître de la maison, pourra-t-il ajouter, tout cela vous fût resté plus étranger encore : car le soin d′étaler aux yeux des autres votre jouissance eût achevé de vous l′ôter : vous auriez eu la peine, et eux le plaisir. Imaginémonos lo que en caso similar podrá decirle su ayo: «Acuérdate bien de estas dos comidas y decide para ti en cuál te has encontrado más a gusto, en cuál has sentido más placer, en cuál comieron los invitados con más apetito, bebieron con mas jubilo y con más ganas y se rieron más a gusto; cuál se prolongó más tiempo sin aburrimiento y sin que fuese preciso renovarla con otros servicios. No obstante, observa la diferencia: ese pan que ves y que hallas tan bueno, procede del trigo recogido por el labrador; su vino espeso y negro, pero sano y refrigerante, es de su propio viñedo; la mantelería está tejida con su cáñamo, que hilaron en invierno su esposa, sus hijas y su sirvienta; ningunas manos más que las de su familia han hecho los preparativos de su mesa el inmediato molino y el vecino mercado son para él los límites del universo. ¿En qué disfrutaste realmente de todo cuanto nutrieron a la otra mesa las tierras lejanas y la mano de los hombres? Si todo eso no hace que se coma mejor, ¿qué has obtenido de ganancia con tan gran cantidad?, ¿qué había allí que fuese hecho para ti? Si hubieras sido el amo de casa, podrías añadir que más extraño hubiera sido todo para ti, porque el afán de hacer alardes a los ojos de los demás habría acabado de quitártelo; tú hubieras tenido el cuidado y ellos el gusto.
Ce discours peut être fort beau ; mais il ne vaut rien pour Émile, dont il passe la portée, et à qui l′on ne dicte point ses réflexions. Parlez-lui donc plus simplement. Après ces deux épreuves, dites-lui quelque matin : Où dînerons-nous aujourd′hui ? autour de cette montagne d′argent qui couvre les trois quarts de la table, et de ces parterres de fleurs de papier qu′on sert au dessert sur de miroirs, parmi ces femmes en grand panier qui vous traitent en marionnette, et veulent que vous ayez dit ce que vous ne savez pas ; ou bien dans ce village à deux lieues d′ici, chez ces bonnes gens qui nous reçoivent si joyeusement et nous donnent de si bonne crème ? Le choix d′Émile n′est pas douteux ; car il n′est ni babillard ni vain ; il ne peut souffrir la gêne, et tous nos ragoûts fins ne lui plaisent point : mais il est toujours prêt à courir en campagne, et il aime fort les bons fruits, les bons légumes, la bonne crème, et les bonnes gens {a href="#9">[9]. Chemin faisant, la réflexion vient d′elle-même. Je vois que ces foules d′hommes qui travaillent à ces grands repas perdent bien leurs peines, ou qu′ils ne songent guère à nos plaisirs. Este discurso puede ser muy hermoso, pero no vale nada para Emilio, a cuyo alcance no está y a quien nadie dicta sus reflexiones. Debéis hablarle con más sencillez; decidle una mañana, después de estas dos pruebas: «¿Adónde iremos a comer hoy? ¿Alrededor de ese monte de plata que tapa las tres cuartas partes de la mesa, y aquellos cuadros de papel que sirven a los postres encima de espejos, en medio de aquellas mujeres con tanto encaje, que te tratan como un muñeco, y quieren que hayas dicho lo que no sabes, o a aquel lugar distante dos leguas de aquí, en casa de aquella buena gente que con tanto afecto nos recibe y tan buena nata nos da?». La elección de Emilio no es dudosa, quien no es ni vanidoso ni hablador, no puede aguantar la sujeción, y que no gusta, de nuestros exquisitos platos, pero que siempre está dispuesto a correr por el campo, y le gustan mucho la buena fruta, las buenas legumbres, la buena nata y la buena gente . En el camino reflexionamos de un modo natural, y vemos que la multitud de hombres que trabajan para estos grandes banquetes o pierden su afán o no se cuidan mucho de nuestro deleite.
Mes exemples, bons peut-être pour un sujet, seront mauvais pour mille autres. Si l′on en prend l′esprit, on saura bien les varier au besoin ; le choix tient à l′étude du génie propre à chacun, et cette étude tient aux occasions qu′on leur offre de se montrer. On n′imaginera pas que, dans l′espace de trois ou quatre ans que nous avons à remplir ici, nous puissions donner à l′enfant le plus heureusement né une idée de tous les arts et de toutes les sciences naturelles, suffisante pour les apprendre un jour de lui-même ; mais en faisant ainsi passer devant lui tous les objets qu′il lui importe de connaître, nous le mettons dans le cas de développer son goût, son talent, de faire les premiers pas vers l′objet où le porte son génie, et de nous indiquer la route qu′il lui faut ouvrir pour seconder la nature. Mis ejemplos, que son buenos para un individuo determinado, resultarán malos para otros mil. Si se entiende el espíritu de cada uno, seremos capaces de variar según sea necesario; esta elección depende del talento propio del niño en las ocasiones que presentamos de manifestar sus disposiciones naturales. Nadie puede imaginar que en tres o cuatro años que han de transcurrir sea posible proporcionar al niño, por mucha capacidad que tenga, una idea de todas las artes y ciencias naturales, suficiente para que las aprenda un día por sí solo, pero obrando de modo que pasen por su vista todos los objetos que le importa conocer, le damos ocasión para desarrollar su gusto y su talento, y dar los primeros pasos hacia el objeto al que su genio le encamine, el cual nos señala el camino que se le ha de allanar para auxiliar a la naturaleza.
Un autre avantage de cet enchaînement de connaissances bornées, mais justes, est de les lui montrer par leurs liaisons, par leurs rapports, de les mettre toutes à leur place dans son estime, et de prévenir en lui les préjugés qu′ont la plupart des hommes pour les talents qu′ils cultivent, contre ceux qu′ils ont négligés. Celui qui voit bien l′ordre du tout voit la place où doit être chaque partie ; celui qui voit bien une partie, et qui la connaît à fond, peut être un savant homme : l′autre est un homme judicieux ; et vous vous souvenez que ce que nous nous proposons d′acquérir est moins la science que le jugement. Otra ventaja que se obtiene de escalonar de este modo los conocimientos adecuados, aunque cortos, consiste en que de esta forma se los indicamos por sus conexiones y sus relaciones, y para su apreciación los colocamos todos en su lugar, precaviendo de este modo la preocupación, tan común en la mayor parte de los hombres, de apreciar solamente los estudios que han cultivado y no hacer caso de los demás. El que observa bien el orden del conjunto, se da cuenta del sitio que debe ocupar cada una de las partes; quien ve bien una parte sola y la conoce a fondo, es capaz de ser un hombre científico; el primero es poseedor de una razón sana, y ya os acordáis de que nos interesa menos el adquirir ciencia que el ser poseedor de un sano juicio.
Quoi qu′il en soit, ma méthode est indépendante de mes exemples ; elle est fondée sur la mesure des facultés de l′homme à ses différents âges, et sur le choix des occupations qui conviennent à ses facultés. Je crois qu′on trouverait aisément une autre méthode avec laquelle on paraîtrait faire mieux ; mais si elle était moins appropriée à l′espèce, à l′âge, au sexe, je doute qu′elle eût le même succès. Sea como fuere, mi método es independiente de mis ejemplos; se funda en la medida de las facultades del hombre en sus distintas edades y en la elección de las ocupaciones que convienen a estas facultades. Creo que se encontraría fácilmente otro método que produciría al parecer mejores efectos, pero si no fuese tan adaptable a la especie, a la edad y al sexo, dudo de que se obtuvieran de él los mismos resultados.
En commençant cette seconde période, nous avons profité de la surabondance de nos forces sur nos besoins pour nous porter hors de nous ; nous nous sommes élancés dans les cieux ; nous avons mesuré la terre ; nous avons recueilli les lois de la nature, en un mot nous avons parcouru l′île entière : maintenant nous revenons à nous ; nous nous rapprochons insensiblement de notre habitation. Trop heureux, en y rentrant, de n′en pas trouver encore en possession l′ennemi qui nous menace, et qui s′apprête à s′en emparer ! Al comenzar este segundo período, nos hemos aprovechado de la superabundancia de nuestras fuerzas respecto a nuestras necesidades, para salir fuera de nosotros; nos hemos lanzado a los cielos, hemos medido la tierra, hemos reconocido las leyes de la naturaleza; en una palabra, hemos recorrido la isla entera. Ahora volvemos a nosotros y nos acercamos insensiblemente a nuestra morada. Es una suerte que a la vuelta no encontremos todavía encastillado el enemigo que nos está amenazando y que se dispone a apoderarse de ella.
Que nous reste-t-il à faire après avoir observé tout ce qui nous environne ? d′en convertir à notre usage tout ce que nous pouvons nous approprier, et de tirer parti de notre curiosité pour l′avantage de notre bien-être. Jusqu′ici nous avons fait provision d′instruments de toute espèce, sans avoir desquels nous aurions besoin. Peut-être, inutiles à nous-mêmes, les nôtres pourront-ils servir à d′autres ; et peut-être, à notre tour, aurons-nous besoin des leurs. Ainsi nous trouverions tous notre compte à ces échanges : mais, pour les faire, il faut connaître nos besoins mutuels, il faut que chacun sache ce que d′autres ont à son usage, et ce qu′il peut leur offrir en retour. Supposons dix hommes, dont chacun a dix sortes de besoins. Il faut que chacun, pour son nécessaire, s′applique à dix sortes de travaux ; mais, vu la différence de génie et de talent, l′un réussira moins à quelqu′un de ces travaux, l′autre à un autre. Tous, propres à diverses choses, feront les mêmes, et seront mal servis. Formons une société de ces dix hommes, et que chacun s′applique, pour lui seul et pour les neuf autres, au genre d′occupation qui lui convient le mieux ; chacun profitera des talents des autres comme si lui seul les avait tous ; chacun perfectionnera le sien par un continuel exercice ; et il arrivera que tous les dix, parfaitement bien pourvus, auront encore du surabondant pour d′autres. Voilà le principe apparent de toutes nos institutions. Il n′est pas de mon sujet d′en examiner ici les conséquences : c′est ce que j′ai fait dans un autre écrit. ¿Qué es lo que nos hace falta realizar después de que ya hemos observado todo cuanto nos rodea? Convertir a nuestro uso todo aquello que podamos apropiarnos y hacer que redunde nuestra curiosidad en provecho de nuestro bienestar. Hasta aquí hemos hecho provisión de todo género de instrumentos, sin saber nada de cuáles serían los que necesitaríamos. Tal vez los inútiles para nosotros podrán servir para otros, y quizá recíprocamente tendremos necesidad de los instrumentos de los otros. De esta manera, a todos nos tendrán cuenta estas permutas, mas para realizarlas es preciso conocer nuestras mutuas necesidades, que sepa cada uno lo que tienen los demás para su uso y lo que en cambio él puede ofrecerles. Supongamos diez hombres, cada uno de los cuales tiene necesidad de diez especies. Es menester que para lo que cada uno necesita se aplique a diez clases de tarea, pero teniendo presente la diferencia de inclinaciones y habilidades, al uno le saldrá menos bien esta faena y al otro aquella. Siendo aptos todos para distintas cosas, harán las mismas y estarán mal servidos. Formemos una sociedad con estos diez hombres y que se dedique cada uno por sí y por los otros nueve a la ocupación que mejor le convenga; que perfeccione cada uno la suya con un ejercicio continuado y sucederá que muy bien provistos los diez, les quedará todavía sobrante para otros. Este es el principio aparente de todas nuestras instituciones. No es del caso examinar aquí las consecuencias, pues ya lo he hecho en otro escrito.
Sur ce principe, un homme qui voudrait se regarder comme un être isolé, ne tenant du tout à rien et se suffisant à lui-même, ne pourrait être que misérable. Il lui serait même impossible de subsister ; car, trouvant la terre entière couverte du tien et du mien, et n′ayant rien à lui que son corps, d′où tirerait-il son nécessaire ? En sortant de l′état de nature, nous forçons nos semblables d′en sortir aussi ; nul n′y peut demeurer malgré les autres ; et ce serait réellement en sortir, que d′y vouloir rester dans l′impossibilité d′y vivre ; car la première loi de la nature est le soin de se conserver. De conformidad con este principio, un hombre que se quisiera mirar como un ser aislado, sin conexión con nada y bastante para sí propio, no podría menos de ser un desdichado. Ni le sería posible subsistir, porque encontrando la tierra cubierta enteramente del tuyo y el mío, y no teniendo otra cosa suya que su cuerpo, ¿de dónde habría de sacar lo que necesitase? Al salir del estado de naturaleza, forzamos a nuestros semejantes a que también hagamos lo mismo, puesto que nadie puede permanecer en él contra la voluntad de los demás, y sería dejarle sin poder vivir el querer permanecer en él, porque la primera ley de la naturaleza es el cuidado de la propia conservación.
Ainsi se forment peu à peu dans l′esprit d′un enfant les idées des relations sociales, même avant qu′il puisse être réellement membre actif de la société. Émile voit que, pour avoir des instruments à son usage, il lui en faut encore à l′usage des autres, par lesquels il puisse obtenir en échange les choses qui lui sont nécessaires et qui sont en leur pouvoir. Je l′amène aisément à sentir le besoin de ces échanges, et à se mettre en état d′en profiter. Así se forman paulatinamente en el espíritu de un niño ideas de las relaciones sociales, aun antes de que realmente pueda ser miembro activo de la sociedad. Emilio comprende que para adquirir instrumentos para su uso también los necesita para que sirvan para los demás, y con los cuales pueda obtener en cambio las cosas que tiene que menester y que pertenecen a ellos. Yo hago que comprenda la necesidad de estas permutas, y a que se ponga en condiciones de poderlas aprovechar.
