II. Capítulo I. De lo que el cura y el barbero pasaron con don Quijote cerca de su enfermedad. | Chapitre I De la manière dont le curé et le barbier se conduisirent avec don Quichotte au sujet de sa maladie Cuenta Cide Hamete Benengeli, en la segunda parte desta historia y tercera salida de don Quijote, que el cura y el barbero se estuvieron casi un mes sin verle, por no renovarle y traerle a la memoria las cosas pasadas; pero no por esto dejaron de visitar a su sobrina y a su ama, encargándolas tuviesen cuenta con regalarle, dándole a comer cosas confortativas y apropiadas para el corazón y el celebro, de donde procedía, según buen discurso, toda su mala ventura. Las cuales dijeron que así lo hacían, y lo harían, con la voluntad y cuidado posible, porque echaban de ver que su señor por momentos iba dando muestras de estar en su entero juicio; de lo cual recibieron. Y así, determinaron de visitarle y hacer esperiencia de su mejoría, aunque tenían casi por imposible que la tuviese, y acordaron de no tocarle en ningún punto de la andante caballería, por no ponerse a peligro de descoser los de la herida, que tan tiernos estaban. | Cid Hamet Ben-Engéli raconte, dans la seconde partie de cette histoire et troisième sortie de don Quichotte, que le curé et le barbier demeurèrent presque un mois sans le voir, afin de ne pas lui rappeler le souvenir des choses passées. Toutefois, ils ne manquèrent pas de visiter sa nièce et sa gouvernante pour leur recommander de le choyer avec grande attention, de lui donner à manger des confortants et des choses bonnes pour le cœur et le cerveau, desquels, suivant toute apparence, procédait son infirmité. Elles répondirent qu′elles faisaient ainsi et continueraient à faire de même avec tout le soin, toute la bonne volonté possibles : car elles commençaient à s′apercevoir que, par moments, leur seigneur témoignait qu′il avait entièrement recouvré l′usage de son bon sens. Cette nouvelle causa beaucoup de joie aux deux amis, qui crurent avoir eu la plus heureuse idée en le ramenant enchanté sur la charrette à bœufs, comme l′a raconté, dans ses derniers chapitres, la première partie de cette grande autant que ponctuelle histoire. Ils résolurent donc de lui rendre visite et de faire l′expérience de sa guérison, bien qu′ils tinssent pour impossible qu′elle fût complète. Ils se promirent également de ne toucher à aucun point de la chevalerie errante, pour ne pas courir le danger de découdre les points de sa blessure, qui était encore si fraîchement reprise . | Visitáronle, en fin, y halláronle sentado en la cama, vestida una almilla de bayeta verde, con un bonete colorado toledano; y estaba tan seco y amojamado, que no parecía sino hecho de carne momia. Fueron dél muy bien recebidos, preguntáronle por su salud, y él dio cuenta de sí y de ella con mucho juicio y con muy elegantes palabras; y en el discurso de su plática vinieron a tratar en esto que llaman razón de estado y modos de gobierno, enmendando este abuso y condenando aquél, reformando una costumbre y desterrando otra, haciéndose cada uno de los tres un nuevo legislador, un Licurgo moderno o un Solón flamante; y de tal manera renovaron la república, que no pareció sino que la habían puesto en una fragua, y sacado otra de la que pusieron; y habló don Quijote con tanta discreción en todas las materias que se tocaron, que los dos esaminadores creyeron indubitadamente que estaba del todo bueno y en su entero juicio. | Ils allèrent enfin le voir, et le trouvèrent assis sur son lit, enveloppé dans une camisole de serge verte et coiffé d′un bonnet de laine rouge de Tolède, avec un visage si sec, si enfumé, qu′il semblait être devenu chair de momie. Don Quichotte leur fit très-bon accueil ; et, quand ils s′informèrent de sa santé, il en rendit compte avec beaucoup de sens et d′élégantes expressions. La conversation prit son cours, et l′on vint à parler de ce qu′on appelle raison d′État et modes de gouvernement : l′un réformait cet abus et condamnait celui-là ; l′autre corrigeait cette coutume et réprouvait celle-ci : bref, chacun des trois amis devint un nouveau législateur, un Lycurgue moderne, un Solon tout neuf ; et, tous ensemble, ils refirent si bien l′État de fond en comble, qu′on eût dit qu′ils l′avaient rapporté à la forge, et l′en avaient retiré tout autre qu′ils ne l′y avaient mis. Don Quichotte parla avec tant d′intelligence et d′esprit sur les diverses matières qu′on traita, que les deux examinateurs furent convaincus qu′il avait recouvré toute sa santé et tout son jugement. | Halláronse presentes a la plática la sobrina y ama, y no se hartaban de dar gracias a Dios de ver a su señor con tan buen entendimiento; pero el cura, mudando el propósito primero, que era de no tocarle en cosa de caballerías, quiso hacer de todo en todo esperiencia si la sanidad de don Quijote era falsa o verdadera, y así, de lance en lance, vino a contar algunas nuevas que habían venido de la corte; y, entre otras, dijo que se tenía por cierto que el Turco bajaba con una poderosa armada, y que no se sabía su designio, ni adónde había de descargar tan gran nublado; y, con este temor, con que casi cada año nos toca arma, estaba puesta en ella toda la cristiandad, y Su Majestad había hecho proveer las costas de Nápoles y Sicilia y la isla de Malta. A esto respondió don Quijote: | La nièce et la gouvernante étaient présentes à l′entretien, et, pleurant de joie, ne cessaient de rendre grâce à Dieu de ce qu′elles voyaient leur seigneur revenu à une si parfaite intelligence. Mais le curé, changeant son projet primitif, qui était de ne pas toucher à la corde de chevalerie, voulut rendre l′expérience complète, et s′assurer si la guérison de don Quichotte était fausse ou véritable. Il vint donc, de fil en aiguille, à raconter quelques nouvelles qui arrivaient de la capitale. Entre autres choses, il dit qu′on tenait pour certain que le Turc descendait du Bosphore avec une flotte formidable : mais qu′on ignorait encore son dessein, et sur quels rivages devait fondre une si grande tempête. Il ajouta que, dans cette crainte, qui presque chaque année nous tient sur le qui-vive, toute la chrétienté était en armes, et que Sa Majesté avait fait mettre en défense les côtes de Naples, de Sicile et de Malte. Don Quichotte répondit : | -Su Majestad ha hecho como prudentísimo guerrero en proveer sus estados con tiempo, porque no le halle desapercebido el enemigo; pero si se tomara mi consejo, aconsejárale yo que usara de una prevención, de la cual Su Majestad la hora de agora debe estar muy ajeno de pensar en ella. | « Sa Majesté agit en prudent capitaine lorsqu′elle met d′avance ses États en sûreté, pour que l′ennemi ne les prenne pas au dépourvu. Mais si Sa Majesté acceptait mon avis, je lui conseillerais une mesure dont elle est certainement, à l′heure qu′il est, bien loin de se douter. » | Apenas oyó esto el cura, cuando dijo entre sí. | À peine le curé eut-il entendu ces mots, qu′il dit en lui-même : | -¡Dios te tenga de su mano, pobre don Quijote: que me parece que te despeñas de la alta cumbre de tu locura hasta el profundo abismo de tu simplicidad. | « Que Dieu te tende la main, pauvre don Quichotte ! il me semble que tu te précipites du faîte élevé de ta folie au profond abîme de ta simplicité. » | Mas el barbero, que ya había dado en el mesmo pensamiento que el cura, preguntó a don Quijote cuál era la advertencia de la prevención que decía era bien se hiciese; quizá podría ser tal, que se pusiese en la lista de los muchos advertimientos impertinentes que se suelen dar a los príncipes. | Le barbier, qui avait eu la même pensée que son compère, demanda à don Quichotte quelle était cette mesure qu′il serait, à son avis, si utile de prendre. « Peut-être, ajouta-t-il, sera-t-elle bonne à porter sur la longue liste des impertinentes remontrances qu′on a coutume d′adresser aux princes. | -El mío, señor rapador -dijo don Quijote-, no será impertinente, sino perteneciente. |  La mienne, seigneur râpeur de barbes, reprit don Quichotte, ne sera point impertinente, mais fort pertinente, au contraire. | -No lo digo por tanto -replicó el barbero-, sino porque tiene mostrado la esperiencia que todos o los más arbitrios que se dan a Su Majestad, o son imposibles, o disparatados, o en daño del rey o del reino. |  Je ne le dis pas en ce sens, répliqua le barbier, mais parce que l′expérience prouve que tous ou presque tous les expédients qu′on propose à Sa Majesté sont impossibles ou extravagants, et au détriment du roi ou du royaume. | -Pues el mío -respondió don Quijote- ni es imposible ni disparatado, sino el más fácil, el más justo y el más mañero y breve que puede caber en pensamiento de arbitrante alguno. |  Eh bien ! répondit don Quichotte, le mien n′est ni impossible ni extravagant : c′est le plus facile, le plus juste et le mieux avisé qui puisse tomber dans la pensée d′aucun inventeur d′expédients. | -Ya tarda en decirle vuestra merced, señor don Quijote -dijo el cura. |  Pourquoi Votre Grâce tarde-t-elle à le dire, seigneur don Quichotte ? demanda le curé. | -No querría -dijo don Quijote- que le dijese yo aquí agora, y amaneciese mañana en los oídos de los señores consejeros, y se llevase otro las gracias y el premio de mi trabajo. |  Je ne voudrais pas, répondit don Quichotte, le dire ici à cette heure, et que demain matin il arrivât aux oreilles de messieurs les conseillers du conseil de Castille, de façon qu′un autre reçût les honneurs et le prix de mon travail. | -Por mí -dijo el barbero-, doy la palabra, para aquí y para delante de Dios, de no decir lo que vuestra merced dijere a rey ni a roque, ni a hombre terrenal, juramento que aprendí del romance del cura que en el prefacio avisó al rey del ladrón que le había robado las cien doblas y la su mula la andariega. |  Quant à moi, dit le barbier, je donne ma parole, tant ici-bas que devant Dieu, de ne répéter ce que va dire Votre Grâce ni à Roi, ni à Roch, ni à nul homme terrestre : serment que j′ai appris dans le romance du curé, lequel avisa le roi du larron qui lui avait volé les cent doubles et sa mule au pas d′amble< . | -No sé historias -dijo don Quijote-, pero sé que es bueno ese juramento, en fee de que sé que es hombre de bien el señor barbero. |  Je ne sais pas l′histoire, répondit don Quichotte : mais je sais que le serment est bon, sachant que le seigneur barbier est homme de bien. | -Cuando no lo fuera -dijo el cura-, yo le abono y salgo por él, que en este caso no hablará más que un mudo, so pena de pagar lo juzgado y . |  Quand même il ne le serait pas, reprit le curé, moi je le cautionne, et me porte garant qu′en ce cas il ne parlera pas plus qu′un muet, sous peine de payer l′amende et le dédit. | -Y a vuestra merced, ¿quién le fía, señor cura? -dijo don Quijote. |  Et vous, seigneur curé, dit don Quichotte, qui vous cautionne ? | -Mi profesión -respondió el cura-, que es de guardar secreto. |  Ma profession, répondit le curé, qui m′oblige à garder les secrets. | -¡Cuerpo de tal! -dijo a esta sazón don Quijote-. ¿Hay más, sino mandar Su Majestad por público pregón que se junten en la corte para un día señalado todos los caballeros andantes que vagan por España; que, aunque no viniesen sino media docena, tal podría venir entre ellos, que solo bastase a destruir toda la potestad del Turco? Esténme vuestras mercedes atentos, y vayan conmigo. ¿Por ventura es cosa nueva deshacer un solo caballero andante un ejército de docientos mil hombres, como si todos juntos tuvieran una sola garganta, o fueran hechos de alfenique? Si no, díganme: ¿cuántas historias están llenas destas maravillas? ¡Había, en hora mala para mí, que no quiero decir para otro, de vivir hoy el famoso don Belianís, o alguno de los del inumerable linaje de Amadís de Gaula; que si alguno déstos hoy viviera y con el Turco se afrontara, a fee que no le arrendara la ganancia! Pero Dios mirará por su pueblo, y deparará alguno que, si no tan bravo como los pasados andantes caballeros, a lo menos no les será inferior en el ánimo; y Dios me entiende, y no digo más. |  Corbleu ! s′écria pour lors don Quichotte, Sa Majesté n′a qu′à ordonner, par proclamation publique, qu′à un jour fixé, tous les chevaliers errants qui errent par l′Espagne se réunissent à sa cour : quand il n′en viendrait qu′une demi-douzaine, tel pourrait se trouver parmi eux qui suffirait seul pour détruire toute la puissance du Turc. Que Vos Grâces soient attentives, et suivent bien mon raisonnement. Est-ce, par hasard, chose nouvelle qu′un chevalier errant défasse à lui seul une armée de deux cent mille hommes, comme s′ils n′eussent tous ensemble qu′une gorge à couper, ou qu′ils fussent faits de pâte à massepains ? Sinon, voyez plutôt combien d′histoires sont remplies de ces merveilles ! Il faudrait aujourd′hui, à la male heure pour moi, car je ne veux pas dire pour un autre, que vécût le fameux don Bélianis, ou quelque autre chevalier de l′innombrable lignée d′Amadis de Gaule. Si l′un de ceux-là vivait, et que le Turc se vît face à face avec lui, par ma foi, je ne voudrais pas être dans la peau du Turc. Mais Dieu jettera les yeux sur son peuple, et lui enverra quelqu′un, moins redoutable peut-être que les chevaliers errants du temps passé, qui pourtant ne leur cédera point en valeur. Dieu m′entend, et je n′en dis pas davantage ! | -¡Ay! -dijo a este punto la sobrina-; ¡que me maten si no quiere mi señor volver a ser caballero andante. |  Ah ! sainte Vierge ! s′écria la nièce, qu′on me tue si mon seigneur n′a pas envie de redevenir chevalier errant. | A lo que dijo don Quijote. |  Chevalier errant je dois mourir, répondit don Quichotte : | -Caballero andante he de morir, y baje o suba el Turco cuando él quisiere y cuan poderosamente pudiere; que otra vez digo que Dios me entiende. | que le Turc monte ou descende, quand il voudra, et en si grande force qu′il pourra : je répète encore que Dieu m′entend. » | A esta sazón dijo el barbero. | Le barbier dit alors : | -Suplico a vuestras mercedes que se me dé licencia para contar un cuento breve que sucedió en Sevilla, que, por venir aquí como de molde, me da gana de contarle. | « Permettez-moi, j′en supplie Vos Grâces, de vous raconter une petite histoire qui est arrivée à Séville ; elle vient si bien à point, que l′envie me prend de vous la raconter. » | Dio la licencia don Quijote, y el cura y los demás le prestaron atención, y él comenzó desta manera. | Don Quichotte donna son assentiment, le curé et les femmes prêtèrent leur attention, et le barbier commença de la sorte : | -« En la casa de los locos de Sevilla estaba un hombre a quien sus parientes habían puesto allí por falto de juicio. Era graduado en cánones por Osuna, pero, aunque lo fuera por Salamanca, según opinión de muchos, no dejara de ser loco. Este tal graduado, al cabo de algunos años de recogimiento, se dio a entender que estaba cuerdo y en su entero juicio, y con esta imaginación escribió al arzobispo, suplicándole encarecidamente y con muy concertadas razones le mandase sacar de aquella miseria en que vivía, pues por la misericordia de Dios había ya cobrado el juicio perdido; pero que sus parientes, por gozar de la parte de su hacienda, le tenían allí, y, a pesar de la verdad, querían que fuese loco hasta la muerte. | « Dans l′hôpital des fous, à Séville, il y avait un homme que ses parents avaient fait enfermer comme ayant perdu l′esprit. Il avait été gradué en droit canon par l′université d′Osuna ; mais, selon l′opinion de bien des gens, quand même c′eût été par l′université de Salamanque, il n′en serait pas moins devenu fou. Au bout de quelques années de réclusion, ce licencié s′imagina qu′il avait recouvré le jugement et possédait le plein exercice de ses facultés. Dans cette idée, il écrivit à l′archevêque, en le suppliant avec instance, et dans les termes les plus sensés, de le tirer de la misère où il vivait, puisque Dieu, dans sa miséricorde, lui avait fait grâce de lui rendre la raison. Il ajoutait que ses parents, pour jouir de son bien, le tenaient enfermé, et voulaient, en dépit de la vérité, qu′il restât fou jusqu′à sa mort. | » El arzobispo, persuadido de muchos billetes concertados y discretos, mandó a un capellán suyo se informase del retor de la casa si era verdad lo que aquel licenciado le escribía, y que asimesmo hablase con el loco, y que si le pareciese que tenía juicio, le sacase y pusiese en libertad. Hízolo así el capellán, y el retor le dijo que aquel hombre aún se estaba loco: que, puesto que hablaba muchas veces como persona de grande entendimiento, al cabo disparaba con tantas necedades, que en muchas y en grandes igualaban a sus primeras discreciones, como se podía hacer la esperiencia hablándole. Quiso hacerla el capellán, y, poniéndole con el loco, habló con él una hora y más, y en todo aquel tiempo jamás el loco dijo razón torcida ni disparatada; antes, habló tan atentadamente, que el capellán fue forzado a creer que el loco estaba cuerdo; y entre otras cosas que el loco le dijo fue que el retor le tenía ojeriza, por no perder los regalos que sus parientes le hacían porque dijese que aún estaba loco, y con lúcidos intervalos; y que el mayor contrario que en su desgracia tenía era su mucha hacienda, pues, por gozar della sus enemigos, ponían dolo y dudaban de la merced que Nuestro Señor le había hecho en volverle de bestia en hombre. Finalmente, él habló de manera que hizo sospechoso al retor, codiciosos y desalmados a sus parientes, y a él tan discreto que el capellán se determinó a llevársele consigo a que el arzobispo le viese y tocase con la mano la verdad de aquel negocio. | Convaincu par plusieurs billets très-sensés et très-spirituels, l′archevêque chargea un de ses chapelains de s′informer, auprès du recteur de l′hôpital, si ce qu′écrivait ce licencié était bien exact, et même de causer avec le fou, afin que, s′il lui semblait avoir recouvré l′esprit, il le tirât de sa loge et lui rendît la liberté. Le chapelain remplit sa mission, et le recteur lui dit que cet homme était encore fou ; que, bien qu′il parlât maintes fois comme une personne d′intelligence rassise, il éclatait à la fin en telles extravagances, qu′elles égalaient par le nombre et la grandeur tous les propos sensés qu′il avait tenus auparavant, comme on pouvait, au reste, s′en assurer en conversant avec lui. Le chapelain voulut faire l′expérience : il alla trouver le fou, et l′entretint plus d′une heure entière. Pendant tout ce temps, le fou ne laissa pas échapper un mot extravagant ou même équivoque ; au contraire, il parla si raisonnablement, que le chapelain fut obligé de croire qu′il était totalement guéri. Entre autres choses, le fou accusa le recteur de l′hôpital. « Il me garde rancune, dit-il, et me dessert, pour ne pas perdre les cadeaux que lui font mes parents afin qu′il dise que je suis encore fou, bien qu′ayant des intervalles lucides. Le plus grand ennemi que j′aie dans ma disgrâce, c′est ma grande fortune : car, pour en jouir, mes héritiers portent un faux jugement et révoquent en doute la grâce que le Seigneur m′a faite en me rappelant de l′état de brute à l′état d′homme. » Finalement, le fou parla de telle sorte qu′il rendit le recteur suspect, qu′il fit paraître ses parents avaricieux et dénaturés, et se montra lui-même si raisonnable, que le chapelain résolut de le conduire à l′archevêque pour que celui-ci reconnût et touchât du doigt la vérité de cette affaire. | » Con esta buena fee, el buen capellán pidió al retor mandase dar los vestidos con que allí había entrado el licenciado; volvió a decir el retor que mirase lo que hacía, porque, sin duda alguna, el licenciado aún se estaba loco. No sirvieron de nada para con el capellán las prevenciones y advertimientos del retor para que dejase de llevarle; obedeció el retor, viendo ser orden del arzobispo; pusieron al licenciado sus vestidos, que eran nuevos y decentes, y, como él se vio vestido de cuerdo y desnudo de loco, suplicó al capellán que por caridad le diese licencia para ir a despedirse de sus compañeros los locos. El capellán dijo que él le quería acompañar y ver los locos que en la casa había. Subieron, en efeto, y con ellos algunos que se hallaron presentes; y, llegado el licenciado a una jaula adonde estaba un loco furioso, aunque entonces sosegado y quieto, le dijo: ′′Hermano mío, mire si me manda algo, que me voy a mi casa; que ya Dios ha sido servido, por su infinita bondad y misericordia, sin yo merecerlo, de volverme mi juicio: ya estoy sano y cuerdo; que acerca del poder de Dios ninguna cosa es imposible. Tenga grande esperanza y confianza en Él, que, pues a mí me ha vuelto a mi primero estado, también le volverá a él si en Él confía. Yo tendré cuidado de enviarle algunos regalos que coma, y cómalos en todo caso, que le hago saber que imagino, como quien ha pasado por ello, que todas nuestras locuras proceden de tener los estómagos vacíos y los celebros llenos de aire. Esfuércese, esfuércese, que el descaecimiento en los infortunios apoca la salud y acarrea la muerte′′. | Dans cette croyance, le bon chapelain pria le recteur de faire rendre au licencié les habits qu′il portait à son entrée dans l′hôpital. À son tour, le recteur le supplia de prendre garde à ce qu′il allait faire : car, sans nul doute, le licencié était encore fou. Mais ses remontrances et ses avis ne réussirent pas à détourner le chapelain de son idée. Le recteur obéit donc, en voyant que c′était un ordre de l′archevêque, et l′on remit au licencié ses anciens habits, qui étaient neufs et décents. Lorsqu′il se vit dépouillé de la casaque de fou et rhabillé en homme sage, il demanda par charité au chapelain la permission d′aller prendre congé de ses camarades les fous. Le chapelain répondit qu′il voulait l′accompagner et voir les fous qu′il y avait dans la maison. Ils montèrent en effet, et avec eux quelques personnes qui se trouvaient présentes. Quand le licencié arriva devant une cage où l′on tenait enfermé un fou furieux, bien qu′en ce moment tranquille et calme, il lui dit : « Voyez, frère, si vous avez quelque chose à me recommander : je retourne chez moi, puisque Dieu a bien voulu, dans son infinie miséricorde et sans que je le méritasse, me rendre la raison. Me voici en bonne santé et dans mon bon sens, car au pouvoir de Dieu rien n′est impossible. Ayez grande espérance en lui. Puisqu′il m′a remis en mon premier état, il pourra bien vous y remettre également, si vous avez confiance en sa bonté. J′aurai soin de vous envoyer quelques friands morceaux, et mangez-les de bon cœur : car, en vérité, je m′imagine, comme ayant passé par là, que toutes nos folies procèdent de ce que nous avons l′estomac vide et le cerveau plein d′air. | » Todas estas razones del licenciado escuchó otro loco que estaba en otra jaula, frontero de la del furioso, y, levantándose de una estera vieja donde estaba echado y desnudo en cueros, preguntó a grandes voces quién era el que se iba sano y cuerdo. El licenciado respondió: ′′Yo soy, hermano, el que me voy; que ya no tengo necesidad de estar más aquí, por lo que doy infinitas gracias a los cielos, que tan grande merced me han hecho′′. ′′Mirad lo que decís, licenciado, no os engañe el diablo -replicó el loco-; sosegad el pie, y estaos quedito en vuestra casa, y ahorraréis la vuelta′′. ′′Yo sé que estoy bueno -replicó el licenciado-, y no habrá para qué tornar a andar estaciones′′. ′′¿Vos bueno? -dijo el loco-: agora bien, ello dirá; andad con Dios, pero yo os voto a Júpiter, cuya majestad yo represento en la tierra, que por solo este pecado que hoy comete Sevilla, en sacaros desta casa y en teneros por cuerdo, tengo de hacer un tal castigo en ella, que quede memoria dél por todos los siglos del los siglos, amén. ¿No sabes tú, licenciadillo menguado, que lo podré hacer, pues, como digo, soy Júpiter Tonante, que tengo en mis manos los rayos abrasadores con que puedo y suelo amenazar y destruir el mundo? Pero con sola una cosa quiero castigar a este ignorante pueblo, y es con no llover en él ni en todo su distrito y contorno por tres enteros años, que se han de contar desde el día y punto en que ha sido hecha esta amenaza en adelante. ¿Tú libre, tú sano, tú cuerdo, y yo loco, y yo enfermo, y yo atado...? Así pienso llover como pensar ahorcarme′′. | Allons, allons, prenez courage : l′abattement dans les infortunes détruit la santé et hâte la mort. » Tous ces propos du licencié étaient entendus par un autre fou renfermé dans la cage en face de celle du furieux. Il se leva d′une vieille natte de jonc sur laquelle il était couché tout nu, et demanda à haute voix quel était celui qui s′en allait bien portant de corps et d′esprit. « C′est moi, frère, qui m′en vais, répondit le licencié : je n′ai plus besoin de rester ici, et je rends au ciel des grâces infinies pour la faveur qu′il m′a faite.  Prenez garde à ce que vous dites, licencié mon ami, répliqua le fou, de peur que le diable ne vous trompe. Pliez la jambe, et restez tranquille dans votre loge, pour éviter l′aller et le retour.  Je sais que je suis guéri, reprit le licencié, et rien ne m′oblige à recommencer les stations.  Vous, guéri ! s′écria le fou. À la bonne heure, et que Dieu vous conduise ! Mais je jure par le nom de Jupiter, dont je représente sur la terre la majesté souveraine, que, pour ce seul péché que Séville commet aujourd′hui en vous tirant de cette maison et en vous tenant pour homme de bon sens, je la frapperai d′un tel châtiment que le souvenir s′en perpétuera dans les siècles des siècles, amen. Ne sais-tu pas, petit bachelier sans cervelle, que je puis le faire comme je le dis, puisque je suis Jupiter tonnant, et que je tiens dans mes mains les foudres destructeurs avec lesquels je menace et bouleverse le monde ? Mais non : je veux bien n′imposer qu′un seul châtiment à cette ville ignorante : je ne ferai pas pleuvoir, ni sur elle ni sur tout son district, pendant trois années entières, qui se compteront depuis le jour et la minute où la menace en est prononcée. Ah ! tu es libre, tu es bien portant, tu es raisonnable, et moi je suis attaché, je suis malade, je suis fou ! Bien, bien, je pense à pleuvoir tout comme à me pendre. » | » A las voces y a las razones del loco estuvieron los circustantes atentos, pero nuestro licenciado, volviéndose a nuestro capellán y asiéndole de las manos, le dijo: ′′No tenga vuestra merced pena, señor mío, ni haga caso de lo que este loco ha dicho, que si él es Júpiter y no quisiere llover, yo, que soy Neptuno, el padre y el dios de las aguas, lloveré todas las veces que se me antojare y fuere menester′′. A lo que respondió el capellán: ′′Con todo eso, señor Neptuno, no será bien enojar al señor Júpiter: vuestra merced se quede en su casa, que otro día, cuando haya más comodidad y más espacio, volveremos por vuestra merced′′. Rióse el retor y los presentes, por cuya risa se medio corrió el capellán; desnudaron al licenciado, quedóse en casa y acabóse el cuento. | Les assistants étaient restés fort attentifs aux cris et aux propos du fou ; mais notre licencié, se tournant vers le chapelain, et lui prenant les mains avec intérêt : « Que Votre Grâce ne se mette point en peine, mon cher seigneur, lui dit-il, et ne fasse aucun cas de ce que ce fou vient de dire. S′il est Jupiter et qu′il ne veuille pas faire pleuvoir, moi, qui suis Neptune, le père et le dieu des eaux, je ferai tomber la pluie chaque fois qu′il me plaira et qu′il en sera besoin. » À cela le chapelain répondit : « Toutefois, seigneur Neptune, il ne convient pas de fâcher le seigneur Jupiter. Que votre Grâce demeure en sa loge ; une autre fois, quand nous aurons mieux nos aises et notre temps, nous reviendrons vous chercher. » Le recteur et les assistants se mirent à rire, au point de faire presque rougir le chapelain. Quant au licencié, on le déshabilla, puis on le remit dans sa loge : et le conte est fini. | -Pues, ¿éste es el cuento, señor barbero -dijo don Quijote-, que, por venir aquí como de molde, no podía dejar de contarle? ¡Ah, señor rapista, señor rapista, y cuán ciego es aquel que no vee por tela de cedazo! Y ¿es posible que vuestra merced no sabe que las comparaciones que se hacen de ingenio a ingenio, de valor a valor, de hermosura a hermosura y de linaje a linaje son siempre odiosas y mal recebidas? Yo, señor barbero, no soy Neptuno, el dios de las aguas, ni procuro que nadie me tenga por discreto no lo siendo; sólo me fatigo por dar a entender al mundo en el error en que está en no renovar en sí el felicísimo tiempo donde campeaba la orden de la andante caballería. Pero no es merecedora la depravada edad nuestra de gozar tanto bien como el que gozaron las edades donde los andantes caballeros tomaron a su cargo y echaron sobre sus espaldas la defensa de los reinos, el amparo de las doncellas, el socorro de los huérfanos y pupilos, el castigo de los soberbios y el premio de los humildes. Los más de los caballeros que agora se usan, antes les crujen los damascos, los brocados y otras ricas telas de que se visten, que la malla con que se arman; ya no hay caballero que duerma en los campos, sujeto al rigor del cielo, armado de todas armas desde los pies a la cabeza; y ya no hay quien, sin sacar los pies de los estribos, arrimado a su lanza, sólo procure descabezar, como dicen, el sueño, como lo hacían los caballeros andantes. Ya no hay ninguno que, saliendo deste bosque, entre en aquella montaña, y de allí pise una estéril y desierta playa del mar, las más veces proceloso y alterado, y, hallando en ella y en su orilla un pequeño batel sin remos, vela, mástil ni jarcia alguna, con intrépido corazón se arroje en él, entregándose a las implacables olas del mar profundo, que ya le suben al cielo y ya le bajan al abismo; y él, puesto el pecho a la incontrastable borrasca, cuando menos se cata, se halla tres mil y más leguas distante del lugar donde se embarcó, y, saltando en tierra remota y no conocida, le suceden cosas dignas de estar escritas, no en pergaminos, sino en bronces. Mas agora, ya triunfa la pereza de la diligencia, la ociosidad del trabajo, el vicio de la virtud, la arrogancia de la valentía y la teórica de la práctica de las armas, que sólo vivieron y resplandecieron en las edades del oro y en los andantes caballeros. Si no, díganme: ¿quién más honesto y más valiente que el famoso Amadís de Gaula?; ¿quién más discreto que Palmerín de Inglaterra?; ¿quién más acomodado y manual que Tirante el Blanco?; ¿quién más galán que Lisuarte de Grecia? ; ¿quién más acuchillado ni acuchillador que don Belianís?; ¿quién más intrépido que Perión de Gaula, o quién más acometedor de peligros que Felixmarte de Hircania, o quién más sincero que Esplandián?; ¿quién mas arrojado que don Cirongilio de Tracia?; ¿quién más bravo que Rodamonte?; ¿quién más prudente que el rey Sobrino?; ¿quién más atrevido que Reinaldos?; ¿quién más invencible que Roldán?; y ¿quién más gallardo y más cortés que Rugero, de quien decienden hoy los duques de Ferrara, según Turpín en su Cosmografía? Todos estos caballeros, y otros muchos que pudiera decir, señor cura, fueron caballeros andantes, luz y gloria de la caballería. Déstos, o tales como éstos, quisiera yo que fueran los de mi arbitrio, que, a serlo, Su Majestad se hallara bien servido y ahorrara de mucho gasto, y el Turco se quedara pelando las barbas, y con esto, no quiero quedar en mi casa, pues no me saca el capellán della; y si su Júpiter, como ha dicho el barbero, no lloviere, aquí estoy yo, que lloveré cuando se me antojare. Digo esto porque sepa el señor Bacía que le entiendo. |  C′est donc là, seigneur barbier, reprit don Quichotte, ce conte qui venait si bien à point, qu′on ne pouvait se dispenser de nous le servir ? Ah ! seigneur du rasoir, seigneur du rasoir, combien est aveugle celui qui ne voit pas à travers la toile du tamis ! Est-il possible que Votre Grâce ne sache pas que les comparaisons qui se font d′esprit à esprit, de courage à courage, de beauté à beauté, de noblesse à noblesse, sont toujours odieuses et mal reçues ? Pour moi, seigneur barbier, je ne suis pas Neptune, le dieu des eaux, et n′exige que personne me tienne pour homme d′esprit, ne l′étant pas : seulement je me fatigue à faire comprendre au monde la faute qu′il commet en ne voulant pas renouveler en lui l′heureux temps où florissait la chevalerie errante. Mais notre âge dépravé n′est pas digne de jouir du bonheur ineffable dont jouirent les âges où les chevaliers errants prirent à charge et à tâche la défense des royaumes, la protection des demoiselles, l′assistance des orphelins, le châtiment des superbes et la récompense des humbles. La plupart des chevaliers qu′on voit aujourd′hui font plutôt bruire le satin, le brocart et les riches étoffes dont ils s′habillent, que la cotte de mailles dont ils s′arment. Il n′y a plus un chevalier qui dorme en plein champ, exposé à la rigueur du ciel, armé de toutes pièces de la tête aux pieds ; il n′y en a plus un qui, sans quitter l′étrier et appuyé sur sa lance, ne songe qu′à tromper le sommeil, comme faisaient les chevaliers errants. Il n′y en a plus un qui sorte de ce bois pour pénétrer dans cette montagne ; puis qui arrive sur une plage stérile et déserte, où bat la mer furieuse, et, trouvant amarré au rivage un petit bateau sans rames, sans voiles, sans gouvernail, sans agrès, s′y jette d′un cœur intrépide, et se livre aux flots implacables d′une mer sans fond, qui tantôt l′élèvent au ciel et tantôt l′entraînent dans l′abîme, tandis que lui, toujours affrontant la tempête, se trouve tout à coup, quand il y songe le moins, à plus de trois mille lieues de distance de l′endroit où il s′est embarqué, et, sautant sur une terre inconnue, rencontre des aventures dignes d′être écrites, non sur le parchemin, mais sur le bronze. À présent la paresse triomphe de la diligence, l′oisiveté du travail, le vice de la vertu, l′arrogance de la valeur, et la théorie de la pratique dans les armes, qui n′ont vraiment brillé de tout leur éclat que pendant l′âge d′or et parmi les chevaliers errants. Sinon, dites-moi, qui fut plus chaste et plus vaillant que le fameux Amadis de Gaule ? qui plus spirituel que Palmerin d′Angleterre ? qui plus accommodant et plus traitable que Tirant le Blanc ? qui plus galant que Lisvart de Grèce ? qui plus blessé et plus blessant que don Bélianis ? qui plus intrépide que Périon de Gaule ? qui plus entreprenant que Félix-Mars d′Hyrcanie ? qui plus sincère qu′Esplandian ? qui plus hardi que don Cirongilio de Thrace ? qui plus brave que Rodomont ? qui plus prudent que le roi Sobrin ? qui plus audacieux que Renaud ? qui plus invincible que Roland ? qui plus aimable et plus courtois que Roger, de qui descendent les ducs de Ferrare, suivant Turpin, dans sa Cosmographie ? Tous ces guerriers, et beaucoup d′autres que je pourrais nommer encore, seigneur curé, furent des chevaliers errants, lumière et gloire de la chevalerie. C′est de ceux-là, ou de semblables à ceux-là, que je voudrais que fussent les chevaliers de ma proposition au roi : s′ils étaient, Sa Majesté serait bien servie, épargnerait de grandes dépenses, et le Turc resterait à s′arracher la barbe. Avec tout cela, il faut bien que je reste dans ma loge, puisque le chapelain ne veut pas m′en tirer, et si Jupiter, comme a dit le barbier, ne veut pas qu′il pleuve, je suis ici, moi, pour faire pleuvoir quand il m′en prendra fantaisie : et je dis cela pour que le seigneur Plat-à-Barbe sache que je le comprends. | -En verdad, señor don Quijote -dijo el barbero-, que no lo dije por tanto, y así me ayude Dios como fue buena mi intención, y que no debe vuestra merced sentirse. |  En vérité, seigneur don Quichotte, répondit le barbier, je ne parlais pas pour vous déplaire, et que Dieu m′assiste autant que mon intention fut bonne ! Votre Grâce ne doit pas se fâcher. | -Si puedo sentirme o no -respondió don Quijote-, yo me lo sé. |  Si je dois me fâcher ou non, répliqua don Quichotte, c′est à moi de le savoir. » | A esto dijo el cura. | Alors le curé prenant la parole : | -Aun bien que yo casi no he hablado palabra hasta ahora, y no quisiera quedar con un escrúpulo que me roe y escarba la conciencia, nacido de lo que aquí el señor don Quijote ha dicho. | « Bien que je n′aie presque pas encore ouvert la bouche, dit-il, je ne voudrais pas conserver un scrupule qui me tourmente et me ronge la conscience, et qu′a fait naître en moi ce que vient de dire le seigneur don Quichotte. | -Para otras cosas más -respondió don Quijote- tiene licencia el señor cura; y así, puede decir su escrúpulo, porque no es de gusto andar con la conciencia escrupulosa. |  Pour bien d′autres choses le seigneur curé a pleine permission, répondit don Quichotte : il peut donc exposer son scrupule, car il n′est pas agréable d′avoir la conscience bourrelée. | -Pues con ese beneplácito -respondió el cura-, digo que mi escrúpulo es que no me puedo persuadir en ninguna manera a que toda la caterva de caballeros andantes que vuestra merced, señor don Quijote, ha referido, hayan sido real y verdaderamente personas de carne y hueso en el mundo; antes, imagino que todo es ficción, fábula y mentira, y sueños contados por hombres despiertos, o, por mejor decir, medio dormidos. |  Eh bien donc, reprit le curé, avec ce sauf-conduit, je dirai que mon scrupule est que je ne puis me persuader en aucune façon que cette multitude de chevaliers errants dont Votre Grâce, seigneur don Quichotte, vient de faire mention, aient été réellement et véritablement des gens de chair et d′os vivant dans ce monde : j′imagine, au contraire, que tout cela n′est que fiction, fable, mensonge, rêves contés par des hommes éveillés, ou, pour mieux dire, à demi dormants. | -Ése es otro error -respondió don Quijote- en que han caído muchos, que no creen que haya habido tales caballeros en el mundo; y yo muchas veces, con diversas gentes y ocasiones, he procurado sacar a la luz de la verdad este casi común engaño; pero algunas veces no he salido con mi intención, y otras sí, sustentándola sobre los hombros de la verdad; la cual verdad es tan cierta, que estoy por decir que con mis propios ojos vi a Amadís de Gaula, que era un hombre alto de cuerpo, blanco de rostro, bien puesto de barba, aunque negra, de vista entre blanda y rigurosa, corto de razones, tardo en airarse y presto en deponer la ira; y del modo que he delineado a Amadís pudiera, a mi parecer, pintar y descubrir todos cuantos caballeros andantes andan en las historias en el orbe, que, por la aprehensión que tengo de que fueron como sus historias cuentan, y por las hazañas que hicieron y condiciones que tuvieron, se pueden sacar por buena filosofía sus faciones, sus colores y estaturas. |  Ceci est une autre erreur, répondit don Quichotte, dans laquelle sont tombés un grand nombre de gens qui ne croient pas qu′il y ait eu de tels chevaliers au monde. Quant à moi, j′ai cherché bien souvent, avec toutes sortes de personnes et en toutes sortes d′occasions, à faire luire la lumière de la vérité sur cette illusion presque générale. Quelquefois je n′ai pu réussir : d′autres fois je suis venu à bout de mon dessein, en l′appuyant sur les bases de la vérité. Cette vérité est si manifeste, que je serais tenté de dire que j′ai vu, de mes propres yeux, Amadis de Gaule ; que c′était un homme de haute taille, blanc de visage, la barbe bien plantée, quoique noire, et le regard moitié doux, moitié sévère, bref dans ses propos, lent à se mettre en colère et prompt à s′apaiser. De la même manière que je viens d′esquisser Amadis, je pourrais peindre et décrire tous les chevaliers que mentionnent les histoires du monde entier : car, par la conviction où je suis qu′ils furent tels que le racontent leurs histoires, par les exploits qu′ils firent et le caractère qu′ils eurent, on peut, en bonne philosophie, déduire quels furent leurs traits, leur stature et la couleur de leur teint. | -¿Que tan grande le parece a vuestra merced, mi señor don Quijote -preguntó el barbero-, debía de ser el gigante Morgante? |  Quelle taille semble-t-il à Votre Grâce, mon seigneur don Quichotte, demanda le barbier, que devait avoir le géant Morgant ? | -En esto de gigantes -respondió don Quijote- hay diferentes opiniones, si los ha habido o no en el mundo; pero la Santa Escritura, que no puede faltar un átomo en la verdad, nos muestra que los hubo, contándonos la historia de aquel filisteazo de Golías, que tenía siete codos y medio de altura, que es una desmesurada grandeza. También en la isla de Sicilia se han hallado canillas y espaldas tan grandes, que su grandeza manifiesta que fueron gigantes sus dueños, y tan grandes como grandes torres; que la geometría saca esta verdad de duda. Pero, con todo esto, no sabré decir con certidumbre qué tamaño tuviese Morgante, aunque imagino que no debió de ser muy alto; y muéveme a ser deste parecer hallar en la historia donde se hace mención particular de sus hazañas que muchas veces dormía debajo de techado; y, pues hallaba casa donde cupiese, claro está que no era desmesurada su grandeza. |  En fait de géants, répondit don Quichotte, les opinions sont partagées sur la question de savoir s′il y en eut ou non dans le monde. Mais la sainte Écriture, qui ne peut manquer d′un atome à la vérité, nous prouve qu′il y en eut, lorsqu′elle nous raconte l′histoire de cet énorme Philistin, Goliath, qui avait sept coudées et demie de haut , ce qui est une grandeur démesurée. On a également trouvé, dans l′île de Sicile, des os de jambes et d′épaules dont la longueur prouve qu′ils appartenaient à des géants aussi hauts que de hautes tours. C′est une vérité que démontre la géométrie. Toutefois, je ne saurais trop dire avec certitude quelle fut la taille du géant Morgant ; mais j′imagine qu′elle n′était pas très-grande, et ce qui me fait pencher pour cet avis, c′est que je trouve, dans l′histoire qui fait une mention particulière de ses prouesses , qu′il dormait très-souvent sous l′abri d′un toit ; et, puisqu′il trouvait des maisons capables de le contenir, il est clair que sa taille n′était pas démesurée. | -Así es -dijo el cura. |  Rien de plus juste », reprit le curé, | El cual, gustando de oírle decir tan grandes disparates, le preguntó que qué sentía acerca de los rostros de Reinaldos de Montalbán y de don Roldán, y de los demás Doce Pares de Francia, pues todos habían sido caballeros andantes. | lequel, prenant plaisir à lui entendre dire de si grandes extravagances, lui demanda quelle idée il se faisait des visages de Renaud de Montauban, de Roland et des autres douze pairs de France, qui tous avaient été chevaliers errants. | -De Reinaldos -respondió don Quijote- me atrevo a decir que era ancho de rostro, de color bermejo, los ojos bailadores y algo saltados, puntoso y colérico en demasía, amigo de ladrones y de gente perdida. De Roldán, o Rotolando, o Orlando, que con todos estos nombres le nombran las historias, soy de parecer y me afirmo que fue de mediana estatura, ancho de espaldas, algo estevado, moreno de rostro y barbitaheño, velloso en el cuerpo y de vista amenazadora; corto de razones, pero muy comedido y bien criado. | « De Renaud, répondit don Quichotte, j′oserais dire qu′il avait la face large, le teint vermeil, les yeux à fleur de tête et toujours en mouvement : qu′il était extrêmement chatouilleux et colérique, ami des larrons et des hommes perdus. Quant à Roland, ou Rotoland, ou Orland (car les histoires lui donnent tous ces noms), je suis d′avis, ou plutôt j′affirme qu′il fut de moyenne stature, large des épaules, un peu cagneux des genoux, le teint brun, la barbe rude et rousse, le corps velu, le regard menaçant, la parole brève ; mais courtois, affable et bien élevé. | -Si no fue Roldán más gentilhombre que vuestra merced ha dicho -replicó el cura-, no fue maravilla que la señora Angélica la Bella le desdeñase y dejase por la gala, brío y donaire que debía de tener el morillo barbiponiente a quien ella se entregó; y anduvo discreta de adamar antes la blandura de Medoro que la aspereza de Roldán. |  Si Roland ne fut pas un plus gentil cavalier que ne le dit Votre Grâce, répliqua le barbier, il ne faut plus s′étonner que madame Angélique la Belle le dédaignât pour les grâces séduisantes que devait avoir le petit More à poil follet à qui elle livra ses charmes ; et vraiment elle montra bon goût en préférant la douceur de Médor à la rudesse de Roland. | -Esa Angélica -respondió don Quijote-, señor cura, fue una doncella destraída, andariega y algo antojadiza, y tan lleno dejó el mundo de sus impertinencias como de la fama de su hermosura: despreció mil señores, mil valientes y mil discretos, y contentóse con un pajecillo barbilucio, sin otra hacienda ni nombre que el que le pudo dar de agradecido la amistad que guardó a su amigo. El gran cantor de su belleza, el famoso Ariosto, por no atreverse, o por no querer cantar lo que a esta señora le sucedió después de su ruin entrego, que no debieron ser cosas demasiadamente honestas, la dejó donde dijo. |  Cette Angélique, seigneur curé, reprit don Quichotte, fut une créature légère et fantasque, une coureuse, une écervelée, qui laissa le monde aussi plein de ses impertinences que de la renommée de sa beauté. Elle méprisa mille grands seigneurs, mille chevaliers braves et spirituels , et se contenta d′un petit page au menton cotonneux, sans naissance, sans fortune, sans autre renom que celui qu′avait pu lui donner le fidèle attachement qu′il conserva pour son ami . Le fameux chantre de sa beauté, le grand Arioste, n′osant ou ne voulant pas chanter les aventures qu′eut cette dame après sa vile faiblesse, et qui ne furent pas assurément trop honnêtes, la laisse tout à coup, en disant : | Y como del Catay recibió el cetro. | Et de quelle manière elle reçut le sceptre du Catay, | quizá otro cantará con mejor plectro. | un autre le dira peut-être en chantant sur une meilleure lyre. | Y, sin duda, que esto fue como profecía; que los poetas también se llaman vates, que quiere decir adivinos. Véese esta verdad clara, porque, después acá, un famoso poeta lloró y cantó sus lágrimas, y otro famoso y único poeta castellano cantó su hermosura. | Sans doute ces mots furent comme une prophétie, car les poëtes se nomment aussi vates, qui veut dire devins : et la prédiction se vérifia si bien, que, depuis lors, un fameux poëte andalou chanta ses larmes, et un autre poëte castillan, unique en renommée, chanta sa beauté. | -Dígame, señor don Quijote -dijo a esta sazón el barbero-, ¿no ha habido algún poeta que haya hecho alguna sátira a esa señora Angélica, entre tantos como la han alabado. |  Dites-moi, seigneur don Quichotte, reprit en ce moment le barbier, ne s′est-il pas trouvé quelque poëte qui ait fait quelque satire contre cette dame Angélique, parmi tant d′autres qui ont fait son éloge ? | -Bien creo yo -respondió don Quijote- que si Sacripante o Roldán fueran poetas, que ya me hubieran jabonado a la doncella; porque es propio y natural de los poetas desdeñados y no admitidos de sus damas fingidas -o fingidas, en efeto, de aquéllos a quien ellos escogieron por señoras de sus pensamientos-, vengarse con sátiras y libelos (venganza, por cierto, indigna de pechos generosos), pero hasta agora no ha llegado a mi noticia ningún verso infamatorio contra la señora Angélica, que trujo revuelto el mundo. |  Je crois bien, répondit don Quichotte, que si Sacripant ou Roland eussent été poëtes, ils auraient joliment savonné la tête à la demoiselle ; car c′est le propre des poëtes dédaignés par leurs dames, feintes ou non feintes, par celles enfin qu′ils ont choisies pour maîtresses de leurs pensées, de se venger par des satires et des libelles diffamatoires : vengeance indigne assurément d′un cœur généreux. Mais jusqu′à présent, il n′est pas arrivé à ma connaissance un seul vers injurieux contre cette Angélique qui bouleversa le monde . | -¡Milagro! -dijo el cura. |  Miracle ! » s′écria le curéÂ
| Y, en esto, oyeron que la ama y la sobrina, que ya habían dejado la conversación, daban grandes voces en el patio, y acudieron todos al ruido. | et tout à coup ils entendirent la nièce et la gouvernante, qui avaient, depuis quelques instants, quitté la conversation, jeter de grands cris dans la cour : ils se levèrent et coururent tous au bruit.
| II. Capítulo II. Que trata de la notable pendencia que Sancho Panza tuvo con la sobrina y ama de don Quijote, con otros sujetos graciosos. | II Qui traite de la notable querelle qu′eut Sancho Panza avec la nièce et la gouvernante de don Quichotte, ainsi que d′autres événements gracieux Cuenta la historia que las voces que oyeron don Quijote, el cura y el barbero eran de la sobrina y ama, que las daban diciendo a Sancho Panza, que pugnaba por entrar a ver a don Quijote, y ellas le defendían la puerta. | L′histoire raconte< que les cris qu′entendirent don Quichotte, le curé et le barbier, venaient de la nièce et de la gouvernante, lesquelles faisaient tout ce tapage en parlant à Sancho, qui voulait à toute force entrer voir son maître, tandis qu′elles lui défendaient la porte. | -¿Qué quiere este mostrenco en esta casa? Idos a la vuestra, hermano, que vos sois, y no otro, el que destrae y sonsaca a mi señor, y le lleva por esos andurriales. | « Que veut céans ce vagabond ? s′écriait la gouvernante ; retournez chez vous, frère, car c′est vous et nul autre qui embauchez et pervertissez mon seigneur, et qui l′emmenez promener par ces déserts. | A lo que Sancho respondió. |  Gouvernante de Satan, répondit Sancho, | -Ama de Satanás, el sonsacado, y el destraído, y el llevado por esos andurriales soy yo, que no tu amo; él me llevó por esos mundos, y vosotras os engañáis en la mitad del justo precio: él me sacó de mi casa con engañifas, prometiéndome una ínsula, que hasta agora la espero. | l′embauché, le perverti et l′emmené par ces déserts, c′est moi et non pas ton maître. Lui m′a emmené à travers le monde, et vous vous trompez de la moitié du juste prix. Lui, dis-je, m′a tiré de ma maison par des tricheries, en me promettant une île que j′attends encore à présent.< | -Malas ínsulas te ahoguen -respondió la sobrina-, Sancho maldito. Y ¿qué son ínsulas? ¿Es alguna cosa de comer, golosazo, comilón, que tú eres? . |  Que de mauvaises îles t′étouffent, Sancho maudit, reprit la nièce : et qu′est-ce que c′est que des îles ? Sans doute quelque chose à manger, goulu, glouton que tu es ! | -No es de comer -replicó Sancho-, sino de gobernar y regir mejor que cuatro ciudades y que cuatro alcaldes de corte. |  Ce n′est pas quelque chose à manger, répondit Sancho, mais bien à gouverner, et mieux que quatre villes ensemble, et mieux que par quatre alcaldes de cour. | -Con todo eso -dijo el ama-, no entraréis acá, saco de maldades y costal de malicias. Id a gobernar vuestra casa y a labrar vuestros pegujares, y dejaos de pretender ínsulas ni ínsulos. |  Avec tout cela, reprit la gouvernante, vous n′entrerez pas ici, sac de méchancetés, tonneau de malices ; allez gouverner votre maison et piocher votre coin de terre, et laissez là vos îles et vos îlots. » | Grande gusto recebían el cura y el barbero de oír el coloquio de los tres; pero don Quijote, temeroso que Sancho se descosiese y desbuchase algún montón de maliciosas necedades, y tocase en puntos que no le estarían bien a su crédito, le llamó, y hizo a las dos que callasen y le dejasen entrar. Entró Sancho, y el cura y el barbero se despidieron de don Quijote, de cuya salud desesperaron, viendo cuán puesto estaba en sus desvariados pensamientos, y cuán embebido en la simplicidad de sus malandantes caballerías; y así, dijo el cura al barbero. | Le curé et le barbier se divertissaient fort à écouter ce dialogue des trois personnages ; mais don Quichotte, craignant que Sancho ne lâchât sa langue, et avec elle un tas de malicieuses simplicités qui pourraient bien ne pas tourner à l′avantage de son maître, l′appela, fit taire les deux femmes, et leur commanda de le laisser entrer. Sancho entra, et le curé et le barbier prirent congé de don Quichotte, dont la guérison leur sembla désespérée quand ils eurent reconnu combien il était imbu de ses égarements et entêté de sa malencontreuse chevalerie. | -Vos veréis, compadre, cómo, cuando menos lo pensemos, nuestro hidalgo sale otra vez a volar la ribera. | « Vous allez voir, compère, dit le curé au barbier, comment, un beau jour, quand nous y penserons le moins, notre hidalgo reprendra sa volée. | No pongo yo duda en eso -respondió el barbero-, pero no me maravillo tanto de la locura del caballero como de la simplicidad del escudero, que tan creído tiene aquello de la ínsula, que creo que no se lo sacarán del casco cuantos desengaños pueden imaginarse. |  Je n′en fais aucun doute, répondit le barbier : mais je ne suis pas encore si confondu de la folie du maître que de la simplicité de l′écuyer, qui s′est si bien chaussé son île dans la cervelle que rien au monde ne pourrait le désabuser. | -Dios los remedie -dijo el cura-, y estemos a la mira: veremos en lo que para esta máquina de disparates de tal caballero y de tal escudero, que parece que los forjaron a los dos en una mesma turquesa, y que las locuras del señor, sin las necedades del criado, no valían un ardite. |  Dieu prenne pitié d′eux ! reprit le curé : mais soyons à l′affût, pour voir où aboutira cet assortiment d′extravagances de tel chevalier et de tel écuyer, car on dirait qu′ils ont été coulés tous deux dans le même moule, et que les folies du maître sans les bêtises du valet ne vaudraient pas une obole. | -Así es -dijo el barbero-, y holgara mucho saber qué tratarán ahora los dos. |  Cela est vrai, ajouta le barbier ; mais je voudrais bien savoir ce qu′ils vont comploter entre eux à cette heure. | -Yo seguro -respondió el cura- que la sobrina o el ama nos lo cuenta después, que no son de condición que dejarán de escucharlo. |  Soyez tranquille, répondit le curé, je suis sûr que la nièce ou la gouvernante nous contera la chose, car elles ne sont pas femmes à se faire faute de l′écouter. » | En tanto, don Quijote se encerró con Sancho en su aposento; y, estando solos, le dijo. | Cependant don Quichotte s′était enfermé avec Sancho dans son appartement. Quand ils se virent seuls, il lui dit : | -Mucho me pesa, Sancho, que hayas dicho y digas que yo fui el que te saqué de tus casillas, sabiendo que yo no me quedé en mis casas: juntos salimos, juntos fuimos y juntos peregrinamos; una misma fortuna y una misma suerte ha corrido por los dos: si a ti te mantearon una vez, a mí me han molido ciento, y esto es lo que te llevo de ventaja. | « Je suis profondément peiné, Sancho, que tu aies dit et que tu dises que c′est moi qui t′ai enlevé de ta chaumière, quand tu sais bien que je ne suis pas resté dans ma maison. Ensemble nous sommes partis, ensemble nous avons fait voyage. La même fortune, la même chance a couru pour tous les deux. Si l′on t′a berné une fois, cent fois on m′a moulu de coups : voilà l′avantage que j′ai gardé sur toi. | -Eso estaba puesto en razón -respondió Sancho-, porque, según vuestra merced dice, más anejas son a los caballeros andantes las desgracias que a sus escuderos. |  C′était fort juste et fort raisonnable, répondit Sancho : car, à ce que m′a dit Votre Grâce, les mésaventures sont plus le fait des chevaliers errants que de leurs écuyers. | -Engáñaste, Sancho -dijo don Quijote-; según aquello, quando caput dolet... , etcétera. |  Tu te trompes, Sancho, dit don Quichotte, d′après la maxime : Quando caput dolet, etc.<< | -No entiendo otra lengua que la mía -respondió Sancho. |  Je n′entends pas d′autre langue que la mienne, répondit Sancho. | -Quiero decir -dijo don Quijote- que, cuando la cabeza duele, todos los miembros duelen; y así, siendo yo tu amo y señor, soy tu cabeza, y tú mi parte, pues eres mi criado; y, por esta razón, el mal que a mí me toca, o tocare, a ti te ha de doler, y a mí el tuyo. |  Je veux dire, reprit don Quichotte, que quand la tête a mal tous les membres souffrent. Ainsi, puisque je suis ton maître et seigneur, je suis ta tête, et tu es ma partie, étant mon valet. Par cette raison, le mal que je ressens doit te faire mal comme le tien à moi. | -Así había de ser -dijo Sancho-, pero cuando a mí me manteaban como a miembro, se estaba mi cabeza detrás de las bardas, mirándome volar por los aires, sin sentir dolor alguno; y, pues los miembros están obligados a dolerse del mal de la cabeza, había de estar obligada ella a dolerse dellos. |  C′est ce qui devrait être, repartit Sancho : mais pendant qu′on me bernait, moi membre, ma tête était derrière le mur, qui me regardait voler par les airs sans éprouver la moindre douleur. Et puisque les membres sont obligés sentir le mal de la tête, elle, à son tour, devrait être obligée de sentir leur mal. | <-¿Querrás tú decir agora, Sancho -respondió don Quijote-, que no me dolía yo cuando a ti te manteaban? Y si lo dices, no lo digas, ni lo pienses; pues más dolor sentía yo entonces en mi espíritu que tú en tu cuerpo. Pero dejemos esto aparte por agora, que tiempo habrá donde lo ponderemos y pongamos en su punto, y dime, Sancho amigo: ¿qué es lo que dicen de mí por ese lugar? ¿En qué opinión me tiene el vulgo, en qué los hidalgos y en qué los caballeros? ¿Qué dicen de mi valentía, qué de mis hazañas y qué de mi cortesía? ¿Qué se platica del asumpto que he tomado de resucitar y volver al mundo la ya olvidada orden caballeresca? Finalmente, quiero, Sancho, me digas lo que acerca desto ha llegado a tus oídos; y esto me has de decir sin añadir al bien ni quitar al mal cosa alguna, que de los vasallos leales es decir la verdad a sus señores en su ser y figura propia, sin que la adulación la acreciente o otro vano respeto la disminuya; y quiero que sepas, Sancho, que si a los oídos de los príncipes llegase la verdad desnuda, sin los vestidos de la lisonja, otros siglos correrían, otras edades serían tenidas por más de hierro que la nuestra, que entiendo que, de las que ahora se usan, es la dorada. Sírvate este advertimiento, Sancho, para que discreta y bien intencionadamente pongas en mis oídos la verdad de las cosas que supieres de lo que te he preguntado. |  Voudrais-tu dire à présent, Sancho, répondit don Quichotte, que je ne souffrais pas pendant qu′on te bernait ? Si tu le dis, cesse de le dire et de le penser, car j′éprouvais alors plus de douleur dans mon esprit que toi dans ton corps. Mais laissons cela pour le moment ; un temps viendra où nous pourrons peser la chose et la mettre à son vrai point. Dis-moi, maintenant, ami Sancho, qu′est-ce qu′on dit de moi dans le pays ? En quelle opinion suis-je parmi le vulgaire, parmi les hidalgos, parmi les chevaliers ? Que dit-on de ma valeur, de mes exploits, de ma courtoisie ? Comment parle-t-on de la résolution que j′ai prise de ressusciter et de rendre au monde l′ordre oublié de la chevalerie errante ? Finalement, Sancho, je veux que tu me dises à ce propos tout ce qui est venu à tes oreilles, et cela sans ajouter au bien, sans ôter au mal la moindre chose. Il appartient à un loyal vassal de dire à son seigneur la vérité, de la lui montrer sous son véritable visage, sans que l′adulation l′augmente ou qu′un vain respect la diminue. Et je veux que tu saches, Sancho, que, si la vérité arrivait à l′oreille des princes toute nue et sans les ornements de la flatterie, on verrait courir d′autres siècles, et d′autres âges passeraient pour l′âge de fer avant le nôtre, que j′imagine devoir être l′âge d′or. Que ceci te serve d′avertissement, Sancho, pour qu′avec bon sens et bonne intention tu rendes à mes oreilles la vérité que tu peux savoir sur tout ce que je t′ai demandé. | -Eso haré yo de muy buena gana, señor mío -respondió Sancho-, con condición que vuestra merced no se ha de enojar de lo que dijere, pues quiere que lo diga en cueros, sin vestirlo de otras ropas de aquellas con que llegaron a mi noticia. |  C′est ce que je ferai bien volontiers, mon seigneur, répondit Sancho, à condition que Votre Grâce ne se fâchera pas de ce que je dirai, puisque vous voulez que je dise les choses toutes nues et sans autre habits que ceux qu′elles avaient en arrivant à ma connaissance. | -En ninguna manera me enojaré -respondió don Quijote-. Bien puedes, Sancho, hablar libremente y sin rodeo alguno. |  Je ne me fâcherai d′aucune façon, répliqua don Quichotte ; tu peux, Sancho, parler librement et sans nul détour. | -Pues lo primero que digo -dijo-, es que el vulgo tiene a vuestra merced por grandísimo loco, y a mí por no menos mentecato. Los hidalgos dicen que, no conteniéndose vuestra merced en los límites de la hidalguía, se ha puesto don y se ha arremetido a caballero con cuatro cepas y dos yugadas de tierra y con un trapo atrás y otro adelante. Dicen los caballeros que no querrían que los hidalgos se opusiesen a ellos, especialmente aquellos hidalgos escuderiles que dan humo a los zapatos y toman los puntos de las medias negras con seda verde. |  Eh bien, la première chose que je dis, reprit Sancho, c′est que le vulgaire vous tient pour radicalement fou, et moi pour non moins imbécile. Les hidalgos disent que Votre Grâce, sortant des limites de sa qualité, s′est approprié le don et s′est fait d′assaut gentilhomme, avec quatre pieds de vigne, deux arpents de terre, un haillon par derrière et un autre par devant. Les gentilshommes disent qu′ils ne voudraient pas que les hidalgos vinssent se mêler à eux, principalement ces hidalgos bons pour être écuyers, qui noircissent leurs souliers à la fumée, et reprisent des bas noirs avec de la soie verte.< | -Eso -dijo don Quijote- no tiene que ver conmigo, pues ando siempre bien vestido, y jamás remendado; roto, bien podría ser; y el roto, más de las armas que del tiempo. |  Cela, dit don Quichotte, ne me regarde nullement ; car je suis toujours proprement vêtu, et n′ai jamais d′habits rapiécés ; déchirés, ce serait possible, et plutôt par les armes que par le temps. | -En lo que toca -prosiguió Sancho- a la valentía, cortesía, hazañas y asumpto de vuestra merced, hay diferentes opiniones; unos dicen: "loco, pero gracioso"; otros, "valiente, pero desgraciado"; otros, "cortés, pero impertinente"; y por aquí van discurriendo en tantas cosas, que ni a vuestra merced ni a mí nos dejan hueso sano. |  Quant à ce qui touche, continua Sancho, à la valeur, à la courtoisie, aux exploits de Votre Grâce, enfin à votre affaire personnelle, il y a différentes opinions. Les uns disent : fou, mais amusant ; d′autres : vaillant, mais peu chanceux ; d′autres encore : courtois, mais assommant ; et puis ils se mettent à discourir sur tant de choses, que ni à vous ni à moi ils ne laissent une place nette. | -Mira, Sancho -dijo don Quijote-: dondequiera que está la virtud en eminente grado, es perseguida. Pocos o ninguno de los famosos varones que pasaron dejó de ser calumniado de la malicia. Julio César, animosísimo, prudentísimo y valentísimo capitán, fue notado de ambicioso y algún tanto no limpio, ni en sus vestidos ni en sus costumbres. Alejandro, a quien sus hazañas le alcanzaron el renombre de Magno, dicen dél que tuvo sus ciertos puntos de borracho. De Hércules, el de los muchos trabajos, se cuenta que fue lascivo y muelle. De don Galaor, hermano de Amadís de Gaula, se murmura que fue más que demasiadamente rijoso; y de su hermano, que fue llorón. Así que, ¡oh Sancho!, entre las tantas calumnias de buenos, bien pueden pasar las mías, como no sean más de las que has dicho. |  Tu le vois, Sancho, dit don Quichotte, quelque part que soit la vertu en éminent degré, elle est persécutée. Bien peu, peut-être aucun des grands hommes passés n′a pu échapper aux traits de la calomnie. Jules César, si brave et si prudent capitaine, fut accusé d′ambition, et de n′avoir ni grande propreté dans ses habits, ni grande pureté dans ses mœurs.< On a dit d′Alexandre, auquel ses exploits firent donner le surnom de Grand, qu′il avait certain goût d′ivrognerie ; d′Hercule, le héros des douze travaux, qu′il était lascif et efféminé ; de Galaor, frère d′Amadis de Gaule, qu′il fut plus que médiocrement hargneux ; et de son frère, que ce fut un pleureur. Ainsi donc, mon pauvre Sancho, parmi tant de calomnies contre des hommes illustres, celles qui se débitent contre moi peuvent bien passer, pourvu qu′il n′y en ait pas plus que tu ne m′en as dit. | -¡Ahí está el toque, cuerpo de mi padre! -replicó Sancho. |  Ah ! c′est là le hic, mort de vie ! s′écria Sancho. | -Pues, ¿hay más? -preguntó don Quijote. |  Comment ! Y aurait-il autre chose ? demanda don Quichotte. | -Aún la cola falta por desollar -dijo Sancho-. Lo de hasta aquí son tortas y pan pintado; mas si vuestra merced quiere saber todo lo que hay acerca de las caloñas que le ponen, yo le traeré aquí luego al momento quien se las diga todas, sin que les falte una meaja; que anoche llegó el hijo de Bartolomé Carrasco, que viene de estudiar de Salamanca, hecho bachiller, y, yéndole yo a dar la bienvenida, me dijo que andaba ya en libros la historia de vuestra merced, con nombre del Ingenioso Hidalgo don Quijote de la Mancha; y dice que me mientan a mí en ella con mi mesmo nombre de Sancho Panza, y a la señora Dulcinea del Toboso, con otras cosas que pasamos nosotros a solas, que me hice cruces de espantado cómo las pudo saber el historiador que las escribió. |  Il reste la queue à écorcher, reprit Sancho. Jusqu′à présent, ce n′était que pain bénit : mais, si Votre Grâce veut savoir tout au long ce qu′il y a au sujet des calomnies que l′on répand sur son compte, je m′en vais vous amener tout à l′heure quelqu′un qui vous les dira toutes, sans qu′il y manque une panse d′a. Hier soir, il nous est arrivé le fils de Bartolomé Carrasco, qui vient d′étudier à Salamanque, où on l′a fait bachelier ; et, comme j′allais lui souhaiter la bienvenue, il me dit que l′histoire de Votre Grâce était déjà mise en livre, avec le titre de l′Ingénieux hidalgo don Quichotte de la Manche. Il dit aussi qu′il est fait mention de moi dans cette histoire, sous mon propre nom de Sancho Panza, et de madame Dulcinée du Toboso, et d′autres choses qui se sont passées entre nous tête à tête, si bien que je fis des signes de croix comme un épouvanté en voyant comment l′historien qui les a écrites a pu les savoir. | -Yo te aseguro, Sancho -dijo don Quijote-, que debe de ser algún sabio encantador el autor de nuestra historia; que a los tales no se les encubre nada de lo que quieren escribir. |  Je t′assure, Sancho, dit don Quichotte, que cet auteur de notre histoire doit être quelque sage enchanteur. À ces gens-là, rien n′est caché de ce qu′ils veulent écrire. | -Y ¡cómo -dijo Sancho- si era sabio y encantador, pues (según dice el bachiller Sansón Carrasco, que así se llama el que dicho tengo) que el autor de la historia se llama Cide Hamete Berenjena. |  Pardieu ! je le crois bien, s′écria Sancho, qu′il était sage et enchanteur, puisque, à ce que dit le bachelier, Samson Carrasco (c′est ainsi que s′appelle celui dont je viens de parler), l′auteur de l′histoire se nomme Cid Hamet Berengen. | -Ese nombre es de moro -respondió don Quijote. |  C′est un nom moresque, répondit don Quichotte. | -Así será -respondió Sancho-, porque por la mayor parte he oído decir que los moros son amigos de berenjenas. |  Sans doute, répliqua Sancho, car j′ai ouí¤ire que la plupart des Mores aiment beaucoup les aubergines.< | -Tú debes, Sancho -dijo don Quijote-, errarte en el sobrenombre de ese Cide, que en arábigo quiere decir señor. |  Tu dois, Sancho, te tromper quant au surnom de ce Cid, mot qui, en arabe, veut dire seigneur. | -Bien podría ser -replicó Sancho-, mas, si vuestra merced gusta que yo le haga venir aquí, iré por él en volandas. |  C′est bien possible, repartit Sancho ; mais, si Votre Grâce désire que je lui amène ici le bachelier, j′irai le quérir à vol d′oiseau. | -Harásme mucho placer, amigo -dijo don Quijote-, que me tiene suspenso lo que me has dicho, y no comeré bocado que bien me sepa hasta ser informado de todo. |  Tu me feras grand plaisir, mon ami, répondit don Quichotte ; ce que tu viens de me dire m′a mis la puce à l′oreille, et je ne mangerai pas morceau qui me profite avant d′être informé de tout exactement. | -Pues yo voy por él -respondió Sancho. |  Eh bien ! je cours le chercher, s′écria Sancho ; » | Y, dejando a su señor, se fue a buscar al bachiller, con el cual volvió de allí a poco espacio, y entre los tres pasaron un graciosísimo coloquio. | et, laissant là son seigneur, il se mit en quête du bachelier, avec lequel il revint au bout de quelques instants. Alors entre les trois s′engagea le plus gracieux dialogue.