Monseigneur, il faut que je vive, disait un malheureux auteur satirique au ministre qui lui reprochait l′infamie de ce métier. — Je n′en vois pas la nécessité, lui repartit froidement l′homme en place. Cette réponse, excellente pour un ministre, eût été barbare et fausse en toute autre bouche. Il faut que tout homme vive. Cet argument, auquel chacun donne plus ou moins de force à proportion qu′il a plus ou moins d′humanité, me paraît sans réplique pour celui qui le fait relativement à lui-même. Puisque, de toutes les aversions que nous donne la nature, la plus forte est celle de mourir, il s′ensuit que tout est permis par elle à quiconque n′a nul autre moyen possible pour vivre. Les principes sur lesquels l′homme vertueux apprend à mépriser sa vie et à l′immoler à son devoir sont bien loin de cette simplicité primitive. Heureux les peuples chez lesquels on peut être bon sans effort et juste sans vertu ! S′il est quelque misérable état au monde où chacun ne puisse pas vivre sans mal faire et où les citoyens soient fripons par nécessité, ce n′est pas le malfaiteur qu′il faut pendre, c′est celui qui le force à le devenir. "«Excelentísimo señor, es preciso que yo viva», decía un desgraciado autor satírico al ministro que le afeaba la infamia de su oficio. «No veo la necesidad», le respondió sin inmutarse el potentado. Esta respuesta, excelente en boca de un ministro, hubiera resultado inhumana y falsa en la de cualquier hombre. Es preciso que viva todo hombre. Este argumento que da más o menos fuerza a cada uno proporcionalmente al grado de humanidad que se posee, me parece que no admite réplica para el que lo hace con respeto a sí mismo, ya que la más violenta de todas las aversiones que nos inspira la naturaleza es la de morir, y de ella se infiere que se lo ha permitido todo a aquel que no tiene ningún otro medio posible de vivir. Los principios por los cuales aprende el hombre virtuoso a menospreciar la vida sacrificándola a su obligación, están muy lejos de esta primitiva sencillez; ¡felices los pueblos en los cuales se puede ser bueno sin esfuerzo y justo sin virtud! Si existe en el mundo un país tan miserable en el que no pueda uno vivir sin obrar mal, y los ciudadanos sean bribones por necesidad, no se debe ahorcar a un malhechor, sino a quien le obliga a serlo.
Sitôt qu′Émile saura ce que c′est que la vie, mon premier soin sera de lui apprendre à la conserver. Jusqu′ici je n′ai point distingué les états, les rangs, les fortunes ; et je ne les distinguerai guère plus dans la suite, parce que l′homme est le même dans tous les états ; que le riche n′a pas l′estomac plus grand que le pauvre et ne digère pas mieux que lui ; que le maître n′a pas les bras plus longs ni plus forts que ceux de son esclave ; qu′un grand n′est pas plus grand qu′un homme du peuple ; et qu′enfin les besoins naturels étant partout les mêmes, les moyens d′y pourvoir doivent être partout égaux. Appropriez l′éducation de l′homme à l′homme, et non pas à ce qui n′est point lui. Ne voyez-vous pas qu′en travaillant à le former exclusivement pour un état, vous le rendez inutile à tout autre, et que, s′il plaît à la fortune, vous n′aurez travaillé qu′à le rendre malheureux ? Qu′y a-t-il de plus ridicule qu′un grand seigneur devenu gueux, qui porte dans sa misère les préjugés de sa naissance ? Qu′y a-t-il de plus vil qu′un riche appauvri, qui, se souvenant du mépris qu′on doit à la pauvreté, se sent devenu le dernier des hommes ? L′un a pour toute ressource le métier de fripon public, l′autre celui de valet rampant avec ce beau mot : Il faut que je vive. Tan pronto como Emilio sepa qué cosa es la vida, mi primera diligencia será enseñarle a que la conserve. Hasta aquí no he distinguido los estados, las jerarquías y las fortunas, y poco más las distinguiré en adelante, puesto que el hombre es uno mismo en todos los estados, porque el rico no tiene mayor capacidad de estómago que el pobre ni digiere mejor, y el amo no tiene más largos ni más fuertes los brazos que su criado, ni un grande es mayor que un plebeyo, y, en fin, porque siendo en todos unas mismas las necesidades naturales, los medios de satisfacerlas también deben ser iguales en todos. Se debe adaptar al hombre la educación del hombre y no a lo que no es él. ¿No os dais cuenta de que con trabajar en formarle exclusivamente para un estado le hacéis inútil para cualquier otro, y que según le vaya la fortuna os habréis afanado solamente en hacerle desgraciado? ¿Qué cosa existe que sea más ridícula que un gran señor pareciendo que en su miseria conserva las preocupaciones de su nacimiento? ¿Qué cosa más triste que un rico que ha empobrecido y, acordándose del desprecio en que se tiene a la pobreza, siente que se ha convertido en el último de los humanos? El único recurso del primero es el oficio de bribón público; el del otro es el de criado rastrero, con este lindo mote: «Es preciso que yo viva».
Vous vous fiez à l′ordre actuel de la société sans songer que cet ordre est sujet à des révolutions inévitables, et qu′il vous est impossible de prévoir ni de prévenir celle qui peut regarder vos enfants. Le grand devient petit, le riche devient pauvre, le monarque devient sujet : les coups du sort sont-ils si rares que vous puissiez compter d′en être exempt ? Nous approchons de l′état de crise et du siècle des révolutions {a href="#10">[10]. Qui peut vous répondre de ce que vous deviendrez alors ? Tout ce qu′ont fait les hommes, les hommes peuvent le détruire : il n′y a de caractères ineffaçables que ceux qu′imprime la nature, et la nature ne fait ni princes, ni riches, ni grands seigneurs. Que fera donc dans la bassesse ce satrape que vous n′avez élevé que pour la grandeur ? Que fera, dans la pauvreté, ce publicain qui ne sait vivre que d′or ? Que fera, dépourvu de tout, ce fastueux imbécile qui ne sait point user de lui-même, et ne met son être que dans ce qui est étranger à lui ? Heureux celui qui sait quitter alors l′état qui le quitte, et rester homme en dépit du sort ! Qu′on loue tant qu′on voudra ce roi vaincu qui veut s′enterrer en furieux sous les débris de son trône ; moi je le méprise ; je vois qu′il n′existe que par sa couronne, et qu′il n′est rien du tout s′il n′est roi : mais celui qui la perd et s′en passe est alors au-dessus d′elle. Du rang de roi, qu′un lâche, un méchant, un fou peut remplir comme un autre, il monte à l′état d′homme, que si peu d′hommes savent remplir. Alors il triomphe de la fortune, il la brave ; il ne doit rien qu′à lui seul ; et, quand il ne lui reste à montrer que lui, il n′est point nul ; il est quelque chose. Oui, j′aime mieux cent fois le roi de Syracuse maître d′école à Corinthe, et le roi de Macédoine greffier à Rome, qu′un malheureux Tarquin, ne sachant que devenir s′il ne règne pas, que l′héritier du possesseur de trois royaumes, jouet de quiconque ose insulter à sa misère, errant de cour en cour, cherchant partout des secours, et trouvant partout des affronts, faute des savoir faire autre chose qu′un métier qui n′est plus en son pouvoir. Confiáis en el orden actual de la sociedad y no reflexionáis que está sujeto a inevitables revoluciones, y no habéis previsto ni prevenido lo que puede tocarles a vuestros hijos. El pequeño se convierte en grande o viceversa, pobre el rico, vasallo el monarca. ¿Son tan raros los golpes de la fortuna que podáis creeros exentos de ellos? Nos vamos acercando al estado de crisis y al siglo de las revoluciones . ¿Quién puede responderos de lo que seréis entonces? Todo cuanto han realizado los hombres, los hombres lo pueden destruir; no existen otros caracteres indelebles que los que estampa la naturaleza, la cual no hace príncipes, ni ricos, ni grandes señores. ¿Pues qué deberá hacer ese noble en la decadencia si sólo lo habéis educado para la grandeza? ¿Qué hará en la pobreza ese banquero que únicamente con oro sabe vivir? ¿Qué hará privado de todo ese opulento imbécil que ni de sí mismo sabe hacer uso y coloca su propio ser en lo que es ajeno de él? Feliz el que sabe dejar el estado que le deja y permanecer hombre a despecho de la suerte. Alaben cuanto quieran a ese rey vencido que iracundo se quiere sepultar bajo la ruina de su trono; yo le desprecio. Veo que sólo existe por su corona y que no es nada si no es rey, pero el que la pierde y vive sin ella, entonces es superior a su corona. De la jerarquía de rey, que un cobarde, un perverso, un loco puede ocupar como otro cualquiera, que ascienda al estado de hombre que tan-pocos saben desempeñar. Entonces triunfa de la fortuna, se supera; todo se lo debe a él solo, y cuando nada le queda que mostrar más que él mismo, ya no es una nulidad, es algo. Sí, prefiero cien veces al rey de Siracusa de maestro de escuela en Corintio, y al rey de Macedonia escribano en Roma que a un malhadado Tarquino, que no sabe qué hacerse si no reina; que al heredero del poseedor de tres reinos, burla de cualquiera a quien se atreve a demostrar su miseria, errando de corte en corte, mendigando auxilios en todas partes y en todas hallando desaires, por no saber hacer otra cosa que un oficio que ya no le pertenece.
L′homme et le citoyen, quel qu′il soit, n′a d′autre bien à mettre dans la société que lui-même ; tous ses autres biens y sont malgré lui ; et quand un homme est riche, ou il ne jouit pas de sa richesse, ou le public en jouit aussi. Dans le premier cas il vole aux autres ce dont il se prive ; et dans le second, il ne leur donne rien. Ainsi la dette sociale lui reste tout entière tant qu′il ne paye que de son bien. Mais mon père, en le gagnant, a servi la société... Soit, il a payé sa dette, mais non pas la vôtre. Vous devez plus aux autres que si vous fussiez né sans bien, puisque vous êtes né favorisé. Il n′est point juste que ce qu′un homme a fait pour la société en décharge un autre de ce qu′il lui doit ; car chacun, se devant tout entier, ne peut payer que pour lui, et nul père ne peut transmettre à son fils le droit d′être inutile à ses semblables ; or, c′est pourtant ce qu′il fait, selon vous, en lui transmettant ses richesses, qui sont la preuve et le prix du travail. Celui qui mange dans l′oisiveté ce qu′il n′a pas gagné lui-même le vole ; et un rentier que l′Etat paye pour ne rien faire ne diffère guère, à mes yeux, d′un brigand qui vit aux dépens des passants. Hors de la société, l′homme isolé, ne devant rien à personne, a droit de vivre comme il lui plaît ; mais dans la société, où il vit nécessairement aux dépens des autres, il leur doit en travail le prix de son entretien ; cela est sans exception. Travailler est donc un devoir indispensable à l′homme social. Riche ou pauvre, puissant ou faible, tout citoyen oisif est un fripon. El hombre y el ciudadano, quienquiera que sea, no tiene otro caudal que dar a la sociedad que a sí propio: todos los demás bienes suyos están en ella sin su voluntad, y cuando es un hombre rico, o él no disfruta de sus riquezas o también la disfruta el público con él. En el primer caso, roba a los demás aquello de que se priva, y en el segundo no les da nada de manera que le queda por pagar la deuda social entera, mientras que sólo con su caudal la satisface. «Pero mi padre, cuando la ganó; sirvió a la sociedad...» Enhorabuena; pagó su deuda, pero no la vuestra. Más debéis a los otros que si hubierais nacido sin caudal, puesto que nacisteis favorecido. No es Justo que lo que un hombre ha hecho por la sociedad, exima a otro de lo que le debe, porque como cada uno se debe todo entero, ninguno puede pagar más que por sí; ningún padre puede dejar por herencia a su hijo el derecho de ser inútil a sus semejantes, y eso es lo que, según decís, hace dejándole sus riquezas, que son remuneración y prueba de su trabajo. El que come en la ociosidad aquello que por sí propio no ha ganado, lo roba, y el acreedor del Estado, a quien éste paga no haciendo nada, poco se diferencia a mis ojos de un ladrón que vive a costa de los caminantes. Fuera de la sociedad, el hombre aislado, que a nadie debe nada, tiene derecho a vivir como se le antoje, pero en la sociedad, donde necesariamente vive a costa de los demás, les debe en trabajo lo que vale su manutención, sin que en esto haya excepciones. Así, trabajar es una obligación indispensable del hombre social. Rico o pobre, fuerte o débil, todo ciudadano ocioso es un bribón.
Or, de toutes les occupations qui peuvent fournir la substance à l′homme, celle qui le rapproche le plus de l′état de nature est le travail des mains : de toutes les conditions, la plus indépendante de la fortune et des hommes est celle de l′artisan. L′artisan ne dépend que de son travail ; il est libre, aussi libre que le laboureur est esclave ; car celui-ci tient à son champ, dont la récolte est à la discrétion d′autrui. L′ennemi, le prince, un voisin puissant, un procès, lui peut enlever ce champ ; par ce champ on peut le vexer en mille manières ; mais partout où l′on veut vexer l′artisan, son bagage est bientôt fait ; il emporte ses bras et s′en va. Toutefois, l′agriculture est le premier métier de l′homme : c′est le plus honnête, le plus utile, et par conséquent le plus noble qu′il puisse exercer. Je ne dis pas à Émile : Apprends l′agriculture ; il la sait. Tous les travaux rustiques lui sont familiers ; c′est par eux qu′il a commencé, c′est à eux qu′il revient sans cesse. Je lui dis donc : Cultive l′héritage de tes pères. Mais si tu perds cet héritage, ou si tu n′en as point, que faire ? Apprends un métier. Entre todas las ocupaciones que pueden proporcionar al hombre su subsistencia, la que más le acerca al estado de naturaleza es el trabajo manual, y entre todas las condiciones, la del artesano es la más independiente del hombre y de la fortuna. Un artesano sólo depende de su trabajo; es libre y tan libre cuanto esclavo es el labrador, atado a su campo, cuya cosecha se halla a discreción ajena; el enemigo, el príncipe, un poderoso vecino, se la puede quitar, y le hacen sufrir mil vejaciones, pero si en un país cualquiera molestan a un artesano, hace la maleta, se lleva sus brazos y se va. No obstante, la agricultura es el primer oficio del hombre, el más honroso, el más útil, y por consiguiente el más noble que puede ejercer. No le digo a Emilio que aprenda la agricultura porque ya la sabe. Está familiarizado con todas las faenas rústicas; ha empezado por ellas y no las abandona. Le digo únicamente: «Cultiva la heredad de tus padres, pero si la pierdes o no la tienes, ¿qué vas a hacer? Aprende un oficio».
Un métier à mon fils ! mon fils artisan ! Monsieur, y pensez-vous ? J′y pense mieux que vous, madame, qui voulez le réduire à ne pouvoir jamais être qu′un lord, un marquis, un prince, et peut-être un jour moins que rien : moi, je lui veux donner un rang qu′il ne puisse perdre, un rang qui l′honore dans tous les temps ; je veux l′élever à l′état d′homme ; et, quoi que vous en puissiez dire, il aura moins d′égaux à ce titre qu′à tous ceux qu′il tiendra de vous. «¡A mi hijo un oficio!, ¡artesano mi hijo! Señor, ¿qué se ha creído usted?» «Más acertado, señora, que vuestra idea, que lo queréis reducir a que nunca pueda ser otra cosa que un milord, un marqués, un príncipe, y yo le quiero dar un cargo que nunca pueda perder, que en todos los tiempos le honre; quiero elevarle al estado de hombre; decid lo que queráis, pero más le valdrá ese título que todos los que de vos herede.»