| II. Capítulo III. Del ridículo razonamiento que pasó entre don Quijote, Sancho Panza y el bachiller Sansón Carrasco. | Chapitre III Du risible entretien qu′eurent ensemble don Quichotte, Sancho Panza et le bachelier Samson Carrasco | Pensativo además quedó don Quijote, esperando al bachiller Carrasco, de quien esperaba oír las nuevas de sí mismo puestas en libro, como había dicho Sancho; y no se podía persuadir a que tal historia hubiese, pues aún no estaba enjuta en la cuchilla de su espada la sangre de los enemigos que había muerto, y ya querían que anduviesen en estampa sus altas caballerías. Con todo eso, imaginó que algún sabio, o ya amigo o enemigo, por arte de encantamento las habrá dado a la estampa: si amigo, para engrandecerlas y levantarlas sobre las más señaladas de caballero andante; si enemigo, para aniquilarlas y ponerlas debajo de las más viles que de algún vil escudero se hubiesen escrito, puesto -decía entre sí- que nunca hazañas de escuderos se escribieron; y cuando fuese verdad que la tal historia hubiese, siendo de caballero andante, por fuerza había de ser grandílocua, alta, insigne, magnífica y verdadera. | Don Quichotte était resté fort pensif en attendant le bachelier Carrasco, duquel il espérait recevoir de ses propres nouvelles mises en livre, comme avait dit Sancho. Il ne pouvait se persuader qu′une telle histoire fût déjà faite, puisque la lame de son épée fumait encore du sang des ennemis qu′il avait tués. Comment avait-on pu si tôt imprimer et répandre ses hautes prouesses de chevalerie ? Toutefois, il imagina que quelque sage enchanteur, soit ami, soit ennemi, les avait, par son art, livrées à l′imprimerie : ami, pour les grandir et les élever au-dessus des plus signalées qu′eût faites chevalier errant ; ennemi, pour les rapetisser et les mettre au-dessous des plus viles qui eussent été recueillies de quelque vil écuyer. « Cependant, disait-il en lui-même, jamais exploits d′écuyers ne furent écrits ; et, s′il est vrai que cette histoire existe, puisqu′elle est de chevalier errant, elle doit forcément être pompeuse, altière, éloquente, magnifique et véritable. » | Con esto se consoló algún tanto, pero desconsolóle pensar que su autor era moro, según aquel nombre de Cide; y de los moros no se podía esperar verdad alguna, porque todos son embelecadores, falsarios y quimeristas. Temíase no hubiese tratado sus amores con alguna indecencia, que redundase en menoscabo y perjuicio de la honestidad de su señora Dulcinea del Toboso; deseaba que hubiese declarado su fidelidad y el decoro que siempre la había guardado, menospreciando reinas, emperatrices y doncellas de todas calidades, teniendo a raya los ímpetus de los naturales movimientos; y así, envuelto y revuelto en estas y otras muchas imaginaciones, le hallaron Sancho y Carrasco, a quien don Quijote recibió con mucha cortesía. | Cette réflexion le consola quelque peu : puis il vint à s′attrister en pensant que l′auteur était More, d′après ce nom de Cid, et que d′aucun More on ne pouvait attendre aucune vérité, puisqu′ils sont tous menteurs, trompeurs et faussaires. Il craignait que cet écrivain n′eût parlé de ses amours avec quelque indécence, ce qui serait porter atteinte à l′honnêteté de sa dame Dulcinée du Toboso, et désirait que son historien eût fait expresse mention de la fidélité qu′il avait religieusement gardée à sa dame, méprisant, par égard pour elle, reines, impératrices, demoiselles de toutes qualités, et tenant en bride les mouvements de la nature. Ce fut donc plongé et abîmé dans toutes ces pensées que le trouvèrent Sancho Panza et Carrasco, que don Quichotte reçut avec beaucoup de civilité. | Era el bachiller, aunque se llamaba Sansón, no muy grande de cuerpo, aunque muy gran socarrón, de color macilenta, pero de muy buen entendimiento; tendría hasta veinte y cuatro años, carirredondo, de nariz chata y de boca grande, señales todas de ser de condición maliciosa y amigo de donaires y de burlas, como lo mostró en viendo a don Quijote, poniéndose delante dél de rodillas, diciéndole. | Le bachelier, bien qu′il s′appelât Samson, n′était pas fort grand de taille ; mais il était grandement sournois et railleur. Il avait le teint blafard, en même temps que l′intelligence très-éveillée. C′était un jeune homme d′environ vingt-quatre ans, la face ronde, le nez camard et la bouche grande, signes évidents qu′il était d′humeur maligne et moqueuse, et fort enclin à se divertir aux dépens du prochain : ce qu′il fit bien voir. Dès qu′il aperçut don Quichotte, il alla se jeter à ses genoux en lui disant : | -Déme vuestra grandeza las manos, señor don Quijote de la Mancha; que, por el hábito de San Pedro que visto, aunque no tengo otras órdenes que las cuatro primeras, que es vuestra merced uno de los más famosos caballeros andantes que ha habido, ni aun habrá, en toda la redondez de la tierra. Bien haya Cide Hamete Benengeli, que la historia de vuestras grandezas dejó escritas, y rebién haya el curioso que tuvo cuidado de hacerlas traducir de arábigo en nuestro vulgar castellano, para universal entretenimiento de las gentes. | « Que Votre Grandeur me donne ses mains à baiser, seigneur don Quichotte de la Manche ; car, par l′habit de saint Pierre dont je suis revêtu, bien que je n′aie reçu d′autres ordres que les quatre premiers, je jure que Votre Grâce est un des plus fameux chevaliers errants qu′il y ait eus et qu′il y aura sur toute la surface de la terre. Honneur à Cid Hamet Ben-Engéli, qui a couché par écrit l′histoire de vos grandes prouesses ; et dix fois honneur au curieux éclairé qui a pris soin de la faire traduire de l′arabe en notre castillan vulgaire, pour l′universel amusement de tout le monde ! » | Hízole levantar don Quijote, y dijo. | Don Quichotte le fit lever et lui dit : | -Desa manera, ¿verdad es que hay historia mía, y que fue moro y sabio el que la compuso? . | « De cette manière, il est donc bien vrai qu′on a fait une histoire de moi, et que c′est un enchanteur more qui l′a composée ? | -Es tan verdad, señor -dijo Sansón-, que tengo para mí que el día de hoy están impresos más de doce mil libros de la tal historia; si no, dígalo Portugal, Barcelona y Valencia, donde se han impreso; y aun hay fama que se está imprimiendo en Amberes, y a mí se me trasluce que no ha de haber nación ni lengua donde no se traduzga. | Â Cela est si vrai, seigneur, reprit Samson, que je tiens pour certain qu′au jour d′aujourd′hui on a imprimé plus de douze mille exemplaires de cette histoire. Sinon, qu′on le demande à Lisbonne, à Barcelone, à Valence, où les éditions se sont faites, et l′on dit même qu′elle s′imprime maintenant à Anvers< . Quant à moi, j′imagine qu′il n′y aura bientôt ni peuple, ni langue, où l′on n′en fasse la traduction< . | -Una de las cosas -dijo a esta sazón don Quijote- que más debe de dar contento a un hombre virtuoso y eminente es verse, viviendo, andar con buen nombre por las lenguas de las gentes, impreso y en estampa. Dije con buen nombre porque, siendo al contrario, ninguna muerte se le igualará. | Â Une des choses, dit à ce propos don Quichotte, qui doit donner le plus de joie à un homme éminent et vertueux, c′est de se voir, lui vivant, passer en bon renom de bouche en bouche, imprimé et gravé. J′ai dit en bon renom : car, si c′était le contraire, il n′y a point de mort qui égalât son tourment. | -Si por buena fama y si por buen nombre va -dijo el bachiller-, solo vuestra merced lleva la palma a todos los caballeros andantes; porque el moro en su lengua y el cristiano en la suya tuvieron cuidado de pintarnos muy al vivo la gallardía de vuestra merced, el ánimo grande en acometer los peligros, la paciencia en las adversidades y el sufrimiento, así en las desgracias como en las heridas, la honestidad y continencia en los amores tan platónicos de vuestra merced y de mi señora doña Dulcinea del Toboso. | Â S′il ne s′agit que de grande renommée et de bon renom, reprit le bachelier, Votre Grâce emporte la palme sur tous les chevaliers errants : car le More dans sa langue, et le chrétien dans la sienne, ont eu soin de peindre au naturel la gentillesse de votre personne, votre hardiesse en face du péril, votre fermeté dans les revers, votre patience contre les disgrâces et les blessures, enfin la chasteté de vos amours platoniques avec madame doña Dulcinée du Toboso. | -Nunca -dijo a este punto Sancho Panza- he oído llamar con don a mi señora Dulcinea, sino solamente la señora Dulcinea del Toboso, y ya en esto anda errada la historia. | Â Jamais, interrompit Sancho Panza, je n′avais entendu donner le don à madame Dulcinée ; on l′appelait simplement la dame Dulcinée du Toboso. Ainsi, voilà déjà l′histoire en faute. | -No es objeción de importancia ésa -respondió Carrasco. | Â Ce n′est pas une objection d′importance, répondit Carrasco. | -No, por cierto -respondió don Quijote-; pero dígame vuestra merced, señor bachiller: ¿qué hazañas mías son las que más se ponderan en esa historia. | Â Non, certes, ajouta don Quichotte. Mais dites-moi, seigneur bachelier, quels sont ceux de mes exploits qu′on vante le plus dans cette histoire. | -En eso -respondió el bachiller-, hay diferentes opiniones, como hay diferentes gustos: unos se atienen a la aventura de los molinos de viento, que a vuestra merced le parecieron Briareos y gigantes; otros, a la de los batanes; éste, a la descripción de los dos ejércitos, que después parecieron ser dos manadas de carneros; aquél encarece la del muerto que llevaban a enterrar a Segovia; uno dice que a todas se aventaja la de la libertad de los galeotes; otro, que ninguna iguala a la de los dos gigantes benitos, con la pendencia del valeroso vizcaíno. | Â Sur ce point, répondit le bachelier, il y a différentes opinions, comme il y a différents goûts. Les uns s′en tiennent à l′aventure des moulins à vent, que Votre Grâce a pris pour des géants et des Briarées ; d′autres, à celle des moulins à foulon ; celui-ci préfère la description des deux armées, qui semblèrent ensuite deux troupeaux de moutons ; celui-là, l′histoire du mort qu′on menait enterrer à Ségovie ; l′un dit que tout est surpassé par la délivrance des galériens ; l′autre, que rien n′égale la victoire sur les deux géants bénédictins et la bataille contre le valeureux Biscayen. | -Dígame, señor bachiller -dijo a esta sazón Sancho-: ¿entra ahí la aventura de los yangüeses, cuando a nuestro buen Rocinante se le antojó pedir cotufas en el golfo. | Â Dites-moi, seigneur bachelier, interrompit encore Sancho, a-t-on mis l′aventure des muletiers yangois, quand notre bon Rossinante s′avisa de chercher midi à quatorze heures ? | -No se le quedó nada -respondió Sansón- al sabio en el tintero: todo lo dice y todo lo apunta, hasta lo de las cabriolas que el buen Sancho hizo en la manta. | Â Assurément, répondit Samson : l′enchanteur n′a rien laissé au fond de son écritoire : tout est relaté, tout est rapporté, jusqu′aux cabrioles que fit le bon Sancho dans la couverture. | -En la manta no hice yo cabriolas -respondió Sancho-; en el aire sí, y aun más de las que yo quisiera. | Â Ce n′est pas dans la couverture que j′ai fait des cabrioles, reprit Sancho, mais bien dans l′air, et même plus que je n′aurais voulu. | -A lo que yo imagino -dijo don Quijote-, no hay historia humana en el mundo que no tenga sus altibajos, especialmente las que tratan de caballerías, las cuales nunca pueden estar llenas de prósperos sucesos. | Â À ce que j′imagine, ajouta don Quichotte, il n′y a point d′histoire humaine en ce monde qui n′ait ses hauts et ses bas, principalement celles qui traitent de chevalerie, lesquelles ne sauraient être toujours remplies d′événements heureux. | -Con todo eso -respondió el bachiller-, dicen algunos que han leído la historia que se holgaran se les hubiera olvidado a los autores della algunos de los infinitos palos que en diferentes encuentros dieron al señor don Quijote. | Â Néanmoins, reprit le bachelier, aucuns disent, parmi ceux qui ont lu l′histoire, qu′ils auraient été bien aises que ses auteurs eussent oublié quelques-uns des coups de bâton en nombre infini que reçut en diverses rencontres le seigneur don Quichotte. | -Ahí entra la verdad de la historia -dijo Sancho. | Â Mais la vérité de l′histoire le veut ainsi, dit Sancho. | -También pudieran callarlos por equidad -dijo don Quijote-, pues las acciones que ni mudan ni alteran la verdad de la historia no hay para qué escribirlas, si han de redundar en menosprecio del señor de la historia. A fee que no fue tan piadoso Eneas como Virgilio le pinta, ni tan prudente Ulises como le describe Homero. | Â Non, reprit don Quichotte, ils auraient pu équitablement les passer sous silence : car, pour les actions qui ne changent ni n′altèrent la vérité de l′histoire, il n′est pas nécessaire de les écrire quand elles tournent au détriment du héros. En bonne foi, Énée ne fut pas si pieux que le dépeint Virgile, ni Ulysse aussi prudent que le fait Homère. | -Así es -replicó Sansón-, pero uno es escribir como poeta y otro como historiador: el poeta puede contar, o cantar las cosas, no como fueron, sino como debían ser; y el historiador las ha de escribir, no como debían ser, sino como fueron, sin añadir ni quitar a la verdad cosa alguna. | Â Rien de plus vrai, répliqua Samson ; mais autre chose est d′écrire comme poëte, et autre chose comme historien. Le poëte peut conter ou chanter les choses, non comme elles furent, mais comme elles devaient être : tandis que l′historien doit les écrire, non comme elles devaient être, mais comme elles furent, sans donner ni reprendre un atome à la vérité. | -Pues si es que se anda a decir verdades ese señor moro -dijo Sancho-, a buen seguro que entre los palos de mi señor se hallen los míos; porque nunca a su merced le tomaron la medida de las espaldas que no me la tomasen a mí de todo el cuerpo; pero no hay de qué maravillarme, pues, como dice el mismo señor mío, del dolor de la cabeza han de participar los miembros. | Â Pardieu, dit alors Sancho, si ce seigneur more se mêle de dire des vérités, à coup sûr parmi les coups de bâton de mon maître doivent se trouver les miens, car on n′a jamais pris à Sa Grâce la mesure des épaules qu′on ne me l′ait prise, à moi, du corps tout entier. Mais il ne faut pas s′en étonner, si, comme le dit mon seigneur lui-même, du mal de la tête les membres doivent pâtir. | -Socarrón sois, Sancho -respondió don Quijote-. A fee que no os falta memoria cuando vos queréis tenerla. | Â Vous êtes railleur, Sancho, reprit don Quichotte, et, par ma foi, la mémoire ne vous manque pas, quand vous voulez l′avoir bonne. | -Cuando yo quisiese olvidarme de los garrotazos que me han dado -dijo Sancho-, no lo consentirán los cardenales, que aún se están en las costillas. | Â Et quand je voudrais oublier les coups de gourdin que j′ai reçus, reprit Sancho, comment y consentiraient les marques noires qui sont encore toutes fraîches sur mes côtes ? | -Callad, Sancho -dijo don Quijote-, y no interrumpáis al señor bachiller, a quien suplico pase adelante en decirme lo que se dice de mí en la referida historia. | Â Taisez-vous, dit don Quichotte, et n′interrompez plus le seigneur bachelier, que je supplie de passer outre, et de me dire ce qu′on raconte de moi dans cette histoire. | -Y de mí -dijo Sancho-, que también dicen que soy yo uno de los principales presonajes della. | Â Et de moi aussi, ajouta Sancho, car on dit que j′en suis un des principaux présonnages. | -Personajes que no presonajes, Sancho amigo -dijo Sansón. | Â Personnages, ami Sancho, et non présonnages, interrompit Samson. | -¿Otro reprochador de voquibles tenemos? -dijo Sancho-. Pues ándense a eso, y no acabaremos en toda la vida. | Â Ah ! nous avons un autre éplucheur de paroles ! s′écria Sancho. Eh bien, mettez-vous à l′œuvre, et nous ne finirons pas en toute la vie. | -Mala me la dé Dios, Sancho -respondió el bachiller-, si no sois vos la segunda persona de la historia; y que hay tal, que precia más oíros hablar a vos que al más pintado de toda ella, puesto que también hay quien diga que anduvistes demasiadamente de crédulo en creer que podía ser verdad el gobierno de aquella ínsula, ofrecida por el señor don Quijote, que está presente. | Â Que Dieu me la donne mauvaise, reprit le bachelier, si vous n′êtes pas, Sancho, la seconde personne de cette histoire ! Il y en a même qui préfèrent vous entendre parler plutôt que le plus huppé du livre ; mais aussi, il y en a d′autres qui disent que vous avez été trop crédule en vous imaginant que vous pouviez attraper le gouvernement de cette île promise par le seigneur don Quichotte, ici présent. | -Aún hay sol en las bardas -dijo don Quijote-, y, mientras más fuere entrando en edad Sancho, con la esperiencia que dan los años, estará más idóneo y más hábil para ser gobernador que no está agora. | Â Il reste encore du soleil derrière la montagne, dit don Quichotte, et plus Sancho entrera en âge, plus il deviendra propre, avec l′expérience que donnent les années, à être gouverneur. | -Por Dios, señor -dijo Sancho-, la isla que yo no gobernase con los años que tengo, no la gobernaré con los años de Matusalén. El daño está en que la dicha ínsula se entretiene, no sé dónde, y no en faltarme a mí el caletre para gobernarla. | Â Pardieu, Seigneur, répondit Sancho, l′île que je ne gouvernerai pas bien avec les années que j′ai maintenant, je ne la gouvernerai pas mieux avec toutes celles de Mathusalem. Le mal est que cette île s′amuse à se cacher je ne sais où, et non pas que l′estoc me manque pour la gouverner. | -Encomendadlo a Dios, Sancho -dijo don Quijote-, que todo se hará bien, y quizá mejor de lo que vos pensáis; que no se mueve la hoja en el árbol sin la voluntad de Dios. | Â Recommandez la chose à Dieu, Sancho, reprit don Quichotte. Tout se fera bien, et peut-être mieux que vous ne pensez, car la feuille ne se remue pas à l′arbre sans la volonté de Dieu. | -Así es verdad -dijo Sansón-, que si Dios quiere, no le faltarán a Sancho mil islas que gobernar, cuanto más una. | Â Cela est vrai, ajouta Samson ; si Dieu le veut, Sancho aura tout aussi bien cent îles à gouverner qu′une seule. | -Gobernador he visto por ahí -dijo Sancho- que, a mi parecer, no llegan a la suela de mi zapato, y, con todo eso, los llaman señoría, y se sirven con plata. | Â Moi, dit Sancho, j′ai vu par ici des gouverneurs qui ne vont pas à la semelle de mon soulier, et pourtant on les appelle seigneurie, et ils mangent dans des plats d′argent. | -Ésos no son gobernadores de ínsulas -replicó Sansón-, sino de otros gobiernos más manuales; que los que gobiernan ínsulas, por lo menos han de saber gramática. | Â Ceux-là ne sont pas gouverneurs d′îles, répliqua Samson, mais d′autres gouvernements plus à la main. Quant à ceux qui gouvernent des îles, ils doivent au moins savoir la grammaire< . | -Con la grama bien me avendría yo -dijo Sancho-, pero con la tica, ni me tiro ni me pago, porque no la entiendo. Pero, dejando esto del gobierno en las manos de Dios, que me eche a las partes donde más de mí se sirva, digo, señor bachiller Sansón Carrasco, que infinitamente me ha dado gusto que el autor de la historia haya hablado de mí de manera que no enfadan las cosas que de mí se cuentan; que a fe de buen escudero que si hubiera dicho de mí cosas que no fueran muy de cristiano viejo, como soy, que nos habían de oír los sordos. | Â Ne parlons point de ce que je n′entends pas, dit Sancho ; et, laissant l′affaire du gouvernement à la main de Dieu, qui saura bien m′envoyer où je serai le mieux à son service, je dis, seigneur bachelier Samson Carrasco, que je suis infiniment obligé à l′auteur de cette histoire de ce qu′il ait parlé de moi de manière à ne pas ennuyer les gens : car, par ma foi de bon écuyer, s′il eût dit de moi des choses qui ne fussent pas d′un vieux chrétien comme je le suis, je crierais à me faire entendre des sourds. | -Eso fuera hacer milagros -respondió Sansón. | Â Ce serait faire des miracles, dit Samson. | -Milagros o no milagros -dijo Sancho-, cada uno mire cómo habla o cómo escribe de las presonas, y no ponga a troche moche lo primero que le viene al magín. | Â Miracles ou non, reprit Sancho, que chacun prenne garde comment il parle ou écrit des personnes, et qu′il ne mette pas à tort et à travers la première chose qui lui passe par la caboche. | -Una de las tachas que ponen a la tal historia -dijo el bachiller- es que su autor puso en ella una novela intitulada El curioso impertinente; no por mala ni por mal razonada, sino por no ser de aquel lugar, ni tiene que ver con la historia de su merced del señor don Quijote. | Â Une des taches qu′on trouve dans cette histoire, dit le bachelier, c′est que son auteur y a mis une nouvelle intitulée le Curieux malavisé ; non qu′elle soit mauvaise ou mal contée, mais parce qu′elle n′est pas à sa place, et n′a rien de commun avec l′histoire de Sa Grâce le seigneur don Quichotte. | -Yo apostaré -replicó Sancho- que ha mezclado el hideperro berzas con capachos. | Â Je parierais, s′écria Sancho, que ce fils de chien a mêlé les choux avec les raves. | -Ahora digo -dijo don Quijote- que no ha sido sabio el autor de mi historia, sino algún ignorante hablador, que, a tiento y sin algún discurso, se puso a escribirla, salga lo que saliere, como hacía Orbaneja, el pintor de Úbeda, al cual preguntándole qué pintaba, respondió: ′′Lo que saliere′′. Tal vez pintaba un gallo, de tal suerte y tan mal parecido, que era menester que con letras góticas escribiese junto a él: "Éste es gallo". Y así debe de ser de mi historia, que tendrá necesidad de comento para entenderla. | Â En ce cas, ajouta don Quichotte, je dis que ce n′est pas un sage enchanteur qui est l′auteur de mon histoire, mais bien quelque ignorant bavard, qui s′est mis à l′écrire sans rime ni raison. Il aurait fait comme faisait Orbañeja, le peintre d′Ubeda, lequel, lorsqu′on lui demandait ce qu′il se proposait de peindre, répondait : « Ce qui viendra. » Quelquefois il peignait un coq, si ressemblant et si bien rendu, qu′il était obligé d′écrire au bas, en grosses lettres : « Ceci est un coq. » Il en sera de même de mon histoire, qui aura besoin de commentaire pour être comprise. | -Eso no -respondió Sansón-, porque es tan clara, que no hay cosa que dificultar en ella: los niños la manosean, los mozos la leen, los hombres la entienden y los viejos la celebran; y, finalmente, es tan trillada y tan leída y tan sabida de todo género de gentes, que, apenas han visto algún rocín flaco, cuando dicen: "allí va Rocinante". Y los que más se han dado a su letura son los pajes: no hay antecámara de señor donde no se halle un Don Quijote: unos le toman si otros le dejan; éstos le embisten y aquéllos le piden. Finalmente, la tal historia es del más gustoso y menos perjudicial entretenimiento que hasta agora se haya visto, porque en toda ella no se descubre, ni por semejas, una palabra deshonesta ni un pensamiento menos que católico. | Â Oh ! pour cela, non, répondit le bachelier ; elle est si claire, qu′aucune difficulté n′y embarrasse. Les enfants la feuillettent, les jeunes gens la lisent, les hommes la comprennent, et les vieillards la vantent. Finalement, elle est si lue, si maniée, si connue de toutes sortes de gens, qu′aussitôt que quelque bidet maigre vient à passer, on s′écrie : « Voilà Rossinante. » Mais ceux qui sont le plus adonnés à sa lecture, ce sont les pages : il n′y a pas d′antichambre de seigneurs où l′on ne trouve un don Quichotte. Dès que l′un le laisse, l′autre le prend : celui-ci le demande, et celui-là l′emporte. En un mot, cette histoire est le plus agréable passe-temps et le moins préjudiciable qui se soit encore vu : car on ne saurait découvrir, dans tout son contenu, la moindre parole malhonnête, ni une pensée qui ne fût parfaitement catholique. | -A escribir de otra suerte -dijo don Quijote-, no fuera escribir verdades, sino mentiras; y los historiadores que de mentiras se valen habían de ser quemados, como los que hacen moneda falsa; y no sé yo qué le movió al autor a valerse de novelas y cuentos ajenos, habiendo tanto que escribir en los míos: sin duda se debió de atener al refrán: "De paja y de heno. .", etcétera. Pues en verdad que en sólo manifestar mis pensamientos, mis sospiros, mis lágrimas, mis buenos deseos y mis acometimientos pudiera hacer un volumen mayor, o tan grande que el que pueden hacer todas las obras del Tostado. En efeto, lo que yo alcanzo, señor bachiller, es que para componer historias y libros, de cualquier suerte que sean, es menester un gran juicio y un maduro entendimiento. Decir gracias y escribir donaires es de grandes ingenios: la más discreta figura de la comedia es la del bobo, porque no lo ha de ser el que quiere dar a entender que es simple. La historia es como cosa sagrada; porque ha de ser verdadera, y donde está la verdad está Dios, en cuanto a verdad; pero, no obstante esto, hay algunos que así componen y arrojan libros de sí como si fuesen buñuelos. | Â Écrire d′autre manière, reprit don Quichotte, ne serait pas écrire des vérités, mais des mensonges, et les historiens qui se permettent de mentir devraient être brûlés comme les faux-monnayeurs< . Et je ne sais vraiment ce qui a pu pousser cet écrivain à chercher des nouvelles et des aventures étrangères, tandis qu′il avait tant à écrire avec les miennes. Sans doute il se sera rappelé le proverbe : « De paille et de foin le ventre devient plein. » Mais, en vérité, il lui suffisait de mettre au jour mes pensées, mes soupirs, mes pleurs, mes chastes désirs et mes entreprises, pour faire un volume aussi gros que le pourraient faire toutes les œuvres du Tostado. La conclusion que je tire de tout cela, seigneur bachelier, c′est que, pour composer des histoires et des livres, de quelque espèce que ce soit, il faut un jugement solide et un mûr entendement. Plaisanter avec grâce, soit par écrit, soit de paroles, c′est le propre des grands esprits. Le plus piquant rôle de la comédie est celui du niais , car il ne faut être ni simple, ni sot, pour savoir la paraître. L′histoire est comme une chose sacrée, parce qu′elle doit être véritable, et, où se trouve la vérité, se trouve Dieu, son unique source. Malgré cela, il y a des gens qui vous composent et vous débitent des livres à la douzaine, comme si c′étaient des beignets. | -No hay libro tan malo -dijo el bachiller- que no tenga algo bueno. | Â Il n′est pas de si mauvais livre, dit le bachelier, qu′il ne s′y trouve quelque chose de bon.< | -No hay duda en eso -replicó don Quijote-; pero muchas veces acontece que los que tenían méritamente granjeada y alcanzada gran fama por sus escritos, en dándolos a la estampa, la perdieron del todo, o la menoscabaron en algo. | Â Sans aucun doute, répliqua don Quichotte : mais il arrive bien souvent que ceux qui s′étaient fait, à juste titre, une grande renommée par leurs écrits en portefeuille, la perdent ou la diminuent dès qu′ils les livrent à l′impression. | -La causa deso es -dijo Sansón- que, como las obras impresas se miran despacio, fácilmente se veen sus faltas, y tanto más se escudriñan cuanto es mayor la fama del que las compuso. Los hombres famosos por sus ingenios, los grandes poetas, los ilustres historiadores, siempre, o las más veces, son envidiados de aquellos que tienen por gusto y por particular entretenimiento juzgar los escritos ajenos, sin haber dado algunos propios a la luz del mundo. | Â La cause en est facile à voir, reprit Samson ; comme un ouvrage imprimé s′examine à loisir, on voit aisément ses défauts, et, plus est grande la réputation de son auteur, plus on les relève avec soin. Les hommes fameux par leur génie, les grands poëtes, les historiens illustres, sont en butte à l′envie de ceux qui se font un amusement et un métier de juger les œuvres d′autrui, sans avoir jamais rien publié de leur propre fonds. | -Eso no es de maravillar -dijo don Quijote-, porque muchos teólogos hay que no son buenos para el púlpito, y son bonísimos para conocer las faltas o sobras de los que predican. | Â C′est une chose dont il ne faut pas s′étonner, dit don Quichotte ; car il y a bien des théologiens qui ne valent rien pour la chaire, et sont excellents pour reconnaître les défauts de ceux qui prêchent à leur place. | -Todo eso es así, señor don Quijote -dijo Carrasco-, pero quisiera yo que los tales censuradores fueran más misericordiosos y menos escrupulosos, sin atenerse a los átomos del sol clarísimo de la obra de que murmuran; que si aliquando bonus dormitat Homerus, consideren lo mucho que estuvo despierto, por dar la luz de su obra con la menos sombra que pudiese; y quizá podría ser que lo que a ellos les parece mal fuesen lunares, que a las veces acrecientan la hermosura del rostro que los tiene; y así, digo que es grandísimo el riesgo a que se pone el que imprime un libro, siendo de toda imposibilidad imposible componerle tal, que satisfaga y contente a todos los que le leyeren. | Â Tout cela est comme vous le dites, seigneur don Quichotte, reprit Carrasco ; mais je voudrais que ces rigides censeurs montrassent un peu moins de scrupule et un peu plus de miséricorde ; je voudrais qu′ils ne fissent pas si grande attention aux taches imperceptibles qui peuvent se trouver sur l′éclatant soleil de l′ouvrage qu′ils critiquent. Si aliquando bonus dormitat Homerus , ils devraient considérer combien il dut être éveillé plus souvent pour imprimer la lumière à son œuvre avec le moins d′ombre possible ; il pourrait même se faire que ce qui leur paraît des défauts fût comme les taches naturelles du visage, qui en relèvent quelquefois la beauté. Aussi dis-je que celui-là s′expose à un grand danger qui se décide à publier un livre, car il est complètement impossible de le composer tel qu′il satisfasse tous ceux qui le liront. | -El que de mí trata -dijo don Quijote-, a pocos habrá contentado. | Â Celui qui traite de moi, dit don Quichotte, aura contenté peu de monde. | -Antes es al revés; que, como de stultorum infinitus est numerus, infinitos son los que han gustado de la tal historia; y algunos han puesto falta y dolo en la memoria del autor, pues se le olvida de contar quién fue el ladrón que hurtó el rucio a Sancho, que allí no se declara, y sólo se infiere de lo escrito que se le hurtaron, y de allí a poco le vemos a caballo sobre el mesmo jumento, sin haber parecido. También dicen que se le olvidó poner lo que Sancho hizo de aquellos cien escudos que halló en la maleta en Sierra Morena, que nunca más los nombra, y hay muchos que desean saber qué hizo dellos, o en qué los gastó, que es uno de los puntos sustanciales que faltan en la obra. | Â Bien au contraire, répondit le bachelier ; comme stultorum infinitus est numerus , le nombre est infini de ceux auxquels a plu cette histoire. Il y en a bien quelques-uns qui ont accusé dans l′auteur une absence de mémoire, parce qu′il oublie de conter quel fut le voleur qui vola l′âne de Sancho ; il est dit seulement dans le récit qu′on le lui vola, et deux pas plus loin nous voyons Sancho à cheval sur le même âne, sans qu′il l′eût retrouvé . On reproche encore à l′auteur d′avoir oublié de dire ce que fit Sancho de ces cent écus d′or qu′il trouva dans la valise au fond de la Sierra-Moréna. Il n′en est plus fait mention, et bien des gens voudraient savoir ce qu′en fit Sancho, ou comment il les dépensa, car c′est là un des points substantiels qui manquent à l′ouvrage. | -Sancho respondió. | Â Seigneur Samson, répondit Sancho, | -Yo, señor Sansón, no estoy ahora para ponerme en cuentas ni cuentos; que me ha tomado un desmayo de estómago, que si no le reparo con dos tragos de lo añejo, me pondrá en la espina de Santa Lucía. En casa lo tengo, mi oíslo me aguarda; en acabando de comer, daré la vuelta, y satisfaré a vuestra merced y a todo el mundo de lo que preguntar quisieren, así de la pérdida del jumento como del gasto de los cien escudos. | je ne suis guère en état maintenant de me mettre en comptes et en histoires, car je viens d′être pris d′une faiblesse d′estomac telle que, si je ne la guéris avec deux rasades d′un vieux bouchon, elle me tiendra cloué sur l′épine de Sainte-Lucie. J′ai la chose à la maison, ma ménagère m′attend ; quand j′aurai fini de dîner, je reviendrai par ici, prêt à satisfaire Votre Grâce et le monde entier, en répondant à toutes les questions qu′on voudra me faire, aussi bien sur la perte de l′âne que sur l′emploi des cent écus. » | Y, sin esperar respuesta ni decir otra palabra, se fue a su casa. | Et, sans attendre de réponse, ni dire un mot de plus, il regagna son logis. | Don Quijote pidió y rogó al bachiller se quedase a hacer penitencia con él. Tuvo el bachiller el envite: quedóse, añadióse al ordinaro un par de pichones, tratóse en la mesa de caballerías, siguióle el humor Carrasco, acabóse el banquete, durmieron la siesta, volvió Sancho y renovóse la plática pasada. | Don Quichotte pria le bachelier de rester à faire pénitence avec lui. Le bachelier accepta l′offre, il demeura ; on ajouta à l′ordinaire une paire de pigeonneaux ; à table, on parla de chevalerie. Carrasco suivit l′humeur de son hôte. Le repas fini, ils dormirent la sieste ; Sancho revint, et l′on reprit la conversation.
| II. Capítulo IV. Donde Sancho Panza satisface al bachiller Sansón Carrasco de sus dudas y preguntas, con otros sucesos dignos de saberse y de contarse. | Chapitre IV Où Sancho Panza répond aux questions et éclaircit les doutes du bachelier Samson Carrasco, avec d′autres événements dignes d′être sus et racontés | Volvió Sancho a casa de don Quijote, y, volviendo al pasado razonamiento, dijo. | Sancho revint chez don Quichotte, et, reprenant la conversation précédente : | -A lo que el señor Sansón dijo que se deseaba saber quién, o cómo, o cuándo se me hurtó el jumento, respondiendo digo que la noche misma que, huyendo de la Santa Hermandad, nos entramos en Sierra Morena, después de la aventura sin ventura de los galeotes y de la del difunto que llevaban a Segovia, mi señor y yo nos metimos entre una espesura, adonde mi señor arrimado a su lanza, y yo sobre mi rucio, molidos y cansados de las pasadas refriegas, nos pusimos a dormir como si fuera sobre cuatro colchones de pluma; especialmente yo dormí con tan pesado sueño, que quienquiera que fue tuvo lugar de llegar y suspenderme sobre cuatro estacas que puso a los cuatro lados de la albarda, de manera que me dejó a caballo sobre ella, y me sacó debajo de mí al rucio, sin que yo lo sintiese. | « À ce qu′a dit le seigneur Samson, qu′il désirait de savoir par qui, quand et comment me fut volé l′âne, je réponds en disant que, la nuit même où, fuyant la Sainte-Hermandad, nous entrâmes dans la Sierra-Moréna, après l′aventure ou plutôt la mésaventure des galériens et celle du défunt qu′on menait à Ségovie, mon seigneur et moi nous nous enfonçâmes dans l′épaisseur d′un bois où mon seigneur, appuyé sur sa lance, et moi, planté sur mon grison, tous deux moulus et rompus des tempêtes passées, nous nous mîmes à dormir comme si c′eût été sur quatre lits de plume. Pour mon compte, je dormis d′un si pesant sommeil, que qui voulut eut le temps d′approcher et de me suspendre sur quatre gaules qu′il plaça aux quatre coins du bât, de façon que j′y restai à cheval, et qu′on tira le grison de dessous moi sans que je m′en aperçusse. | -Eso es cosa fácil, y no acontecimiento nuevo, que lo mesmo le sucedió a Sacripante cuando, estando en el cerco de Albraca, con esa misma invención le sacó el caballo de entre las piernas aquel famoso ladrón llamado Brunelo. |  C′est chose facile, dit don Quichotte, et l′aventure n′est pas nouvelle. Il en arriva de même à Sacripant, lorsque, au siége d′Albraque, ce fameux larron de Brunel employa la même invention pour lui voler son cheval entre les jambes. | -Amaneció -prosiguió Sancho-, y, apenas me hube estremecido, cuando, faltando las estacas, di conmigo en el suelo una gran caída; miré por el jumento, y no le vi; acudiéronme lágrimas a los ojos, y hice una lamentación, que si no la puso el autor de nuestra historia, puede hacer cuenta que no puso cosa buena. Al cabo de no sé cuántos días, viniendo con la señora princesa Micomicona, conocí mi asno, y que venía sobre él en hábito de gitano aquel Ginés de Pasamonte, aquel embustero y grandísimo maleador que quitamos mi señor y yo de la cadena. |  Le jour vint, continua Sancho, et je n′eus pas plutôt remué en m′éveillant, que, les gaules manquant sous moi, je tombai par terre tout de mon haut. Je cherchai l′âne, et ne le vis plus. Alors les larmes me vinrent aux yeux, et je fis une lamentation telle que, si l′auteur de notre histoire ne l′a pas mise, il peut se vanter d′avoir perdu un bon morceau. Au bout de je ne sais combien de jours, tandis que je suivais madame la princesse Micomicona, je reconnus mon âne, et vis sur son dos, en habit de Bohémien, ce Ginès de Passamont, ce fameux vaurien, que mon seigneur et moi avions délivré de la chaîne. | -No está en eso el yerro -replicó Sansón-, sino en que, antes de haber parecido el jumento, dice el autor que iba a caballo Sancho en el mesmo rucio. |  Ce n′est pas là qu′est la faute, répliqua Samson, mais bien en ce qu′avant d′avoir retrouvé l′âne, l′auteur dit que Sancho allait à cheval sur ce même grison. | -A eso -dijo Sancho-, no sé qué responder, sino que el historiador se engañó, o ya sería descuido del impresor. |  À cela, reprit Sancho, je ne sais que répondre, sinon que l′historien s′est trompé, ou que ce sera quelque inadvertance de l′imprimeur. | -Así es, sin duda -dijo Sansón-; pero, ¿qué se hicieron los cien escudos?; ¿deshiciéronse. |  C′est cela, sans doute, dit Samson ; mais dites-moi maintenant, qu′avez-vous fait des cent écus ? | Respondió Sancho. |  Je les ai défaits, répondit Sancho ; | -Yo los gasté en pro de mi persona y de la de mi mujer, y de mis hijos, y ellos han sido causa de que mi mujer lleve en paciencia los caminos y carreras que he andado sirviendo a mi señor don Quijote; que si, al cabo de tanto tiempo, volviera sin blanca y sin el jumento a mi casa, negra ventura me esperaba; y si hay más que saber de mí, aquí estoy, que responderé al mismo rey en presona, y nadie tiene para qué meterse en si truje o no truje, si gasté o no gasté; que si los palos que me dieron en estos viajes se hubieran de pagar a dinero, aunque no se tasaran sino a cuatro maravedís cada uno, en otros cien escudos no había para pagarme la mitad; y cada uno meta la mano en su pecho, y no se ponga a juzgar lo blanco por negro y lo negro por blanco; que cada uno es como Dios le hizo, y aun peor muchas veces. | je les ai dépensés pour l′utilité de ma personne, de ma femme et de mes enfants. Ils ont été cause que ma femme a pris en patience les routes et les voyages que j′ai faits au service de mon seigneur don Quichotte ; car si, au bout d′une si longue absence, je fusse rentré à la maison sans l′âne et sans le sou, je n′en étais pas quitte à bon marché. Et si l′on veut en savoir davantage, me voici prêt à répondre au roi même en personne. Et qu′on ne se mette pas à éplucher ce que j′ai rapporté, ce que j′ai dépensé : car si tous les coups de bâton qu′on m′a donnés dans ces voyages m′étaient payés argent comptant, quand même on ne les estimerait pas plus de quatre maravédis la pièce, cent autres écus ne suffiraient pas pour m′en payer la moitié. Que chacun se mette la main sur l′estomac, et ne se mêle pas de prendre le blanc pour le noir, ni le noir pour le blanc, car chacun est comme Dieu l′a fait, et bien souvent pire. | -Yo tendré cuidado -dijo Carrasco- de acusar al autor de la historia que si otra vez la imprimiere, no se le olvide esto que el buen Sancho ha dicho, que será realzarla un buen coto más de lo que ella se está. |  J′aurai soin, dit Carrasco, d′avertir l′auteur de l′histoire que, s′il l′imprime une seconde fois, il n′oublie pas ce que le bon Sancho vient de dire : ce sera la mettre un bon cran plus haut qu′elle n′est. | -¿Hay otra cosa que enmendar en esa leyenda, señor bachiller? -preguntó don Quijote. |  Y a-t-il autre chose à corriger dans cette légende, seigneur bachelier ? demanda don Quichotte. | -Sí debe de haber -respondió él-, pero ninguna debe de ser de la importancia de las ya referidas. |  Oh ! sans aucun doute, répondit celui-là : mais aucune autre correction n′aura l′importance de celles que nous venons de rapporter. | -Y por ventura -dijo don Quijote-, ¿promete el autor segunda parte. |  Et l′auteur, reprit don Quichotte, promet-il par hasard une seconde partie ? | -Sí promete -respondió Sansón-, pero dice que no ha hallado ni sabe quién la tiene, y así, estamos en duda si saldrá o no; y así por esto como porque algunos dicen: "Nunca segundas partes fueron buenas", y otros: "De las cosas de don Quijote bastan las escritas", se duda que no ha de haber segunda parte; aunque algunos que son más joviales que saturninos dicen: "Vengan más quijotadas: embista don Quijote y hable Sancho Panza, y sea lo que fuere, que con eso nos contentamos". |  Oui, certes, répliqua Samson ; mais il dit qu′il ne l′a pas trouvée, et qu′il ne sait pas qui la possède : de sorte que nous sommes en doute si elle paraîtra ou non. Pour cette raison, comme aussi parce que les uns disent : « Jamais seconde partie ne fut bonne », et les autres : « Des affaires de don Quichotte, ce qui est écrit suffit », on doute qu′il y ait une seconde partie. Néanmoins, il y a des gens d′humeur plus joviale que mélancolique qui disent : « Donnez-nous d′autres Quichotades : faites agir don Quichotte et parler Sancho, et, quoi que ce soit, nous en serons contents. » | -Y ¿a qué se atiene el autor. |  À quoi se décide l′auteur ? demanda don Quichotte. | -A que -respondió Sansón-, en hallando que halle la historia, que él va buscando con extraordinarias diligencias, la dará luego a la estampa, llevado más del interés que de darla se le sigue que de otra alabanza alguna. |  À quoi ? répondit Samson. Dès qu′il aura trouvé l′histoire qu′il cherche partout avec une diligence extraordinaire, il la donnera sur-le-champ à l′impression, plutôt en vue de l′intérêt qu′il en pourra tirer, que de tous les éloges qu′on en pourra faire. | A lo que dijo Sancho. |  Comment ! s′écria Sancho, | -¿Al dinero y al interés mira el autor? Maravilla será que acierte, porque no hará sino harbar, harbar, como sastre en vísperas de pascuas, y las obras que se hacen apriesa nunca se acaban con la perfeción que requieren. Atienda ese señor moro, o lo que es, a mirar lo que hace; que yo y mi señor le daremos tanto ripio a la mano en materia de aventuras y de sucesos diferentes, que pueda componer no sólo segunda parte, sino ciento. Debe de pensar el buen hombre, sin duda, que nos dormimos aquí en las pajas; pues ténganos el pie al herrar, y verá del que cosqueamos. Lo que yo sé decir es que si mi señor tomase mi consejo, ya habíamos de estar en esas campañas deshaciendo agravios y enderezando tuertos, como es uso y costumbre de los buenos andantes caballeros. | c′est à l′argent et à l′intérêt que regarde l′auteur ! alors ce serait merveille qu′il fît quelque chose de bon ; il ne fera que brocher et bousiller comme un tailleur la veille de Pâques, et m′est avis que les ouvrages qui se font à la hâte ne sont jamais terminés avec la perfection convenable. Dites donc à ce seigneur More, ou n′importe qui, de prendre un peu garde à ce qu′il fait, car moi et mon seigneur nous lui mettrons tant de mortier sur sa truelle, en matière d′aventures et d′événements de toute espèce, qu′il pourra construire, non-seulement une seconde, mais cent autres parties. Le bonhomme s′imagine sans doute que nous sommes ici à dormir sur la paille. Eh bien ! qu′il vienne nous tenir les pieds à la forge, et il verra duquel nous sommes chatouilleux. Ce que je sais dire, c′est que, si mon seigneur prenait mon conseil, nous serions déjà à travers ces campagnes défaisant des griefs et redressant des torts, comme c′est l′usage et la coutume des bons chevaliers errants. » | No había bien acabado de decir estas razones Sancho, cuando llegaron a sus oídos relinchos de Rocinante; los cuales relinchos tomó don Quijote por felicísimo agüero, y determinó de hacer de allí a tres o cuatro días otra salida; y, declarando su intento al bachiller, le pidió consejo por qué parte comenzaría su jornada; el cual le respondió que era su parecer que fuese al reino de Aragón y a la ciudad de Zaragoza, adonde, de allí a pocos días, se habían de hacer unas solenísimas justas por la fiesta de San Jorge, en las cuales podría ganar fama sobre todos los caballeros aragoneses, que sería ganarla sobre todos los del mundo. Alabóle ser honradísima y valentísima su determinación, y advirtióle que anduviese más atentado en acometer los peligros, a causa que su vida no era suya, sino de todos aquellos que le habían de menester para que los amparase y socorriese en sus desventuras. | À peine Sancho achevait-il ces paroles, qu′on entendit les hennissements de Rossinante. Don Quichotte les tint à heureux augure , et résolut de faire une autre sortie d′ici à trois ou quatre jours. Il confia son dessein au bachelier, et lui demanda conseil pour savoir de quel côté devait commencer sa campagne. L′autre répondit qu′à son avis il ferait bien de gagner le royaume d′Aragon, et de se rendre à la ville de Saragosse, où devaient avoir lieu, sous peu de jours, des joutes solennelles pour la fête de saint Georges , dans lesquelles il pourrait gagner renom par-dessus tous les chevaliers aragonais, ce qui serait le gagner par-dessus tous les chevaliers du monde. Il loua sa résolution comme souverainement honorable et valeureuse, et l′engagea à plus de prudence, à plus de retenue pour affronter les périls, puisque sa vie n′était plus à lui, mais à tous ceux qui avaient besoin de son bras pour être protégés et secourus dans leurs infortunes. | -Deso es lo que yo reniego, señor Sansón -dijo a este punto Sancho-, que así acomete mi señor a cien hombres armados como un muchacho goloso a media docena de badeas. ¡Cuerpo del mundo, señor bachiller! Sí, que tiempos hay de acometer y tiempos de retirar; sí, no ha de ser todo "¡Santiago, y cierra, España!" Y más, que yo he oído decir, y creo que a mi señor mismo, si mal no me acuerdo, que en los estremos de cobarde y de temerario está el medio de la valentía; y si esto es así, no quiero que huya sin tener para qué, ni que acometa cuando la demasía pide otra cosa. Pero, sobre todo, aviso a mi señor que si me ha de llevar consigo, ha de ser con condición que él se lo ha de batallar todo, y que yo no he de estar obligado a otra cosa que a mirar por su persona en lo que tocare a su limpieza y a su regalo; que en esto yo le bailaré el agua delante; pero pensar que tengo de poner mano a la espada, aunque sea contra villanos malandrines de hacha y capellina, es pensar en lo escusado. Yo, señor Sansón, no pienso granjear fama de valiente, sino del mejor y más leal escudero que jamás sirvió a caballero andante; y si mi señor don Quijote, obligado de mis muchos y buenos servicios, quisiere darme alguna ínsula de las muchas que su merced dice que se ha de topar por ahí, recibiré mucha merced en ello; y cuando no me la diere, nacido soy, y no ha de vivir el hombre en hoto de otro sino de Dios; y más, que tan bien, y aun quizá mejor, me sabrá el pan desgobernado que siendo gobernador; y ¿sé yo por ventura si en esos gobiernos me tiene aparejada el diablo alguna zancadilla donde tropiece y caiga y me haga las muelas? Sancho nací, y Sancho pienso morir; pero si con todo esto, de buenas a buenas, sin mucha solicitud y sin mucho riesgo, me deparase el cielo alguna ínsula, o otra cosa semejante, no soy tan necio que la desechase; que también se dice: "Cuando te dieren la vaquilla, corre con la soguilla"; y "Cuando viene el bien, mételo en tu casa". | « Voilà justement ce qui me fait donner au diable, seigneur Samson ! s′écria Sancho : mon seigneur vous attaque cent hommes armés, comme un polisson gourmand une demi-douzaine de poires. Mort de ma vie ! seigneur bachelier, vous avez raison : il y a des temps pour attaquer et des temps pour faire retraite, et il ne faut pas toujours crier : Saint Jacques, et en avant, Espagne ! D′autant plus que j′ai ouí¤ire, et, si j′ai bonne mémoire, je crois que c′est à mon seigneur lui-même, qu′entre les extrêmes de la lâcheté et de la témérité est le milieu de la valeur. S′il en est ainsi, je ne veux pas qu′il fuie sans raison, mais je ne veux pas non plus qu′il attaque quand c′est folie. Surtout je donne cet avis à mon seigneur que, s′il m′emmène avec lui, ce sera sous la condition qu′en fait de bataille il fera toute la besogne : je ne serai tenu d′autre chose que de veiller à sa personne, en ce qui touchera le soin de sa nourriture et de sa propreté. Pour cela je le servirai comme une fée ; mais penser que j′irai mettre l′épée à la main, même contre des vilains armés en guerre, c′est se tromper du tout au tout. Moi, seigneur Samson, je ne prétends pas à la renommée de brave, mais à celle du meilleur et du plus loyal écuyer qui ait jamais servi chevalier errant. Si mon seigneur don Quichotte, en retour de mes bons et nombreux services, veut bien me donner quelque île de toutes celles qu′il doit, dit-il, rencontrer par là, je serai très-reconnaissant de la faveur : et quand même il ne me la donnerait pas, je suis né tout nu, et l′homme ne doit pas vivre sur la foi d′un autre, mais sur celle de Dieu. D′autant plus qu′aussi bon et peut-être meilleur me semblera le goût du pain à bas du gouvernement qu′étant gouverneur. Est-ce que je sais, par hasard, si, dans ces gouvernements-là, le diable ne me tend pas quelque croc-en-jambe pour me faire broncher, tomber et casser les dents ? Sancho je suis né, et Sancho je pense mourir. Mais avec tout cela, si de but en blanc, sans beaucoup de démarches et sans grand danger, le ciel m′envoyait quelque île ou toute autre chose semblable, je ne suis pas assez niais pour la refuser ; car on dit aussi : « Quand on te donne la génisse, jette-lui la corde au cou, et quand le bien arrive, mets-le dans ta maison. » | -Vos, hermano Sancho -dijo Carrasco-, habéis hablado como un catedrático; pero, con todo eso, confiad en Dios y en el señor don Quijote, que os ha de dar un reino, no que una ínsula. |  Vous, frère Sancho, dit le bachelier, vous venez de parler comme un recteur en chaire. Cependant, ayez bon espoir en Dieu et dans le seigneur don Quichotte, qui vous donnera non pas une île, mais un royaume. | -Tanto es lo de más como lo de menos -respondió Sancho-; aunque sé decir al señor Carrasco que no echara mi señor el reino que me diera en saco roto, que yo he tomado el pulso a mí mismo, y me hallo con salud para regir reinos y gobernar ínsulas, y esto ya otras veces lo he dicho a mi señor. |  Aussi bien le plus que le moins, répondit Sancho ; et je puis dire au seigneur Carrasco que, si mon seigneur me donne un royaume, il ne le jettera pas dans un sac percé. Je me suis tâté le pouls à moi-même, et je me suis trouvé assez de santé pour régner sur des royaumes et gouverner des îles : c′est ce que j′ai déjà dit mainte et mainte fois à mon seigneur. | -Mirad, Sancho -dijo Sansón-, que los oficios mudan las costumbres, y podría ser que viéndoos gobernador no conociésedes a la madre que os parió. |  Prenez garde, Sancho, dit Samson, que les honneurs changent les mœurs ; il pourrait se faire qu′en vous voyant gouverneur, vous ne connussiez plus la mère qui vous a mis au monde. | -Eso allá se ha de entender -respondió Sancho- con los que nacieron en las malvas, y no con los que tienen sobre el alma cuatro dedos de enjundia de cristianos viejos, como yo los tengo. ¡No, sino llegaos a mi condición, que sabrá usar de desagradecimiento con alguno! |  Ce serait bon, répondit Sancho, pour les petites gens qui sont nés sous la feuille d′un chou, mais non pour ceux qui ont sur l′âme quatre doigts de graisse de vieux chrétien, comme je les ai. Essayez un peu mon humeur, et vous verrez si elle rechigne à personne. | -Dios lo haga -dijo don Quijote-, y ello dirá cuando el gobierno venga; que ya me parece que le trayo entre los ojos. |  Que Dieu le veuille ainsi, dit don Quichotte ; c′est ce que dira le gouvernement quand il viendra, et déjà je crois l′avoir entre les deux yeux. » | Dicho esto, rogó al bachiller que, si era poeta, le hiciese merced de componerle unos versos que tratasen de la despedida que pensaba hacer de su señora Dulcinea del Toboso, y que advirtiese que en el principio de cada verso había de poner una letra de su nombre, de manera que al fin de los versos, juntando las primeras letras, se leyese: Dulcinea del Toboso. | Cela dit, il pria le bachelier, s′il était poëte, de vouloir bien lui composer quelques vers qu′il pût adresser en adieu à sa dame Dulcinée du Toboso, et d′avoir grand soin de mettre au commencement de chaque vers une lettre de son nom, de manière qu′à la fin de la pièce, en réunissant toutes les premières lettres, on lût Dulcinée du Toboso . | El bachiller respondió que, puesto que él no era de los famosos poetas que había en España, que decían que no eran sino tres y medio, que no dejaría de componer los tales metros, aunque hallaba una dificultad grande en su composición, a causa que las letras que contenían el nombre eran diez y siete; y que si hacía cuatro castellanas de a cuatro versos, sobrara una letra; y si de a cinco, a quien llaman décimas o redondillas, faltaban tres letras; pero, con todo eso, procuraría embeber una letra lo mejor que pudiese, de manera que en las cuatro castellanas se incluyese el nombre de Dulcinea del Toboso. | « Bien que je ne sois pas, répondit le bachelier, un des fameux poëtes que possède l′Espagne, puisqu′il n′y en a, dit-on, que trois et demi< , je ne laisserai pas d′écrire ces vers. Cependant je trouve une grande difficulté dans leur composition, parce que les lettres qui forment le nom sont au nombre de dix-sept . Si je fais quatre quatrains , il y aura une lettre de trop : si je fais quatre strophes de cinq vers, de celles qu′on appelle décimes ou redondillas, il manquera trois lettres. Toutefois, j′essayerai d′escamoter une lettre le plus proprement possible, de façon à faire tenir dans les quatre quatrains le nom de Dulcinée du Toboso. | -Ha de ser así en todo caso -dijo don Quijote-; que si allí no va el nombre patente y de manifiesto, no hay mujer que crea que para ella se hicieron los metros. |  C′est ce qui doit être en tout cas, reprit don Quichotte : car si l′on n′y voit pas son nom clairement et manifestement, nulle femme croira que les vers ont été faits pour elle. » | Quedaron en esto y en que la partida sería de allí a ocho días. Encargó don Quijote al bachiller la tuviese secreta, especialmente al cura y a maese Nicolás, y a su sobrina y al ama, porque no estorbasen su honrada y valerosa determinación. Todo lo prometió Carrasco. Con esto se despidió, encargando a don Quijote que de todos sus buenos o malos sucesos le avisase, habiendo comodidad; y así, se despidieron, y Sancho fue a poner en orden lo necesario para su jornada. | Ils demeurèrent d′accord sur ce point, et fixèrent le départ à huit jours de là. Don Quichotte recommanda au bachelier de tenir cette nouvelle secrète et de la cacher surtout au curé, à maître Nicolas, à sa nièce et à sa gouvernante, afin qu′ils ne vinssent pas se mettre à la traverse de sa louable et valeureuse résolution. Carrasco le promit, et prit congé de don Quichotte, en le chargeant de l′aviser, quand il en aurait l′occasion, de sa bonne ou mauvaise fortune : sur cela, ils se séparèrent, et Sancho alla faire les préparatifs de leur nouvelle campagne.
| II. Capítulo V. De la discreta y graciosa plática que pasó entre Sancho Panza y su mujer Teresa Panza, y otros sucesos dignos de felice recordación. | Chapitre V Du spirituel, profond et gracieux entretien qu′eurent ensemble Sancho Panza et sa femme Thérèse Panza, ainsi que d′autres événements dignes d′heureuse souvenance (Llegando a escribir el traductor desta historia este quinto capítulo, dice que le tiene por apócrifo, porque en él habla Sancho Panza con otro estilo del que se podía prometer de su corto ingenio, y dice cosas tan sutiles, que no tiene por posible que él las supiese; pero que no quiso dejar de traducirlo, por cumplir con lo que a su oficio debía; y así, prosiguió diciendo:. | En arrivant à écrire ce cinquième chapitre, le traducteur de cette histoire avertit qu′il le tient pour apocryphe, parce que Sancho y parle sur un autre style que celui qu′on devait attendre de son intelligence bornée, et y dit des choses si subtiles qu′il semble impossible qu′elles viennent de lui. Toutefois, ajoute-t-il, il n′a pas voulu manquer de le traduire, pour remplir les devoirs de son office. Il continue donc de la sorte : | Llegó Sancho a su casa tan regocijado y alegre, que su mujer conoció su alegría a tiro de ballesta; tanto, que la obligó a preguntarle. | Sancho rentra chez lui si content, si joyeux, que sa femme aperçut son allégresse à une portée de mousquet, tellement qu′elle ne put s′empêcher de lui demander : | -¿Qué traés, Sancho amigo, que tan alegre venís. | « Qu′avez-vous donc, ami Sancho, que vous revenez si gai ? | A lo que él respondió. |  Femme, répondit Sancho, | -Mujer mía, si Dios quisiera, bien me holgara yo de no estar tan contento como muestro. | si Dieu le voulait, je serais bien aise de ne pas être si content que j′en ai l′air. | -No os entiendo, marido -replicó ella-, y no sé qué queréis decir en eso de que os holgáredes, si Dios quisiera, de no estar contento; que, maguer tonta, no sé yo quién recibe gusto de no tenerle. |  Je ne vous entends pas, mari, répliqua-t-elle, et ne sais ce que vous voulez dire, que vous seriez bien aise, si Dieu le voulait, de ne pas être content ; car, toute sotte que je suis, je ne sais pas qui peut trouver du plaisir à n′en pas avoir. | -Mirad, Teresa -respondió Sancho-: yo estoy alegre porque tengo determinado de volver a servir a mi amo don Quijote, el cual quiere la vez tercera salir a buscar las aventuras; y yo vuelvo a salir con él, porque lo quiere así mi necesidad, junto con la esperanza, que me alegra, de pensar si podré hallar otros cien escudos como los ya gastados, puesto que me entristece el haberme de apartar de ti y de mis hijos; y si Dios quisiera darme de comer a pie enjuto y en mi casa, sin traerme por vericuetos y encrucijadas, pues lo podía hacer a poca costa y no más de quererlo, claro está que mi alegría fuera más firme y valedera, pues que la que tengo va mezclada con la tristeza del dejarte; así que, dije bien que holgara, si Dios quisiera, de no estar contento. |  Écoutez, Thérèse, reprit Sancho ; je suis gai parce que j′ai décidé de retourner au service de mon maître don Quichotte, lequel veut partir une troisième fois à la recherche des aventures, et je vais partir avec lui parce qu′ainsi le veut ma détresse, aussi bien que l′espérance de trouver cent autres écus comme ceux que nous avons déjà dépensés ; et, tandis que cette espérance me réjouit, je m′attriste d′être forcé de m′éloigner de toi et de mes enfants. Si Dieu voulait me donner de quoi vivre à pied sec et dans ma maison, sans me mener par voies et par chemins, ce qu′il pourrait faire à peu de frais, puisqu′il lui suffirait de le vouloir, il est clair que ma joie serait plus vive et plus durable, puisque celle que j′éprouve est mêlée de la tristesse que j′ai de te quitter. Ainsi, j′ai donc bien fait de dire que, si Dieu le voulait, je serais bien aise de ne pas être content. | -Mirad, Sancho -replicó Teresa-: después que os hicistes miembro de caballero andante habláis de tan rodeada manera, que no hay quien os entienda. |  Tenez, Sancho, répliqua Thérèse, depuis que vous êtes devenu membre de chevalier errant, vous parlez d′une manière si entortillée qu′on ne peut plus vous entendre. | -Basta que me entienda Dios, mujer -respondió Sancho-, que Él es el entendedor de todas las cosas, y quédese esto aquí; y advertid, hermana, que os conviene tener cuenta estos tres días con el rucio, de manera que esté para armas tomar: dobladle los piensos, requerid la albarda y las demás jarcias, porque no vamos a bodas, sino a rodear el mundo, y a tener dares y tomares con gigantes, con endriagos y con vestiglos, y a oír silbos, rugidos, bramidos y baladros; y aun todo esto fuera flores de cantueso si no tuviéramos que entender con yangüeses y con moros encantados. |  Il suffit que Dieu m′entende, femme, reprit Sancho ; c′est lui qui est l′entendeur de toutes choses, et restons-en là. Mais faites attention, ma sœur, d′avoir grand soin du grison ces trois jours-ci, pour qu′il soit en état de prendre les armes. Doublez-lui la ration, recousez bien le bât et les autres harnais, car nous n′allons pas à la noce, Dieu merci ! mais faire le tour du monde, et nous prendre de querelle avec des géants, des andriaques, des vampires ; nous allons entendre des sifflements, des aboiements, des hurlements et des rugissements : et tout cela ne serait encore que pain bénit si nous n′avions affaire à des muletiers yangois et à des Mores enchantés. | -Bien creo yo, marido -replicó Teresa-, que los escuderos andantes no comen el pan de balde; y así, quedaré rogando a Nuestro Señor os saque presto de tanta mala ventura. |  Je crois bien, mari, répliqua Thérèse, que les écuyers errants ne volent pas le pain qu′ils mangent : aussi resterai-je à prier Dieu qu′il vous tire bientôt de ce méchant pas. | -Yo os digo, mujer -respondió Sancho-, que si no pensase antes de mucho tiempo verme gobernador de una ínsula, aquí me caería muerto. |  Je vous dis, femme, répondit Sancho, que si je ne pensais pas me voir, dans peu de temps d′ici, gouverneur d′une île, je me laisserais tomber mort sur la place. | -Eso no, marido mío -dijo Teresa-: viva la gallina, aunque sea con su pepita; vivid vos, y llévese el diablo cuantos gobiernos hay en el mundo; sin gobierno salistes del vientre de vuestra madre, sin gobierno habéis vivido hasta ahora, y sin gobierno os iréis, o os llevarán, a la sepultura cuando Dios fuere servido. Como ésos hay en el mundo que viven sin gobierno, y no por eso dejan de vivir y de ser contados en el número de las gentes. La mejor salsa del mundo es la hambre; y como ésta no falta a los pobres, siempre comen con gusto. Pero mirad, Sancho: si por ventura os viéredes con algún gobierno, no os olvidéis de mí y de vuestros hijos. Advertid que Sanchico tiene ya quince años cabales, y es razón que vaya a la escuela, si es que su tío el abad le ha de dejar hecho de la Iglesia. Mirad también que Mari Sancha, vuestra hija, no se morirá si la casamos; que me va dando barruntos que desea tanto tener marido como vos deseáis veros con gobierno; y, en fin en fin, mejor parece la hija mal casada que bien abarraganada. |  Oh ! pour cela, non, mari, s′écria Thérèse ; vive la poule, même avec sa pépie ; vivez, vous, et que le diable emporte autant de gouvernements qu′il y en a dans le monde. Sans gouvernement vous êtes sorti du ventre de votre mère, sans gouvernement vous avez vécu jusqu′à cette heure, et sans gouvernement vous irez ou bien l′on vous mènera à la sépulture, quand il plaira à Dieu. Il y en a bien d′autres dans le monde qui vivent sans gouvernement, et pourtant ils ne laissent pas de vivre et d′être comptés dans le nombre des gens. La meilleure sauce du monde, c′est la faim, et, comme celle-là ne manque jamais au pauvre, ils mangent toujours avec plaisir. Mais pourtant, faites attention, Sancho, si, par bonheur, vous attrapiez quelque gouvernement d′îles, de ne pas oublier votre femme et vos enfants. Prenez garde que Sanchico a déjà ses quinze ans sonnés, et qu′il est temps qu′il aille à l′école, si son oncle l′abbé le fait entrer dans l′Église ; prenez garde aussi que Mari-Sancha, votre fille, n′en mourra pas si nous la marions, car je commence à m′apercevoir qu′elle désire autant un mari que vous un gouvernement, et, à la fin des fins, mieux sied la fille mal mariée que bien amourachée. | -A buena fe -respondió Sancho- que si Dios me llega a tener algo qué de gobierno, que tengo de casar, mujer mía, a Mari Sancha tan altamente que no la alcancen sino con llamarla señora. |  En bonne foi, femme, répondit Sancho, si Dieu m′envoie quelque chose qui sente le gouvernement, je marierai notre Mari-Sancha si haut, si haut, qu′on ne l′atteindra pas à moins de l′appeler votre seigneurie. | -Eso no, Sancho -respondió Teresa-: casadla con su igual, que es lo más acertado; que si de los zuecos la sacáis a chapines, y de saya parda de catorceno a verdugado y saboyanas de seda, y de una Marica y un tú a una doña tal y señoría, no se ha de hallar la mochacha, y a cada paso ha de caer en mil faltas, descubriendo la hilaza de su tela basta y grosera. |  Pour cela, non, Sancho, répondit Thérèse ; mariez-la avec son égal, c′est le plus sage parti. Si vous la faites passer des sabots aux escarpins, et de la jaquette de laine au vertugadin de velours ; si, d′une Marica qu′on tutoie, vous en faites une doña Maria qu′on traite de seigneurie, la pauvre enfant ne se retrouvera plus, et, à chaque pas, elle fera mille sottises qui montreront la corde de sa pauvre et grossière condition. | -Calla, boba -dijo Sancho-, que todo será usarlo dos o tres años; que después le vendrá el señorío y la gravedad como de molde; y cuando no, ¿qué importa? Séase ella señoría, y venga lo que viniere. |  Tais-toi, sotte, dit Sancho, tout cela sera l′affaire de deux ou trois ans. Après cela, le bon ton et la gravité lui viendront comme dans un moule ; et sinon, qu′importe ? Qu′elle soit seigneurie, et vienne que viendra. | -Medíos, Sancho, con vuestro estado -respondió Teresa-; no os queráis alzar a mayores, y advertid al refrán que dice: "Al hijo de tu vecino, límpiale las narices y métele en tu casa". ¡Por cierto, que sería gentil cosa casar a nuestra María con un condazo, o con caballerote que, cuando se le antojase, la pusiese como nueva, llamándola de villana, hija del destripaterrones y de la pelarruecas! ¡No en mis días, marido! ¡Para eso, por cierto, he criado yo a mi hija! Traed vos dineros, Sancho, y el casarla dejadlo a mi cargo; que ahí está Lope Tocho, el hijo de Juan Tocho, mozo rollizo y sano, y que le conocemos, y sé que no mira de mal ojo a la mochacha; y con éste, que es nuestro igual, estará bien casada, y le tendremos siempre a nuestros ojos, y seremos todos unos, padres y hijos, nietos y yernos, y andará la paz y la bendición de Dios entre todos nosotros; y no casármela vos ahora en esas cortes y en esos palacios grandes, adonde ni a ella la entiendan, ni ella se entienda. |  Mesurez-vous, Sancho, avec votre état, répondit Thérèse, et ne cherchez pas à vous élever plus haut que vous. Il vaut mieux s′en tenir au proverbe qui dit : « Au fils de ton voisin, lave-lui le nez, et prends-le pour tien. » Certes, ce serait une jolie chose que de marier notre Mari-Sancha à un gros gentillâtre, un comte à trente-six quartiers, qui, à la première fantaisie, lui chanterait pouille, et l′appellerait vilaine, fille de manant pioche-terre et de dame tourne-fuseau ! Non, mari, non, ce n′est pas pour cela que j′ai élevé ma fille. Chargez-vous, Sancho, d′apporter l′argent, et, quant à la marier, laissez-m′en le soin. Nous avons ici Lope Tocho, fils de Juan Tocho, garçon frais et bien portant ; nous le connaissons de longue main, et je sais qu′il ne regarde pas la petite d′un mauvais œil ; avec celui-là, qui est notre égal, elle sera bien mariée, et nous l′aurons toujours sous les yeux, et nous serons tous ensemble, pères et enfants, gendre et petits-enfants, et la bénédiction de Dieu restera sur nous tous. Mais n′allez pas, vous, me la marier à présent dans ces cours et ces palais, où on ne l′entendrait pas plus qu′elle ne s′entendrait elle-même. | -Ven acá, bestia y mujer de Barrabás -replicó Sancho-: ¿por qué quieres tú ahora, sin qué ni para qué, estorbarme que no case a mi hija con quien me dé nietos que se llamen señoría? Mira, Teresa: siempre he oído decir a mis mayores que el que no sabe gozar de la ventura cuando le viene, que no se debe quejar si se le pasa. Y no sería bien que ahora, que está llamando a nuestra puerta, se la cerremos; dejémonos llevar deste viento favorable que nos sopla. |  Viens çà, bête maudite, femme de Barabbas, répliqua Sancho ; pourquoi veux-tu maintenant, sans rime ni raison, m′empêcher de marier ma fille à qui me donnera des petits-enfants qu′on appellera votre seigneurie ? Tiens, Thérèse, j′ai toujours entendu dire à mes grands-pères que celui qui ne sait pas saisir le bonheur quand il vient ne doit pas se plaindre quand il passe. Ce serait bien bête, lorsqu′il frappe maintenant à notre porte, de la lui fermer. | (Por este modo de hablar, y por lo que más abajo dice Sancho, dijo el tradutor desta historia que tenía por apócrifo este capítulo. | Laissons-nous emporter par le vent favorable qui souffle dans nos voiles. | -¿No te parece, animalia -prosiguió Sancho-, que será bien dar con mi cuerpo en algún gobierno provechoso que nos saque el pie del lodo? Y cásese a Mari Sancha con quien yo quisiere, y verás cómo te llaman a ti doña Teresa Panza, y te sientas en la iglesia sobre alcatifa, almohadas y arambeles, a pesar y despecho de las hidalgas del pueblo. ¡No, sino estaos siempre en un ser, sin crecer ni menguar, como figura de paramento! Y en esto no hablemos más, que Sanchica ha de ser condesa, aunque tú más me digas. | Tu ne crois donc pas, pauvre pécore, qu′il sera bon de me jeter de tout mon poids dans quelque gouvernement à gros profits qui nous tire les pieds de la boue, et de marier Mari-Sancha selon mon goût ? Tu verras alors comment on t′appellera doña Teresa Panza, gros comme le poing, et comme tu t′assiéras dans l′église sur des tapis et des coussins, en dépit des femmes d′hidalgos du pays. Sinon, restez donc toujours le même être, sans croître ni décroître, comme une figure de tapisserie ! Mais ne parlons plus de cela, et, quoi que tu dises, Sanchica sera comtesse. | -¿Veis cuanto decís, marido? -respondió Teresa-. Pues, con todo eso, temo que este condado de mi hija ha de ser su perdición. Vos haced lo que quisiéredes, ora la hagáis duquesa o princesa, pero séos decir que no será ello con voluntad ni consentimiento mío. Siempre, hermano, fui amiga de la igualdad, y no puedo ver entonos sin fundamentos. Teresa me pusieron en el bautismo, nombre mondo y escueto, sin añadiduras ni cortapisas, ni arrequives de dones ni donas; Cascajo se llamó mi padre, y a mí, por ser vuestra mujer, me llaman Teresa Panza, que a buena razón me habían de llamar Teresa Cascajo. Pero allá van reyes do quieren leyes, y con este nombre me contento, sin que me le pongan un don encima, que pese tanto que no le pueda llevar, y no quiero dar que decir a los que me vieren andar vestida a lo condesil o a lo de gobernadora, que luego dirán: ′′¡Mirad qué entonada va la pazpuerca!; ayer no se hartaba de estirar de un copo de estopa, y iba a misa cubierta la cabeza con la falda de la saya, en lugar de manto, y ya hoy va con verdugado, con broches y con entono, como si no la conociésemos′′. Si Dios me guarda mis siete, o mis cinco sentidos, o los que tengo, no pienso dar ocasión de verme en tal aprieto. Vos, hermano, idos a ser gobierno o ínsulo, y entonaos a vuestro gusto; que mi hija ni yo, por el siglo de mi madre, que no nos hemos de mudar un paso de nuestra aldea: la mujer honrada, la pierna quebrada, y en casa; y la doncella honesta, el hacer algo es su fiesta. Idos con vuestro don Quijote a vuestras aventuras, y dejadnos a nosotras con nuestras malas venturas, que Dios nos las mejorará como seamos buenas; y yo no sé, por cierto, quién le puso a él don, que no tuvieron sus padres ni sus agüelos. |  Voyez-vous bien tout ce que vous dites, mari ? répondit Thérèse. Eh bien ! avec tout cela je tremble que ce comté de ma fille ne soit sa perdition. Faites-en ce que vous voudrez ; faites-la duchesse, faites-la princesse, mais je puis bien dire que ce ne sera pas de mon bon gré, ni de mon consentement. Voyez-vous, frère, j′ai toujours été amie de l′égalité, et je ne puis souffrir la morgue et la suffisance. Thérèse on m′a nommée en me jetant l′eau du baptême ; c′est un nom tout uni, sans allonge et sans broderie ; on appelle mon père Cascajo, et moi, parce que je suis votre femme, Thérèse Panza, et en bonne conscience on devrait m′appeler Thérèse Cascajo ; mais ainsi se font les lois comme le veulent les rois, et je me contente de ce nom, sans qu′on mette un don par-dessus, qui pèserait tant que je ne pourrais le porter. Non, je ne veux pas donner à jaser à ceux qui me verraient passer vêtue en comtesse ou en gouvernante ; ils diraient tout de suite : « Voyez comme elle fait la fière, cette gardeuse de cochons. Hier ça suait à tirer une quenouille d′étoupe, ça s′en allait à la messe la tête couverte du pan de sa jupe en guise de mantille, et aujourd′hui ça se promène avec un vertugadin, avec des agrafes, avec le nez en l′air, comme si nous ne la connaissions pas ! » Oh ! si Dieu me garde mes six ou mes cinq sens, ou le nombre que j′en ai, je ne pense pas me mettre en pareille passe. Vous, frère, allez être gouverneur ou insulaire, et redressez-vous tout à votre aise ; mais ma fille ni moi, par les os de ma mère ! nous ne ferons un pas hors de notre village. La femme de bon renom, jambe cassée et à la maison, et la fille honnête, de travailler se fait fête. Allez avec votre don Quichotte chercher vos aventures, et laissez-nous toutes deux dans nos mésaventures, auxquelles Dieu remédiera, pourvu que nous le méritions ; et par ma foi je ne sais pourquoi il s′est donné le don, quand ne l′avaient ni son père ni ses ax. | -Ahora digo -replicó Sancho- que tienes algún familiar en ese cuerpo. ¡Válate Dios, la mujer, y qué de cosas has ensartado unas en otras, sin tener pies ni cabeza! ¿Qué tiene que ver el Cascajo, los broches, los refranes y el entono con lo que yo digo? Ven acá, mentecata e ignorante (que así te puedo llamar, pues no entiendes mis razones y vas huyendo de la dicha): si yo dijera que mi hija se arrojara de una torre abajo, o que se fuera por esos mundos, como se quiso ir la infanta doña Urraca, tenías razón de no venir con mi gusto; pero si en dos paletas, y en menos de un abrir y cerrar de ojos, te la chanto un don y una señoría a cuestas, y te la saco de los rastrojos, y te la pongo en toldo y en peana, y en un estrado de más almohadas de velludo que tuvieron moros en su linaje los Almohadas de Marruecos, ¿por qué no has de consentir y querer lo que yo quiero. |  À présent, répliqua Sancho, je dis que tu as quelque démon familier dans le corps. Diable soit de la femme ! Combien de choses tu as enfilées l′une au bout de l′autre, qui n′ont ni pieds ni tête ! Qu′est-ce qu′il y a de commun entre le Cascajo, les agrafes, les proverbes, la suffisance et tout ce que j′ai dit ? Viens ici, stupide ignorante (et je peux bien t′appeler ainsi, puisque tu n′entends pas mes raisons, et que tu te sauves du bonheur comme de la peste). Si je te disais que ma fille se jette d′une tour en bas, ou bien qu′elle s′en aille courir le monde comme l′infante doña Urraca , tu aurais raison de ne pas faire à mon goût ; mais si, en moins d′un clin d′œil, je lui flanque un don et une seigneurie sur le dos, et je la tire des chaumes de blé pour la mettre sur une estrade avec plus de coussins de velours qu′il n′y a d′Almohades à Maroc , pourquoi ne veux-tu pas céder et consentir à ce que je veux ? | -¿Sabéis por qué, marido? -respondió Teresa-; por el refrán que dice: "¡Quien te cubre, te descubre!" Por el pobre todos pasan los ojos como de corrida, y en el rico los detienen; y si el tal rico fue un tiempo pobre, allí es el murmurar y el maldecir, y el peor perseverar de los maldicientes, que los hay por esas calles a montones, como enjambres de abejas. |  Savez-vous pourquoi, mari ? répondit Thérèse ; à cause du proverbe : « Qui te couvre te découvre. » Sur le pauvre on jette les yeux en courant, mais sur le riche on les arrête ; et si ce riche a été pauvre dans un temps, alors on commence à murmurer et à médire, et on n′en finit plus, car il y a dans les rues des médisants par tas, comme des essaims d′abeilles. | -Mira, Teresa -respondió Sancho-, y escucha lo que agora quiero decirte; quizá no lo habrás oído en todos los días de tu vida, y yo agora no hablo de mío; que todo lo que pienso decir son sentencias del padre predicador que la Cuaresma pasada predicó en este pueblo, el cual, si mal no me acuerdo, dijo que todas las cosas presentes que los ojos están mirando se presentan, están y asisten en nuestra memoria mucho mejor y con más vehemencia que las cosas pasadas. |  Écoute, Thérèse, reprit Sancho, écoute bien ce que je vais te dire à présent ; peut-être n′auras-tu rien entendu de semblable en tous les jours de ta vie, et prends garde que je ne parle pas de mon cru ; tout ce que je pense dire sont des sentences du père prédicateur qui a prêché le carême dernier dans notre village. Il disait, si je m′en souviens bien, que toutes les choses présentes, celles que nous voyons avec les yeux, s′offrent à l′attention et s′impriment dans la mémoire avec bien plus de force que toutes les choses passées. | (Todas estas razones que aquí va diciendo Sancho son las segundas por quien dice el tradutor que tiene por apócrifo este capítulo, que exceden a la capacidad de Sancho. El cual prosiguió diciendo:. | (Tous ces propos que tient maintenant Sancho sont le second motif qui a fait dire au traducteur que ce chapitre lui semblait apocryphe, parce qu′en effet ils excèdent la capacité de Sancho, lequel continue de la sorte :) | -De donde nace que, cuando vemos alguna persona bien aderezada, y con ricos vestidos compuesta, y con pompa de criados, parece que por fuerza nos mueve y convida a que la tengamos respeto, puesto que la memoria en aquel instante nos represente alguna bajeza en que vimos a la tal persona; la cual inominia, ahora sea de pobreza o de linaje, como ya pasó, no es, y sólo es lo que vemos presente. Y si éste a quien la fortuna sacó del borrador de su bajeza (que por estas mesmas razones lo dijo el padre) a la alteza de su prosperidad, fuere bien criado, liberal y cortés con todos, y no se pusiere en cuentos con aquellos que por antigüedad son nobles, ten por cierto, Teresa, que no habrá quien se acuerde de lo que fue, sino que reverencien lo que es, si no fueren los invidiosos, de quien ninguna próspera fortuna está segura. | De là vient que, lorsque nous voyons quelque personne bien équipée, parée de beaux habits, et entourée d′une pompe de valets, il semble qu′elle nous oblige par force à lui porter respect ; et, bien que la mémoire nous rappelle en cet instant que nous avons connu cette personne en quelque bassesse, soit de naissance, soit de pauvreté, comme c′est passé, ce n′est plus, et il ne reste rien que ce qui est présent. Et si celui qu′a tiré la fortune du fond de sa bassesse (ce sont les propres paroles du père prédicateur), pour le porter au faîte de la prospérité, est affable, courtois et libéral avec tout le monde, et ne se met pas à le disputer à ceux qui sont de noble race, sois assurée, Thérèse, que personne ne se rappellera ce qu′il fut, et que tous respecteront ce qu′il est, à l′exception toutefois des envieux, dont nulle prospérité n′est à l′abri. | -Yo no os entiendo, marido -replicó Teresa-: haced lo que quisiéredes, y no me quebréis más la cabeza con vuestras arengas y retóricas. Y si estáis revuelto en hacer lo que decís. . |  Je ne vous entends pas, mari, répliqua Thérèse ; faites ce que vous voudrez, et ne me rompez plus la tête avec vos harangues et vos rhétoriques, et si vous êtes révolu à faire ce que vous ditesÂ
| -Resuelto has de decir, mujer -dijo Sancho-, y no revuelto. | Â C′est résolu qu′il faut dire, femme, interrompit Sancho, et non révolu. | -No os pongáis a disputar, marido, conmigo -respondió Teresa-. Yo hablo como Dios es servido, y no me meto en más dibujos; y digo que si estáis porfiando en tener gobierno, que llevéis con vos a vuestro hijo Sancho, para que desde agora le enseñéis a tener gobierno, que bien es que los hijos hereden y aprendan los oficios de sus padres. | Â Ne vous mettez pas à disputer avec moi, mari, répondit Thérèse ; je parle comme il plaît à Dieu, et ne me mêle pas d′en savoir davantage. Je dis donc que, si vous tenez à toute force à prendre un gouvernement, vous emmeniez avec vous votre fils Sancho pour lui enseigner à faire le gouvernement dès cette heure, car il est bon que les fils prennent et apprennent l′état de leurs pères. | -En teniendo gobierno -dijo Sancho-, enviaré por él por la posta, y te enviaré dineros, que no me faltarán, pues nunca falta quien se los preste a los gobernadores cuando no los tienen; y vístele de modo que disimule lo que es y parezca lo que ha de ser. | Â Quand j′aurai le gouvernement, dit Sancho, j′enverrai chercher l′enfant par la poste, et je t′enverrai de l′argent, car je n′en manquerai pas, puisque les gouverneurs trouvent toujours quelqu′un qui leur en prête quand ils n′en ont point ; et ne manque pas de bien habiller l′enfant, pour qu′il cache ce qu′il est et paraisse ce qu′il doit être. | -Enviad vos dinero -dijo Teresa-, que yo os lo vistiré como un palmito. | Â Envoyez de l′argent, reprit Thérèse, et je vous l′habillerai comme un petit ange. | -En efecto, quedamos de acuerdo -dijo Sancho- de que ha de ser condesa nuestra hija. | Â Enfin, dit Sancho, nous demeurons d′accord que notre fille sera comtesse. | -El día que yo la viere condesa -respondió Teresa-, ése haré cuenta que la entierro, pero otra vez os digo que hagáis lo que os diere gusto, que con esta carga nacemos las mujeres, de estar obedientes a sus maridos, aunque sean unos porros. | Â Le jour où je la verrai comtesse, répondit Thérèse, je compterai que je la porte en terre. Mais, je le répète encore, faites ce qui vous fera plaisir, puisque, nous autres femmes, nous naissons avec la charge d′être obéissantes à nos maris, quand même ce seraient de lourdes bêtes. » | Y, en esto, comenzó a llorar tan de veras como si ya viera muerta y enterrada a Sanchica. Sancho la consoló diciéndole que, ya que la hubiese de hacer condesa, la haría todo lo más tarde que ser pudiese. Con esto se acabó su plática, y Sancho volvió a ver a don Quijote para dar orden en su partida. | Et là-dessus elle se mit à pleurer tout de bon, comme si elle eût vu Sanchica morte et enterrée. Sancho, pour la consoler, lui dit que, tout en faisant la petite fille comtesse, il tâcherait que ce fût le plus tard possible. Ainsi finit la conversation, et Sancho retourna chez don Quichotte pour mettre ordre à leur départ.
| II. Capítulo VI. De lo que le pasó a Don Quijote con su sobrina y con su ama, y es uno de los importantes capítulos de toda la historia. | Chapitre VI Qui traite de ce qui arriva à don Quichotte avec sa nièce et sa gouvernante, ce qui est l′un des plus importants chapitres de l′histoire En tanto que Sancho Panza y su mujer Teresa Cascajo pasaron la impertinente referida plática, no estaban ociosas la sobrina y el ama de don Quijote, que por mil señales iban coligiendo que su tío y señor quería desgarrarse la vez tercera, y volver al ejercicio de su, para ellas, mal andante caballería: procuraban por todas las vías posibles apartarle de tan mal pensamiento, pero todo era predicar en desierto y majar en hierro frío. Con todo esto, entre otras muchas razones que con él pasaron, le dijo el ama. | Tandis que Sancho Panza et sa femme Thérèse Cascajo avaient entre eux l′impertinente conversation rapportée dans le chapitre précédent, la nièce et la gouvernante de don Quichotte ne restaient pas oisives, car elles reconnaissaient à mille signes divers que leur oncle et seigneur voulait leur échapper une troisième fois, et reprendre l′exercice de sa malencontreuse chevalerie errante. Elles essayaient par tous les moyens possibles de le détourner d′une si mauvaise pensée ; mais elles ne faisaient que prêcher dans le désert, et battre le fer à froid. Parmi plusieurs autres propos qu′elles lui tinrent à ce sujet, la gouvernante lui dit ce jour-là : | -En verdad, señor mío, que si vuesa merced no afirma el pie llano y se está quedo en su casa, y se deja de andar por los montes y por los valles como ánima en pena, buscando esas que dicen que se llaman aventuras, a quien yo llamo desdichas, que me tengo de quejar en voz y en grita a Dios y al rey, que pongan remedio en ello. | « En vérité, mon seigneur, si Votre Grâce ne se cloue pas le pied dans sa maison, et ne cesse enfin de courir par monts et par vaux, comme une âme en peine, cherchant ce que vous appelez des aventures et ce que j′appelle des malencontres, j′irai me plaindre, à cor et à cri, devant Dieu et devant le roi, pour qu′ils y portent remède. » | A lo que respondió don Quijote. | Don Quichotte lui répondit : | -Ama, lo que Dios responderá a tus quejas yo no lo sé, ni lo que ha de responder Su Majestad tampoco, y sólo sé que si yo fuera rey, me escusara de responder a tanta infinidad de memoriales impertinentes como cada día le dan; que uno de los mayores trabajos que los reyes tienen, entre otros muchos, es el estar obligados a escuchar a todos y a responder a todos; y así, no querría yo que cosas mías le diesen pesadumbre. | « Je ne sais trop, ma bonne, ce que Dieu répondra à tes plaintes, et guère mieux ce qu′y répondra Sa Majesté. Mais je sais bien que, si j′étais le roi, je me dispenserais de répondre à une infinité de requêtes impertinentes comme celles qu′on lui adresse. Une des plus pénibles besognes qu′aient les rois, parmi beaucoup d′autres, c′est d′être obligés d′écouter tout le monde et de répondre à tout le monde ; aussi ne voudrais-je pas que mes affaires lui causassent le moindre ennui. | A lo que dijo el ama. | Â Dites-nous, seigneur, reprit la gouvernante, | -Díganos, señor: en la corte de Su Majestad, ¿no hay caballeros. | est-ce que dans la cour du roi il n′y a pas de chevaliers ? | -Sí -respondió don Quijote-, y muchos; y es razón que los haya, para adorno de la grandeza de los príncipes y para ostentación de la majestad real. | Â Si, répondit don Quichotte, et beaucoup ; il est juste qu′il y en ait pour soutenir la grandeur du trône et pour relever dignement la majesté royale. | -Pues, ¿no sería vuesa merced -replicó ella- uno de los que a pie quedo sirviesen a su rey y señor, estándose en la corte. | Â Eh bien, reprit-elle, pourquoi ne seriez-vous pas un de ces chevaliers qui, sans tourner les talons, servent dans sa cour leur roi et seigneur ? | -Mira, amiga -respondió don Quijote-: no todos los caballeros pueden ser cortesanos, ni todos los cortesanos pueden ni deben ser caballeros andantes: de todos ha de haber en el mundo; y, aunque todos seamos caballeros, va mucha diferencia de los unos a los otros; porque los cortesanos, sin salir de sus aposentos ni de los umbrales de la corte, se pasean por todo el mundo, mirando un mapa, sin costarles blanca, ni padecer calor ni frío, hambre ni sed; pero nosotros, los caballeros andantes verdaderos, al sol, al frío, al aire, a las inclemencias del cielo, de noche y de día, a pie y a caballo, medimos toda la tierra con nuestros mismos pies; y no solamente conocemos los enemigos pintados, sino en su mismo ser, y en todo trance y en toda ocasión los acometemos, sin mirar en niñerías, ni en las leyes de los desafíos; si lleva, o no lleva, más corta la lanza, o la espada; si trae sobre sí reliquias, o algún engaño encubierto; si se ha de partir y hacer tajadas el sol, o no, con otras ceremonias deste jaez, que se usan en los desafíos particulares de persona a persona, que tú no sabes y yo sí. Y has de saber más: que el buen caballero andante, aunque vea diez gigantes que con las cabezas no sólo tocan, sino pasan las nubes, y que a cada uno le sirven de piernas dos grandísimas torres, y que los brazos semejan árboles de gruesos y poderosos navíos, y cada ojo como una gran rueda de molino y más ardiendo que un horno de vidrio, no le han de espantar en manera alguna; antes con gentil continente y con intrépido corazón los ha de acometer y embestir, y, si fuere posible, vencerlos y desbaratarlos en un pequeño instante, aunque viniesen armados de unas conchas de un cierto pescado que dicen que son más duras que si fuesen de diamantes, y en lugar de espadas trujesen cuchillos tajantes de damasquino acero, o porras ferradas con puntas asimismo de acero, como yo las he visto más de dos veces. Todo esto he dicho, ama mía, porque veas la diferencia que hay de unos caballeros a otros; y sería razón que no hubiese príncipe que no estimase en más esta segunda, o, por mejor decir, primera especie de caballeros andantes, que, según leemos en sus historias, tal ha habido entre ellos que ha sido la salud no sólo de un reino, sino de muchos. | Â Fais attention, ma mie, répliqua don Quichotte, que tous les chevaliers ne peuvent pas être courtisans, et que tous les courtisans ne doivent pas davantage être chevaliers errants. Il faut qu′il y ait de tout dans le monde ; et, quoique nous soyons tous également chevaliers, il y a bien de la différence entre les uns et les autres. Les courtisans, en effet, n′ont que faire de quitter leurs appartements ni de franchir le seuil du palais ; ils se promènent par le monde entier en regardant une carte géographique, sans dépenser une obole, sans souffrir le froid et le chaud, la soif et la faim. Mais nous, chevaliers errants et véritables, c′est au soleil, au froid, à l′air, sous toutes les inclémences du ciel, de nuit et de jour, à pied et à cheval, que nous mesurons la terre entière avec le propre compas de nos pieds. Non-seulement nous connaissons les ennemis en peinture, mais en chair et en os. À tout risque, en toute occasion, nous les attaquons sans regarder à des enfantillages, sans consulter toutes ces lois du duel, à savoir : si l′ennemi porte la lance ou l′épée trop longue, s′il a sur lui quelque relique, quelque talisman, quelque supercherie cachée, s′il faut partager le soleil par tranches, et d′autres cérémonies de la même espèce, qui sont en usage dans les duels particuliers de personne à personne, toutes choses que tu ne connais pas, mais que je connais fort bien. Il faut encore que je t′apprenne autre chose ; c′est que le bon chevalier errant ne doit jamais avoir peur, verrait-il devant lui dix géants dont les têtes non-seulement toucheraient, mais dépasseraient les nuages, qui auraient pour jambes deux grandes tours, pour bras des mâts de puissants navires, dont chaque œil serait gros comme une grande meule de moulin et plus ardent qu′un four de vitrier. Au contraire, il doit, d′une contenance dégagée et d′un cœur intrépide, les attaquer incontinent, les vaincre, les tailler en pièces ; et cela dans un petit instant, et quand même ils auraient pour armure des écailles d′un certain poisson qu′on dit plus dures que le diamant, et, au lieu d′épées, des cimeterres de Damas, ou des massues ferrées avec des pointes d′acier, comme j′en ai vu plus de deux fois. Tout ce que je viens de dire, ma chère amie, c′est pour que tu voies la différence qu′il y a des uns aux autres de ces chevaliers. Serait-il raisonnable qu′il y eût prince au monde qui n′estimât pas davantage cette seconde, ou pour mieux dire cette première espèce, celle des chevaliers errants, parmi lesquels, à ce que nous lisons dans leurs histoires, tel s′est trouvé qui a été le salut, non d′un royaume, mais de plusieurs ? | -¡Ah, señor mío! -dijo a esta sazón la sobrina-; advierta vuestra merced que todo eso que dice de los caballeros andantes es fábula y mentira, y sus historias, ya que no las quemasen, merecían que a cada una se le echase un sambenito, o alguna señal en que fuese conocida por infame y por gastadora de las buenas costumbres. | Â Ah ! mon bon seigneur, repartit la nièce, faites donc attention que tout ce que vous dites des chevaliers errants n′est que fable et mensonge. Leurs histoires mériteraient, si elles n′étaient toutes brûlées vives, qu′on leur mît à chacune un sanbenito ou quelque autre signe qui les fît reconnaître pour infâmes et corruptrices des bonnes mœurs. | -Por el Dios que me sustenta -dijo don Quijote-, que si no fueras mi sobrina derechamente, como hija de mi misma hermana, que había de hacer un tal castigo en ti, por la blasfemia que has dicho, que sonara por todo el mundo. ¿Cómo que es posible que una rapaza que apenas sabe menear doce palillos de randas se atreva a poner lengua y a censurar las historias de los caballeros andantes? ¿Qué dijera el señor Amadís si lo tal oyera? Pero a buen seguro que él te perdonara, porque fue el más humilde y cortés caballero de su tiempo, y, demás, grande amparador de las doncellas; mas, tal te pudiera haber oído que no te fuera bien dello, que no todos son corteses ni bien mirados: algunos hay follones y descomedidos. Ni todos los que se llaman caballeros lo son de todo en todo: que unos son de oro, otros de alquimia, y todos parecen caballeros, pero no todos pueden estar al toque de la piedra de la verdad. Hombres bajos hay que revientan por parecer caballeros, y caballeros altos hay que parece que aposta mueren por parecer hombres bajos; aquéllos se llevantan o con la ambición o con la virtud, éstos se abajan o con la flojedad o con el vicio; y es menester aprovecharnos del conocimiento discreto para distinguir estas dos maneras de caballeros, tan parecidos en los nombres y tan distantes en las acciones. | Â Par le Dieu vivant qui nous alimente, s′écria don Quichotte, si tu n′étais directement ma nièce, comme fille de ma propre sœur, je t′infligerais un tel châtiment, pour le blasphème que tu viens de dire, qu′il retentirait dans le monde entier. Comment ! est-il possible qu′une petite morveuse, qui sait à peine manier douze fuseaux à faire le filet, ait l′audace de porter la langue sur les histoires des chevaliers errants ? Que dirait le grand Amadis s′il entendait semblable chose ! Mais, au reste, non, il te pardonnerait, parce qu′il fut le plus humble et le plus courtois chevalier de son temps, et, de plus, grand protecteur de jeunes filles. Mais tel autre pourrait t′avoir entendue, qui t′en ferait repentir ; car ils ne sont pas tous polis et bien élevés ; il y en a d′insolents et de félons ; et tous ceux qui se nomment chevaliers ne le sont pas complètement de corps et d′âme ; les uns sont d′or pur, les autres d′alliage, et, bien qu′ils semblent tous chevaliers, ils ne sont pas tous à l′épreuve de la pierre de touche de la vérité. Il y a des gens de bas étage qui s′enflent à crever pour paraître chevaliers, et de hauts chevaliers qui suent sang et eau pour paraître gens de bas étage. Ceux-là s′élèvent, ou par l′ambition ou par la vertu ; ceux-ci s′abaissent, ou par la mollesse ou par le vice. Il faut faire usage d′un talent très-fin d′observation pour distinguer entre ces deux espèces de chevaliers, si semblables par le nom, si différents par les actes. | -¡Válame Dios! -dijo la sobrina-. ¡Que sepa vuestra merced tanto, señor tío, que, si fuese menester en una necesidad, podría subir en un púlpito e irse a predicar por esas calles, y que, con todo esto, dé en una ceguera tan grande y en una sandez tan conocida, que se dé a entender que es valiente, siendo viejo, que tiene fuerzas, estando enfermo, y que endereza tuertos, estando por la edad agobiado, y, sobre todo, que es caballero, no lo siendo; porque, aunque lo puedan ser los hidalgos, no lo son los pobres! . | Â Sainte Vierge ! s′écria la nièce, vous en savez si long, seigneur oncle, que, s′il en était besoin, vous pourriez monter en chaire, ou vous mettre à prêcher dans les rues ; et pourtant, vous donnez dans un tel aveuglement, dans une folie si manifeste, que vous vous imaginez être vaillant étant vieux, avoir des forces étant malade, redresser des torts étant plié par l′âge, et surtout être chevalier ne l′étant pas ; car, bien que les hidalgos puissent le devenir, ce n′est pas quand ils sont pauvres. | -Tienes mucha razón, sobrina, en lo que dices -respondió don Quijote-, y cosas te pudiera yo decir cerca de los linajes, que te admiraran; pero, por no mezclar lo divino con lo humano, no las digo. Mirad, amigas: a cuatro suertes de linajes, y estadme atentas, se pueden reducir todos los que hay en el mundo, que son éstas: unos, que tuvieron principios humildes, y se fueron estendiendo y dilatando hasta llegar a una suma grandeza; otros, que tuvieron principios grandes, y los fueron conservando y los conservan y mantienen en el ser que comenzaron; otros, que, aunque tuvieron principios grandes, acabaron en punta, como pirámide, habiendo diminuido y aniquilado su principio hasta parar en nonada, como lo es la punta de la pirámide, que respeto de su basa o asiento no es nada; otros hay, y éstos son los más, que ni tuvieron principio bueno ni razonable medio, y así tendrán el fin, sin nombre, como el linaje de la gente plebeya y ordinaria. De los primeros, que tuvieron principio humilde y subieron a la grandeza que agora conservan, te sirva de ejemplo la Casa Otomana, que, de un humilde y bajo pastor que le dio principio, está en la cumbre que le vemos. Del segundo linaje, que tuvo principio en grandeza y la conserva sin aumentarla, serán ejemplo muchos príncipes que por herencia lo son, y se conservan en ella, sin aumentarla ni diminuirla, conteniéndose en los límites de sus estados pacíficamente. De los que comenzaron grandes y acabaron en punta hay millares de ejemplos, porque todos los Faraones y Tolomeos de Egipto, los Césares de Roma, con toda la caterva, si es que se le puede dar este nombre, de infinitos príncipes, monarcas, señores, medos, asirios, persas, griegos y bárbaros, todos estos linajes y señoríos han acabado en punta y en nonada, así ellos como los que les dieron principio, pues no será posible hallar agora ninguno de sus decendientes, y si le hallásemos, sería en bajo y humilde estado. Del linaje plebeyo no tengo qué decir, sino que sirve sólo de acrecentar el número de los que viven, sin que merezcan otra fama ni otro elogio sus grandezas. De todo lo dicho quiero que infiráis, bobas mías, que es grande la confusión que hay entre los linajes, y que solos aquéllos parecen grandes y ilustres que lo muestran en la virtud, y en la riqueza y liberalidad de sus dueños. Dije virtudes, riquezas y liberalidades, porque el grande que fuere vicioso será vicioso grande, y el rico no liberal será un avaro mendigo; que al poseedor de las riquezas no le hace dichoso el tenerlas, sino el gastarlas, y no el gastarlas comoquiera, sino el saberlas bien gastar. Al caballero pobre no le queda otro camino para mostrar que es caballero sino el de la virtud, siendo afable, bien criado, cortés y comedido, y oficioso; no soberbio, no arrogante, no murmurador, y, sobre todo, caritativo; que con dos maravedís que con ánimo alegre dé al pobre se mostrará tan liberal como el que a campana herida da limosna, y no habrá quien le vea adornado de las referidas virtudes que, aunque no le conozca, deje de juzgarle y tenerle por de buena casta, y el no serlo sería milagro; y siempre la alabanza fue premio de la virtud, y los virtuosos no pueden dejar de ser alabados. Dos caminos hay, hijas, por donde pueden ir los hombres a llegar a ser ricos y honrados: el uno es el de las letras; otro, el de las armas. Yo tengo más armas que letras, y nací, según me inclino a las armas, debajo de la influencia del planeta Marte; así que, casi me es forzoso seguir por su camino, y por él tengo de ir a pesar de todo el mundo, y será en balde cansaros en persuadirme a que no quiera yo lo que los cielos quieren, la fortuna ordena y la razón pide, y, sobre todo, mi voluntad desea. Pues con saber, como sé, los innumerables trabajos que son anejos al andante caballería, sé también los infinitos bienes que se alcanzan con ella; y sé que la senda de la virtud es muy estrecha, y el camino del vicio, ancho y espacioso; y sé que sus fines y paraderos son diferentes, porque el del vicio, dilatado y espacioso, acaba en la muerte, y el de la virtud, angosto y trabajoso, acaba en vida, y no en vida que se acaba, sino en la que no tendrá fin; y sé, como dice el gran poeta castellano nuestro, que. | Â Tu as grande raison, nièce, en tout ce que tu viens de dire, répondit don Quichotte, et je pourrais, sur ce sujet de la naissance, te dire des choses qui t′étonneraient bien ; mais, pour ne pas mêler le divin au terrestre, je m′en abstiens. Écoutez, mes chères amies, et prêtez-moi toute votre attention. On peut réduire à quatre espèces toutes les races et familles qu′il y a dans le monde ; les unes, parties d′un humble commencement, se sont étendues et agrandies jusqu′à atteindre une élévation extrême ; d′autres, qui ont eu un commencement illustre, se sont conservées et se maintiennent dans leur état originaire ; d′autres, quoique ayant eu aussi de grands commencements, ont fini en pointe, comme une pyramide, c′est-à-dire se sont diminuées et rapetissées jusqu′au néant, comme est, à l′égard de sa base, la pointe d′une pyramide ; d′autres enfin, et ce sont les plus nombreuses, qui n′ont eu ni commencement illustre ni milieu raisonnable, auront une fin sans nom, comme sont les familles des plébéiens et des gens ordinaires. Des premières, qui eurent un humble commencement et montèrent à la grandeur qu′elles conservent encore, je puis donner pour exemple la maison ottomane, laquelle, partie de la bassesse d′un humble berger< , s′est élevée au faîte où nous la voyons aujourd′hui. De la seconde espèce de familles, celles qui commencèrent dans la grandeur et qui la conservent sans l′augmenter, on trouvera l′exemple chez un grand nombre de princes, qui le sont par hérédité, et se maintiennent au même point, en se contenant pacifiquement dans les limites de leurs États. De celles qui commencèrent grandes et larges pour finir en pointe, il y a des milliers d′exemples, car tous les Pharaons et Ptolémées d′Égypte, les Césars de Rome, et toute cette multitude infinie de princes et de monarques, mèdes, assyriens, perses, grecs et barbares, toutes ces familles royales et seigneuriales ont fini en pointe et en néant, à tel point qu′il serait impossible de retrouver un seul de leurs descendants à cette heure, à moins que ce ne fût dans un état obscur et misérable. Des familles plébéiennes, je n′ai rien à dire, sinon qu′elles servent seulement à augmenter le nombre des gens qui vivent , sans mériter d′autre renommée ni d′autre éloge des grandeurs qui leur manquent. De tout ce que j′ai dit, je veux vous faire conclure, mes pauvres bonnes filles, que la confusion est grande entre les familles et les races, et que celles-là seulement paraissent grandes, illustres, qui se montrent ainsi par la vertu, la richesse et la libéralité de leurs membres. J′ai dit la vertu, la richesse et la libéralité, parce que le grand adonné au vice sera un grand vicieux, et le riche sans libéralité un mendiant avare ; en effet, le possesseur des richesses ne se rend pas heureux de les avoir, mais de les dépenser, et non de les dépenser à tout propos, mais de savoir en faire bon emploi. Il ne reste au chevalier pauvre d′autre chemin pour montrer qu′il est chevalier que celui de la vertu ; qu′il soit affable, poli, bien élevé, serviable, jamais orgueilleux, jamais arrogant, jamais détracteur ; qu′il soit surtout charitable, car, avec deux maravédis qu′il donnera au pauvre d′un cœur joyeux, il se montrera aussi libéral que celui qui fait l′aumône à son de cloches ; et personne ne le verra orné de ces vertus, que, même connaissant sa détresse, il ne le juge et ne le tienne pour homme de noble sang. Ce serait un miracle qu′il ne le fût pas ; et, comme la louange a toujours été le prix de la vertu, les hommes vertueux ne peuvent manquer d′être loués de chacun. Il y a deux chemins, mes filles, que peuvent prendre les hommes pour devenir riches et honorés ; l′un est celui des lettres, l′autre est celui des armes. Je suis plus versé dans les armes que dans les lettres, et je suis né, selon l′inclination que je me sens, sous l′influence de la planète Mars. Il m′est donc obligatoire de suivre ce chemin, et je dois le prendre en dépit de tout le monde ; c′est en vain que vous vous fatigueriez à me persuader de ne pas vouloir ce que veulent les cieux, ce qu′a réglé la fortune, ce qu′exige la raison, et surtout ce que désire ma volonté ; car, sachant, comme je le sais, quels innombrables travaux sont attachés à la chevalerie errante, je sais également quels biens infinis on obtient par elle. Je sais que le sentier de la vertu est étroit, que le chemin du vice est large et spacieux. Je sais qu′ils aboutissent à des termes qui sont bien différents, car le large chemin du vice finit par la mort, et l′étroit sentier de la vertu finit par la vie, non pas une vie qui finisse elle-même, mais celle qui n′aura pas de fin. Je sais enfin, comme a dit notre grand poëte castillan , que | Por estas asperezas se camina de la inmortalidad al alto asiento, do nunca arriba quien de allí declina. | « c′est par ces âpres chemins qu′on monte au trône élevé de l′immortalité, d′où jamais on ne redescend. » | -¡Ay, desdichada de mí -dijo la sobrina-, que también mi señor es poeta!. Todo lo sabe, todo lo alcanza: yo apostaré que si quisiera ser albañil, que supiera fabricar una casa como una jaula. | Â Ah ! malheureuse que je suis ! s′écria la nièce ; quoi ! mon seigneur est poëte aussi ? Il sait tout, il est bon à tout. Je gage que, s′il voulait se faire maçon, il saurait construire une maison comme une cage. | Yo te prometo, sobrina -respondió don Quijote-, que si estos pensamientos caballerescos no me llevasen tras sí todos los sentidos, que no habría cosa que yo no hiciese, ni curiosidad que no saliese de mis manos, especialmente jaulas y palillos de dientes. | Â Je t′assure, nièce, répondit don Quichotte, que, si ces pensées chevaleresques n′absorbaient pas mes cinq sens, il n′y aurait chose que je ne fisse, ni curiosité qui ne sortît de mes mains ; principalement des cages d′oiseaux et des cure-dents. » | A este tiempo, llamaron a la puerta, y, preguntando quién llamaba, respondió Sancho Panza que él era; y, apenas le hubo conocido el ama, cuando corrió a esconderse por no verle: tanto le aborrecía. Abrióle la sobrina, salió a recebirle con los brazos abiertos su señor don Quijote, y encerráronse los dos en su aposento, donde tuvieron otro coloquio, que no le hace ventaja el pasado. | En ce moment on entendit frapper à la porte, et l′une des femmes ayant demandé qui frappait, Sancho Panza répondit : « C′est moi. » À peine la gouvernante eut-elle reconnu sa voix, qu′elle courut se cacher pour ne pas le voir, tant elle le détestait. La nièce lui ouvrit ; son seigneur don Quichotte alla le recevoir les bras ouverts, et revint s′enfermer avec lui dans sa chambre, où ils eurent un entretien qui ne le cède pas au précédent.
| II. Capítulo VII. De lo que pasó don Quijote con su escudero, con otros sucesos famosísimos. | Chapitre VII De ce que traita don Quichotte avec son écuyer, ainsi que d′autres événements fameux Apenas vio el ama que Sancho Panza se encerraba con su señor, cuando dio en la cuenta de sus tratos; y, imaginando que de aquella consulta había de salir la resolución de su tercera salida y tomando su manto, toda llena de congoja y pesadumbre, se fue a buscar al bachiller Sansón Carrasco, pareciéndole que, por ser bien hablado y amigo fresco de su señor, le podría persuadir a que dejase tan desvariado propósito. | À peine la gouvernante eut-elle vu Sancho Panza s′enfermer avec son seigneur, qu′elle devina l′objet de leurs menées. S′imaginant que de cette conférence devait sortir la résolution de leur troisième sortie, elle prit sa mante, et courut, toute pleine de trouble et de chagrin, chercher le bachelier Samson Carrasco, parce qu′il lui sembla qu′étant beau parleur et tout fraîchement ami de son maître, il pourrait mieux que personne lui persuader de laisser là un projet si insensé. | Hallóle paseándose por el patio de su casa, y, viéndole, se dejó caer ante sus pies, trasudando y congojosa. Cuando la vio Carrasco con muestras tan doloridas y sobresaltadas, le dijo: | Elle le trouva qui se promenait dans la cour de sa maison, et, dès qu′elle l′aperçut, elle se laissa tomber à ses pieds, haletante et désolée. Quand le bachelier vit de si grandes marques de trouble et de désespoir : | -¿Qué es esto, señora ama? ¿Qué le ha acontecido, que parece que se le quiere arrancar el alma. | « Qu′avez-vous, dame gouvernante ? s′écria-t-il ; qu′est-il arrivé ? On dirait que vous vous sentez arracher l′âme. | -No es nada, señor Sansón mío, sino que mi amo se sale; ¡sálese sin duda. | Â Ce n′est rien, mon bon seigneur Samson, dit-elle, sinon que mon maître fuit, il fuit sans aucun doute. | -Y ¿por dónde se sale, señora? -preguntó Sansón-. ¿Hásele roto alguna parte de su cuerpo. | Â Et par où fuit-il, madame ? demanda Samson. S′est-il ouvert quelque partie du corps ? | -No se sale -respondió ella-, sino por la puerta de su locura. Quiero decir, señor bachiller de mi ánima, que quiere salir otra vez, que con ésta será la tercera, a buscar por ese mundo lo que él llama venturas, que yo no puedo entender cómo les da este nombre. La vez primera nos le volvieron atravesado sobre un jumento, molido a palos. La segunda vino en un carro de bueyes, metido y encerrado en una jaula, adonde él se daba a entender que estaba encantado; y venía tal el triste, que no le conociera la madre que le parió: flaco, amarillo, los ojos hundidos en los últimos camaranchones del celebro, que, para haberle de volver algún tanto en sí, gasté más de seiscientos huevos, como lo sabe Dios y todo el mundo, y mis gallinas, que no me dejaran mentir. | Â Il fuit, répondit-elle, par la porte de sa folie ; je veux dire, seigneur bachelier de mon âme, qu′il veut décamper une autre fois, ce qui fera la troisième, pour chercher par le monde ce qu′il appelle de bonnes aventures, et je ne sais vraiment comment il peut les nommer ainsi. La première fois, on nous l′a ramené posé en travers sur un âne, et tout moulu de coups. La seconde fois, il nous est revenu sur une charrette à bœufs, enfermé dans une cage, où il s′imaginait qu′il était enchanté. Il rentrait, le malheureux, dans un tel état, qu′il n′aurait pas été reconnu de la mère qui l′a mis au monde, sec, jaune, les yeux enfoncés jusqu′au fin fond de la cervelle, si bien que pour le faire un peu revenir, il m′en a coûté plus de cinquante douzaines d′œufs, comme Dieu le sait, aussi bien que tout le monde, et surtout mes poules qui ne me laisseront pas mentir. | -Eso creo yo muy bien -respondió el bachiller-; que ellas son tan buenas, tan gordas y tan bien criadas, que no dirán una cosa por otra, si reventasen. En efecto, señora ama: ¿no hay otra cosa, ni ha sucedido otro desmán alguno, sino el que se teme que quiere hacer el señor don Quijote. | Â Oh ! cela, je le crois bien, répondit le bachelier, car elles sont si bonnes, si dodues et si bien élevées, qu′elles ne diraient pas une chose pour une autre, dussent-elles en crever. Enfin, dame gouvernante, il n′y a rien de plus, et il n′est pas arrivé d′autre malheur que celui que vous craignez pour le seigneur don Quichotte ? | -No, señor -respondió ella. | Â Non, seigneur, répliqua-t-elle. | -Pues no tenga pena -respondió el bachiller-, sino váyase en hora buena a su casa, y téngame aderezado de almorzar alguna cosa caliente, y, de camino, vaya rezando la oración de Santa Apolonia si es que la sabe, que yo iré luego allá, y verá maravillas. | Â Eh bien ! ne vous mettez pas en peine, repartit le bachelier ; mais retournez paisiblement chez vous, préparez-m′y quelque chose de chaud pour déjeuner, et, chemin faisant, récitez l′oraison de sainte Apolline, si vous la savez ; je vous suivrai de près, et vous verrez merveille. | -¡Cuitada de mí! -replicó el ama-; ¿la oración de Santa Apolonia dice vuestra merced que rece?: eso fuera si mi amo lo hubiera de las muelas, pero no lo ha sino de los cascos. | Â Jésus Maria ! répliqua la gouvernante, vous dites que je récite l′oraison de sainte Apolline ? ce serait bon si mon maître avait le mal de dents, mais il n′est pris que de la cervelle. | -Yo sé lo que digo, señora ama: váyase y no se ponga a disputar conmigo, pues sabe que soy bachiller por Salamanca, que no hay más que bachillear -respondió Carrasco. | Â Je sais ce que je dis, dame gouvernante, répondit Carrasco ; allez, allez, et ne vous mettez pas à disputer avec moi, puisque vous savez que je suis bachelier par l′université de Salamanque. » | Y con esto, se fue el ama, y el bachiller fue luego a buscar al cura, a comunicar con él lo que se dirá a su tiempo. | Là-dessus la gouvernante s′en retourna, et le bachelier alla sur-le-champ trouver le curé pour comploter avec lui ce qui se dira dans son temps. | En el que estuvieron encerrados don Quijote y Sancho, pasaron las razones que con mucha puntualidad y verdadera relación cuenta la historia. | Pendant celui que demeurèrent enfermés don Quichotte et Sancho, ils eurent l′entretien suivant, dont l′histoire fait, avec toute ponctualité, une relation véridique. | Dijo Sancho a su amo: | Sancho dit à son maître : | -Señor, ya yo tengo relucida a mi mujer a que me deje ir con vuestra merced adonde quisiere llevarme. | « Seigneur, je tiens enfin ma femme réluite à ce qu′elle me laisse aller avec Votre Grâce où il vous plaira de m′emmener. | -Reducida has de decir, Sancho -dijo don Quijote-, que no relucida. | Â Réduite, il faut dire, Sancho, dit don Quichotte, et non réluite. | -Una o dos veces -respondió Sancho-, si mal no me acuerdo, he suplicado a vuestra merced que no me emiende los vocablos, si es que entiende lo que quiero decir en ellos, y que, cuando no los entienda, diga: ′′Sancho, o diablo, no te entiendo′′; y si yo no me declarare, entonces podrá emendarme; que yo soy tan fócil. . | Â Deux ou trois fois, si je m′en souviens bien, reprit Sancho, j′ai supplié Votre Grâce de ne pas me reprendre les paroles, si vous entendez ce que je veux dire avec elles, et si vous ne m′entendez pas, de dire : « Sancho, ou Diable, parle autrement, je ne t′entends pas. » Et alors, si je ne m′explique pas clairement, vous pourrez me reprendre, car je suis très-fossile. | -No te entiendo, Sancho -dijo luego don Quijote-, pues no sé qué quiere decir soy tan fócil. | Â Eh bien ! je ne t′entends pas, Sancho, dit aussitôt don Quichotte, car je ne sais ce que veut dire : « Je suis très-fossile. » | -Tan fócil quiere decir -respondió Sancho- soy tan así. | Â Très-fossile veut dire, reprit Sancho, que je suis trèsÂ
comme ça. | -Menos te entiendo agora -replicó don Quijote. |  Je t′entends encore moins maintenant, répliqua don Quichotte. | -Pues si no me puede entender -respondió Sancho-, no sé cómo lo diga: no sé más, y Dios sea conmigo. |  Ma foi, si vous ne pouvez m′entendre, dit Sancho, je ne sais comment le dire ; c′est tout ce que je sais, et que Dieu m′assiste. | -Ya, ya caigo -respondió don Quijote- en ello: tú quieres decir que eres tan dócil, blando y mañero que tomarás lo que yo te dijere, y pasarás por lo que te enseñare. |  J′y suis, j′y suis, reprit don Quichotte ; tu veux dire que tu es très-docile, que tu es si doux, si maniable, que tu prendras l′avis que je te donnerai, et feras comme je t′enseignerai. | -Apostaré yo -dijo Sancho- que desde el emprincipio me caló y me entendió, sino que quiso turbarme por oírme decir otras docientas patochadas. |  Je parie, s′écria Sancho, que dès l′abord vous m′avez saisi et compris, mais que vous vouliez me troubler pour me faire dire deux cents balourdises. | -Podrá ser -replicó don Quijote-. Y, en efecto, ¿qué dice Teresa. |  Cela pourrait bien être, répondit don Quichotte ; mais en définitive, que dit Thérèse ? | -Teresa dice -dijo Sancho- que ate bien mi dedo con vuestra merced, y que hablen cartas y callen barbas, porque quien destaja no baraja, pues más vale un toma que dos te daré. Y yo digo que el consejo de la mujer es poco, y el que no le toma es loco. |  Thérèse dit, répliqua Sancho, que je lie bien mon doigt avec le vôtre, et puis, que le papier parle et que la langue se taise, car ce qui s′attache bien se détache bien, et qu′un bon tiens vaut mieux que deux tu l′auras. Et moi je dis que, si le conseil de la femme n′est pas beaucoup, celui qui ne le prend pas est un fou. | -Y yo lo digo también -respondió don Quijote-. Decid, Sancho amigo; pasá adelante, que habláis hoy de perlas. |  C′est ce que je dis également, répondit don Quichotte ; allons, ami Sancho, continuez ; vous parlez d′or aujourd′hui. | -Es el caso -replicó Sancho- que, como vuestra merced mejor sabe, todos estamos sujetos a la muerte, y que hoy somos y mañana no, y que tan presto se va el cordero como el carnero, y que nadie puede prometerse en este mundo más horas de vida de las que Dios quisiere darle, porque la muerte es sorda, y, cuando llega a llamar a las puertas de nuestra vida, siempre va depriesa y no la harán detener ni ruegos, ni fuerzas, ni ceptros, ni mitras, según es pública voz y fama, y según nos lo dicen por esos púlpitos. |  Le cas est, reprit Sancho, et Votre Grâce le sait mieux que moi, que nous sommes tous sujets à la mort, qu′aujourd′hui nous vivons et demain plus, que l′agneau s′en va aussi vite que le mouton, et que personne ne peut se promettre en ce monde plus d′heures de vie que Dieu ne veut bien lui en accorder ; car la mort est sourde, et, quand elle vient frapper aux portes de notre vie, elle est toujours pressée, et rien ne peut la retenir, ni prières, ni violences, ni sceptres, ni mitres, selon le bruit qui court et suivant qu′on nous le dit du haut de la chaire. | -Todo eso es verdad -dijo don Quijote-, pero no sé dónde vas a parar. |  Tout cela est la pure vérité, dit don Quichotte ; mais je ne sais pas où tu veux en venir. | -Voy a parar -dijo Sancho- en que vuesa merced me señale salario conocido de lo que me ha de dar cada mes el tiempo que le sirviere, y que el tal salario se me pague de su hacienda; que no quiero estar a mercedes, que llegan tarde, o mal, o nunca; con lo mío me ayude Dios. En fin, yo quiero saber lo que gano, poco o mucho que sea, que sobre un huevo pone la gallina, y muchos pocos hacen un mucho, y mientras se gana algo no se pierde nada. Verdad sea que si sucediese, lo cual ni lo creo ni lo espero, que vuesa merced me diese la ínsula que me tiene prometida, no soy tan ingrato, ni llevo las cosas tan por los cabos, que no querré que se aprecie lo que montare la renta de la tal ínsula, y se descuente de mi salario gata por cantidad. |  J′en veux venir, reprit Sancho, à ce que Votre Grâce m′alloue des gages fixes ; c′est-à-dire à ce que vous me donniez tant par mois pendant que je vous servirai, et que ces gages me soient payés sur vos biens. J′aime mieux cela que d′être à merci ; car les récompenses viennent, ou mal, ou jamais, et, comme on dit, de ce que j′ai que Dieu m′assiste. Enfin, je voudrais savoir ce que je gagne, peu ou beaucoup, car c′est sur un œuf que la poule en pond d′autres, et beaucoup de peu font un beaucoup, et tant qu′on gagne quelque chose on ne perd rien. À la vérité, s′il arrivait (ce que je ne crois ni n′espère) que Votre Grâce me donnât l′île qu′elle m′a promise, je ne suis pas si ingrat, et ne tire pas tellement les choses par les cheveux, que je ne consente à ce qu′on évalue le montant des revenus de cette île, et qu′on la rabatte de mes gages au marc la livre. | -Sancho amigo -respondió don Quijote-, a las veces, tan buena suele ser una gata como una rata. |  Ami Sancho, répondit don Quichotte, à bon rat bon chat. | -Ya entiendo -dijo Sancho-: yo apostaré que había de decir rata, y no gata; pero no importa nada, pues vuesa merced me ha entendido. |  Je vous entends, dit Sancho, et je gage que vous voulez dire à bon chat bon rat ; mais qu′importe, puisque vous m′avez compris ? | -Y tan entendido -respondió don Quijote- que he penetrado lo último de tus pensamientos, y sé al blanco que tiras con las inumerables saetas de tus refranes. Mira, Sancho: yo bien te señalaría salario, si hubiera hallado en alguna de las historias de los caballeros andantes ejemplo que me descubriese y mostrase, por algún pequeño resquicio, qué es lo que solían ganar cada mes, o cada año; pero yo he leído todas o las más de sus historias, y no me acuerdo haber leído que ningún caballero andante haya señalado conocido salario a su escudero. Sólo sé que todos servían a merced, y que, cuando menos se lo pensaban, si a sus señores les había corrido bien la suerte, se hallaban premiados con una ínsula, o con otra cosa equivalente, y, por lo menos, quedaban con título y señoría. Si con estas esperanzas y aditamentos vos, Sancho, gustáis de volver a servirme, sea en buena hora: que pensar que yo he de sacar de sus términos y quicios la antigua usanza de la caballería andante es pensar en lo escusado. Así que, Sancho mío, volveos a vuestra casa, y declarad a vuestra Teresa mi intención; y si ella gustare y vos gustáredes de estar a merced conmigo, bene quidem; y si no, tan amigos como de antes; que si al palomar no le falta cebo, no le faltarán palomas. Y advertid, hijo, que vale más buena esperanza que ruin posesión, y buena queja que mala paga. Hablo de esta manera, Sancho, por daros a entender que también como vos sé yo arrojar refranes como llovidos. Y, finalmente, quiero decir, y os digo, que si no queréis venir a merced conmigo y correr la suerte que yo corriere, que Dios quede con vos y os haga un santo; que a mí no me faltarán escuderos más obedientes, más solícitos, y no tan empachados ni tan habladores como vos. |  Si bien compris, continua don Quichotte, que j′ai pénétré le fond de tes pensées, et deviné à quel blanc tu tires avec les innombrables flèches de tes proverbes. Écoute, Sancho, je te fixerais bien volontiers des gages, si j′avais trouvé dans quelqu′une des histoires de chevaliers errants un exemple qui me fît découvrir ou me laissât seulement entrevoir par une fente ce que les écuyers avaient coutume de gagner par mois ou par année ; mais, quoique j′aie lu toutes ces histoires ou la plupart d′entre elles, je ne me rappelle pas avoir lu qu′aucun chevalier errant eût fixé des gages à son écuyer. Je sais seulement que tous les écuyers servaient à merci, et que, lorsqu′ils y pensaient le moins, si la chance tournait bien à leurs maîtres, ils se trouvaient récompensés par une île ou quelque chose d′équivalent, et que pour le moins ils attrapaient un titre et une seigneurie. Si, avec ces espérances et ces augmentations, il vous plaît, Sancho, de rentrer à mon service, à la bonne heure ; mais si vous pensez que j′ôterai de ses gonds et de ses limites l′antique coutume de la chevalerie errante, je vous baise les mains. Ainsi donc, mon cher Sancho, retournez chez vous, et déclarez ma résolution à votre Thérèse. S′il lui plaît à elle et s′il vous plaît à vous de me servir à merci, bene quidem ; sinon, amis comme devant ; car si l′appât ne manque point au colombier, les pigeons n′y manqueront pas non plus. Et prenez garde, mon fils, que mieux vaut bonne espérance que mauvaise possession, et bonne plainte que mauvais payement. Je vous parle de cette manière, Sancho, pour vous faire entendre que je sais aussi bien que vous lâcher des proverbes comme s′il en pleuvait. Finalement, je veux vous dire, et je vous dis en effet que, si vous ne voulez pas me suivre à merci, et courir la chance que je courrai, que Dieu vous bénisse et vous sanctifie, je ne manquerai pas d′écuyers plus obéissants, plus empressés, et surtout moins gauches et moins bavards que vous. » | Cuando Sancho oyó la firme resolución de su amo se le anubló el cielo y se le cayeron las alas del corazón, porque tenía creído que su señor no se iría sin él por todos los haberes del mundo; y así, estando suspenso y pensativo, entró Sansón Carrasco y la sobrina, deseosos de oír con qué razones persuadía a su señor que no tornarse a buscar las aventuras. Llegó Sansón, socarrón famoso, y, abrazándole como la vez primera y con voz levantada, le dijo. | Lorsque Sancho entendit la ferme résolution de son maître, il sentit ses yeux se couvrir de nuages et les ailes du cœur lui tombèrent, car il s′était persuadé que son seigneur ne partirait pas sans lui pour tous les trésors du monde. Tandis qu′il était indécis et rêveur, Samson Carrasco entra, et, derrière lui, la gouvernante et la nièce, empressées de savoir par quelles raisons il persuaderait à leur seigneur de ne pas retourner à la quête des aventures. Samson s′approcha, et, toujours prêt à rire et à gausser, ayant embrassé don Quichotte comme la première fois, il lui dit d′une voix éclatante : | -¡Oh flor de la andante caballería; oh luz resplandeciente de las armas; oh honor y espejo de la nación española! Plega a Dios todopoderoso, donde más largamente se contiene, que la persona o personas que pusieren impedimento y estorbaren tu tercera salida, que no la hallen en el laberinto de sus deseos, ni jamás se les cumpla lo que mal desearen. | « Ô fleur de la chevalerie errante ! ô brillante lumière des armes ! ô honneur et miroir de la nation espagnole ! plaise à Dieu tout-puissant, suivant la formule, que la personne ou les personnes qui voudraient mettre obstacle à ta troisième sortie ne trouvent plus elles-mêmes de sortie dans le labyrinthe de leurs désirs, et qu′elles ne voient jamais s′accomplir ce qu′elles ne souhaitent point ! » | Y, volviéndose al ama, le dijo. | Et, se tournant vers la gouvernante, il lui dit : | -Bien puede la señora ama no rezar más la oración de Santa Apolonia, que yo sé que es determinación precisa de las esferas que el señor don Quijote vuelva a ejecutar sus altos y nuevos pensamientos, y yo encargaría mucho mi conciencia si no intimase y persuadiese a este caballero que no tenga más tiempo encogida y detenida la fuerza de su valeroso brazo y la bondad de su ánimo valentísimo, porque defrauda con su tardanza el derecho de los tuertos, el amparo de los huérfanos, la honra de las doncellas, el favor de las viudas y el arrimo de las casadas, y otras cosas deste jaez, que tocan, atañen, dependen y son anejas a la orden de la caballería andante. ¡Ea, señor don Quijote mío, hermoso y bravo, antes hoy que mañana se ponga vuestra merced y su grandeza en camino; y si alguna cosa faltare para ponerle en ejecución, aquí estoy yo para suplirla con mi persona y hacienda; y si fuere necesidad servir a tu magnificencia de escudero, lo tendré a felicísima ventura. | « Vous pouvez bien, dame gouvernante, vous dispenser de réciter l′oraison de sainte Apolline ; je sais qu′il est arrêté, par une immuable détermination des sphères célestes, que le seigneur don Quichotte doit mettre à exécution ses hautes et nouvelles pensées. Je chargerais lourdement ma conscience si je ne persuadais à ce chevalier, et ne lui intimais, au besoin, de ne pas tenir davantage au repos et dans la retraite la force de son bras valeureux et la bonté de son cœur imperturbable, pour qu′il ne prive pas plus longtemps le monde, par son retard, du redressement des torts, de la protection des orphelins, de l′honneur des filles, de l′appui des veuves, du soutien des femmes mariées, et autres choses de la même espèce qui touchent, appartiennent et adhèrent à l′ordre de la chevalerie errante. Allons, sus, mon bon seigneur don Quichotte, chevalier beau et brave, qu′aujourd′hui plutôt que demain Votre Grandeur se mette en route. Si quelque chose manque pour l′exécution de vos desseins, je suis là, prêt à y suppléer de mes biens et de ma personne, et, s′il fallait servir d′écuyer à Votre Magnificence, je m′en ferais un immense bonheur. » | A esta sazón, dijo don Quijote, volviéndose a Sancho. | Aussitôt don Quichotte, se tournant vers Sancho : | -¿No te dije yo, Sancho, que me habían de sobrar escuderos? Mira quién se ofrece a serlo, sino el inaudito bachiller Sansón Carrasco, perpetuo trastulo y regocijador de los patios de las escuelas salmanticenses, sano de su persona, ágil de sus miembros, callado, sufridor así del calor como del frío, así de la hambre como de la sed, con todas aquellas partes que se requieren para ser escudero de un caballero andante. Pero no permita el cielo que, por seguir mi gusto, desjarrete y quiebre la coluna de las letras y el vaso de las ciencias, y tronque la palma eminente de las buenas y liberales artes. Quédese el nuevo Sansón en su patria, y, honrándola, honre juntamente las canas de sus ancianos padres; que yo con cualquier escudero estaré contento, ya que Sancho no se digna de venir conmigo. | « Ne te l′ai-je pas dit, Sancho, que j′aurais des écuyers de reste ? Vois un peu qui s′offre à l′être ; rien moins que l′inouí¢achelier Samson Carrasco, joie et perpétuel boute-en-train des galeries universitaires de Salamanque, sain de sa personne, agile de ses membres, discret et silencieux, patient dans le chaud comme dans le froid, dans la faim comme dans la soif, ayant enfin toutes les qualités requises pour être écuyer d′un chevalier errant. Mais à Dieu ne plaise que, pour satisfaire mon goût, je renverse la colonne des lettres, que je brise le vase de la science, que j′arrache la palme des beaux-arts. Non, que le nouveau Samson demeure dans sa patrie ; qu′en l′honorant, il honore aussi les cheveux blancs de son vieux père ; et moi je me contenterai du premier écuyer venu, puisque Sancho ne daigne plus venir avec moi. | -Sí digno -respondió Sancho, enternecido y llenos de lágrimas los ojos; y prosiguió-: No se dirá por mí, señor mío: el pan comido y la compañía deshecha; sí, que no vengo yo de alguna alcurnia desagradecida, que ya sabe todo el mundo, y especialmente mi pueblo, quién fueron los Panzas, de quien yo deciendo, y más, que tengo conocido y calado por muchas buenas obras, y por más buenas palabras, el deseo que vuestra merced tiene de hacerme merced; y si me he puesto en cuentas de tanto más cuanto acerca de mi salario, ha sido por complacer a mi mujer; la cual, cuando toma la mano a persuadir una cosa, no hay mazo que tanto apriete los aros de una cuba como ella aprieta a que se haga lo que quiere; pero, en efeto, el hombre ha de ser hombre, y la mujer, mujer; y, pues yo soy hombre dondequiera, que no lo puedo negar, también lo quiero ser en mi casa, pese a quien pesare; y así, no hay más que hacer, sino que vuestra merced ordene su testamento con su codicilo, en modo que no se pueda revolcar, y pongámonos luego en camino, porque no padezca el alma del señor Sansón, que dice que su conciencia le lita que persuada a vuestra merced a salir vez tercera por ese mundo; y yo de nuevo me ofrezco a servir a vuestra merced fiel y legalmente, tan bien y mejor que cuantos escuderos han servido a caballeros andantes en los pasados y presentes tiempos. |  Si fait, je daigne, s′écria Sancho, tout attendri et les yeux pleins de larmes ; oh ! non, ce n′est pas de moi, mon seigneur, qu′on dira : « Pain mangé, compagnie faussée. » Je ne viens pas, Dieu merci, de cette race ingrate ; tout le monde sait, et mon village surtout, quels furent les Panza dont je descends ; d′autant plus que je connais et reconnais à beaucoup de bonnes œuvres, et plus encore à de bonnes paroles, le désir qu′a Votre Grâce de me faire merci ; et si je me suis mis en compte de tant et à quand au sujet de mes gages, ç′a été pour complaire à ma femme ; car dès qu′elle se met dans la tête de vous persuader une chose, il n′y a pas de maillet qui serre autant les cercles d′une cuve qu′elle vous serre le bouton pour que vous fassiez ce qu′elle veut. Mais enfin, l′homme doit être homme, et la femme femme ; et puisque je suis homme en quelque part que ce soit, sans qu′il me soit possible de le nier, je veux l′être aussi dans ma maison, en dépit de quiconque y trouverait à redire. Ainsi, il n′y a plus rien à faire, sinon que Votre Grâce couche par écrit son testament et son codicille, en manière qu′il ne se puisse rétorquer , et mettons-nous tout de suite en route, pour ne pas laisser dans la peine l′âme du seigneur Samson, qui dit que sa conscience l′oblige à persuader à Votre Grâce de sortir une troisième fois à travers ce monde. Quant à moi, je m′offre de nouveau à servir Votre Grâce fidèlement et loyalement, aussi bien et mieux encore qu′aucun écuyer ait servi chevalier errant dans les temps passés et présents. » | Admirado quedó el bachiller de oír el término y modo de hablar de Sancho Panza; que, puesto que había leído la primera historia de su señor, nunca creyó que era tan gracioso como allí le pintan; pero, oyéndole decir ahora testamento y codicilo que no se pueda revolcar, en lugar de testamento y codicilo que no se pueda revocar, creyó todo lo que dél había leído, y confirmólo por uno de los más solenes mentecatos de nuestros siglos; y dijo entre sí que tales dos locos como amo y mozo no se habrían visto en el mundo. | Le bachelier resta tout émerveillé quand il entendit de quelle manière parlait Sancho Panza ; car, bien qu′ayant lu la première histoire de son maître, il ne pouvait s′imaginer que Sancho fût aussi gracieux qu′il y est dépeint. Mais en le voyant dire un testament et un codicille qu′on ne puisse rétorquer, au lieu d′un testament qu′on ne puisse révoquer, il crut tout ce qu′il avait lu sur son compte, et le tint bien décidément pour un des plus solennels insensés de notre siècle. Il dit même, entre ses dents, que deux fous tels que le maître et le valet ne s′étaient jamais vus au monde. | Finalmente, don Quijote y Sancho se abrazaron y quedaron amigos, y con parecer y beneplácito del gran Carrasco, que por entonces era su oráculo, se ordenó que de allí a tres días fuese su partida; en los cuales habría lugar de aderezar lo necesario para el viaje, y de buscar una celada de encaje, que en todas maneras dijo don Quijote que la había de llevar. Ofreciósela Sansón, porque sabía no se la negaría un amigo suyo que la tenía, puesto que estaba más escura por el orín y el moho que clara y limpia por el terso acero. | Finalement, don Quichotte et Sancho s′embrassèrent et restèrent bons amis ; puis, sur l′avis et de l′agrément du grand Carrasco, qui était devenu leur oracle, il fut décidé qu′ils partiraient sous trois jours. Ce temps suffisait pour se munir de toutes les choses nécessaires au voyage, et pour chercher une salade à visière ; car don Quichotte voulait absolument en porter une. Samson s′offrit à la lui procurer, parce qu′il savait, dit-il, qu′un de ses amis qui en avait une ne la lui refuserait pas, bien qu′elle fût plus souillée par la rouille et la moisissure que luisante et polie par l′émeri. | Las maldiciones que las dos, ama y sobrina, echaron al bachiller no tuvieron cuento: mesaron sus cabellos, arañaron sus rostros, y, al modo de las endechaderas que se usaban, lamentaban la partida como si fuera la muerte de su señor. El designo que tuvo Sansón, para persuadirle a que otra vez saliese, fue hacer lo que adelante cuenta la historia, todo por consejo del cura y del barbero, con quien él antes lo había comunicado. | Les malédictions que donnèrent au bachelier la gouvernante et la nièce furent sans mesure et sans nombre. Elles s′arrachèrent les cheveux, s′égratignèrent le visage, et, à la façon des pleureuses qu′on louait pour les enterrements , elles se lamentaient sur le départ de leur seigneur, comme si c′eût été sur sa mort. Le projet qu′avait Samson, en lui persuadant de se mettre encore une fois en campagne, était de faire ce que l′histoire rapportera plus loin ; toute cela sur le conseil du curé et du barbier, avec lesquels il s′était consulté d′abord. | En resolución, en aquellos tres días don Quijote y Sancho se acomodaron de lo que les pareció convenirles; y, habiendo aplacado Sancho a su mujer, y don Quijote a su sobrina y a su ama, al anochecer, sin que nadie lo viese, sino el bachiller, que quiso acompañarles media legua del lugar, se pusieron en camino del Toboso: don Quijote sobre su buen Rocinante, y Sancho sobre su antiguo rucio, proveídas las alforjas de cosas tocantes a la bucólica, y la bolsa de dineros que le dio don Quijote para lo que se ofreciese. Abrazóle Sansón, y suplicóle le avisase de su buena o mala suerte, para alegrarse con ésta o entristecerse con aquélla, como las leyes de su amistad pedían. Prometióselo don Quijote, dio Sansón la vuelta a su lugar, y los dos tomaron la de la gran ciudad del Toboso. | Enfin, pendant ces trois jours, don Quichotte et Sancho se pourvurent de ce qui leur sembla convenable ; puis, ayant apaisé, Sancho sa femme, don Quichotte sa gouvernante et sa nièce, un beau soir, sans que personne les vît, sinon le bachelier, qui voulut les accompagner à une demi-lieue du village, ils prirent le chemin du Toboso, don Quichotte sur son bon cheval Rossinante, Sancho sur son ancien grison, le bissac bien fourni de provisions touchant la bucolique, et la bourse pleine d′argent que lui avait donné don Quichotte pour ce qui pouvait arriver. Samson embrassa le chevalier, et le supplia de lui faire savoir sa bonne ou sa mauvaise fortune, pour s′attrister de l′une et se réjouir de l′autre, comme l′exigeaient les lois de leur amitié. Don Quichotte lui en ayant fait la promesse, Samson prit la route de son village, et les deux autres celle de la grande ville du Toboso.