La lettre tue, et l′esprit vivifie. Il s′agit moins d′apprendre un métier pour savoir un métier, que pour vaincre les préjugés qui le méprisent. Vous ne serez jamais réduit à travailler pour vivre. Eh ! tant pis, tant pis pour vous ! Mais n′importe ; ne travaillez point par nécessité, travaillez par gloire. Abaissez-vous à l′état d′artisan, pour être au-dessus du vôtre. Pour vous soumettre la fortune et les choses, commencez par vous en rendre indépendant. Pour régner par l′opinion, commencez par régner sur elle. La letra mata, y el espíritu vivifica. No tanto se trata de aprender un oficio por saberlo, cuanto por vencer las preocupaciones que le desprecian. Nunca os veréis obligado a trabajar para vivir. Eso es lo peor. Pero no importa; no trabajéis por necesidad, trabajad por gloria. Bajad al estado de artesano para subir a más alto grado que el vuestro. Para que la fortuna y las cosas estén sujetas a vos, debéis haceros primero independiente de ellas, y para dominar por la opinión, dominadla a ella antes.
Souvenez-vous que ce n′est point un talent que je vous demande : c′est un métier, un vrai métier, un art purement mécanique, où les mains travaillent plus que la tête, et qui ne mène point à la fortune, mais avec lequel on peut s′en passer. Dans des maisons fort au-dessus du danger de manquer de pain, j′ai vu des pères pousser la prévoyance jusqu′à joindre au soin d′instruire leurs enfants celui de les pourvoir de connaissances dont, à tout événement, ils pussent tirer parti pour vivre. Ces pères prévoyants croient beaucoup faire ; ils ne font rien, parce que les ressources qu′ils pensent ménager à leurs enfants dépendent de cette même fortune au-dessus de laquelle ils les veulent mettre. En sorte qu′avec tous ces beaux talents, si celui qui les a ne se trouve dans des circonstances favorables pour en faire usage, il périra de misère comme s′il n′en avait aucun. Debéis recordar que no pido una profesión, sino un oficio, un verdadero oficio, arte sencillamente mecánico, en que más que la cabeza trabajen las manos, con el que nadie junta caudal, pero que ponga a cualquiera en estado de no necesitarlo. En casas donde no había que temer el riesgo de que falte para comer, he visto yo a padres cuya previsión llega hasta dar a sus hijos amplios conocimientos, para que en todo caso puedan valerse de ellos para mantenerse. Estos padres creen que han adelantado mucho, y no es así, puesto que los recursos que piensan procurar a sus hijos dependen de la misma fortuna contra la cual quieren prevenirse, por lo que con todos sus lucidos talentos, si el que los tiene no se encuentra en circunstancias propicias, se morirá de hambre como si no tuviese ninguno.
Dès qu′il est question de manège et d′intrigues, autant vaut les employer à se maintenir dans l′abondance qu′à regagner, du sein de la misère, de quoi remonter à son premier état. Si vous cultivez des arts dont le succès tient à la réputation de l′artiste ; si vous vous rendez propre à des emplois qu′on n′obtient que par la faveur, que vous servira tout cela, quand, justement dégoûté du monde, vous dédaignerez les moyens sans lesquels on n′y peut réussir ? Vous avez étudié la politique et les intérêts des princes. Voilà qui va fort bien ; mais que ferez-vous de ces connaissances, si vous ne savez parvenir aux ministres, aux femmes de la cour, aux chefs des bureaux ; si vous n′avez le secret de leur plaire, si tous ne trouvent en vous le fripon qui leur convient ? Vous êtes architecte ou peintre : soit ; mais il faut faire connaître votre talent. Pensez-vous aller de but en blanc exposer un ouvrage au Salon ? Oh ! qu′il n′en va pas ainsi ! Il faut être de l′Académie ; il y faut même être protégé pour obtenir au coin d′un mur quelque place obscure. Quittez-moi la règle et le pinceau ; prenez un fiacre, et courez de porte en porte : c′est ainsi qu′on acquiert la célébrité. Or vous devez savoir que toutes ces illustres portes ont des suisses ou des portiers qui n′entendent que par geste, et dont les oreilles sont dans leurs mains. Voulez-vous enseigner ce que vous avez appris, et devenir maître de géographie, ou de mathématiques, ou de langues, ou de musique, ou de dessin ? pour cela même il faut trouver des écoliers, par conséquent des prôneurs. Comptez qu′il importe plus d′être charlatan qu′habile, et que, si vous ne savez de métier que le vôtre, jamais vous ne serez qu′un ignorant. Suponiendo que se trata de arreglos y de intrigas, tanto da usarlos para mantenerse en la abundancia como para recuperar desde el seno de la miseria con qué reponerse en su primer estado. Si cultiváis artes que dan una utilidad proporcionada a la fama del artista, si os hacéis aptos para empleos que sólo se consiguen por lo que uno vale, ¿de qué os servirá todo eso cuando, aburrido con justicia del mundo, desdeñéis los medios sin los cuales no es posible hacerse un lugar? Habéis estudiado la política y los intereses de los príncipes; está bien, pero ¿qué haréis con esos conocimientos si no sabéis introduciros con los ministros, con las damas de la corte, con los jefes de oficina, si no encontráis el modo de buscarles, si no hallan todos en vos el bribón que les conviene? Sois pintor o arquitecto, enhorabuena, pero es necesario que sea conocida vuestra habilidad. ¿Quién os ha de encargar un cuadro si no sois de la Academia, si no tenéis protección, aunque sea para llenar un rincón de su antesala? Soltad esa regla y ese pincel, alquilad un coche y andad de puerta en puerta, pues es así como se adquiere celebridad, pero antes debéis saber que en todas esas ilustres puertas hay porteros o conserjes los cuales sólo comprenden por señas y tienen el oído en las manos. ¿Queréis enseñar lo que habéis aprendido y ser maestro de geografía, de matemáticas, de lenguas, de música o dibujo? Para eso necesitáis discípulos, y por lo tanto apologistas. No perdáis de vista que más vale ser charlatán que hábil, y que si no sabéis otro oficio que el vuestro, nunca seréis más que un ignorante.
Voyez donc combien toutes ces brillantes ressources sont peu solides, et combien d′autres ressources vous sont nécessaires pour tirer parti de celles-là. Et puis, que deviendrez-vous dans ce lâche abaissement ? Les revers, sans vous instruire, vous avilissent ; jouet plus que jamais de l′opinion publique, comment vous élèverez-vous au-dessus des préjugés, arbitres de votre sort ? Comment mépriserez-vous la bassesse et les vices dont vous avez besoin pour subsister ? Vous ne dépendiez que des richesses, et maintenant vous dépendez des riches ; vous n′avez fait qu′empirer votre esclavage et le surcharger de votre misère. Vous voilà pauvre sans être libre ; c′est le pire état où l′homme puisse tomber. Ved, pues, la escasa solidez que poseen todos estos brillantes recursos, y cuántos otros os son necesarios para obtener algún partido. Y luego, ¿qué seréis con ese torpe aplebeyamiento? Sin instruiros, os envilecen los reveses de la fortuna; analizados más que nunca por la opinión pública, ¿cómo superaréis las preocupaciones, árbitros de vuestra suerte? ¿Cómo despreciaréis los vicios y la bajeza que precisáis para subsistir? Sólo dependíais de las riquezas y ahora dependéis de los ricos; habéis empeorado de esclavitud, recargándola con la miseria. Sois pobre sin ser libre, y ése es el peor estado en que el hombre puede caer.
Mais, au lieu de recourir pour vivre à ces hautes connaissances qui sont faites pour nourrir l′âme et non le corps, si vous recourez, au besoin, à vos mains et à l′usage que vous en savez faire, toutes les difficultés disparaissent, tous les manèges deviennent inutiles ; la ressource est toujours prête au moment d′en user ; la probité, l′honneur, ne sont plus un obstacle à la vie ; vous n′avez plus besoin d′être lâche et menteur devant les grands, souple et rampant devant les fripons, vil complaisant de tout le monde, emprunteur ou voleur, ce qui est à peu près la même chose quand on n′a rien ; l′opinion des autres ne vous touche point ; vous n′avez à faire votre cour à personne, point de sot à flatter, point de suisse à fléchir, point de courtisane à payer, et, qui pis est, à encenser. Que des coquins mènent les grandes affaires, peu vous importe : cela ne vous empêchera pas, vous, dans votre vie obscure, d′être honnête homme et d′avoir du pain. Vous entrez dans la première boutique du métier que vous avez appris : Maître, j′ai besoin d′ouvrage. Compagnon, mettez-vous là, travaillez. Avant que l′heure du dîner soit venue, vous avez gagné votre dîner ; si vous êtes diligent et sobre, avant que huit jours se passent, vous aurez de quoi vivre huit autres jours : vous aurez vécu libre, sain, vrai, laborieux, juste. Ce n′est pas perdre son temps que d′en gagner ainsi. Pero si en vez de recurrir a esos excelentes conocimientos destinados para ser alimentos del alma y no del cuerpo, recurrís, si es preciso, a vuestros brazos y sabéis hacer buen uso de ellos, todas las dificultades desaparecerán y serán inútiles las estratagemas. La probidad y el honor ya no son un estorbo para vivir; ya no es necesario ser mentiroso y cobarde ante los grandes, flexible y servil ante los bribones, vil complaciente de todo el mundo, prestamista o ladrón, que es semejante a aquel que no posee nada; la opinión de los otros no os interesa, no tenéis que cortejar a nadie, ni necio que adular, ni portero que ablandar, ni cortesana que pagar, ni lo que es peor, ensalzarla. Que los bribones manejen los grandes negocios poco os importa; eso no impedirá que en vuestra vida oscura seáis hombres de bien y os ganéis vuestro pan. Entráis en el primer taller del oficio que habéis aprendido: «Maestro, necesito empleo». «Camarada, poneos allí y trabajad.» Antes de la hora de la comida, ya la habéis ganado; si sois sobrio y diligente, antes de que transcurran muchos días tendréis lo suficiente para vivir otros ocho, y habréis vivido libre, sano, sincero, laborioso y justo. Quien lo aprovecha así no pierde el tiempo.
Je veux absolument qu′Émile apprenne un métier. Un métier honnête, au moins, direz-vous ? Que signifie ce mot ? Tout métier utile au public n′est-il pas honnête ? Je ne veux point qu′il soit brodeur, ni doreur, ni vernisseur, comme le gentilhomme de Locke ; je ne veux qu′il soit ni musicien, ni comédien, ni faiseur de livres {a href="#11">[11]. À ces professions près et les autres qui leur ressemblent, qu′il prenne celle qu′il voudra ; je ne prétends le gêner en rien. J′aime mieux qu′il soit cordonnier que poète ; j′aime mieux qu′il pave les grands chemins que de faire des fleurs de porcelaine. Mais, direz-vous, les archers, les espions, les bourreaux sont des gens utiles. Il ne tient qu′au gouvernement qu′ils ne le soient point. Mais passons ; j′avais tort : il ne suffit pas de choisir un métier utile, il faut encore qu′il n′exige pas des gens qui l′exercent des qualités d′âme odieuses et incompatibles avec l′humanité. Ainsi, revenant au premier mot, prenons un métier honnête ; mais souvenons-nous toujours qu′il n′y a point d′honnêteté sans l′utilité. Quiero por encima de todo que Emilio aprenda un oficio, y un oficio honroso; me preguntaréis qué significa esa palabra. ¿No es honroso todo oficio útil al público? No quiero que sea bordador, ni dorador, ni limpiabotas, como el caballero Locke; no quiero que sea músico, ni comediante, ni que escriba libros . Menos estas profesiones y las demás parecidas, que siga la que quiera, puesto que no pretendo sujetarle en nada. Prefiero que sea zapatero que poeta; antes prefiero que empiedre caminos a que haga adornos de porcelana. No obstante, me diréis, los corchetes, -los espías, los verdugos, también son sujetos útiles. Depende del Gobierno el que puedan serlo, pero no que sea así; no me he expresado bien. No basta con escoger un oficio útil, también es preciso que no requiera en las personas que lo ejerciten sentimientos odiosos e incompatibles con la humanidad. Volviendo, pues, a la primera expresión, tomemos un oficio honroso, pero no debemos olvidar que no hay honra sin utilidad.
Un célèbre auteur de ce siècle {a href="#12">[12], dont les livres sont pleins de grands projets et de petites vues, avait fait vœu, comme tous les prêtres de sa communion, de n′avoir point de femme en propre ; mais, se trouvant plus scrupuleux que les autres sur l′adultère, on dit qu′il prit le parti d′avoir de jolies servantes, avec lesquelles il réparait de son mieux l′outrage qu′il avait fait à son espèce par ce téméraire engagement. Il regardait comme un devoir du citoyen d′en donner d′autres à la patrie, et du tribut qu′il lui payait en ce genre il peuplait la classe des artisans. Sitôt que ces enfants étaient en âge, il leur faisait apprendre à tous un métier de leur goût, n′excluant que les professions oiseuses, futiles, ou sujettes à la mode, telles, par exemple, que celle de perruquier, qui n′est jamais nécessaire, et qui peut devenir inutile d′un jour à l′autre, tant que la nature ne se rebutera pas de nous donner des cheveux. Un famoso autor de este siglo, el abate de Saint-Pierre, cuyos libros están llenos de vastos proyectos y mezquinas ideas, había hecho como todos los sacerdotes de su comunión el voto de no tener mujer propia, pero siendo más escrupuloso que los demás acerca del adulterio, dicen que determinó tener en casa lindas sirvientas, con las cuales resarcía lo mejor que podía el agravio que con esta temeraria promesa había hecho a su especie y a la naturaleza. Consideraba una obligación del ciudadano el dar otros a la patria, y con el tributo que en este género le pagaba, poblaba la clase de artesanos. Así que tenían edad para ello, estos niños, les hacía aprender el oficio que era más de su agrado, excluyendo sólo las profesiones ociosas, fútiles o expuestas a la moda, como la de fabricar pelucas, por ejemplo, que nunca es necesaria, y llegará a ser inútil un día u otro, a no ser que la naturaleza se canse de darnos cabello.
Voilà l′esprit qui doit nous guider dans le choix du métier d′Émile, ou plutôt ce n′est pas à nous de faire ce choix, c′est à lui ; car les maximes dont il est imbu conservant en lui le mépris naturel des choses inutiles, jamais il ne voudra consumer son temps en travaux de nulle valeur et il ne connaît de valeur aux choses que celle de leur utilité réelle ; il lui faut un métier qui pût servir à Robinson dans son île. Aquí está el espíritu que debe guiarnos en la elección del oficio del niño, o quizá no nos corresponde a nosotros hacer esta elección, sino a él, porque las máximas en que está imbuido, habiendo arraigado en su interior un natural desprecio a las cosas carentes de valor, le privarán de gastar su tiempo en trabajos inútiles, y no conocerá otro valor en las cosas que el que se deriva de su utilidad real; así, necesita un oficio que pudiera servir a Robinson en su isla.
En faisant passer en revue devant un enfant les productions de la nature et de l′art, en irritant sa curiosité, en le suivant où elle le porte, on a l′avantage d′étudier ses goûts, ses inclinations, ses penchants, et de voir brillie la première étincelle de son génie, s′il en a quelqu′un qui soit bien décidé. Mais une erreur commune et dont il faut vous préserver, c′est d′attribuer à l′ardeur du talent l′effet de l′occasion, et de prendre pour une inclination marquée vers tel ou tel art l′esprit imitatif commun à l′homme et au singe, et qui porte machinalement l′un et l′autre à vouloir faire tout ce qu′il voit faire, sans trop savoir à quoi cela est bon. Le monde est plein d′artisans, et surtout d′artistes, qui n′ont point le talent naturel de l′art qu′ils exercent, et dans lequel on les a poussés dès leur bas âge, soit déterminé par d′autres convenances, soit trompé par un zèle apparent qui les eût portés de même vers tout autre art, s′ils l′avaient vu pratiquer aussitôt. Tel entend un tambour et se croit général ; tel voit bâtir et veut être architecte. Chacun est tenté du métier qu′il voit faire, quand il le croit estimé. Si un niño tiene un ingenio especial para un arte determinado, se obtiene la ventaja de ver saltar la primera chispa, y de estudiar su afición, sus inclinaciones y su gusto, procurando que pase revista a las producciones del arte y de la naturaleza, avivando su curiosidad siguiendo a donde le lleve. Pero es un error muy recuente, y del cual debéis preveniros, atribuir el efecto de la ocasión a un ardor del ingenio, y confundir con una inclinación irresistible a tal o cual arte aquel espíritu imitativo común del hombre y del mono, y que maquinalmente los incita a que hagan lo que ven hacer, sin saber para qué sirve. El mundo está lleno de artesanos, y especialmente de artistas que carecen de un talento particular para el arte que profesan, y a los cuales les aplicaron desde su primera edad, o convenciéndoles de que así les era útil, o dejándose alucinar de un aparente fervor que del mismo modo hubieran tenido para otro cualquier arte si lo hubiesen visto practicado. Uno que oye un tambor, quiere ser general; otro ve levantar una casa, y quiere ser arquitecto. El oficio que ve hacer atrae a cada uno mientras vea que tiene aceptación.
J′ai connu un laquais qui, voyant peindre et dessiner son maître, se mit dans la tête d′être peintre et dessinateur. Dès l′instant qu′il eut formé cette résolution, il prit le crayon, qu′il n′a plus quitté que pour reprendre le pinceau, qu′il ne quittera de sa vie. Sans leçons et sans règles, il se mit à dessiner tout ce qui lui tombait sous la main. Il passa trois ans entiers collé sur ses barbouillages, sans que jamais rien pût arracher que son service, et sans jamais se rebuter du peu de progrès que de médiocres dispositions lui laissaient faire. Je l′ai vu durant six mois d′un été très ardent, dans une petite antichambre au midi, où l′on suffoquait au passage, assis, ou plutôt cloué tout le jour sur sa chaise, devant un globe, dessiner ce globe, le redessiner, commencer et recommencer sans cesse avec une invincible obstination, jusqu′à ce qu′il eût rendu la ronde bosse assez bien pour être content de son travail. Enfin, favorisé de son maître et guidé par un artiste, il est parvenu au point de quitter la livrée et de vivre de son pinceau. Jusqu′à certain terme la persévérance supplée au talent : il a atteint ce terme et ne le passera jamais. La constance et l′émulation de cet honnête garçon sont louables. Il se fera toujours estimer par son assiduité, par sa fidélité, par ses mœurs ; mais il ne peindra jamais que des dessus de porte. Qui est-ce qui n′eût pas été trompé par son zèle et ne l′eût pas pris pour un vrai talent ? Il y a bien de la différence entre se plaire à un travail et y être propre. Il faut des observations plus fines qu′on ne pense pour s′assurer du vrai génie et du vrai goût d′un enfant qui montre bien plus ses désirs que ses dispositions, et qu′on juge toujours par les premiers, faute de savoir étudier les autres. Je voudrais qu′un homme judicieux nous donnât un traité de l′art d′observer les enfants. Cet art serait très important à connaître : les pères et les maîtres n′en ont pas encore les éléments. Conocí a un doméstico que, al ver pintar y dibujar a su amo, se le antojó ser pintor y dibujante. Tan pronto como se decidió, tomó el lapicero, que no dejó hasta coger el pincel, el cual no dejará en su vida. Sin lecciones ni reglas se puso a dibujar todo lo que hallaba a mano. Pasó tres años enteros pegado a sus mamarrachos, sin desprenderse de ellos un solo momento como no fuera para cosas de su servicio, y sin que se desalentara con el poco adelanto que le permitía su mediocre habilidad. Le vi por espacio de seis meses, de un verano muy caluroso, en un saloncito, sentado o más bien clavado todo el día en una silla, delante de un globo, dibujar el globo, repetir el dibujo, empezar y volver a empezar sin interrupción, hasta representar la curvatura de la esfera con la suficiente propiedad para quedar satisfecho con su trabajo. Por último, con la ayuda de su amo y guiado por un artista, logró desprenderse de la librea y mantenerse con su pincel. La perseverancia, hasta cierto punto, suple la habilidad; esto ha sido alcanzado por él, pero no irá más adelante. La emulación y la constancia de este honrado mozo son dignas de elogio, y siempre será apropiado por su aplicación, su fidelidad y sus buenas costumbres, pero jamás pintará otras cosas que muestras de tienda. ¿Quién no se habría engañado con su fervor y no lo hubiera tenido como una señal de ingenio? Existe una gran diferencia entre apasionarse por una ocupación o ser apto para ella. Observaciones más sagaces de lo que se piensan son necesarias para conocer la verdadera habilidad y el gusto de un niño, que más que sus disposiciones pone de manifiesto sus deseos, y siempre juzgamos por éstos, puesto que no sabemos estudiar aquéllas. Quisiera que un escritor de juicio recto nos diese un tratado del arte de observar a los niños, arte que sería muy importante conocer, y del cual ni siquiera los elementos saben los maestros y los padres.
Mais peut-être donnons-nous ici trop d′importance au choix d′un métier. Puisqu′il ne s′agit que d′un travail des mains, ce choix n′est rien pour Émile ; et son apprentissage est déjà plus d′à moitié fait, par les exercices dont nous l′avons occupé jusqu′à présent. Que voulez-vous qu′il fasse ? Il est prêt à tout : il sait déjà manier la bêche et la houe ; il sait se servir du tour, du marteau, du rabot, de la lime ; les outils de tous les métiers lui sont déjà familiers. Il ne s′agit plus que d′acquérir de quelqu′un de ces outils un usage assez prompt, assez facile, pour égaler en diligence les bons ouvriers qui s′en servent ; et il a sur ce point un grand avantage par-dessus tous, c′est d′avoir le corps agile, les membres flexibles, pour prendre sans peine toutes sortes d′attitudes et prolonger sans effort toutes sortes de mouvements. De plus, il a les organes justes et bien exercés ; toute la mécanique des arts lui est déjà connue. Pour savoir travailler en maître, il ne lui manque que de l′habitude, et l′habitude ne se gagne qu′avec le temps. Auquel des métiers, dont le choix nous reste à faire, donnera-t-il donc assez de temps pour s′y rendre diligent ? Ce n′est plus que de cela qu′il s′agit. Pero tal vez aquí concedemos una importancia exagerada a la elección de un oficio. Puesto que sólo se trata de un trabajo manual, nada quiere decir esta elección para Emilio, y ya tenemos más de la mitad del aprendizaje con los ejercicios en que le hemos ocupado hasta aquí. ¿Qué deseáis que haga? Está preparado para todo, ya sabe utilizar la pala y el azadón, sabe servirse del martillo, del torno, del cepillo, de la lima, y está familiarizado con las herramientas de todos los oficios. Únicamente se trata de conseguir en alguna de estas herramientas tan rápida y fácil práctica que iguale a los mejores oficiales que las usen, y en este punto, al tener el cuerpo ágil y flexibles los miembros para tomar sin dificultad toda clase de posturas y prolongar sin fatiga toda especie de movimientos, aventaja a todos. Además, tiene los órganos justos y bien ejercitados y ya conoce la mecánica de las artes. Unicamente carece del hábito para trabajar tan perfectamente como el maestro, y el hábito se adquiere con el tiempo. ¿En cuál de los oficios, cuya elección tenemos que hacer, empleará el tiempo necesario para ser práctico en él?
Donnez à l′homme un métier qui convienne à son sexe, et au jeune homme un métier qui convienne à son âge : toute profession sédentaire et casanière, qui effémine et ramollit le corps, ne lui plaît ni ne lui convient. Jamais jeune garçon n′aspira de lui-même à être tailleur ; il faut de l′art pour porter à ce métier de femmes le sexe pour lequel il n′est pas fait {a href="#13">[13]. L′aiguille et l′épée ne sauraient être maniées par les mêmes mains. Si j′étais souverain, je ne permettrais la couture et les métiers à l′aiguille qu′aux femmes et aux boiteux réduits à s′occuper comme elles. En supposant les eunuques nécessaires, je trouve les Orientaux bien fous d′en faire exprès. Que ne se contentent-ils de ceux qu′a faits la nature, de ces foules d′hommes lâches dont elle a mutilé le cœur ? ils en auraient de reste pour le besoin. Tout homme faible, délicat, craintif, est condamné par elle à la vie sédentaire ; il est fait pour vivre avec les femmes ou à leur manière. Qu′il exerce quelqu′un des métiers qui leur sont propres, à la bonne heure ; et, s′il faut absolument de vrais eunuques, qu′on réduise à cet état les hommes qui déshonorent leur sexe en prenant des emplois qui ne lui conviennent pas. Leur choix annonce l′erreur de la nature : corrigez cette erreur de manière ou d′autre, vous n′aurez fait que du bien. Dad al hombre un oficio apropiado a su sexo y al joven uno apropiado a su edad; ni le gusta ni le conviene toda profesión casera y sedentaria que afemina el cuerpo y lo debilita. Jamás aspiró naturalmente un joven a ser sastre, y es preciso inclinar a este oficio mujeril, pero necesario, al sexo para el cual fue destinado . No pueden la aguja y la espada ser manejadas por unas mismas manos. Si yo fuera rey sólo permitiría la costura y los oficios que se hacen con la aguja a las mujeres y a los cojos precisados a ocuparse como ellas. Suponiendo que los eunucos eran necesarios, encuentro que era una demencia de los orientales el hacerlos. ¿Por qué no se contentan con lo que ha hecho la naturaleza con esta muchedumbre de hombres cobardes cuyo corazón ha mutilado y que les sobrarían para lo que necesitan? Todo hombre flacucho, delicado, medroso, fue condenado por la naturaleza y destinado a vivir entre las mujeres y a su manera; que ejercite, pues, alguno de los oficios que le son peculiares, y si son absolutamente necesarios verdaderos eunucos, que se reduzcan a este estado los hombres que deshonran su sexo, en vez de emplearse en quehaceres que no les convienen. Su elección indica el error de la naturaleza, pues es indispensable enmendar ese error.
J′interdis à mon élève les métiers malsains, mais non pas les métiers pénibles, ni même les métiers périlleux. Ils exercent à la fois la force et le courage ; ils sont propres aux hommes seuls ; les femmes n′y prétendent point : comment n′ont-ils pas honte d′empiéter sur ceux qu′elles font ? Prohíbo a mi alumno los oficios insanos, pero no los penosos, ni tampoco los peligrosos, que ejercitan a la par el ánimo y la fuerza, y sólo son propios de los hombres; las mujeres ya no los pretenden. ¿Cómo no tienen aquéllos vergüenza de introducirse en los que son de la jurisdicción del otro sexo?
{DIV {I>Luctantur paucae, comedunt coliphia paucae.{/I>{BR> {I>Vos lanam trahitis, calathisque peracta refertis{/I>{BR> {I>Vellera…{/I> {/DIV> {DIV Luctantur paucae, comedunt coliphia paucae.{BR> Vos lanam trahitís, calathisque peracta refertis:{BR> Vellera... Juven. Sat.II
En Italie on ne voit point de femmes dans les boutiques ; et l′on ne peut rien imaginer de plus triste que le coup d′œil des rues de ce pays-là pour ceux qui sont accoutumés à celles de France et d′Angleterre. En voyant des marchands de modes vendre aux dames des rubans, des pompons, du réseau, de la chenille, je trouvais ces parures délicates bien ridicules dans de grosses mains, faites pour souffler la forge et frapper sur l′enclume. Je me disais : Dans ce pays les femmes devraient, par représailles, lever des boutiques de fourbisseurs et d′armuriers. Eh ! que chacun fasse et vende les armes de son sexe. Pour les connaître, il les faut employer. En Italia no se ven mujeres en las tiendas, y no puede imaginarse cosa más triste que ver las calles de este país para los que están acostumbrados a las de Inglaterra y Francia. Cuando yo veía a mercaderes de modas que vendían a las damas cintas, blondas y felpilla, me parecían muy ridículos estos delicados arreos en manos toscas, que mejor le darían al fuelle de la fragua o trabajarían el hierro en el yunque. Yo decía que en aquel país, como represalia, las mujeres deberían abrir tiendas de armeros y espaderos. Que haga y venda cada uno las armas de su sexo, ya que para conocerlas es preciso manejarlas.
Jeune homme, imprime à tes travaux la main de l′homme. Apprends à manier d′un bras vigoureux la hache et la scie, à équarrir une poutre, à monter sur un comble, à poser le faîte, à l′affermir de jambes de force et d′entraits ; puis crie à ta sœur de venir t′aider à ton ouvrage, comme elle te disait de travailler à son point croisé. Joven, imprime a tus trabajos la mano del hombre; debes aprender el manejo del hacha y de la sierra, a cuadrar una viga, a subir un tejado, a poner un techo, a afianzar las maestras y las soleras, y luego llama a tu hermana para que vaya a ayudarte en tu tarea, igual que ella te decía que trabajases tú en su punto de encaje.