| II. Capítulo VIII. Donde se cuenta lo que le sucedió a don Quijote, yendo a ver su señora Dulcinea del Toboso. | Chapitre VIII Où l′on raconte ce qui arriva à don Quichotte tandis qu′il allait voir sa dame Dulcinée du Toboso | ′′¡Bendito sea el poderoso Alá! -dice Hamete Benengeli al comienzo deste octavo capítulo-. ¡Bendito sea Alá!′′, repite tres veces; y dice que da estas bendiciones por ver que tiene ya en campaña a don Quijote y a Sancho, y que los letores de su agradable historia pueden hacer cuenta que desde este punto comienzan las hazañas y donaires de don Quijote y de su escudero; persuádeles que se les olviden las pasadas caballerías del ingenioso hidalgo, y pongan los ojos en las que están por venir, que desde agora en el camino del Toboso comienzan, como las otras comenzaron en los campos de Montiel, y no es mucho lo que pide para tanto como él promete; y así prosigue diciendo: | Béni soit le tout-puissant Allah ! s′écrie Hamet Ben-Engéli au commencement de ce huitième chapitre ; béni soit Allah ! répète-t-il à trois reprises. Puis il ajoute que, s′il donne à Dieu ces bénédictions, c′est en voyant qu′à la fin il tient en campagne don Quichotte et Sancho, et que les lecteurs de son agréable histoire peuvent compter que désormais commencent les exploits du seigneur et les facéties de l′écuyer. Il les invite à oublier les prouesses passées de l′ingénieux hidalgo, pour donner toute leur attention à ses prouesses futures, lesquelles commencent dès à présent sur le chemin du Toboso, comme les autres commencèrent jadis dans la plaine de Montiel. Et vraiment ce qu′il demande est peu de chose en comparaison de ce qu′il promet. Puis il continue de la sorte : | Solos quedaron don Quijote y Sancho, y, apenas se hubo apartado Sansón, cuando comenzó a relinchar Rocinante y a sospirar el rucio, que de entrambos, caballero y escudero, fue tenido a buena señal y por felicísimo agüero; aunque, si se ha de contar la verdad, más fueron los sospiros y rebuznos del rucio que los relinchos del rocín, de donde coligió Sancho que su ventura había de sobrepujar y ponerse encima de la de su señor, fundándose no sé si en astrología judiciaria que él se sabía, puesto que la historia no lo declara; sólo le oyeron decir que, cuando tropezaba o caía, se holgara no haber salido de casa, porque del tropezar o caer no se sacaba otra cosa sino el zapato roto o las costillas quebradas; y, aunque tonto, no andaba en esto muy fuera de camino. Díjole don Quijote: | Don Quichotte et Sancho restèrent seuls ; et Samson Carrasco s′était à peine éloigné, que Rossinante se mit à hennir et le grison à braire, ce que les deux voyageurs, chevalier et écuyer, tinrent à bon signe et à très-favorable augure. Cependant, s′il faut dire toute la vérité, les soupirs et les braiments du grison furent plus nombreux et plus forts que les hennissements du bidet, d′où Sancho conclut que son bonheur devait surpasser celui de son maître, fondant cette opinion sur je ne sais quelle astrologie judiciaire, qu′il savait peut-être, bien que l′histoire ne s′en explique pas. Seulement, on lui entendit souvent dire que, quand il trébuchait ou tombait, il aurait été bien aise de ne pas être sorti de sa maison, parce qu′à trébucher ou à tomber on ne tirait d′autre profit que de déchirer son soulier ou de se rompre les côtes ; et, ma foi, tout sot qu′il était, il n′allait pas en cela très-hors du droit chemin. Don Quichotte lui dit : | -Sancho amigo, la noche se nos va entrando a más andar, y con más escuridad de la que habíamos menester para alcanzar a ver con el día al Toboso, adonde tengo determinado de ir antes que en otra aventura me ponga, y allí tomaré la bendición y buena licencia de la sin par Dulcinea, con la cual licencia pienso y tengo por cierto de acabar y dar felice cima a toda peligrosa aventura, porque ninguna cosa desta vida hace más valientes a los caballeros andantes que verse favorecidos de sus damas. -Yo así lo creo -respondió Sancho-; pero tengo por dificultoso que vuestra merced pueda hablarla ni verse con ella, en parte, a lo menos, que pueda recebir su bendición, si ya no se la echa desde las bardas del corral, por donde yo la vi la vez primera, cuando le llevé la carta donde iban las nuevas de las sandeces y locuras que vuestra merced quedaba haciendo en el corazón de Sierra Morena. | « Ami Sancho, plus nous avançons, plus la nuit se ferme ; elle va devenir plus noire qu′il ne faudrait pour qu′avec le point du jour nous puissions apercevoir le Toboso. C′est là que j′ai résolu d′aller avant de m′engager dans aucune aventure ; là je demanderai l′agrément et la bénédiction de la sans pareille Dulcinée, et avec cet agrément, je pense et crois fermement mettre à bonne fin toute périlleuse aventure ; car rien dans cette vie ne rend plus braves les chevaliers errants que de se voir favorisés de leurs dames.  Je le crois bien ainsi, répondit Sancho ; mais il me semble fort difficile que Votre Grâce puisse lui parler et avoir avec elle une entrevue, en un lieu du moins où vous puissiez recevoir sa bénédiction, à moins qu′elle ne vous la donne par-dessus les murs de la basse-cour où je la vis la première fois, quand je lui portai la lettre qui contenait les nouvelles des folies et des niaiseries que faisait Votre Grâce dans le cœur de la Sierra-Moréna. | -¿Bardas de corral se te antojaron aquéllas, Sancho -dijo don Quijote-, adonde o por donde viste aquella jamás bastantemente alabada gentileza y hermosura? No debían de ser sino galerías o corredores, o lonjas, o como las llaman, de ricos y reales palacios. |  Des murs de basse-cour, dis-tu, Sancho ! reprit don Quichotte. Quoi ! tu t′es mis dans la tête que c′était là ou par là que tu avais vu cette fleur jamais dignement louée de gentillesse et de beauté ? Ce ne pouvaient être que des galeries ou des corridors, ou des vestibules de riches et somptueux palais. | -Todo pudo ser -respondió Sancho-, pero a mí bardas me parecieron, si no es que soy falto de memoria. |  Cela se peut bien, répondit Sancho, mais ils m′ont paru des murs de basse-cour, si je n′ai pas perdu la mémoire. | -Con todo eso, vamos allá, Sancho -replicó don Quijote-, que como yo la vea, eso se me da que sea por bardas que por ventanas, o por resquicios, o verjas de jardines; que cualquier rayo que del sol de su belleza llegue a mis ojos alumbrará mi entendimiento y fortalecerá mi corazón, de modo que quede único y sin igual en la discreción y en la valentía. |  En tout cas, allons-y, Sancho, répliqua don Quichotte ; pourvu que je la voie, il m′est aussi égal que ce soit par des murs de basse-cour que par des balcons ou des grilles de jardin ; quelque rayon du soleil de sa beauté qui arrive à mes yeux, il éclairera mon entendement et fortifiera mon cœur de façon que je reste unique et sans égal pour l′esprit et pour la vaillance. | -Pues en verdad, señor -respondió Sancho-, que cuando yo vi ese sol de la señora Dulcinea del Toboso, que no estaba tan claro, que pudiese echar de sí rayos algunos, y debió de ser que, como su merced estaba ahechando aquel trigo que dije, el mucho polvo que sacaba se le puso como nube ante el rostro y se le escureció. |  Eh bien, par ma foi, seigneur, répondit Sancho, quand j′ai vu ce soleil de madame Dulcinée du Toboso, il n′était pas assez clair pour jeter aucun rayon. C′était sans doute parce que Sa Grâce étant à cribler ce grain que je vous ai dit, la poussière épaisse qui en sortait se mit comme un nuage devant sa face, et l′obscurcit. | -¡Que todavía das, Sancho -dijo don Quijote-, en decir, en pensar, en creer y en porfiar que mi señora Dulcinea ahechaba trigo, siendo eso un menester y ejercicio que va desviado de todo lo que hacen y deben hacer las personas principales que están constituidas y guardadas para otros ejercicios y entretenimientos, que muestran a tiro de ballesta su principalidad...! Mal se te acuerdan a ti, ¡oh Sancho!, aquellos versos de nuestro poeta donde nos pinta las labores que hacían allá en sus moradas de cristal aquellas cuatro ninfas que del Tajo amado sacaron las cabezas, y se sentaron a labrar en el prado verde aquellas ricas telas que allí el ingenioso poeta nos describe, que todas eran de oro, sirgo y perlas contestas y tejidas. Y desta manera debía de ser el de mi señora cuando tú la viste; sino que la envidia que algún mal encantador debe de tener a mis cosas, todas las que me han de dar gusto trueca y vuelve en diferentes figuras que ellas tienen; y así, temo que, en aquella historia que dicen que anda impresa de mis hazañas, si por ventura ha sido su autor algún sabio mi enemigo, habrá puesto unas cosas por otras, mezclando con una verdad mil mentiras, divertiéndose a contar otras acciones fuera de lo que requiere la continuación de una verdadera historia. ¡Oh envidia, raíz de infinitos males y carcoma de las virtudes! Todos los vicios, Sancho, traen un no sé qué de deleite consigo, pero el de la envidia no trae sino disgustos, rancores y rabias. |  Comment ! Sancho, s′écria don Quichotte, tu persistes à penser, à croire, à dire et à prétendre que ma dame Dulcinée criblait du blé, tandis que c′est un exercice et un métier tout à fait étrangers à ce que font et doivent faire les personnes de qualité, lesquelles sont réservées à d′autres exercices et à d′autres passe-temps qui montrent, à portée de mousquet, l′élévation de leur naissance ! Oh ! que tu te rappelles mal, Sancho, ces vers de notre poëte , où il nous dépeint les ouvrages délicats que faisaient dans leur séjour de cristal ces quatre nymphes qui sortirent la tête des ondes du Tage, et s′assirent sur la verte prairie pour travailler à ces riches étoffes que nous décrit l′ingénieux poëte, et qui étaient tissues d′or, de soie et de perles ! Ainsi devait être l′ouvrage de ma dame, quand tu la vis, à moins que l′envie que porte à tout ce qui me regarde un méchant enchanteur ne change et ne transforme sous des figures différentes toutes les choses qui pourraient me faire plaisir. Aussi je crains bien que, dans cette histoire de mes exploits qui circule imprimée, si par hasard elle a pour auteur quelque sage, mon ennemi, celui-ci n′ait mis des choses pour d′autres, mêlant mille mensonges à une vérité, et s′égarant à compter d′autres actions que celles qu′exige la suite d′une histoire véridique. Ô envie, racine de tous les maux, et ver rongeur de toutes les vertus ! Tous les vices, Sancho, portent avec eux je ne sais quoi d′agréable ; mais celui de l′envie ne porte que des déboires, des rancunes et des rages furieuses. | -Eso es lo que yo digo también -respondió Sancho-, y pienso que en esa leyenda o historia que nos dijo el bachiller Carrasco que de nosotros había visto debe de andar mi honra a coche acá, cinchado, y, como dicen, al estricote, aquí y allí, barriendo las calles. Pues, a fe de bueno, que no he dicho yo mal de ningún encantador, ni tengo tantos bienes que pueda ser envidiado; bien es verdad que soy algo malicioso, y que tengo mis ciertos asomos de bellaco, pero todo lo cubre y tapa la gran capa de la simpleza mía, siempre natural y nunca artificiosa. Y cuando otra cosa no tuviese sino el creer, como siempre creo, firme y verdaderamente en Dios y en todo aquello que tiene y cree la Santa Iglesia Católica Romana, y el ser enemigo mortal, como lo soy, de los judíos, debían los historiadores tener misericordia de mí y tratarme bien en sus escritos. Pero digan lo que quisieren; que desnudo nací, desnudo me hallo: ni pierdo ni gano; aunque, por verme puesto en libros y andar por ese mundo de mano en mano, no se me da un higo que digan de mí todo lo que quisieren. |  C′est justement là ce que je dis, répliqua Sancho, et je parie que, dans cette légende ou histoire que le bachelier Carrasco dit avoir vue de nous, mon honneur roule comme voiture versée, pêle-mêle d′un côté, et de l′autre balayant les rues. Eh bien ! foi de brave homme, je n′ai pourtant jamais dit de mal d′aucun enchanteur, et je n′ai pas assez de biens pour faire envie à personne, Il est vrai que je suis un peu malicieux, avec quelque pointe d′aigrefin. Mais tout cela se couvre et se cache sous le grand manteau de ma simplicité, toujours naturelle et jamais artificieuse. Quand je n′aurais d′autre mérite que de croire, comme j′ai toujours cru, sincèrement et fermement, en Dieu et en tout ce que croit la Sainte Église catholique romaine, et d′être, comme je le suis, ennemi mortel des juifs, les historiens devraient me faire miséricorde, et me bien traiter dans leurs écrits. Mais, au reste, qu′ils disent ce qu′ils voudront ; nu je suis né, nu je me trouve, je ne perds ni ne gagne ; et pour me voir mis en livre, circulant par ce monde de main en main, je me soucie comme d′une figue qu′on dise de moi tout ce qu′on voudra. | -Eso me parece, Sancho -dijo don Quijote-, a lo que sucedió a un famoso poeta destos tiempos, el cual, habiendo hecho una maliciosa sátira contra todas las damas cortesanas, no puso ni nombró en ella a una dama que se podía dudar si lo era o no; la cual, viendo que no estaba en la lista de las demás, se quejó al poeta, diciéndole que qué había visto en ella para no ponerla en el número de las otras, y que alargase la sátira, y la pusiese en el ensanche; si no, que mirase para lo que había nacido. Hízolo así el poeta, y púsola cual no digan dueñas, y ella quedó satisfecha, por verse con fama, aunque infame. También viene con esto lo que cuentan de aquel pastor que puso fuego y abrasó el templo famoso de Diana, contado por una de las siete maravillas del mundo, sólo porque quedase vivo su nombre en los siglos venideros; y, aunque se mandó que nadie le nombrase, ni hiciese por palabra o por escrito mención de su nombre, porque no consiguiese el fin de su deseo, todavía se supo que se llamaba Eróstrato. También alude a esto lo que sucedió al grande emperador Carlo Quinto con un caballero en Roma. Quiso ver el emperador aquel famoso templo de la Rotunda, que en la antigüedad se llamó el templo de todos los dioses, y ahora, con mejor vocación, se llama de todos los santos, y es el edificio que más entero ha quedado de los que alzó la gentilidad en Roma, y es el que más conserva la fama de la grandiosidad y magnificencia de sus fundadores: él es de hechura de una media naranja, grandísimo en estremo, y está muy claro, sin entrarle otra luz que la que le concede una ventana, o, por mejor decir, claraboya redonda que está en su cima, desde la cual mirando el emperador el edificio, estaba con él y a su lado un caballero romano, declarándole los primores y sutilezas de aquella gran máquina y memorable arquitetura; y, habiéndose quitado de la claraboya, dijo al emperador: ′′Mil veces, Sacra Majestad, me vino deseo de abrazarme con vuestra Majestad y arrojarme de aquella claraboya abajo, por dejar de mí fama eterna en el mundo′′. ′′Yo os agradezco -respondió el emperador- el no haber puesto tan mal pensamiento en efeto, y de aquí adelante no os pondré yo en ocasión que volváis a hacer prueba de vuestra lealtad; y así, os mando que jamás me habléis, ni estéis donde yo estuviere′′. Y, tras estas palabras, le hizo una gran merced. Quiero decir, Sancho, que el deseo de alcanzar fama es activo en gran manera. ¿Quién piensas tú que arrojó a Horacio del puente abajo, armado de todas armas, en la profundidad del Tibre? ¿Quién abrasó el brazo y la mano a Mucio? ¿Quién impelió a Curcio a lanzarse en la profunda sima ardiente que apareció en la mitad de Roma? ¿Quién, contra todos los agüeros que en contra se le habían mostrado, hizo pasar el Rubicón a César? Y, con ejemplos más modernos, ¿quién barrenó los navíos y dejó en seco y aislados los valerosos españoles guiados por el cortesísimo Cortés en el Nuevo Mundo? Todas estas y otras grandes y diferentes hazañas son, fueron y serán obras de la fama, que los mortales desean como premios y parte de la inmortalidad que sus famosos hechos merecen, puesto que los cristianos, católicos y andantes caballeros más habemos de atender a la gloria de los siglos venideros, que es eterna en las regiones etéreas y celestes, que a la vanidad de la fama que en este presente y acabable siglo se alcanza; la cual fama, por mucho que dure, en fin se ha de acabar con el mesmo mundo, que tiene su fin señalado. Así, ¡oh Sancho!, que nuestras obras no han de salir del límite que nos tiene puesto la religión cristiana, que profesamos. Hemos de matar en los gigantes a la soberbia; a la envidia, en la generosidad y buen pecho; a la ira, en el reposado continente y quietud del ánimo; a la gula y al sueño, en el poco comer que comemos y en el mucho velar que velamos; a la lujuria y lascivia, en la lealtad que guardamos a las que hemos hecho señoras de nuestros pensamientos; a la pereza, con andar por todas las partes del mundo, buscando las ocasiones que nos puedan hacer y hagan, sobre cristianos, famosos caballeros. Ves aquí, Sancho, los medios por donde se alcanzan los estremos de alabanzas que consigo trae la buena fama. |  Cela ressemble, Sancho, reprit don Quichotte, à l′histoire d′un fameux poëte de ce temps-ci, lequel, ayant fait une maligne satire contre toutes les dames courtisanes, omit d′y comprendre et d′y nommer une dame de qui l′on pouvait douter si elle l′était ou non. Celle-ci, voyant qu′elle n′était pas sur la liste de ces dames, se plaignit au poëte, lui demanda ce qu′il avait vu en elle qui l′eût empêché de la mettre au nombre des autres, et le pria d′allonger la satire pour lui faire place, sinon qu′il prît garde à lui, Le poëte lui donna satisfaction, et l′arrangea mieux que n′eussent fait des langues de duègnes ; alors la dame demeura satisfaite en se voyant fameuse, quoique infâme. À ce propos vient aussi l′histoire de ce berger qui, seulement pour que son nom vécût dans les siècles à venir, incendia le fameux temple de Diane à Éphèse, lequel était compté parmi les sept merveilles du monde. Malgré l′ordre qui fut donné que personne ne nommât ce berger, de vive voix ou par écrit, afin qu′il n′atteignît pas le but de son désir, cependant on sut qu′il s′appelait Érostrate. On peut encore citer à ce sujet ce qui arriva à Rome au grand empereur Charles Quint, avec un gentilhomme de cette ville. L′empereur voulut voir ce fameux temple de la Rotonde qu′on appela, dans l′antiquité, temple de tous les dieux, et maintenant, sous une meilleure invocation, temple de tous les saints , C′est l′édifice le mieux conservé et le plus complet qui soit resté de tous ceux qu′éleva le paganisme à Rome, celui qui rappelle le mieux la grandeur et la magnificence de ses fondateurs. Il est construit en coupole, d′une étendue immense, et très-bien éclairé, quoique la lumière ne lui arrive que par une fenêtre, ou pour mieux dire, une claire-voie ronde, qui est au sommet. C′était de là que l′empereur regardait l′édifice, ayant à ses côtés un gentilhomme romain qui lui expliquait les détails et les curiosités de ce chef-d′œuvre d′architecture. Quand l′empereur eut quitté la claire-voie, le gentilhomme lui dit : « Mille fois, sacrée Majesté, le désir m′est venu de saisir Votre Majesté dans mes bras, et de me précipiter de cette ouverture en bas, pour laisser de moi une éternelle renommée dans le monde.  Je vous remercie beaucoup, répondit l′empereur, de n′avoir pas exécuté cette mauvaise pensée ; je ne vous mettrai plus dans le cas de faire une autre épreuve de votre loyauté. Ainsi, je vous ordonne de ne plus m′adresser la parole et de n′être jamais où je serai. » Après avoir dit cela, il lui accorda une grande faveur. Je veux dire, Sancho, que l′envie de faire parler de soi est prodigieusement active et puissante. Que penses-tu qui précipita du haut du pont, dans les flots profonds du Tibre, Horatius Coclès, tout chargé du poids de ses armes ? qui brûla la main de Mutius Scévola ? qui poussa Curtius à se jeter dans l′abîme ardent qui s′était ouvert au milieu de Rome ? qui fit, en dépit de tous les augures contraires , passer le Rubicon à Jules César ? et, pour prendre un exemple plus moderne, qui faisant couler à fond leurs vaisseaux, laissa sans retraite et sans appui les vaillants Espagnols que guidait le grand Cortez dans le Nouveau Monde ? Tous ces exploits, et mille autres encore, furent et seront l′œuvre de la renommée que les mortels désirent pour récompense, et comme une partie de l′immortalité que méritent leurs hauts faits. Cependant, nous autres chrétiens catholiques et chevaliers errants, nous devons plutôt prétendre à la gloire des siècles futurs, qui est éternelle dans les régions éthérées des cieux, qu′à la vanité de la renommée qui s′obtient dans ce siècle présent et périssable. Car enfin, cette renommée, si longtemps qu′elle dure, doit périr avec le monde lui-même, dont la fin est marquée. Ainsi donc, ô Sancho, que nos actions ne sortent point des bornes tracées par la religion chrétienne que nous professons. Nous devons tuer l′orgueil dans les géants ; nous devons vaincre l′envie par la générosité et la grandeur d′âme, la colère par le sang-froid et la quiétude d′esprit, la gourmandise et le sommeil en mangeant peu et en veillant beaucoup, l′incontinence et la luxure par la fidélité que nous gardons à celles que nous avons faites dames de nos pensées, la paresse en courant les quatre parties du monde, cherchant les occasions qui puissent nous rendre, outre bons chrétiens, fameux chevaliers. Voilà, Sancho, les moyens d′atteindre au faîte glorieux où porte la bonne renommée. | -Todo lo que vuestra merced hasta aquí me ha dicho -dijo Sancho- lo he entendido muy bien, pero, con todo eso, querría que vuestra merced me sorbiese una duda que agora en este punto me ha venido a la memoria. |  Tout ce que Votre Grâce a dit jusqu′à présent, reprit Sancho, je l′ai parfaitement compris. Cependant, je voudrais que vous eussiez la complaisance de m′absoudre un doute qui vient de me tomber dans l′esprit. | -Asolviese quieres decir, Sancho -dijo don Quijote-. Di en buen hora, que yo responderé lo que supiere. |  Résoudre, tu veux dire, Sancho, répondit don Quichotte. Eh bien, à la bonne heure, parle, et je te répondrai du mieux que je pourrai le faire. | -Dígame, señor -prosiguió Sancho-: esos Julios o Agostos, y todos esos caballeros hazañosos que ha dicho, que ya son muertos, ¿dónde están agora. |  Dites-moi, seigneur, poursuivit Sancho, ces Juillet, ces Août< , et tous ces chevaliers à prouesses dont vous avez parlé, et qui sont déjà morts, où sont-ils à présent ? | -Los gentiles -respondió don Quijote- sin duda están en el infierno; los cristianos, si fueron buenos cristianos, o están en el purgatorio o en el cielo. |  Les gentils, répliqua don Quichotte, sont, sans aucun doute, en enfer ; les chrétiens, s′ils ont été bons chrétiens, sont dans le purgatoire ou dans le paradis. | -Está bien -dijo Sancho-, pero sepamos ahora: esas sepulturas donde están los cuerpos desos señorazos, ¿tienen delante de sí lámparas de plata, o están adornadas las paredes de sus capillas de muletas, de mortajas, de cabelleras, de piernas y de ojos de cera? Y si desto no, ¿de qué están adornadas. |  Voilà qui est bien, reprit Sancho ; mais sachons maintenant une chose ; les sépultures où reposent les corps de ces gros seigneurs ont-elles à leur porte des lampes d′argent, et les murailles de leurs chapelles sont-elles ornées de béquilles, de suaires, de chevelures, de jambes et d′yeux en cire ? Si ce n′est pas de cela, de quoi sont-elles ornées ? » | A lo que respondió don Quijote. | Don Quichotte répondit : | -Los sepulcros de los gentiles fueron por la mayor parte suntuosos templos: las cenizas del cuerpo de Julio César se pusieron sobre una pirámide de piedra de desmesurada grandeza, a quien hoy llaman en Roma La aguja de San Pedro; al emperador Adriano le sirvió de sepultura un castillo tan grande como una buena aldea, a quien llamaron Moles Hadriani, que agora es el castillo de Santángel en Roma; la reina Artemisa sepultó a su marido Mausoleo en un sepulcro que se tuvo por una de las siete maravillas del mundo; pero ninguna destas sepulturas ni otras muchas que tuvieron los gentiles se adornaron con mortajas ni con otras ofrendas y señales que mostrasen ser santos los que en ellas estaban sepultados. | « Les sépulcres des gentils ont été, pour la plupart, des temples fastueux. Les cendres de Jules César sont placées sur une pyramide en pierre d′une grandeur démesurée, qu′on appelle aujourd′hui à Rome l′aiguille de Saint-Pierre . L′empereur Adrien eut pour sépulture un château grand comme un gros village, qui fut appelé moles Hadriani, et qui est maintenant le château Saint-Ange. La reine Artémise fit ensevelir son mari Mausole dans un sépulcre qui passa pour une des sept merveilles du monde. Mais aucune de ces sépultures, ni beaucoup d′autres qu′eurent les gentils, n′ont été ornées de suaires et d′autres offrandes, qui montrent que ceux qu′elles renferment soient devenus des saints. | -A eso voy -replicó Sancho-. Y dígame agora: ¿cuál es más: resucitar a un muerto, o matar a un gigante. |  Nous y voilà ! répliqua Sancho ; dites-moi maintenant quel est le plus beau, de ressusciter un mort ou de tuer un géant ? | -La respuesta está en la mano -respondió don Quijote-: más es resucitar a un muerto. |  La réponse est toute prête, repartit don Quichotte ; c′est de ressusciter un mort. | -Cogido le tengo -dijo Sancho-: luego la fama del que resucita muertos, da vista a los ciegos, endereza los cojos y da salud a los enfermos, y delante de sus sepulturas arden lámparas, y están llenas sus capillas de gentes devotas que de rodillas adoran sus reliquias, mejor fama será, para este y para el otro siglo, que la que dejaron y dejaren cuantos emperadores gentiles y caballeros andantes ha habido en el mundo. |  Ah ! je vous tiens ! s′écria Sancho. Ainsi, la renommée de ceux qui ressuscitent les morts, qui donnent la vue aux aveugles, qui redressent les boiteux, qui rendent la santé aux malades, de ceux dont les sépultures sont éclairées par des lampes, dont les chapelles sont remplies d′âmes dévotes qui adorent à genoux leurs reliques, la renommée de ceux-là, dis-je, vaudra mieux, pour ce siècle et pour l′autre, que celle qu′ont laissée et que laisseront autant d′empereurs idolâtres et de chevaliers errants qu′il y en ait eu dans le monde. | -También confieso esa verdad -respondió don Quijote. |  C′est une vérité que je confesse également, répondit don Quichotte. | -Pues esta fama, estas gracias, estas prerrogativas, como llaman a esto -respondió Sancho-, tienen los cuerpos y las reliquias de los santos que, con aprobación y licencia de nuestra santa madre Iglesia, tienen lámparas, velas, mortajas, muletas, pinturas, cabelleras, ojos, piernas, con que aumentan la devoción y engrandecen su cristiana fama. Los cuerpos de los santos o sus reliquias llevan los reyes sobre sus hombros, besan los pedazos de sus huesos, adornan y enriquecen con ellos sus oratorios y sus más preciados altares. . |  Eh bien, cette renommée, continua Sancho, ces grâces, ces privilèges, ou comme vous voudrez appeler cela, appartiennent aux corps et aux reliques des saints, auxquels l′approbation et la dispense de notre sainte mère Église accordent des lampes, des cierges, des suaires, des béquilles, des chevelures, des yeux, des jambes, qui grandissent leur renommée chrétienne et augmentent la dévotion des fidèles. C′est sur leurs épaules que les rois portent les reliques des saints ; ils baisent les fragments de leurs os, ils en décorent leurs oratoires, ils en enrichissent leurs autels. | -¿Qué quieres que infiera, Sancho, de todo lo que has dicho? -dijo don Quijote. |  Et que faut-il en conclure, Sancho, de tout ce que tu viens de dire ? demanda don Quichotte. | -Quiero decir -dijo Sancho- que nos demos a ser santos, y alcanzaremos más brevemente la buena fama que pretendemos; y advierta, señor, que ayer o antes de ayer, que, según ha poco se puede decir desta manera, canonizaron o beatificaron dos frailecitos descalzos, cuyas cadenas de hierro con que ceñían y atormentaban sus cuerpos se tiene ahora a gran ventura el besarlas y tocarlas, y están en más veneración que está, según dije, la espada de Roldán en la armería del rey, nuestro señor, que Dios guarde. Así que, señor mío, más vale ser humilde frailecito, de cualquier orden que sea, que valiente y andante caballero; mas alcanzan con Dios dos docenas de diciplinas que dos mil lanzadas, ora las den a gigantes, ora a vestiglos o a endrigos. |  Que nous ferions mieux, répondit Sancho, de nous adonner à devenir saints ; nous atteindrions plus promptement la renommée à laquelle nous prétendons. Faites attention, seigneur, qu′hier ou avant-hier (il y a si peu de temps qu′on peut le dire ainsi), l′Église a canonisé et béatifié deux petits moines déchaussés , si bien qu′on tient à grand bonheur de baiser ou même de toucher les chaînes de fer dont ils ceignaient et tourmentaient leur corps, et que ces chaînes sont, à ce qu′on dit, en plus grande vénération que l′épée de Roland, qui est dans la galerie d′armes du roi notre seigneur, que Dieu conserve. Ainsi donc, mon seigneur, il vaut mieux être humble moinillon, de quelque ordre qu′on soit, que valeureux chevalier errant ; on obtient plus de Dieu avec deux douzaines de coups de discipline qu′avec deux mille coups de lance, qu′on les donne à des géants ou à des vampires et des andriaques. | -Todo eso es así -respondió don Quijote-, pero no todos podemos ser frailes, y muchos son los caminos por donde lleva Dios a los suyos al cielo: religión es la caballería; caballeros santos hay en la gloria. |  J′en conviens, répondit don Quichotte, mais nous ne pouvons pas tous être moines, et Dieu n′a pas qu′un chemin pour mener ses élus au ciel. La chevalerie est un ordre religieux, et il y a des saints chevaliers dans le paradis. | -Sí -respondió Sancho-, pero yo he oído decir que hay más frailes en el cielo que caballeros andantes. |  Oui, reprit Sancho, mais j′ai ouí¤ire qu′il y a plus de moines au ciel que de chevaliers errants. | -Eso es -respondió don Quijote- porque es mayor el número de los religiosos que el de los caballeros. |  C′est que le nombre des religieux est plus grand que celui des chevaliers, répliqua don Quichotte. | -Muchos son los andantes -dijo Sancho. |  Il y a pourtant bien des gens qui errent, dit Sancho. | -Muchos -respondió don Quijote-, pero pocos los que merecen nombre de caballeros. |  Beaucoup, répondit don Quichotte, mais peu qui méritent le nom de chevalier. » | En estas y otras semejantes pláticas se les pasó aquella noche y el día siguiente, sin acontecerles cosa que de contar fuese, de que no poco le pesó a don Quijote. En fin, otro día, al anochecer, descubrieron la gran ciudad del Toboso, con cuya vista se le alegraron los espíritus a don Quijote y se le entristecieron a Sancho, porque no sabía la casa de Dulcinea, ni en su vida la había visto, como no la había visto su señor; de modo que el uno por verla, y el otro por no haberla visto, estaban alborotados, y no imaginaba Sancho qué había de hacer cuando su dueño le enviase al Toboso. Finalmente, ordenó don Quijote entrar en la ciudad entrada la noche, y, en tanto que la hora se llegaba, se quedaron entre unas encinas que cerca del Toboso estaban, y, llegado el determinado punto, entraron en la ciudad, donde les sucedió cosas que a cosas llegan. | Ce fut dans cet entretien et d′autres semblables qu′ils passèrent cette nuit et le jour suivant, sans qu′il leur arrivât rien qui mérite d′être conté, ce qui ne chagrina pas médiocrement don Quichotte. Enfin, le second jour, à l′entrée de la nuit, ils découvrirent la grande cité du Toboso. Cette vue réjouit l′âme de don Quichotte et attrista celle de Sancho, car il ne connaissait pas la maison de Dulcinée, et n′avait vu la dame de sa vie, pas plus que son seigneur ; de façon que, l′un pour la voir, et l′autre pour ne l′avoir pas vue, ils étaient tous deux inquiets et agités, et Sancho n′imaginait pas ce qu′il aurait à faire quand son maître l′enverrait au Toboso, finalement, don Quichotte résolut de n′entrer dans la ville qu′à la nuit close. En attendant l′heure, ils restèrent cachés dans un bouquet de chênes qui est proche du Toboso, et, le moment venu, ils entrèrent dans la ville, où il leur arriva des choses qui peuvent s′appeler ainsi.
| II. Capítulo IX. Donde se cuenta lo que en él se verá. | Chapitre IX Où l′on raconte ce que l′on y verra | Media noche era por filo, poco más a menos, cuando don Quijote y Sancho dejaron el monte y entraron en el Toboso. Estaba el pueblo en un sosegado silencio, porque todos sus vecinos dormían y reposaban a pierna tendida, como suele decirse. Era la noche entreclara, puesto que quisiera Sancho que fuera del todo escura, por hallar en su escuridad disculpa de su sandez. No se oía en todo el lugar sino ladridos de perros, que atronaban los oídos de don Quijote y turbaban el corazón de Sancho. De cuando en cuando, rebuznaba un jumento, gruñían puercos, mayaban gatos, cuyas voces, de diferentes sonidos, se aumentaban con el silencio de la noche, todo lo cual tuvo el enamorado caballero a mal agüero; pero, con todo esto, dijo a Sancho. | Il était tout juste minuit , ou à peu près, quand don Quichotte et Sancho quittèrent leur petit bois et entrèrent dans le Toboso. Le village était enseveli dans le repos et le silence, car tous les habitants dormaient comme des souches. La nuit se trouvait être demi-claire, et Sancho aurait bien voulu qu′elle fût tout à fait noire, pour trouver dans son obscurité une excuse à ses sottises. On n′entendait dans tout le pays que des aboiements de chiens, qui assourdissaient don Quichotte et troublaient le cœur de Sancho. De temps en temps, un âne se mettait à braire, des cochons à grogner, des chats à miauler, et tous les bruits de ces voix différentes s′augmentaient par le silence de la nuit. L′amoureux chevalier les prit à mauvais augure. Cependant il dit à Sancho : | -Sancho, hijo, guía al palacio de Dulcinea: quizá podrá ser que la hallemos despierta. | « Conduis-nous au palais de Dulcinée, mon fils Sancho ; peut-être la trouverons-nous encore éveillée. | -¿A qué palacio tengo de guiar, cuerpo del sol -respondió Sancho-, que en el que yo vi a su grandeza no era sino casa muy pequeña. |  À quel diable de palais faut-il vous conduire, corps du soleil ? s′écria Sancho ; celui où j′ai vu Sa Grandeur n′était qu′une très-petite maison. | -Debía de estar retirada, entonces -respondió don Quijote-, en algún pequeño apartamiento de su alcázar, solazándose a solas con sus doncellas, como es uso y costumbre de las altas señoras y princesas. |  Sans doute, reprit don Quichotte, elle s′était retirée dans quelque petit appartement de son alcazar , pour s′y récréer dans la solitude avec ses femmes, comme c′est l′usage et la coutume des hautes dames et des princesses. | -Señor -dijo Sancho-, ya que vuestra merced quiere, a pesar mío, que sea alcázar la casa de mi señora Dulcinea, ¿es hora ésta por ventura de hallar la puerta abierta? Y ¿será bien que demos aldabazos para que nos oyan y nos abran, metiendo en alboroto y rumor toda la gente? ¿Vamos por dicha a llamar a la casa de nuestras mancebas, como hacen los abarraganados, que llegan, y llaman, y entran a cualquier hora, por tarde que sea. |  Seigneur, dit Sancho, puisque Votre Grâce veut à toute force que la maison de madame Dulcinée soit un alcazar, dites-moi, est-ce l′heure d′en trouver la porte ouverte ? Ferons-nous bien de frapper à tour de bras pour qu′on nous entende et qu′on nous ouvre, au risque de mettre tout le monde en rumeur et en alarme ? Est-ce que, par hasard, nous allons frapper à la porte de nos donzelles, comme font les amants argent comptant, qui arrivent, frappent et entrent à toute heure, si tard qu′il soit ? | -Hallemos primero una por una el alcázar -replicó don Quijote-, que entonces yo te diré, Sancho, lo que será bien que hagamos. Y advierte, Sancho, que yo veo poco, o que aquel bulto grande y sombra que desde aquí se descubre la debe de hacer el palacio de Dulcinea. |  Trouvons d′abord l′alcazar, répliqua don Quichotte ; alors je te dirai, Sancho, ce qu′il sera bon que nous fassions. Mais, tiens, ou je ne vois guère, ou cette masse qui donne cette grande ombre qu′on aperçoit là-bas doit être le palais de Dulcinée. | -Pues guíe vuestra merced -respondió Sancho-: quizá será así; aunque yo lo veré con los ojos y lo tocaré con las manos, y así lo creeré yo como creer que es ahora de día. |  Eh bien, que Votre Grâce nous mène, répondit Sancho ; peut-être en sera-t-il ainsi ; et pourtant, quand je l′aurai vu avec les yeux et touché avec les mains, j′y croirai comme je crois qu′il fait jour maintenant. » | Guió don Quijote, y, habiendo andado como docientos pasos, dio con el bulto que hacía la sombra, y vio una gran torre, y luego conoció que el tal edificio no era alcázar, sino la iglesia principal del pueblo. Y dijo. | Don Quichotte marcha devant, et quand il eut fait environ deux cents pas, il trouva la masse qui projetait la grande ombre, Il vit une haute tour, et reconnut aussitôt que cet édifice n′était pas un alcazar, mais bien l′église paroissiale du pays. | -Con la iglesia hemos dado, Sancho. | « C′est l′église, Sancho, dit-il, que nous avons rencontrée. | -Ya lo veo -respondió Sancho-; y plega a Dios que no demos con nuestra sepultura, que no es buena señal andar por los cimenterios a tales horas, y más, habiendo yo dicho a vuestra merced, si mal no me acuerdo, que la casa desta señora ha de estar en una callejuela sin salida. |  Je le vois bien, répondit Sancho, et plaise à Dieu que nous ne rencontrions pas aussi notre sépulture ! car c′est un mauvais signe que de courir les cimetières à ces heures-ci, surtout quand j′ai dit à Votre Grâce, si je m′en souviens bien, que la maison de cette dame doit être dans un cul-de-sac. | -¡Maldito seas de Dios, mentecato! -dijo don Quijote-. ¿Adónde has tú hallado que los alcázares y palacios reales estén edificados en callejuelas sin salida? . |  Maudit sois-tu de Dieu ! s′écria don Quichotte. Où donc as-tu trouvé, nigaud, que les alcazars et les palais des rois soient bâtis dans des culs-de-sac ? | -Señor -respondió Sancho-, en cada tierra su uso: quizá se usa aquí en el Toboso edificar en callejuelas los palacios y edificios grandes; y así, suplico a vuestra merced me deje buscar por estas calles o callejuelas que se me ofrecen: podría ser que en algún rincón topase con ese alcázar, que le vea yo comido de perros, que así nos trae corridos y asendereados. |  Seigneur, répondit Sancho, à chaque pays sa mode ; peut-être est-ce l′usage au Toboso de bâtir dans des culs-de-sac les palais et les grands édifices. Aussi, je supplie Votre Grâce de me laisser chercher par ces rues et ces ruelles que je verrai devant moi, peut-être trouverai-je en quelque coin cet alcazar que je voudrais voir mangé des chiens, tant il nous fait donner au diable. | -Habla con respeto, Sancho, de las cosas de mi señora -dijo don Quijote-, y tengamos la fiesta en paz, y no arrojemos la soga tras el caldero. |  Parle avec respect, Sancho, des choses de ma dame, dit don Quichotte ; passons la fête en paix, et ne jetons pas le manche après la cognée. | -Yo me reportaré -respondió Sancho-; pero, ¿con qué paciencia podré llevar que quiera vuestra merced que de sola una vez que vi la casa de nuestra ama, la haya de saber siempre y hallarla a media noche, no hallándola vuestra merced, que la debe de haber visto millares de veces. |  Je tiendrai ma langue, reprit Sancho ; mais avec quelle patience pourrais-je supporter que Votre Grâce veuille à toute force que, pour une fois que j′ai vu la maison de notre maîtresse, je la reconnaisse de but en blanc, et que je la trouve au milieu de la nuit, tandis que vous ne la trouvez pas, vous qui l′avez vue des milliers de fois ? | -Tú me harás desesperar, Sancho -dijo don Quijote-. Ven acá, hereje: ¿no te he dicho mil veces que en todos los días de mi vida no he visto a la sin par Dulcinea, ni jamás atravesé los umbrales de su palacio, y que sólo estoy enamorado de oídas y de la gran fama que tiene de hermosa y discreta. |  Tu me feras désespérer, Sancho ! s′écria don Quichotte. Viens çà, hérétique ; ne t′ai-je pas dit mille et mille fois que de ma vie je n′ai vu la sans pareille Dulcinée, que je n′ai jamais franchi le seuil de son palais, qu′enfin je ne suis amoureux que par ouí¬¤ire, et sur la grande renommée qu′elle a de beauté et d′esprit. | -Ahora lo oigo -respondió Sancho-; y digo que, pues vuestra merced no la ha visto, ni yo tampoco. . |  Maintenant je le saurai, répondit Sancho, et je dis que, puisque Votre Grâce ne l′a pas vue, moi je ne l′ai pas vue davantage. | -Eso no puede ser -replicó don Quijote-; que, por lo menos, ya me has dicho tú que la viste ahechando trigo, cuando me trujiste la respuesta de la carta que le envié contigo. |  Cela ne peut être, répliqua don Quichotte, car tu m′as dit pour le moins que tu l′avais vue criblant du blé, quand tu me rapportas la réponse de la lettre que tu lui portas de ma part. | -No se atenga a eso, señor -respondió Sancho-, porque le hago saber que también fue de oídas la vista y la respuesta que le truje; porque, así sé yo quién es la señora Dulcinea como dar un puño en el cielo. |  Ne faites pas attention à cela, seigneur, repartit Sancho ; il faut que vous sachiez que ma visite fut aussi par ouí¬¤ire, aussi bien que la réponse que je vous rapportai, car je ne sais pas plus ce qu′est madame Dulcinée que de donner un coup de poing dans la lune. | -Sancho, Sancho -respondió don Quijote-, tiempos hay de burlar, y tiempos donde caen y parecen mal las burlas. No porque yo diga que ni he visto ni hablado a la señora de mi alma has tú de decir también que ni la has hablado ni visto, siendo tan al revés como sabes. |  Sancho ! Sancho ! s′écria don Quichotte, il y a des temps pour plaisanter et des temps où les plaisanteries viennent fort mal à propos. Ce n′est pas, j′imagine, parce que je dis que je n′ai jamais vu ni entendu la dame de mon âme, qu′il t′est permis de dire également que tu ne l′as ni vue ni entretenue, quand c′est tout le contraire, comme tu le sais bien. » | Estando los dos en estas pláticas, vieron que venía a pasar por donde estaban uno con dos mulas, que, por el ruido que hacía el arado, que arrastraba por el suelo, juzgaron que debía de ser labrador, que habría madrugado antes del día a ir a su labranza; y así fue la verdad. Venía el labrador cantando aquel romance que dicen. | Tandis que nos deux aventuriers en étaient là de leur entretien, ils virent passer auprès d′eux un homme avec deux mules ; et, au bruit que faisait la charrue que traînaient ces animaux, ils jugèrent que ce devait être quelque laboureur qui s′était levé avant le jour pour aller à sa besogne ; ils ne se trompaient pas. Tout en cheminant, le laboureur chantait ce vieux romance qui dit : | Mala la hubistes, franceses. en esa de Roncesvalles. | « Il vous en a cuit, Français, à la chasse de Roncevaux. » | -Que me maten, Sancho -dijo, en oyéndole, don Quijote-, si nos ha de suceder cosa buena esta noche. ¿No oyes lo que viene cantando ese villano. | « Qu′on me tue, Sancho, s′écria don Quichotte, s′il nous arrive quelque chose de bon cette nuit ; entends-tu ce que chante ce manant ? | -Sí oigo -respondió Sancho-; pero, ¿qué hace a nuestro propósito la caza de Roncesvalles? Así pudiera cantar el romance de Calaínos, que todo fuera uno para sucedernos bien o mal en nuestro negocio. |  Oui, je l′entends, répondit Sancho ; mais que fait à notre affaire la chasse de Roncevaux ? il pouvait aussi bien chanter le romance de Calaî¯s ; ce serait la même chose pour le bien ou le mal qui peut nous arriver. » | Llegó, en esto, el labrador, a quien don Quijote preguntó. | Le laboureur approcha sur ces entrefaites, et don Quichotte lui demanda : | -¿Sabréisme decir, buen amigo, que buena ventura os dé Dios, dónde son por aquí los palacios de la sin par princesa doña Dulcinea del Toboso. | « Sauriez-vous me dire, mon cher ami (que Dieu vous donne toutes sortes de prospérités !), où sont par ici les palais de la sans pareille princesse doña Dulcinée du Toboso ? | -Señor -respondió el mozo-, yo soy forastero y ha pocos días que estoy en este pueblo, sirviendo a un labrador rico en la labranza del campo; en esa casa frontera viven el cura y el sacristán del lugar; entrambos, o cualquier dellos, sabrá dar a vuestra merced razón desa señora princesa, porque tienen la lista de todos los vecinos del Toboso; aunque para mí tengo que en todo él no vive princesa alguna; muchas señoras, sí, principales, que cada una en su casa puede ser princesa. |  Seigneur, répondit le passant, je ne suis pas du pays, et il y a peu de jours que j′y suis venu me mettre au service d′un riche laboureur pour travailler aux champs. Mais, tenez, dans cette maison vis-à-vis demeurent le curé et le sacristain du village ; entre eux deux ils sauront bien vous indiquer cette madame la princesse, car ils ont la liste de tous les bourgeois du Toboso ; quoique, à vrai dire, je ne croie pas que dans le pays il demeure une seule princesse, mais beaucoup de dames de qualité, oh ! pour le sûr, dont chacune d′elles peut bien être princesse dans sa maison. | -Pues entre ésas -dijo don Quijote- debe de estar, amigo, ésta por quien te pregunto. |  Eh bien, c′est parmi ces dames, reprit don Quichotte, que doit être, mon ami, celle dont je m′informe auprès de vous. | -Podría ser -respondió el mozo-; y adiós, que ya viene el alba. |  Cela se peut bien, reprit le laboureur ; mais adieu, car le jour vient. » | Y, dando a sus mulas, no atendió a más preguntas. Sancho, que vio suspenso a su señor y asaz mal contento, le dijo: | Et, fouettant ses mules, il s′en alla sans attendre d′autres questions. Sancho, qui vit que son maître était indécis et fort peu content : | -Señor, ya se viene a más andar el día, y no será acertado dejar que nos halle el sol en la calle; mejor será que nos salgamos fuera de la ciudad, y que vuestra merced se embosque en alguna floresta aquí cercana, y yo volveré de día, y no dejaré ostugo en todo este lugar donde no busque la casa, alcázar o palacio de mi señora, y asaz sería de desdichado si no le hallase; y, hallándole, hablaré con su merced, y le diré dónde y cómo queda vuestra merced esperando que le dé orden y traza para verla, sin menoscabo de su honra y fama. | « Seigneur, lui dit-il, voilà le jour qui approche, et il ne serait pas prudent que le soleil nous trouvât dans la rue. Il vaut mieux que nous sortions de la ville, et que Votre Grâce s′embusque dans quelque bois près d′ici. Je reviendrai de jour, et je ne laisserai pas un recoin dans le pays où je ne cherche le palais ou l′alcazar de ma dame. Je serais bien malheureux si je ne le trouvais pas ; et quand je l′aurai trouvé, je parlerai à Sa Grâce, et je lui dirai où et comment vous attendez qu′elle arrange et règle de quelle façon vous pouvez la voir sans détriment de son honneur et de sa réputation. | -Has dicho, Sancho -dijo don Quijote-, mil sentencias encerradas en el círculo de breves palabras: el consejo que ahora me has dado le apetezco y recibo de bonísima gana. Ven, hijo, y vamos a buscar donde me embosque, que tú volverás, como dices, a buscar, a ver y hablar a mi señora, de cuya discreción y cortesía espero más que milagrosos favores. |  Tu as dit, Sancho, s′écria don Quichotte, un millier de sentences enveloppées dans le cercle de quelques paroles. Je reçois et j′accepte de bon cœur le conseil que tu viens de me donner. Viens, mon fils, allons chercher un endroit où je m′embusque, tandis que tu reviendras, comme tu dis, chercher, voir et entretenir ma dame, dont la courtoisie et la discrétion me font espérer plus que de miraculeuses faveurs. » | Rabiaba Sancho por sacar a su amo del pueblo, porque no averiguase la mentira de la respuesta que de parte de Dulcinea le había llevado a Sierra Morena; y así, dio priesa a la salida, que fue luego, y a dos millas del lugar hallaron una floresta o bosque, donde don Quijote se emboscó en tanto que Sancho volvía a la ciudad a hablar a Dulcinea; en cuya embajada le sucedieron cosas que piden nueva atención y nuevo crédito. | Sancho grillait d′envie de tirer son maître hors du pays, de crainte qu′il ne vînt à découvrir le mensonge de cette réponse qu′il lui avait remise de la part de Dulcinée, dans la Sierra-Moréna. Il se hâta donc de l′emmener, et, à deux milles environ, ils trouvèrent un petit bois où don Quichotte s′embusqua pendant que Sancho retournait à la ville. Mais il lui arriva dans son ambassade des choses qui demandent et méritent un nouveau crédit.
| II. Capítulo X. Donde se cuenta la industria que Sancho tuvo para encantar a la señora Dulcinea, y de otros sucesos tan ridículos como verdaderos. | Chapitre X Où l′on raconte quel moyen prit l′industrieux Sancho pour enchanter madame Dulcinée, avec d′autres événements non moins risibles que véritables | Llegando el autor desta grande historia a contar lo que en este capítulo cuenta, dice que quisiera pasarle en silencio, temeroso de que no había de ser creído, porque las locuras de don Quijote llegaron aquí al término y raya de las mayores que pueden imaginarse, y aun pasaron dos tiros de ballesta más allá de las mayores. Finalmente, aunque con este miedo y recelo, las escribió de la misma manera que él las hizo, sin añadir ni quitar a la historia un átomo de la verdad, sin dársele nada por las objeciones que podían ponerle de mentiroso. Y tuvo razón, porque la verdad adelgaza y no quiebra, y siempre anda sobre la mentira como el aceite sobre el agua. | En arrivant à raconter ce que renferme le présent chapitre, l′auteur de cette grande histoire dit qu′il aurait voulu le passer sous silence, dans la crainte de n′être pas cru, parce que les folies de don Quichotte touchèrent ici au dernier terme que puissent atteindre les plus grandes qui se puissent imaginer, et qu′elles allèrent même deux portées d′arquebuse au-delà. Mais finalement, malgré cette appréhension, il les écrivit de la même manière que le chevalier les avait faites, sans ôter ni ajouter à l′histoire un atome de la vérité, et sans se soucier davantage du reproche qu′on pourrait lui adresser d′avoir menti. Il eut raison, parce que la vérité, si fine qu′elle soit, ne casse jamais, et qu′elle nage sur le mensonge comme l′huile au-dessus de l′eau. | Y así, prosiguiendo su historia, dice que, así como don Quijote se emboscó en la floresta, encinar o selva junto al gran Toboso, mandó a Sancho volver a la ciudad, y que no volviese a su presencia sin haber primero hablado de su parte a su señora, pidiéndola fuese servida de dejarse ver de su cautivo caballero, y se dignase de echarle su bendición, para que pudiese esperar por ella felicísimos sucesos de todos sus acometimientos y dificultosas empresas. Encargóse Sancho de hacerlo así como se le mandaba, y de traerle tan buena respuesta como le trujo la vez primera. | Continuant donc son récit, l′historien dit qu′aussitôt que don Quichotte se fut embusqué dans le bosquet, bois ou forêt proche du Toboso, il ordonna à Sancho de retourner à la ville, et de ne point reparaître en sa présence qu′il n′eût d′abord parlé de sa part à sa dame, pour la prier de vouloir bien se laisser voir de son captif chevalier, et de daigner lui donner sa bénédiction, afin qu′il pût se promettre une heureuse issue dans toutes les entreprises qu′il affronterait désormais. Sancho se chargea de ce que lui commandait son maître, et promit de lui rapporter une aussi bonne réponse que la première fois. | -Anda, hijo -replicó don Quijote-, y no te turbes cuando te vieres ante la luz del sol de hermosura que vas a buscar. ¡Dichoso tú sobre todos los escuderos del mundo! Ten memoria, y no se te pase della cómo te recibe: si muda las colores el tiempo que la estuvieres dando mi embajada; si se desasosiega y turba oyendo mi nombre; si no cabe en la almohada, si acaso la hallas sentada en el estrado rico de su autoridad; y si está en pie, mírala si se pone ahora sobre el uno, ahora sobre el otro pie; si te repite la respuesta que te diere dos o tres veces; si la muda de blanda en áspera, de aceda en amorosa; si levanta la mano al cabello para componerle, aunque no esté desordenado; finalmente, hijo, mira todas sus acciones y movimientos; porque si tú me los relatares como ellos fueron, sacaré yo lo que ella tiene escondido en lo secreto de su corazón acerca de lo que al fecho de mis amores toca; que has de saber, Sancho, si no lo sabes, que entre los amantes, las acciones y movimientos exteriores que muestran, cuando de sus amores se trata, son certísimos correos que traen las nuevas de lo que allá en lo interior del alma pasa. Ve, amigo, y guíete otra mejor ventura que la mía, y vuélvate otro mejor suceso del que yo quedo temiendo y esperando en esta amarga soledad en que me dejas. | « Va, mon fils, répliqua don Quichotte, et ne te trouble point quand tu te verras devant la lumière du soleil de beauté à la quête de qui tu vas, heureux par-dessus tous les écuyers du monde ! Aie bonne mémoire, et rappelle-toi bien comment elle te recevra, si elle change de couleur pendant que tu exposeras l′objet de ton ambassade, si elle se trouble et rougit en entendant mon nom. Dans le cas où tu la trouverais assise sur la riche estrade d′une femme de son rang, regarde si elle ne peut tenir en place sur ses coussins, mais si elle est debout, regarde si elle se pose tantôt sur un pied, tantôt sur l′autre, si elle répète deux ou trois fois la réponse qu′elle te donnera, si elle la change de douce en amère, ou d′aigre en amoureuse ; si elle porte la main à sa chevelure pour l′arranger, quoiqu′elle ne soit pas en désordre. Finalement, mon fils, remarque avec soin toutes ses actions, tous ses mouvements ; car, si tu me les rapportes bien tels qu′ils se sont passés, j′en tirerai la connaissance de ce qu′elle a de caché dans le fond du cœur au sujet de mes amours. Il faut que je t′apprenne, Sancho, si tu l′ignores, que les gestes et les mouvements extérieurs qui échappent aux amants, quand on parle de leurs amours, sont de fidèles messagers qui apportent des nouvelles de ce qui se passe dans l′intérieur de leur âme. Pars, ami ; sois guidé par un plus grand bonheur que le mien, et ramené par un meilleur succès que celui que je resterai à espérer et à craindre dans cette amère solitude où tu me laisses. | -Yo iré y volveré presto -dijo Sancho-; y ensanche vuestra merced, señor mío, ese corazoncillo, que le debe de tener agora no mayor que una avellana, y considere que se suele decir que buen corazón quebranta mala ventura, y que donde no hay tocinos, no hay estacas; y también se dice: donde no piensa, salta la liebre. Dígolo porque si esta noche no hallamos los palacios o alcázares de mi señora, agora que es de día los pienso hallar, cuando menos los piense, y hallados, déjenme a mí con ella. |  J′irai et reviendrai vite, répondit Sancho. Voyons, seigneur de mon âme, laissez gonfler un peu ce petit cœur qui ne doit pas être maintenant plus gros qu′une noisette. Considérez ce qu′on a coutume de dire, que « bon cœur brise mauvaise fortune », et que « où il n′y a pas de lard, il n′y a pas de crochet pour le pendre. » On dit aussi : « Où l′on s′y attend le moins, saute le lièvre. » Je dis cela, parce que si, cette nuit, nous n′avons pas trouvé le palais ou l′alcazar de ma dame, maintenant qu′il est jour, j′espère le trouver quand j′y penserai le moins ; et quand je l′aurai trouvé, laissez-moi démêler mes flûtes avec elle. | -Por cierto, Sancho -dijo don Quijote-, que siempre traes tus refranes tan a pelo de lo que tratamos cuanto me dé Dios mejor ventura en lo que deseo. |  Assurément, Sancho, reprit don Quichotte, tu amènes les proverbes si bien à propos sur ce que nous traitons, que je ne dois pas demander à Dieu plus de bonheur en ce que je désire. » | Esto dicho, volvió Sancho las espaldas y vareó su rucio, y don Quijote se quedó a caballo, descansando sobre los estribos y sobre el arrimo de su lanza, lleno de tristes y confusas imaginaciones, donde le dejaremos, yéndonos con Sancho Panza, que no menos confuso y pensativo se apartó de su señor que él quedaba; y tanto, que, apenas hubo salido del bosque, cuando, volviendo la cabeza y viendo que don Quijote no parecía, se apeó del jumento, y, sentándose al pie de un árbol, comenzó a hablar consigo mesmo y a decirse. | À ces mots, Sancho tourna le dos, et bâtonna son grison, tandis que don Quichotte restait à cheval, s′appuyant sur ses étriers et sur le bois de sa lance, la tête pleine de tristes et confuses pensées. Nous le laisserons là pour aller avec Sancho, lequel s′éloignait de son seigneur non moins pensif et troublé qu′il ne le laissait ; tellement qu′à peine hors du bois, il tourna la tête, et, voyant que don Quichotte n′était plus en vue, il descendit de son âne, s′assit au pied d′un arbre, et commença de la sorte à se parler à lui-même : | -Sepamos agora, Sancho hermano, adónde va vuesa merced. ¿Va a buscar algún jumento que se le haya perdido? ′′No, por cierto′′. Pues, ¿qué va a buscar? ′′Voy a buscar, como quien no dice nada, a una princesa, y en ella al sol de la hermosura y a todo el cielo junto′′. Y ¿adónde pensáis hallar eso que decís, Sancho? ′′¿Adónde? En la gran ciudad del Toboso′′. Y bien: ¿y de parte de quién la vais a buscar? De parte del famoso caballero don Quijote de la Mancha, que desface los tuertos, y da de comer al que ha sed, y de beber al que ha hambre′′. Todo eso está muy bien. Y ¿sabéis su casa, Sancho? ′′Mi amo dice que han de ser unos reales palacios o unos soberbios alcázares′′. Y ¿habéisla visto algún día por ventura? ′′Ni yo ni mi amo la habemos visto jamás′′. Y ¿paréceos que fuera acertado y bien hecho que si los del Toboso supiesen que estáis vos aquí con intención de ir a sonsacarles sus princesas y a desasosegarles sus damas, viniesen y os moliesen las costillas a puros palos, y no os dejasen hueso sano? ′′En verdad que tendrían mucha razón, cuando no considerasen que soy mandado, y que mensajero sois, amigo, no merecéis culpa, non′′. No os fiéis en eso, Sancho, porque la gente manchega es tan colérica como honrada, y no consiente cosquillas de nadie. Vive Dios que si os huele, que os mando mala ventura. ′′¡Oxte, puto! ¡Allá darás, rayo! ¡No, sino ándeme yo buscando tres pies al gato por el gusto ajeno! Y más, que así será buscar a Dulcinea por el Toboso como a Marica por Rávena, o al bachiller en Salamanca. ¡El diablo, el diablo me ha metido a mí en esto, que otro no!′. | « Maintenant, mon frère Sancho, sachons un peu où va Votre Grâce. Allez-vous chercher quelque âne que vous ayez perdu !  Non, assurément.  Eh bien ! qu′allez-vous donc chercher ?  Je vais chercher comme qui dirait une princesse, et en elle le soleil de la beauté et toutes les étoiles du ciel.  Et où pensez-vous trouver ce que vous dites là, Sancho ?  Où ? dans la grande ville du Toboso.  C′est fort bien ; et de quelle part l′allez-vous chercher ?  De la part du fameux don Quichotte de la Manche, qui défait les torts, qui donne à boire à ceux qui ont faim et à manger à ceux qui ont soif.  C′est encore très-bien ; mais savez-vous sa demeure, Sancho ?  Mon maître dit que ce doit être un palais royal ou un superbe alcazar.  Et l′avez-vous vue quelquefois, par hasard ?  Ni moi ni mon maître ne l′avons jamais vue.  Mais ne vous semble-t-il pas qu′il serait bien trouvé et bien fait aux gens du Toboso, s′ils savaient que vous êtes ici avec l′intention d′embaucher leur princesse et de débaucher leurs dames, de vous moudre les côtes à grands coups de gourdin, sans vous laisser place nette sur tout le corps ?  Oui, ils auraient en vérité bien raison, s′ils ne considéraient pas que j′agis par ordre d′autrui, et que vous êtes messager, mon ami, vous ne méritez aucune peine.  Ne vous y fiez pas, Sancho, car les Manchois sont une gent aussi colère qu′estimable, et ils ne se laissent chatouiller par personne. Vive Dieu ! s′ils vous dépistent, vous n′êtes pas dans de beaux draps.  Oh ! oh ! je donne ma langue aux chiens. Pourquoi me mettrais-je à chercher midi à quatorze heures pour les beaux yeux d′un autre ? D′ailleurs, chercher Dulcinée par le Toboso, c′est demander le comte à la cour ou le bachelier dans Salamanque. Oui, c′est le diable, le diable tout seul qui m′a fourré dans cette affaire. » | Este soliloquio pasó consigo Sancho, y lo que sacó dél fue que volvió a decirse. | Sancho disait ce monologue avec lui-même, et la conclusion qu′il en tira fut de se raviser tout à coup. | -Ahora bien, todas las cosas tienen remedio, si no es la muerte, debajo de cuyo yugo hemos de pasar todos, mal que nos pese, al acabar de la vida. Este mi amo, por mil señales, he visto que es un loco de atar, y aun también yo no le quedo en zaga, pues soy más mentecato que él, pues le sigo y le sirvo, si es verdadero el refrán que dice: "Dime con quién andas, decirte he quién eres", y el otro de  No con quien naces, sino con quien paces". Siendo, pues, loco, como lo es, y de locura que las más veces toma unas cosas por otras, y juzga lo blanco por negro y lo negro por blanco, como se pareció cuando dijo que los molinos de viento eran gigantes, y las mulas de los religiosos dromedarios, y las manadas de carneros ejércitos de enemigos, y otras muchas cosas a este tono, no será muy difícil hacerle creer que una labradora, la primera que me topare por aquí, es la señora Dulcinea; y, cuando él no lo crea, juraré yo; y si él jurare, tornaré yo a jurar; y si porfiare, porfiaré yo más, y de manera que tengo de tener la mía siempre sobre el hito, venga lo que viniere. Quizá con esta porfía acabaré con él que no me envíe otra vez a semejantes mensajerías, viendo cuán mal recado le traigo dellas, o quizá pensará, como yo imagino, que algún mal encantador de estos que él dice que le quieren mal la habrá mudado la figura por hacerle mal y daño. | « Pardieu, se dit-il, tous les maux ont leur remède, si ce n′est la mort, sous le joug de laquelle nous devons tous passer, quelque dépit que nous en ayons, à la fin de la vie. Mon maître, à ce que j′ai vu dans mille occasions, est un fou à lier, et franchement, je ne suis guère en reste avec lui ; au contraire, je suis encore plus imbécile, puisque je l′accompagne et le sers, s′il faut croire au proverbe qui dit : « Dis-moi qui tu hantes et je te dirai qui tu es ; » ou cet autre : « Non avec qui tu nais, mais avec qui tu pais. » Eh bien, puisqu′il est fou, et d′une folie qui lui fait la plupart du temps prendre une chose pour l′autre, le blanc pour le noir et le noir pour le blanc, comme il le fit voir quand il prétendit que les moulins à vent étaient des géants aux grands bras, les mules des religieux des dromadaires, les hôtelleries des châteaux, les troupeaux de moutons des armées ennemies, ainsi que bien d′autres choses de la même force, il ne me sera pas difficile de lui faire accroire qu′une paysanne, la première que je trouverai ici sous ma main, est madame Dulcinée. S′il ne le croit pas, j′en jurerai ; s′il en jure aussi, j′en jurerai plus fort, et s′il s′opiniâtre, je n′en démordrai pas ; de cette manière, j′aurai toujours ma main par-dessus la sienne, advienne que pourra. Peut-être le dégoûterai-je ainsi de m′envoyer une autre fois à de semblables messages, en voyant les mauvais compliments que je lui en rapporte. Peut-être aussi pensera-t-il, à ce que j′imagine, que quelque méchant enchanteur, de ceux qui lui en veulent, à ce qu′il dit, aura changé, pour lui jouer pièce, la figure de sa dame. » | Con esto que pensó Sancho Panza quedó sosegado su espíritu, y tuvo por bien acabado su negocio, y deteniéndose allí hasta la tarde, por dar lugar a que don Quijote pensase que le había tenido para ir y volver del Toboso; y sucedióle todo tan bien que, cuando se levantó para subir en el rucio, vio que del Toboso hacia donde él estaba venían tres labradoras sobre tres pollinos, o pollinas, que el autor no lo declara, aunque más se puede creer que eran borricas, por ser ordinaria caballería de las aldeanas; pero, como no va mucho en esto, no hay para qué detenernos en averiguarlo. En resolución: así como Sancho vio a las labradoras, a paso tirado volvió a buscar a su señor don Quijote, y hallóle suspirando y diciendo mil amorosas lamentaciones. Como don Quijote le vio, le dijo. | Sur cette pensée, Sancho Panza se remit l′esprit en repos et tint son affaire pour heureusement conclue. Il resta couché sous son arbre jusqu′au tantôt, pour laisser croire à don Quichotte qu′il avait eu le temps d′aller et de revenir. Tout se passa si bien, que, lorsqu′il se leva pour remonter sur le grison, il aperçut venir du Toboso trois paysannes, montées sur trois ânes, ou trois ânesses, car l′auteur ne s′explique pas clairement ; mais on peut croire que c′étaient plutôt des bourriques, puisque c′est la monture ordinaire des paysannes, et, comme ce n′est pas un point de haut intérêt, il est inutile de nous arrêter davantage à le vérifier. Finalement, dès que Sancho vit les paysannes, il revint au grand trot chercher son seigneur don Quichotte, qu′il trouva jetant des soupirs au vent et faisant mille lamentations amoureuses. Aussitôt que don Quichotte l′aperçut, il lui dit : | -¿Qué hay, Sancho amigo? ¿Podré señalar este día con piedra blanca, o con negra? . | « Qu′y a-t-il, ami Sancho ? Pourrai-je marquer ce jour avec une pierre blanche ou avec une pierre noire ? | -Mejor será -respondió Sancho- que vuesa merced le señale con almagre, como rétulos de cátedras, porque le echen bien de ver los que le vieren. |  Vous ferez mieux, répondit Sancho, de le marquer en lettres rouges comme les écriteaux de collège, afin que ceux qui le verront puissent le lire de loin. | -De ese modo -replicó don Quijote-, buenas nuevas traes. |  De cette manière, reprit don Quichotte, tu apportes de bonnes nouvelles ? | -Tan buenas -respondió Sancho-, que no tiene más que hacer vuesa merced sino picar a Rocinante y salir a lo raso a ver a la señora Dulcinea del Toboso, que con otras dos doncellas suyas viene a ver a vuesa merced. |  Si bonnes, répliqua Sancho, que vous n′avez rien de mieux à faire que d′éperonner Rossinante, et de sortir en rase campagne pour voir madame Dulcinée du Toboso, qui vient avec deux de ses femmes rendre visite à Votre Grâce. | -¡Santo Dios! ¿Qué es lo que dices, Sancho amigo? -dijo don Quijote-. Mira no me engañes, ni quieras con falsas alegrías alegrar mis verdaderas tristezas. |  Sainte Vierge ! s′écria don Quichotte ; qu′est-ce que tu dis, ami Sancho ? Ah ! je t′en conjure, ne me trompe pas, et ne cherche point par de fausses joies à réjouir mes véritables tristesses. | -¿Qué sacaría yo de engañar a vuesa merced -respondió Sancho-, y más estando tan cerca de descubrir mi verdad? Pique, señor, y venga, y verá venir a la princesa, nuestra ama, vestida y adornada, en fin, como quien ella es. Sus doncellas y ella todas son una ascua de oro, todas mazorcas de perlas, todas son diamantes, todas rubíes, todas telas de brocado de más de diez altos; los cabellos, sueltos por las espaldas, que son otros tantos rayos del sol que andan jugando con el viento; y, sobre todo, vienen a caballo sobre tres cananeas remendadas, que no hay más que ver. |  Qu′est-ce que je gagnerais à vous tromper, répliqua Sancho, surtout quand vous seriez si près de découvrir mon mensonge ? Donnez de l′éperon, seigneur, et venez avec moi, et vous verrez venir notre maîtresse la princesse, vêtue et parée comme il lui convient. Elle et ses femmes, voyez-vous, ce n′est qu′une châsse d′or, que des épis de perles, que des diamants, des rubis, des toiles de brocart à dix étages de haut. Les cheveux leur tombent sur les épaules, si bien qu′on dirait autant de rayons de soleil qui s′amusent à jouer avec le vent. Et par-dessus tout, elles sont à cheval sur trois cananées pies qui font plaisir à regarder. | -Hacaneas querrás decir, Sancho. |  Haquenées, tu as voulu dire, Sancho ? dit don Quichotte. | -Poca diferencia hay -respondió Sancho- de cananeas a hacaneas; pero, vengan sobre lo que vinieren, ellas vienen las más galanas señoras que se puedan desear, especialmente la princesa Dulcinea, mi señora, que pasma los sentidos. |  De haquenées à cananées, il n′y a pas grande distance, reprit Sancho ; mais, qu′elles soient montées sur ce qu′elles voudront, elles n′en sont pas moins les plus galantes dames qu′on puisse souhaiter, notamment la princesse Dulcinée, ma maîtresse, qui ravit les cinq sens. | -Vamos, Sancho hijo -respondió don Quijote-; y, en albricias destas no esperadas como buenas nuevas, te mando el mejor despojo que ganare en la primera aventura que tuviere, y si esto no te contenta, te mando las crías que este año me dieren las tres yeguas mías, que tú sabes que quedan para parir en el prado concejil de nuestro pueblo. |  Marchons, mon fils Sancho, s′écria don Quichotte, et, pour te payer les étrennes de ces nouvelles aussi bonnes qu′inattendues, je te fais don du plus riche butin que je gagnerai dans la première aventure qui m′arrivera ; et si cela ne te suffit pas encore, je te donne les poulains que me feront cette année mes trois juments, qui sont prêtes à mettre bas, comme tu sais, dans le pré communal du pays. | -A las crías me atengo -respondió Sancho-, porque de ser buenos los despojos de la primera aventura no está muy cierto. |  Je m′en tiens aux poulains, répondit Sancho, car il n′est pas bien sûr que le butin de la première aventure soit bon à garder. » | Ya en esto salieron de la selva, y descubrieron cerca a las tres aldeanas. Tendió don Quijote los ojos por todo el camino del Toboso, y como no vio sino a las tres labradoras, turbóse todo, y preguntó a Sancho si las había dejado fuera de la ciudad. | En disant cela, ils sortirent du bois et découvrirent tout près d′eux les trois villageoises. Don Quichotte étendit les regards sur toute la longueur du chemin du Toboso ; mais, ne voyant que ces trois paysannes, il se troubla et demanda à Sancho s′il avait laissé ces dames, hors de la ville. | -¿Cómo fuera de la ciudad? -respondió-. ¿Por ventura tiene vuesa merced los ojos en el colodrillo, que no vee que son éstas, las que aquí vienen, resplandecientes como el mismo sol a mediodía. | « Comment, hors de la ville ? s′écria Sancho ; est-ce que par hasard Votre Grâce a les yeux dans le chignon ? Ne voyez-vous pas celles qui viennent à nous, resplendissantes comme le soleil en plein midi ? | -Yo no veo, Sancho -dijo don Quijote-, sino a tres labradoras sobre tres borricos. |  Je ne vois, Sancho, répondit don Quichotte, que trois paysannes sur trois bourriques. | -¡Agora me libre Dios del diablo! -respondió Sancho-. Y ¿es posible que tres hacaneas, o como se llaman, blancas como el ampo de la nieve, le parezcan a vuesa merced borricos? ¡Vive el Señor, que me pele estas barbas si tal fuese verdad. |  À présent, que Dieu me délivre du diable ! reprit Sancho ; est-il possible que trois hacanées, ou comme on les appelle, aussi blanches que la neige, vous semblent des bourriques ? Vive le Seigneur ! je m′arracherais la barbe si c′était vrai. | -Pues yo te digo, Sancho amigo -dijo don Quijote-, que es tan verdad que son borricos, o borricas, como yo soy don Quijote y tú Sancho Panza; a lo menos, a mí tales me parecen. |  Eh bien, je t′assure, ami Sancho, répliqua don Quichotte, qu′il est aussi vrai que ce sont des bourriques ou des ânes, que je suis don Quichotte et toi Sancho Panza. Du moins ils me semblent tels. | -Calle, señor -dijo Sancho-, no diga la tal palabra, sino despabile esos ojos, y venga a hacer reverencia a la señora de sus pensamientos, que ya llega cerca. |  Taisez-vous, seigneur, s′écria Sancho Panza, ne dites pas une chose pareille, mais frottez-vous les yeux, et venez faire la révérence à la dame de vos pensées, que voilà près de vous. » | Y, diciendo esto, se adelantó a recebir a las tres aldeanas; y, apeándose del rucio, tuvo del cabestro al jumento de una de las tres labradoras, y, hincando ambas rodillas en el suelo, dijo: | À ces mots, il s′avança pour recevoir les trois villageoises, et, sautant à bas du grison, il prit au licou l′âne de la première ; puis, se mettant à deux genoux par terre, il s′écria : | -Reina y princesa y duquesa de la hermosura, vuestra altivez y grandeza sea servida de recebir en su gracia y buen talente al cautivo caballero vuestro, que allí está hecho piedra mármol, todo turbado y sin pulsos de verse ante vuestra magnífica presencia. Yo soy Sancho Panza, su escudero, y él es el asendereado caballero don Quijote de la Mancha, llamado por otro nombre el Caballero de la Triste Figura. | « Reine, princesse et duchesse de la beauté, que votre hautaine Grandeur ait la bonté d′admettre en grâce et d′accueillir avec faveur ce chevalier votre captif, qui est là comme une statue de pierre, tout troublé, pâle et sans haleine de se voir en votre magnifique présence, je suis Sancho Panza, son écuyer ; et lui, c′est le fugitif et vagabond chevalier don Quichotte de la Manche, appelé de son autre nom le chevalier de la Triste-Figure. » | A esta sazón, ya se había puesto don Quijote de hinojos junto a Sancho, y miraba con ojos desencajados y vista turbada a la que Sancho llamaba reina y señora, y, como no descubría en ella sino una moza aldeana, y no de muy buen rostro, porque era carirredonda y chata, estaba suspenso y admirado, sin osar desplegar los labios. Las labradoras estaban asimismo atónitas, viendo aquellos dos hombres tan diferentes hincados de rodillas, que no dejaban pasar adelante a su compañera; pero, rompiendo el silencio la detenida, toda desgraciada y mohína, dijo: | En cet instant, don Quichotte s′était déjà jeté à genoux aux côtés de Sancho ; il regardait avec des yeux hagards et troublés celle que Sancho appelait reine et madame. Et, comme il ne découvrait en elle qu′une fille de village, encore d′assez pauvre mine, car elle avait la face bouffie et le nez camard, il demeurait stupéfait, sans oser découdre la bouche. Les paysannes n′étaient pas moins émerveillées, en voyant ces deux hommes, de si différent aspect, agenouillés sur la route, et qui ne laissaient point passer leur compagne. Mais celle-ci, rompant le silence, et d′une mine toute rechignée : | -Apártense nora en tal del camino, y déjenmos pasar, que vamos de priesa. | « Gare du chemin, à la male heure, dit-elle, et laissez-nous passer, que nous sommes pressées. | A lo que respondió Sancho. | Â Ô princesse ! répondit Sancho Panza, | -¡Oh princesa y señora universal del Toboso! ¿Cómo vuestro magnánimo corazón no se enternece viendo arrodillado ante vuestra sublimada presencia a la coluna y sustento de la andante caballería. | ô dame universelle du Toboso ! comment ! votre cœur magnanime ne s′attendrit pas en voyant agenouillé devant votre sublime présence la colonne et la gloire de la chevalerie errante ? » | Oyendo lo cual, otra de las dos dijo: | L′une des deux autres entendant ce propos : | -Mas, ¡jo, que te estrego, burra de mi suegro! ¡Mirad con qué se vienen los señoritos ahora a hacer burla de las aldeanas, como si aquí no supiésemos echar pullas como ellos! Vayan su camino, e déjenmos hacer el nueso, y serles ha sano. | « Ohé ! dit-elle, ohé ! viens donc que je te torche, bourrique du beau-père.< Voyez un peu comme ces muscadins viennent se gausser des villageoises, comme si nous savions aussi bien chanter pouille qu′eux autres. Passez votre chemin, et laissez-nous passer le nôtre, si vous ne voulez qu′il vous en cuise. | -Levántate, Sancho -dijo a este punto don Quijote-, que ya veo que la Fortuna, de mi mal no harta, tiene tomados los caminos todos por donde pueda venir algún contento a esta ánima mezquina que tengo en las carnes. Y tú, ¡oh estremo del valor que puede desearse, término de la humana gentileza, único remedio deste afligido corazón que te adora!, ya que el maligno encantador me persigue, y ha puesto nubes y cataratas en mis ojos, y para sólo ellos y no para otros ha mudado y transformado tu sin igual hermosura y rostro en el de una labradora pobre, si ya también el mío no le ha cambiado en el de algún vestiglo, para hacerle aborrecible a tus ojos, no dejes de mirarme blanda y amorosamente, echando de ver en esta sumisión y arrodillamiento que a tu contrahecha hermosura hago, la humildad con que mi alma te adora. |  Lève-toi, Sancho, dit aussitôt don Quichotte, car je vois que la fortune, qui ne se rassasie pas de mon malheur, a fermé tous les chemins par où pouvait venir quelque joie à cette âme chétive que je porte en ma chair. Et toi, ô divin extrême de tous les mérites, terme de l′humaine gentillesse, remède unique de ce cœur affligé qui t′adore ! puisque le malin enchanteur qui me poursuit a jeté sur mes yeux des nuages et des cataractes, et que pour eux, mais non pour d′autres, il a transformé ta beauté sans égale et ta figure céleste en celle d′une pauvre paysanne, pourvu qu′il n′ait pas aussi métamorphosé mon visage en museau de quelque vampire pour le rendre horrible à tes yeux, oh ! ne cesse point de me regarder avec douceur, avec amour, en voyant dans ma soumission, dans mon agenouillement devant ta beauté contrefaite, avec quelle humilité mon âme t′adore. | -¡Tomá que mi agüelo! -respondió la aldeana-. ¡Amiguita soy yo de oír resquebrajos! Apártense y déjenmos ir, y agradecérselo hemos. |  Holà ! vous me la baillez belle, répondit la villageoise, et je suis joliment bonne pour les cajoleries. Gare encore une fois, et laissez-nous passer, nous vous en serons bien obligées. » | Apartóse Sancho y dejóla ir, contentísimo de haber salido bien de su enredo. | Sancho se détourna et la laissa partir, enchanté d′avoir si bien conduit sa fourberie. | Apenas se vio libre la aldeana que había hecho la figura de Dulcinea, cuando, picando a su cananea con un aguijón que en un palo traía, dio a correr por el prado adelante. Y, como la borrica sentía la punta del aguijón, que le fatigaba más de lo ordinario, comenzó a dar corcovos, de manera que dio con la señora Dulcinea en tierra; lo cual visto por don Quijote, acudió a levantarla, y Sancho a componer y cinchar el albarda, que también vino a la barriga de la pollina. Acomodada, pues, la albarda, y quiriendo don Quijote levantar a su encantada señora en los brazos sobre la jumenta, la señora, levantándose del suelo, le quitó de aquel trabajo, porque, haciéndose algún tanto atrás, tomó una corridica, y, puestas ambas manos sobre las ancas de la pollina, dio con su cuerpo, más ligero que un halcón, sobre la albarda, y quedó a horcajadas, como si fuera hombre; y entonces dijo Sancho. | À peine la villageoise qui avait fait le rôle de Dulcinée se vit-elle libre, qu′elle piqua sa cananée avec un clou qu′elle avait au bout d′un bâton, et se mit à courir le long du pré ; mais comme la bourrique sentait la pointe de l′aiguillon qui la tourmentait plus que de coutume, elle se mit à lâcher des ruades, de manière qu′elle jeta madame Dulcinée par terre. À la vue de cet accident, don Quichotte accourut pour la relever, et Sancho pour arranger le bât, qui était tombé sous le ventre de la bête. Quand le bât fut remis et sanglé, don Quichotte voulut enlever sa dame enchantée, et la porter dans ses bras sur l′ânesse ; mais la dame lui en épargna la peine ; elle se releva, fit quelques pas en arrière, prit son élan, et, posant les deux mains sur la croupe de la bourrique, elle sauta sur le bât, plus légère qu′un faucon, et y resta plantée à califourchon comme un homme. | -¡Vive Roque, que es la señora nuestra ama más ligera que un acotán, y que puede enseñar a subir a la jineta al más diestro cordobés o mejicano! El arzón trasero de la silla pasó de un salto, y sin espuelas hace correr la hacanea como una cebra. Y no le van en zaga sus doncellas; que todas corren como el viento. | « Vive saint Roch ! s′écria Sancho, notre maîtresse saute mieux qu′un chevreuil, et pourrait apprendre la voltige au plus adroit écuyer de Cordoue ou du Mexique ; elle a passé d′un seul bond par-dessus l′arçon de la selle, et, sans éperons, elle fait détaler son hacanée comme un zèbre, et, ma foi, ses femmes ne sont pas en reste ; elles courent toutes comme le vent. » | Y así era la verdad, porque, en viéndose a caballo Dulcinea, todas picaron tras ella y dispararon a correr, sin volver la cabeza atrás por espacio de más de media legua. Siguiólas don Quijote con la vista, y, cuando vio que no parecían, volviéndose a Sancho, le dijo. | C′était la vérité ; car, voyant Dulcinée à cheval, elles avaient donné du talon, et toutes trois enfilèrent la venelle, sans tourner la tête, l′espace d′une grande demi-lieue. Don Quichotte les suivit longtemps des yeux, et, quand elles eurent disparu, il se tourna vers Sancho : | -Sancho, ¿qué te parece cuán malquisto soy de encantadores? Y mira hasta dónde se estiende su malicia y la ojeriza que me tienen, pues me han querido privar del contento que pudiera darme ver en su ser a mi señora. En efecto, yo nací para ejemplo de desdichados, y para ser blanco y terrero donde tomen la mira y asiesten las flechas de la mala fortuna. Y has también de advertir, Sancho, que no se contentaron estos traidores de haber vuelto y transformado a mi Dulcinea, sino que la transformaron y volvieron en una figura tan baja y tan fea como la de aquella aldeana, y juntamente le quitaron lo que es tan suyo de las principales señoras, que es el buen olor, por andar siempre entre ámbares y entre flores. Porque te hago saber, Sancho, que cuando llegé a subir a Dulcinea sobre su hacanea, según tú dices, que a mí me pareció borrica, me dio un olor de ajos crudos, que me encalabrinó y atosigó el alma. | « Que t′en semble, Sancho ? dit-il. Vois quelle haine me portent les enchanteurs ! vois jusqu′où s′étend leur malice et leur rancune, puisqu′ils ont voulu me priver du bonheur que j′aurais eu à contempler ma dame dans son être véritable ! Oh ! oui, je suis né pour être le modèle des malheureux, le blanc qui sert de point de mire aux flèches de la mauvaise fortune. D′ailleurs, remarque, Sancho, que ces traîtres ne se sont point contentés de transformer Dulcinée, et de la transformer en une figure aussi basse, aussi laide que celle de cette villageoise ; mais encore ils lui ont ôté ce qui est le propre des grandes dames, je veux dire la bonne odeur, puisqu′elles sont toujours au milieu des fleurs et des parfums ; car il faut que tu apprennes, Sancho, que, lorsque je m′approchai pour mettre Dulcinée sur sa monture (haquenée, suivant toi, mais qui m′a toujours paru une ânesse), elle m′a envoyé une odeur d′ail cru qui m′a soulevé le cœur et empesté l′âme. | -¡Oh canalla! -gritó a esta sazón Sancho- ¡Oh encantadores aciagos y malintencionados, y quién os viera a todos ensartados por las agallas, como sardinas en lercha! Mucho sabéis, mucho podéis y mucho más hacéis. Bastaros debiera, bellacos, haber mudado las perlas de los ojos de mi señora en agallas alcornoqueñas, y sus cabellos de oro purísimo en cerdas de cola de buey bermejo, y, finalmente, todas sus faciones de buenas en malas, sin que le tocárades en el olor; que por él siquiera sacáramos lo que estaba encubierto debajo de aquella fea corteza; aunque, para decir verdad, nunca yo vi su fealdad, sino su hermosura, a la cual subía de punto y quilates un lunar que tenía sobre el labio derecho, a manera de bigote, con siete o ocho cabellos rubios como hebras de oro y largos de más de un palmo. | Â Ô canaille ! s′écria Sancho de toutes ses forces ; ô enchanteurs pervers et malintentionnés ! que ne puis-je vous voir tous enfilés par les ou, comme les sardines à la brochette ! Beaucoup vous savez, beaucoup vous pouvez, et beaucoup de mal vous faites. Il devait pourtant vous suffire, coquins maudits, d′avoir changé les perles des yeux de ma dame en méchantes noix de chêne, ses cheveux d′or pur en poils de vache rousse, et finalement tous ses traits de charmants en horribles, sans que vous touchiez encore à son odeur ! Par elle, du moins, nous aurions conjecturé ce qui était caché sous cette laide écorce ; bien qu′à dire vrai, moi je n′aie jamais vu sa laideur, mais seulement sa beauté, que relevait encore un gros signe qu′elle a sur la lèvre droite, en manière de moustache, avec sept ou huit poils blonds comme des fils d′or, et longs de plus d′un palme. | -A ese lunar -dijo don Quijote-, según la correspondencia que tienen entre sí los del rostro con los del cuerpo, ha de tener otro Dulcinea en la tabla del muslo que corresponde al lado donde tiene el del rostro, pero muy luengos para lunares son pelos de la grandeza que has significado. |  Outre ce signe, dit don Quichotte, et suivant la correspondance qu′ont entre eux ceux du visage et ceux du corps. Dulcinée doit en avoir un sur le plat de la cuisse, qui correspond au côté où elle a celui du visage. Mais les poils de la grandeur que tu as mentionnée sont bien longs pour des signes. | -Pues yo sé decir a vuestra merced -respondió Sancho- que le parecían allí como nacidos. |  Eh bien ! je puis dire à Votre Grâce, répondit Sancho, qu′ils semblaient là comme nés tout exprès. | -Yo lo creo, amigo -replicó don Quijote-, porque ninguna cosa puso la naturaleza en Dulcinea que no fuese perfecta y bien acabada; y así, si tuviera cien lunares como el que dices, en ella no fueran lunares, sino lunas y estrellas resplandecientes. Pero dime, Sancho: aquella que a mí me pareció albarda, que tú aderezaste, ¿era silla rasa o sillón? |  Je le crois bien, ami, répliqua don Quichotte, car la nature n′a rien mis en Dulcinée qui ne fût la perfection même ; aussi aurait-elle cent signes comme celui dont tu parles, que ce serait autant de signes du zodiaque et d′étoiles resplendissantes. Mais dis-moi, Sancho, ce qui me parut un bât, et que tu remis en place, était-ce une selle plate ou une selle en fauteuil ? | -No era -respondió Sancho- sino silla a la jineta, con una cubierta de campo que vale la mitad de un reino, según es de rica. |  C′était, pardieu, une selle à l′écuyère , répondit Sancho, avec une housse de campagne qui vaut la moitié d′un royaume, tant elle est riche. | -¡Y que no viese yo todo eso, Sancho! -dijo don Quijote-. Ahora torno a decir, y diré mil veces, que soy el más desdichado de los hombres. |  Faut-il que je n′aie pas vu tout cela, Sancho ! s′écria don Quichotte ; oh ! je le répète et le répéterai mille fois, je suis le plus malheureux des hommes ! » | Harto tenía que hacer el socarrón de Sancho en disimular la risa, oyendo las sandeces de su amo, tan delicadamente engañado. Finalmente, después de otras muchas razones que entre los dos pasaron, volvieron a subir en sus bestias, y siguieron el camino de Zaragoza, adonde pensaban llegar a tiempo que pudiesen hallarse en unas solenes fiestas que en aquella insigne ciudad cada año suelen hacerse. Pero, antes que allá llegasen, les sucedieron cosas que, por muchas, grandes y nuevas, merecen ser escritas y leídas, como se verá adelante. | Le sournois de Sancho avait fort à faire pour ne pas éclater de rire en écoutant les extravagances de son maître, si délicatement dupé. Finalement, après bien d′autres propos, ils remontèrent tous deux sur leurs bêtes, et prirent le chemin de Saragosse, où ils espéraient arriver assez à temps pour assister à des fêtes solennelles qui se célébraient chaque année dans cette ville insigne . Mais avant de s′y rendre il leur arriva des aventures si nombreuses, si surprenantes et si nouvelles, qu′elles méritent d′être écrites et lues, ainsi qu′on le verra en poursuivant.
| II. Capítulo XI. De la estraña aventura que le sucedió al valeroso don Quijote con el carro, o carreta, de Las Cortes de la Muerte. | Chapitre XI De l′étrange aventure qui arriva au valeureux don Quichotte avec le char ou la charrette des Cortès de la mort | Pensativo además iba don Quijote por su camino adelante, considerando la mala burla que le habían hecho los encantadores, volviendo a su señora Dulcinea en la mala figura de la aldeana, y no imaginaba qué remedio tendría para volverla a su ser primero; y estos pensamientos le llevaban tan fuera de sí, que, sin sentirlo, soltó las riendas a Rocinante, el cual, sintiendo la libertad que se le daba, a cada paso se detenía a pacer la verde yerba de que aquellos campos abundaban. De su embelesamiento le volvió Sancho Panza, diciéndole: | Don Quichotte s′en allait tout pensif le long de son chemin, préoccupé de la mauvaise plaisanterie que lui avaient faite les enchanteurs en transformant sa dame en une paysanne de méchante mine, et n′imaginait point quel remède il pourrait trouver pour la remettre en son premier état. Ces pensées le mettaient tellement hors de lui que, sans y prendre garde, il lâcha la bride à Rossinante, lequel, s′apercevant de la liberté qu′on lui laissait, s′arrêtait à chaque pas pour paître l′herbe fraîche qui croissait abondamment en cet endroit. Sancho tira son maître de cette silencieuse extase : | -Señor, las tristezas no se hicieron para las bestias, sino para los hombres; pero si los hombres las sienten demasiado, se vuelven bestias: vuestra merced se reporte, y vuelva en sí, y coja las riendas a Rocinante, y avive y despierte, y muestre aquella gallardía que conviene que tengan los caballeros andantes. ¿Qué diablos es esto? ¿Qué descaecimiento es éste? ¿Estamos aquí, o en Francia? Mas que se lleve Satanás a cuantas Dulcineas hay en el mundo, pues vale más la salud de un solo caballero andante que todos los encantos y transformaciones de la tierra. -Calla, Sancho -respondió don Quijote con voz no muy desmayada-; calla, digo, y no digas blasfemias contra aquella encantada señora, que de su desgracia y desventura yo solo tengo la culpa: de la invidia que me tienen los malos ha nacido su mala andanza. | « Seigneur, lui dit-il, les tristesses n′ont pas été faites pour les bêtes, mais pour les hommes, et pourtant, quand les hommes s′y abandonnent outre mesure, ils deviennent des bêtes. Allons, revenez à vous, prenez courage, relevez les rênes à Rossinante, ouvrez les yeux, et montrez cette gaillardise qui convient aux chevaliers errants. Que diable est cela ? Pourquoi cet abattement ? Sommes-nous en France, ou bien ici ? Que Satan emporte plutôt autant de Dulcinées qu′il y en a dans le monde, puisque la santé d′un seul chevalier errant vaut mieux que tous les enchantements et toutes les transformations de la terre ! Â Tais-toi, Sancho, répondit don Quichotte d′une voix qui n′était pas éteinte ; tais-toi, dis-je, et ne prononce point de blasphèmes contre cette dame enchantée, dont la disgrâce et le malheur ne peuvent s′attribuer qu′à ma faute. Oui, c′est de l′envie que me portent les méchants qu′est née sa méchante aventure. | -Así lo digo yo -respondió Sancho-: quien la vido y la vee ahora, ¿cuál es el corazón que no llora. | Â C′est ce que je dis également, reprit Sancho ; de qui l′a vue et la voit, le cœur se fend à bon droit. | -Eso puedes tú decir bien, Sancho -replicó don Quijote-, pues la viste en la entereza cabal de su hermosura, que el encanto no se estendió a turbarte la vista ni a encubrirte su belleza: contra mí solo y contra mis ojos se endereza la fuerza de su veneno. Mas, con todo esto, he caído, Sancho, en una cosa, y es que me pintaste mal su hermosura, porque, si mal no me acuerdo, dijiste que tenía los ojos de perlas, y los ojos que parecen de perlas antes son de besugo que de dama; y, a lo que yo creo, los de Dulcinea deben ser de verdes esmeraldas, rasgados, con dos celestiales arcos que les sirven de cejas; y esas perlas quítalas de los ojos y pásalas a los dientes, que sin duda te trocaste, Sancho, tomando los ojos por los dientes. | Â Ah ! tu peux bien le dire, Sancho, toi qui l′as vue dans tout l′éclat de sa beauté, puisque l′enchantement ne s′étendit point à troubler ta vue et à te voiler ses charmes ; contre moi seul et contre mes yeux s′est dirigée la force de son venin. Cependant, Sancho, il m′est venu un scrupule ; c′est que tu as mal dépeint sa beauté ; car, si j′ai bonne mémoire, tu as dit qu′elle avait des yeux de perle, et des yeux de perle ressemblent plutôt à ceux d′un poisson qu′à ceux d′une dame. À ce que je crois, ceux de Dulcinée doivent être de vertes émeraudes, bien fendus, avec des arcs-en-ciel qui lui servent de sourcils. Quant à ces perles, ôte-les des yeux et passe-les aux dents, puisque sans doute tu as confondu, Sancho, prenant les yeux pour les dents. | -Todo puede ser -respondió Sancho-, porque también me turbó a mí su hermosura como a vuesa merced su fealdad. Pero encomendémoslo todo a Dios, que Él es el sabidor de las cosas que han de suceder en este valle de lágrimas, en este mal mundo que tenemos, donde apenas se halla cosa que esté sin mezcla de maldad, embuste y bellaquería. De una cosa me pesa, señor mío, más que de otras; que es pensar qué medio se ha de tener cuando vuesa merced venza a algún gigante o otro caballero, y le mande que se vaya a presentar ante la hermosura de la señora Dulcinea: ¿adónde la ha de hallar este pobre gigante, o este pobre y mísero caballero vencido? Paréceme que los veo andar por el Toboso hechos unos bausanes, buscando a mi señora Dulcinea, y, aunque la encuentren en mitad de la calle, no la conocerán más que a mi padre. | Â Cela peut bien être, répondit Sancho, car sa beauté m′avait troublé autant que sa laideur troublait Votre Grâce. Mais recommandons-nous à Dieu, qui sait seul ce qui doit arriver dans cette vallée de larmes, dans ce méchant monde que nous avons pour séjour, où l′on ne trouve rien qui soit sans mélange de tromperie et de malignité. Une chose me fait de la peine, mon seigneur, plus que les autres ; quel moyen prendre, quand Votre Grâce vaincra quelque géant ou quelque autre chevalier, et lui ordonnera d′aller se présenter devant les charmes de madame Dulcinée ? Où diable la trouvera ce pauvre géant ou ce malheureux chevalier vaincu ? Il me semble que je les vois se promener par le Toboso, comme des badauds, le nez en l′air, cherchant madame Dulcinée, qu′ils pourront bien rencontrer au milieu de la rue sans la reconnaître plus que mon père. | -Quizá, Sancho -respondió don Quijote-, no se estenderá el encantamento a quitar el conocimiento de Dulcinea a los vencidos y presentados gigantes y caballeros; y, en uno o dos de los primeros que yo venza y le envíe, haremos la experiencia si la ven o no, mandándoles que vuelvan a darme relación de lo que acerca desto les hubiere sucedido. | Â Peut-être, Sancho, répondit don Quichotte, que l′enchantement ne s′étendra pas jusqu′à ôter la connaissance de Dulcinée aux géants et aux chevaliers vaincus qui se présenteront de ma part. Avec un ou deux des premiers que je vaincrai et que je lui enverrai, nous en ferons l′expérience, et nous saurons s′ils la voient ou non, parce que je leur ordonnerai de venir me rendre compte de ce qu′ils auront éprouvé à ce sujet. | -Digo, señor -replicó Sancho-, que me ha parecido bien lo que vuesa merced ha dicho, y que con ese artificio vendremos en conocimiento de lo que deseamos; y si es que ella a solo vuesa merced se encubre, la desgracia más será de vuesa merced que suya; pero, como la señora Dulcinea tenga salud y contento, nosotros por acá nos avendremos y lo pasaremos lo mejor que pudiéremos, buscando nuestras aventuras y dejando al tiempo que haga de las suyas, que él es el mejor médico destas y de otras mayores enfermedades. | Â Je vous assure, seigneur, répliqua Sancho, que je trouve fort bon ce que vous venez de dire. Avec cet artifice, en effet, nous parviendrons à connaître ce que nous désirons savoir. Si ce n′est qu′à vous seul qu′elle est cachée, le malheur sera plutôt pour vous que pour elle. Mais, pourvu que madame Dulcinée ait bonne santé et bonne humeur, nous autres, par ici, nous nous arrangerons, et nous vivrons du mieux possible, cherchant nos aventures, et laissant le temps faire des siennes, car c′est le meilleur médecin de ces maladies et de bien d′autres. » | Responder quería don Quijote a Sancho Panza, pero estorbóselo una carreta que salió al través del camino, cargada de los más diversos y estraños personajes y figuras que pudieron imaginarse. El que guiaba las mulas y servía de carretero era un feo demonio. Venía la carreta descubierta al cielo abierto, sin toldo ni zarzo. La primera figura que se ofreció a los ojos de don Quijote fue la de la misma Muerte, con rostro humano; junto a ella venía un ángel con unas grandes y pintadas alas; al un lado estaba un emperador con una corona, al parecer de oro, en la cabeza; a los pies de la Muerte estaba el dios que llaman Cupido, sin venda en los ojos, pero con su arco, carcaj y saetas. Venía también un caballero armado de punta en blanco, excepto que no traía morrión, ni celada, sino un sombrero lleno de plumas de diversas colores; con éstas venían otras personas de diferentes trajes y rostros. Todo lo cual visto de improviso, en alguna manera alborotó a don Quijote y puso miedo en el corazón de Sancho; mas luego se alegró don Quijote, creyendo que se le ofrecía alguna nueva y peligrosa aventura, y con este pensamiento, y con ánimo dispuesto de acometer cualquier peligro, se puso delante de la carreta, y, con voz alta y amenazadora, dijo: | Don Quichotte voulait répondre à Sancho Panza ; mais il en fut empêché par la vue d′une charrette qui parut tout à coup à un détour du chemin, chargée des plus divers personnages et des plus étranges figures qui se puissent imaginer. Celui qui menait les mules et faisait l′office de charretier était un horrible démon. La charrette était à ciel découvert, sans pavillon de toile ou d′osier. La première figure qui s′offrit aux yeux de don Quichotte fut celle de la Mort elle-même, ayant un visage humain. Tout près d′elle se tenait un ange, avec de grandes ailes peintes. De l′autre côté était un empereur, portant, à ce qu′il paraissait, une couronne d′or sur la tête. Aux pieds de la Mort était assis le dieu qu′on appelle Cupidon, sans bandeau sur les yeux, mais avec l′arc, les flèches et le carquois. Plus loin venait un chevalier armé de toutes pièces ; seulement il n′avait ni morion, ni salade, mais un chapeau couvert de plumes de diverses couleurs. Derrière ceux-là se trouvaient encore d′autres personnages de différents costumes et aspects. Tout cela, se montrant à l′improviste, troubla quelque peu don Quichotte et jeta l′effroi dans le cœur de Sancho. Mais bientôt don Quichotte se réjouit, croyant qu′enfin la fortune lui offrait quelque nouvelle et périlleuse aventure. Dans cette pensée, et s′animant d′un courage prêt à tout affronter, il alla se camper devant la charrette, et s′écria d′une voix forte et menaçante : | -Carretero, cochero, o diablo, o lo que eres, no tardes en decirme quién eres, a dó vas y quién es la gente que llevas en tu carricoche, que más parece la barca de Carón que carreta de las que se usan. | « Charretier, cocher ou diable, ou qui que tu sois, dépêche-toi de me dire qui tu es, où tu vas, et quelles sont les gens que tu mènes dans ton char à bancs, qui a plus l′air de la barque à Caron que des chariots dont on fait usage. » | A lo cual, mansamente, deteniendo el Diablo la carreta, respondió. | Le diable, arrêtant sa voiture, répondit avec douceur : | -Señor, nosotros somos recitantes de la compañía de Angulo el Malo; hemos hecho en un lugar que está detrás de aquella loma, esta mañana, que es la octava del Corpus, el auto de Las Cortes de la Muerte, y hémosle de hacer esta tarde en aquel lugar que desde aquí se parece; y, por estar tan cerca y escusar el trabajo de desnudarnos y volvernos a vestir, nos vamos vestidos con los mesmos vestidos que representamos. Aquel mancebo va de Muerte; el otro, de Ángel; aquella mujer, que es la del autor, va de Reina; el otro, de Soldado; aquél, de Emperador, y yo, de Demonio, y soy una de las principales figuras del auto, porque hago en esta compañía los primeros papeles. Si otra cosa vuestra merced desea saber de nosotros, pregúntemelo, que yo le sabré responder con toda puntualidad; que, como soy demonio, todo se me alcanza. | « Seigneur, nous sommes les comédiens de la compagnie d′Angulo le Mauvais. Ce matin, jour de l′octave de la Fête-Dieu, nous avons joué, dans un village qui est derrière cette colline, la divine comédie des Cortès de la Mort , et nous devons la jouer ce tantôt dans cet autre village qu′on voit d′ici. Comme c′est tout proche, et pour nous éviter la peine de nous déshabiller et de nous rhabiller, nous faisons route avec les habits qui doivent servir à la représentation. Ce jeune homme fait la Mort, cet autre fait un ange, cette femme, qui est celle du directeur , est vêtue en reine, celui-ci en soldat, celui-là en empereur, et moi en démon ; et je suis un des principaux personnages de l′acte sacramentel, car je fais les premiers rôles de cette compagnie. Si Votre Grâce veut savoir autre chose sur notre compte, elle n′a qu′à parler ; je saurai bien répondre avec toute ponctualité, car, étant démon, rien ne m′échappe et tout m′est connu. | -Por la fe de caballero andante -respondió don Quijote-, que, así como vi este carro, imaginé que alguna grande aventura se me ofrecía; y ahora digo que es menester tocar las apariencias con la mano para dar lugar al desengaño. Andad con Dios, buena gente, y haced vuestra fiesta, y mirad si mandáis algo en que pueda seros de provecho, que lo haré con buen ánimo y buen talante, porque desde mochacho fui aficionado a la carátula, y en mi mocedad se me iban los ojos tras la farándula. | Â Par la foi de chevalier errant, reprit don Quichotte, quand je vis ce chariot, j′imaginai que quelque grande aventure venait s′offrir à moi, et je dis à présent qu′il faut toucher de la main les apparences pour parvenir à se détromper. Allez avec Dieu, bonnes gens, et faites bien votre fête, et voyez si je peux vous être bon à quelque chose ; je vous servirai de grand cœur et de bonne volonté, car, depuis l′enfance, je suis très-amateur du masque de théâtre, et, quand j′étais jeune, la comédie était ma passion. » | Estando en estas pláticas, quiso la suerte que llegase uno de la compañía, que venía vestido de bojiganga, con muchos cascabeles, y en la punta de un palo traía tres vejigas de vaca hinchadas; el cual moharracho, llegándose a don Quijote, comenzó a esgrimir el palo y a sacudir el suelo con las vejigas, y a dar grandes saltos, sonando los cascabeles, cuya mala visión así alborotó a Rocinante, que, sin ser poderoso a detenerle don Quijote, tomando el freno entre los dientes, dio a correr por el campo con más ligereza que jamás prometieron los huesos de su notomía. Sancho, que consideró el peligro en que iba su amo de ser derribado, saltó del rucio, y a toda priesa fue a valerle; pero, cuando a él llegó, ya estaba en tierra, y junto a él, Rocinante, que, con su amo, vino al suelo: ordinario fin y paradero de las lozanías de Rocinante y de sus atrevimientos. | Tandis qu′ils discouraient ainsi, le sort voulut qu′un des acteurs de la compagnie, resté en arrière, arrivât près d′eux. Celui-là était vêtu en fou de cour, avec quantité de grelots, et portant au bout d′un bâton trois vessies de bœuf enflées. Quand ce magot s′approcha de don Quichotte, il se mit à escrimer avec son bâton, à frapper la terre de ses vessies, à sauter de droite et de gauche, en faisant sonner ses grelots, et cette vision fantastique épouvanta tellement Rossinante, que, sans que don Quichotte fût capable de le retenir, il prit son mors entre les dents et se sauva à travers la campagne avec plus de légèreté que n′en promirent jamais les os de son anatomie. Sancho, qui vit le péril où était son maître d′être jeté bas, sauta du grison, et courut à toutes jambes lui porter secours. Quand il atteignit don Quichotte, celui-ci était déjà couché par terre, et auprès de lui Rossinante, qui avait entraîné son maître dans sa chute ; fin ordinaire et dernier résultat des vivacités et des hardiesses de Rossinante. | Mas, apenas hubo dejado su caballería Sancho por acudir a don Quijote, cuando el demonio bailador de las vejigas saltó sobre el rucio, y, sacudiéndole con ellas, el miedo y ruido, más que el dolor de los golpes, le hizo volar por la campaña hacia el lugar donde iban a hacer la fiesta. Miraba Sancho la carrera de su rucio y la caída de su amo, y no sabía a cuál de las dos necesidades acudiría primero; pero, en efecto, como buen escudero y como buen criado, pudo más con él el amor de su señor que el cariño de su jumento, puesto que cada vez que veía levantar las vejigas en el aire y caer sobre las ancas de su rucio eran para él tártagos y sustos de muerte, y antes quisiera que aquellos golpes se los dieran a él en las niñas de los ojos que en el más mínimo pelo de la cola de su asno. Con esta perpleja tribulación llegó donde estaba don Quijote, harto más maltrecho de lo que él quisiera, y, ayudándole a subir sobre Rocinante, le dijo. | Mais à peine Sancho eut-il laissé là sa monture que le diable aux vessies sauta sur le grison, et, le fustigeant avec elles, il le fit, plus de peur que de mal, voler par les champs, du côté du village où la fête allait se passer. Sancho regardait la fuite de son âne et la chute de son maître, et ne savait à laquelle des deux nécessités il fallait d′abord accourir. Mais pourtant, en bon écuyer, en fidèle serviteur, l′amour de son seigneur l′emporta sur celui de son âne ; bien que chaque fois qu′il voyait les vessies se lever et tomber sur la croupe du grison, c′était pour lui des angoisses de mort, et il aurait préféré que ces coups lui fussent donnés sur la prunelle des yeux plutôt que sur le plus petit poil de la queue de son âne. Dans cette cruelle perplexité, il s′approcha de l′endroit où gisait don Quichotte, beaucoup plus maltraité qu′il ne l′aurait voulu, et, tandis qu′il l′aidait à remonter sur Rossinante : | -Señor, el Diablo se ha llevado al rucio. | « Seigneur, lui dit-il, le diable emporte l′âne. | -¿Qué diablo? -preguntó don Quijote. | Â Quel diable ? demanda don Quichotte. | -El de las vejigas -respondió Sancho. | Â Celui des vessies, reprit Sancho. | -Pues yo le cobraré -replicó don Quijote-, si bien se encerrase con él en los más hondos y escuros calabozos del infierno. Sígueme, Sancho, que la carreta va despacio, y con las mulas della satisfaré la pérdida del rucio. | Â Eh bien, je le lui reprendrai, répliqua don Quichotte, allât-il se cacher avec lui dans les plus profonds et les plus obscurs souterrains de l′enfer. Suis-moi, Sancho, la charrette va lentement, et, avec les mules qui la traînent, je couvrirai la perte du grison. | -No hay para qué hacer esa diligencia, señor -respondió Sancho-: vuestra merced temple su cólera, que, según me parece, ya el Diablo ha dejado el rucio, y vuelve a la querencia. | Â Il n′est plus besoin de vous donner cette peine, seigneur, répondit Sancho ; que Votre Grâce calme sa colère. À ce qu′il me paraît, le diable a laissé le grison, et la pauvre bête revient à son gîte. » | Y así era la verdad; porque, habiendo caído el Diablo con el rucio, por imitar a don Quijote y a Rocinante, el Diablo se fue a pie al pueblo, y el jumento se volvió a su amo. | Sancho disait vrai, car le diable étant tombé avec l′âne, pour imiter don Quichotte et Rossinante, le diable s′en alla à pied au village, et l′âne revint à son maître. | -Con todo eso -dijo don Quijote-, será bien castigar el descomedimiento de aquel demonio en alguno de los de la carreta, aunque sea el mesmo emperador. | « Il sera bon, toutefois, dit don Quichotte, de châtier l′insolence de ce démon sur quelqu′un des gens de la charrette, fût-ce l′empereur lui-même. | -Quítesele a vuestra merced eso de la imaginación -replicó Sancho-, y tome mi consejo, que es que nunca se tome con farsantes, que es gente favorecida. Recitante he visto yo estar preso por dos muertes y salir libre y sin costas. Sepa vuesa merced que, como son gentes alegres y de placer, todos los favorecen, todos los amparan, ayudan y estiman, y más siendo de aquellos de las compañías reales y de título, que todos, o los más, en sus trajes y compostura parecen unos príncipes. | Â Ôtez-vous cela de l′esprit ! s′écria Sancho, et suivez mon conseil, qui est de ne jamais se prendre de querelle avec les comédiens, car c′est une classe favorisée. J′ai vu tel d′entre eux arrêté pour deux meurtres, et sortir de prison sans dépens. Sachez, seigneur, que ce sont des gens de plaisir et de gaieté ; tout le monde les protège, les aide et les estime, surtout quand ils sont des compagnies royales et titrées< , car alors, à leurs habits et à leur tournure, on les prendrait pour des princes. | -Pues con todo -respondió don Quijote-, no se me ha de ir el demonio farsante alabando, aunque le favorezca todo el género humano. | Â C′est égal, répondit don Quichotte, le diable histrion ne s′en ira pas en se moquant de moi, quand il serait protégé de tout le genre humain. » | Y, diciendo esto, volvió a la carreta, que ya estaba bien cerca del pueblo. Iba dando voces, diciendo. | En parlant ainsi, il tourna bride du côté de la charrette, qui était déjà près d′entrer au village, et il criait en courant : | -Deteneos, esperad, turba alegre y regocijada, que os quiero dar a entender cómo se han de tratar los jumentos y alimañas que sirven de caballería a los escuderos de los caballeros andantes. | « Arrêtez, arrêtez, troupe joyeuse et bouffonne ; je veux vous apprendre comment il faut traiter les ânes et autres animaux qui servent de montures aux écuyers de chevaliers errants. » | Tan altos eran los gritos de don Quijote, que los oyeron y entendieron los de la carreta; y, juzgando por las palabras la intención del que las decía, en un instante saltó la Muerte de la carreta, y tras ella, el Emperador, el Diablo carretero y el Ángel, sin quedarse la Reina ni el dios Cupido; y todos se cargaron de piedras y se pusieron en ala, esperando recebir a don Quijote en las puntas de sus guijarros. Don Quijote, que los vio puestos en tan gallardo escuadrón, los brazos levantados con ademán de despedir poderosamente las piedras, detuvo las riendas a Rocinante y púsose a pensar de qué modo los acometería con menos peligro de su persona. En esto que se detuvo, llegó Sancho, y, viéndole en talle de acometer al bien formado escuadrón, le dijo. | Les cris que poussait don Quichotte étaient si forts, que ceux de la charrette les entendirent, et ils jugèrent par les paroles de l′intention de celui qui les prononçait. En un instant, la Mort sauta par terre, puis l′empereur, puis le démon cocher, puis l′ange, sans que la reine restât, non plus que le dieu Cupidon ; ils ramassèrent tous des pierres et se mirent en bataille, prêts à recevoir don Quichotte sur la pointe de leurs cailloux. Le chevalier, qui les vit rangés en vaillant escadron, les bras levés et en posture de lancer puissamment leurs pierres, retint la bride à Rossinante, et se mit à penser de quelle manière il les attaquerait avec le moins de danger pour sa personne. Pendant qu′il s′arrêtait, Sancho arriva, et le voyant disposé à l′attaque de l′escadron : | -Asaz de locura sería intentar tal empresa: considere vuesa merced, señor mío, que para sopa de arroyo y tente bonete, no hay arma defensiva en el mundo, si no es embutirse y encerrarse en una campana de bronce; y también se ha de considerar que es más temeridad que valentía acometer un hombre solo a un ejército donde está la Muerte, y pelean en persona emperadores, y a quien ayudan los buenos y los malos ángeles; y si esta consideración no le mueve a estarse quedo, muévale saber de cierto que, entre todos los que allí están, aunque parecen reyes, príncipes y emperadores, no hay ningún caballero andante. | « Ce serait trop de folie, s′écria-t-il, que d′essayer une telle entreprise. Considérez, mon cher seigneur, que, contre des amandes de rivière, il n′y a point d′armes défensives au monde, à moins de se blottir sous une cloche de bronze. Considérez aussi qu′il y aurait plus de témérité que de valeur à ce qu′un homme seul attaquât une armée qui a la Mort à sa tête, où les empereurs combattent en personne, où prennent part les bons et les mauvais anges. Si cette considération ne suffit pas pour vous faire rester tranquille, qu′il vous suffise au moins de savoir que, parmi tous ces gens qui sont là, et bien qu′ils paraissent rois, princes et empereurs, il n′y en a pas un qui soit chevalier errant. | -Ahora sí -dijo don Quijote- has dado, Sancho, en el punto que puede y debe mudarme de mi ya determinado intento. Yo no puedo ni debo sacar la espada, como otras veces muchas te he dicho, contra quien no fuere armado caballero. A ti, Sancho, toca, si quieres tomar la venganza del agravio que a tu rucio se le ha hecho, que yo desde aquí te ayudaré con voces y advertimientos saludables. | Â À présent, oui, Sancho, s′écria don Quichotte, tu as touché le point qui peut et doit changer ma résolution. Je ne puis ni ne dois tirer l′épée, comme je te l′ai dit maintes fois, contre les gens qui ne soient pas armés chevaliers. C′est toi, Sancho, que l′affaire regarde, si tu veux tirer vengeance de l′outrage fait à ton âne ; d′ici, je t′aiderai par mes encouragements et par des avis salutaires. | -No hay para qué, señor -respondió Sancho-, tomar venganza de nadie, pues no es de buenos cristianos tomarla de los agravios; cuanto más, que yo acabaré con mi asno que ponga su ofensa en las manos de mi voluntad, la cual es de vivir pacíficamente los días que los cielos me dieren de vida. | Â Il n′y a pas de quoi, seigneur, tirer vengeance de personne, répondit Sancho. D′ailleurs, ce n′est pas d′un bon chrétien de se venger des outrages, d′autant mieux que je m′arrangerai avec mon âne pour qu′il remette son offense aux mains de ma volonté, laquelle est de vivre pacifiquement les jours qu′il plaira au ciel de me laisser vivre. | -Pues ésa es tu determinación -replicó don Quijote-, Sancho bueno, Sancho discreto, Sancho cristiano y Sancho sincero, dejemos estas fantasmas y volvamos a buscar mejores y más calificadas aventuras; que yo veo esta tierra de talle, que no han de faltar en ella muchas y muy milagrosas. | Â Eh bien, répliqua don Quichotte, puisque telle est ta décision, bon Sancho, avisé Sancho, chrétien Sancho, laissons là ces fantômes, et allons chercher des aventures mieux caractérisées ; car ce pays me semble de taille à nous en fournir beaucoup, et de miraculeuses. » | Volvió las riendas luego, Sancho fue a tomar su rucio, la Muerte con todo su escuadrón volante volvieron a su carreta y prosiguieron su viaje, y este felice fin tuvo la temerosa aventura de la carreta de la Muerte, gracias sean dadas al saludable consejo que Sancho Panza dio a su amo; al cual, el día siguiente, le sucedió otra con un enamorado y andante caballero, de no menos suspensión que la pasada. | Aussitôt il tourna bride, Sancho alla reprendre son âne, la Mort avec tout son escadron volant remonta sur la charrette pour continuer son voyage, et telle fut l′heureuse issue qu′eut la terrible aventure du char de la Mort. Grâces en soient rendues au salutaire conseil que donna Sancho à son maître, auquel arriva, le lendemain, avec un chevalier amoureux et errant, une autre aventure non moins intéressante, non moins curieuse que celle-ci.
| II. Capítulo XII. De la estraña aventura que le sucedió al valeroso don Quijote con el bravo Caballero de los Espejos. | Chapitre XII De l′étrange aventure qui arriva au valeureux don Quichotte avec le brave chevalier des Miroirs La noche que siguió al día del rencuentro de la Muerte la pasaron don Quijote y su escudero debajo de unos altos y sombrosos árboles, habiendo, a persuasión de Sancho, comido don Quijote de lo que venía en el repuesto del rucio, y entre la cena dijo Sancho a su señor. | La nuit qui suivit le jour de la rencontre du char de la Mort, don Quichotte et son écuyer la passèrent sous de grands arbres touffus, et, d′après le conseil de Sancho, don Quichotte mangea des provisions de bouche que portait le grison. Pendant le souper, Sancho dit à son maître : | -Señor, ¡qué tonto hubiera andado yo si hubiera escogido en albricias los despojos de la primera aventura que vuestra merced acabara, antes que las crías de las tres yeguas! En efecto, en efecto, más vale pájaro en mano que buitre volando. | « Hein ! seigneur, que j′aurais été bête si j′avais choisi pour étrennes le butin de votre première aventure, plutôt que les poulains des trois juments ! En vérité, en vérité, mieux vaut le moineau dans la main que la grue qui vole au loin. | -Todavía -respondió don Quijote-, si tú, Sancho, me dejaras acometer, como yo quería, te hubieran cabido en despojos, por lo menos, la corona de oro de la Emperatriz y las pintadas alas de Cupido, que yo se las quitara al redropelo y te las pusiera en las manos. | Â Néanmoins, Sancho, répondit don Quichotte, si tu m′avais laissé faire et attaquer comme je le voulais, tu aurais eu pour ta part de butin, au moins la couronne d′or de l′impératrice et les ailes peintes de Cupidon, que je lui aurais arrachées à rebrousse-poil pour te les mettre dans la main. | -Nunca los cetros y coronas de los emperadores farsantes -respondió Sancho Panza- fueron de oro puro, sino de oropel o hoja de lata. | Â Bah ! reprit Sancho, jamais les sceptres et les couronnes des empereurs de comédie n′ont été d′or pur, mais bien de similor ou de fer-blanc. | -Así es verdad -replicó don Quijote-, porque no fuera acertado que los atavíos de la comedia fueran finos, sino fingidos y aparentes, como lo es la mesma comedia, con la cual quiero, Sancho, que estés bien, teniéndola en tu gracia, y por el mismo consiguiente a los que las representan y a los que las componen, porque todos son instrumentos de hacer un gran bien a la república, poniéndonos un espejo a cada paso delante, donde se veen al vivo las acciones de la vida humana, y ninguna comparación hay que más al vivo nos represente lo que somos y lo que habemos de ser como la comedia y los comediantes. Si no, dime: ¿no has visto tú representar alguna comedia adonde se introducen reyes, emperadores y pontífices, caballeros, damas y otros diversos personajes? Uno hace el rufián, otro el embustero, éste el mercader, aquél el soldado, otro el simple discreto, otro el enamorado simple; y, acabada la comedia y desnudándose de los vestidos della, quedan todos los recitantes iguales. | Â Cela est vrai, répliqua don Quichotte, car il ne conviendrait pas que les ajustements de la comédie fussent de fine matière ; ils doivent être, comme elle-même, simulés et de simple apparence. Quant à la comédie, je veux, Sancho, que tu la prennes en affection, ainsi que ceux qui représentent les pièces et ceux qui les composent ; car ils servent tous grandement au bien de la république, en nous offrant à chaque pas un miroir où se voient au naturel les actions de la vie humaine. Aucune comparaison ne saurait en effet nous retracer plus au vif ce que nous sommes et ce que nous devrions être, que la comédie et les comédiens. Sinon, dis-moi, n′as-tu pas vu jouer quelque pièce où l′on introduit des rois, des empereurs, des pontifes, des chevaliers, des dames, et d′autres personnages divers ? l′un fait le fanfaron, l′autre le trompeur, celui-ci le soldat, celui-là le marchand, cet autre le benêt sensé, cet autre encore l′amoureux benêt ; et quand la comédie finit, quand ils quittent leurs costumes, tous les acteurs redeviennent égaux dans les coulisses. | -Sí he visto -respondió Sancho. | Â Oui, j′ai vu cela, répondit Sancho. | -Pues lo mesmo -dijo don Quijote- acontece en la comedia y trato deste mundo, donde unos hacen los emperadores, otros los pontífices, y, finalmente, todas cuantas figuras se pueden introducir en una comedia; pero, en llegando al fin, que es cuando se acaba la vida, a todos les quita la muerte las ropas que los diferenciaban, y quedan iguales en la sepultura. | Â Eh bien, reprit don Quichotte, la même chose arrive dans la comédie de ce monde, où les uns font les empereurs, d′autres les pontifes, et finalement autant de personnages qu′on en peut introduire dans une comédie. Mais quand ils arrivent à la fin de la pièce, c′est-à-dire quand la vie finit, la mort leur ôte à tous les oripeaux qui faisaient leur différence, et tous redeviennent égaux dans la sépulture. | -¡Brava comparación! -dijo Sancho-, aunque no tan nueva que yo no la haya oído muchas y diversas veces, como aquella del juego del ajedrez, que, mientras dura el juego, cada pieza tiene su particular oficio; y, en acabándose el juego, todas se mezclan, juntan y barajan, y dan con ellas en una bolsa, que es como dar con la vida en la sepultura. | Â Fameuse comparaison ! s′écria Sancho, quoique pas si nouvelle que je ne l′aie entendu faire bien des fois, comme cette autre du jeu des échecs ; tant que le jeu dure, chaque pièce a sa destination particulière ; mais quand il finit, on les mêle, on les secoue, on les bouleverse et on les jette enfin dans une bourse, ce qui est comme si on les jetait de la vie dans la sépulture. | -Cada día, Sancho -dijo don Quijote-, te vas haciendo menos simple y más discreto. | Â Chaque jour, dit don Quichotte, je m′aperçois que tu deviens moins simple, que tu te fais plus avisé, plus spirituel. | -Sí, que algo se me ha de pegar de la discreción de vuestra merced -respondió Sancho-; que las tierras que de suyo son estériles y secas, estercolándolas y cultivándolas, vienen a dar buenos frutos: quiero decir que la conversación de vuestra merced ha sido el estiércol que sobre la estéril tierra de mi seco ingenio ha caído; la cultivación, el tiempo que ha que le sirvo y comunico; y con esto espero de dar frutos de mí que sean de bendición, tales, que no desdigan ni deslicen de los senderos de la buena crianza que vuesa merced ha hecho en el agostado entendimiento mío. | Â Il faut bien, répondit Sancho, qu′en touchant votre esprit il m′en reste quelque chose au bout des doigts. Les terres qui sont naturellement sèches et stériles, quand on les fume et qu′on les cultive, finissent par donner de bons fruits. Je veux dire que la conversation de Votre Grâce a été le fumier qui est tombé sur l′aride terrain de mon stérile esprit, et sa culture, le temps qui s′est passé depuis que je vous sers et vous fréquente. Avec cela j′espère porter des fruits qui soient de bénédiction, tels qu′ils ne dégénèrent point et ne s′écartent jamais des sentiers de la bonne éducation qu′a donnée Votre Grâce à mon entendement desséché. » | Rióse don Quijote de las afectadas razones de Sancho, y parecióle ser verdad lo que decía de su emienda, porque de cuando en cuando hablaba de manera que le admiraba; puesto que todas o las más veces que Sancho quería hablar de oposición y a lo cortesano, acababa su razón con despeñarse del monte de su simplicidad al profundo de su ignorancia; y en lo que él se mostraba más elegante y memorioso era en traer refranes, viniesen o no viniesen a pelo de lo que trataba, como se habrá visto y se habrá notado en el discurso desta historia. | Don Quichotte se mit à rire des expressions prétentieuses de Sancho ; mais il lui parut dire la vérité quant à ses progrès ; car, de temps en temps, Sancho parlait de manière à surprendre son maître ; bien que, chaque fois à peu près qu′il voulait s′exprimer en bon langage, comme un candidat au concours, il finissait sa harangue en se précipitant du faîte de sa simplicité dans l′abîme de son ignorance. La chose où il montrait le plus d′élégance et de mémoire, c′était à citer des proverbes, qu′ils vinssent à tort ou à raison, comme on l′a vu et comme on le verra dans le cours de cette histoire. | En estas y en otras pláticas se les pasó gran parte de la noche, y a Sancho le vino en voluntad de dejar caer las compuertas de los ojos, como él decía cuando quería dormir, y, desaliñando al rucio, le dio pasto abundoso y libre. No quitó la silla a Rocinante, por ser expreso mandamiento de su señor que, en el tiempo que anduviesen en campaña, o no durmiesen debajo de techado, no desaliñase a Rocinante: antigua usanza establecida y guardada de los andantes caballeros, quitar el freno y colgarle del arzón de la silla; pero, ¿quitar la silla al caballo?, ¡guarda!; y así lo hizo Sancho, y le dio la misma libertad que al rucio, cuya amistad dél y de Rocinante fue tan única y tan trabada, que hay fama, por tradición de padres a hijos, que el autor desta verdadera historia hizo particulares capítulos della; mas que, por guardar la decencia y decoro que a tan heroica historia se debe, no los puso en ella, puesto que algunas veces se descuida deste su prosupuesto, y escribe que, así como las dos bestias se juntaban, acudían a rascarse el uno al otro, y que, después de cansados y satisfechos, cruzaba Rocinante el pescuezo sobre el cuello del rucio (que le sobraba de la otra parte más de media vara), y, mirando los dos atentamente al suelo, se solían estar de aquella manera tres días; a lo menos, todo el tiempo que les dejaban, o no les compelía la hambre a buscar sustento. | Cet entretien et d′autres encore les occupèrent une grande partie de la nuit. Enfin, Sancho sentit l′envie de laisser tomber les rideaux de ses yeux, comme il disait quand il voulait dormir, et, débâtant le grison, il le laissa librement paître en pleine herbe. Pour Rossinante, il ne lui ôta pas la selle, car c′était l′ordre exprès de son seigneur que, tout le temps qu′ils seraient en campagne et ne dormiraient pas sous toiture de maison, Rossinante ne fût jamais dessellé, suivant l′antique usage respecté des chevaliers errants. Ôter la bride et la pendre à l′arçon de la selle, bien ; mais ôter la selle au cheval, halte-là ! Ainsi fit Sancho, pour lui donner la même liberté qu′au grison, dont l′amitié avec Rossinante fut si intime, si unique en son genre, qu′à en croire certaine tradition conservée de père en fils, l′auteur de cette véritable histoire consacra plusieurs chapitres à cette amitié ; mais ensuite, pour garder la décence et la dignité qui conviennent à une si héroî°µe histoire, il les supprima. Cependant, il oublie quelquefois sa résolution, et écrit, par exemple, que, dès que les deux bêtes pouvaient se rejoindre, elles s′empressaient de se gratter l′une l′autre, et, quand elles étaient bien fatiguées et bien satisfaites de ce mutuel service, Rossinante posait son cou en croix sur celui du grison, si bien qu′il en passait de l′autre côté plus d′une demi-aune, et tous deux, regardant attentivement par terre, avaient coutume de rester ainsi trois jours, ou du moins tout le temps qu′on les laissait ou que la faim ne les talonnait pas. | Digo que dicen que dejó el autor escrito que los había comparado en la amistad a la que tuvieron Niso y Euríalo, y Pílades y Orestes; y si esto es así, se podía echar de ver, para universal admiración, cuán firme debió ser la amistad destos dos pacíficos animales, y para confusión de los hombres, que tan mal saben guardarse amistad los unos a los otros. Por esto se dijo. | L′auteur, à ce qu′on dit, comparait leur amitié à celle de Nisus avec Euryale, et d′Oreste avec Pylade. S′il en est ainsi, l′auteur aurait fait voir combien fut sincère et solide l′amitié de ces deux pacifiques animaux, tant pour l′admiration générale que, pour la confusion des hommes, qui savent si mal se garder amitié les uns aux autres. C′est pour cela qu′on dit : | No hay amigo para amigo. | « Il n′y a point d′ami pour l′ami, | las cañas se vuelven lanzas. | les cannes de jonc deviennent des lances » | y el otro que cantó. | et qu′on a fait ce proverbe : | De amigo a amigo la chinche, etc. | « De l′ami à l′ami, la puce à l′oreille. » | Y no le parezca a alguno que anduvo el autor algo fuera de camino en haber comparado la amistad destos animales a la de los hombres, que de las bestias han recebido muchos advertimientos los hombres y aprendido muchas cosas de importancia, como son: de las cigüeñas, el cristel; de los perros, el vómito y el agradecimiento; de las grullas, la vigilancia; de las hormigas, la providencia; de los elefantes, la honestidad, y la lealtad, del caballo. | Il ne faut pas, d′ailleurs, s′imaginer que l′auteur se soit égaré quelque peu du droit chemin en comparant l′amitié de ces animaux à celle des hommes, car les hommes ont reçu des bêtes bien des avertissements, et en ont appris bien des choses d′importance ; par exemple, ils ont appris des cigognes le clystère, des chiens le vomissement et la gratitude, des grues la vigilance, des fourmis la prévoyance, des éléphants la pudeur, et du cheval la loyauté. | Finalmente, Sancho se quedó dormido al pie de un alcornoque, y don Quijote dormitando al de una robusta encina; pero, poco espacio de tiempo había pasado, cuando le despertó un ruido que sintió a sus espaldas, y, levantándose con sobresalto, se puso a mirar y a escuchar de dónde el ruido procedía, y vio que eran dos hombres a caballo, y que el uno, dejándose derribar de la silla, dijo al otro. | Finalement, Sancho se laissa tomber endormi au pied d′un liége, et don Quichotte s′étendit sous un robuste chêne. Il y avait peu de temps encore qu′il sommeillait, quand il fut éveillé par un bruit qui se fit entendre derrière sa tête. Se levant en sursaut, il se mit à regarder et à écouter d′où venait le bruit. Il aperçut deux hommes à cheval, et entendit que l′un d′eux, se laissant glisser de la selle, dit à l′autre : | -Apéate, amigo, y quita los frenos a los caballos, que, a mi parecer, este sitio abunda de yerba para ellos, y del silencio y soledad que han menester mis amorosos pensamientos. | « Mets pied à terre, ami, et détache la bride aux chevaux ; ce lieu, à ce qu′il me semble, abonde aussi bien en herbes pour eux qu′en solitude et en silence pour mes amoureuses pensées. » | El decir esto y el tenderse en el suelo todo fue a un mesmo tiempo; y, al arrojarse, hicieron ruido las armas de que venía armado, manifiesta señal por donde conoció don Quijote que debía de ser caballero andante; y, llegándose a Sancho, que dormía, le trabó del brazo, y con no pequeño trabajo le volvió en su acuerdo, y con voz baja le dijo. | Dire ce peu de mots et s′étendre par terre fut l′affaire du même instant ; et, quand l′inconnu se coucha, il fit résonner les armes dont il était couvert. À ce signe manifeste, don Quichotte reconnut que c′était un chevalier errant. S′approchant de Sancho, qui dormait encore, il le secoua par le bras, et, non sans peine, il lui fit ouvrir les yeux ; puis il dit à voix basse : | -Hermano Sancho, aventura tenemos. | « Sancho, mon frère, nous tenons une aventure. | -Dios nos la dé buena -respondió Sancho-; y ¿adónde está, señor mío, su merced de esa señora aventura. | Â Dieu nous l′envoie bonne ! répondit Sancho ; mais où est, seigneur, Sa Grâce madame l′aventure ? | -¿Adónde, Sancho? -replicó don Quijote-; vuelve los ojos y mira, y verás allí tendido un andante caballero, que, a lo que a mí se me trasluce, no debe de estar demasiadamente alegre, porque le vi arrojar del caballo y tenderse en el suelo con algunas muestras de despecho, y al caer le crujieron las armas. | Â Où, Sancho ? répliqua don Quichotte ; tourne les yeux et regarde par là ; tu y verras étendu par terre un chevalier errant, qui, à ce que je m′imagine, ne doit pas être trop joyeux, car je l′ai vu se jeter à bas de cheval et se coucher par terre avec quelques marques de chagrin, et, quand il est tombé, j′ai entendu bruire ses armes. | -Pues ¿en qué halla vuesa merced -dijo Sancho- que ésta sea aventura. | Â Mais où trouvez-vous, reprit Sancho, que ce soit là une aventure ? | -No quiero yo decir -respondió don Quijote- que ésta sea aventura del todo, sino principio della; que por aquí se comienzan las aventuras. Pero escucha, que, a lo que parece, templando está un laúd o vigüela, y, según escupe y se desembaraza el pecho, debe de prepararse para cantar algo. | Â Je ne prétends pas dire, reprit don Quichotte, que ce soit là une aventure complète, mais c′en est le commencement ; car c′est ainsi que commencent les aventures. Mais chut ! écoutons ; il me semble qu′il accorde un luth ou une mandoline, et, à la manière dont il crache et se nettoie la poitrine, il doit se préparer à chanter quelque chose. | -A buena fe que es así -respondió Sancho-, y que debe de ser caballero enamorado. | Â En bonne foi, c′est vrai, repartit Sancho, et ce doit être un chevalier amoureux. | -No hay ninguno de los andantes que no lo sea -dijo don Quijote-. Y escuchémosle, que por el hilo sacaremos el ovillo de sus pensamientos, si es que canta; que de la abundancia del corazón habla la lengua. | Â Il n′y a point de chevaliers errants qui ne le soient, reprit don Quichotte ; mais écoutons-le, et, s′il chante, par le fil de sa voix nous tirerons le peloton de ses pensées, car l′abondance du cœur fait parler la langue. » | Replicar quería Sancho a su amo, pero la voz del Caballero del Bosque, que no era muy mala mi muy buena, lo estorbó; y, estando los dos atónitos, oyeron que lo que cantó fue este soneto: | Sancho voulait répliquer à son maître, mais il en fut empêché par la voix du chevalier du Bocage, qui n′était ni bonne ni mauvaise. Ils prêtèrent tous deux attention et l′entendirent chanter ce Sonnet : | -Dadme, señora, un término que siga, conforme a vuestra voluntad cortado; que será de la mía así estimado, que por jamás un punto dél desdiga.
Si gustáis que callando mi fatiga muera, contadme ya por acabado: si queréis que os la cuente en desusado modo, haré que el mesmo amor la diga.
A prueba de contrarios estoy hecho, de blanda cera y de diamante duro, y a las leyes de amor el ama ajusto.
Blando cual es, o fuerte, ofrezco el pecho: entallad o imprimid lo que os dé gusto, que de guardarlo eternamente juro. | « Donnez-moi, madame, une ligne à suivre, tracée suivant votre volonté ; la mienne s′y conformera tellement que jamais elle ne s′en écartera d′un point.
« Si vous voulez que, taisant mon martyre, je meure, comptez-moi déjà pour trépassé, et si vous voulez que je vous le confie d′une manière inusitée, je ferai en sorte que l′amour lui-même parle pour moi.
« Je suis devenu à l′épreuve des contraires, de cire molle et de dur diamant, et aux lois de l′amour mon âme se résigne.
« Mol ou dur, je vous offre mon cœur ; taillez ou gravez-y ce qui vous fera plaisir ; je jure de le garder éternellement. » | Con un ¡ay!, arrancado, al parecer, de lo íntimo de su corazón, dio fin a su canto el Caballero del Bosque, y, de allí a un poco, con voz doliente y lastimada, dijo: | Avec un hélas ! qui semblait arraché du fond de ses entrailles, le chevalier du Bocage termina son chant ; puis, après un court intervalle, il s′écria d′une voix dolente et plaintive : | -¡Oh la más hermosa y la más ingrata mujer del orbe! ¿Cómo que será posible, serenísima Casildea de Vandalia, que has de consentir que se consuma y acabe en continuas peregrinaciones y en ásperos y duros trabajos este tu cautivo caballero? ¿No basta ya que he hecho que te confiesen por la más hermosa del mundo todos los caballeros de Navarra, todos los leoneses, todos los tartesios, todos los castellanos, y, finalmente, todos los caballeros de la Mancha. | « Ô la plus belle et la plus ingrate des femmes de l′univers ! Comment est-il possible, sérénissime Cassildée de Vandalie, que tu consentes à user et à faire périr en de continuels pèlerinages, en d′âpres et pénibles travaux, ce chevalier ton captif ? N′est-ce pas assez que j′aie fait confesser que tu étais la plus belle du monde à tous les chevaliers de la Navarre, à tous les Léonères, à tous les Tartésiens, à tous les Castillans, et finalement à tous les chevaliers de la Manche ? | -Eso no -dijo a esta sazón don Quijote-, que yo soy de la Mancha y nunca tal he confesado, ni podía ni debía confesar una cosa tan perjudicial a la belleza de mi señora; y este tal caballero ya vees tú, Sancho, que desvaría. Pero, escuchemos: quizá se declarará más. | Â Oh ! pour cela non, s′écria don Quichotte, car je suis de la Manche, et jamais je n′ai rien confessé de semblable, et je n′aurais pu ni dû confesser une chose aussi préjudiciable à la beauté de ma dame. Tu le vois, Sancho, ce chevalier divague ; mais écoutons, peut-être se découvrira-t-il davantage ? | -Si hará -replicó Sancho-, que término lleva de quejarse un mes arreo. | Â Sans aucun doute, répliqua Sancho, car il prend le chemin de se plaindre un mois durant. » | Pero no fue así, porque, habiendo entreoído el Caballero del Bosque que hablaban cerca dél, sin pasar adelante en su lamentación, se puso en pie, y dijo con voz sonora y comedida. | Toutefois il n′en fut pas ainsi ; le chevalier du Bocage, ayant entr′ouí±u′on parlait à ses côtés, interrompit ses lamentations, et, se levant debout, dit d′une voix sonore et polie : | -¿Quién va allá? ¿Qué gente? ¿Es por ventura de la del número de los contentos, o la del de los afligidos. | « Qui est là ? quelles gens y a-t-il ? Est-ce par hasard du nombre des heureux ou du nombre des affligés ? | -De los afligidos -respondió don Quijote. | Â Des affligés, répondit don Quichotte. | -Pues lléguese a mí -respondió el del Bosque-, y hará cuenta que se llega a la mesma tristeza y a la aflición mesma. | Â Eh bien ! venez à moi, reprit le chevalier du Bocage, et vous pouvez compter que vous approchez de l′affliction même et de la tristesse en personne. » | Don Quijote, que se vio responder tan tierna y comedidamente, se llegó a él, y Sancho ni más ni menos. | Don Quichotte, qui s′entendit répondre avec tant de sensibilité et de courtoisie, s′approcha de l′inconnu, et Sancho fit de même. | El caballero lamentador asió a don Quijote del brazo, diciendo. | Le chevalier aux lamentations saisit don Quichotte par le bras : | -Sentaos aquí, señor caballero, que para entender que lo sois, y de los que profesan la andante caballería, bástame el haberos hallado en este lugar, donde la soledad y el sereno os hacen compañía, naturales lechos y propias estancias de los caballeros andantes. | « Asseyez-vous, seigneur chevalier, lui dit-il ; car, pour deviner que vous l′êtes, et de ceux qui professent la chevalerie errante, il me suffit de vous avoir trouvé dans cet endroit, où la solitude et le serein vous font compagnie, appartement ordinaire et lit naturel des chevaliers errants. » | A lo que respondió don Quijote: | Don Quichotte répondit : | -Caballero soy, y de la profesión que decís; y, aunque en mi alma tienen su propio asiento las tristezas, las desgracias y las desventuras, no por eso se ha ahuyentado della la compasión que tengo de las ajenas desdichas. De lo que contaste poco ha, colegí que las vuestras son enamoradas, quiero decir, del amor que tenéis a aquella hermosa ingrata que en vuestras lamentaciones nombrastes. | « Je suis chevalier, en effet, de la profession que vous dites, et, quoique les chagrins et les disgrâces aient fixé leur séjour dans mon âme, cependant ils n′en ont pas chassé la compassion que je porte aux malheurs d′autrui. De ce que vous chantiez tout à l′heure, j′ai compris que les vôtres sont amoureux, je veux dire nés de l′amour que vous portez à cette belle ingrate dont le nom vous est échappé dans vos plaintes. » | Ya cuando esto pasaban estaban sentados juntos sobre la dura tierra, en buena paz y compañía, como si al romper del día no se hubieran de romper las cabezas. | Quand les deux chevaliers discouraient ainsi, ils étaient assis côte à côte sur le dur siège de la terre, en paix et en bonne intelligence, comme si, aux premiers rayons du jour, ils n′eussent pas dû se couper la gorge. | -Por ventura, señor caballero -preguntó el del Bosque a don Quijote-, ¿sois enamorado. | « Seigneur chevalier, demanda celui du Bocage à don Quichotte, seriez-vous par bonheur amoureux ? | -Por desventura lo soy -respondió don Quijote-; aunque los daños que nacen de los bien colocados pensamientos, antes se deben tener por gracias que por desdichas. | Â Par malheur je le suis, répondit don Quichotte, quoique, après tout, les souffrances qui naissent d′une affection bien placée doivent plutôt passer pour des biens que pour des maux. | -Así es la verdad -replicó el del Bosque-, si no nos turbasen la razón y el entendimiento los desdenes, que, siendo muchos, parecen venganzas. | Â Telle est la vérité, répliqua le chevalier du Bocage, quand toutefois le dédain ne nous trouble pas l′entendement et la raison, car il peut être poussé au point de ressembler à de la vengeance. | -Nunca fui desdeñado de mi señora -respondió don Quijote. | Â Jamais je ne fus dédaigné par ma dame, répondit don Quichotte. | -No, por cierto -dijo Sancho, que allí junto estaba-, porque es mi señora como una borrega mansa: es más blanda que una manteca. | Â Non, par ma foi, ajouta Sancho, qui se tenait près de lui, car notre dame est plus douce qu′un mouton et plus tendre que du beurre. | -¿Es vuestro escudero éste? -preguntó el del Bosque. | Â Est-ce là votre écuyer ? demanda le chevalier du Bocage. | -Sí es -respondió don Quijote. | Â Oui, c′est lui, répondit don Quichotte. | -Nunca he visto yo escudero -replicó el del Bosque- que se atreva a hablar donde habla su señor; a lo menos, ahí está ese mío, que es tan grande como su padre, y no se probará que haya desplegado el labio donde yo hablo. | Â Je n′ai jamais vu d′écuyer, répliqua l′inconnu, qui osât parler où parle son seigneur. Du moins, voilà le mien, qui est grand comme père et mère, et duquel on ne saurait prouver qu′il ait desserré les dents où j′avais parlé. | -Pues a fe -dijo Sancho-, que he hablado yo, y puedo hablar delante de otro tan..., y aun quédese aquí, que es peor meneallo. | Â Eh bien, ma foi, s′écria Sancho, moi j′ai parlé, et je parlerai devant un autre aussiÂ
et même plusÂ
Mais laissons cela : c′est pire à remuer. » | El escudero del Bosque asió por el brazo a Sancho, diciéndole. | Alors l′écuyer du Bocage empoigna Sancho par le bras : | -Vámonos los dos donde podamos hablar escuderilmente todo cuanto quisiéremos, y dejemos a estos señores amos nuestros que se den de las astas, contándose las historias de sus amores; que a buen seguro que les ha de coger el día en ellas y no las han de haber acabado. | « Compère, lui dit-il, allons-nous-en tous deux où nous puissions parler tout notre soûl, et laissons ces seigneurs nos maîtres s′en conter l′un à l′autre avec l′histoire de leurs amours. En bonne foi de Dieu, le jour les surprendra qu′ils n′auront pas encore fini. | -Sea en buena hora -dijo Sancho-; y yo le diré a vuestra merced quién soy, para que vea si puedo entrar en docena con los más hablantes escuderos. | Â Très-volontiers, répondit Sancho, et je dirai à Votre Grâce qui je suis, pour que vous voyiez si l′on peut me compter à la douzaine parmi les écuyers parlants. » | Con esto se apartaron los dos escuderos, entre los cuales pasó un tan gracioso coloquio como fue grave el que pasó entre sus señores. | À ces mots, les deux écuyers s′éloignèrent, et ils eurent ensemble un dialogue aussi plaisant que celui de leurs maîtres fut grave et sérieux.
| II. Capítulo XIII. Donde se prosigue la aventura del Caballero del Bosque, con el discreto, nuevo y suave coloquio que pasó entre los dos escuderos. | Chapitre XIII Où se poursuit l′aventure du chevalier du Bocage, avec le piquant, suave et nouveau dialogue qu′eurent ensemble les deux écuyers Divididos estaban caballeros y escuderos: éstos contándose sus vidas, y aquéllos sus amores; pero la historia cuenta primero el razonamiento de los mozos y luego prosigue el de los amos; y así, dice que, apartándose un poco dellos, el del Bosque dijo a Sancho. | S′étant séparés ainsi, d′un côté étaient les chevaliers, de l′autre les écuyers, ceux-ci se racontant leurs vies, ceux-là leurs amours. Mais l′histoire rapporte d′abord la conversation des valets, et passe ensuite à celle des maîtres. Suivant elle, quand les écuyers se furent éloignés un peu, celui du Bocage dit à Sancho : | -Trabajosa vida es la que pasamos y vivimos, señor mío, estos que somos escuderos de caballeros andantes: en verdad que comemos el pan en el sudor de nuestros rostros, que es una de las maldiciones que echó Dios a nuestros primeros padres. | « C′est une rude et pénible vie que nous menons, mon bon seigneur, nous qui sommes écuyers de chevaliers errants. On peut en toute vérité nous appliquer l′une des malédictions dont Dieu frappa nos premiers parents, et dire que nous mangeons le pain à la sueur de nos fronts. | -También se puede decir -añadió Sancho- que lo comemos en el yelo de nuestros cuerpos; porque, ¿quién más calor y más frío que los miserables escuderos de la andante caballería? Y aun menos mal si comiéramos, pues los duelos, con pan son menos; pero tal vez hay que se nos pasa un día y dos sin desayunarnos, si no es del viento que sopla. | Â On peut bien dire aussi, ajouta Sancho, que nous le mangeons à la gelée de nos corps ; car qui souffre plus du froid et du chaud que les misérables écuyers de la chevalerie errante ? Encore n′y aurait-il pas grand mal si nous mangions, puisque suivant le proverbe, avec du pain tous les maux sont vains. Mais quelquefois il nous arrive de passer un jour, et même deux, sans rompre le jeûne, si ce n′est avec l′air qui court. | -Todo eso se puede llevar y conllevar -dijo el del Bosque-, con la esperanza que tenemos del premio; porque si demasiadamente no es desgraciado el caballero andante a quien un escudero sirve, por lo menos, a pocos lances se verá premiado con un hermoso gobierno de cualquier ínsula, o con un condado de buen parecer. | Â Tout cela pourtant peut se prendre en patience, reprit l′écuyer du Bocage, avec l′espoir du prix qui nous attend ; car si le chevalier errant que l′on sert n′est point par trop ingrat, on se verra bientôt récompensé tout au moins par un aimable gouvernement de quelque île, ou par un comté de bonne mine. | Yo -replicó Sancho- ya he dicho a mi amo que me contento con el gobierno de alguna ínsula; y él es tan noble y tan liberal, que me le ha prometido muchas y diversas veces. | Â Moi, répliqua Sancho, j′ai déjà dit à mon maître qu′avec le gouvernement d′une île j′étais satisfait, et lui, il est si noble et si libéral, qu′il me l′a promis bien des fois, et à bien des reprises. | Yo -dijo el del Bosque-, con un canonicato quedaré satisfecho de mis servicios, y ya me le tiene mandado mi amo, y ¡qué tal! | Â Quant à moi, reprit l′écuyer du Bocage, un canonicat payera mes services, et mon maître me l′a déjà délégué. | -Debe de ser -dijo Sancho- su amo de vuesa merced caballero a lo eclesiástico, y podrá hacer esas mercedes a sus buenos escuderos; pero el mío es meramente lego, aunque yo me acuerdo cuando le querían aconsejar personas discretas, aunque, a mi parecer mal intencionadas, que procurase ser arzobispo; pero él no quiso sino ser emperador, y yo estaba entonces temblando si le venía en voluntad de ser de la Iglesia, por no hallarme suficiente de tener beneficios por ella; porque le hago saber a vuesa merced que, aunque parezco hombre, soy una bestia para ser de la Iglesia. | Â Holà ! s′écria Sancho, le maître de Votre Grâce est donc chevalier à l′ecclésiastique , puisqu′il fait de semblables grâces à ses bons écuyers ? Pour le mien, il est tout bonnement laî°µe, et pourtant je me rappelle que des gens d′esprit, quoique, à mon avis, mal intentionnés, voulaient lui conseiller de devenir archevêque. Heureusement qu′il ne voulut pas être autre chose qu′empereur, et je tremblais alors qu′il ne lui prît fantaisie de se mettre dans l′Église, me trouvant point en état d′y occuper des bénéfices. Car il faut que vous sachiez une chose, c′est que, bien que je paraisse un homme, je ne suis qu′une bête pour être de l′Église. | -Pues en verdad que lo yerra vuesa merced -dijo el del Bosque-, a causa que los gobiernos insulanos no son todos de buena data. Algunos hay torcidos, algunos pobres, algunos malencónicos, y finalmente, el más erguido y bien dispuesto trae consigo una pesada carga de pensamientos y de incomodidades, que pone sobre sus hombros el desdichado que le cupo en suerte. Harto mejor sería que los que profesamos esta maldita servidumbre nos retirásemos a nuestras casas, y allí nos entretuviésemos en ejercicios más suaves, como si dijésemos, cazando o pescando; que, ¿qué escudero hay tan pobre en el mundo, a quien le falte un rocín, y un par de galgos, y una caña de pescar, con que entretenerse en su aldea. | Â Eh bien ! en vérité. Votre Grâce a tort, reprit l′écuyer du Bocage, car les gouvernements insulaires ne sont pas tous de bonne pâte. Il y en a de pauvres, il y en a de mélancoliques, il y en a qui vont, tout de travers, et le mieux bâti, le plus pimpant de tous, traîne une pesante charge d′incommodités et de soucis, que prend sur ses épaules le malheureux auquel il tombe en partage. Il vaudrait mille fois mieux vraiment que nous autres, qui faisons ce maudit métier de servir, nous retournassions chez nous pour y passer le temps à des exercices plus doux, comme qui dirait la chasse ou la pêche ; car enfin, quel écuyer si pauvre y a-t-il au monde qui manque d′un bidet, d′une paire de lévriers et d′une ligne à pêcher pour se divertir dans son village ? | -A mí no me falta nada deso -respondió Sancho-: verdad es que no tengo rocín, pero tengo un asno que vale dos veces más que el caballo de mi amo. Mala pascua me dé Dios, y sea la primera que viniere, si le trocara por él, aunque me diesen cuatro fanegas de cebada encima. A burla tendrá vuesa merced el valor de mi rucio, que rucio es el color de mi jumento. Pues galgos no me habían de faltar, habiéndolos sobrados en mi pueblo; y más, que entonces es la caza más gustosa cuando se hace a costa ajena. | Â À moi, rien de tout cela ne manque, répondit Sancho. Il est vrai pourtant que je n′ai pas de bidet, mais j′ai un âne qui vaut deux fois mieux que le cheval de mon maître. Que Dieu me donne mauvaise Pâque, fût-ce la plus prochaine, si je changeais mon âne pour son cheval, quand même il me donnerait quatre boisseaux d′orge en retour ! Votre Grâce se moquera si elle veut de la valeur de mon grison : je dis, grison, car c′est le gris qui est la couleur de mon âne. Quant aux lévriers, c′est bien le diable s′ils me manquaient, lorsqu′il y en a de reste au pays, d′autant mieux que la chasse est bien plus agréable quand on la fait avec le bien d′autrui. | -Real y verdaderamente -respondió el del Bosque-, señor escudero, que tengo propuesto y determinado de dejar estas borracherías destos caballeros, y retirarme a mi aldea, y criar mis hijitos, que tengo tres como tres orientales perlas. | Â Réellement, seigneur écuyer, répondit celui du Bocage, j′ai résolu et décidé de laisser là ces sottes prouesses de ces chevaliers, pour m′en retourner dans mon village et élever mes petits enfants, car j′en ai trois, jolis comme trois perles orientales. | -Dos tengo yo -dijo Sancho-, que se pueden presentar al Papa en persona, especialmente una muchacha a quien crío para condesa, si Dios fuere servido, aunque a pesar de su madre. | Â Moi, j′en ai deux, reprit Sancho, qu′on peut bien présenter au pape en personne, notamment une jeune fille que j′élève pour être comtesse, s′il plaît à Dieu, bien qu′en dépit de sa mère. | -Y ¿qué edad tiene esa señora que se cría para condesa? -preguntó el del Bosque. | Â Et quel âge a cette dame que vous élevez pour être comtesse ? demanda l′écuyer du Bocage. | -Quince años, dos más a menos -respondió Sancho-, pero es tan grande como una lanza, y tan fresca como una mañana de abril, y tiene una fuerza de un ganapán. | Â Quinze ans, à deux de plus ou de moins, répondit Sancho. Mais elle est grande comme une perche, fraîche comme une matinée d′avril, et forte comme un portefaix. | -Partes son ésas -respondió el del Bosque- no sólo para ser condesa, sino para ser ninfa del verde bosque. ¡Oh hideputa, puta, y qué rejo debe de tener la bellaca. | Â Diable ! ce sont là des qualités, reprit l′écuyer du Bocage, de quoi être non-seulement comtesse, mais encore nymphe du Vert-Bosquet. Ô gueuse, fille de gueuse ! quelle carrure doit avoir la luronne ! | A lo que respondió Sancho, algo mohíno. | Â Tout beau, interrompit Sancho, quelque peu fâché ; | -Ni ella es puta, ni lo fue su madre, ni lo será ninguna de las dos, Dios quiriendo, mientras yo viviere. Y háblese más comedidamente, que, para haberse criado vuesa merced entre caballeros andantes, que son la mesma cortesía, no me parecen muy concertadas esas palabras. | ni elle n′est gueuse, ni sa mère ne le fut, ni aucune des deux le sera, si Dieu le permet, tant que je vivrai. Et parlez, seigneur, un peu plus poliment ; car, pour un homme élevé parmi les chevaliers errants, qui sont la politesse même, vos paroles ne me semblent pas trop bien choisies. | -¡Oh, qué mal se le entiende a vuesa merced -replicó el del Bosque- de achaque de alabanzas, señor escudero! ¿Cómo y no sabe que cuando algún caballero da una buena lanzada al toro en la plaza, o cuando alguna persona hace alguna cosa bien hecha, suele decir el vulgo: "¡Oh hideputa, puto, y qué bien que lo ha hecho!?" Y aquello que parece vituperio, en aquel término, es alabanza notable; y renegad vos, señor, de los hijos o hijas que no hacen obras que merezcan se les den a sus padres loores semejantes. | Â Oh ! que vous ne vous entendez guère en fait de louanges, seigneur écuyer ! s′écria celui du Bocage. Comment donc, ne savez-vous pas que lorsqu′un chevalier donne un bon coup de lance au taureau dans le cirque, ou bien quand une personne fait quelque chose proprement, on a coutume de dire dans le peuple : « Ô fils de gueuse ! comme il s′en est bien tiré ! » Et ces mots, qui semblent une injure, sont un notable éloge. Allez, seigneur, reniez plutôt les fils et les filles qui ne méritent point par leurs œuvres qu′on adresse à leurs parents de semblables louanges. | -Sí reniego -respondió Sancho-, y dese modo y por esa misma razón podía echar vuestra merced a mí y hijos y a mi mujer toda una putería encima, porque todo cuanto hacen y dicen son estremos dignos de semejantes alabanzas, y para volverlos a ver ruego yo a Dios me saque de pecado mortal, que lo mesmo será si me saca deste peligroso oficio de escudero, en el cual he incurrido segunda vez, cebado y engañado de una bolsa con cien ducados que me hallé un día en el corazón de Sierra Morena, y el diablo me pone ante los ojos aquí, allí, acá no, sino acullá, un talego lleno de doblones, que me parece que a cada paso le toco con la mano, y me abrazo con él, y lo llevo a mi casa, y echo censos, y fundo rentas, y vivo como un príncipe; y el rato que en esto pienso se me hacen fáciles y llevaderos cuantos trabajos padezco con este mentecato de mi amo, de quien sé que tiene más de loco que de caballero. | Â Oui, pardieu, je les renie, s′il en est ainsi, s′écria Sancho, et, par la même raison, vous pouviez nous jeter, à moi, à mes enfants et à ma femme, toute une gueuserie sur le corps ; car, en vérité, tout ce qu′ils disent et tout ce qu′ils font sont des perfections dignes de tels éloges. Ah ! pour le revoir, je prie Dieu qu′il me tire de péché mortel, et ce sera la même chose s′il me tire de ce périlleux métier d′écuyer errant, où je me suis fourré une seconde fois, alléché par une bourse pleine de cent ducats que j′ai trouvée un beau jour au milieu de la Sierra-Moréna ; et le diable me met toujours devant les yeux, ici, là, de ce côté, de cet autre, un gros sac de doublons, si bien qu′il me semble à chaque pas que je le touche avec la main, que je le prends dans mes bras, que je l′emporte à la maison, que j′achète du bien, que je me fais des rentes, et que je vis comme un prince. Le moment où je pense à cela, voyez-vous, il me semble facile de prendre en patience toutes les peines que je souffre avec mon timbré de maître, qui tient plus, je le sais bien, du fou que du chevalier. | -Por eso -respondió el del Bosque- dicen que la codicia rompe el saco; y si va a tratar dellos, no hay otro mayor en el mundo que mi amo, porque es de aquellos que dicen: "Cuidados ajenos matan al asno"; pues, porque cobre otro caballero el juicio que ha perdido, se hace el loco, y anda buscando lo que no sé si después de hallado le ha de salir a los hocicos. | Â C′est pour cela, répondit l′écuyer du Bocage, qu′on dit que l′envie d′y trop mettre rompt le sac ; et, s′il faut parler de nos maîtres, il n′y a pas de plus grand fou dans le monde que le mien, car il est de ces gens de qui l′on dit : « Les soucis du prochain tuent l′âne ; » en effet, pour rendre la raison à un chevalier qui l′a perdue, il est devenu fou lui-même, et s′est mis à chercher telle chose que, s′il la trouvait, il pourrait bien lui en cuire. | -Y ¿es enamorado, por dicha. | Â Est-ce que, par hasard, il est amoureux ? demanda Sancho. | -Sí -dijo el del Bosque-: de una tal Casildea de Vandalia, la más cruda y la más asada señora que en todo el orbe puede hallarse; pero no cojea del pie de la crudeza, que otros mayores embustes le gruñen en las entrañas, y ello dirá antes de muchas horas. | Â Oui, répondit l′écuyer du Bocage, il s′est épris d′une certaine Cassildée de Vandalie, la dame la plus crue et la plus rôtie qui se puisse trouver dans tout l′univers ; mais ce n′est pas seulement du pied de la crudité qu′elle cloche ; bien d′autres supercheries lui grognent dans le ventre, comme on pourra le voir avant peu d′heures . | -No hay camino tan llano -replicó Sancho- que no tenga algún tropezón o barranco; en otras casas cuecen habas, y en la mía, a calderadas; más acompañados y paniaguados debe de tener la locura que la discreción. Mas si es verdad lo que comúnmente se dice, que el tener compañeros en los trabajos suele servir de alivio en ellos, con vuestra merced podré consolarme, pues sirve a otro amo tan tonto como el mío. | Â Il n′y a pas de chemin si uni, répliqua Sancho, qu′il n′ait quelque pierre à faire broncher ; si l′on fait cuire des fèves chez les autres, chez moi c′est à pleine marmite ; et la folie, plus que la raison, doit avoir des gens pendus à ses crochets. Mais si ce qu′on dit est vrai, que d′avoir des compagnons dans la peine doit nous soulager, je pourrai m′en consoler avec Votre Grâce, puisque vous servez un maître aussi bête que le mien. | -Tonto, pero valiente -respondió el del Bosque-, y más bellaco que tonto y que valiente. | Â Bête, oui, mais vaillant, répondit l′écuyer du Bocage, et encore plus coquin que bête et que vaillant. | -Eso no es el mío -respondió Sancho-: digo, que no tiene nada de bellaco; antes tiene una alma como un cántaro: no sabe hacer mal a nadie, sino bien a todos, ni tiene malicia alguna: un niño le hará entender que es de noche en la mitad del día; y por esta sencillez le quiero como a las telas de mi corazón, y no me amaño a dejarle, por más disparates que haga. | Â Oh ! ce n′est plus là le mien, s′écria Sancho. Il n′est pas coquin le moins du monde ; au contraire, il a un cœur de pigeon, ne sait faire de mal à personne, mais du bien à tous, et n′a pas la moindre malice. Un enfant lui ferait croire qu′il fait nuit en plein midi. C′est pour cette bonhomie que je l′aime comme la prunelle de mes yeux, et que je ne puis me résoudre à le quitter, quelques sottises qu′il fasse. | -Con todo eso, hermano y señor -dijo el del Bosque-, si el ciego guía al ciego, ambos van a peligro de caer en el hoyo. Mejor es retirarnos con buen compás de pies, y volvernos a nuestras querencias; que los que buscan aventuras no siempre las hallan buenas. | Â Avec tout cela, frère et seigneur, reprit l′écuyer du Bocage, si l′aveugle conduit l′aveugle, tous deux risquent de tomber dans le trou . Il vaut encore mieux battre en retraite sur la pointe du pied et regagner nos gîtes ; car qui cherche les aventures ne les trouve pas toujours bien mûres. » | Escupía Sancho a menudo, al parecer, un cierto género de saliva pegajosa y algo seca; lo cual visto y notado por el caritativo bosqueril escudero, dijo. | Tout en parlant, Sancho paraissait de temps à autre cracher une certaine espèce de salive un peu sèche et collante. Le charitable écuyer s′en aperçut : | -Paréceme que de lo que hemos hablado se nos pegan al paladar las lenguas; pero yo traigo un despegador pendiente del arzón de mi caballo, que es tal como bueno. | « Il me semble, dit-il, qu′à force de jaser, nos langues s′épaississent et nous collent au palais. Mais je porte à l′arçon de ma selle un remède à décoller la langue, qui n′est pas à dédaigner. » | Y, levantándose, volvió desde allí a un poco con una gran bota de vino y una empanada de media vara; y no es encarecimiento, porque era de un conejo albar, tan grande que Sancho, al tocarla, entendió ser de algún cabrón, no que de cabrito; lo cual visto por Sancho, dijo. | Cela dit, il se leva, et revint un instant après, avec une grande outre de vin et un pâté long d′une demi-aune. Et ce n′est pas une exagération ; car il était fait d′un lapin de choux d′une telle grosseur, que Sancho, quand il toucha le pâté, crut qu′il y avait dedans, non pas un chevreau, mais un bouc. Aussi il s′écria : | -Y ¿esto trae vuestra merced consigo, señor. | « C′est cela que porte Votre Grâce en voyage, seigneur ? | -Pues, ¿qué se pensaba? -respondió el otro-. ¿Soy yo por ventura algún escudero de agua y lana? Mejor repuesto traigo yo en las ancas de mi caballo que lleva consigo cuando va de camino un general. | Â Eh bien, que pensiez-vous donc ? répondit l′autre ; suis-je, par hasard, quelque écuyer au pain et à l′eau ? Oh ! je porte plus de provisions sur la croupe de mon bidet qu′un général en campagne. » | Comió Sancho sin hacerse de rogar, y tragaba a escuras bocados de nudos de suelta. Y dijo: | Sancho mangea sans se faire prier davantage. Favorisé par la nuit, il avalait en cachette des morceaux gros comme le poing. | -Vuestra merced sí que es escudero fiel y legal, moliente y corriente, magnífico y grande, como lo muestra este banquete, que si no ha venido aquí por arte de encantamento, parécelo, a lo menos; y no como yo, mezquino y malaventurado, que sólo traigo en mis alforjas un poco de queso, tan duro que pueden descalabrar con ello a un gigante, a quien hacen compañía cuatro docenas de algarrobas y otras tantas de avellanas y nueces, mercedes a la estrecheza de mi dueño, y a la opinión que tiene y orden que guarda de que los caballeros andantes no se han de mantener y sustentar sino con frutas secas y con las yerbas del campo. | « On voit bien, dit-il, que Votre Grâce est un écuyer fidèle et légal, en bonne forme et de bon aloi, généreux et magnifique, comme le prouve ce banquet, qui, s′il n′est pas arrivé par voie d′enchantement, en a du moins tout l′air. Ce n′est pas comme moi, chétif et misérable, qui n′ai dans mon bissac qu′un morceau de fromage, si dur qu′on en pourrait casser la tête à un géant, avec quatre douzaines de caroubles qui lui font compagnie, et autant de noix et de noisettes, grâce à la détresse de mon maître et à l′opinion qu′il s′est faite, et qu′il observe comme article de foi, que les chevaliers errants ne doivent se nourrir que de fruits secs et d′herbes des champs. | -Por mi fe, hermano -replicó el del Bosque-, que yo no tengo hecho el estómago a tagarninas, ni a piruétanos, ni a raíces de los montes. Allá se lo hayan con sus opiniones y leyes caballerescas nuestros amos, y coman lo que ellos mandaren. Fiambreras traigo, y esta bota colgando del arzón de la silla, por sí o por no; y es tan devota mía y quiérola tanto, que pocos ratos se pasan sin que la dé mil besos y mil abrazos. | Â Par ma foi, frère, répliqua l′écuyer, je n′ai pas l′estomac fait aux chardons et aux poires sauvages, non plus qu′aux racines des bois. Que nos maîtres aient tant qu′ils voudront des opinions et des lois chevaleresques, et qu′ils mangent ce qui leur conviendra. Quant à moi, je porte des viandes froides pour l′occasion, ainsi que cette outre pendue à l′arçon de la selle. J′ai pour elle tant de dévotion et d′amour, qu′il ne se passe guère de moments que je ne lui donne mille embrassades et mille baisers. » | Y, diciendo esto, se la puso en las manos a Sancho, el cual, empinándola, puesta a la boca, estuvo mirando las estrellas un cuarto de hora, y, en acabando de beber, dejó caer la cabeza a un lado, y, dando un gran suspiro, dijo. | En disant cela, il la mit entre les mains de Sancho, qui, portant le goulot à sa bouche, se mit à regarder les étoiles un bon quart d′heure. Quand il eut fini de boire, il laissa tomber la tête sur une épaule, et jetant un grand soupir : | -¡Oh hideputa bellaco, y cómo es católico. | « Oh ! le fils de gueuse, s′écria-t-il, comme il est catholique ! | -¿Veis ahí -dijo el del Bosque, en oyendo el hideputa de Sancho-, cómo habéis alabado este vino llamándole hideputa. | Â Voyez-vous, reprit l′écuyer du Bocage, dès qu′il eut entendu l′exclamation de Sancho, comme vous avez loué ce vin en l′appelant fils de gueuse ! | -Digo -respondió Sancho-, que confieso que conozco que no es deshonra llamar hijo de puta a nadie, cuando cae debajo del entendimiento de alabarle. Pero dígame, señor, por el siglo de lo que más quiere: ¿este vino es de Ciudad Real? | Â Aussi je confesse, répondit Sancho, que ce n′est déshonorer personne que de l′appeler fils de gueuse, quand c′est avec l′intention de le louer. Mais dites-moi, seigneur, par le salut que vous aimez le mieux, est-ce que ce vin n′est pas de Ciudad-Réal< ? | -¡Bravo mojón! -respondió el del Bosque-. En verdad que no es de otra parte, y que tiene algunos años de ancianidad. | Â Fameux gourmet ! s′écria l′écuyer du Bocage ; il ne vient pas d′ailleurs, en vérité, et il a quelques années de vieillesse. | -¡A mí con eso! -dijo Sancho-. No toméis menos, sino que se me fuera a mí por alto dar alcance a su conocimiento. ¿No será bueno, señor escudero, que tenga yo un instinto tan grande y tan natural, en esto de conocer vinos, que, en dándome a oler cualquiera, acierto la patria, el linaje, el sabor, y la dura, y las vueltas que ha de dar, con todas las circunstancias al vino atañederas? Pero no hay de qué maravillarse, si tuve en mi linaje por parte de mi padre los dos más excelentes mojones que en luengos años conoció la Mancha; para prueba de lo cual les sucedió lo que ahora diré: « Diéronles a los dos a probar del vino de una cuba, pidiéndoles su parecer del estado, cualidad, bondad o malicia del vino. El uno lo probó con la punta de la lengua, el otro no hizo más de llegarlo a las narices. El primero dijo que aquel vino sabía a hierro, el segundo dijo que más sabía a cordobán. El dueño dijo que la cuba estaba limpia, y que el tal vino no tenía adobo alguno por donde hubiese tomado sabor de hierro ni de cordobán. Con todo eso, los dos famosos mojones se afirmaron en lo que habían dicho. Anduvo el tiempo, vendióse el vino, y al limpiar de la cuba hallaron en ella una llave pequeña, pendiente de una correa de cordobán. » Porque vea vuestra merced si quien viene desta ralea podrá dar su parecer en semejantes causas. | Â Comment donc ! reprit Sancho ; croyez-vous que la connaissance de votre vin me passe par-dessus la tête ? Eh bien ! sachez, seigneur écuyer, que j′ai un instinct si grand et si naturel pour connaître les vins, qu′il me suffit d′en sentir un du nez pour dire son pays, sa naissance, son âge, son goût, toutes ses circonstances et dépendances. Mais il ne faut point s′étonner de cela, car j′ai eu dans ma race, du côté de mon père, les deux plus fameux gourmets qu′en bien des années la Manche ait connus ; et, pour preuve, il leur arriva ce que je vais vous conter. Un jour, on fit goûter du vin d′une cuve, en leur demandant leur avis sur l′état et les bonnes ou mauvaises qualités de ce vin. L′un le goûta du bout de la langue, l′autre ne fit que le flairer du bout du nez. Le premier dit que ce vin sentait le fer, et le second qu′il sentait davantage le cuir de chèvre. Le maître assura que la cuve était propre, et que son vin n′avait reçu aucun mélange qui pût lui donner l′odeur de cuir ou de fer. Cependant les deux fameux gourmets persistèrent dans leur déclaration. Le temps marcha, le vin se vendit, et, quand on nettoya la cuve, on y trouva une petite clef pendue à une courroie de maroquin. Maintenant, voyez si celui qui descend d′une telle race peut donner son avis en semblable matière . | -Por eso digo -dijo el del Bosque- que nos dejemos de andar buscando aventuras; y, pues tenemos hogazas, no busquemos tortas, y volvámonos a nuestras chozas, que allí nos hallará Dios, si Él quiere. | Â C′est pour cela que je dis, reprit l′écuyer du Bocage, que nous cessions d′aller à la quête des aventures, et que nous ne cherchions pas des tourtes quand nous avons une miche de pain. Croyez-moi, retournons à nos chaumières, où Dieu saura bien nous trouver s′il lui plaît. | -Hasta que mi amo llegue a Zaragoza, le serviré; que después todos nos entenderemos. | Â Non, répondit Sancho, jusqu′à ce que mon maître arrive à Saragosse, je le servirai ; une fois là, nous saurons quel parti prendre. » | Finalmente, tanto hablaron y tanto bebieron los dos buenos escuderos, que tuvo necesidad el sueño de atarles las lenguas y templarles la sed, que quitársela fuera imposible; y así, asidos entrambos de la ya casi vacía bota, con los bocados a medio mascar en la boca, se quedaron dormidos, donde los dejaremos por ahora, por contar lo que el Caballero del Bosque pasó con el de la Triste Figura. | Finalement, tant parlèrent et tant burent les deux bons écuyers, que le sommeil eut besoin de leur attacher la langue et de leur étancher la soif ; car, pour l′ôter entièrement, ce n′eût pas été possible. Ainsi donc, tenant tous deux amoureusement embrassée l′outre à peu près vide, et les morceaux encore à demi mâchés dans la bouche, ils restèrent endormis sur la place, où nous les laisserons, pour conter maintenant ce qui se passa entre le chevalier du Bocage et celui de la Triste-Figure. | -¡A mí con eso! -dijo Sancho-. No toméis menos, sino que se me fuera a mí por alto dar alcance a su conocimiento. ¿No será bueno, señor escudero, que tenga yo un instinto tan grande y tan natural, en esto de conocer vinos, que, en dándome a oler cualquiera, acierto la patria, el linaje, el sabor, y la dura, y las vueltas que ha de dar, con todas las circunstancias al vino atañederas? Pero no hay de qué maravillarse, si tuve en mi linaje por parte de mi padre los dos más excelentes mojones que en luengos años conoció la Mancha; para prueba de lo cual les sucedió lo que ahora diré: « Diéronles a los dos a probar del vino de una cuba, pidiéndoles su parecer del estado, cualidad, bondad o malicia del vino. El uno lo probó con la punta de la lengua, el otro no hizo más de llegarlo a las narices. El primero dijo que aquel vino sabía a hierro, el segundo dijo que más sabía a cordobán. El dueño dijo que la cuba estaba limpia, y que el tal vino no tenía adobo alguno por donde hubiese tomado sabor de hierro ni de cordobán. Con todo eso, los dos famosos mojones se afirmaron en lo que habían dicho. Anduvo el tiempo, vendióse el vino, y al limpiar de la cuba hallaron en ella una llave pequeña, pendiente de una correa de cordobán. » Porque vea vuestra merced si quien viene desta ralea podrá dar su parecer en semejantes causas. | Â Comment donc ! reprit Sancho ; croyez-vous que la connaissance de votre vin me passe par-dessus la tête ? Eh bien ! sachez, seigneur écuyer, que j′ai un instinct si grand et si naturel pour connaître les vins, qu′il me suffit d′en sentir un du nez pour dire son pays, sa naissance, son âge, son goût, toutes ses circonstances et dépendances. Mais il ne faut point s′étonner de cela, car j′ai eu dans ma race, du côté de mon père, les deux plus fameux gourmets qu′en bien des années la Manche ait connus ; et, pour preuve, il leur arriva ce que je vais vous conter. Un jour, on fit goûter du vin d′une cuve, en leur demandant leur avis sur l′état et les bonnes ou mauvaises qualités de ce vin. L′un le goûta du bout de la langue, l′autre ne fit que le flairer du bout du nez. Le premier dit que ce vin sentait le fer, et le second qu′il sentait davantage le cuir de chèvre. Le maître assura que la cuve était propre, et que son vin n′avait reçu aucun mélange qui pût lui donner l′odeur de cuir ou de fer. Cependant les deux fameux gourmets persistèrent dans leur déclaration. Le temps marcha, le vin se vendit, et, quand on nettoya la cuve, on y trouva une petite clef pendue à une courroie de maroquin. Maintenant, voyez si celui qui descend d′une telle race peut donner son avis en semblable matière . | -Por eso digo -dijo el del Bosque- que nos dejemos de andar buscando aventuras; y, pues tenemos hogazas, no busquemos tortas, y volvámonos a nuestras chozas, que allí nos hallará Dios, si Él quiere. | Â C′est pour cela que je dis, reprit l′écuyer du Bocage, que nous cessions d′aller à la quête des aventures, et que nous ne cherchions pas des tourtes quand nous avons une miche de pain. Croyez-moi, retournons à nos chaumières, où Dieu saura bien nous trouver s′il lui plaît. | -Hasta que mi amo llegue a Zaragoza, le serviré; que después todos nos entenderemos. | Â Non, répondit Sancho, jusqu′à ce que mon maître arrive à Saragosse, je le servirai ; une fois là, nous saurons quel parti prendre. » | Finalmente, tanto hablaron y tanto bebieron los dos buenos escuderos, que tuvo necesidad el sueño de atarles las lenguas y templarles la sed, que quitársela fuera imposible; y así, asidos entrambos de la ya casi vacía bota, con los bocados a medio mascar en la boca, se quedaron dormidos, donde los dejaremos por ahora, por contar lo que el Caballero del Bosque pasó con el de la Triste Figura. | Finalement, tant parlèrent et tant burent les deux bons écuyers, que le sommeil eut besoin de leur attacher la langue et de leur étancher la soif ; car, pour l′ôter entièrement, ce n′eût pas été possible. Ainsi donc, tenant tous deux amoureusement embrassée l′outre à peu près vide, et les morceaux encore à demi mâchés dans la bouche, ils restèrent endormis sur la place, où nous les laisserons, pour conter maintenant ce qui se passa entre le chevalier du Bocage et celui de la Triste-Figure.