J′en dis trop pour mes agréables contemporains, je le sens ; mais je me laisse quelquefois entraîner à la force des conséquences. Si quelque homme que ce soit a honte de travailler en public armé d′une doloire et ceint d′un tablier de peau, je ne vois plus en lui qu′un esclave de l′opinion, prêt à rougir de bien faire, sitôt qu′on se rira des honnêtes gens. Toutefois cédons au préjugé des pères tout ce qui ne peut nuire au jugement des enfants. Il n′est pas nécessaire d′exercer toutes les professions utiles pour les honorer toutes ; il suffit de n′en estimer aucune au-dessous de soi. Quand on a le choix et que rien d′ailleurs ne nous détermine, pourquoi ne consulterait-on pas l′agrément, l′inclination, la convenance entre les professions de même rang ? Les travaux des métaux sont utiles, et même les plus utiles de tous ; cependant, à moins qu′une raison particulière ne m′y porte, je ne ferai point de votre fils un maréchal, un serrurier, un forgeron ; je n′aimerais pas à lui voir dans sa forge la figure d′un cyclope. De même je n′en ferai pas un maçon, encore moins un cordonnier. Il faut que tous les métiers se fassent ; mais qui peut choisir doit avoir égard à la propreté, car il n′y a point là d′opinion ; sur ce point les sens nous décident. Enfin je n′aimerais pas ces stupides professions dont les ouvriers, sans industrie et presque automates, n′exercent jamais leurs mains qu′au même travail ; les tisserands, les faiseurs de bas, les scieurs de pierres : à quoi sert d′employer à ces métiers des hommes de sens ? c′est une machine qui en mène une autre. Esto que digo es excesivo para mis agradables contemporáneos, bien lo veo, pero a veces me dejo llevar por la fuerza de las deducciones. Si un hombre, sea quien sea, tiene vergüenza de trabajar en público armado de una azuela y un mandil de cuero, sólo veo en él a un esclavo de la opinión dispuesto a avergonzarse de sus buenas obras, de tal forma que ridiculicen al hombre de bien. Debemos ceder, no obstante, a la preocupación de los padres todo lo que no puede perjudicar a las profesiones útiles para honrarlas todas; basta con no tener a ninguna por inferior a nosotros. Cuando nos dan a elegir y nada nos determina por otra parte, ¿por qué no hemos de atender a la decencia, a la inclinación, al agrado entre profesiones de la misma jerarquía? Los trabajos de los metales son muy útiles, tal vez los que más; no obstante, sin que a ello me mueva ninguna razón especial, no haré a vuestro hijo herrador, cerrajero, ni herrero; no me gustaría verle en la fragua con la figura de un cíclope. Tampoco le haré albañil, y mucho menos zapatero. Es necesario que se ejerzan todos los oficios, pero el que puede elegir ha de tener presente la limpieza, porque en este punto no hay opinión, pues los sentidos deciden. Por último, tampoco quisiera aquellas estúpidas profesiones cuyos operarios sin industria y casi autómatas siempre ejercitan sus manos en un mismo trabajo; tejedores, fabricantes de medias, aserradores; ¿para qué hace falta emplear en oficios similares a hombres que discurren, si son máquinas que mueven a otras?
Tout bien considéré, le métier que j′aimerais le mieux qui fût du goût de mon élève est celui de menuisier. Il est propre, il est utile, il peut s′exercer dans la maison ; il tient suffisamment le corps en haleine ; il exige dans l′ouvrier de l′adresse et l′industrie, et dans la forme des ouvrages que l′utilité détermine, l′élégance et le goût ne sont pas exclus. Bien considerado todo, el oficio que más quisiera yo que le gustase a mi alumno sería el de ebanista, el cual es limpio, útil y se puede ejercitar dentro de casa, mantiene en suficiente movimiento al cuerpo, exige en el obrero destreza e industria, y no están excluidos, en la forma de las obras que determina la utilidad, el gusto y la elegancia.
Que si par hasard le génie de votre élève était décidément tourné vers les sciences spéculatives, alors je ne blâmerais pas qu′on lui donnât un métier conforme à ses inclinations ; qu′il apprît, par exemple, à faire des instruments de mathématiques, des lunettes, des télescopes, etc. Si el ingenio de vuestro alumno tuviese una predilección particular por las ciencias especulativas, entonces yo no me opondría a que le dieseis un oficio conforme a sus inclinaciones; por ejemplo, que aprendiese a fabricar instrumentos de matemáticas, lentes, telescopios, etc.
Quand Émile apprendra son métier, je veux l′apprendre avec lui ; car je suis convaincu qu′il n′apprendra jamais bien que ce que nous apprendrons ensemble. Nous nous mettrons donc tous deux en apprentissage, et nous ne prétendrons point être traités en messieurs, mais en vrais apprentis qui ne le sont pas pour rire ; pourquoi ne le serions-nous pas tout de bon ? Le czar Pierre était charpentier au chantier, et tambour dans ses propres troupes, pensez-vous que ce prince ne vous valût pas par la naissance ou par le mérite ? Vous comprenez que ce n′est point à Émile que je dis cela ; c′est à vous, qui que vous puissiez être. Cuando Emilio aprenda su oficio, yo también quiero aprenderlo con él, porque creo que nunca aprenderá bien lo que no aprendamos juntos. Así nos pondremos los dos en aprendizaje y no pretenderemos que nos traten como caballeros, sino como auténticos aprendices que no lo son por broma, ¿y por qué no lo hemos de ser de verdad? El zar Pedro era carpintero en el astillero y tambor en sus propias tropas. ¿Pensáis que este príncipe no era como vosotros por su mérito y por su origen? Ya comprenderéis que esto no se lo digo a Emilio, sino al lector, cualquiera que sea.
Malheureusement nous ne pouvons passer tout notre temps à l′établi. Nous ne sommes pas apprentis ouvriers, nous sommes apprentis hommes ; et l′apprentissage de ce dernier métier est plus pénible et plus long que l′autre. Comment ferons-nous donc ? Prendrons-nous un maître de rabot une heure par jour, comme on prend un maître à danser ? Non. Nous ne serions pas des apprentis, mais des disciples ; et notre ambition n′est pas tant d′apprendre la menuiserie que de nous élever à l′état de menuisier. Je suis donc d′avis que nous allions toutes les semaines une ou deux fois au moins passer la journée entière chez le maître, que nous nous levions à son heure, que nous soyons à l′ouvrage avant lui, que nous mangions à sa table, que nous travaillions sous ses ordres, et qu′après avoir eu l′honneur de souper avec sa famille, nous retournions, si nous voulons, coucher dans nos lits durs. Voilà comment on apprend plusieurs métiers à la fois, et comment on s′exerce au travail des mains sans négliger l′autre apprentissage. Por desgracia no nos es posible pasar todo nuestro tiempo en el banco del ebanista. No sólo somos aprendices de arte, somos también aprendices de hombre, y es más penoso y largo el aprendizaje de este oficio que el otro. ¿Pues qué haremos? ¿Tomaremos un maestro de cepillar una hora al día, como se toma un maestro de baile? No, porque no seríamos aprendices, sino discípulos, y no es tanta nuestra ambición al aprender el oficio como para elevarnos al estado de ebanista. Así que opino que debemos ir por lo menos una o dos veces cada semana a pasar el día en casa del maestro, que nos levantemos a su hora, y que nos pongamos al trabajo antes que él, que comamos en su mesa, que trabajemos a sus órdenes, y después de haber tenido el honor de cenar con su familia, nos volvemos a dormir a casa en nuestros duros camastros. De este modo se aprenden muchos oficios a la par, y así se ejercita el trabajo manual sin descuidar el otro aprendizaje.
Soyons simples en faisant bien. N′allons pas reproduire la vanité par nos soins pour la combattre. S′enorgueillir d′avoir vaincu les préjugés, c′est s′y soumettre. On dit que, par un ancien usage de la maison ottomane, le Grand Seigneur est obligé de travailler de ses mains ; et chacun sait que les ouvrages d′une main royale ne peuvent être que des chefs-d′œuvre. Il distribue donc magnifiquement ces chefs-d′œuvre aux grands de la Porte ; et l′ouvrage est payé selon la qualité de l′ouvrier. Ce que je vois de mal à cela n′est pas cette prétendue vexation ; car, au contraire, elle est un bien. En forçant les grands de partager avec lui les dépouilles du peuple, le prince est d′autant moins obligé de piller le peuple directement. C′est un soulagement nécessaire au despotisme, et sans lequel cet horrible gouvernement ne saurait subsister. Seamos sencillos cuando hagamos el bien, y no incurramos en la vanidad en nuestro afán de combatirla. Enorgullecerse por haber vencido los prejuicios, es caer en ellos. Dicen que por una antigua tradición de la casa otomana el Gran Señor está obligado a realizar trabajos manuales, y todos saben que las obras que salen de la mano real no pueden dejar de ser obras maestras. Distribuye, pues, con munificencia estas obras maestras a los potentados de la Puerta, y se paga la obra según la calidad del artífice. Lo malo que veo en esto no es la pretendida vejación, por el contrario es un bien, porque, obligando a los grandes a que se partan con él los despojos del pueblo, eso le roba menos directamente el príncipe. Alivio necesario del despotismo es éste, y sin él no podría subsistir ese abyecto gobierno.
Le vrai mal d′un pareil usage est l′idée qu′il donne à ce pauvre homme de son mérite. Comme le roi Midas, il voit changer en or tout ce qu′il touche, mais il n′aperçoit pas quelles oreilles cela fait pousser. Pour en conserver de courtes à notre Émile, préservons ses mains de ce riche talent ; que ce qu′il fait ne tire pas son prix de l′ouvrier, mais de l′ouvrage. Ne souffrons jamais qu′on juge du sien qu′en le comparant à celui des bons maîtres. Que son travail soit prisé par le travail même, et non parce qu′il est de lui. Dites de ce qui est bien fait : Voilà qui est bien fait ; mais n′ajoutez point : Qui est-ce qui a fait cela ? S′il dit lui-même d′un air fier et content de lui : C′est moi qui l′ai fait, ajoutez froidement : Vous ou un autre, il n′importe ; c′est toujours un travail bien fait. El verdadero inconveniente de este uso consiste en la idea que a este pobre hombre le da de su mérito, que, como el rey Midas, ve que se convierte en oro todo lo que toca, y no se da cuenta de cómo le crecen las orejas. Para que se le queden cortas a mi Emilio, preservemos sus manos de tan rico talento y provenga el valor de la obra y no del artífice. No consintamos que juzguen de las suyas, como no sea comparándolas con las de los buenos maestros; considérese su trabajo por el trabajo mismo y no porque es suyo. Decid de lo que esté bien hecho: «Esto está bien hecho», pero no preguntéis: «¿Quién lo hizo?». Si dice en tono engreído: «Lo hice yo», contestadle con voz sosegada: «Tú o bien otro no importa; está bien hecho».
Bonne mère, préserve-toi surtout des mensonges qu′on te prépare. Si ton fils sait beaucoup de choses, défie-toi de tout ce qu′il sait ; s′il a le malheur d′être élevé dans Paris, et d′être riche, il est perdu. Tant qu′il s′y trouvera d′habiles artistes, il aura tous leurs talents ; mais loin d′eux il n′en aura plus. À Paris, le riche sait tout ; il n′y a d′ignorant que le pauvre. Cette capitale est pleine d′amateurs, et surtout d′amatrices, qui font leurs ouvrages comme M. Guillaume inventait ses couleurs. Je connais à ceci trois exceptions honorables parmi les hommes, il y en peut avoir davantage ; mais je n′en connais aucune parmi les femmes, et je doute qu′il y en ait. En général, on acquiert un nom dans les arts comme dans la robe ; on devient artiste et juge des artistes comme on devient docteur en droit et magistrat. Presérvate, buena madre, principalmente de las mentiras que te preparan. Si tu hijo sabe muchas cosas, desconfía de todo lo que sepa. Está perdido si tiene la desgracia de ser rico y educarse en París. Mientras esté con hábiles artistas, irá apropiándose los talentos de ellos, si se aleja no los mejorará. En París, el rico lo sabe todo, y sólo son ignorantes los pobres. Esta capital está llena de aficionados y sobre todo de aficionadas que componen sus obras con ayuda del vecino. Sé de tres honrosas excepciones en hombres, y puede haber más, pero no sé de ninguna en mujeres, y dudo que las haya. En general se adquiere nombre en las artes como en el foro, y se hace uno artista y juez de los artistas, como doctor en leyes y magistrado.
Si donc il était une fois établi qu′il est beau de savoir un métier, vos enfants le sauraient bientôt sans l′apprendre ; ils passeraient maîtres comme les conseillers de Zurich. Point de tout ce cérémonial pour Émile ; point d′apparence, et toujours de la réalité. Qu′on ne dise pas qu′il sait, mais qu′il apprenne en silence. Qu′il fasse toujours son chef-d′œuvre, et que jamais il ne passe maître ; qu′il ne se montre pas ouvrier par son titre, mais par son travail. Si quedara definitivamente establecido que es magnífico saber un oficio, pronto lo sabrían vuestros hijos sin aprenderlo, y se examinarían de maestros como los consejeros de Zurich. Nada de ese ceremonial para Emilio, nada de apariencias, y siempre la realidad. Que no se diga que sabe, y que aprenda en silencio; que haga siempre obras maestras y no se examine nunca de maestro; que no se muestre obrero por el título, sino por el trabajo.
Si jusqu′ici je me suis fait entendre, on doit concevoir comment avec l′habitude de l′exercice du corps et du travail des mains, je donne insensiblement à mon élève le goût de la réflexion et de la méditation, pour balancer en lui la paresse qui résulterait de son indifférence pour les jugements des hommes et du calme de ses passions. Il faut qu′il travaille en paysan et qu′il pense en philosophe, pour n′être pas aussi fainéant qu′un sauvage. Le grand secret de l′éducation est de faire que les exercices du corps et ceux de l′esprit servent toujours de délassement les uns aux autres. Si hasta aquí me he hecho entender, debe comprenderse cómo con el hábito del ejercicio corporal y del trabajo manual aficiono paulatinamente a mi alumno a la reflexión y meditación, para contrapesar en él la pereza que resultaría de su indiferencia ante los juicios de los hombres y el estado de sus pasiones. Es necesario que trabaje como un rústico y piense como un filósofo, para que no sea tan holgazán como un salvaje. Todo el misterio de la educación consiste en que los ejercicios del cuerpo y del espíritu sirvan de desahogo unos a otros.
Mais gardons-nous d′anticiper sur les instructions qui demandent un esprit plus mûr. Émile ne sera pas longtemps ouvrier, sans ressentir par lui-même l′inégalité des conditions, qu′il n′avait d′abord qu′aperçue. Sur les maximes que je lui donne et qui sont à sa portée, il voudra m′examiner à mon tour. En recevant tout de moi seul, en se voyant si près de l′état des pauvres, il voudra savoir pourquoi j′en suis si loin. Il me fera peut-être, au dépourvu, des questions scabreuses : « Vous êtes riche, vous me l′avez dit, et je le vois. Un riche doit aussi son travail à la société, puisqu′il est homme. Mais vous, que faites-vous donc pour elle ? » Que dirait à cela un beau gouverneur ? Je l′ignore. Il serait peut-être assez sot pour parler à l′enfant des soins qu′il lui rend. Quant à moi, l′atelier me tire d′affaire : « Voilà, cher Émile, une excellente question ; je vous promets d′y répondre pour moi, quand vous y ferez pour vous-même une réponse dont vous soyez content. En attendant, j′aurai soin de rendre à vous et aux pauvres ce que j′ai de trop, et de faire une table ou un banc par semaine, afin de n′être pas tout à fait inutile à tout. » No obstante, guardémonos de anticipar las instrucciones que requieren más maduro entendimiento. Emilio no será por mucho tiempo obrero sin sentir por sí propio la desigualdad de condiciones que antes apenas había percibido. Conforme a las máximas que yo le he dado, me querrá recíprocamente examinar. Como todo lo recibe de mí solo, y se halla tan cerca del estado de pobreza, deseará saber por qué estoy yo tan distante de él, y tal vez me hará preguntas sobre cuestiones escabrosas, cogiéndome desprevenido. «Usted es rico; así me lo han dicho y lo veo. También el rico debe su trabajo a la sociedad, ya que es hombre, ¿pero qué hace usted por ella?» ¿Qué respondería a esto un buen preceptor? No lo sé. Tal vez sería tan necio que hablaría al niño de los afanes que por él se toma. Por lo que a mí respecta, el taller me saca de apuros. «Esa, querido Emilio, es una excelente pregunta, y te prometo, en lo que me atañe, contestar a ella de manera que quedes contento. Mientras tanto, cuidaré de restituir a los pobres y a ti lo que tengo de sobra y en hacer cada semana una mesa o un banco, a fin dé no ser completamente inútil para todo.»