| II. Capítulo XIV. Donde se prosigue la aventura del Caballero del Bosque. | Chapitre XIV Où se poursuit l′aventure du chevalier du Bocage Entre muchas razones que pasaron don Quijote y el Caballero de la Selva, dice la historia que el del Bosque dijo a don Quijote. | Parmi bien des propos qu′échangèrent don Quichotte et le chevalier de la Forêt, l′histoire raconte que celui-ci dit à don Quichotte : | -Finalmente, señor caballero, quiero que sepáis que mi destino, o, por mejor decir, mi elección, me trujo a enamorar de la sin par Casildea de Vandalia. Llámola sin par porque no le tiene, así en la grandeza del cuerpo como en el estremo del estado y de la hermosura. Esta tal Casildea, pues, que voy contando, pagó mis buenos pensamientos y comedidos deseos con hacerme ocupar, como su madrina a Hércules, en muchos y diversos peligros, prometiéndome al fin de cada uno que en el fin del otro llegaría el de mi esperanza; pero así se han ido eslabonando mis trabajos, que no tienen cuento, ni yo sé cuál ha de ser el último que dé principio al cumplimiento de mis buenos deseos. Una vez me mandó que fuese a desafiar a aquella famosa giganta de Sevilla llamada la Giralda, que es tan valiente y fuerte como hecha de bronce, y, sin mudarse de un lugar, es la más movible y voltaria mujer del mundo. Llegué, vila, y vencíla, y hícela estar queda y a raya, porque en más de una semana no soplaron sino vientos nortes. Vez también hubo que me mandó fuese a tomar en peso las antiguas piedras de los valientes Toros de Guisando, empresa más para encomendarse a ganapanes que a caballeros. Otra vez me mandó que me precipitase y sumiese en la sima de Cabra, peligro inaudito y temeroso, y que le trujese particular relación de lo que en aquella escura profundidad se encierra. Detuve el movimiento a la Giralda, pesé los Toros de Guisando, despeñéme en la sima y saqué a luz lo escondido de su abismo, y mis esperanzas, muertas que muertas, y sus mandamientos y desdenes, vivos que vivos. En resolución, últimamente me ha mandado que discurra por todas las provincias de España y haga confesar a todos los andantes caballeros que por ellas vagaren que ella sola es la más aventajada en hermosura de cuantas hoy viven, y que yo soy el más valiente y el más bien enamorado caballero del orbe; en cuya demanda he andado ya la mayor parte de España, y en ella he vencido muchos caballeros que se han atrevido a contradecirme. Pero de lo que yo más me precio y ufano es de haber vencido, en singular batalla, a aquel tan famoso caballero don Quijote de la Mancha, y héchole confesar que es más hermosa mi Casildea que su Dulcinea; y en solo este vencimiento hago cuenta que he vencido todos los caballeros del mundo, porque el tal don Quijote que digo los ha vencido a todos; y, habiéndole yo vencido a él, su gloria, su fama y su honra se ha transferido y pasado a mi persona 14,10@; | « Finalement, seigneur chevalier, je veux vous apprendre que ma destinée, ou mon choix pour mieux dire, m′a enflammé d′amour pour la sans pareille Cassildée de Vandalie ; je l′appelle sans pareille, parce qu′elle n′en a point, ni pour la grandeur de la taille ni pour la perfection de la beauté. Eh bien, cette Cassildée, dont je vous fais l′éloge, a payé mes honnêtes pensées et mes courtois désirs en m′exposant, comme la marâtre d′Hercule, à une foule de périls, me promettant, à la fin de chacun d′eux, qu′à la fin de l′autre arriverait le terme de mes espérances. Mais ainsi mes travaux ont été si bien s′enchaînant l′un à l′autre, qu′ils sont devenus innombrables, et je ne sais quand viendra le dernier pour donner ouverture à l′accomplissement de mes chastes désirs. Une fois, elle m′a commandé de combattre en champ clos la fameuse géante de Séville, appelée la Giralda, qui est vaillante et forte en proportion de ce qu′elle est de bronze, et qui, sans bouger de place, est la plus changeante et la plus volage des femmes du monde . J′arrivai, je vis et je vainquis, et je l′obligeai à se tenir immobile (car, en plus d′une semaine, il ne souffla d′autre vent que celui du nord). Une autre fois, elle m′ordonna d′aller prendre et peser les antiques pierres des formidables taureaux de Guisando , entreprise plus faite pour un portefaix que pour un chevalier. Une autre fois encore, elle me commanda de me précipiter dans la caverne de Cabra, péril inouíª épouvantable ! et de lui rapporter une relation détaillée de ce que renferme cet obscur et profond abîme . J′arrêtai le mouvement de la Giralda, je pesai les taureaux de Guisando, je me précipitai dans la caverne, et je mis au jour tout ce que cachait son obscurité ; et pourtant mes espérances n′en furent pas moins mortes, ses exigences et ses dédains pas moins vivants. À la fin, elle m′a dernièrement ordonné de parcourir toutes les provinces d′Espagne, pour faire confesser à tous les chevaliers errants qui vaguent par ce royaume qu′elle est la plus belle de toutes les belles qui vivent actuellement, et que je suis le plus vaillant et le plus amoureux chevalier du monde. Dans cette entreprise, j′ai couru déjà la moitié de l′Espagne, et j′y ai vaincu bon nombre de chevaliers qui avaient osé me contredire ; mais l′exploit dont je m′enorgueillis par-dessus tout, c′est d′avoir vaincu en combat singulier ce fameux chevalier don Quichotte de la Manche, et de lui avoir fait avouer que ma Cassildée de Vandalie est plus belle que sa Dulcinée du Toboso. Par cette seule victoire, je compte avoir vaincu tous les chevaliers du monde, car ce don Quichotte, dont je parle, les a vaincus tous, et, puisqu′à mon tour je l′ai vaincu, sa gloire, sa renommée, son honneur ont passé en ma possession, comme a dit le poëte : | y tanto el vencedor es más honrado. | « Le vainqueur acquiert d′autant plus de gloire | cuanto más el vencido es reputado. | que le vaincu a plus de célébrité. » | así que, ya corren por mi cuenta y son mías las inumerables hazañas del ya referido don Quijote. | Ainsi donc, c′est pour mon propre compte, et comme m′appartenant, que courent de bouche en bouche les innombrables exploits du susdit don Quichotte. » | Admirado quedó don Quijote de oír al Caballero del Bosque, y estuvo mil veces por decirle que mentía, y ya tuvo el mentís en el pico de la lengua; pero reportóse lo mejor que pudo, por hacerle confesar por su propia boca su mentira; y así, sosegadamente le dijo. | Don Quichotte resta stupéfait d′entendre ainsi parler le chevalier du Bocage, et fut mille fois sur le point de lui donner le démenti de ses paroles. Il eut même un tu en as menti sur le bout de la langue ; mais il se contint du mieux qu′il put, afin de lui faire confesser son mensonge de sa propre bouche. Il lui dit donc avec beaucoup de calme : | -De que vuesa merced, señor caballero, haya vencido a los más caballeros andantes de España, y aun de todo el mundo, no digo nada; pero de que haya vencido a don Quijote de la Mancha, póngolo en duda. Podría ser que fuese otro que le pareciese, aunque hay pocos que le parezcan. | « Que Votre Grâce, seigneur chevalier, ait vaincu la plupart des chevaliers errants d′Espagne, et même du monde entier, à cela je n′ai rien à dire ; mais que vous ayez vaincu don Quichotte de la Manche, c′est là ce que je mets en doute. Il pourrait se faire que ce fût un autre qui lui ressemblât, bien que cependant peu de gens lui ressemblent. | -¿Cómo no? -replicó el del Bosque-. Por el cielo que nos cubre, que peleé con don Quijote, y le vencí y rendí; y es un hombre alto de cuerpo, seco de rostro, estirado y avellanado de miembros, entrecano, la nariz aguileña y algo corva, de bigotes grandes, negros y caídos. Campea debajo del nombre del Caballero de la Triste Figura, y trae por escudero a un labrador llamado Sancho Panza; oprime el lomo y rige el freno de un famoso caballo llamado Rocinante, y, finalmente, tiene por señora de su voluntad a una tal Dulcinea del Toboso, llamada un tiempo Aldonza Lorenzo; como la mía, que, por llamarse Casilda y ser de la Andalucía, yo la llamo Casildea de Vandalia. Si todas estas señas no bastan para acreditar mi verdad, aquí está mi espada, que la hará dar crédito a la mesma incredulidad. |  Comment, non ! répliqua le chevalier du Bocage ; par le ciel qui nous couvre ! j′ai combattu contre don Quichotte, je l′ai vaincu, je l′ai fait rendre à merci. C′est un homme haut de taille, sec de visage, long de membres, ayant le teint jaune, les cheveux grisonnants, le nez aquilin et un peu courbe, les moustaches grandes, noires et tombantes. Il fait la guerre sous le nom de chevalier de la Triste-Figure, et mène pour écuyer un paysan qui s′appelle Sancho Panza. Il presse les flancs et dirige le frein d′un fameux coursier nommé Rossinante, et finalement il a pour dame une certaine Dulcinée du Toboso, appelée dans le temps Aldonza Lorenzo, tout comme la mienne, que j′appelle Cassildée de Vandalie, parce qu′elle a nom Cassilda et qu′elle est Andalouse. Maintenant, si tous ces indices ne suffisent pas pour donner crédit à ma véracité, voici mon épée qui saura bien me rendre justice de l′incrédulité même. | -Sosegaos, señor caballero -dijo don Quijote-, y escuchad lo que decir os quiero. Habéis de saber que ese don Quijote que decís es el mayor amigo que en este mundo tengo, y tanto, que podré decir que le tengo en lugar de mi misma persona, y que por las señas que dél me habéis dado, tan puntuales y ciertas, no puedo pensar sino que sea el mismo que habéis vencido. Por otra parte, veo con los ojos y toco con las manos no ser posible ser el mesmo, si ya no fuese que como él tiene muchos enemigos encantadores, especialmente uno que de ordinario le persigue, no haya alguno dellos tomado su figura para dejarse vencer, por defraudarle de la fama que sus altas caballerías le tienen granjeada y adquirida por todo lo descubierto de la tierra. Y, para confirmación desto, quiero también que sepáis que los tales encantadores sus contrarios no ha más de dos días que transformaron la figura y persona de la hermosa Dulcinea del Toboso en una aldeana soez y baja, y desta manera habrán transformado a don Quijote; y si todo esto no basta para enteraros en esta verdad que digo, aquí está el mesmo don Quijote, que la sustentará con sus armas a pie, o a caballo, o de cualquiera suerte que os agradare. |  Calmez-vous, seigneur chevalier, reprit don Quichotte, et écoutez ce que je veux vous dire. Il faut que vous sachiez que ce don Quichotte est le meilleur ami que j′aie au monde, tellement que je puis dire qu′il m′est aussi cher que moi-même. Par le signalement que vous m′avez donné de lui, si ponctuel et si véritable, je suis forcé de croire que c′est lui-même que vous avez vaincu. D′un autre côté, je vois avec les yeux et je touche avec les mains qu′il est impossible que ce soit lui ; à moins toutefois que, comme il a beaucoup d′ennemis parmi les enchanteurs, un notamment qui le persécute d′ordinaire, quelqu′un d′eux n′ait pris sa figure pour se laisser vaincre, pour lui enlever la renommée que ses hautes prouesses de chevalerie lui ont acquise sur toute la face de la terre. Pour preuve encore de cela, je veux vous apprendre que ces maudits enchanteurs, ses ennemis, ont transformé, il n′y a pas deux jours, la figure et la personne de la charmante Dulcinée du Toboso en une vile et sale paysanne. Ils auront, de la même manière, transformé don Quichotte. Mais si tout cela ne suffit pas pour vous convaincre de la vérité de ce que je vous dis, voici don Quichotte lui-même, qui la soutiendra les armes à la main, à pied ou à cheval, ou de toute autre manière qui vous conviendra. » | Y, diciendo esto, se levantó en pie y se empuñó en la espada, esperando qué resolución tomaría el Caballero del Bosque; el cual, con voz asimismo sosegada, respondió y dijo. | À ces mots, il se leva tout debout, et, saisissant la garde de son épée, il attendit quelle résolution prendrait le chevalier du Bocage. Celui-ci répondit d′une voix également tranquille : | -Al buen pagador no le duelen prendas: el que una vez, señor don Quijote, pudo venceros transformado, bien podrá tener esperanza de rendiros en vuestro propio ser. Mas, porque no es bien que los caballeros hagan sus fechos de armas ascuras, como los salteadores y rufianes, esperemos el día, para que el sol vea nuestras obras. Y ha de ser condición de nuestra batalla que el vencido ha de quedar a la voluntad del vencedor, para que haga dél todo lo que quisiere, con tal que sea decente a caballero lo que se le ordenare. | « Le bon payeur ne regrette point ses gages ; celui qui, une première fois, seigneur don Quichotte, a pu vous vaincre transformé, peut bien avoir l′espérance de vous vaincre sous votre forme véritable. Mais comme il n′est pas convenable que les chevaliers accomplissent leurs faits d′armes en cachette et dans la nuit, ainsi que des brigands ou des souteneurs de mauvais lieux, attendons le jour pour que le soleil éclaire nos œuvres. La condition de notre bataille sera que le vaincu reste à la merci du vainqueur, pour que celui-ci fasse de l′autre tout ce qui lui plaira, pourvu toutefois qu′il soit décemment permis à un chevalier de s′y soumettre. | -Soy más que contento desa condición y convenencia -respondió don Quijote. |  Je suis plus que satisfait, répondit don Quichotte, de cette condition et de cet arrangement. » | Y, en diciendo esto, se fueron donde estaban sus escuderos, y los hallaron roncando y en la misma forma que estaban cuando les salteó el sueño. Despertáronlos y mandáronles que tuviesen a punto los caballos, porque, en saliendo el sol, habían de hacer los dos una sangrienta, singular y desigual batalla; a cuyas nuevas quedó Sancho atónito y pasmado, temeroso de la salud de su amo, por las valentías que había oído decir del suyo al escudero del Bosque; pero, sin hablar palabra, se fueron los dos escuderos a buscar su ganado, que ya todos tres caballos y el rucio se habían olido, y estaban todos juntos. | Cela dit, ils allèrent chercher leurs écuyers, qu′ils trouvèrent dormant et ronflant, dans la même posture que celle qu′ils avaient quand le sommeil les surprit. Ils les éveillèrent, et leur commandèrent de tenir leurs chevaux prêts, parce qu′au lever du soleil ils devaient se livrer ensemble un combat singulier, sanglant et formidable. À ces nouvelles, Sancho frissonna de surprise et de peur, tremblant pour le salut de son maître, à cause des actions de bravoure qu′il avait entendu conter du sien par l′écuyer du Bocage. Cependant, et sans mot dire, les deux écuyers s′en allèrent chercher leur troupeau de bêtes, car les trois chevaux et l′âne, après s′être flairés, paissaient tous ensemble. | En el camino dijo el del Bosque a Sancho. | Chemin faisant, l′écuyer du Bocage dit à Sancho : | -Ha de saber, hermano, que tienen por costumbre los peleantes de la Andalucía, cuando son padrinos de alguna pendencia, no estarse ociosos mano sobre mano en tanto que sus ahijados riñen. Dígolo porque esté advertido que mientras nuestros dueños riñeren, nosotros también hemos de pelear y hacernos astillas. | « Il faut que vous sachiez, frère, que les braves de l′Andalousie ont pour coutume, quand ils sont parrains dans quelque duel, de ne pas rester les bras croisés tandis que les filleuls combattent . Je dis cela pour que vous soyez averti que, tandis que nos maîtres ferrailleront, nous aurons, nous autres, à jouer aussi du couteau. | -Esa costumbre, señor escudero -respondió Sancho-, allá puede correr y pasar con los rufianes y peleantes que dice, pero con los escuderos de los caballeros andantes, ni por pienso. A lo menos, yo no he oído decir a mi amo semejante costumbre, y sabe de memoria todas las ordenanzas de la andante caballería. Cuanto más, que yo quiero que sea verdad y ordenanza expresa el pelear los escuderos en tanto que sus señores pelean; pero yo no quiero cumplirla, sino pagar la pena que estuviere puesta a los tales pacíficos escuderos, que yo aseguro que no pase de dos libras de cera, y más quiero pagar las tales libras, que sé que me costarán menos que las hilas que podré gastar en curarme la cabeza, que ya me la cuento por partida y dividida en dos partes. Hay más: que me imposibilita el reñir el no tener espada, pues en mi vida me la puse. |  Cette coutume, seigneur écuyer, répondit Sancho, peut bien avoir cours parmi les bravaches dont vous parlez ; mais parmi les écuyers des chevaliers errants, pas le moins du monde ; au moins je n′ai jamais ouí£iter à mon maître une semblable coutume, lui qui sait par cœur tous les règlements de la chevalerie errante. D′ailleurs, je veux bien que ce soit une règle expresse de faire battre les écuyers tandis que leurs seigneurs se battent ; moi, je ne veux pas la suivre ; j′aime mieux payer l′amende imposée aux écuyers pacifiques ; elle ne passera pas, j′en suis sûr, deux livres de cire , et je préfère payer les cierges, car je sais qu′ils me coûteront moins que la charpie qu′il faudrait acheter pour me panser la tête, que je tiens déjà pour cassée et fendue en deux. Il y a plus, c′est que je suis dans l′impossibilité de me battre, n′ayant pas d′épée, et de ma vie je n′en ai porté. | -Para eso sé yo un buen remedio -dijo el del Bosque-: yo traigo aquí dos talegas de lienzo, de un mesmo tamaño: tomaréis vos la una, y yo la otra, y riñiremos a talegazos, con armas iguales. |  À cela, je sais un bon remède, répliqua l′écuyer du Bocage ; j′ai là deux sacs de toile de la même grandeur ; vous prendrez l′un, moi l′autre, et nous nous battrons à coups de sacs, avec des armes égales. | -Desa manera, sea en buena hora -respondió Sancho-, porque antes servirá la tal pelea de despolvorearnos que de herirnos. |  De cette façon-là, s′écria Sancho, à la bonne heure, car un tel combat nous servira plutôt à nous épousseter qu′à nous faire du mal. | -No ha de ser así -replicó el otro-, porque se han de echar dentro de las talegas, porque no se las lleve el aire, media docena de guijarros lindos y pelados, que pesen tanto los unos como los otros, y desta manera nos podremos atalegar sin hacernos mal ni daño. |  Oh ! ce n′est pas ainsi que je l′entends, repartit l′autre ; nous allons mettre dans chacun des sacs, pour que le vent ne les emporte pas, une demi-douzaine de jolis cailloux, bien ronds, bien polis, qui pèseront autant les uns que les autres. Ensuite nous pourrons nous étriller à coups de sacs tout à l′aise, sans nous écorcher seulement la peau. | -¡Mirad, cuerpo de mi padre -respondió Sancho-, qué martas cebollinas, o qué copos de algodón cardado pone en las talegas, para no quedar molidos los cascos y hechos alheña los huesos! Pero, aunque se llenaran de capullos de seda, sepa, señor mío, que no he de pelear: peleen nuestros amos, y allá se lo hayan, y bebamos y vivamos nosotros, que el tiempo tiene cuidado de quitarnos las vidas, sin que andemos buscando apetites para que se acaben antes de llegar su sazón y término y que se cayan de maduras. |  Voyez un peu, mort de ma vie ! s′écria Sancho, quelle ouate de coton et quelles martes ciboulines il vous met dans les sacs, pour nous empêcher de nous moudre le crâne et de nous mettre les os en poussière ! Eh bien ! quand on les remplirait de cocons de soie, sachez, mon bon seigneur, que je ne me battrais pas. Laissons battre nos maîtres, et qu′ils s′en tirent comme ils pourront ; mais nous, buvons, mangeons et vivons, car le temps prend bien assez soin de nous ôter nos vies, sans que nous cherchions des excitants pour qu′elles finissent avant leur terme et qu′elles tombent avant d′être mûres. | -Con todo -replicó el del Bosque-, hemos de pelear siquiera media hora. |  Avec tout cela, reprit l′écuyer du Bocage, nous nous battrons bien au moins une demi-heure. | -Eso no -respondió Sancho-: no seré yo tan descortés ni tan desagradecido, que con quien he comido y he bebido trabe cuestión alguna, por mínima que sea; cuanto más que, estando sin cólera y sin enojo, ¿quién diablos se ha de amañar a reñir a secas. |  Pour cela non, répondit Sancho ; je ne serai pas si peu courtois et si peu reconnaissant qu′avec un homme qui m′a fait boire et manger j′engage jamais aucune querelle, si minime qu′elle soit. D′autant plus que, n′ayant ni colère ni ressentiment, qui diable va s′aviser de se battre à froid ? | -Para eso -dijo el del Bosque- yo daré un suficiente remedio: y es que, antes que comencemos la pelea, yo me llegaré bonitamente a vuestra merced y le daré tres o cuatro bofetadas, que dé con él a mis pies, con las cuales le haré despertar la cólera, aunque esté con más sueño que un lirón. |  Oh ! pour cela, reprit l′écuyer du Bocage, je vous fournirai un remède suffisant. Avant que nous commencions la bataille, je m′approcherai tout doucement de Votre Grâce, et je vous donnerai trois ou quatre soufflets qui vous jetteront par terre à mes pieds ; avec cela j′éveillerai bien votre colère, fût-elle plus endormie qu′une marmotte. | -Contra ese corte sé yo otro -respondió Sancho-, que no le va en zaga: cogeré yo un garrote, y, antes que vuestra merced llegue a despertarme la cólera, haré yo dormir a garrotazos de tal suerte la suya, que no despierte si no fuere en el otro mundo, en el cual que no soy yo hombre que me dejo manosear el rostro de nadie; y cada uno mire por el virote, aunque lo más acertado sería dejar dormir su cólera a cada uno, que no sabe nadie el alma de nadie, y tal suele venir por lana que vuelve tresquilado; y Dios bendijo la paz y maldijo las riñas, porque si un gato acosado, encerrado y apretado se vuelve en león, yo, que soy hombre, Dios sabe en lo que podré volverme; y así, desde ahora intimo a vuestra merced, r escudero, que corra por su cuenta todo el mal y daño que de nuestra pendencia resultare. |  Contre cette botte je sais une parade, répondit Sancho, et qui la vaut bien. Je couperai, moi, une bonne gaule, et, avant que Votre Grâce vienne m′éveiller la colère, je ferai si bien dormir la sienne à coups de bâton, qu′elle ne s′éveillera plus, si ce n′est dans l′autre monde, où l′on sait fort bien que je ne suis pas homme à me laisser manier le visage par personne. Que chacun prenne garde à ce qu′il fait ; le plus sage serait que chacun laissât dormir sa colère, car personne ne connaît l′âme de personne, et tel va chercher de la laine qui revient tondu. Dieu a béni la paix et maudit les querelles, et si un chat qu′on enferme et qu′on excite se change en lion, moi qui suis homme, Dieu sait en quoi je pourrais me changer. Ainsi donc, seigneur écuyer, j′intime à Votre Grâce que dès à présent elle est responsable de tout le mal qui pourrait résulter de notre bataille. | -Está bien -replicó el del Bosque-. Amanecerá Dios y medraremos. |  C′est fort bien, répliqua l′écuyer du Bocage ; Dieu ramènera le jour, et nous y verrons clair. » | En esto, ya comenzaban a gorjear en los árboles mil suertes de pintados pajarillos, y en sus diversos y alegres cantos parecía que daban la norabuena y saludaban a la fresca aurora, que ya por las puertas y balcones del oriente iba descubriendo la hermosura de su rostro, sacudiendo de sus cabellos un número infinito de líquidas perlas, en cuyo suave licor bañándose las yerbas, parecía asimesmo que ellas brotaban y llovían blanco y menudo aljófar; los sauces destilaban maná sabroso, reíanse las fuentes, murmuraban los arroyos, alegrábanse las selvas y enriquecíanse los prados con su venida. Mas, apenas dio lugar la claridad del día para ver y diferenciar las cosas, cuando la primera que se ofreció a los ojos de Sancho Panza fue la nariz del escudero del Bosque, que era tan grande que casi le hacía sombra a todo el cuerpo. Cuéntase, en efecto, que era de demasiada grandeza, corva en la mitad y toda llena de verrugas, de color amoratado, como de berenjena; bajábale dos dedos más abajo de la boca; cuya grandeza, color, verrugas y encorvamiento así le afeaban el rostro, que, en viéndole Sancho, comenzó a herir de pie y de mano, como niño con alferecía, y propuso en su corazón de dejarse dar docientas bofetadas antes que despertar la cólera para reñir con aquel vestiglo. | En ce moment commençaient à gazouiller dans les arbres mille espèces de brillants oiseaux, qui semblaient, par leurs chants joyeux et variés, souhaiter la bienvenue à la fraîche aurore, dont le charmant visage se montrait peu à peu sur les balcons de l′orient. Elle secouait de ses cheveux dorés un nombre infini de perles liquides, et les plantes baignées de cette suave liqueur paraissaient elles-mêmes jeter et répandre des gouttes de diamant. À sa venue, les saules distillaient une manne savoureuse, les fontaines semblaient rire, les ruisseaux murmurer, les bois se réjouir, et les prairies étaler leur tapis de verdure. Mais à peine la clarté du jour eut-elle permis d′apercevoir et de discerner les objets, que la première chose qui s′offrit aux regards de Sancho fut le nez de l′écuyer du Bocage, si grand, si énorme, qu′il lui faisait ombre sur tout le corps. On raconte, en effet, que ce nez était d′une grandeur démesurée, bossu au milieu, tout couvert de verrues, d′une couleur violacée comme des mûres, et descendant deux doigts plus bas que la bouche. Cette longueur de nez, cette couleur, ces verrues et cette bosse lui faisaient un visage si horriblement laid, que Sancho commença à trembler des pieds et des mains comme un enfant qui tombe d′épilepsie, et résolut dans son cœur de se laisser plutôt donner deux cents soufflets que de laisser éveiller sa colère pour se battre avec ce vampire. | Don Quijote miró a su contendor, y hallóle ya puesta y calada la celada, de modo que no le pudo ver el rostro, pero notó que era hombre membrudo, y no muy alto de cuerpo. Sobre las armas traía una sobrevista o casaca de una tela, al parecer, de oro finísimo, sembradas por ella muchas lunas pequeñas de resplandecientes espejos, que le hacían en grandísima manera galán y vistoso; volábanle sobre la celada grande cantidad de plumas verdes, amarillas y blancas; la lanza, que tenía arrimada a un árbol, era grandísima y gruesa, y de un hierro acerado de más de un palmo. | Don Quichotte aussi regarda son adversaire ; mais celui-ci avait déjà mis sa salade et baissé sa visière, de façon qu′il ne put voir son visage ; seulement il remarqua que c′était un homme bien membré, et non de très-haute taille. L′inconnu portait sur ses armes une courte tunique d′une étoffe qui semblait faite de fils d′or, toute parsemée de brillants miroirs en forme de petites lunes, et ce riche costume lui donnait une élégance toute particulière. Sur le cimier de son casque voltigeaient une grande quantité de plumes vertes, jaunes et blanches, et sa lance, qu′il avait appuyée contre un arbre, était très-haute, très-grosse, et terminée par une pointe d′acier d′un palme de long. Don Quichotte remarqua tous ces détails, et en tira la conséquence que l′inconnu devait être un chevalier de grande force. | Todo lo miró y todo lo notó don Quijote, y juzgó de lo visto y mirado que el ya dicho caballero debía de ser de grandes fuerzas; pero no por eso temió, como Sancho Panza; antes, con gentil denuedo, dijo al Caballero de los Espejos. | Cependant il ne fut pas glacé de crainte comme Sancho Panza ; au contraire, il dit d′un ton dégagé au chevalier des Miroirs : | -Si la mucha gana de pelear, señor caballero, no os gasta la cortesía, por ella os pido que alcéis la visera un poco, porque yo vea si la gallardía de vuestro rostro responde a la de vuestra disposición. | « Si le grand désir d′en venir aux mains, seigneur chevalier, n′altère pas votre courtoisie, je vous prie en son nom de lever un peu votre visière, pour que je voie si la beauté de votre visage répond à l′élégance de votre ajustement. | -O vencido o vencedor que salgáis desta empresa, señor caballero -respondió el de los Espejos-, os quedará tiempo y espacio demasiado para verme; y si ahora no satisfago a vuestro deseo, es por parecerme que hago notable agravio a la hermosa Casildea de Vandalia en dilatar el tiempo que tardare en alzarme la visera, sin haceros confesar lo que ya sabéis que pretendo. |  Vainqueur ou vaincu, seigneur chevalier, répondit celui des Miroirs, vous aurez du temps de reste pour voir ma figure ; et si je refuse maintenant de satisfaire à votre désir, c′est parce qu′il me semble que je fais une notable injure à la belle Cassildée de Vandalie en tardant, seulement le temps de lever ma visière, à vous faire confesser ce que vous savez bien. | -Pues, en tanto que subimos a caballo -dijo don Quijote-, bien podéis decirme si soy yo aquel don Quijote que dijistes haber vencido. |  Mais du moins, reprit don Quichotte, pendant que nous montons à cheval, vous pouvez bien me dire si je suis ce même don Quichotte que vous prétendez avoir vaincu. | -A eso vos respondemos -dijo el de los Espejos- que parecéis, como se parece un huevo a otro, al mismo caballero que yo vencí; pero, según vos decís que le persiguen encantadores, no osaré afirmar si sois el contenido o no. |  À cela nous vous répondons , reprit le chevalier des Miroirs, que vous lui ressemblez comme un œuf ressemble à un autre ; mais, puisque vous assurez que des enchanteurs vous persécutent, je n′oserais affirmer si vous êtes ou non le même en son contenu. | -Eso me basta a mí -respondió don Quijote- para que crea vuestro engaño; empero, para sacaros dél de todo punto, vengan nuestros caballos; que, en menos tiempo que el que tardárades en alzaros la visera, si Dios, si mi señora y mi brazo me valen, veré yo vuestro rostro, y vos veréis que no soy yo el vencido don Quijote que pensáis. |  Cela me suffit, à moi, répondit don Quichotte, pour que je croie à l′erreur où vous êtes ; mais pour vous en tirer entièrement, qu′on amène nos chevaux. En moins de temps que vous n′en auriez mis à lever votre visière (si Dieu, ma dame et mon bras me sont favorables), je verrai votre visage, et vous verrez que je ne suis pas le don Quichotte que vous pensez avoir vaincu. » | Con esto, acortando razones, subieron a caballo, y don Quijote volvió las riendas a Rocinante para tomar lo que convenía del campo, para volver a encontrar a su contrario, y lo mesmo hizo el de los Espejos. Pero, no se había apartado don Quijote veinte pasos, cuando se oyó llamar del de los Espejos, y, partiendo los dos el camino, el de los Espejos le dijo. | Coupant ainsi brusquement l′entretien, ils montèrent à cheval, et don Quichotte fit tourner bride à Rossinante afin de prendre le champ nécessaire pour revenir à la rencontre de son ennemi, qui faisait la même chose. Mais don Quichotte ne s′était pas éloigné de vingt pas, qu′il s′entendit appeler par le chevalier des Miroirs, et chacun ayant fait la moitié du chemin, celui-ci dit à l′autre : | -Advertid, señor caballero, que la condición de nuestra batalla es que el vencido, como otra vez he dicho, ha de quedar a discreción del vencedor. | « Rappelez-vous, seigneur chevalier, que la condition de notre bataille est que le vaincu, comme je vous l′ai déjà dit, reste à la discrétion du vainqueur. | -Ya la sé -respondió don Quijote-; con tal que lo que se le impusiere y mandare al vencido han de ser cosas que no salgan de los límites de la caballería. |  Je le sais déjà, répondit don Quichotte, pourvu qu′il ne soit rien ordonné ni imposé au vaincu qui sorte des limites de la chevalerie. | -Así se entiende -respondió el de los Espejos. |  C′est entendu », reprit le chevalier des Miroirs. | Ofreciéronsele en esto a la vista de don Quijote las estrañas narices del escudero, y no se admiró menos de verlas que Sancho; tanto, que le juzgó por algún monstro, o por hombre nuevo y de aquellos que no se usan en el mundo. Sancho, que vio partir a su amo para tomar carrera, no quiso quedar solo con el narigudo, temiendo que con solo un pasagonzalo con aquellas narices en las suyas sería acabada la pendencia suya, quedando del golpe, o del miedo, tendido en el suelo, y fuese tras su amo, asido a una acción de Rocinante; y, cuando le pareció que ya era tiempo que volviese, le dijo. | En ce moment, l′écuyer avec son nez étrange s′offrit aux regards de don Quichotte, qui ne fut pas moins interdit de le voir que Sancho, tellement qu′il le prit pour quelque monstre, ou pour un homme nouveau, de ceux qui ne sont pas d′usage en ce monde. Sancho, qui vit partir son maître pour prendre champ, ne voulut pas rester seul avec le monstre au grand nez, dans la crainte que, d′une seule pichenette de cette trompe, leur bataille ne fût finie, et que, du coup ou de la peur, il ne restât couché par terre. Il courut donc derrière son maître, pendu à une étrivière de Rossinante, et, quand il lui sembla que don Quichotte allait tourner bride : | -Suplico a vuesa merced, señor mío, que antes que vuelva a encontrarse me ayude a subir sobre aquel alcornoque, de donde podré ver más a mi sabor, mejor que desde el suelo, el gallardo encuentro que vuesa merced ha de hacer con este caballero. | « Je supplie Votre Grâce, mon cher seigneur, lui dit-il, de vouloir bien, avant de retourner à l′attaque, m′aider à monter sur ce liège, d′où je pourrai voir plus à mon aise que par terre la gaillarde rencontre que vous allez faire avec ce chevalier. | -Antes creo, Sancho -dijo don Quijote-, que te quieres encaramar y subir en andamio por ver sin peligro los toros. |  Il me semble plutôt, Sancho, dit don Quichotte, que tu veux monter sur les banquettes pour voir sans danger la course des taureaux. | -La verdad que diga -respondió Sancho-, las desaforadas narices de aquel escudero me tienen atónito y lleno de espanto, y no me atrevo a estar junto a él. |  S′il faut dire la vérité, répondit Sancho, les effroyables narines de cet écuyer me tiennent en émoi, et je n′ose pas rester à côté de lui. | -Ellas son tales -dijo don Quijote-, que, a no ser yo quien soy, también me asombraran; y así, ven: ayudarte he a subir donde dices. |  Elles sont telles en effet, reprit don Quichotte, que, si je n′étais qui je suis, elles me feraient aussi trembler. Ainsi, je viens, je vais t′aider à monter où tu veux. » | En lo que se detuvo don Quijote en que Sancho subiese en el alcornoque, tomó el de los Espejos del campo lo que le pareció necesario; y, creyendo que lo mismo habría hecho don Quijote, sin esperar son de trompeta ni otra señal que los avisase, volvió las riendas a su caballo -que no era más ligero ni de mejor parecer que Rocinante-, y, a todo su correr, que era un mediano trote, iba a encontrar a su enemigo; pero, viéndole ocupado en la subida de Sancho, detuvo las riendas y paróse en la mitad de la carrera, de lo que el caballo quedó agradecidísimo, a causa que ya no podía moverse. Don Quijote, que le pareció que ya su enemigo venía volando, arrimó reciamente las espuelas a las trasijadas ijadas de Rocinante, y le hizo aguijar de manera, que cuenta la historia que esta sola vez se conoció haber corrido algo, porque todas las demás siempre fueron trotes declarados; y con esta no vista furia llegó donde el de los Espejos estaba hincando a su caballo las espuelas hasta los botones, sin que le pudiese mover un solo dedo del lugar donde había hecho estanco de su carrera. | Pendant que don Quichotte s′arrêtait pour faire grimper Sancho sur le liége, le chevalier des Miroirs avait pris tout le champ nécessaire, et, croyant que don Quichotte en aurait fait de même, sans attendre son de trompette ni autre signal d′attaque< , il avait fait tourner bride à son cheval, lequel n′était ni plus léger ni de meilleure mine que Rossinante ; puis, à toute sa course, qui n′était qu′un petit trot, il revenait à la rencontre de son ennemi. Mais, le voyant occupé à faire monter Sancho sur l′arbre, il retint la bride, et s′arrêta au milieu de la carrière, chose dont son cheval lui fut très-reconnaissant, car il ne pouvait déjà plus remuer. Don Quichotte, qui crut que son adversaire fondait comme un foudre sur lui, enfonça vigoureusement les éperons dans les flancs efflanqués de Rossinante, et le fit détaler de telle sorte que, si l′on croit l′histoire, ce fut la seule fois où l′on put reconnaître qu′il avait quelque peu galopé, car jusque-là ses plus brillantes courses n′avaient été que de simples trots . Avec cette furie inaccoutumée, don Quichotte s′élança sur le chevalier des Miroirs, qui enfonçait les éperons dans le ventre de son cheval jusqu′aux talons, sans pouvoir le faire avancer d′un doigt de l′endroit où il s′était comme ancré au milieu de sa course. | En esta buena sazón y coyuntura halló don Quijote a su contrario embarazado con su caballo y ocupado con su lanza, que nunca, o no acertó, o no tuvo lugar de ponerla en ristre. Don Quijote, que no miraba en estos inconvenientes, a salvamano y sin peligro alguno, encontró al de los Espejos con tanta fuerza, que mal de su grado le hizo venir al suelo por las ancas del caballo, dando tal caída, que, sin mover pie ni mano, dio señales de que estaba muerto. | Ce fut dans cette favorable conjoncture que don Quichotte surprit son adversaire, lequel, empêtré de son cheval et embarrassé de sa lance, ne put jamais venir à bout de la mettre seulement en arrêt. Don Quichotte, qui ne regardait pas de si près à ces inconvénients, vint en toute sûreté, et sans aucun risque, heurter le chevalier des Miroirs, et ce fut avec tant de vigueur, qu′il le fit, bien malgré lui, rouler à terre par-dessus la croupe de son cheval. La chute fut si lourde, que l′inconnu, ne remuant plus ni bras ni jambe, parut avoir été tué sur le coup. | Apenas le vio caído Sancho, cuando se deslizó del alcornoque y a toda priesa vino donde su señor estaba, el cual, apeándose de Rocinante, fue sobre el de los Espejos, y, quitándole las lazadas del yelmo para ver si era muerto y para que le diese el aire si acaso estaba vivo; y vio... ¿Quién podrá decir lo que vio, sin causar admiración, maravilla y espanto a los que lo oyeren? Vio, dice la historia, el rostro mesmo, la misma figura, el mesmo aspecto, la misma fisonomía, la mesma efigie, la pespetiva mesma del bachiller Sansón Carrasco; y, así como la vio, en altas voces dijo. | À peine Sancho le vit-il en bas, qu′il se laissa glisser de son arbre, et vint rejoindre son maître. Celui-ci, ayant mis pied à terre, s′était jeté sur le chevalier des Miroirs, et, lui détachant les courroies de l′armet pour voir s′il était mort, et pour lui donner de l′air, si par hasard il était encore vivant, il aperçutÂ
qui pourra dire ce qu′il aperçut, sans frapper d′étonnement, d′admiration et de stupeur ceux qui l′entendront ? Il vit, dit l′histoire, il vit le visage même, la figure, l′aspect, la physionomie, l′effigie et la perspective du bachelier Samson Carrasco. À cette vue, il appela Sancho de toutes ses forces : | -¡Acude, Sancho, y mira lo que has de ver y no lo has creer! ¡Aguija, hijo, y advierte lo que puede la magia, lo que pueden los hechiceros y los encantadores. | « Accours, Sancho, s′écria-t-il, viens voir ce que tu verras sans y croire. Dépêche-toi, mon enfant, et regarde ce que peut la magie, ce que peuvent les sorciers et les enchanteurs. » | Llegó Sancho, y, como vio el rostro del bachiller Carrasco, comenzó a hacerse mil cruces y a santiguarse otras tantas. En todo esto, no daba muestras de estar vivo el derribado caballero, y Sancho dijo a don Quijote. | Sancho s′approcha, et, quand il vit la figure du bachelier Carrasco, il commença à faire mille signes de croix et à réciter autant d′oraisons. Cependant le chevalier renversé ne donnait aucun signe de vie, et Sancho dit à don Quichotte : | -Soy de parecer, señor mío, que, por sí o por no, vuesa merced hinque y meta la espada por la boca a este que parece el bachiller Sansón Carrasco; quizá matará en él a alguno de sus enemigos los encantadores. | « Je suis d′avis, mon bon seigneur, que, sans plus de façon, vous fourriez votre épée dans la bouche à celui-là qui ressemble au bachelier Samson Carrasco ; peut-être tuerez-vous en lui quelqu′un de vos ennemis les enchanteurs. | -No dices mal -dijo don Quijote-, porque de los enemigos, los menos. | Â Tu as, pardieu, raison, dit don Quichotte ; car, en fait d′ennemis, le moins c′est le meilleur. » | Y, sacando la espada para poner en efecto el aviso y consejo de Sancho, llegó el escudero del de los Espejos, ya sin las narices que tan feo le habían hecho, y a grandes voces dijo. | Il tirait déjà son épée pour mettre à exécution le conseil de Sancho, quand arriva tout à coup l′écuyer du chevalier des Miroirs, n′ayant plus le nez qui le rendait si laid : | -Mire vuesa merced lo que hace, señor don Quijote, que ese que tiene a los pies es el bachiller Sansón Carrasco, su amigo, y yo soy su escudero. | « Ah ! prenez garde, seigneur don Quichotte, disait-il à grands cris, prenez garde à ce que vous allez faire. Cet homme étendu à vos pieds, c′est le bachelier Samson Carrasco, votre ami, et moi je suis son écuyer. » | Y, viéndole Sancho sin aquella fealdad primera, le dijo: | Sancho, le voyant sans sa première laideur : | -¿Y las narices. | « Et le nez ? | A lo que él respondió. | lui dit-il. | -Aquí las tengo, en la faldriquera. | Â Il est là, dans ma poche » répondit l′autre. | Y, echando mano a la derecha, sacó unas narices de pasta y barniz, de máscara, de la manifatura que quedan delineadas. Y, mirándole más y más Sancho, con voz admirativa y grande, dijo. | Et, mettant la main dans sa poche de droite, il en tira un nez postiche en carton vernissé, fabriqué comme on l′a dépeint tout à l′heure. Mais Sancho regardait l′homme de tous ses yeux, et, jetant un cri de surprise : | -¡Santa María, y valme! ¿Éste no es Tomé Cecial, mi vecino y mi compadre. | « Jésus Maria ! s′écria-t-il, n′est-ce pas là Tomé Cécial, mon voisin et mon compère ? | -Y ¡cómo si lo soy! -respondió el ya desnarigado escudero-: Tomé Cecial soy, compadre y amigo Sancho Panza, y luego os diré los arcaduces, embustes y enredos por donde soy aquí venido; y en tanto, pedid y suplicad al señor vuestro amo que no toque, maltrate, hiera ni mate al caballero de los Espejos, que a sus pies tiene, porque sin duda alguna es el atrevido y mal aconsejado del bachiller Sansón Carrasco, nuestro compatrioto. | Â Comment, si je le suis ! répondit l′écuyer sans nez ; oui, Sancho Panza, je suis Tomé Cécial, votre ami, votre compère ; et je vous dirai tout à l′heure les tours et les détours qui m′ont conduit ici ; mais, en attendant, priez et suppliez le seigneur votre maître qu′il ne touche, ni ne frappe, ni ne blesse, ni ne tue le chevalier des Miroirs, qu′il tient sous ses pieds ; car c′est, sans nul doute, l′audacieux et imprudent bachelier Samson Carrasco, notre compatriote. » | En esto, volvió en sí el de los Espejos, lo cual visto por don Quijote, le puso la punta desnuda de su espada encima del rostro, y le dijo. | En ce moment le chevalier des Miroirs revint à lui, et don Quichotte, s′apercevant qu′il remuait, lui mit la pointe de l′épée entre les deux yeux, et lui dit : | -Muerto sois, caballero, si no confesáis que la sin par Dulcinea del Toboso se aventaja en belleza a vuestra Casildea de Vandalia; y demás de esto habéis de prometer, si de esta contienda y caída quedárades con vida, de ir a la ciudad del Toboso y presentaros en su presencia de mi parte, para que haga de vos lo que más en voluntad le viniere; y si os dejare en la vuestra, asimismo habéis de volver a buscarme, que el rastro de mis hazañas os servirá de guía que os traiga donde yo estuviere, y a decirme lo que con ella hubiéredes pasado; condiciones que, conforme a las que pusimos antes de nuestra batalla, no salen de los términos de la andante caballería. | « Vous êtes mort, chevalier, si vous ne confessez que la sans pareille Dulcinée du Toboso l′emporte en beauté sur votre Cassildée de Vandalie. En outre, il faut que vous promettiez, si de cette bataille et de cette chute vous restez vivant, d′aller à la ville du Toboso, et de vous présenter de ma part en sa présence, pour qu′elle fasse de vous ce qu′ordonnera sa volonté. Si elle vous laisse en possession de la vôtre, vous serez tenu de venir me retrouver (et la trace de mes exploits vous servira de guide pour vous amener où je serai), afin de me dire ce qui se sera passé entre elle et vous ; conditions qui, suivant celles que nous avons faites avant notre combat, ne sortent point des limites de la chevalerie errante. | -Confieso -dijo el caído caballero- que vale más el zapato descosido y sucio de la señora Dulcinea del Toboso que las barbas mal peinadas, aunque limpias, de Casildea, y prometo de ir y volver de su presencia a la vuestra, y daros entera y particular cuenta de lo que me pedís. | Â Je confesse, répondit le chevalier abattu, que le soulier sale et déchiré de madame Dulcinée du Toboso vaut mieux que la barbe mal peignée, quoique propre, de Cassildée. Je promets d′aller en sa présence et de revenir en la vôtre, pour vous rendre un compte fidèle et complet de ce que vous demandez. | -También habéis de confesar y creer -añadió don Quijote- que aquel caballero que vencistes no fue ni pudo ser don Quijote de la Mancha, sino otro que se le parecía, como yo confieso y creo que vos, aunque parecéis el bachiller Sansón Carrasco, no lo sois, sino otro que le parece, y que en su figura aquí me le han puesto mis enemigos, para que detenga y temple el ímpetu de mi cólera, y para que use blandamente de la gloria del vencimiento. | Â Il faut encore confesser et croire, ajouta don Quichotte, que le chevalier que vous avez vaincu ne fut pas et ne put être don Quichotte de la Manche, mais un autre qui lui ressemblait ; tout comme je confesse et crois que vous, qui ressemblez au bachelier Samson Carrasco, ne l′êtes pas cependant, mais un autre qui lui ressemble, et que mes ennemis me l′ont présenté sous la figure du bachelier pour calmer la fougue de ma colère, et me faire user avec douceur de la gloire du triomphe. | -Todo lo confieso, juzgo y siento como vos lo creéis, juzgáis y sentís -respondió el derrengado caballero-. Dejadme levantar, os ruego, si es que lo permite el golpe de mi caída, que asaz maltrecho me tiene. | Â Tout cela, répondit le chevalier éreinté, je le confesse, je le juge et le sens, comme vous le croyez, jugez et sentez. Mais laissez-moi relever, je vous prie, si la douleur de ma chute le permet, car elle m′a mis en bien mauvais état. » | Ayudóle a levantar don Quijote y Tomé Cecial, su escudero, del cual no apartaba los ojos Sancho, preguntándole cosas cuyas respuestas le daban manifiestas señales de que verdaderamente era el Tomé Cecial que decía; mas la aprehensión que en Sancho había hecho lo que su amo dijo, de que los encantadores habían mudado la figura del Caballero de los Espejos en la del bachiller Carrasco, no le dejaba dar crédito a la verdad que con los ojos estaba mirando. Finalmente, se quedaron con este engaño amo y mozo, y el de los Espejos y su escudero, mohínos y malandantes, se apartaron de don Quijote y Sancho, con intención de buscar algún lugar donde bizmarle y entablarle las costillas. Don Quijote y Sancho volvieron a proseguir su camino de Zaragoza, donde los deja la historia, por dar cuenta de quién era el Caballero de los Espejos y su narigante escudero. | Don Quichotte l′aida à se relever, assisté de son écuyer Tomé Cécial, duquel Sancho n′ôtait pas les yeux, tout en faisant des questions dont les réponses prouvaient bien que c′était véritablement le Tomé Cécial qu′il se disait être. Mais l′impression qu′avait produite dans la pensée de Sancho l′assurance donnée par son maître que les enchanteurs avaient changé la figure du chevalier des Miroirs en celle du bachelier Carrasco l′empêchait d′ajouter foi à la vérité qu′il avait sous les yeux. Finalement, maître et valet restèrent dans cette erreur, tandis que le chevalier des Miroirs et son écuyer, confus et rompus, s′éloignaient de don Quichotte et de Sancho, dans l′intention de chercher quelque village où l′on pût graisser et remettre les côtes au blessé. Quant à don Quichotte et à Sancho, ils reprirent leur chemin dans la direction de Saragosse, où l′histoire les laisse pour faire connaître qui étaient le chevalier des Miroirs et son écuyer au nez effroyable.
| II. Capítulo XV. Donde se cuenta y da noticia de quién era el Caballero de los Espejos y su escudero. | Chapitre XV Où l′on raconte et l′on explique qui étaient le chevalier des Miroirs et son écuyer En estremo contento, ufano y vanaglorioso iba don Quijote por haber alcanzado vitoria de tan valiente caballero como él se imaginaba que era el de los Espejos, de cuya caballeresca palabra esperaba saber si el encantamento de su señora pasaba adelante, pues era forzoso que el tal vencido caballero volviese, so pena de no serlo, a darle razón de lo que con ella le hubiese sucedido. Pero uno pensaba don Quijote y otro el de los Espejos, puesto que por entonces no era otro su pensamiento sino buscar donde bizmarse, como se ha dicho. | Don Quichotte s′en allait, tout ravi, tout fier et tout glorieux d′avoir remporté la victoire sur un aussi vaillant chevalier qu′il s′imaginait être celui des Miroirs, duquel il espérait savoir bientôt, sur sa parole de chevalier, si l′enchantement de sa dame continuait encore, puisque force était que le vaincu, sous peine de ne pas être chevalier, revînt lui rendre compte de ce qui lui arriverait avec elle. Mais autre chose pensait don Quichotte, autre chose le chevalier des Miroirs, bien que, pour le moment, celui-ci n′eût, comme on l′a dit, d′autre pensée que de chercher où se faire couvrir d′emplâtres. | Dice, pues, la historia que cuando el bachiller Sansón Carrasco aconsejó a don Quijote que volviese a proseguir sus dejadas caballerías, fue por haber entrado primero en bureo con el cura y el barbero sobre qué medio se podría tomar para reducir a don Quijote a que se estuviese en su casa quieto y sosegado, sin que le alborotasen sus mal buscadas aventuras; de cuyo consejo salió, por voto común de todos y parecer particular de Carrasco, que dejasen salir a don Quijote, pues el detenerle parecía imposible, y que Sansón le saliese al camino como caballero andante, y trabase batalla con él, pues no faltaría sobre qué, y le venciese, teniéndolo por cosa fácil, y que fuese pacto y concierto que el vencido quedase a merced del vencedor; y así vencido don Quijote, le había de mandar el bachiller caballero se volviese a su pueblo y casa, y no saliese della en dos años, o hasta tanto que por él le fuese mandado otra cosa; lo cual era claro que don Quijote vencido cumpliría indubitablemente, por no contravenir y faltar a las leyes de la caballería, y podría ser que en el tiempo de su reclusión se le olvidasen sus vanidades, o se diese lugar de buscar a su locura algún conveniente remedio. | Or l′histoire dit que lorsque le bachelier Samson Carrasco conseilla à don Quichotte de reprendre ses expéditions un moment abandonnées, ce fut après avoir tenu conseil avec le curé et le barbier sur le moyen qu′il fallait prendre pour obliger don Quichotte à rester dans sa maison tranquillement et patiemment, sans s′inquiéter davantage d′aller en quête de ses malencontreuses aventures. Le résultat de cette délibération fut, d′après le vote unanime, et sur la proposition particulière de Carrasco, qu′on laisserait partir don Quichotte, puisqu′il semblait impossible de le retenir ; que Samson irait le rencontrer en chemin, comme chevalier errant ; qu′il engagerait une bataille avec lui, les motifs de querelle ne manquant point ; qu′il le vaincrait, ce qui paraissait chose facile, après être formellement convenu que le vaincu demeurerait à la merci du vainqueur ; qu′enfin don Quichotte une fois vaincu, le bachelier chevalier lui ordonnerait de retourner dans son village et dans sa maison, avec défense d′en sortir avant deux années entières, ou jusqu′à ce qu′il lui commandât autre chose. Il était clair que don Quichotte vaincu remplirait religieusement cette condition, pour ne pas contrevenir aux lois de la chevalerie ; alors il devenait possible que, pendant la durée de sa réclusion, il oubliât ses vaines pensées, ou qu′on eût le temps de trouver quelque remède à sa folie. | Aceptólo Carrasco, y ofreciósele por escudero Tomé Cecial, compadre y vecino de Sancho Panza, hombre alegre y de lucios cascos. Armóse Sansón como queda referido y Tomé Cecial acomodó sobre sus naturales narices las falsas y de máscara ya dichas, porque no fuese conocido de su compadre cuando se viesen; y así, siguieron el mismo viaje que llevaba don Quijote, y llegaron casi a hallarse en la aventura del carro de la Muerte. Y, finalmente, dieron con ellos en el bosque, donde les sucedió todo lo que el prudente ha leído; y si no fuera por los pensamientos extraordinarios de don Quijote, que se dio a entender que el bachiller no era el bachiller, el señor bachiller quedara imposibilitado para siempre de graduarse de licenciado, por no haber hallado nidos donde pensó hallar pájaros. | Carrasco se chargea du rôle, et, pour lui servir d′écuyer, s′offrit Tomé Cécial, compère et voisin de Sancho Panza, homme jovial et d′esprit éveillé. Samson s′arma comme on l′a rapporté plus haut, et Tomé Cécial arrangea sur son nez naturel le nez postiche en carton qu′on a dépeint, afin de n′être pas reconnu de son compère quand ils se rencontreraient. Dans leur dessein, ils suivirent la même route que don Quichotte, et peu s′en fallut qu′ils n′arrivassent assez à temps pour se trouver à l′aventure du char de la Mort. À la fin ils trouvèrent leurs deux hommes dans le bois où leur arriva tout ce que le prudent lecteur vient de lire ; et, si ce n′eût été grâce à la cervelle dérangée de don Quichotte, qui s′imagina que le bachelier n′était pas le bachelier, le seigneur bachelier demeurait à tout jamais hors d′état de recevoir des licences, pour n′avoir pas même trouvé de nid là où il croyait prendre des oiseaux. | Tomé Cecial, que vio cuán mal había logrado sus deseos y el mal paradero que había tenido su camino, dijo al bachiller: | Tomé Cécial, qui vit le mauvais succès de leur bonne envie et le pitoyable terme de leur voyage, dit au bachelier : | -Por cierto, señor Sansón Carrasco, que tenemos nuestro merecido: con facilidad se piensa y se acomete una empresa, pero con dificultad las más veces se sale della. Don Quijote loco, nosotros cuerdos: él se va sano y riendo, vuesa merced queda molido y triste. Sepamos, pues, ahora, cuál es más loco: ¿el que lo es por no poder menos, o el que lo es por su voluntad. | « Assurément, seigneur Samson Carrasco, nous avons ce que nous méritons. C′est avec facilité qu′on imagine et qu′on commence une entreprise, mais la plupart du temps il n′est pas si aisé d′en sortir. Don Quichotte était fou, nous sensés ; pourtant il s′en va riant et bien portant, et vous restez triste et rompu. Sachons maintenant une chose, s′il vous plaît ; quel est le plus fou, de celui qui l′est ne pouvant faire autrement, ou de celui qui l′est par sa volonté ? | A lo que respondió Sansón. | Â La différence qu′il y a entre ces deux fous, répondit Samson, | -La diferencia que hay entre esos dos locos es que el que lo es por fuerza lo será siempre, y el que lo es de grado lo dejará de ser cuando quisiere. | - c′est que celui qui l′est par force le sera toujours, tandis que celui qui l′est volontairement cessera de l′être quand il lui plaira. | -Pues así es -dijo Tomé Cecial-, yo fui por mi voluntad loco cuando quise hacerme escudero de vuestra merced, y por la misma quiero dejar de serlo y volverme a mi casa. | Â À ce train-là, reprit Tomé Cécial, j′ai été fou par ma volonté quand j′ai voulu me faire écuyer de Votre Grâce, et maintenant, par la même volonté, je veux cesser de l′être, et retourner à ma maison. | -Eso os cumple -respondió Sansón-, porque pensar que yo he de volver a la mía, hasta haber molido a palos a don Quijote, es pensar en lo escusado; y no me llevará ahora a buscarle el deseo de que cobre su juicio, sino el de la venganza; que el dolor grande de mis costillas no me deja hacer más piadosos discursos. | Â Cela vous regarde, répondit Carrasco ; mais penser que je retourne à la mienne avant d′avoir moulu don Quichotte à coups de bâton, c′est penser qu′il fait jour à minuit ; et ce n′est plus maintenant le désir de lui rendre la raison qui me le fera chercher, mais celui de la vengeance, car la grande douleur de mes côtes ne me permet pas de tenir de plus charitables discours. » | En esto fueron razonando los dos, hasta que llegaron a un pueblo donde fue ventura hallar un algebrista, con quien se curó el Sansón desgraciado. Tomé Cecial se volvió y le dejó, y él quedó imaginando su venganza; y la historia vuelve a hablar dél a su tiempo, por no dejar de regocijarse ahora con don Quijote. | En devisant ainsi, les deux compagnons arrivèrent à un village, où ce fut grand bonheur de trouver un algébriste pour panser l′infortuné Samson. Tomé Cécial le quitta et retourna chez lui ; mais le bachelier resta pour préparer sa vengeance, et l′histoire, qui reparlera de lui dans un autre temps, revient se divertir avec don Quichotte.