Nous voici revenus à nous-mêmes. Voilà notre enfant prêt à cesser de l′être, rentré dans son individu. Le voilà sentant plus que jamais la nécessité qui l′attache aux choses. Après avoir commencé par exercer son corps et ses sens, nous avons exercé son esprit et son jugement. Enfin nous avons réuni l′usage de ses membres à celui de ses facultés ; nous avons fait un être agissant et pensant ; il ne nous reste plus, pour achever l′homme, que de faire un être aimant et sensible, c′est-à-dire de perfectionner la raison par le sentiment. Mais avant d′entrer dans ce nouvel ordre de choses, jetons les yeux sur celui d′où nous sortons et voyons, le plus exactement qu′il est possible, jusqu′où nous sommes parvenus. Ya hemos vuelto a nosotros mismos. Nuestro niño, próximo a dejar de serlo, ha entrado dentro de sí y siente más que nunca la necesidad que le encadena con las cosas. Después de haber empezado ejercitando primeramente su cuerpo y sus sentidos, hemos ejercitado su espíritu y su razón, y por último hemos reunido el uso de sus miembros con el de sus facultades, hemos hecho un ser activo y pensador; para completar al hombre, sólo nos resta hacer un ser amante y sensible, es decir, perfeccionar la razón por el sentimiento. Pero antes de introducirnos en este nuevo orden de cosas, observemos aquel de donde salimos, y veamos, con la mayor exactitud posible, hasta dónde hemos llegado.
Notre élève n′avait d′abord que des sensations, maintenant il a des idées : il ne faisait que sentir, maintenant il juge. Car de la comparaison de plusieurs sensations successives ou simultanées, et du jugement qu′on en porte, naît une sorte de sensation mixte ou complexe, que j′appelle idée. Al principio nuestro alumno solamente tenía sensaciones, mientras que ahora tiene ideas: antes sólo sabía sentir, pero ahora juzga, porque de la comparación de muchas sensaciones sucesivas o simultáneas, y del juicio que uno forma de ellas, resulta una especie de sensación mixta o compleja, que denomino idea.
La manière de former les idées est ce qui donne un caractère à l′esprit humain. L′esprit qui ne forme ses idées que sur des rapports réels est un esprit solide ; celui qui se contente des rapports apparents est un esprit superficiel ; celui qui voit les rapports tels qu′ils sont est un esprit juste ; celui qui les apprécie mal est un esprit faux ; celui qui controuve des rapports imaginaires qui n′ont ni réalité ni apparence est un fou ; celui qui ne compare point est un imbécile. L′aptitude plus ou moins grande à comparer des idées et à trouver des rapport est ce qui fait dans les hommes le plus ou le moins d′esprit, etc. El modo de formar las ideas es lo que caracteriza el entendimiento humano. El que forma sus ideas conforme a las reacciones reales, es un entendimiento sólido; el que ve las relaciones tal cual son, un entendimiento justo; el que se conforma con las aparentes es un entendimiento superficial; el que las aprecia mal, es un entendimiento torcido; el que se fragua imaginarias relaciones que no tienen realidad ni apariencia, es un loco; el que no compara, un imbécil. La mayor o menor aptitud para comparar ideas y hallar relaciones, es lo que constituye en los hombres el mayor o menor entendimiento.
Les idées simples ne sont que des sensations comparées. Il y a des jugements dans les simples sensations aussi bien que dans les sensations complexes, que j′appelle idées simples. Dans la sensation, le jugement est purement passif, il affirme qu′on sent ce qu′on sent. Dans la perception ou idée, le jugement est actif ; il rapproche, il compare, il détermine des rapports que le sens ne détermine pas. Voilà toute la différence ; mais elle est grande. Jamais la nature ne nous trompe ; c′est toujours nous qui nous trompons. Las ideas simples no son más que sensaciones comparadas. Hay juicios en las sensaciones sencillas, lo mismo que en las sensaciones complejas, que denomino yo ideas simples. En la sensación el juicio es puramente pasivo, afirma que siente lo que se siente. En la percepción o idea, el juicio es activo; aproxima, compara, determina relaciones que no determina el sentido. He aquí la diferencia, pero es grande. La naturaleza jamás nos engaña; siempre somos nosotros los que nos engañamos.
Je vois servir à un enfant de huit ans d′un fromage glacé ; il porte la cuiller à sa bouche, sans savoir ce que c′est, et, saisi de froid, s′écrie : Ah ! cela me brûle ! Il éprouve une sensation très vive ; il n′en connaît point de plus vive que la chaleur du feu, et il croit sentir celle-là. Cependant il s′abuse ; le saisissement du froid le blesse, mais il ne le brûle pas ; et ces deux sensations ne sont pas semblables, puisque ceux qui ont éprouvé l′une et l′autre ne les confondent point. Ce n′est donc pas la sensation qui le trompe, mais le jugement qu′il en porte. Veo servir a un niño de ocho años un queso helado; se lleva la cuchara a la boca sin saber qué es, y sorprendido por el frío grita: «¡Ah, esto quema!». Experimenta una sensación muy viva; no conoce otra más viva que el calor del fuego y cree que es ésta la que siente. Sin embargo, se engaña; la sensación de frío le ofende, pero no le quema, ni se parecen estas dos sensaciones, puesto que los que han experimentado una y otra no las confunden. Entonces, no es la sensación la que engaña, sino el juicio que se forma de ella.
Il en est de même de celui qui voit pour la première fois un miroir ou une machine d′optique, ou qui entre dans une cave profonde au cœur de l′hiver ou de l′été, ou qui trempe dans l′eau tiède une main très chaude ou très froide, ou qui fait rouler entre deux doigts croisés une petite boule, etc. S′il se contente de dire ce qu′il aperçoit, ce qu′il sent, son jugement étant purement passif, il est impossible qu′il se trompe ; mais quand il juge de la chose par l′apparence, il est actif, il compare, il établit par induction des rapports qu′il n′aperçoit pas ; alors il se trompe ou peut se tromper. Pour corriger ou prévenir l′erreur, il a besoin de l′expérience. Ocurre igualmente con quien ve por primera vez un espejo o una máquina de óptica, o el que penetra en una profunda cueva en lo mas riguroso del invierno o del verano, o el que introduce la mano muy fría o muy caliente dentro de agua tibia, o el que hace rodar entre dos dedos cruzados una pequeña bola, etc. Si se contenta con decir lo que percibe, lo que siente, siendo su juicio puramente pasivo, es imposible que se engañe, pero cuando juzga de la realidad ,por la apariencia, es activo, compara, establece por inducción relaciones que no percibe, y entonces se engaña, o se puede engañar, y precisa de la experiencia para corregir o prevenir el error.
Montrez de nuit à votre élève des nuages passant entre la lune et lui, il croira que c′est la lune qui passe en sens contraire et que les nuages sont arrêtés. Il le croira par une induction précipitée, parce qu′il voit ordinairement les petits objets se mouvoir préférablement aux grands, et que les nuages lui semblent plus grands que la lune, dont il ne peut estimer l′éloignement. Lorsque, dans un bateau qui vogue, il regarde d′un peu loin le rivage, il tombe dans l′erreur contraire, et croit voir courir la terre, parce que, ne se sentant point en mouvement, il regarde le bateau, la mer ou la rivière, et tout son horizon, comme un tout immobile, dont le rivage qu′il voit courir ne lui semble qu′une partie. Mostrad de noche a vuestro alumno las nubes que pasen entre él y la luna; creerá que la luna corre en sentido contrario y que las nubes están paradas. Lo creerá por una inducción precipitada, porque ve que, corrientemente, se mueven con preferencia los objetos pequeños y no los grandes, y porque las nubes le parecen mayores que la luna, cuya distancia no puede calcular. Cuando en un barco que va navegando observa desde bastante lejos la orilla, cae en el error contrario, y cree que ve correr la tierra, porque como no siente que se mueve, considera el barco, el mar o el río y su horizonte como un todo inmóvil, del cual solamente una parte le parece la orilla que ve correr.
La première fois qu′un enfant voit un bâton à moitié plongé dans l′eau, il voit un bâton brisé : la sensation est vraie ; et elle ne laisserait pas de l′être, quand même nous ne saurions point la raison de cette apparence. Si donc vous lui demandez ce qu′il voit, il dit : Un bâton brisé, et il dit vrai, car il est très sûr qu′il a la sensation d′un bâton brisé. Mais quand, trompé par son jugement, il va plus loin, et qu′après avoir affirmé qu′il voit un bâton brisé, il affirme encore que ce qu′il voit est en effet un bâton brisé, alors il dit faux. Pourquoi cela ? parce qu′alors il devient actif, et qu′il ne juge plus par inspection, mais par induction, en affirmant ce qu′il ne sent pas, savoir que le jugement qu′il reçoit par un sens serait confirmé par un autre. La primera vez que un niño ve un palo metido hasta la mitad en el agua, ve un palo roto; la sensación es cierta, y no dejaría de serlo aun cuando no supiésemos el motivo de esta apariencia. Así, pues, si le interrogáis sobre lo que ve, él dirá: «Un palo roto», y dice su verdad, porque es cierto que tiene la sensación de un palo roto. Pero cuando, engañado por su juicio, va más lejos, y después de haber afirmado que ve un palo roto, afirma que lo que ve es efectivamente un palo roto, entonces dice una cosa falsa. ¿Y por qué? Porque en tal caso se hace altivo, y ya no juzga por inspección, sino por inducción, y afirma lo que no siente; es decir, que el juicio que recibe por un sentido le ha de confirmar otro.
Puisque toutes nos erreurs viennent de nos jugements, il est clair que si nous n′avions jamais besoin de juger, nous n′aurions nul besoin d′apprendre ; nous ne serions jamais dans le cas de nous tromper ; nous serions plus heureux de notre ignorance que nous ne pouvons l′être de notre savoir. Qui est-ce qui nie que les savants ne sachent mille choses vraies que les ignorants ne sauront jamais ? Les savants sont-ils pour cela plus près de la vérité ? Tout au contraire, ils s′en éloignent en avançant ; parce que, la vanité de juger faisant encore plus de progrès que les lumières, chaque vérité qu′ils apprennent ne vient qu′avec cent jugements faux. Il est de la dernière évidence que les compagnies savantes de l′Europe ne sont que des écoles publiques de mensonges ; et très sûrement il y a plus d′erreurs dans l′Académie des sciences que dans tout un peuple de Hurons. Ya que todos nuestros errores provienen de nuestros juicios, está claro que si jamás tuviéramos necesidad de juzgar, tampoco la tendríamos de aprender; nunca nos hallaríamos en el caso de engañarnos, y seríamos más felices con nuestra ignorancia de lo que podemos serlo con nuestro saber. ¿Quién niega que los sabios conocen infinidad de cosas verdaderas que nunca sabrán los ignorantes? ¿Están por eso más cerca de la verdad? Todo lo contrario; cuanto más avanzan, más se desvían, porque como la vanidad de juzgar hace todavía más progresos que las luces, cada verdad que aprenden se presenta en unión de cien juicios falsos. Es indudable que las sabias corporaciones de Europa no son otra cosa que escuelas públicas de mentira, y seguramente hay más errores acreditados en la Academia de Ciencias que en todo un pueblo de hurones.
Puisque plus les hommes savent, plus ils se trompent, le seul moyen d′éviter l′erreur est l′ignorance. Ne jugez point, vous ne vous abuserez jamais. C′est la leçon de la nature aussi bien que de la raison. Hors les rapports immédiats en très petit nombre et très sensibles que les choses ont avec nous, nous n′avons naturellement qu′une profonde indifférence pour tout le reste. Un sauvage ne tournerait pas le pied pour aller voir le jeu de la plus belle machine et tous les prodiges de l′électricité. Que m′importe ? est le mot le plus familier à l′ignorant et le plus convenable au sage. Puesto que los hombres cuanto más saben más se equivocan, el único medio de evitar el error es la ignorancia. No juzguéis, pues, y jamás os engañaréis. Es la lección de la naturaleza y también la de la razón. Dejando aparte las relaciones inmediatas en un número muy pequeño y muy palpable que las cosas tienen con nosotros, de un modo natural tenemos una indiferencia muy profunda respecto de todo lo demás. Un salvaje no volvería la cabeza para ir a ver el juego de la máquina más hermosa y los prodigios de la electricidad. «¿Qué me importa?», es la expresión más frecuente del ignorante y la que más conviene al sabio.
Mais malheureusement ce mot ne nous va plus. Tout nous importe, depuis que nous sommes dépendants de tout ; et notre curiosité s′étend nécessairement avec nos besoins. Voilà pourquoi j′en donne une très grande au philosophe, et n′en donne point au sauvage. Celui-ci n′a besoin de personne ; l′autre a besoin de tout le monde, et surtout d′admirateurs. Pero por desgracia ya no aceptamos esta expresión. Todo nos importa desde que dependemos de todo, y con nuestras necesidades, nuestra curiosidad se explaya necesariamente. Por eso yo le doy una muy grande al filósofo y no se la doy al salvaje, puesto que éste de nadie necesita y el otro necesita de todo el mundo, y principalmente de admiradores.
On me dira que je sors de la nature ; je n′en crois rien. Elle choisit ses instruments, et les règle, non sur l′opinion, mais sur le besoin. Or, les besoins changent selon la situation des hommes. Il y a bien de la différence entre l′homme naturel vivant dans l′état de nature, et l′homme naturel vivant dans l′état de société. Émile n′est pas un sauvage à reléguer dans les déserts, c′est un sauvage fait pour habiter les villes. Il faut qu′il sache y trouver son nécessaire, tirer parti de leurs habitants, et vivre, sinon comme eux, du moins avec eux. Se me dirá que me aparto de la naturaleza, pero no lo creo. Esta escoge sus instrumentos y no los arregla por la opinión, sino por la necesidad. Entonces, las necesidades cambian según la situación de los hombres. Existe mucha diferencia entre el hombre natural que vive en estado de naturaleza y el hombre natural que vive en estado de sociedad. Emilio no es un salvaje que ha de ser relegado en un desierto, sino un salvaje destinado a vivir en las ciudades. Es conveniente que sepa hallar en ellas lo que necesite, sacar cosas de provecho de sus moradores y vivir, si no como ellos, por lo menos con ellos.
Puisque, au milieu de tant de rapports nouveaux dont il va dépendre, il faudra malgré lui qu′il juge, apprenons lui donc à bien juger. Puesto que en medio de tantas relaciones nuevas de que va a depender tendrá que juzgar, aunque él no quiera, enseñémosle a que juzgue con acierto.
La meilleure manière d′apprendre à bien juger est celle qui tend le plus à simplifier nos expériences, et à pouvoir même nous en passer sans tomber dans l′erreur. D′où il suit qu′après avoir longtemps vérifié les rapports des sens l′un par l′autre, il faut encore apprendre à vérifier les rapports de chaque sens par lui-même, sans avoir besoin de recourir à un autre sens ; alors chaque sensation deviendra pour nous une idée, et cette idée sera toujours conforme à la vérité. Telle est la sorte d′acquis dont j′ai tâché de remplir ce troisième âge de la vie humaine. La mejor manera de aprender a juzgar con acierto es la que conduce a simplificar nuestras experiencias y poderlas emitir sin incurrir en errores, de donde se sigue que, después de haber verificado durante mucho tiempo las relaciones de un sentido por las de otro, precisa también aprender a verificar las relaciones de cada sentido por si mismo y sin recurrir a otro; cada sensación se nos convertirá entonces en una idea, y esta idea será siempre conforme a la verdad. Esta es la especie de resumen que he procurado formar en esta tercera edad de la vida humana.
Cette manière de procéder exige une patience et une circonspection dont peu de maîtres sont capables, et sans laquelle jamais le disciple n′apprendra à juger. Si, par exemple, lorsque celui-ci s′abuse sur l′apparence du bâton brisé, pour lui montrer son erreur vous vous pressez de tirer le bâton hors de l′eau, vous le détromperez peut-être ; mais que lui apprendrez-vous ? rien que ce qu′il aurait bientôt appris de lui-même. Oh ! que ce n′est pas là ce qu′il faut faire ! Il s′agit moins de lui apprendre une vérité que de lui montrer comment il faut s′y prendre pour découvrir toujours la vérité. Pour mieux l′instruire, il ne faut pas le détromper sitôt. Prenons Émile et moi pour exemple. Esta manera de proceder exige una paciencia y una circunspección de la que son capaces pocos maestros, y sin la cual jamás el discípulo aprenderá a juzgar. Si, por ejemplo, cuando éste se engaña solo con la apariencia del bastón roto, para demostrarle su error os dais prisa a sacar el palo del agua, tal vez le desengañaréis, pero, ¿qué es lo que le enseñáis? Lo mismo que habría aprendido por sí mismo. Pues no es eso lo que hay que hacer. Se trata menos de enseñarle una verdad que de hacerle observar cómo se ha de conducir siempre para descubrirla. Con el fin de instruirle mejor, no se le puede desengañar tan pronto. Tomemos a Emilio y yo como de ejemplo.
Premièrement, à la seconde des deux questions supposées, tout enfant élevé à l′ordinaire ne manquera pas de répondre affirmativement. C′est sûrement, dira-t-il, un bâton brisé. Je doute fort qu′Émile me fasse la même réponse. Ne voyant point la nécessité d′être savant ni de le paraître, il n′est jamais pressé de juger ; il ne juge que sur l′évidence ; et il est bien éloigné de la trouver dans cette occasion, lui qui sait combien nos jugements sur les apparences sont sujets à l′illusion, ne fût-ce que dans la perspective. Primeramente, a la segunda de las preguntas propuestas, todo niño que haya recibido una educación corriente no dejará de responder afirmativamente. Seguramente dirá que el palo está roto. Yo dudo mucho de que Emilio me dé la misma respuesta. No viendo, pues, la necesidad de tener ciencia ni aparentarla, nunca se da prisa a juzgar, y si lo hace es solamente por la evidencia, y está muy lejos de encontrarla en esta ocasión, sabiendo cuán expuestos a ilusión están nuestros juicios por las apariencias, aunque no sea más que en la perspectiva.
D′ailleurs, comme il sait par expérience que mes questions les plus frivoles ont toujours quelque objet qu′il n′aperçoit pas d′abord, il n′a point pris l′habitude d′y répondre étourdiment ; au contraire, il s′en défie, il s′y rend attentif, il les examine avec grand soin avant d′y répondre. Jamais il ne me fait de réponse qu′il n′en soit content lui-même ; et il est difficile à contenter. Enfin nous ne nous piquons ni lui ni moi de savoir la vérité des choses, mais seulement de ne pas donner dans l′erreur. Nous serions bien plus confus de nous payer d′une raison qui n′est pas bonne, que de n′en point trouver du tout. Je ne sais est un mot qui nous va si bien à tous deux, et que nous répétons si souvent, qu′il ne coûte plus rien à l′un ni à l′autre. Mais, soit que cette étourderie lui échappe, ou qu′il l′évite par notre commode Je ne sais, ma réplique est la même : Voyons, examinons. Por otra parte, como ya sabe por experiencia que las preguntas más frívolas hechas por mí siempre llevan un propósito que al principio no percibe, carece de la costumbre de responder de una forma atolondrada; por el contrario, desconfía, pone mucha atención y las examina muy despacio antes de responder. Jamás me da una respuesta si no está satisfecho con ella, y es de muy mal contentar. Por último, ni él ni yo estamos seguros de poseer la verdad de las cosas, sino solamente que no incurrimos en errores. Nos causaría mucha más confusión el contentarnos con una razón que no fuese buena que no hallar ninguna. «No sé» es una expresión que a ninguno de los dos nos cae bien, a pesar de que la repetimos con tanta frecuencia, puesto que ni a uno ni a otro nos cuesta nada. Pero debido a que no caiga en este atolondramiento, o a que con nuestro cómodo «no sé» lo evite, mi réplica es la misma: «Veamos, examinemos.
Ce bâton qui trempe à moitié dans l′eau est fixé dans une situation perpendiculaire. Pour savoir s′il est brisé, comme il le paraît, que de choses n′avons-nous pas à faire avant de le tirer de l′eau ou avant d′y porter la main ! Este bastón que tiene la mitad dentro del agua está fijo en una posición perpendicular. Antes de que lo saquemos del agua, o pongamos en él la mano, cuántas cosas tenemos que hacer para saber si, como parece, está roto».
1° D′abord nous tournons tout autour du bâton et nous voyons que la brisure tourne comme nous. C′est donc notre œil seul qui la change, et les regards ne remuent pas les corps. 1ª: Desde luego damos una vuelta alrededor del palo y observamos que la rotura sigue la misma dirección que nosotros. Después nuestra vista es la que cambia de lugar, y la vista no mueve los cuerpos.
2° Nous regardons bien à plomb sur le bout du bâton qui est hors de l′eau ; alors le bâton n′est plus courbe, le bout voisin de notre œil nous cache exactement l′autre bout {a href="#14">[14]. Notre œil a-t-il redressé le bâton ? 2ª: Miramos bien a plomo por la punta del palo que está fuera del agua; entonces ya no es curvo, y el cabo inmediato a nuestro ojo nos oculta exactamente la otra extremidad . ¿Es que hemos puesto recto al bastón con la vista?
3° Nous agitons la surface de l′eau ; nous voyons le bâton se plier en plusieurs pièces, se mouvoir en zigzag, et suivre les ondulations de l′eau. Le mouvement que nous donnons à cette eau suffit-il pour briser, amollir, et fondre ainsi le bâton ? 3ª: Agitamos la superficie del agua, y observamos que el palo se dobla en muchas piezas, que se mueve haciendo ángulos y sigue las ondulaciones del agua. ¿Basta, pues, el movimiento que damos al agua para romper, ablandar y fundir el palo?
4° Nous faisons écouler l′eau, et nous voyons le bâton se redresser peu à peu, à mesure que l′eau baisse. N′en voilà-t-il pas plus qu′il ne faut pour éclaircir le fait et trouver la réfraction ? Il n′est donc pas vrai que la vue nous trompe, puisque nous n′avons besoin que d′elle seule pour rectifier les erreurs que nous lui attribuons. 4ª: Damos salida al agua y vemos que el palo se endereza a medida que el agua va bajando. ¿No es esto más que suficiente para aclarar el hecho y encontrar la refracción? Por lo tanto, no es verdad que la vista nos engañe, ya que no precisamos más que de ella para rectificar los errores que le hemos atribuido.
Supposons l′enfant assez stupide pour ne pas sentir le résultat de ces expériences ; c′est alors qu′il faut appeler le toucher au secours de la vue. Au lieu de tirer le bâton hors de l′eau, laissez-le dans sa situation, et que l′enfant y passe la main d′un bout à l′autre, il ne sentira point d′angle ; le bâton n′est donc pas brisé. Supongamos al niño lo bastante torpe para no acertar con el resultado de estas experiencias; entonces es cuando se debe llamar al tacto en socorro de la vista. En vez de sacar el palo del agua, dejadlo quieto, y que el niño pase la mano por él de un cabo a otro; no hallará el ángulo, y por consiguiente el palo no está roto.
Vous me direz qu′il n′y a pas seulement ici des jugements, mais des raisonnements en forme. Il est vrai ; mais ne voyez-vous pas que, sitôt que l′esprit est parvenu jusqu′aux idées, tout jugement est un raisonnement ? La conscience de toute sensation est une proposition, un jugement. Donc, sitôt que l′on compare une sensation à une autre, on raisonne. L′art de juger et l′art de raisonner sont exactement le même. Me diréis que aquí no sólo hay juicios, sino raciocinios. Esto es verdad, pero, ¿no os dais cuenta de que después de que nuestro espíritu ha llegado hasta las ideas, todo juicio es un raciocinio? La conciencia de toda sensación, es una proposición, un juicio; por lo tanto, así que uno compara una sensación con otra raciocina. El arte de juzgar y el de raciocinar son exactamente lo mismo.
Émile ne saura jamais la dioptrique, ou je veux qu′il l′apprenne autour de ce bâton. Il n′aura point disséqué d′insectes ; il n′aura point compté les taches du soleil ; il ne saura ce que c′est qu′un microscope et un télescope. Vos doctes élèves se moqueront de son ignorance. Ils n′auront pas tort ; car avant de se servir de ces instruments, j′entends qu′il les invente, et vous vous doutez bien que cela ne viendra pas si tôt. Emilio no sabrá jamás la dióptrica, o quiero que la aprenda alrededor de este palo. El no habrá disecado insectos, no habrá contado las manchas del sol, no sabrá qué es un microscopio ni un telescopio, y vuestros doctos alumnos se burlarán de su ignorancia. Tendrán razón, ya que antes de que se sirva de estos instrumentos quiero que los invente, y comprenderéis que esto requiere mucho tiempo.
Voilà l′esprit de toute ma méthode dans cette partie. Si l′enfant fait rouler une petite boule entre deux doigts croisés, et qu′il croie sentir deux boules, je ne lui permettrai point d′y regarder, qu′auparavant il ne soit convaincu qu′il n′y en a qu′une. He aquí el espíritu de todo mi método en la parte presente. Si el niño quiere hacer rodar una bolita entre dos dedos cruzados, y cree que siente dos bolas, no le dejaré que mire, hasta que se convenza de que′ no hay más que una.
Ces éclaircissements suffiront, je pense, pour marquer nettement le progrès qu′a fait jusqu′ici l′esprit de mon élève, et la route par laquelle il a suivi ce progrès. Mais vous êtes effrayés peut-être de la quantité de choses que j′ai fait passer devant lui. Vous craignez que je n′accable son esprit sous ses multitudes de connaissances. C′est tout le contraire ; je lui apprends bien plus à les ignorer qu′à les savoir. Je lui montre la route de la science, aisée à la vérité, mais longue, immense, lente à parcourir. Je lui fais faire les premiers pas pour qu′il reconnaisse l′entrée, mais je ne lui permets jamais d′aller loin. Creo que serán suficientes estas aclaraciones para marcar con claridad los progresos que hasta aquí ha hecho el entendimiento de mi alumno y el camino que ha seguido. Pero tal vez os asusta la cantidad de cosas que he presentado delante de sus ojos; sentía el temor de que su inteligencia quede abrumada con tanta cantidad de conocimientos, pero es todo lo contrario, puesto que más le enseño que los ignore que no que los adquiera. Le pongo delante de sus ojos la senda de la ciencia, llana en verdad, pero larga, inmensa, y se anda con pasos lentos; procuro que dé los primeros pasos para que reconozca la entrada, pero no le permito que se adentre demasiado.
Forcé d′apprendre de lui-même, il use de sa raison et non de celle d′autrui ; car, pour ne rien donner à l′opinion, il ne faut rien donner à l′autorité ; et la plupart de nos erreurs nous viennent bien moins de nous que des autres. De cet exercice continuel il doit résulter une vigueur d′esprit semblable à celle qu′on donne au corps par le travail et par la fatigue. Un autre avantage est qu′on n′avance qu′à proportion de ses forces. L′esprit, non plus que le corps, ne porte que ce qu′il peut porter. Quand l′entendement s′approprie les choses avant de les déposer dans la mémoire, ce qu′il en tire ensuite est à lui ; au lieu qu′en surchargeant la mémoire à son insu, on s′expose à n′en jamais rien tirer qui lui soit propre. Obligado a aprender por sí mismo, hace uso de su razón, y no de la ajena, pues para que no le influya la opinión de los demás, evito que la recoja, y la mayor parte de nuestros errores provienen mucho menos de nosotros mismos que de los otros. De este continuo ejercicio debe resultar un vigor de espíritu semejante al que con el trabajo y la fatiga adquiere el cuerpo. Se saca otra ventaja de esto, y es que sólo adelanta en proporción a sus fuerzas. Ni el espíritu ni el cuerpo llevan más carga de la que pueden soportar. Cuando el entendimiento se apropia de las cosas antes de depositarlas en la memoria, lo que luego saca de ellas es suyo, pero si se ha recargado la memoria sin consultarle, se expone uno a no sacar de ésta nada que sea propio del entendimiento.
Émile a peu de connaissances, mais celles qu′il a sont véritablement siennes ; il ne sait rien à demi. Dans le petit nombre des choses qu′il sait et qu′il sait bien, la plus importante est qu′il y en a beaucoup qu′il ignore et qu′il peut savoir un jour, beaucoup plus que d′autres hommes savent et qu′il ne saura de sa vie, et une infinité d′autres qu′aucun homme ne saura jamais. Il a un esprit universel, non par les lumières, mais par la faculté d′en acquérir ; un esprit ouvert, intelligent, prêt à tout, et, comme dit Montaigne, sinon instruit, du moins instruisable. Il me suffit qu′il sache trouver l′à quoi bon sur tout ce qu′il fait, et le pourquoi sur tout ce qu′il croit. Car encore une fois, mon objet n′est point de lui donner la science, mais de lui apprendre à l′acquérir au besoin, de la lui faire estimer exactement ce qu′elle vaut, et de lui faire aimer la vérité par-dessus tout. Avec cette méthode on avance peu, mais on ne fait jamais un pas inutile, et l′on n′est point forcé de rétrograder. Emilio no tiene muchos conocimientos, pero los que posee son verdaderamente suyos y no sabe nada a medias. En el pequeño número de cosas que sabe bien, la más importante es que hay muchas que ignora y que algún día puede saber muchas más que saben otros y que no sabrá él en su vida, y una infinidad de ellas que ningún hombre sabrá jamás. Tiene un espíritu universal, no por las luces, sino por la facultad de adquirirlas. Un espíritu despejado, inteligente, apto para todo, si no es, como dice Montaigne, instruido, es indestructible. Me basta con que sepa hallar el «para qué sirven en todo cuanto haga, y el «por qué» en todo cuanto crea, porque, repito, mi objetivo no es darle ciencia, sino enseñarle a que la adquiera cuando la necesite; hacer que la aprecie exactamente en lo que vale, y que ame la verdad sobre todas las cosas. Siguiendo este método se adelanta poco, pero jamás se da un paso inútil y nunca se ve en la necesidad de retroceder.