| II. Capítulo XVI. De lo que sucedió a don Quijote con un discreto caballero de la Mancha. | Chapitre XVI De ce qui arriva à don Quichotte avec un discret gentilhomme de la Manche Con la alegría, contento y ufanidad que se ha dicho, seguía don Quijote su jornada, imaginándose por la pasada vitoria ser el caballero andante más valiente que tenía en aquella edad el mundo; daba por acabadas y a felice fin conducidas cuantas aventuras pudiesen sucederle de allí adelante; tenía en poco a los encantos y a los encantadores; no se acordaba de los inumerables palos que en el discurso de sus caballerías le habían dado, ni de la pedrada que le derribó la mitad de los dientes, ni del desagradecimiento de los galeotes, ni del atrevimiento y lluvia de estacas de los yangüeses. Finalmente, decía entre sí que si él hallara arte, modo o manera como desencantar a su señora Dulcinea, no invidiara a la mayor ventura que alcanzó o pudo alcanzar el más venturoso caballero andante de los pasados siglos. En estas imaginaciones iba todo ocupado, cuando Sancho le dijo. | Dans cette joie, ce ravissement et cet orgueil qu′on vient de dire, don Quichotte poursuivait sa route, s′imaginant, à l′occasion de sa victoire passée, qu′il était le plus vaillant chevalier que possédât le monde en cet âge. Il tenait pour achevées et menées à bonne fin autant d′aventures qu′il pourrait dorénavant lui en arriver ; il ne faisait plus aucun cas des enchantements et des enchanteurs ; il ne se souvenait plus des innombrables coups de bâton qu′il avait reçus dans le cours de ses expéditions chevaleresques, ni de la pluie de pierres qui lui cassa la moitié des dents, ni de l′ingratitude des galériens, ni de l′insolence et de la volée de gourdins des muletiers yangois. Finalement, il se disait tout bas que, s′il trouvait quelque moyen, quelque invention pour désenchanter sa dame Dulcinée, il n′envierait pas le plus grand bonheur dont jouit ou put jouir le plus heureux chevalier errant des siècles passés. Il marchait tout absorbé dans ces rêves agréables, lorsque Sancho lui dit : | -¿No es bueno, señor, que aun todavía traigo entre los ojos las desaforadas narices, y mayores de marca, de mi compadre Tomé Cecial. | « N′est-il pas drôle, seigneur, que j′aie encore devant les yeux cet effroyable nez, ce nez démesuré de mon compère Tomé Cécial ? | -Y ¿crees tú, Sancho, por ventura, que el Caballero de los Espejos era el bachiller Carrasco; y su escudero, Tomé Cecial, tu compadre. | Â Est-ce que tu crois, par hasard, Sancho, répondit don Quichotte, que le chevalier des Miroirs était le bachelier Carrasco, et son écuyer, Tomé Cécial, ton compère ? | -No sé qué me diga a eso -respondió Sancho-; sólo sé que las señas que me dio de mi casa, mujer y hijos no me las podría dar otro que él mesmo; y la cara, quitadas las narices, era la misma de Tomé Cecial, como yo se la he visto muchas veces en mi pueblo y pared en medio de mi misma casa; y el tono de la habla era todo uno. | Â Je ne sais que dire à cela, reprit Sancho ; tout ce que je sais, c′est que les enseignes qu′il m′a données de ma maison, de ma femme et de mes enfants, sont telles, que personne autre que lui ne pourrait me les donner. Quant à la figure, ma foi, le nez ôté, c′était bien celle de Tomé Cécial, comme je l′ai vu mille et mille fois dans le pays, où nous demeurons porte à porte, et le son de voix était le même aussi. | -Estemos a razón, Sancho -replicó don Quijote-. Ven acá: ¿en qué consideración puede caber que el bachiller Sansón Carrasco viniese como caballero andante, armado de armas ofensivas y defensivas, a pelear conmigo? ¿He sido yo su enemigo por ventura? ¿Hele dado yo jamás ocasión para tenerme ojeriza? ¿Soy yo su rival, o hace él profesión de las armas, para tener invidia a la fama que yo por ellas he ganado. | Â Soyons raisonnables, Sancho, répliqua don Quichotte. Viens ici, et dis-moi : en quel esprit peut-il tomber que le bachelier Samson Carrasco s′en vienne, comme chevalier errant, pourvu d′armes offensives et défensives, combattre avec moi ? Ai-je été son ennemi par hasard ? lui ai-je donné jamais occasion de me porter rancune ? suis-je son rival, ou bien professe-t-il les armes, pour être jaloux de la renommée que je m′y suis acquise ? | -Pues, ¿qué diremos, señor -respondió Sancho-, a esto de parecerse tanto aquel caballero, sea el que se fuere, al bachiller Carrasco, y su escudero a Tomé Cecial, mi compadre? Y si ello es encantamento, como vuestra merced ha dicho, ¿no había en el mundo otros dos a quien se parecieran? | Â Eh bien, que dirons-nous, seigneur, repartit Sancho, de ce que ce chevalier, qu′il soit ce qu′il voudra, ressemble tant au bachelier Carrasco, et son écuyer à Tomé Cécial, mon compère ? Et si c′est de l′enchantement, comme Votre Grâce a dit, est-ce qu′il n′y avait pas dans le monde deux autres hommes à qui ceux-là pussent ressembler ? | -Todo es artificio y traza -respondió don Quijote- de los malignos magos que me persiguen, los cuales, anteviendo que yo había de quedar vencedor en la contienda, se previnieron de que el caballero vencido mostrase el rostro de mi amigo el bachiller, porque la amistad que le tengo se pusiese entre los filos de mi espada y el rigor de mi brazo, y templase la justa ira de mi corazón, y desta manera quedase con vida el que con embelecos y falsías procuraba quitarme la mía. Para prueba de lo cual ya sabes, ¡oh Sancho!, por experiencia que no te dejará mentir ni engañar, cuán fácil sea a los encantadores mudar unos rostros en otros, haciendo de lo hermoso feo y de lo feo hermoso, pues no ha dos días que viste por tus mismos ojos la hermosura y gallardía de la sin par Dulcinea en toda su entereza y natural conformidad, y yo la vi en la fealdad y bajeza de una zafia labradora, con cataratas en los ojos y con mal olor en la boca; y más, que el perverso encantador que se atrevió a hacer una transformación tan mala no es mucho que haya hecho la de Sansón Carrasco y la de tu compadre, por quitarme la gloria del vencimiento de las manos. Pero, con todo esto, me consuelo; porque, en fin, en cualquiera figura que haya sido, he quedado vencedor de mi enemigo. | Â Tout cela, reprit don Quichotte, n′est qu′artifice et machination des méchants magiciens qui me persécutent ; prévoyant que je resterais vainqueur dans la bataille, ils se sont arrangés pour que le chevalier vaincu montrât le visage de mon ami le bachelier, afin que l′amitié que je lui porte se mît entre sa gorge et le fil de mon épée, pour calmer la juste colère dont mon cœur était enflammé et que je laissasse la vie à celui qui cherchait, par des prestiges et des perfidies, à m′enlever la mienne. S′il faut t′en fournir des preuves, tu sais déjà bien, ô Sancho, par une expérience qui ne saurait te tromper, combien il est facile aux enchanteurs de changer les visages en d′autres, rendant beau ce qui est laid, et laid ce qui est beau, puisqu′il n′y a pas encore deux jours que tu as vu de tes propres yeux les charmes et les attraits de la sans pareille Dulcinée dans toute leur pureté, dans tout leur éclat naturel, tandis que moi je la voyais sous la laideur et la bassesse d′une grossière paysanne, avec de la chassie aux yeux et une mauvaise odeur dans la bouche. Est-il étonnant que l′enchanteur pervers qui a osé faire une si détestable transformation ait fait également celle de Samson Carrasco et de ton compère, pour m′ôter des mains la gloire du triomphe ? Mais, avec tout cela, je me console, parce qu′enfin, quelque figure qu′il ait prise, je suis resté vainqueur de mon ennemi. | -Dios sabe la verdad de todo -respondió Sancho. | Â Dieu sait la vérité de toutes choses », répondit Sancho ; | Y como él sabía que la transformación de Dulcinea había sido traza y embeleco suyo, no le satisfacían las quimeras de su amo; pero no le quiso replicar, por no decir alguna palabra que descubriese su embuste. | et, comme il savait que la transformation de Dulcinée était une œuvre de sa ruse, il n′était point satisfait des chimériques raisons de son maître ; mais il ne voulait pas lui répliquer davantage, crainte de dire quelque parole qui découvrît sa supercherie. | En estas razones estaban cuando los alcanzó un hombre que detrás dellos por el mismo camino venía sobre una muy hermosa yegua tordilla, vestido un gabán de paño fino verde, jironado de terciopelo leonado, con una montera del mismo terciopelo; el aderezo de la yegua era de campo y de la jineta, asimismo de morado y verde. Traía un alfanje morisco pendiente de un ancho tahalí de verde y oro, y los borceguíes eran de la labor del tahalí; las espuelas no eran doradas, sino dadas con un barniz verde, tan tersas y bruñidas que, por hacer labor con todo el vestido, parecían mejor que si fuera de oro puro. Cuando llegó a ellos, el caminante los saludó cortésmente, y, picando a la yegua, se pasaba de largo; pero don Quijote le dijo. | Ils en étaient là de leur entretien, quand ils furent rejoints par un homme qui suivait le même chemin qu′eux, monté sur une belle jument gris pommelé. Il portait un gaban de fin drap vert garni d′une bordure de velours fauve, et, sur la tête, une montéra du même velours. Les harnais de la jument étaient ajustés à l′écuyère et garnis de vert et de violet. Le cavalier portait un cimeterre moresque, pendu à un baudrier vert et or. Les brodequins étaient du même travail que le baudrier. Quant aux éperons, ils n′étaient pas dorés, mais simplement enduits d′un vernis vert, et si bien brunis, si luisants, que, par leur symétrie avec le reste du costume, ils avaient meilleure façon que s′ils eussent été d′or pur. Quand le voyageur arriva près d′eux, il les salua poliment, et, piquant des deux à sa monture, il allait passer outre ; mais don Quichotte le retint : | -Señor galán, si es que vuestra merced lleva el camino que nosotros y no importa el darse priesa, merced recibiría en que nos fuésemos juntos. | « Seigneur galant, lui dit-il, si Votre Grâce suit le même chemin que nous et n′est pas trop pressée, je serais flatté que nous fissions route ensemble. | -En verdad -respondió el de la yegua- que no me pasara tan de largo, si no fuera por temor que con la compañía de mi yegua no se alborotara ese caballo. | Â En vérité, répondit le voyageur, je n′aurais point passé si vite si je n′eusse craint que le voisinage de ma jument n′inquiétât ce cheval. | -Bien puede, señor -respondió a esta sazón Sancho-, bien puede tener las riendas a su yegua, porque nuestro caballo es el más honesto y bien mirado del mundo: jamás en semejantes ocasiones ha hecho vileza alguna, y una vez que se desmandó a hacerla la lastamos mi señor y yo con las setenas. Digo otra vez que puede vuestra merced detenerse, si quisiere; que, aunque se la den entre dos platos, a buen seguro que el caballo no la arrostre. | Â Oh ! seigneur, s′écria aussitôt Sancho, vous pouvez bien retenir la bride à votre jument, car notre cheval est le plus honnête et le mieux appris du monde. Jamais, en semblable occasion, il n′a fait la moindre fredaine, et, pour une seule fois qu′il s′est oublié, nous l′avons payé, mon maître et moi, à de gros intérêts. Mais enfin je répète que Votre Grâce peut s′arrêter si bon lui semble, car on servirait au cheval cette jument entre deux plats, qu′à coup sûr il n′y mettrait pas la dent. » | Detuvo la rienda el caminante, admirándose de la apostura y rostro de don Quijote, el cual iba sin celada, que la llevaba Sancho como maleta en el arzón delantero de la albarda del rucio; y si mucho miraba el de lo verde a don Quijote, mucho más miraba don Quijote al de lo verde, pareciéndole hombre de chapa. La edad mostraba ser de cincuenta años; las canas, pocas, y el rostro, aguileño; la vista, entre alegre y grave; finalmente, en el traje y apostura daba a entender ser hombre de buenas prendas. | Le voyageur retint la bride, étonné des façons et du visage de don Quichotte, lequel marchait tête nue, car Sancho portait sa salade comme une valise pendue à l′arçon du bât de son âne. Et si l′homme à l′habit vert regardait attentivement don Quichotte, don Quichotte regardait l′homme à l′habit vert encore plus attentivement, parce qu′il lui semblait un homme d′importance et de distinction. Son âge paraissait être de cinquante ans ; ses cheveux grisonnaient à peine ; il avait le nez aquilin, le regard moitié gai, moitié grave ; enfin, dans sa tenue et dans son maintien, il représentait un homme de belles qualités. | Lo que juzgó de don Quijote de la Mancha el de lo verde fue que semejante manera ni parecer de hombre no le había visto jamás: admiróle la longura de su caballo, la grandeza de su cuerpo, la flaqueza y amarillez de su rostro, sus armas, su ademán y compostura: figura y retrato no visto por luengos tiempos atrás en aquella tierra. Notó bien don Quijote la atención con que el caminante le miraba, y leyóle en la suspensión su deseo; y, como era tan cortés y tan amigo de dar gusto a todos, antes que le preguntase nada, le salió al camino, diciéndole: | Quant à lui, le jugement qu′il porta de don Quichotte fut qu′il n′avait jamais vu homme de semblable façon et de telle apparence. Tout l′étonnait, la longueur de son cheval, la hauteur de son corps, la maigreur et le teint jaune de son visage, ses armes, son air, son accoutrement, toute cette figure enfin, comme on n′en avait vu depuis longtemps dans le pays. Don Quichotte remarqua fort bien avec quelle attention l′examinait le voyageur, et dans sa surprise il lut son désir. Courtois comme il l′était, et toujours prêt à faire plaisir à tout le monde, avant que l′autre lui eût fait aucune question, il le prévint et dit : | -Esta figura que vuesa merced en mí ha visto, por ser tan nueva y tan fuera de las que comúnmente se usan, no me maravillaría yo de que le hubiese maravillado; pero dejará vuesa merced de estarlo cuando le diga, como le digo, que soy caballero destos que dicen las gentes que a sus aventuras van. | « Cette figure que Votre Grâce voit en moi est si nouvelle, si hors de l′usage commun, que je ne m′étonnerais pas que vous en fussiez étonné. Mais Votre Grâce cessera de l′être quand je lui dirai que je suis chevalier, de ceux-là dont les gens disent qu′ils vont à leurs aventures. | Salí de mi patria, empeñé mi hacienda, dejé mi regalo, y entreguéme en los brazos de la Fortuna, que me llevasen donde más fuese servida. Quise resucitar la ya muerta andante caballería, y ha muchos días que, tropezando aquí, cayendo allí, despeñándome acá y levantándome acullá, he cumplido gran parte de mi deseo, socorriendo viudas, amparando doncellas y favoreciendo casadas, huérfanos y pupilos, propio y natural oficio de caballeros andantes; y así, por mis valerosas, muchas y cristianas hazañas he merecido andar ya en estampa en casi todas o las más naciones del mundo. Treinta mil volúmenes se han impreso de mi historia, y lleva camino de imprimirse treinta mil veces de millares, si el cielo no lo remedia. Finalmente, por encerrarlo todo en breves palabras, o en una sola, digo que yo soy don Quijote de la Mancha, por otro nombre llamado el Caballero de la Triste Figura; y, puesto que las propias alabanzas envilecen, esme forzoso decir yo tal vez las mías, y esto se entiende cuando no se halla presente quien las diga; así que, señor gentilhombre, ni este caballo, esta lanza, ni este escudo, ni escudero, ni todas juntas estas armas, ni la amarillez de mi rostro, ni mi atenuada flaqueza, os podrá admirar de aquí adelante, habiendo ya sabido quién soy y la profesión que hago. | J′ai quitté ma patrie, j′ai engagé mon bien, j′ai laissé le repos de ma maison, et je me suis jeté dans les bras de la fortune, pour qu′elle m′emmenât où il lui plairait. J′ai voulu ressusciter la défunte chevalerie errante, et, depuis bien des jours, bronchant ici, tombant là, me relevant plus loin, j′ai rempli mon désir en grande partie, en secourant des veuves, en protégeant des filles, en favorisant des mineurs et des orphelins, office propre aux chevaliers errants. Aussi, par mes nombreuses, vaillantes et chrétiennes prouesses, ai-je mérité de courir en lettres moulées presque tous les pays du globe. Trente mille volumes de mon histoire se sont imprimés déjà, et elle prend le chemin de s′imprimer trente mille milliers de fois, si le ciel n′y remédie. Finalement, pour tout renfermer en peu de paroles, ou même en une seule, je dis que je suis le chevalier don Quichotte de la Manche, appelé par surnom le chevalier de la Triste-Figure. Et, bien que les louanges propres avilissent, force m′est quelquefois de dire les miennes, j′entends lorsqu′il n′y a personne autre pour les dire. Ainsi donc, seigneur gentilhomme, ni ce cheval, ni cette lance, ni cet écu, ni cet écuyer, ni toutes ces armes ensemble, ni la pâleur de mon visage, ni la maigreur de mon corps, ne pourront plus vous surprendre désormais, puisque vous savez qui je suis et la profession que j′exerce. » | Calló en diciendo esto don Quijote, y el de lo verde, según se tardaba en responderle, parecía que no acertaba a hacerlo; pero de allí a buen espacio le dijo. | En achevant ces mots, don Quichotte se tut, et l′homme à l′habit vert tardait tellement à lui répondre, qu′on aurait dit qu′il ne pouvait en venir à bout. Cependant, après une longue pause, il lui dit : | -Acertastes, señor caballero, a conocer por mi suspensión mi deseo; pero no habéis acertado a quitarme la maravilla que en mí causa el haberos visto; que, puesto que, como vos, señor, decís, que el saber ya quién sois me lo podría quitar, no ha sido así; antes, agora que lo sé, quedo más suspenso y maravillado. ¿Cómo y es posible que hay hoy caballeros andantes en el mundo, y que hay historias impresas de verdaderas caballerías? No me puedo persuadir que haya hoy en la tierra quien favorezca viudas, ampare doncellas, ni honre casadas, ni socorra huérfanos, y no lo creyera si en vuesa merced no lo hubiera visto con mis ojos. ¡Bendito sea el cielo!, que con esa historia, que vuesa merced dice que está impresa, de sus altas y verdaderas caballerías, se habrán puesto en olvido las innumerables de los fingidos caballeros andantes, de que estaba lleno el mundo, tan en daño de las buenas costumbres y tan en perjuicio y descrédito de las buenas historias. | « Vous avez bien réussi, seigneur cavalier, à reconnaître mon désir dans ma surprise ; mais vous n′avez pas réussi de même à m′ôter l′étonnement que me cause votre vue ; car, bien que vous ayez dit, seigneur, que de savoir qui vous êtes suffirait pour me l′ôter, il n′en est point ainsi ; au contraire, maintenant que je le sais, je reste plus surpris, plus émerveillé que jamais. Comment ! est-il possible qu′il y ait aujourd′hui des chevaliers errants dans le monde, et des histoires imprimées de véritables chevaleries ? Je ne puis me persuader qu′il y ait aujourd′hui sur la terre quelqu′un qui protége les veuves, qui défende les filles, qui respecte les femmes mariées, qui secoure les orphelins ; et je ne le croirais pas si, dans Votre Grâce, je ne le voyais de mes yeux. Béni soit le ciel, qui a permis que cette histoire, que vous dites être imprimée, de vos nobles et véritables exploits de chevalerie, mette en oubli les innombrables prouesses des faux chevaliers errants dont le monde était plein, si fort au préjudice des bonnes œuvres et au discrédit des bonnes histoires ? | -Hay mucho que decir -respondió don Quijote- en razón de si son fingidas, o no, las historias de los andantes caballeros. | Â Il y a bien des choses à dire, répondit don Quichotte, sur la question de savoir si les histoires des chevaliers errants sont ou non controuvées. | -Pues, ¿hay quien dude -respondió el Verde- que no son falsas las tales historias. | Â Comment ! reprit l′homme vert, y aurait-il quelqu′un qui doutât de la fausseté de ces histoires ? | -Yo lo dudo -respondió don Quijote-, y quédese esto aquí; que si nuestra jornada dura, espero en Dios de dar a entender a vuesa merced que ha hecho mal en irse con la corriente de los que tienen por cierto que no son verdaderas. | Â Moi, j′en doute, répliqua don Quichotte ; mais laissons cela pour le moment, et, si notre voyage dure quelque peu, j′espère en Dieu de faire comprendre à Votre Grâce que vous avez mal fait de suivre le courant de ceux qui tiennent pour certain que ces histoires ne sont pas véritables. » | Desta última razón de don Quijote tomó barruntos el caminante de que don Quijote debía de ser algún mentecato, y aguardaba que con otras lo confirmase; pero, antes que se divertiesen en otros razonamientos, don Quijote le rogó le dijese quién era, pues él le había dado parte de su condición y de su vida. A lo que respondió el del Verde Gabán. | À ce dernier propos de don Quichotte, le voyageur eut le soupçon que ce devait être quelque cerveau timbré, et il attendit que d′autres propos vinssent confirmer son idée ; mais, avant de passer à de nouveaux sujets d′entretien, don Quichotte le pria de lui dire à son tour qui il était, puisqu′il lui avait rendu compte de sa condition et de sa manière de vivre. À cela, l′homme au gaban vert répondit : | -Yo, señor Caballero de la Triste Figura, soy un hidalgo natural de un lugar donde iremos a comer hoy, si Dios fuere servido. Soy más que medianamente rico y es mi nombre don Diego de Miranda; paso la vida con mi mujer, y con mis hijos, y con mis amigos; mis ejercicios son el de la caza y pesca, pero no mantengo ni halcón ni galgos, sino algún perdigón manso, o algún hurón atrevido. Tengo hasta seis docenas de libros, cuáles de romance y cuáles de latín, de historia algunos y de devoción otros; los de caballerías aún no han entrado por los umbrales de mis puertas. Hojeo más los que son profanos que los devotos, como sean de honesto entretenimiento, que deleiten con el lenguaje y admiren y suspendan con la invención, puesto que déstos hay muy pocos en España. Alguna vez como con mis vecinos y amigos, y muchas veces los convido; son mis convites limpios y aseados, y no nada escasos; ni gusto de murmurar, ni consiento que delante de mí se murmure; no escudriño las vidas ajenas, ni soy lince de los hechos de los otros; oigo misa cada día; reparto de mis bienes con los pobres, sin hacer alarde de las buenas obras, por no dar entrada en mi corazón a la hipocresía y vanagloria, enemigos que blandamente se apoderan del corazón más recatado; procuro poner en paz los que sé que están desavenidos; soy devoto de nuestra Señora, y confío siempre en la misericordia infinita de Dios nuestro Señor. | « Moi, seigneur chevalier de la Triste-Figure, je suis un hidalgo, natif d′un bourg où nous irons dîner aujourd′hui, s′il plaît à Dieu. Je suis plus que médiocrement riche, et mon nom est don Diego de Miranda. Je passe la vie avec ma femme, mes enfants et mes amis. Mes exercices sont la chasse et la pêche ; mais je n′entretiens ni faucons, ni lévriers de course ; je me contente de quelque chien d′arrêt docile, ou d′un hardi furet. J′ai environ six douzaines de livres, ceux-là en espagnol, ceux-ci en latin, quelques-uns d′histoire, d′autres de dévotion. Quant aux livres de chevalerie, ils n′ont pas encore passé le seuil de ma porte. Je feuillette les ouvrages profanes de préférence à ceux de dévotion, pourvu qu′ils soient d′honnête passe-temps, qu′ils satisfassent par le bon langage, qu′ils étonnent et plaisent par l′invention ; et de ceux-là, il y en a fort peu dans notre Espagne. Quelquefois je dîne chez mes voisins et mes amis, plus souvent je les invite. Mes repas sont servis avec propreté, avec élégance, et sont assez abondants. Je n′aime point mal parler des gens, et je ne permets point qu′on en parle mal devant moi, Je ne scrute pas la vie des autres, et je ne suis pas à l′affût des actions d′autrui. J′entends la messe chaque jour ; je donne aux pauvres une partie de mon bien, sans faire parade des bonnes œuvres, pour ne pas ouvrir accès dans mon âme à l′hypocrisie et à la vanité, ennemis qui s′emparent tout doucement du cœur le plus modeste et le plus circonspect. J′essaye de réconcilier ceux qui sont en brouille, je suis dévot à Notre-Dame, et j′ai toujours pleine confiance en la miséricorde infinie de Dieu Notre-Seigneur. » | Atentísimo estuvo Sancho a la relación de la vida y entretenimientos del hidalgo; y, pareciéndole buena y santa y que quien la hacía debía de hacer milagros, se arrojó del rucio, y con gran priesa le fue a asir del estribo derecho, y con devoto corazón y casi lágrimas le besó los pies una y muchas veces. Visto lo cual por el hidalgo, le preguntó. | Sancho avait écouté très-attentivement cette relation de la vie et des occupations de l′hidalgo. Trouvant qu′une telle vie était bonne et sainte, et que celui qui la menait devait faire des miracles, il sauta à bas du grison, et fut en grande hâte saisir l′étrier droit du gentilhomme ; puis, d′un cœur dévot et les larmes aux yeux, il lui baisa le pied à plusieurs reprises. L′hidalgo voyant son action : | -¿Qué hacéis, hermano? ¿Qué besos son éstos. | « Que faites-vous, frère ? s′écria-t-il. Quels baisers sont-ce là ? | -Déjenme besar -respondió Sancho-, porque me parece vuesa merced el primer santo a la jineta que he visto en todos los días de mi vida. | Â Laissez-moi baiser, répondit Sancho, car il me semble que Votre Grâce est le premier saint à cheval que j′aie vu en tous les jours de ma vie. | -No soy santo -respondió el hidalgo-, sino gran pecador; vos sí, hermano, que debéis de ser bueno, como vuestra simplicidad lo muestra. | Â Je ne suis pas un saint, reprit l′hidalgo, mais un grand pécheur. Vous, à la bonne heure, frère, qui devez être compté parmi les bons, à en juger par votre simplicité. » | Volvió Sancho a cobrar la albarda, habiendo sacado a plaza la risa de la profunda malencolía de su amo y causado nueva admiración a don Diego. Preguntóle don Quijote que cuántos hijos tenía, y díjole que una de las cosas en que ponían el sumo bien los antiguos filósofos, que carecieron del verdadero conocimiento de Dios, fue en los bienes de la naturaleza, en los de la fortuna, en tener muchos amigos y en tener muchos y buenos hijos. | Sancho remonta sur son bât, après avoir tiré le rire de la profonde mélancolie de son maître, et causé un nouvel étonnement à don Diego. Don Quichotte demanda à celui-ci combien d′enfants il avait, et lui dit qu′une des choses en quoi les anciens philosophes, qui manquèrent de la connaissance du vrai Dieu, avaient placé le souverain bien, fut de posséder les avantages de la nature et ceux de la fortune, d′avoir beaucoup d′amis, et des enfants nombreux et bons. | -Yo, señor don Quijote -respondió el hidalgo-, tengo un hijo, que, a no tenerle, quizá me juzgara por más dichoso de lo que soy; y no porque él sea malo, sino porque no es tan bueno como yo quisiera. Será de edad de diez y ocho años: los seis ha estado en Salamanca, aprendiendo las lenguas latina y griega; y, cuando quise que pasase a estudiar otras ciencias, halléle tan embebido en la de la poesía, si es que se puede llamar ciencia, que no es posible hacerle arrostrar la de las leyes, que yo quisiera que estudiara, ni de la reina de todas, la teología. Quisiera yo que fuera corona de su linaje, pues vivimos en siglo donde nuestros reyes premian altamente las virtuosas y buenas letras; porque letras sin virtud son perlas en el muladar. Todo el día se le pasa en averiguar si dijo bien o mal Homero en tal verso de la Ilíada; si Marcial anduvo deshonesto, o no, en tal epigrama; si se han de entender de una manera o otra tales y tales versos de Virgilio. En fin, todas sus conversaciones son con los libros de los referidos poetas, y con los de Horacio, Persio, Juvenal y Tibulo; que de los modernos romancistas no hace mucha cuenta; y, con todo el mal cariño que muestra tener a la poesía de romance, le tiene agora desvanecidos los pensamientos el hacer una glosa a cuatro versos que le han enviado de Salamanca, y pienso que son de justa literaria. | « Pour moi, seigneur don Quichotte, répondit l′hidalgo, j′ai un fils tel que, peut-être, si je ne l′avais pas, je me trouverais plus heureux que je ne suis ; non pas qu′il soit mauvais, mais parce qu′il n′est pas aussi bon que j′aurais voulu. Il peut avoir dix-huit ans ; les six dernières années, il les a passées à Salamanque, pour apprendre les langues latine et grecque ; mais quand j′ai voulu qu′il passât à l′étude d′autres sciences, je l′ai trouvé si imbu, si entêté de celle de la poésie (si toutefois elle peut s′appeler science), qu′il est impossible de le faire mordre à celle du droit, que je voudrais qu′il étudiât, ni à la reine de toutes les sciences, la théologie. J′aurais désiré qu′il fût comme la couronne de sa race, puisque nous vivons dans un siècle où nos rois récompensent magnifiquement les gens de lettres vertueux , car les lettres sans la vertu sont des perles sur le fumier. Il passe tout le jour à vérifier si Homère a dit bien ou mal dans tel vers de l′Iliade, si Martial fut ou non déshonnête dans telle épigramme, s′il faut entendre d′une façon ou d′une autre tel ou tel vers de Virgile. Enfin, toutes ses conversations sont avec les livres de ces poëtes, ou avec ceux d′Horace, de Perse, de Juvénal, de Tibulle, car des modernes rimeurs il ne fait pas grand cas ; et pourtant ; malgré le peu d′affection qu′il porte à la poésie vulgaire, il a maintenant la tête à l′envers pour composer une glose sur quatre vers qu′on lui a envoyés de Salamanque, | A todo lo cual respondió don Quijote. | et qui sont, à ce que je crois, le sujet d′une joute littéraire. | -Los hijos, señor, son pedazos de las entrañas de sus padres, y así, se han de querer, o buenos o malos que sean, como se quieren las almas que nos dan vida; a los padres toca el encaminarlos desde pequeños por los pasos de la virtud, de la buena crianza y de las buenas y cristianas costumbres, para que cuando grandes sean báculo de la vejez de sus padres y gloria de su posteridad; y en lo de forzarles que estudien esta o aquella ciencia no lo tengo por acertado, aunque el persuadirles no será dañoso; y cuando no se ha de estudiar para pane lucrando, siendo tan venturoso el estudiante que le dio el cielo padres que se lo dejen, sería yo de parecer que le dejen seguir aquella ciencia a que más le vieren inclinado; y, aunque la de la poesía es menos útil que deleitable, no es de aquellas que suelen deshonrar a quien las posee. La poesía, señor hidalgo, a mi parecer, es como una doncella tierna y de poca edad, y en todo estremo hermosa, a quien tienen cuidado de enriquecer, pulir y adornar otras muchas doncellas, que son todas las otras ciencias, y ella se ha de servir de todas, y todas se han de autorizar con ella; pero esta tal doncella no quiere ser manoseada, ni traída por las calles, ni publicada por las esquinas de las plazas ni por los rincones de los palacios. Ella es hecha de una alquimia de tal virtud, que quien la sabe tratar la volverá en oro purísimo de inestimable precio; hala de tener, el que la tuviere, a raya, no dejándola correr en torpes sátiras ni en desalmados sonetos; no ha de ser vendible en ninguna manera, si ya no fuere en poemas heroicos, en lamentables tragedias, o en comedias alegres y artificiosas; no se ha de dejar tratar de los truhanes, ni del ignorante vulgo, incapaz de conocer ni estimar los tesoros que en ella se encierran. Y no penséis, señor, que yo llamo aquí vulgo solamente a la gente plebeya y humilde; que todo aquel que no sabe, aunque sea señor y príncipe, puede y debe entrar en número de vulgo. Y así, el que con los requisitos que he dicho tratare y tuviere a la poesía, será famoso y estimado su nombre en todas las naciones políticas del mundo. Y a lo que decís, señor, que vuestro hijo no estima mucho la poesía de romance, doyme a entender que no anda muy acertado en ello, y la razón es ésta: el grande Homero no escribió en latín, porque era griego, ni Virgilio no escribió en griego, porque era latino. En resolución, todos los poetas antiguos escribieron en la lengua que mamaron en la leche, y no fueron a buscar las estranjeras para declarar la alteza de sus conceptos. Y, siendo esto así, razón sería se estendiese esta costumbre por todas las naciones, y que no se desestimase el poeta alemán porque escribe en su lengua, ni el castellano, ni aun el vizcaíno, que escribe en la suya. Pero vuestro hijo, a lo que yo, señor, imagino, no debe de estar mal con la poesía de romance, sino con los poetas que son meros romancistas, sin saber otras lenguas ni otras ciencias que adornen y despierten y ayuden a su natural impulso; y aun en esto puede haber yerro; porque, según es opinión verdadera, el poeta nace: quieren decir que del vientre de su madre el poeta natural sale poeta; y, con aquella inclinación que le dio el cielo, sin más estudio ni artificio, compone cosas, que hace verdadero al que dijo: est Deus in nobis... , etcétera. También digo que el natural poeta que se ayudare del arte será mucho mejor y se aventajará al poeta que sólo por saber el arte quisiere serlo; la razón es porque el arte no se aventaja a la naturaleza, sino perficiónala; así que, mezcladas la naturaleza y el arte, y el arte con la naturaleza, sacarán un perfetísimo poeta. Sea, pues, la conclusión de mi plática, señor hidalgo, que vuesa merced deje caminar a su hijo por donde su estrella le llama; que, siendo él tan buen estudiante como debe de ser, y habiendo ya subido felicemente el primer escalón de las esencias, que es el de las lenguas, con ellas por sí mesmo subirá a la cumbre de las letras humanas, las cuales tan bien parecen en un caballero de capa y espada, y así le adornan, honran y engrandecen, como las mitras a los obispos, o como las garnachas a los peritos jurisconsultos. Riña vuesa merced a su hijo si hiciere sátiras que perjudiquen las honras ajenas, y castíguele, y rómpaselas, pero si hiciere sermones al modo de Horacio, donde reprehenda los vicios en general, como tan elegantemente él lo hizo, alábele: porque lícito es al poeta escribir contra la invidia, y decir en sus versos mal de los invidiosos, y así de los otros vicios, con que no señale persona alguna; pero hay poetas que, a trueco de decir una malicia, se pondrán a peligro que los destierren a las islas de Ponto. Si el poeta fuere casto en sus costumbres, lo será también en sus versos; la pluma es lengua del alma: cuales fueren los conceptos que en ella se engendraren, tales serán sus escritos; y cuando los reyes y príncipes veen la milagrosa ciencia de la poesía en sujetos prudentes, virtuosos y graves, los honran, los estiman y los enriquecen, y aun los coronan con las hojas del árbol a quien no ofende el rayo, como en señal que no han de ser ofendidos de nadie los que con tales coronas veen honrados y adornadas sus sienes. | Â Les enfants, seigneur, répondit don Quichotte, sont une portion des entrailles de leurs parents ; il faut donc les aimer, qu′ils soient bons ou mauvais, comme on aime les âmes qui nous donnent la vie. C′est aux parents qu′il appartient de les diriger dès l′enfance dans le sentier de la vertu, de la bonne éducation, des mœurs sages et chrétiennes, pour qu′étant hommes, ils soient le bâton de la vieillesse de leurs parents et la gloire de leur postérité. Quant à les forcer d′étudier telle science plutôt que telle autre, je ne le trouve ni prudent ni sage, bien que leur donner des conseils sur ce point ne soit pas nuisible. Lorsqu′il ne s′agit pas d′étudier de pane lucrando, et si l′étudiant est assez heureux pour que le ciel lui ait donné des parents qui lui assurent du pain, je serais volontiers d′avis qu′on le laissât suivre la science pour laquelle il se sentirait le plus d′inclination ; et, bien que celle de la poésie soit moins utile qu′agréable, du moins elle n′est pas de ces sciences qui déshonorent ceux qui les cultivent. La poésie, seigneur hidalgo, est, à mon avis, comme une jeune fille d′un âge tendre et d′une beauté parfaite, que prennent soin de parer et d′enrichir plusieurs autres jeunes filles, qui sont toutes les autres sciences, car elle doit se servir de toutes, et toutes doivent se rehausser par elle. Mais cette aimable vierge ne veut pas être maniée, ni traînée dans les rues, ni affichée dans les carrefours, ni publiée aux quatre coins des palais . Elle est faite d′une alchimie de telle vertu, que celui qui la sait traiter la changera en or pur d′un prix inestimable. Il doit la tenir en laisse, et ne pas la laisser courir dans de honteuses satires ou des sonnets ignobles. Il ne faut la vendre en aucune façon, à moins que ce ne soit en poëmes héroî°µes, en lamentables tragédies, en comédies ingénieuses et divertissantes ; mais elle ne doit jamais tomber aux mains des baladins ou du vulgaire ignorant, qui ne sait ni reconnaître ni estimer les trésors qu′elle renferme. Et n′allez pas croire, seigneur, que j′appelle ici vulgaire seulement les gens du peuple et d′humble condition ; quiconque ne sait rien, fût-il seigneur et prince, doit être rangé dans le nombre du vulgaire. Ainsi donc, celui qui traitera la poésie avec toutes les qualités que je viens d′indiquer, rendra son nom célèbre et honorable parmi toutes les nations policées de la terre. Quant à ce que vous dites, seigneur, que votre fils n′estime pas beaucoup la poésie en langue castillane, j′aime à croire qu′il se trompe en ce point, et voici ma raison ; le grand Homère n′a pas écrit en latin, parce qu′il était Grec, et Virgile n′a pas écrit en grec, parce qu′il était Latin. En un mot, tous les poëtes anciens écrivirent dans la langue qu′ils avaient tétée avec le lait, et ne s′en allèrent pas chercher les langues étrangères pour exprimer leurs hautes pensées. Puisqu′il en est ainsi, rien ne serait plus raisonnable que d′étendre cette coutume à toutes les nations, et de ne pas déprécier le poëte allemand parce qu′il écrit dans sa langue, ni le Castillan, ni même le Biscayen, parce qu′il écrit dans la sienne. Mais, à ce que j′imagine, votre fils, seigneur, ne doit pas être indisposé contre la poésie vulgaire ; c′est plutôt contre les poëtes qui sont de simples faiseurs de couplets, sans savoir d′autres langues ni posséder d′autres sciences, pour éveiller, soutenir et parer leur talent naturel. Et même en cela on peut se tromper ; car, suivant l′opinion bien fondée, le poëte naît ; c′est-à-dire que, du ventre de sa mère, le poëte de nature sort poëte ; et avec cette seule inclination que lui donne le ciel, sans plus d′étude ni d′effort, il fait des choses qui justifient celui qui a dit : Est deus in nobis , etc. J′ajoute encore que le poëte de nature qui s′aidera de l′art sera bien supérieur à celui qui veut être poëte uniquement parce qu′il connaît l′art. La raison en est que l′art ne l′emporte pas sur la nature, mais qu′il la perfectionne ; ainsi, que la nature se mêle à l′art, et l′art à la nature, alors ils formeront un poëte parfait. Or donc, la conclusion de mon discours, seigneur hidalgo, c′est que vous laissiez cheminer votre fils par où l′entraîne son étoile. Puisqu′il est aussi bon étudiant qu′il puisse être, puisqu′il a heureusement franchi la première marche des sciences, qui est celle des langues anciennes, avec leur secours il montera de lui-même au faîte des lettres humaines, lesquelles siéent aussi bien à un gentilhomme de cape et d′épée, pour le parer, l′honorer et le grandir, que les mitres aux évêques, ou les toges aux habiles jurisconsultes. Grondez votre fils, seigneur, s′il fait des satires qui nuisent à la réputation d′autrui ; punissez-le et mettez son ouvrage en pièces. Mais s′il fait des sermons à la manière d′Horace, où il gourmande les vices en général, avec autant d′élégance que l′a fait son devancier, alors louez-le, car il est permis au poëte d′écrire contre l′envie, de déchirer les envieux dans ses vers, et de traiter ainsi tous les autres vices, pourvu qu′il ne désigne aucune personne. Mais il y a des poëtes qui, pour dire une malice, s′exposeraient à se faire exiler dans les îles du Pont< . Si le poëte est chaste dans ses mœurs, il le sera aussi dans ses vers. La plume est la langue de l′âme ; telles pensées engendre l′une, tels écrits trace l′autre. Quand les rois et les princes trouvent la miraculeuse science de la poésie dans des hommes prudents, graves et vertueux, ils les honorent, les estiment, les enrichissent, et les couronnent enfin avec les feuilles de l′arbre que la foudre ne frappe jamais , pour annoncer que personne ne doit faire offense à ceux dont le front est paré de telles couronnes. » | Admirado quedó el del Verde Gabán del razonamiento de don Quijote, y tanto, que fue perdiendo de la opinión que con él tenía, de ser mentecato. Pero, a la mitad desta plática, Sancho, por no ser muy de su gusto, se había desviado del camino a pedir un poco de leche a unos pastores que allí junto estaban ordeñando unas ovejas; y, en esto, ya volvía a renovar la plática el hidalgo, satisfecho en estremo de la discreción y buen discurso de don Quijote, cuando, alzando don Quijote la cabeza, vio que por el camino por donde ellos iban venía un carro lleno de banderas reales; y, creyendo que debía de ser alguna nueva aventura, a grandes voces llamó a Sancho que viniese a darle la celada. El cual Sancho, oyéndose llamar, dejó a los pastores, y a toda priesa picó al rucio, y llegó donde su amo estaba, a quien sucedió una espantosa y desatinada aventura. | L′homme au gaban vert resta tout interdit de la harangue de don Quichotte, au point de perdre peu à peu l′opinion qu′il avait conçue de la maladie de son cerveau. À la moitié de cette dissertation, qui n′était pas fort de son goût, Sancho s′était écarté du chemin pour demander un peu de lait à des bergers qui étaient près de là, occupés à traire leurs brebis. En ce moment l′hidalgo allait reprendre l′entretien, enchanté de l′esprit et du bon sens de don Quichotte, lorsque celui-ci, levant les yeux, vit venir, sur le chemin qu′ils suivaient, un char surmonté de bannières aux armes royales. Croyant que ce devait être quelque nouvelle aventure, il appela Sancho à grands cris pour qu′il vînt lui apporter sa salade. Sancho, qui s′entendit appeler, laissa les bergers, talonna de toutes ses forces le grison, et accourut auprès de son maître, auquel il arriva, comme on va le voir, une insensée et épouvantable aventure.
| II. Capítulo XVII. De donde se declaró el último punto y estremo adonde llegó y pudo llegar el inaudito ánimo de don Quijote, con la felicemente acabada aventura de los leones. | Chapitre XVII Où se manifeste le dernier terme qu′atteignit et que put atteindre la valeur inouî£ de don Quichotte, dans l′heureuse fin qu′il donna à l′aventure des lions Cuenta la historia que cuando don Quijote daba voces a Sancho que le trujese el yelmo, estaba él comprando unos requesones que los pastores le vendían; y, acosado de la mucha priesa de su amo, no supo qué hacer dellos, ni en qué traerlos, y, por no perderlos, que ya los tenía pagados, acordó de echarlos en la celada de su señor, y con este buen recado volvió a ver lo que le quería; el cual, en llegando, le dijo. | L′histoire raconte que, lorsque don Quichotte appelait Sancho pour qu′il lui apportât son armet, l′autre achetait du fromage blanc auprès des bergers. Pressé par les cris de son maître, et ne sachant que faire de ce fromage, ni dans quoi l′emporter, il imagina, pour ne pas le perdre, car il l′avait déjà payé, de le jeter dans la salade de son seigneur ; puis, après cette belle équipée, il revint voir ce que lui voulait don Quichotte, lequel lui dit : | -Dame, amigo, esa celada; que yo sé poco de aventuras, o lo que allí descubro es alguna que me ha de necesitar, y me necesita, a tomar mis armas. | « Donne, ami, donne-moi cette salade ; car, ou je sais peu de chose en fait d′aventures, ou celle que je découvre par là va m′obliger et m′oblige dès à présent à prendre les armes. » | El del Verde Gabán, que esto oyó, tendió la vista por todas partes, y no descubrió otra cosa que un carro que hacia ellos venía, con dos o tres banderas pequeñas, que le dieron a entender que el tal carro debía de traer moneda de Su Majestad, y así se lo dijo a don Quijote; pero él no le dio crédito, siempre creyendo y pensando que todo lo que le sucediese habían de ser aventuras y más aventuras, y así, respondió al hidalgo. | L′homme au gaban vert, qui entendit ces mots, jeta la vue de tous côtés, et ne découvrit autre chose qu′un chariot qui venait à leur rencontre, avec deux ou trois petites banderoles, d′où il conclut que le chariot portait de l′argent du roi. Il fit part de cette pensée à don Quichotte ; mais celui-ci ne voulut point y ajouter foi, toujours persuadé que tout ce qui lui arrivait devait être aventures sur aventures. Il répondit donc à l′hidalgo : | -Hombre apercebido, medio combatido: no se pierde nada en que yo me aperciba, que sé por experiencia que tengo enemigos visibles e invisibles, y no sé cuándo, ni adónde, ni en qué tiempo, ni en qué figuras me han de acometer. | « L′homme prêt au combat s′est à demi battu ; je ne perds rien à m′apprêter, car je sais par expérience que j′ai des ennemis visibles et invisibles ; mais je ne sais ni quand, ni où, ni dans quel temps, ni sous quelles figures ils penseront à m′attaquer. » | Y, volviéndose a Sancho, le pidió la celada; el cual, como no tuvo lugar de sacar los requesones, le fue forzoso dársela como estaba. Tomóla don Quijote, y, sin que echase de ver lo que dentro venía, con toda priesa se la encajó en la cabeza; y, como los requesones se apretaron y exprimieron, comenzó a correr el suero por todo el rostro y barbas de don Quijote, de lo que recibió tal susto, que dijo a Sancho. | Se tournant alors vers Sancho, il lui demanda sa salade ; et celui-ci, qui n′avait pas le temps d′en tirer le fromage, fut obligé de la lui donner comme elle était. Don Quichotte, sans apercevoir ce qu′il y avait dedans, se l′emboîta sur la tête en toute hâte ; mais comme le fromage s′exprimait par la pression, le petit-lait commença à couler sur le visage et sur la barbe de don Quichotte ; ce qui lui causa tant d′effroi qu′il dit à Sancho : | -¿Qué será esto, Sancho, que parece que se me ablandan los cascos, o se me derriten los sesos, o que sudo de los pies a la cabeza? Y si es que sudo, en verdad que no es de miedo; sin duda creo que es terrible la aventura que agora quiere sucederme. Dame, si tienes, con que me limpie, que el copioso sudor me ciega los ojos. | « Qu′est-ce que cela, Sancho ? On dirait que mon crâne s′amollit, ou que ma cervelle fond, ou que je sue des pieds à la tête. S′il est vrai que je sue, par ma foi, ce n′est pas de peur. Sans doute que c′est une terrible aventure, celle qui va m′arriver. Donne-moi, je te prie, quelque chose pour m′essuyer les yeux, car la sueur me coule si fort du front qu′elle m′aveugle. » | Calló Sancho y diole un paño, y dio con él gracias a Dios de que su señor no hubiese caído en el caso. Limpióse don Quijote y quitóse la celada por ver qué cosa era la que, a su parecer, le enfriaba la cabeza, y, viendo aquellas gachas blancas dentro de la celada, las llegó a las narices, y en oliéndolas dijo. | Sancho, sans rien dire, lui donna un mouchoir, et rendit grâce à Dieu de ce que son seigneur n′avait pas deviné le fin mot. Don Quichotte s′essuya, puis ôta sa salade pour voir ce que c′était qui lui faisait froid à la tête. Quand il vit cette bouillie blanche au fond de sa salade, il se l′approcha du nez, et dès qu′il l′eut sentie : | -Por vida de mi señora Dulcinea del Toboso, que son requesones los que aquí me has puesto, traidor, bergante y mal mirado escudero. | « Par la vie de ma dame Dulcinée du Toboso, s′écria-t-il, c′est du fromage mou que tu as mis là-dedans, traître, impudent, écuyer malappris. » | A lo que, con gran flema y disimulación, respondió Sancho. | Sancho répondit avec un grand flegme et une parfaite dissimulation : | -Si son requesones, démelos vuesa merced, que yo me los comeré... Pero cómalos el diablo, que debió de ser el que ahí los puso. ¿Yo había de tener atrevimiento de ensuciar el yelmo de vuesa merced? ¡Hallado le habéis el atrevido! A la fe, señor, a lo que Dios me da a entender, también debo yo de tener encantadores que me persiguen como a hechura y miembro de vuesa merced, y habrán puesto ahí esa inmundicia para mover a cólera su paciencia y hacer que me muela, como suele, las costillas. Pues en verdad que esta vez han dado salto en vago, que yo confío en el buen discurso de mi señor, que habrá considerado que ni yo tengo requesones, ni leche, ni otra cosa que lo valga, y que si la tuviera, antes la pusiera en mi estómago que en la celada. | « Si c′est du fromage blanc, donnez-le-moi, je le mangerai bien ; ou plutôt que le diable le mange, car c′est lui qui l′aura mis là. Est-ce que j′aurais eu l′audace de salir l′armet de Votre Grâce ? Vous avez joliment trouvé le coupable ! Par ma foi, seigneur, à ce que Dieu me fait comprendre, il faut que j′aie aussi des enchanteurs qui me persécutent, comme membre et créature de Votre Grâce. Ils auront mis là ces immondices pour exciter votre patience à la colère, et me faire, selon l′usage, moudre les côtes. Mais, en vérité, pour cette fois, ils auront sauté en l′air, et je me confie assez au bon jugement de mon seigneur, pour croire qu′il aura considéré que je n′ai ni fromage, ni lait, ni rien qui y ressemble, et que si je l′avais, je le mettrais plutôt dans mon estomac que dans la salade. | -Todo puede ser -dijo don Quijote. |  Tout est possible » dit don Quichotte. | Y todo lo miraba el hidalgo, y de todo se admiraba, especialmente cuando, después de haberse limpiado don Quijote cabeza, rostro y barbas y celada, se la encajó; y, afirmándose bien en los estribos, requiriendo la espada y asiendo la lanza, dijo. | Cependant l′hidalgo regardait et s′étonnait, et il s′étonna bien davantage quand don Quichotte, après s′être essuyé la tête, le visage, la barbe et la salade, s′affermit bien sur ses étriers, dégaina à demi son épée, empoigna sa lance, et s′écria : | -Ahora, venga lo que veniere, que aquí estoy con ánimo de tomarme con el mesmo Satanás en persona. | « Maintenant, advienne que pourra ; me voici en disposition d′en venir aux mains avec Satan même en personne. » | Llegó en esto el carro de las banderas, en el cual no venía otra gente que el carretero, en las mulas, y un hombre sentado en la delantera. Púsose don Quijote delante y dijo. | Sur ces entrefaites, le char aux banderoles arriva. Il n′y avait d′autres personnes que le charretier, monté sur ses mules, et un homme assis sur le devant de la voiture. Don Quichotte leur coupa le passage, et leur dit : | -¿Adónde vais, hermanos? ¿Qué carro es éste, qué lleváis en él y qué banderas son aquéstas. | « Où allez-vous, frères ? Qu′est-ce que ce chariot ? Que menez-vous dedans, et quelles sont ces bannières ? » | A lo que respondió el carretero. | Le charretier répondit : | -El carro es mío; lo que va en él son dos bravos leones enjaulados, que el general de Orán envía a la corte, presentados a Su Majestad; las banderas son del rey nuestro señor, en señal que aquí va cosa suya. | « Ce chariot est à moi ; ce que j′y mène, ce sont deux beaux lions dans leurs cages, que le gouverneur d′Oran envoie à la cour pour être offerts à Sa Majesté, et les bannières sont celles du roi, notre seigneur, pour indiquer que c′est quelque chose qui lui appartient. | -Y ¿son grandes los leones? -preguntó don Quijote. |  Les lions sont-ils grands ? demanda don Quichotte. | -Tan grandes -respondió el hombre que iba a la puerta del carro-, que no han pasado mayores, ni tan grandes, de Africa a España jamás; y yo soy el leonero, y he pasado otros, pero como éstos, ninguno. Son hembra y macho; el macho va en esta jaula primera, y la hembra en la de atrás; y ahora van hambrientos porque no han comido hoy; y así, vuesa merced se desvíe, que es menester llegar presto donde les demos de comer. |  Si grands, répondit l′homme qui était juché sur la voiture, que jamais il n′en est venu d′aussi grands d′Afrique en Espagne. Je suis le gardien des lions, et j′en ai conduit bien d′autres, mais comme ceux-là, aucun. Ils sont mâle et femelle ; le lion est dans la cage de devant, la lionne dans celle de derrière, et ils sont affamés maintenant, car ils n′ont rien mangé d′aujourd′hui. Ainsi, que Votre Grâce se détourne, et dépêchons-nous d′arriver où nous puissions leur donner à manger. » | A lo que dijo don Quijote, sonriéndose un poco. | Alors don Quichotte, se mettant à sourire : | -¿Leoncitos a mí? ¿A mí leoncitos, y a tales horas? Pues, ¡por Dios que han de ver esos señores que acá los envían si soy yo hombre que se espanta de leones! Apeaos, buen hombre, y, pues sois el leonero, abrid esas jaulas y echadme esas bestias fuera, que en mitad desta campaña les daré a conocer quién es don Quijote de la Mancha, a despecho y pesar de los encantadores que a mí los envían. | « De petits lions à moi, dit-il, à moi de petits lions ! et à ces heures-ci ? Eh bien ! pardieu, ces seigneurs les nécromants qui les envoient ici vont voir si je suis homme à m′effrayer de lions. Descendez, brave homme ; et, puisque vous êtes le gardien, ouvrez-moi ces cages, et mettez-moi ces bêtes dehors. C′est au milieu de cette campagne que je leur ferai connaître qui est don Quichotte de la Manche, en dépit et à la barbe des enchanteurs qui me les envoient. | -¡Ta, ta! -dijo a esta sazón entre sí el hidalgo-, dado ha señal de quién es nuestro buen caballero: los requesones, sin duda, le han ablandado los cascos y madurado los sesos. |  Ta, ta ! se dit alors l′hidalgo, notre bon chevalier vient de se découvrir. Le fromage blanc lui aura sans doute amolli le crâne et mûri la cervelle. » | Llegóse en esto a él Sancho y díjole. | En ce moment, Sancho accourut auprès de lui. | -Señor, por quien Dios es, que vuesa merced haga de manera que mi señor don Quijote no se tome con estos leones, que si se toma, aquí nos han de hacer pedazos a todos. | « Ah ! seigneur, s′écria-t-il, au nom de Dieu, que Votre Grâce fasse en sorte que mon seigneur don Quichotte ne se batte pas contre ces lions. S′il les attaque, ils nous mettront tous en morceaux. | -Pues, ¿tan loco es vuestro amo -respondió el hidalgo-, que teméis, y creéis que se ha de tomar con tan fieros animales. |  Comment ! votre maître est-il si fou, répondit l′hidalgo, que vous craigniez qu′il ne combatte ces animaux féroces ? | -No es loco -respondió Sancho-, sino atrevido. |  Il n′est pas fou, reprit Sancho, mais audacieux. | -Yo haré que no lo sea -replicó el hidalgo. |  Je ferai en sorte qu′il ne le soit pas à ce point », répliqua l′hidalgo. | Y, llegándose a don Quijote, que estaba dando priesa al leonero que abriese las jaulas, le dijo. | Et, s′approchant de don Quichotte, qui pressait vivement le gardien d′ouvrir les cages, il lui dit : | -Señor caballero, los caballeros andantes han de acometer las aventuras que prometen esperanza de salir bien dellas, y no aquellas que de en todo la quitan; porque la valentía que se entra en la juridición de la temeridad, más tiene de locura que de fortaleza. Cuanto más, que estos leones no vienen contra vuesa merced, ni lo sueñan: van presentados a Su Majestad, y no será bien detenerlos ni impedirles su viaje. | « Seigneur chevalier, les chevaliers errants doivent entreprendre les aventures qui offrent quelque chance de succès, mais non celles qui ôtent toute espérance. La valeur qui va jusqu′à la témérité est plus près de la folie que du courage ; et d′ailleurs, ces lions ne viennent pas contre vous ; ils n′y songent pas seulement. C′est un présent offert à Sa Majesté ; vous feriez mal de les retenir et d′empêcher leur voyage. | -Váyase vuesa merced, señor hidalgo -respondió don Quijote-, a entender con su perdigón manso y con su hurón atrevido, y deje a cada uno hacer su oficio. Éste es el mío, y yo sé si vienen a mí, o no, estos señores leones. |  Allez, seigneur hidalgo, répondit don Quichotte, occupez-vous de votre chien d′arrêt docile ou de votre hardi furet, et laissez chacun faire son métier. Ceci me regarde, et je sais fort bien si c′est pour moi ou pour d′autres que viennent messieurs les lions. » | Y, volviéndose al leonero, le dijo. | Puis, se tournant vers le gardien : | -¡Voto a tal, don bellaco, que si no abrís luego luego las jaulas, que con esta lanza os he de coser con el carro! | « Je jure Dieu, don maraud, lui dit-il, que, si vous n′ouvrez vite et vite ces cages, je vous cloue avec cette lance sur le chariot. » | El carretero, que vio la determinación de aquella armada fantasía, le dijo. | Le charretier, qui vit la résolution de ce fantôme armé en guerre, lui dit alors : | -Señor mío, vuestra merced sea servido, por caridad, dejarme desuncir las mulas y ponerme en salvo con ellas antes que se desenvainen los leones, porque si me las matan, quedaré rematado para toda mi vida; que no tengo otra hacienda sino este carro y estas mulas. | « Que Votre Grâce, mon bon seigneur, veuille bien par charité me laisser dételer mes mules, et gagner avec elles un lieu de sûreté avant que les lions s′échappent. S′ils me les tuaient, je serais perdu le reste de mes jours, car je n′ai d′autre bien que ce chariot et ces mules. | -¡Oh hombre de poca fe! -respondió don Quijote-, apéate y desunce, y haz lo que quisieres, que presto verás que trabajaste en vano y que pudieras ahorrar desta diligencia. | Â Ô homme de peu de foi ! répondit don Quichotte, descends et dételle tes bêtes, et fais ce que tu voudras ; mais tu verras bientôt que tu t′es donné de la peine inutilement, et que tu pouvais fort bien t′épargner celle que tu vas prendre. » | Apeóse el carretero y desunció a gran priesa, y el leonero dijo a grandes voces. | Le charretier sauta par terre, et détela ses mules en toute hâte, tandis que le gardien des lions disait à haute voix : | -Séanme testigos cuantos aquí están cómo contra mi voluntad y forzado abro las jaulas y suelto los leones, y de que protesto a este señor que todo el mal y daño que estas bestias hicieren corra y vaya por su cuenta, con más mis salarios y derechos. Vuestras mercedes, señores, se pongan en cobro antes que abra, que yo seguro estoy que no me han de hacer daño. | « Je vous prends tous à témoin que c′est contre ma volonté et par violence que j′ouvre les cages et que je lâche les lions ; je proteste à ce seigneur que tout le mal et préjudice que pourront faire ces bêtes courra pour son compte, y compris mes salaires et autres droits. Hâtez-vous tous, seigneurs, de vous mettre en sûreté avant que je leur ouvre, car pour moi je suis bien sûr qu′elles ne me feront aucun mal. » | Otra vez le persuadió el hidalgo que no hiciese locura semejante, que era tentar a Dios acometer tal disparate. A lo que respondió don Quijote que él sabía lo que hacía. Respondióle el hidalgo que lo mirase bien, que él entendía que se engañaba. | L′hidalgo essaya une autre fois de persuader à don Quichotte de ne pas faire une semblable folie, lui disant que c′était tenter Dieu que de se lancer en une si extravagante entreprise. Don Quichotte se borna à répondre qu′il savait ce qu′il faisait. « Prenez-y bien garde, reprit l′hidalgo, car moi, je sais que vous vous trompez. | -Ahora, señor -replicó don Quijote-, si vuesa merced no quiere ser oyente desta que a su parecer ha de ser tragedia, pique la tordilla y póngase en salvo. |  Maintenant, seigneur, répliqua don Quichotte, si vous ne voulez pas être spectateur de ce que vous croyez devoir être une tragédie, piquez des deux à la jument pommelée, et mettez-vous en lieu de sûreté. » | Oído lo cual por Sancho, con lágrimas en los ojos le suplicó desistiese de tal empresa, en cuya comparación habían sido tortas y pan pintado la de los molinos de viento y la temerosa de los batanes, y, finalmente, todas las hazañas que había acometido en todo el discurso de su vida. | Lorsque Sancho l′entendit ainsi parler, il vint à son tour, les larmes aux yeux, le supplier d′abandonner cette entreprise, en comparaison de laquelle toutes les autres avaient été pain bénit, celle des moulins à vent, l′effroyable aventure des foulons, enfin tous les exploits qu′il avait accomplis dans le cours de sa vie. | -Mire, señor -decía Sancho-, que aquí no hay encanto ni cosa que lo valga; que yo he visto por entre las verjas y resquicios de la jaula una uña de león verdadero, y saco por ella que el tal león, cuya debe de ser la tal uña, es mayor que una montaña. | « Prenez garde, seigneur, disait Sancho, qu′il n′y a point d′enchantement ici, ni chose qui y ressemble. J′ai vu à travers les grilles et les fentes de la cage une griffe de lion véritable, et j′en conclus que le lion auquel appartient une telle griffe est plus gros qu′une montagne. | -El miedo, a lo menos -respondió don Quijote-, te le hará parecer mayor que la mitad del mundo. Retírate, Sancho, y déjame; y si aquí muriere, ya sabes nuestro antiguo concierto: acudirás a Dulcinea, y no te digo más. |  Allons donc, répondit don Quichotte, la peur te le fera bientôt paraître plus gros que la moitié du monde. Retire-toi, Sancho, et laisse-moi seul. Si je meurs ici, tu connais notre ancienne convention ; tu iras trouver Dulcinée, et je ne t′en dis pas davantage. » | A éstas añadió otras razones, con que quitó las esperanzas de que no había de dejar de proseguir su desvariado intento. Quisiera el del Verde Gabán oponérsele, pero viose desigual en las armas, y no le pareció cordura tomarse con un loco, que ya se lo había parecido de todo punto don Quijote; el cual, volviendo a dar priesa al leonero y a reiterar las amenazas, dio ocasión al hidalgo a que picase la yegua, y Sancho al rucio, y el carretero a sus mulas, procurando todos apartarse del carro lo más que pudiesen, antes que los leones se desembanastasen. | À cela, il ajouta d′autres propos qui ôtèrent toute espérance de le voir abandonner son extravagante résolution. L′homme au gaban vert aurait bien voulu s′y opposer de vive force ; mais ses armes étaient trop inégales, et d′ailleurs il ne lui parut pas prudent de se prendre de querelle avec un fou, comme don Quichotte lui semblait maintenant l′être de tout point. Celui-ci revenant à la charge auprès du gardien et réitérant ses menaces avec violence, l′hidalgo se décida à piquer sa jument, Sancho le grison, et le charretier ses mules, pour s′éloigner tous du chariot le plus qu′ils pourraient, avant que les lions sortissent de leurs cages. | Lloraba Sancho la muerte de su señor, que aquella vez sin duda creía que llegaba en las garras de los leones; maldecía su ventura, y llamaba menguada la hora en que le vino al pensamiento volver a servirle; pero no por llorar y lamentarse dejaba de aporrear al rucio para que se alejase del carro. Viendo, pues, el leonero que ya los que iban huyendo estaban bien desviados, tornó a requerir y a intimar a don Quijote lo que ya le había requerido e intimado, el cual respondió que lo oía, y que no se curase de más intimaciones y requirimientos, que todo sería de poco fruto, y que se diese priesa. | Sancho pleurait la mort de son seigneur, croyant bien que, cette fois, il laisserait la vie sous les griffes du lion ; il maudissait son étoile, il maudissait l′heure où lui était venue la pensée de rentrer à son service ; mais, tout en pleurant et se lamentant, il n′oubliait pas de rosser le grison à tour de bras pour s′éloigner du chariot au plus vite. Quand le gardien des lions vit que ceux qui avaient pris la fuite étaient déjà loin, il recommença ses remontrances et ses intimations à don Quichotte. « Je vous entends, répondit le chevalier, mais trêve d′intimations et de remontrances ; tout cela serait peine perdue, et vous ferez mieux de vous dépêcher. » | En el espacio que tardó el leonero en abrir la jaula primera, estuvo considerando don Quijote si sería bien hacer la batalla antes a pie que a caballo; y, en fin, se determinó de hacerla a pie, temiendo que Rocinante se espantaría con la vista de los leones. Por esto saltó del caballo, arrojó la lanza y embrazó el escudo, y, desenvainando la espada, paso ante paso, con maravilloso denuedo y corazón valiente, se fue a poner delante del carro, encomendándose a Dios de todo corazón, y luego a su señora Dulcinea. | Pendant le temps qu′employa le gardien à ouvrir la première cage, don Quichotte se mit à considérer s′il ne vaudrait pas mieux livrer la bataille à pied qu′à cheval, et, à la fin, il résolut de combattre à pied, dans la crainte que Rossinante ne s′épouvantât à la vue des lions. Aussitôt il saute de cheval, jette sa lance, embrasse son écu, dégaine son épée ; puis, d′un pas assuré et d′un cœur intrépide, s′en va, avec une merveilleuse bravoure, se camper devant le chariot, en se recommandant du fond de l′âme, d′abord à Dieu, puis à sa Dulcinée. | Y es de saber que, llegando a este paso, el autor de esta verdadera historia exclama y dice: ′′¡Oh fuerte y, sobre todo encarecimiento, animoso don Quijote de la Mancha, espejo donde se pueden mirar todos los valientes del mundo, segundo y nuevo don Manuel de León, que fue gloria y honra de los españoles caballeros! ¿Con qué palabras contaré esta tan espantosa hazaña, o con qué razones la haré creíble a los siglos venideros, o qué alabanzas habrá que no te convengan y cuadren, aunque sean hipérboles sobre todos los hipérboles? Tú a pie, tú solo, tú intrépido, tú magnánimo, con sola una espada, y no de las del perrillo cortadoras, con un escudo no de muy luciente y limpio acero, estás aguardando y atendiendo los dos más fieros leones que jamás criaron las africanas selvas. Tus mismos hechos sean los que te alaben, valeroso manchego, que yo los dejo aquí en su punto por faltarme palabras con que encarecerlos′′. | Il faut savoir qu′en arrivant à cet endroit, l′auteur de cette véridique histoire s′écrie dans un transport d′admiration : « Ô vaillant, ô courageux par-dessus toute expression don Quichotte de la Manche ! miroir où peuvent se mirer tous les braves du monde ! nouveau don Manuel Ponce de Léon, qui fut la gloire et l′honneur des chevaliers espagnols ! Avec quelles paroles conterai-je cette prouesse épouvantable ? avec quelles raisons persuasives la rendrai-je croyable aux siècles à venir ? quelles louanges trouverai-je qui puissent convenir et suffire à ta gloire, fussent-elles hyperboles sur hyperboles ? toi à pied, toi seul, toi intrépide, toi magnanime, n′ayant qu′une épée dans une main, et non de ces lames tranchantes marquées au petit chien , dans l′autre un écu, et non d′acier très-propre et très-luisant, tu attends de pied ferme les deux plus formidables lions qu′aient nourris les forêts africaines. Ah ! que tes propres exploits parlent à ta louange, valeureux Manchois ; quant à moi, je les laisse à eux-mêmes, car les paroles me manquent pour les louer dignement. » | Aquí cesó la referida exclamación del autor, y pasó adelante, anudando el hilo de la historia, diciendo que, visto el leonero ya puesto en postura a don Quijote, y que no podía dejar de soltar al león macho, so pena de caer en la desgracia del indignado y atrevido caballero, abrió de par en par la primera jaula, donde estaba, como se ha dicho, el león, el cual pareció de grandeza extraordinaria y de espantable y fea catadura. Lo primero que hizo fue revolverse en la jaula, donde venía echado, y tender la garra, y desperezarse todo; abrió luego la boca y bostezó muy despacio, y, con casi dos palmos de lengua que sacó fuera, se despolvoreó los ojos y se lavó el rostro; hecho esto, sacó la cabeza fuera de la jaula y miró a todas partes con los ojos hechos brasas, vista y ademán para poner espanto a la misma temeridad. Sólo don Quijote lo miraba atentamente, deseando que saltase ya del carro y viniese con él a las manos, entre las cuales pensaba hacerle pedazos. | Ici l′auteur termine l′exclamation qu′on vient de rapporter, et, passant outre, rattache le fil de son histoire. Quand le gardien de la ménagerie, dit-il, vit que don Quichotte s′était mis en posture, et qu′il fallait à toute force lâcher le lion mâle, sous peine d′encourir la disgrâce du colérique et audacieux chevalier, il ouvrit à deux battants la première cage où se trouvait, comme on l′a dit, cet animal, lequel parut d′une grandeur démesurée et d′un épouvantable aspect. La première chose qu′il fit fut de se tourner et retourner dans la cage où il était couché, puis de s′étendre tout de son long en allongeant la patte et en desserrant la griffe. Ensuite il ouvrit la gueule, bâilla lentement, et, tirant deux pieds de langue, il s′en frotta les yeux et s′en lava toute la face. Cela fait, il mit la tête hors de la cage, et regarda de tous côtés avec des yeux ardents comme deux charbons ; regard et geste capables de jeter l′effroi dans le cœur de la témérité même. Don Quichotte seul l′observait attentivement, brûlant du désir que l′animal s′élançât du char et en vînt aux mains avec lui, car il comptait bien le mettre en pièces entre les siennes. | Hasta aquí llegó el estremo de su jamás vista locura. Pero el generoso león, más comedido que arrogante, no haciendo caso de niñerías, ni de bravatas, después de haber mirado a una y otra parte, como se ha dicho, volvió las espaldas y enseñó sus traseras partes a don Quijote, y con gran flema y remanso se volvió a echar en la jaula. Viendo lo cual don Quijote, mandó al leonero que le diese de palos y le irritase para echarle fuera. | Ce fut jusqu′à ce point qu′alla son incroyable folie. Mais le généreux lion, plus courtois qu′arrogant, ne faisant nul cas d′enfantillages et de bravades, après avoir regardé de côté et d′autre, tourna le dos, montra son derrière à don Quichotte, et, avec un sang-froid merveilleux, alla se recoucher dans sa cage. Lorsque don Quichotte vit cela, il ordonna au gardien de prendre un bâton et de l′irriter en le frappant pour le faire sortir. | -Eso no haré yo -respondió el leonero-, porque si yo le instigo, el primero a quien hará pedazos será a mí mismo. Vuesa merced, señor caballero, se contente con lo hecho, que es todo lo que puede decirse en género de valentía, y no quiera tentar segunda fortuna. El león tiene abierta la puerta: en su mano está salir, o no salir; pero, pues no ha salido hasta ahora, no saldrá en todo el día. La grandeza del corazón de vuesa merced ya está bien declarada: ningún bravo peleante, según a mí se me alcanza, está obligado a más que a desafiar a su enemigo y esperarle en campaña; y si el contrario no acude, en él se queda la infamia, y el esperante gana la corona del vencimiento. | « Quant à cela, je n′en ferai rien, s′écria le gardien ; car si je l′excite, le premier qu′il mettra en pièces ce sera moi. Que Votre Grâce, seigneur chevalier, se contente de ce qu′elle a fait ; c′est tout ce qu′on peut dire en fait de vaillance, et n′ayez pas l′envie de tenter une seconde fois la fortune. Le lion a la porte ouverte ; il est libre de sortir ou de rester ; s′il n′est pas encore sorti, il ne sortira pas de toute la journée. Mais Votre Grâce a bien manifesté la grandeur de son âme. Aucun brave, à ce que j′imagine, n′est tenu de faire plus que de défier son ennemi et de l′attendre en rase campagne. Si le provoqué ne vient pas, sur lui tombe l′infamie, et le combattant exact au rendez-vous gagne la couronne de la victoire. | -Así es verdad -respondió don Quijote-: cierra, amigo, la puerta, y dame por testimonio, en la mejor forma que pudieres, lo que aquí me has visto hacer; conviene a saber: cómo tú abriste al león, yo le esperé, él no salió; volvíle a esperar, volvió a no salir y volvióse acostar. No debo más, y encantos afuera, y Dios ayude a la razón y a la verdad, y a la verdadera caballería; y cierra, como he dicho, en tanto que hago señas a los huidos y ausentes, para que sepan de tu boca esta hazaña. |  Au fait, c′est la vérité, répondit don Quichotte ; ferme la porte, mon ami, et donne-moi un certificat, dans la meilleure forme que tu pourras trouver, de ce que tu viens de me voir faire, à savoir ; que tu as ouvert au lion, que je l′ai attendu, qu′il n′est pas sorti, que je l′ai attendu de nouveau, que de nouveau il a refusé de sortir, et qu′il s′est allé recoucher. Je ne dois rien de plus ; arrière les enchantements, et que l′aide de Dieu soit à la raison, à la justice, à la véritable chevalerie ! et ferme la porte, comme je l′ai dit, pendant que je ferai signe aux fuyards, pour qu′ils reviennent apprendre cette prouesse de ta propre bouche. » | Hízolo así el leonero, y don Quijote, poniendo en la punta de la lanza el lienzo con que se había limpiado el rostro de la lluvia de los requesones, comenzó a llamar a los que no dejaban de huir ni de volver la cabeza a cada paso, todos en tropa y antecogidos del hidalgo; pero, alcanzando Sancho a ver la señal del blanco paño, dijo. | Le gardien ne se le fit pas dire deux fois, et don Quichotte, mettant au bout de sa lance le mouchoir avec lequel il avait essuyé sur son visage la pluie du fromage blanc, se mit à appeler ceux qui ne cessaient de fuir et de tourner la tête à chaque pas, tous attroupés autour de l′hidalgo. Sancho aperçut le signal du mouchoir blanc : | -Que me maten si mi señor no ha vencido a las fieras bestias, pues nos llama. | « Qu′on me tue, dit-il, si mon seigneur n′a pas vaincu les bêtes féroces, car il nous appelle. » | Detuviéronse todos, y conocieron que el que hacía las señas era don Quijote; y, perdiendo alguna parte del miedo, poco a poco se vinieron acercando hasta donde claramente oyeron las voces de don Quijote, que los llamaba. Finalmente, volvieron al carro, y, en llegando, dijo don Quijote al carretero. | Ils s′arrêtèrent tous trois et reconnurent que celui qui faisait les signes était bien don Quichotte. Perdant un peu de leur frayeur, ils se rapprochèrent peu à peu jusqu′à ce qu′ils pussent entendre les cris de don Quichotte qui les appelait. Finalement, ils revinrent auprès du chariot, et quand ils arrivèrent, don Quichotte dit au charretier : | -Volved, hermano, a uncir vuestras mulas y a proseguir vuestro viaje; y tú, Sancho, dale dos escudos de oro, para él y para el leonero, en recompensa de lo que por mí se han detenido. | « Allons, frère, attelez vos mules et continuez votre voyage. Et toi, Sancho, donne-lui deux écus d′or, pour lui et pour le gardien des lions, en récompense du temps que je leur ai fait perdre. | -Ésos daré yo de muy buena gana -respondió Sancho-; pero, ¿qué se han hecho los leones? ¿Son muertos, o vivos. |  Je les donnerai de bien bon cœur, répondit Sancho ; mais les lions, que sont-ils devenus ? sont-ils morts ou vifs ? » | Entonces el leonero, menudamente y por sus pausas, contó el fin de la contienda, exagerando, como él mejor pudo y supo, el valor de don Quijote, de cuya vista el león, acobardado, no quiso ni osó salir de la jaula, puesto que había tenido un buen espacio abierta la puerta de la jaula; y que, por haber él dicho a aquel caballero que era tentar a Dios irritar al león para que por fuerza saliese, como él quería que se irritase, mal de su grado y contra toda su voluntad, había permitido que la puerta se cerrase. | Alors le gardien, prenant son temps et ses aises, se mit à conter par le menu la fin de la bataille, exagérant de son mieux la vaillance de don Quichotte. « À la vue du chevalier, dit-il, le lion, intimidé, n′osa pas sortir de la cage, bien que j′aie tenu la porte ouverte un bon espace de temps ; et quand j′ai dit à ce chevalier que c′était tenter Dieu que d′exciter le lion pour l′obliger par force à sortir, comme il voulait que je fisse, ce n′est qu′à son corps défendant et contre sa volonté qu′il m′a permis de fermer la porte. | -¿Qué te parece desto, Sancho? -dijo don Quijote-. ¿Hay encantos que valgan contra la verdadera valentía? Bien podrán los encantadores quitarme la ventura, pero el esfuerzo y el ánimo, será imposible. |  Hein ! que t′en semble, Sancho ? s′écria don Quichotte ; y a-t-il des enchantements qui prévalent contre la véritable valeur ? Les enchanteurs pourront bien m′ôter la bonne chance ; mais le cœur et le courage, je les en défie. » | Dio los escudos Sancho, unció el carretero, besó las manos el leonero a don Quijote por la merced recebida, y prometióle de contar aquella valerosa hazaña al mismo rey, cuando en la corte se viese. | Sancho donna les deux écus, le charretier attela ses bêtes, le gardien baisa les mains à don Quichotte en signe de reconnaissance, et lui promit de conter ce vaillant exploit au roi lui-même quand il le verrait à la cour. | -Pues, si acaso Su Majestad preguntare quién la hizo, diréisle que el Caballero de los Leones, que de aquí adelante quiero que en éste se trueque, cambie, vuelva y mude el que hasta aquí he tenido del Caballero de la Triste Figura; y en esto sigo la antigua usanza de los andantes caballeros, que se mudaban los nombres cuando querían, o cuando les venía a cuento. | « Eh bien, reprit don Quichotte, si par hasard Sa Majesté demande qui l′a fait, vous lui direz que c′est LE CHEVALIER DES LIONS ; car désormais je veux qu′en ce nom se change, se troque et se transforme celui que j′avais jusqu′à présent porté, de Chevalier de la Triste-fre. En cela, je ne fais que suivre l′antique usage des chevaliers errants, qui changeaient de nom quand il leur en prenait fantaisie, ou quand ils y trouvaient leur compte. » | Siguió su camino el carro, y don Quijote, Sancho y el del Verde Gabán prosiguieron el suyo. | Cela dit, le chariot reprit sa route, et don Quichotte, Sancho et l′homme au gaban vert continuèrent la leur. | En todo este tiempo no había hablado palabra don Diego de Miranda, todo atento a mirar y a notar los hechos y palabras de don Quijote, pareciéndole que era un cuerdo loco y un loco que tiraba a cuerdo. No había aún llegado a su noticia la primera parte de su historia; que si la hubiera leído, cesara la admiración en que lo ponían sus hechos y sus palabras, pues ya supiera el género de su locura; pero, como no la sabía, ya le tenía por cuerdo y ya por loco, porque lo que hablaba era concertado, elegante y bien dicho, y lo que hacía, disparatado, temerario y tonto. Y decía entre sí. | Pendant tout ce temps, don Diego de Miranda n′avait pas dit un mot, tant il mettait d′attention à observer les actions et les paroles de don Quichotte, qui lui paraissait un homme sensé atteint de folie, et un fou doué de bon sens. Il n′avait pas encore connaissance de la première partie de son histoire ; car, s′il en eût fait la lecture, il ne serait pas tombé dans cette surprise où le jetaient les actions et les paroles du chevalier, puisqu′il aurait connu de quelle espèce était sa folie. Ne la connaissant pas, il le prenait, tantôt pour un homme sensé, tantôt pour un fou, car ce qu′il disait était raisonnable, élégant, bien exprimé, et ce qu′il faisait, extravagant, téméraire, absurde. L′hidalgo se disait : | -¿Qué más locura puede ser que ponerse la celada llena de requesones y darse a entender que le ablandaban los cascos los encantadores? Y ¿qué mayor temeridad y disparate que querer pelear por fuerza con leones. | « Quelle folie peut-il y avoir plus grande que celle de se mettre sur la tête une salade pleine de fromage blanc, et de s′imaginer que les enchanteurs vous amollissent le crâne ? quelle témérité, quelle extravagance plus grande que de vouloir se battre par force avec des lions ? » | Destas imaginaciones y deste soliloquio le sacó don Quijote, diciéndole: | Don Quichotte le tira de cette rêverie, et coupa court à ce monologue en lui disant : | -¿Quién duda, señor don Diego de Miranda, que vuestra merced no me tenga en su opinión por un hombre disparatado y loco? Y no sería mucho que así fuese, porque mis obras no pueden dar testimonio de otra cosa. Pues, con todo esto, quiero que vuestra merced advierta que no soy tan loco ni tan menguado como debo de haberle parecido. Bien parece un gallardo caballero, a los ojos de su rey, en la mitad de una gran plaza, dar una lanzada con felice suceso a un bravo toro; bien parece un caballero, armado de resplandecientes armas, pasar la tela en alegres justas delante de las damas, y bien parecen todos aquellos caballeros que en ejercicios militares, o que lo parezcan, entretienen y alegran, y, si se puede decir, honran las cortes de sus príncipes; pero sobre todos éstos parece mejor un caballero andante, que por los desiertos, por las soledades, por las encrucijadas, por las selvas y por los montes anda buscando peligrosas aventuras, con intención de darles dichosa y bien afortunada cima, sólo por alcanzar gloriosa fama y duradera. Mejor parece, digo, un caballero andante, socorriendo a una viuda en algún despoblado, que un cortesano caballero, requebrando a una doncella en las ciudades. Todos los caballeros tienen sus particulares ejercicios: sirva a las damas el cortesano; autorice la corte de su rey con libreas; sustente los caballeros pobres con el espléndido plato de su mesa; concierte justas, mantenga torneos y muéstrese grande, liberal y magnífico, y buen cristiano, sobre todo, y desta manera cumplirá con sus precisas obligaciones. Pero el andante caballero busque los rincones del mundo; éntrese en los más intricados laberintos; acometa a cada paso lo imposible; resista en los páramos despoblados los ardientes rayos del sol en la mitad del verano, y en el invierno la dura inclemencia de los vientos y de los yelos; no le asombren leones, ni le espanten vestiglos, ni atemoricen endriagos; que buscar éstos, acometer aquéllos y vencerlos a todos son sus principales y verdaderos ejercicios. Yo, pues, como me cupo en suerte ser uno del número de la andante caballería, no puedo dejar de acometer todo aquello que a mí me pareciere que cae debajo de la juridición de mis ejercicios; y así, el acometer los leones que ahora acometí derechamente me tocaba, puesto que conocí ser temeridad esorbitante, porque bien sé lo que es valentía, que es una virtud que está puesta entre dos estremos viciosos, como son la cobardía y la temeridad; pero menos mal será que el que es valiente toque y suba al punto de temerario, que no que baje y toque en el punto de cobarde; que así como es más fácil venir el pródigo a ser liberal que al avaro, así es más fácil dar el temerario en verdadero valiente que no el cobarde subir a la verdadera valentía; y, en esto de acometer aventuras, créame vuesa merced, señor don Diego, que antes se ha de perder por carta de más que de menos, porque mejor suena en las orejas de los que lo oyen "el tal caballero es temerario y atrevido" que no "el tal caballero es tímido y cobarde". | « Je parierais, seigneur don Diego de Miranda, que Votre Grâce me tient dans son opinion pour un homme insensé, pour un fou. Et vraiment, je ne m′en étonnerais pas, car mes œuvres ne peuvent rendre témoignage d′autre chose. Eh bien, je veux pourtant faire observer à Votre Grâce que je ne suis pas aussi fou, pas aussi timbré que je dois en avoir l′air. Il sied bien à un brillant chevalier de donner, au milieu de la place, et sous les yeux de son roi, un coup de lance à un brave taureau ; il sied bien à un chevalier, couvert d′armes resplendissantes, de parcourir la lice devant les dames, dans de joyeux tournois ; il sied bien enfin à tous ces chevaliers d′amuser la cour de leurs princes, et de l′honorer, si l′on peut ainsi dire, par tous ces exercices en apparence militaires. Mais il sied bien mieux encore à un chevalier errant d′aller par les solitudes, les déserts, les croisières de chemins, les forêts et les montagnes, chercher de périlleuses aventures avec le désir de leur donner une heureuse issue, seulement pour acquérir une célébrité glorieuse et durable. Il sied mieux, dis-je, à un chevalier errant de secourir une veuve dans quelque désert inhabitable, qu′à un chevalier de cour de séduire une jeune fille dans le sein des cités. Tous les chevaliers, d′ailleurs, ont leurs exercices particuliers. Que celui de cour serve les dames, qu′il rehausse par ses livrées la cour de son roi, qu′il défraye les gentilshommes pauvres au splendide service de sa table, qu′il porte un défi dans une joute, qu′il soit tenant dans un tournoi , qu′il se montre grand, libéral, magnifique, et surtout bon chrétien ; alors il remplira convenablement son devoir. Mais que le chevalier errant cherche les extrémités du monde, qu′il pénètre dans les labyrinthes les plus inextricables, qu′il affronte à chaque pas l′impossible, qu′il résiste, au milieu des déserts, aux ardents rayons du soleil dans la canicule, et, pendant l′hiver, à l′âpre inclémence des vents et de la gelée, qu′il ne s′effraye pas des lions, qu′il ne tremble pas en face des vampires et des andriaques ; car chercher ceux-ci, braver ceux-là, et les vaincre tous, voilà ses principaux et véritables exercices. Moi donc, puisqu′il m′est échu en partage d′être membre de la chevalerie errante, je ne puis me dispenser d′entreprendre tout ce qui me semble tomber sous la juridiction de ma profession. Ainsi, il m′appartenait directement d′attaquer ces lions tout à l′heure, quoique je connusse que c′était une témérité sans bornes. Je sais bien, en effet, ce que c′est que la valeur ; c′est une vertu placée entre deux vices extrêmes, la lâcheté et la témérité. Mais il est moins mal à l′homme vaillant de monter jusqu′à toucher le point où il serait téméraire, que de descendre jusqu′à toucher le point où il serait lâche. Car, ainsi qu′il est plus facile au prodigue qu′à l′avare de devenir libéral, il est plus facile au téméraire de se faire véritablement brave, qu′au lâche de monter à la véritable valeur. Quant à ce qui est d′affronter des aventures, croyez-moi, seigneur don Diego, il y a plus à perdre en reculant qu′en avançant ; car lorsqu′on dit : « Ce chevalier est audacieux et téméraire », cela résonne mieux aux oreilles des gens que de dire : « Ce chevalier est timide et poltron. » | -Digo, señor don Quijote -respondió don Diego-, que todo lo que vuesa merced ha dicho y hecho va nivelado con el fiel de la misma razón, y que entiendo que si las ordenanzas y leyes de la caballería andante se perdiesen, se hallarían en el pecho de vuesa merced como en su mismo depósito y archivo. Y démonos priesa, que se hace tarde, y lleguemos a mi aldea y casa, donde descansará vuestra merced del pasado trabajo, que si no ha sido del cuerpo, ha sido del espíritu, que suele tal vez redundar en cansancio del cuerpo. |  J′affirme, seigneur don Quichotte, répondit don Diego, que tout ce qu′a dit et fait Votre Grâce est tiré au cordeau de la droite raison, et je suis convaincu que, si les lois et les règlements de la chevalerie venaient à se perdre, ils se retrouveraient dans votre cœur, comme dans leur dépôt naturel et leurs propres archives. Mais pressons-nous un peu, car il serait tard, d′arriver à mon village et à ma maison ; là, Votre Grâce se reposera du travail passé, qui, s′il n′a pas fatigué le corps, a du moins fatigué l′esprit, ce qui cause aussi d′habitude la fatigue du corps. | -Tengo el ofrecimiento a gran favor y merced, señor don Diego- respondió don Quijote. |  Je tiens l′invitation à grand honneur et grand′merci, seigneur don Diego », répondit don Quichotte. | Y, picando más de lo que hasta entonces, serían como las dos de la tarde cuando llegaron a la aldea y a la casa de don Diego, a quien don Quijote llamaba el Caballero del Verde Gabán. | Ils se mirent alors à piquer leurs montures un peu plus qu′auparavant, et il pouvait être deux heures de l′après-midi quand ils arrivèrent à la maison de don Diego, que don Quichotte appelait le chevalier du Gaban-Vert.