Émile n′a que des connaissances naturelles et purement physiques. Il ne sait pas même le nom de l′histoire, ni ce que c′est que métaphysique et morale. Il connaît les rapports essentiels de l′homme aux choses, mais nul des rapports moraux de l′homme à l′homme. Il sait peu généraliser d′idées, peu faire d′abstractions. Il voit des qualités communes à certains corps sans raisonner sur ces qualités en elles-mêmes. Il connaît l′étendue abstraite à l′aide des figures de la géométrie ; il connaît la quantité abstraite à l′aide des signes de l′algèbre. Ces figures et ces signes sont les supports de ces abstractions, sur lesquels ses sens se reposent. Il ne cherche point à connaître les choses par leur nature, mais seulement par les relations qui l′intéressent. Il n′estime ce qui lui est étranger que par rapport à lui ; mais cette estimation est exacte et sûre. La fantaisie, la convention, n′y entrent pour rien. Il fait plus de cas de ce qui lui est plus utile ; et ne se départant jamais de cette manière d′apprécier, il ne donne rien à l′opinion. Emilio sólo tiene conocimientos naturales y puramente físicos. Ni siquiera sabe el nombre de la historia, ni lo que es la metafísica y la moral. Es conocedor de las relaciones esenciales del hombre con las cosas, pero no las relaciones morales del hombre con el hombre. Apenas es capaz de generalizar algunas ideas y de hacer pocas abstracciones. Ve cualidades comunes de ciertos cuerpos sin razonar acerca de ellas por sí mismas. Conoce la extensión abstracta con el auxilio de las figuras del álgebra; estas figuras y estos signos son el apoyo de las abstracciones en que descansan sus sentidos. No intenta conocer las cosas por su naturaleza, sino por las relaciones que le interesan, ni aprecia lo que es ajeno a él de otro modo que con relación a sí mismo, pero su valoración es exacta y segura, ya que en ella no tienen cabida la convención y el capricho. De lo que hace más aprecio es de aquello que le es más útil, y como siempre tiene este modo de apreciar las cosas, nunca depende de la opinión ajena.
Émile est laborieux, tempérant, patient, ferme, plein de courage. Son imagination, nullement allumée, ne lui grossit jamais les dangers ; il est sensible à peu de maux, et il sait souffrir avec constance, parce qu′il n′a point appris à disputer contre la destinée. À l′égard de la mort, il ne sait pas encore bien ce que c′est ; mais, accoutumé à subir sans résistance la loi de la nécessité, quand il faudra mourir il mourra sans gémir et sans se débattre ; c′est tout ce que la nature permet dans ce moment abhorré de tous. Vivre libre et peu tenir aux choses humaines est le meilleur moyen d′apprendre à mourir. Emilio es laborioso, templado, sufrido, entero y animoso. Al no estar nunca exaltada su imaginación, tampoco le acosan los peligros, por lo que son pocos sus males, y sabe padecer con calma, puesto que no ha aprendido a revolverse contra el destino. Referente a la muerte, aún no está muy seguro de lo que es, pero acostumbrado a resignarse sin resistir a la ley de la necesidad, cuando sea necesario morir, lo hará sin patalear ni sollozar, que es lo que permite la naturaleza en ese instante abominado por todos. El vivir libre y suavemente encadenado con las cosas humanas, es el mejor modo de aprender a morir.
En un mot, Émile a de la vertu tout ce qui se rapporte à lui-même. Pour avoir aussi les vertus sociales, il lui manque uniquement de connaître les relations qui les exigent ; il lui manque uniquement des lumières que son esprit est tout prêt à recevoir. En una palabra, Emilio posee la virtud en todo lo que tiene relación con él mismo. Para poseer también las virtudes sociales, sólo le falta conocer las relaciones que las exigen, y únicamente le faltan las luces que su espíritu está preparado para recibir.
Il se considère sans égard aux autres, et trouve bon que les autres ne pensent point à lui. Il n′exige rien de personne, et ne croit rien devoir à personne. Il est seul dans la société humaine, il ne compte que sur lui seul. Il a droit aussi plus qu′un autre de compter sur lui-même, car il est tout ce qu′on peut être à son âge. Il n′a point d′erreurs, ou n′a que celles qui nous sont inévitables ; il n′a point de vices, ou n′a que ceux dont nul homme ne peut se garantir. Il a le corps sain, les membres agiles, l′esprit juste et sans préjugés, le cœur libre et sans passions. L′amour-propre, la première et la plus naturelle de toutes, y est encore à peine exalté. Sans troubler le repos de personne, il a vécu content, heureux et libre, autant que la nature l′a permis. Trouvez-vous qu′un enfant ainsi parvenu à sa quinzième année ait perdu les précédentes ? Q2 Se considera sin relación con los demás y acepta que los demás no piensen en él. No exige nada de nadie y está convencido que a nadie debe nada. Está solo en la sociedad humana, únicamente cuenta consigo, y tiene derecho a pensar de este′ modo debido a que esto es todo lo que puede ser uno a su edad. Carece de errores o sólo comete aquellos que para nosotros son inevitables; no tiene vicios, o sólo posee aquellos que ningún mortal puede evitar. Tiene el cuerpo sano, los miembros ágiles, el ánimo justo y despreocupado, y el corazón libre y exento de pasiones. El amor propio, que es la más natural y la primera de todas, apenas si se ha despertado en él todavía. Sin perturbar el sosiego de nadie, ha vivido satisfecho, libre y feliz hasta allá donde se lo ha permitido la naturaleza. ¿Creéis que un niño, que ha llegado así a sus quince años, ha perdido los pasados?

Fin du Livre troisieme.

Fin del libro tercero










N O T A S









[1] Je n′ai pu m′empêcher de rire en lisant une fine critique de M. Formey sur ce petit conte : « Ce joueur de gobelets, dit-il, qui se pique d′émulation contre un enfant et sermonne gravement son instituteur est un individu du monde des Émiles. » Le spirituel M. Formey n′a pu supposer que cette petite scène était arrangée, et que le bateleur était instruit du rôle qu′il avait à faire ; car c′est en effet ce que je n′ai point dit. Mais combien de fois, en revanche, ai-je déclaré que je n′écrivais point pour les gens à qui il fallait tout dire !
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[1] No he podido menos de reírme al leer una nota de carácter crítico muy ingeniosa de De Formey acerca de este cuentecillo. «Cubiletero -dice-, que se presume de hábil con un niño y sermonea gravemente a un instructor, pertenece a la clase de Emilio». Formey no ha sido capaz de comprender que se trata de una escena de antemano arreglada y que el cubiletero representaba un papel convenido. Es una cosa que, efectivamente, yo no he dicho, pero ;cuántas veces he advertido que de ningún modo escribo para gentes a las que hay que explicárselo todo. 
[2] Ai-je dû supposer quelque lecteur assez stupide pour ne pas sentir dans cette réprimande un discours dicté mot à mot par le gouverneur pour aller à ses vues ? A-t-on dû me supposer assez stupide moi-même pour donner naturellement ce langage à un bateleur ? Je croyais avoir fait preuve au moins du talent assez médiocre de faire paler les gens dans l′esprit de leur état. Voyez encore la fin de l′alinéa suivant. N′était-ce pas tout dire pour tout autre que M. Formey ?
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[2] Habrá comprendido el lector que este discurso es obra del preceptor, dictado al cubiletero palabra por palabra. De otro modo jamás se me hubiera ocurrido suponerlo en boca de semejante personaje; creo haber dado pruebas de poseer la habilidad suficiente para no hacer que las personas hablen sin poderlo hacer. Véase lo que le contesto a De Formey en mi nota anterior. 
[3] Cette humiliation, ces disgrâces sont donc de ma façon, et non de celle du bateleur. Puisque M. Formey voulait de mon vivant s′emparer de mon livre, et le faire imprimer sans autre façon que d′en ôter mon nom pour y mettre le sien, il devait du moins prendre la peine, je ne dis pas de le composer, mais de le lire.
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[3] Esta humillación y esas desgracias lo son según mi modo de ver y no en el concepto del prestidigitador. Puesto que De Formey quiso apropiarse mi libro e imprimir mi nombre por el suyo, por lo menos debió tomarse la molestia de leerlo. 
[4] J′ai souvent remarqué que, dans les doctes instructions qu′on donne aux enfants, on songe moins à se faire écouter d′eux que des grandes personnes qui sont présentes. Je suis très sûr de ce que je dis là, car j′en ai fait l′observation sur moi-même.
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[4] Muchas veces he notado que en las doctas explicaciones que dan a los niños, no tanto se atiende a que escuchen ellos como las personas que les rodean. Estoy muy seguro de lo que afirmo porque esta experiencia la he realizado conmigo mismo. 
[5] À chaque explication qu′on veut donner à l′enfant, un petit appareil qui la précède sert beaucoup à le rendre attentif.
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[5] A cada explicación que se quiera dar al niño, un pequeño aparato que la preceda, contribuye mucho a que el niño esté contento.
[6] Les vins qu′on vend en détail chez les marchands de vins de Paris, quoiqu′ils ne soient pas tous lithargirés, sont rarement exempts de plomb, parce que les comptoirs de ces marchands sont garnis de ce métal, et que le vin qui se répand de la mesure, en passant et séjournant sur ce plomb en dissout toujours quelque partie. Il est étrange qu′un abus si manifeste et si dangereux soit souffert par la police. Mais il est vrai que les gens aisés, ne buvant guère de ces vins là, sont peu sujets à en être empoisonnés.
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[6] Los vinos que venden al por menor los taberneros de París, aunque no todos estén adulterados, rara vez dejan de tener plomo, porque los mostradores de tabernas están forraos de este metal, y el vino que se vierte en las medidas, pasando por el plomo y permaneciendo en él, disuelve siempre una parte. Es muy extraño que la policía consienta tan manifiesto y peligroso abuso. Pero como los ricos no beben vinos de esa clase, no están expuestos a morir envenenados.
[7] L′acide végétal est fort doux. Si c′était un acide minéral, et qu′il fût moins étendu, l′union ne se ferait pas sans effervescence.
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[7] El ácido vegetal es muy dulce. Si fuese ácido mineral y estuviera disuelto en menos líquido, la combinación se verificaría con efervescencia. 
[8] Le temps perd pour nous sa mesure, quand nos passions veulent régler son cours à leur gré. La montre du sage est l′égalité d′humeur et la paix de l′âme : il est toujours à son heure, et il la connaît toujours.
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[8] La medida del tiempo se pierde cuando nuestras pasiones quieren arreglar el curso de éste a su antojo. El reloj del sabio es la serenidad de carácter y poseer siempre la paz del ánimo. Está siempre a su hora y la conoce siempre. 
[9] Le goût que je suppose à mon élève pour la campagne est un fruit naturel de son éducation. D′ailleurs, n′ayant rien de cet air fat et requinqué qui plaît tant aux femmes, il en est moins fêté que d′autres enfants ; par conséquent il se plaît moins avec elles, et se gâte moins dans leur société dont il n′est pas encore en état de sentir le charme. Je me suis gardé de lui apprendre à leur baiser la main, à leur dire des fadeurs, pas même à leur marquer préférablement aux hommes les égards qui leur sont dus ; je me suis fait une inviolable loi de n′exiger rien de lui dont la raison ne fût à sa portée ; et il n′y a point de bonne raison pour un enfant de traiter un sexe autrement que l′autre.
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[9] La inclinación al campo que le supongo a mi alumno es fruto de su educación. Como por otra parte no tiene nada de ese aspecto melindroso que complace tanto a las mujeres, le festejan menos que a los otros niños, y por consiguiente no le placen, y no se corrompe tanto en su compañía, pues no está todavía en estado de sentir atracción hacia ellas. Me he guardado de enseñarle a besarles la mano, a echarles flores y a que ni siquiera las trate con las atenciones que se les deben con preferencia a los hombres; me he dictado, como una ley inviolable, no exigir de él nada que niño razón no pueda alcanzar, y no hay razón valedera para que un niño trate a un sexo distintamente que al otro. 
[10] Je tiens pour impossible que les grandes monarchies de l′Europe aient encore longtemps à durer : toutes ont brillé, et tout état qui brille est sur son déclin. J′ai de mon opinion des raisons plus particulières que cette maxime ; mais il n′est pas à propos de les dire, et chacun ne les voit que trop.
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[10] Considero imposible que las grandes monarquías de Europa duren mucho tiempo; todas han brillado, y todo Estado que brilla raya en su declive. Tengo otras razones más expresivas que esta máxima, pero es preferible no decirlas, y cualquiera las ve sobradamente. 
[11] Vous l′êtes bien, vous, me dira-t-on. Je le suis pour mon malheur, je l′avoue ; et mes torts, que je pense avoir assez expiés, ne sont pas pour autrui des raisons d′en avoir de semblables. Je n′écris pas pour excuser mes fautes, mais pour empêcher mes lecteurs de les imiter.
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[11] Se me dirá que yo lo soy. Esto es verdad, por mi desgracia, y lo confieso, pero mis errores, que tanto me cuestan, no son motivo suficiente para que otro los cometa. No escribo para disculparme, sino para evitar que mis lectores incurran en ellos. 
[12] L′abbé de Saint-Pierre.
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[13] Ils n′y avait point de tailleurs parmi les anciens : les habits des hommes se faisaient dans la maison par les femmes.
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[13] En los pueblos antiguos no había sastres; los vestidos de los hombres los hacían en cada casa las mujeres. 
[14] J′ai depuis trouvé le contraire par une expérience plus exacte. La réfraction agit circulairement, et le bâton parait plus gros par le bout qui est dans l′eau que par l′autre ; mais cela ne change rien à la force du raisonnement, et la conséquence n′en est pas moins juste.
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[14] Después he hallado, mediante una experiencia más exacta, lo contrario. La refracción obra circularmente y parece más grueso el bastón por el cabo metido en el agua que por el que queda fuera, pero esto no quita fuerza al razonamiento y la consecuencia que sacamos no deja de ser justa.