| II. Capítulo XVIII. De lo que sucedió a don Quijote en el castillo o casa del Caballero del Verde Gabán, con otras cosas extravagantes. | Chapitre XVIII De ce qui arriva à don Quichotte dans le château ou la maison du chevalier du Gaban-Vert, ainsi que d′autres choses extravagantes Halló don Quijote ser la casa de don Diego de Miranda ancha como de aldea; las armas, empero, aunque de piedra tosca, encima de la puerta de la calle; la bodega, en el patio; la cueva, en el portal, y muchas tinajas a la redonda, que, por ser del Toboso, le renovaron las memorias de su encantada y transformada Dulcinea; y sospirando, y sin mirar lo que decía, ni delante de quién estaba, dijo: | Don Quichotte trouva la maison de don Diego spacieuse, comme elles le sont à la campagne, avec les armes sculptées en pierre brute sur la porte d′entrée ; la cave s′ouvrant dans la cour, et, sous le portail, plusieurs grandes cruches de terre à garder le vin, rangées en rond. Comme ces cruches se fabriquent au Toboso, elles lui rappelèrent le souvenir de sa dame enchantée ; et, soupirant aussitôt, sans prendre garde à ce qu′il disait ni à ceux qui pouvaient l′entendre, il s′écria : | -¡Oh dulces prendas, por mi mal halladas. | « Ô doux trésor, trouvé pour mon malheur ! | dulces y alegres cuando Dios quería. | doux et joyeux quand Dieu le voulait bien ! | ¡Oh tobosescas tinajas, que me habéis traído a la memoria la dulce prenda de mi mayor amargura. | Ô cruches tobosines, qui avez rappelé à mon souvenir le doux trésor de mon amer chagrin ! » | Oyóle decir esto el estudiante poeta, hijo de don Diego, que con su madre había salido a recebirle, y madre y hijo quedaron suspensos de ver la estraña figura de don Quijote; el cual, apeándose de Rocinante, fue con mucha cortesía a pedirle las manos para besárselas, y don Diego dijo. | Ces exclamations furent entendues de l′étudiant poëte, fils de don Diego, qui était venu le recevoir avec sa mère ; et la mère et le fils restèrent interdits devant l′étrange figure de don Quichotte. Celui-ci, mettant pied à terre, alla avec une courtoisie parfaite demander à la dame ses mains à baiser, et don Diego lui dit : | -Recebid, señora, con vuestro sólito agrado al señor don Quijote de la Mancha, que es el que tenéis delante, andante caballero y el más valiente y el más discreto que tiene el mundo. | « Recevez, madame, avec votre bonne grâce accoutumée, le seigneur don Quichotte de la Manche, que je vous présente, chevalier errant de profession, et le plus vaillant, le plus discret qui soit au monde. » | La señora, que doña Cristina se llamaba, le recibió con muestras de mucho amor y de mucha cortesía, y don Quijote se le ofreció con asaz de discretas y comedidas razones. Casi los mismos comedimientos pasó con el estudiante, que, en oyéndole hablar don Quijote, le tuvo por discreto y agudo. | La dame, qui se nommait doña Cristina, le reçut avec de grands témoignages de politesse et de bienveillance, tandis que don Quichotte s′offrait à son service avec les expressions les plus choisies et les plus courtoises. Il répéta presque les mêmes cérémonies avec l′étudiant, que don Quichotte, en l′écoutant parler, tint pour un jeune homme de sens et d′esprit. | Aquí pinta el autor todas las circunstancias de la casa de don Diego, pintándonos en ellas lo que contiene una casa de un caballero labrador y rico; pero al traductor desta historia le pareció pasar estas y otras semejantes menudencias en silencio, porque no venían bien con el propósito principal de la historia, la cual más tiene su fuerza en la verdad que en las frías digresiones. | Ici, l′auteur de cette histoire décrit avec tous ses détails la maison de don Diego, peignant dans cette description tout ce que contient la maison d′un riche gentilhomme campagnard. Mais le traducteur a trouvé bon de passer ces minuties sous silence, parce qu′elles ne vont pas bien à l′objet principal de l′histoire, laquelle tire plus de force de la vérité que de froides digressions. | Entraron a don Quijote en una sala, desarmóle Sancho, quedó en valones y en jubón de camuza, todo bisunto con la mugre de las armas: el cuello era valona a lo estudiantil, sin almidón y sin randas; los borceguíes eran datilados, y encerados los zapatos. Ciñóse su buena espada, que pendía de un tahalí de lobos marinos; que es opinión que muchos años fue enfermo de los riñones; cubrióse un herreruelo de buen paño pardo; pero antes de todo, con cinco calderos, o seis, de agua, que en la cantidad de los calderos hay alguna diferencia, se lavó la cabeza y rostro, y todavía se quedó el agua de color de suero, merced a la golosina de Sancho y a la compra de sus negros requesones, que tan blanco pusieron a su amo. Con los referidos atavíos, y con gentil donaire y gallardía, salió don Quijote a otra sala, donde el estudiante le estaba esperando para entretenerle en tanto que las mesas se ponían; que, por la venida de tan noble huésped, quería la señora doña Cristina mostrar que sabía y podía regalar a los que a su casa llegasen. | On fit entrer don Quichotte dans une salle où Sancho le désarma, et il resta en chausses à la vallonne et en pourpoint de chamois tout souillé de la moisissure des armes. Il portait un collet vallon, à la façon des étudiants, sans amidon ni dentelle ; ses brodequins étaient jaunes et ses souliers enduits de cire. Il passa sur l′épaule sa bonne épée, qui pendait à un baudrier de peau de loup marin, et qu′il ne ceignait pas autour de son corps, parce qu′il fut, dit-on, malade des reins pendant de longues années. Il jeta enfin sur son dos un petit manteau de bon drap brun. Mais, avant toutes choses, dans cinq ou six chaudronnées d′eau (car sur la quantité des chaudronnées il y a quelque différence) il se lava la tête et le visage, et pourtant la dernière eau restait encore couleur de petit-lait, grâce à la gourmandise de Sancho et à l′acquisition du fatal fromage blanc qui avait si bien barbouillé son maître. Paré de ces beaux atours, et prenant une contenance aimable et dégagée, don Quichotte entra dans une autre pièce, où l′attendait l′étudiant pour lui faire compagnie jusqu′à ce que la table fût mise ; car, pour la venue d′un si noble hôte, madame Doña Christina avait voulu montrer qu′elle savait bien recevoir ceux qui arrivaient chez elle. | En tanto que don Quijote se estuvo desarmando, tuvo lugar don Lorenzo, que así se llamaba el hijo de don Diego, de decir a su padre. | Pendant que don Quichotte se désarmait, don Lorenzo (ainsi se nommait le fils de don Diego) eut le temps de dire à son père : | -¿Quién diremos, señor, que es este caballero que vuesa merced nos ha traído a casa? Que el nombre, la figura, y el decir que es caballero andante, a mí y a mi madre nos tiene suspensos. | « Que faut-il penser, seigneur, de ce gentilhomme que Votre Grâce vient de nous amener à la maison ? Son nom, sa figure, et ce que vous dites qu′il est chevalier errant, nous ont jetés, ma mère et moi, dans une grande surprise. | -No sé lo que te diga, hijo -respondió don Diego-; sólo te sabré decir que le he visto hacer cosas del mayor loco del mundo, y decir razones tan discretas que borran y deshacen sus hechos: háblale tú, y toma el pulso a lo que sabe, y, pues eres discreto, juzga de su discreción o tontería lo que más puesto en razón estuviere; aunque, para decir verdad, antes le tengo por loco que por cuerdo. | Â Je n′en sais vraiment rien, mon fils, répliqua don Diego. Tout ce que je puis dire, c′est que je l′ai vu faire des choses dignes du plus grand fou du monde, et tenir des propos si raisonnables qu′ils effaçaient ses actions. Mais parle-lui toi-même, tâte le pouls à sa science, et, puisque tu es spirituel, juge de son esprit ou de sa sottise le plus convenablement possible, bien qu′à vrai dire, je le tienne plutôt pour fou que pour sage. » | Con esto, se fue don Lorenzo a entretener a don Quijote, como queda dicho, y, entre otras pláticas que los dos pasaron, dijo don Quijote a don Lorenzo. | Après cela, don Lorenzo alla, comme on l′a dit, faire compagnie à don Quichotte, et, dans la conversation qu′ils eurent ensemble, don Quichotte dit, entre autres choses, à don Lorenzo : | -El señor don Diego de Miranda, padre de vuesa merced, me ha dado noticia de la rara habilidad y sutil ingenio que vuestra merced tiene, y, sobre todo, que es vuesa merced un gran poeta. | « Le seigneur don Diego de Miranda, père de Votre Grâce, m′a fait part du rare talent et de l′esprit ingénieux que vous possédez ; il m′a dit surtout que Votre Grâce est un grand poëte. | -Poeta, bien podrá ser -respondió don Lorenzo-, pero grande, ni por pensamiento. Verdad es que yo soy algún tanto aficionado a la poesía y a leer los buenos poetas, pero no de manera que se me pueda dar el nombre de grande que mi padre dice. | Â Poëte, c′est possible, répondit don Lorenzo ; mais grand, je ne m′en flatte pas. La vérité est que je suis quelque peu amateur de la poésie, et que j′aime à lire les bons poëtes ; mais ce n′est pas une raison pour qu′on me donne le nom de grand poëte, comme a dit mon père. | -No me parece mal esa humildad -respondió don Quijote-, porque no hay poeta que no sea arrogante y piense de sí que es el mayor poeta del mundo. | Â Cette humilité me plaît, répondit don Quichotte, car il n′y a pas de poëte qui ne soit arrogant et ne pense de lui-même qu′il est le premier poëte du monde. | -No hay regla sin excepción -respondió don Lorenzo-, y alguno habrá que lo sea y no lo piense. | Â Il n′y a pas non plus de règle sans exception, reprit don Lorenzo, et tel peut se rencontrer qui soit poëte et ne pense pas l′être. | -Pocos -respondió don Quijote-; pero dígame vuesa merced: ¿qué versos son los que agora trae entre manos, que me ha dicho el señor su padre que le traen algo inquieto y pensativo? Y si es alguna glosa, a mí se me entiende algo de achaque de glosas, y holgaría saberlos; y si es que son de justa literaria, procure vuestra merced llevar el segundo premio, que el primero siempre se lleva el favor o la gran calidad de la persona, el segundo se le lleva la mera justicia, y el tercero viene a ser segundo, y el primero, a esta cuenta, será el tercero, al modo de las licencias que se dan en las universidades; pero, con todo esto, gran personaje es el nombre de primero. | Â Peu sont dans ce cas, répondit don Quichotte ; mais dites-moi, je vous prie, quels sont les vers que vous avez maintenant sur le métier, et qui vous tiennent, à ce que m′a dit votre père, un peu soucieux et préoccupé. Si c′est quelque glose, par hasard, je m′entends assez bien en fait de gloses, et je serais enchanté de les voir. S′il s′agit d′une joute littéraire< , que Votre Grâce tâche d′avoir le second prix ; car le premier se donne toujours à la faveur ou à la qualité de la personne, tandis que le second ne s′obtient que par stricte justice, de manière que le troisième devient le second, et que le premier, à ce compte, n′est plus que le troisième, à la façon des licences qui se donnent dans les universités. Mais, cependant, c′est une grande chose que le nom de premier prix. | -Hasta ahora -dijo entre sí don Lorenzo-, no os podré yo juzgar por loco; vamos adelante. | Â Jusqu′à présent, se dit tout bas don Lorenzo, je ne puis vous prendre pour fou ; continuons. | Y díjole. | Il me semble, dit-il, | -Paréceme que vuesa merced ha cursado las escuelas: ¿qué ciencias ha oído. | que Votre Grâce a fréquenté les écoles ; quelles sciences avez-vous étudiées ? | -La de la caballería andante -respondió don Quijote-, que es tan buena como la de la poesía, y aun dos deditos más. | Â Celle de la chevalerie errante, répondit don Quichotte, qui est aussi haute que celle de la poésie, et qui la passe même d′au moins deux doigts. | -No sé qué ciencia sea ésa -replicó don Lorenzo-, y hasta ahora no ha llegado a mi noticia. | Â Je ne sais quelle est cette science, répliqua don Lorenzo, et jusqu′à présent je n′en avais pas ouí°arler. | -Es una ciencia -replicó don Quijote- que encierra en sí todas o las más ciencias del mundo, a causa que el que la profesa ha de ser jurisperito, y saber las leyes de la justicia distributiva y comutativa, para dar a cada uno lo que es suyo y lo que le conviene; ha de ser teólogo, para saber dar razón de la cristiana ley que profesa, clara y distintamente, adondequiera que le fuere pedido; ha de ser médico y principalmente herbolario, para conocer en mitad de los despoblados y desiertos las yerbas que tienen virtud de sanar las heridas, que no ha de andar el caballero andante a cada triquete buscando quien se las cure; ha de ser astrólogo, para conocer por las estrellas cuántas horas son pasadas de la noche, y en qué parte y en qué clima del mundo se halla; ha de saber las matemáticas, porque a cada paso se le ofrecerá tener necesidad dellas; y, dejando aparte que ha de estar adornado de todas las virtudes teologales y cardinales, decendiendo a otras menudencias, digo que ha de saber nadar como dicen que nadaba el peje Nicolás o Nicolao; ha de saber herrar un caballo y aderezar la silla y el freno; y, volviendo a lo de arriba, ha de guardar la fe a Dios y a su dama; ha de ser casto en los pensamientos, honesto en las palabras, liberal en las obras, valiente en los hechos, sufrido en los trabajos, caritativo con los menesterosos, y, finalmente, mantenedor de la verdad, aunque le cueste la vida el defenderla. De todas estas grandes y mínimas partes se compone un buen caballero andante; porque vea vuesa merced, señor don Lorenzo, si es ciencia mocosa lo que aprende el caballero que la estudia y la profesa, y si se puede igualar a las más estiradas que en los ginasios y escuelas se enseñan. | Â C′est une science, repartit don Quichotte, qui renferme en elle toutes les sciences du monde. En effet, celui qui la professe doit être jurisconsulte et connaître les lois de la justice distributive et commutative, pour rendre à chacun ce qui lui appartient. Il doit être théologien, pour savoir donner clairement raison de la foi chrétienne qu′il professe, en quelque part qu′elle lui soit demandée. Il doit être médecin, et surtout botaniste, pour connaître, au milieu des déserts et des lieux inhabités, les herbes qui ont la vertu de guérir les blessures, car le chevalier errant ne doit pas chercher à tout bout de champ quelqu′un pour le panser. Il doit être astronome, pour connaître par les étoiles combien d′heures de la nuit sont passées, sous quel climat, en quelle partie du monde il se trouve. Il doit savoir les mathématiques, car à chaque pas il aura besoin d′elles ; et laissant de côté, comme bien entendu, qu′il doit être orné de toutes les vertus théologales et cardinales, je passe à d′autres bagatelles, et je dis qu′il doit savoir nager comme on dit que nageait le poisson Nicolas< . Il doit savoir ferrer un cheval, mettre la selle et la bride ; et, remontant aux choses d′en haut, il doit garder sa foi à Dieu et à sa dame<< ; il doit être chaste dans les pensées, décent dans les paroles, libéral dans les œuvres, vaillant dans les actions, patient dans les peines, charitable avec les nécessiteux, et finalement, demeurer le ferme champion de la vérité, dût-il, pour la défendre, exposer et perdre la vie. De toutes ces grandes et petites qualités se compose un bon chevalier errant ; voyez maintenant, seigneur don Lorenzo, si c′est une science à la bavette, celle qu′apprend le chevalier qui l′étudie pour en faire sa profession, et si elle peut se mettre au niveau des plus huppées que l′on enseigne dans les gymnases et les écoles ! | -Si eso es así -replicó don Lorenzo-, yo digo que se aventaja esa ciencia a todas. | Â S′il en était ainsi, répondit don Lorenzo, je dirais que cette science l′emporte sur toutes les autres. | -¿Cómo si es así? -respondió don Quijote. | Â Comment, s′il en était ainsi ? répliqua don Quichotte. | Lo que yo quiero decir -dijo don Lorenzo- es que dudo que haya habido, ni que los hay ahora, caballeros andantes y adornados de virtudes tantas. | Â Ce que je veux dire, reprit don Lorenzo, c′est que je doute qu′il y ait eu et qu′il y ait à cette heure des chevaliers errants, et surtout parés de tant de vertus. | -Muchas veces he dicho lo que vuelvo a decir ahora -respondió don Quijote-: que la mayor parte de la gente del mundo está de parecer de que no ha habido en él caballeros andantes; y, por parecerme a mí que si el cielo milagrosamente no les da a entender la verdad de que los hubo y de que los hay, cualquier trabajo que se tome ha de ser en vano, como muchas veces me lo ha mostrado la experiencia, no quiero detenerme agora en sacar a vuesa merced del error que con los muchos tiene; lo que pienso hacer es el rogar al cielo le saque dél, y le dé a entender cuán provechosos y cuán necesarios fueron al mundo los caballeros andantes en los pasados siglos, y cuán útiles fueran en el presente si se usaran; pero triunfan ahora, por pecados de las gentes, la pereza, la ociosidad, la gula y el regalo. | Â J′ai déjà dit bien des fois ce que je vais répéter, répondit don Quichotte ; c′est que la plupart des gens de ce monde sont d′avis qu′il n′y a pas eu de chevaliers errants ; et comme je suis d′avis que, si le ciel ne leur fait miraculeusement entendre cette vérité, qu′il y en eut et qu′il y en a, toute peine serait prise inutilement, ainsi que me l′a maintes fois prouvé l′expérience, je ne veux pas m′arrêter maintenant à tirer Votre Grâce de l′erreur qu′elle partage avec tant d′autres. Ce que je pense faire, c′est prier le ciel qu′il vous en tire et vous fasse comprendre combien furent véritables et nécessaires au monde les chevaliers errants, dans les siècles passés, et combien ils seraient utiles dans le siècle présent, s′ils étaient encore de mise. Mais aujourd′hui triomphent, pour les péchés du monde, la paresse, l′oisiveté, la gourmandise et la mollesse. | -Escapado se nos ha nuestro huésped -dijo a esta sazón entre sí don Lorenzo-, pero, con todo eso, él es loco bizarro, y yo sería mentecato flojo si así no lo creyese. | Â Voilà que notre hôte nous échappe, s′écria tout bas don Lorenzo ; mais pourtant c′est un fou remarquable, et je serais moi-même un sot de n′en pas avoir cette opinion. » | Aquí dieron fin a su plática, porque los llamaron a comer. Preguntó don Diego a su hijo qué había sacado en limpio del ingenio del huésped. A lo que él respondió. | Là se termina leur entretien, parce qu′on les appela pour dîner. Don Diego demanda à son fils ce qu′il avait pu tirer au net de l′esprit de son hôte : | -No le sacarán del borrador de su locura cuantos médicos y buenos escribanos tiene el mundo: él es un entreverado loco, lleno de lúcidos intervalos. | « Je défie, répondit le jeune homme, tous les médecins et tous les copistes de rien tirer du brouillon de sa folie. C′est un fou pour ainsi dire entrelardé, qui a des intervalles lucides. » | Fuéronse a comer, y la comida fue tal como don Diego había dicho en el camino que la solía dar a sus convidados: limpia, abundante y sabrosa; pero de lo que más se contentó don Quijote fue del maravilloso silencio que en toda la casa había, que semejaba un monasterio de cartujos. Levantados, pues, los manteles, y dadas gracias a Dios y agua a las manos, don Quijote pidió ahincadamente a don Lorenzo dijese los versos de la justa literaria; a lo que él respondió que, por no parecer de aquellos poetas que cuando les ruegan digan sus versos los niegan y cuando no se los piden los vomitan,. . | On se mit à table, et le dîner fut, comme don Diego avait dit en chemin qu′il avait coutume de l′offrir à ses convives, bien servi, abondant et savoureux. Mais ce qui enchanta le plus don Quichotte, ce fut le merveilleux silence qu′on gardait dans toute la maison, qui ressemblait à un couvent de chartreux. Quand on eut enlevé la nappe, récité les grâces et jeté de l′eau sur les mains, don Quichotte pria instamment don Lorenzo de lui dire les vers de la joute littéraire. L′étudiant répondit : « Pour ne pas ressembler à ces poëtes qui, lorsqu′on leur demande de réciter leurs vers, s′y refusent, et, quand on ne les leur demande pas, nous les jettent au nez, | -...yo diré mi glosa, de la cual no espero premio alguno, que sólo por ejercitar el ingenio la he hecho. | je dirai ma glose, de laquelle je n′espère aucun prix, car c′est uniquement comme exercice d′esprit que je l′ai faite. | -Un amigo y discreto -respondió don Quijote- era de parecer que no se había de cansar nadie en glosar versos; y la razón, decía él, era que jamás la glosa podía llegar al texto, y que muchas o las más veces iba la glosa fuera de la intención y propósito de lo que pedía lo que se glosaba; y más, que las leyes de la glosa eran demasiadamente estrechas: que no sufrían interrogantes, ni dijo, ni diré, ni hacer nombres de verbos, ni mudar el sentido, con otras ataduras y estrechezas con que van atados los que glosan, como vuestra merced debe de saber. | Â Un de mes amis, homme habile, reprit don Quichotte, était d′avis qu′il ne fallait fatiguer personne à gloser des vers. La raison, disait-il, c′est que jamais la glose ne peut atteindre au texte, et que la plupart du temps elle s′éloigne de son sens et de son objet ; que d′ailleurs les lois de la glose sont trop sévères, qu′elles ne souffrent ni interrogations, ni les mots dit-il ou dirais-je, qu′elles ne permettent ni de faire avec les verbes des substantifs, ni de changer le sens du propre au figuré, et qu′enfin elles contiennent foule d′entraves et de difficultés qui enchaînent et embarrassent les glossateurs, comme Votre Grâce doit parfaitement le savoir. | -Verdaderamente, señor don Quijote -dijo don Lorenzo-, que deseo coger a vuestra merced en un mal latín continuado, y no puedo, porque se me desliza de entre las manos como anguila. | Â En vérité, seigneur don Quichotte, dit don Lorenzo, je voudrais prendre Votre Grâce dans une erreur soutenue et répétée ; mais je ne puis, car vous me glissez des mains comme une anguille. | -No entiendo -respondió don Quijote- lo que vuestra merced dice ni quiere decir en eso del deslizarme. | Â Je n′entends pas, répondit don Quichotte, ce que dit ni ce que veut dire Votre Grâce par ces mots, que je lui glisse des mains. | -Yo me daré a entender -respondió don Lorenzo-; y por ahora esté vuesa merced atento a los versos glosados y a la glosa, que dicen desta manera:. | Â Je me ferai bientôt entendre, répliqua don Lorenzo ; mais maintenant, que Votre Grâce veuille bien écouter les vers glosés et la glose. Les voici : | ¡Si mi fue tornase a es, sin esperar más será, o viniese el tiempo ya de lo que será después...!
Glosa. Al fin, como todo pasa, se pasó el bien que me dio Fortuna, un tiempo no escasa, y nunca me le volvió, ni abundante, ni por tasa. Siglos ha ya que me vees, Fortuna, puesto a tus pies; vuélveme a ser venturoso, que será mi ser dichoso si mi fue tornase a es. No quiero otro gusto o gloria, otra palma o vencimiento, otro triunfo, otra vitoria, sino volver al contento que es pesar en mi memoria. Si tú me vuelves allá, Fortuna, templado está todo el rigor de mi fuego, y más si este bien es luego, sin esperar más será. Cosas imposibles pido, pues volver el tiempo a ser después que una vez ha sido, no hay en la tierra poder que a tanto se haya estendido. Corre el tiempo, vuela y va ligero, y no volverá, y erraría el que pidiese, o que el tiempo ya se fuese, o volviese el tiempo ya. Vivo en perpleja vida, ya esperando, ya temiendo: es muerte muy conocida, y es mucho mejor muriendo buscar al dolor salida. A mí me fuera interés acabar, mas no lo es, pues, con discurso mejor, me da la vida el temor de lo que será después. | Si pour moi ce qui fut revient à être, Je n′aurai plus besoin d′espérer Ou bien que le temps vienne déjà De ce qui doit ensuite advenir.< GLOSE « À la fin, comme tout passe, s′est passé aussi le bien qu′en un temps m′avait donné la Fortune libérale. Mais elle ne me l′a plus rendu, ni en abondance, ni avec épargne. Il y a des siècles que tu me vois, Fortune, prosterné à tes pieds ; rends-moi mon bonheur passé, et je serai pleinement heureux, si pour moi ce qui fut revient à être. « Je ne veux d′autre plaisir ni d′autre gloire, d′autre palme, d′autre victoire ni d′autre triomphe, que de retrouver le contentement, qui est une peine dans ma mémoire. Si tu me ramènes à ce point, Fortune, à l′instant se calmera toute l′ardeur de mon feu, et surtout si ce bien vient sur-le-champ, je n′aurai plus besoin d′espérer. « Je demande des choses impossibles, car que le temps revienne à être ce qu′une fois il a été, c′est une chose à laquelle aucun pouvoir sur la terre n′est encore parvenu. Le temps court, il vole, il part légèrement pour ne plus revenir, et l′on se tromperait en pensant ou que déjà le temps fût passé, ou bien que le temps vienne déjà. « Vivre en continuelle perplexité, tantôt avec l′espoir, tantôt avec la crainte, c′est une mort manifeste, et il vaut mieux, en mourant, chercher une issue à la douleur. Mon intérêt serait d′en finir ; mais il n′en est pas ainsi, car, par une meilleure réflexion, ce qui me rend la vie, c′est la crainte de ce qui doit ensuite advenir. » En acabando de decir su glosa don Lorenzo, se levantó en pie don Quijote, y, en voz levantada, que parecía grito, asiendo con su mano la derecha de don Lorenzo, dijo. | Quand don Lorenzo eut achevé de débiter sa glose, don Quichotte se leva tout debout, et, lui saisissant la main droite, il s′écria, d′une voix haute qui ressemblait à des cris : | -¡Viven los cielos donde más altos están, mancebo generoso, que sois el mejor poeta del orbe, y que merecéis estar laureado, no por Chipre ni por Gaeta, como dijo un poeta, que Dios perdone, sino por las academias de Atenas, si hoy vivieran, y por las que hoy viven de París, Bolonia y Salamanca! Plega al cielo que los jueces que os quitaren el premio primero, Febo los asaetee y las Musas jamás atraviesen los umbrales de sus casas. Decidme, señor, si sois servido, algunos versos mayores, que quiero tomar de todo en todo el pulso a vuestro admirable ingenio. | « Par le ciel et toutes ses grandeurs, généreux enfant, vous êtes le meilleur poëte de l′univers ; vous méritez d′être couronné de lauriers, non par Chypre, ni par Gaëte, comme a dit un poëte auquel Dieu fasse miséricorde< , mais par les académies d′Athènes, si elles existaient encore, et par celles aujourd′hui existantes de Paris, de Boulogne et de Salamanque. Plût à Dieu que les juges qui vous refuseraient le premier prix fussent percés de flèches par Apollon, et que jamais les Muses ne franchissent le seuil de leurs portes ! Récitez-moi, seigneur, je vous en supplie, quelques vers de grande mesure, car je veux sonder sur tous les points votre admirable génie. » | ¿No es bueno que dicen que se holgó don Lorenzo de verse alabar de don Quijote, aunque le tenía por loco? ¡Oh fuerza de la adulación, a cuánto te estiendes, y cuán dilatados límites son los de tu juridición agradable! Esta verdad acreditó don Lorenzo, pues concedió con la demanda y deseo de don Quijote, diciéndole este soneto a la fábula o historia de Píramo y Tisbe. | Est-il besoin de dire que don Lorenzo fut ravi de se voir louer par don Quichotte, bien qu′il le tînt pour un fou ? Ô puissance de l′adulation ! que tu as d′étendue et que tu portes loin les limites de ton agréable juridiction ! Don Lorenzo rendit hommage à cette vérité, car il condescendit au désir de don Quichotte, en lui récitant ce sonnet sur l′histoire de Pyrame et Thisbé : | Soneto El muro rompe la doncella hermosa que de Píramo abrió el gallardo pecho: parte el Amor de Chipre, y va derecho a ver la quiebra estrecha y prodigiosa.
Habla el silencio allí, porque no osa la voz entrar por tan estrecho estrecho; las almas sí, que amor suele de hecho facilitar la más difícil cosa.
Salió el deseo de compás, y el paso de la imprudente virgen solicita por su gusto su muerte; ved qué historia:
que a entrambos en un punto, ¡oh estraño caso!, los mata, los encubre y resucita una espada, un sepulcro, una memoria. | SONNET « Le mur est brisé par la belle jeune fille qui ouvrit le cœur généreux de Pyrame. L′amour part de Chypre, et va en droiture voir la fente étroite et prodigieuse. « Là parle le silence, car la voix n′ose point passer par un si étroit détroit ; les âmes, oui, car l′amour a coutume de rendre facile a plus difficile des choses. « Le désir a mal réussi, et la démarche de l′imprudente vierge attire, au lieu de son plaisir, sa mort. Voyez quelle histoire : « Tous deux en même temps, ô cas étrange ! les tue, les couvre et les ressuscite, une épée, une tombe, un souvenir. » -¡Bendito sea Dios! -dijo don Quijote habiendo oído el soneto a don Lorenzo-, que entre los infinitos poetas consumidos que hay, he visto un consumado poeta, como lo es vuesa merced, señor mío; que así me lo da a entender el artificio deste soneto. | « Béni soit Dieu ! s′écria don Quichotte quand il eut entendu le sonnet de don Lorenzo ; parmi la multitude de poëtes consommés qui vivent aujourd′hui, je n′ai pas vu un poëte aussi consommé que Votre Grâce, mon cher seigneur ; c′est du moins ce que me donne à penser l′ingénieuse composition de ce sonnet. » | Cuatro días estuvo don Quijote regaladísimo en la casa de don Diego, al cabo de los cuales le pidió licencia para irse, diciéndole que le agradecía la merced y buen tratamiento que en su casa había recebido; pero que, por no parecer bien que los caballeros andantes se den muchas horas a ocio y al regalo, se quería ir a cumplir con su oficio, buscando las aventuras, de quien tenía noticia que aquella tierra abundaba, donde esperaba entretener el tiempo hasta que llegase el día de las justas de Zaragoza, que era el de su derecha derrota; y que primero había de entrar en la cueva de Montesinos, de quien tantas y tan admirables cosas en aquellos contornos se contaban, sabiendo e inquiriendo asimismo el nacimiento y verdaderos manantiales de las siete lagunas llamadas comúnmente de Ruidera. | Don Quichotte resta quatre jours parfaitement traité dans la maison de don Diego. Au bout de ce temps, il lui demanda la permission de partir. « Je vous suis très-obligé, lui dit-il, du bon accueil que j′ai reçu dans votre maison ; mais comme il sied mal aux chevaliers errants de donner beaucoup d′heures à l′oisiveté et à la mollesse, je veux aller remplir le devoir de ma profession en cherchant les aventures, dont j′ai connaissance que cette terre abonde. J′espère ainsi passer le temps, en attendant l′époque des joutes de Saragosse, qui sont l′objet direct de mon voyage. Mais je veux d′abord pénétrer dans la caverne de Montésinos, de laquelle on conte tant et de si grandes merveilles dans ces environs ; je chercherai en même temps à découvrir l′origine et les véritables sources des sept lacs appelés vulgairement lagunes de Ruidera. » | Don Diego y su hijo le alabaron su honrosa determinación, y le dijeron que tomase de su casa y de su hacienda todo lo que en grado le viniese, que le servirían con la voluntad posible; que a ello les obligaba el valor de su persona y la honrosa profesión suya. | Don Diego et son fils louèrent hautement sa noble résolution, et l′engagèrent à prendre de leur maison et de leur bien tout ce qui lui ferait plaisir, s′offrant à lui rendre service avec toute la bonne volonté possible, obligés qu′ils y étaient par le mérite de sa personne et l′honorable profession qu′il exerçait. | Llegóse, en fin, el día de su partida, tan alegre para don Quijote como triste y aciago para Sancho Panza, que se hallaba muy bien con la abundancia de la casa de don Diego, y rehusaba de volver a la hambre que se usa en las florestas, despoblados, y a la estrecheza de sus mal proveídas alforjas. Con todo esto, las llenó y colmó de lo más necesario que le pareció; y al despedirse dijo don Quijote a don Lorenzo. | Enfin le jour du départ arriva, aussi joyeux pour don Quichotte que triste et fatal pour Sancho Panza, qui, se trouvant fort bien de l′abondance des cuisines de don Diego, se désolait de retourner à la disette en usage dans les forêts et dans les déserts, et d′être réduit aux chétives provisions de son bissac. Néanmoins, il le remplit tout comble de ce qui lui sembla le plus nécessaire. Quand don Quichotte prit congé de ses hôtes, il dit à don Lorenzo : | -No sé si he dicho a vuesa merced otra vez, y si lo he dicho lo vuelvo a decir, que cuando vuesa merced quisiere ahorrar caminos y trabajos para llegar a la inacesible cumbre del templo de la Fama, no tiene que hacer otra cosa sino dejar a una parte la senda de la poesía, algo estrecha, y tomar la estrechísima de la andante caballería, bastante para hacerle emperador en daca las pajas. | « Je ne sais si j′ai déjà dit à Votre Grâce, et, en tout cas, je le lui répète, que si vous voulez abréger les peines et le chemin pour arriver au faîte inaccessible de la renommée, vous n′avez qu′une chose à faire : laissez le sentier de la poésie, quelque peu étroit, et prenez le sentier de la chevalerie errante. Cela suffit pour devenir empereur en un tour de main. » | Con estas razones acabó don Quijote de cerrar el proceso de su locura, y más con las que añadió, diciendo. | Par ces propos, don Quichotte acheva de décider le procès de sa folie, et plus encore par ceux qu′il ajouta : | -Sabe Dios si quisiera llevar conmigo al señor don Lorenzo, para enseñarle cómo se han de perdonar los sujetos, y supeditar y acocear los soberbios, virtudes anejas a la profesión que yo profeso; pero, pues no lo pide su poca edad, ni lo querrán consentir sus loables ejercicios, sólo me contento con advertirle a vuesa merced que, siendo poeta, podrá ser famoso si se guía más por el parecer ajeno que por el propio, porque no hay padre ni madre a quien sus hijos le parezcan feos, y en los que lo son del entendimiento corre más este engaño. | « Dieu sait, dit-il, si je voudrais emmener avec moi le seigneur don Lorenzo, pour lui enseigner comment il faut épargner les humbles et fouler aux pieds les superbes< , vertus inhérentes à la profession que j′exerce. Mais, puisque son jeune âge ne l′exige point encore, et que ses louables études s′y refusent, je me bornerai à lui donner un conseil ; c′est qu′étant poëte, il pourra devenir célèbre s′il se guide plutôt sur l′opinion d′autrui que sur la sienne propre. Il n′y a ni père ni mère auxquels leurs enfants semblent laids, et, pour les enfants de l′intelligence, cette erreur a plus cours encore. » | De nuevo se admiraron padre y hijo de las entremetidas razones de don Quijote, ya discretas y ya disparatadas, y del tema y tesón que llevaba de acudir de todo en todo a la busca de sus desventuradas aventuras, que las tenía por fin y blanco de sus deseos. Reiteráronse los ofrecimientos y comedimientos, y, con la buena licencia de la señora del castillo, don Quijote y Sancho, sobre Rocinante y el rucio, se partieron. | Le père et le fils s′étonnèrent de nouveau des propos entremêlés de don Quichotte, tantôt sensés, tantôt extravagants, et de la ténacité qu′il mettait à se lancer incessamment à la quête de ses malchanceuses aventures, terme et but de tous ses désirs. Après s′être mutuellement réitéré les politesses et les offres de service, avec la gracieuse permission de la dame du château, don Quichotte et Sancho s′éloignèrent, l′un sur Rossinante, l′autre sur le grison. |
| Chapitre XIX Où l′on raconte l′aventure du berger amoureux, avec d′autres événements gracieux en vérité Poco trecho se había alongado don Quijote del lugar de don Diego, cuando encontró con dos como clérigos o como estudiantes y con dos labradores que sobre cuatro bestias asnales venían caballeros. El uno de los estudiantes traía, como en portamanteo, en un lienzo de bocací verde envuelto, al parecer, un poco de grana blanca y dos pares de medias de cordellate; el otro no traía otra cosa que dos espadas negras de esgrima, nuevas, y con sus zapatillas. Los labradores traían otras cosas, que daban indicio y señal que venían de alguna villa grande, donde las habían comprado, y las llevaban a su aldea; y así estudiantes como labradores cayeron en la misma admiración en que caían todos aquellos que la vez primera veían a don Quijote, y morían por saber qué hombre fuese aquél tan fuera del uso de los otros hombres. | Don Quichotte n′était encore qu′à peu de distance du village de don Diego, quand il fut rejoint par deux espèces de prêtres ou d′étudiants et deux laboureurs, qui cheminaient montés tous quatre sur des bêtes à longues oreilles. L′un des étudiants avait, en guise de portemanteau, un petit paquet de grosse toile verte qui enveloppait quelques hardes et deux paires de bas en bure noire ; l′autre ne portait autre chose que deux fleurets neufs avec leurs boutons. Quant aux laboureurs, ils étaient chargés de plusieurs effets qu′ils venaient sans doute d′acheter dans quelque grande ville pour les porter à leur village. Étudiants et laboureurs tombèrent dans la même surprise que tous ceux qui voyaient don Quichotte pour la première fois, et ils mouraient d′envie de savoir quel était cet homme si différent des autres et si hors de l′usage commun. | Saludóles don Quijote, y, después de saber el camino que llevaban, que era el mesmo que él hacía, les ofreció su compañía, y les pidió detuviesen el paso, porque caminaban más sus pollinas que su caballo; y, para obligarlos, en breves razones les dijo quién era, y su oficio y profesión, que era de caballero andante que iba a buscar las aventuras por todas las partes del mundo. Díjoles que se llamaba de nombre propio don Quijote de la Mancha, y por el apelativo, el Caballero de los Leones. Todo esto para los labradores era hablarles en griego o en jerigonza, pero no para los estudiantes, que luego entendieron la flaqueza del celebro de don Quijote; pero, con todo eso, le miraban con admiración y con respecto, y uno dellos le dijo. | Don Quichotte les salua, et, quand il eut appris qu′ils suivaient le même chemin que lui, il leur offrit sa compagnie, en les priant de retenir un peu le pas, car leurs bourriques marchaient plus vite que son cheval. Pour se montrer obligeant, il leur dit en peu de mots quelles étaient sa personne et sa profession, à savoir qu′il était chevalier errant, et qu′il allait chercher des aventures dans les quatre parties du monde. Il ajouta qu′il s′appelait de son nom propre don Quichotte de la Manche, et par surnom le chevalier des Lions. Tout cela, pour les laboureurs, c′était comme s′il eût parlé grec ou argot de bohémiens ; mais non pour les étudiants, qui reconnurent bientôt le vide de sa cervelle. Néanmoins, ils le regardaient avec un étonnement mêlé de respect, et l′un d′eux lui dit : | -Si vuestra merced, señor caballero, no lleva camino determinado, como no le suelen llevar los que buscan las aventuras, vuesa merced se venga con nosotros: verá una de las mejores bodas y más ricas que hasta el día de hoy se habrán celebrado en la Mancha, ni en otras muchas leguas a la redonda. | « Si Votre Grâce, seigneur chevalier, ne suit aucun chemin fixe, comme ont coutume de faire ceux qui cherchent des aventures, venez avec nous, et vous verrez une des noces les plus belles et les plus riches qu′on ait célébrées jusqu′à ce jour dans la Manche et à plusieurs lieues à la ronde. » | Preguntóle don Quijote si eran de algún príncipe, que así las ponderaba. | Don Quichotte demanda s′il s′agissait des noces de quelque prince, pour en faire un si grand récit. | -No son -respondió el estudiante- sino de un labrador y una labradora: él, el más rico de toda esta tierra; y ella, la más hermosa que han visto los hombres. El aparato con que se han de hacer es estraordinario y nuevo, porque se han de celebrar en un prado que está junto al pueblo de la novia, a quien por excelencia llaman Quiteria la hermosa, y el desposado se llama Camacho el rico; ella de edad de diez y ocho años, y él de veinte y dos; ambos para en uno, aunque algunos curiosos que tienen de memoria los linajes de todo el mundo quieren decir que el de la hermosa Quiteria se aventaja al de Camacho; pero ya no se mira en esto, que las riquezas son poderosas de soldar muchas quiebras. En efecto, el tal Camacho es liberal y hásele antojado de enramar y cubrir todo el prado por arriba, de tal suerte que el sol se ha de ver en trabajo si quiere entrar a visitar las yerbas verdes de que está cubierto el suelo. Tiene asimesmo maheridas danzas, así de espadas como de cascabel menudo, que hay en su pueblo quien los repique y sacuda por estremo; de zapateadores no digo nada, que es un juicio los que tiene muñidos; pero ninguna de las cosas referidas ni otras muchas que he dejado de referir ha de hacer más memorables estas bodas, sino las que imagino que hará en ellas el despechado Basilio. Es este Basilio un zagal vecino del mesmo lugar de Quiteria, el cual tenía su casa pared y medio de la de los padres de Quiteria, de donde tomó ocasión el amor de renovar al mundo los ya olvidados amores de Píramo y Tisbe, porque Basilio se enamoró de Quiteria desde sus tiernos y primeros años, y ella fue correspondiendo a su deseo con mil honestos favores, tanto, que se contaban por entretenimiento en el pueblo los amores de los dos niños Basilio y Quiteria. Fue creciendo la edad, y acordó el padre de Quiteria de estorbar a Basilio la ordinaria entrada que en su casa tenía; y, por quitarse de andar receloso y lleno de sospechas, ordenó de casar a su hija con el rico Camacho, no pareciéndole ser bien casarla con Basilio, que no tenía tantos bienes de fortuna como de naturaleza; pues si va a decir las verdades sin invidia, él es el más ágil mancebo que conocemos: gran tirador de barra, luchador estremado y gran jugador de pelota; corre como un gamo, salta más que una cabra y birla a los bolos como por encantamento; canta como una calandria, y toca una guitarra, que la hace hablar, y, sobre todo, juega una espada como el más pintado. | « Non, répondit l′étudiant, ce ne sont que les noces d′un paysan et d′une paysanne ; l′un est le plus riche de tout le pays ; l′autre, la plus belle qu′aient vue les hommes. On va célébrer leur mariage avec une pompe extraordinaire et nouvelle ; car les noces se feront dans un pré qui touche au village de la fiancée, qu′on appelle par excellence Quitéria la Belle. Le fiancé se nomme Camache le Riche. Elle a dix-huit ans, lui vingt-deux ; tous deux égaux de condition, bien que des gens curieux, qui savent par cœur les filiations du monde entier, prétendent que la belle Quitéria l′emporte en ce point sur Camache. Mais il ne faut pas regarder à cela ; les richesses sont assez puissantes pour souder bien des cassures et boucher bien des trous. En effet, ce Camache est libéral ; et il lui a pris fantaisie de faire couvrir tout le pré avec des branches d′arbres, de façon que le soleil aura de la peine à réussir s′il veut visiter l′herbe fraîche dont la terre est couverte. Il a fait aussi composer des danses, tant à l′épée qu′aux petits grelots< , car il y a dans son village des gens qui savent merveilleusement les faire sonner. Pour les danseurs aux souliers< , je n′en dis rien, il en a commandé un monde. Mais pourtant, de toutes les choses que j′ai mentionnées et de bien d′autres que j′ai passées sous silence, aucune, j′imagine, ne rendra ses noces aussi mémorables que les équipées qu′y fera sans doute le désespéré Basile. Ce Basile est un jeune berger habitant le village de Quitéria, où il avait sa maison porte à porte avec celle des parents de la belle paysanne. L′amour prit de là occasion de rappeler au monde l′histoire oubliée de Pyrame et Thisbé, car Basile devint amoureux de Quitéria dès ses plus tendres années, et la jeune fille le paya de retour par mille chastes faveurs, si bien que dans le village on comptait par passe-temps les amours des enfants Basile et Quitéria. Ils grandirent tous deux, et le père de Quitéria résolut de refuser à Basile l′entrée qu′avait eue celui-ci jusqu′alors dans sa maison ; puis, pour s′ôter le souci et les craintes, il convint de marier sa fille avec le riche Camache, ne trouvant pas convenable de la donner à Basile, qui n′était pas aussi bien traité par la fortune que par la nature ; car, s′il faut dire la vérité sans envie, c′est bien le garçon le mieux découplé que nous connaissions, vigoureux tireur de barre, excellent lutteur et grand joueur de balle. Il court comme un daim, saute mieux qu′une chèvre, et abat les quilles comme par enchantement. Du reste, il chante comme une alouette, pince d′une guitare à la faire parler, et, par-dessus tout, joue de la dague aussi bien que le plus huppé. | -Por esa sola gracia -dijo a esta sazón don Quijote-, merecía ese mancebo no sólo casarse con la hermosa Quiteria, sino con la mesma reina Ginebra, si fuera hoy viva, a pesar de Lanzarote y de todos aquellos que estorbarlo quisieran. |  Pour ce seul mérite, s′écria don Quichotte, ce garçon méritait d′épouser, non-seulement la belle Quitéria, mais la reine Genièvre elle-même, si elle vivait encore, en dépit de Lancelot et de tous ceux qui voudraient s′y opposer. | -¡A mi mujer con eso! -dijo Sancho Panza, que hasta entonces había ido callando y escuchando-, la cual no quiere sino que cada uno case con su igual, ateniéndose al refrán que dicen "cada oveja con su pareja". Lo que yo quisiera es que ese buen Basilio, que ya me le voy aficionando, se casara con esa señora Quiteria; que buen siglo hayan y buen poso, iba a decir al revés, los que estorban que se casen los que bien se quieren. |  Allez donc dire cela à ma femme, interrompit Sancho, qui n′avait fait jusqu′alors que se taire et écouter ; ce qu′elle veut, c′est que chacun se marie avec son égal, se fondant sur le proverbe qui dit : « Chaque brebis avec sa pareille. »< Ce que je voudrais, moi, c′est que ce bon garçon de Basile, auquel je m′affectionne, se mariât avec cette dame Quitéria, et maudits soient dans ce monde et dans l′autre ceux qui empêchent les gens de se marier à leur goût. | -Si todos los que bien se quieren se hubiesen de casar -dijo don Quijote-, quitaríase la eleción y juridición a los padres de casar sus hijos con quien y cuando deben; y si a la voluntad de las hijas quedase escoger los maridos, tal habría que escogiese al criado de su padre, y tal al que vio pasar por la calle, a su parecer, bizarro y entonado, aunque fuese un desbaratado espadachín; que el amor y la afición con facilidad ciegan los ojos del entendimiento, tan necesarios para escoger estado, y el del matrimonio está muy a peligro de errarse, y es menester gran tiento y particular favor del cielo para acertarle. Quiere hacer uno un viaje largo, y si es prudente, antes de ponerse en camino busca alguna compañía segura y apacible con quien acompañarse; pues, ¿por qué no hará lo mesmo el que ha de caminar toda la vida, hasta el paradero de la muerte, y más si la compañía le ha de acompañar en la cama, en la mesa y en todas partes, como es la de la mujer con su marido? La de la propia mujer no es mercaduría que una vez comprada se vuelve, o se trueca o cambia, porque es accidente inseparable, que dura lo que dura la vida: es un lazo que si una vez le echáis al cuello, se vuelve en el nudo gordiano, que si no le corta la guadaña de la muerte, no hay desatarle. Muchas más cosas pudiera decir en esta materia, si no lo estorbara el deseo que tengo de saber si le queda más que decir al señor licenciado acerca de la historia de Basilio. |  Si tous ceux qui s′aiment pouvaient ainsi se marier, dit don Quichotte, ce serait ôter aux parents le droit légitime de choisir pour leurs enfants, et de les établir comme et quand il convient ; et, si le choix des maris était abandonné à la volonté des filles, telle se trouverait qui prendrait le valet de son père, et telle autre le premier venu qu′elle aurait vu passer dans la rue fier et pimpant, bien que ce ne fût qu′un spadassin débauché. L′amour aveugle facilement les yeux de l′intelligence, si nécessaires pour le choix d′un état. Dans celui qu′exige le mariage, on court grand risque de se tromper ; il faut un grand tact et une faveur particulière du ciel pour rencontrer juste. Quelqu′un veut faire un long voyage ; s′il est prudent, avant de se mettre en route, il choisira une compagnie agréable et sûre. Pourquoi ne ferait-il pas de même, celui qui doit cheminer tout le cours de sa vie jusqu′au terme de la mort, surtout si cette compagnie doit le suivre au lit, à la table, partout, comme fait la femme pour son mari ? La femme légitime n′est pas une marchandise qu′on puisse rendre, changer ou céder après l′avoir achetée ; c′était un accident inséparable, qui dure autant que la vie ; c′est un lien qui, une fois jeté autour du cou, se change en nœud gordien, et ne peut se détacher, à moins qu′il ne soit tranché par la faux de la mort. Je pourrais dire bien d′autres choses encore sur ce sujet, mais j′en suis détourné par l′envie de savoir s′il reste au seigneur licencié quelque chose à me dire à propos de l′histoire de Basile. | A lo que respondió el estudiante bachiller, o licenciado, como le llamó don Quijote, que. |  Il ne me reste qu′une chose à dire, répondit l′étudiant, bachelier ou licencié, comme l′avait appelé don Quichotte ; c′est que, | -De todo no me queda más que decir sino que desde el punto que Basilio supo que la hermosa Quiteria se casaba con Camacho el rico, nunca más le han visto reír ni hablar razón concertada, y siempre anda pensativo y triste, hablando entre sí mismo, con que da ciertas y claras señales de que se le ha vuelto el juicio: come poco y duerme poco, y lo que come son frutas, y en lo que duerme, si duerme, es en el campo, sobre la dura tierra, como animal bruto; mira de cuando en cuando al cielo, y otras veces clava los ojos en la tierra, con tal embelesamiento, que no parece sino estatua vestida que el aire le mueve la ropa. En fin, él da tales muestras de tener apasionado el corazón, que tememos todos los que le conocemos que el dar el sí mañana la hermosa Quiteria ha de ser la sentencia de su muerte. | du jour où Basile a su que la belle Quitéria épousait Camache le Riche, on ne l′a plus vu rire, on ne l′a plus entendu tenir un propos sensé. Il marche toujours triste et pensif, se parlant à lui-même, ce qui est un signe infaillible qu′il a perdu l′esprit. Il mange peu, ne dort pas davantage ; s′il mange, ce sont des fruits ; s′il dort, c′est en plein champ sur la terre, comme une brute. De temps en temps, il regarde le ciel, et d′autres fois il cloue les yeux à terre, dans une telle extase qu′il semble une statue habillée dont l′air agite les vêtements. Enfin, il témoigne si vivement la passion qu′il a dans le cœur, que tous ceux qui le connaissent craignent que le oui prononcé demain par la belle Quitéria ne soit l′arrêt de sa mort. | -Dios lo hará mejor -dijo Sancho-; que Dios, que da la llaga, da la medicina; nadie sabe lo que está por venir: de aquí a mañana muchas horas hay, y en una, y aun en un momento, se cae la casa; yo he visto llover y hacer sol, todo a un mesmo punto; tal se acuesta sano la noche, que no se puede mover otro día. Y díganme, ¿por ventura habrá quien se alabe que tiene echado un clavo a la rodaja de la Fortuna? No, por cierto; y entre el sí y el no de la mujer no me atrevería yo a poner una punta de alfiler, porque no cabría. Denme a mí que Quiteria quiera de buen corazón y de buena voluntad a Basilio, que yo le daré a él un saco de buena ventura: que el amor, según yo he oído decir, mira con unos antojos que hacen parecer oro al cobre, a la pobreza riqueza, y a las lagañas perlas. |  Dieu fera mieux les choses, s′écria Sancho ; car, s′il donne le mal, il donne la médecine. Personne ne sait ce qui doit arriver ; d′ici à demain il y a bien des heures, et en un seul moment la maison peut tomber ; j′ai vu souvent pleuvoir et faire du soleil tout à la fois, et tel se couche le soir bien portant qui ne peut plus remuer le lendemain matin. Dites-moi : quelqu′un, par hasard, se flatterait-il d′avoir mis un clou à la roue de la fortune ? Non certes ; et d′ailleurs, entre le oui et le non de la femme, je n′oserais pas seulement mettre la pointe d′une aiguille, car elle n′y tiendrait pas. Faites seulement que Quitéria aime Basile de bon cœur et de bonne volonté, et moi je lui donnerai un sac de bonne aventure, car l′amour, à ce que j′ai ouí¤ire, regarde avec des lunettes qui font paraître le cuivre de l′or, la pauvreté des richesses et la chassie des perles. | -¿Adónde vas a parar, Sancho, que seas maldito? -dijo don Quijote-; que cuando comienzas a ensartar refranes y cuentos, no te puede esperar sino el mesmo Judas, que te lleve. Dime, animal, ¿qué sabes tú de clavos, ni de rodajas, ni de otra cosa ninguna. |  Où diable t′arrêteras-tu, Sancho maudit ? s′écria don Quichotte. Quand tu commences à enfiler des proverbes et des histoires, personne ne peut te suivre, si ce n′est Judas lui-même, et puisse-t-il t′emporter ? Dis-moi, animal, que sais-tu de clous et de roues, et de quoi que ce soit ? | -¡Oh! Pues si no me entienden -respondió Sancho-, no es maravilla que mis sentencias sean tenidas por disparates. Pero no importa: yo me entiendo, y sé que no he dicho muchas necedades en lo que he dicho; sino que vuesa merced, señor mío, siempre es friscal de mis dichos, y aun de mis hechos. |  Oh, pardieu ! si l′on ne m′entend pas, répondit Sancho, il n′est pas étonnant que mes sentences passent pour des sottises. Mais n′importe, moi je m′entends, et je sais que je n′ai pas dit tant de bêtises que vous voulez le croire ; c′est plutôt que Votre Grâce, mon cher seigneur, est toujours le contrôleur de mes paroles et de mes actions. | -Fiscal has de decir -dijo don Quijote-, que no friscal, prevaricador del buen lenguaje, que Dios te confunda. |  Dis donc contrôleur, s′écria don Quichotte, ô prévaricateur du beau langage, que Dieu confonde et maudisse ! | -No se apunte vuestra merced conmigo -respondió Sancho-, pues sabe que no me he criado en la Corte, ni he estudiado en Salamanca, para saber si añado o quito alguna letra a mis vocablos. Sí, que, ¡válgame Dios!, no hay para qué obligar al sayagués a que hable como el toledano, y toledanos puede haber que no las corten en el aire en esto del hablar polido. |  Que Votre Grâce ne se fâche pas contre moi, répondit Sancho. Vous savez bien que je n′ai pas été élevé à la cour, que je n′ai pas étudié à Salamanque, pour connaître si j′ôte ou si je mets quelques lettres de trop à mes paroles. Vive Dieu ! il ne faut pas non plus obliger le paysan de Sayago à parler comme le citadin de Tolède . Encore y a-t-il des Tolédains qui ne sont guère avancés dans la façon de parler poliment. | -Así es -dijo el licenciado-, porque no pueden hablar tan bien los que se crían en las Tenerías y en Zocodover como los que se pasean casi todo el día por el claustro de la Iglesia Mayor, y todos son toledanos. El lenguaje puro, el propio, el elegante y claro, está en los discretos cortesanos, aunque hayan nacido en Majalahonda: dije discretos porque hay muchos que no lo son, y la discreción es la gramática del buen lenguaje, que se acompaña con el uso. Yo, señores, por mis pecados, he estudiado Cánones en Salamanca, y pícome algún tanto de decir mi razón con palabras claras, llanas y significantes. |  C′est bien vrai, dit le licencié, car ceux qui sont élevés dans les tanneries et les boutiques du Zocodover ne peuvent parler aussi bien que ceux qui passent tout le jour à se promener dans le cloître de la cathédrale ; et pourtant ils sont tous de Tolède. Le langage pur, élégant, choisi appartient aux gens de cour éclairés, fussent-ils nés dans une taverne de Majalahonda ; je dis éclairés, car il y en a beaucoup qui ne le sont pas ; et les lumières sont la vraie grammaire du bon langage, quand l′usage les accompagne. Moi, seigneur, pour mes péchés, j′ai étudié le droit canonique à Salamanque, et je me pique quelque peu d′exprimer mes idées avec des paroles claires, nettes et significatives. | -Si no os picáredes más de saber más menear las negras que lleváis que la lengua -dijo el otro estudiante-, vos llevárades el primero en licencias, como llevastes cola. |  Si vous ne vous piquiez pas, dit l′autre étudiant, de jouer mieux encore de ces fleurets que de la langue, vous auriez eu la tête au concours des licences, au lieu d′avoir la queue. | -Mirad, bachiller -respondió el licenciado-: vos estáis en la más errada opinión del mundo acerca de la destreza de la espada, teniéndola por vana. |  Écoutez, bachelier, reprit le licencié, votre opinion sur l′adresse à manier l′épée est la plus grande erreur du monde, si vous croyez cette adresse vaine et inutile. | -Para mí no es opinión, sino verdad asentada -replicó Corchuelo-; y si queréis que os lo muestre con la experiencia, espadas traéis, comodidad hay, yo pulsos y fuerzas tengo, que acompañadas de mi ánimo, que no es poco, os harán confesar que yo no me engaño. Apeaos, y usad de vuestro compás de pies, de vuestros círculos y vuestros ángulos y ciencia; que yo espero de haceros ver estrellas a mediodía con mi destreza moderna y zafia, en quien espero, después de Dios, que está por nacer hombre que me haga volver las espaldas, y que no le hay en el mundo a quien yo no le haga perder tierra. |  Pour moi, ce n′est pas une opinion, répondit l′autre, qui se nommait Corchuelo, c′est une vérité démontrée, et, si vous voulez que je vous le prouve par l′expérience, l′occasion est belle ; vous avez là des fleurets ; j′ai, moi, le poignet vigoureux, et, avec l′aide de mon courage, qui n′est pas mince, il vous fera confesser que je ne me trompe pas. Allons, mettez pied à terre, et faites usage de vos mouvements de pieds et de mains, de vos angles, de vos cercles, de toute votre science ; j′espère bien vous faire voir des étoiles en plein midi, avec mon adresse tout inculte et naturelle, en laquelle, après Dieu, j′ai assez de confiance pour dire que celui-là est encore à naître qui me fera tourner le dos, et qu′il n′y a point d′homme au monde auquel je ne me charge de faire perdre l′équilibre. | -En eso de volver, o no, las espaldas no me meto -replico el diestro-; aunque podría ser que en la parte donde la vez primera clavásedes el pie, allí os abriesen la sepultura: quiero decir que allí quedásedes muerto por la despreciada destreza. |  Que vous tourniez ou non le dos, je ne m′en mêle pas, répliqua l′habile escrimeur ; mais pourtant il pourrait se faire que, dans l′endroit même où vous cloueriez le pied pour la première fois, on y creusât votre sépulture, je veux dire que la mort vous fût donnée par cette adresse que vous méprisez tant. | -Ahora se verá -respondió Corchuelo. |  C′est ce que nous allons voir », répondit Corchuelo. | Y, apeándose con gran presteza de su jumento, tiró con furia de una de las espadas que llevaba el licenciado en el suyo. | Et, sautant lestement à bas de son âne, il saisit avec furie un des fleurets que le licencié portait sur sa monture. | -No ha de ser así -dijo a este instante don Quijote-, que yo quiero ser el maestro desta esgrima, y el juez desta muchas veces no averiguada cuestión. | « Les choses ne doivent pas se passer ainsi, s′écria don Quichotte ; je veux être votre maître d′escrime, et le juge de cette querelle tant de fois débattue et jamais décidée. » | Y, apeándose de Rocinante y asiendo de su lanza, se puso en la mitad del camino, a tiempo que ya el licenciado, con gentil donaire de cuerpo y compás de pies, se iba contra Corchuelo, que contra él se vino, lanzando, como decirse suele, fuego por los ojos. Los otros dos labradores del acompañamiento, sin apearse de sus pollinas, sirvieron de aspetatores en la mortal tragedia. Las cuchilladas, estocadas, altibajos, reveses y mandobles que tiraba Corchuelo eran sin número, más espesas que hígado y más menudas que granizo. Arremetía como un león irritado, pero salíale al encuentro un tapaboca de la zapatilla de la espada del licenciado, que en mitad de su furia le detenía, y se la hacía besar como si fuera reliquia, aunque no con tanta devoción como las reliquias deben y suelen besarse. | Il mit alors pied à terre, et, prenant sa lance à la main, il se plaça au milieu de la route, tandis que le licencié s′avançait avec une contenance dégagée et en mesurant ses pas, contre Corchuelo, qui venait à sa rencontre, lançant, comme on dit, des flammes par les yeux. Les deux autres paysans qui les accompagnaient servirent, sans descendre de leurs bourriques, de spectateurs à cette mortelle tragédie. Les bottes d′estoc et de taille que portait Corchuelo, les revers, les fendants, les coups à deux mains, étaient innombrables, et tombaient comme la grêle. Le bachelier attaquait en lion furieux, mais le licencié, d′une tape qu′il lui envoyait avec le bouton de son fleuret, l′arrêtait court au milieu de sa furie, et le lui faisait baiser comme si c′eût été une relique, bien qu′avec moins de dévotion. | Finalmente, el licenciado le contó a estocadas todos los botones de una media sotanilla que traía vestida, haciéndole tiras los faldamentos, como colas de pulpo; derribóle el sombrero dos veces, y cansóle de manera que de despecho, cólera y rabia asió la espada por la empuñadura, y arrojóla por el aire con tanta fuerza, que uno de los labradores asistentes, que era escribano, que fue por ella, dio después por testimonio que la alongó de sí casi tres cuartos de legua; el cual testimonio sirve y ha servido para que se conozca y vea con toda verdad cómo la fuerza es vencida del arte. | Finalement, le licencié lui compta, à coups de pointe, tous les boutons d′une demi-soutane qu′il portait, et lui en déchira les pans menus comme des queues de polypes . Il lui jeta deux fois le chapeau par terre, et le fatigua tellement, que, de dépit et de rage, l′autre prit son fleuret par la poignée, et le lança dans l′air avec tant de vigueur, qu′il l′envoya presque à trois quarts de lieue. C′est ce que témoigna par écrit l′un des laboureurs, greffier de son état, qui alla le ramasser, et ce témoignage doit servir à faire reconnaître, sur preuve authentique, comment la force est vaincue par l′adresse. | Sentóse cansado Corchuelo, y llegándose a él Sancho, le dijo. | Corchuelo s′était assis tout essoufflé, et Sancho, s′approchant de lui : | -Mía fe, señor bachiller, si vuesa merced toma mi consejo, de aquí adelante no ha de desafiar a nadie a esgrimir, sino a luchar o a tirar la barra, pues tiene edad y fuerzas para ello; que destos a quien llaman diestros he oído decir que meten una punta de una espada por el ojo de una aguja. | « Par ma foi, seigneur bachelier, lui dit-il, si Votre Grâce suit mon conseil, vous ne vous aviserez plus désormais de défier personne à l′escrime, mais plutôt à lutter ou à jeter la barre, car vous avez pour cela de la jeunesse et des forces. Quant à ceux qu′on appelle tireurs d′armes, j′ai ouí¤ire qu′ils mettent la pointe d′une épée dans le trou d′une aiguille. | -Yo me contento -respondió Corchuelo- de haber caído de mi burra, y de que me haya mostrado la experiencia la verdad, de quien tan lejos estaba. |  Je me contente, répondit Corchuelo, d′être comme on dit, tombé de mon âne, et d′avoir appris par expérience une vérité que j′étais bien loin de croire. » | Y, levantándose, abrazó al licenciado, y quedaron más amigos que de antes, y no queriendo esperar al escribano, que había ido por la espada, por parecerle que tardaría mucho; y así, determinaron seguir, por llegar temprano a la aldea de Quiteria, de donde todos eran. | En disant cela, il se leva pour embrasser le licencié, et ils restèrent meilleurs amis qu′auparavant. Ils ne voulurent point attendre le greffier, qui avait été chercher le fleuret, pensant qu′il serait trop long à revenir, et résolurent de suivre leur chemin pour arriver de bonne heure au village de Quitéria, d′où ils étaient tous. | En lo que faltaba del camino, les fue contando el licenciado las excelencias de la espada, con tantas razones demostrativas y con tantas figuras y demostraciones matemáticas, que todos quedaron enterados de la bondad de la ciencia, y Corchuelo reducido de su pertinacia. | Pendant la route qu′il leur restait à faire, le licencié leur expliqua les excellences de l′escrime, avec tant de raisons évidentes, tant de figures et de démonstrations mathématiques, que tout le monde demeura convaincu des avantages de cette science, et Corchuelo fut guéri de son entêtement. | Era anochecido, pero antes que llegasen les pareció a todos que estaba delante del pueblo un cielo lleno de inumerables y resplandecientes estrellas. Oyeron, asimismo, confusos y suaves sonidos de diversos instrumentos, como de flautas, tamborinos, salterios, albogues, panderos y sonajas; y cuando llegaron cerca vieron que los árboles de una enramada, que a mano habían puesto a la entrada del pueblo, estaban todos llenos de luminarias, a quien no ofendía el viento, que entonces no soplaba sino tan manso que no tenía fuerza para mover las hojas de los árboles. Los músicos eran los regocijadores de la boda, que en diversas cuadrillas por aquel agradable sitio andaban, unos bailando, y otros cantando, y otros tocando la diversidad de los referidos instrumentos. En efecto, no parecía sino que por todo aquel prado andaba corriendo la alegría y saltando el contento. | La nuit était venue, et, avant d′arriver, ils crurent voir devant le village un ciel rempli d′innombrables étoiles resplendissantes. Ils entendirent également le son confus et suave de divers instruments, comme flûtes, tambourins, psaltérions, luths, musettes et tambours de basque. En approchant, ils virent que les arbres d′une ramée qu′on avait élevée de mains d′homme à l′entrée du village étaient tout chargés de lampes d′illumination, que le vent n′éteignait pas, car il soufflait alors si doucement qu′il n′avait pas la force d′agiter les feuilles des arbres. Les musiciens étaient chargés des divertissements de la noce ; ils parcouraient, en diverses quadrilles, cet agréable séjour, les uns dansant, et d′autres encore jouant des instruments qu′on vient de citer. | Otros muchos andaban ocupados en levantar andamios, de donde con comodidad pudiesen ver otro día las representaciones y danzas que se habían de hacer en aquel lugar dedicado para solenizar las bodas del rico Camacho y las exequias de Basilio. No quiso entrar en el lugar don Quijote, aunque se lo pidieron así el labrador como el bachiller; pero él dio por disculpa, bastantísima a su parecer, ser costumbre de los caballeros andantes dormir por los campos y florestas antes que en los poblados, aunque fuese debajo de dorados techos; y con esto, se desvió un poco del camino, bien contra la voluntad de Sancho, viniéndosele a la memoria el buen alojamiento que había tenido en el castillo o casa de don Diego. | En somme, on aurait dit que, sur toute l′étendue de cette prairie, courait l′allégresse et sautait le contentement. Une foule d′autres hommes étaient occupés à construire des échafauds et des gradins, d′où l′on pût le lendemain voir commodément les représentations et les danses qui devaient se faire en cet endroit pour célébrer les noces du riche Camache et les obsèques de Basile. Don Quichotte ne voulut point entrer dans le village, quoiqu′il en fût prié par le bachelier et le laboureur. Il donna pour excuse, bien suffisante à son avis, que c′était la coutume des chevaliers errants de dormir dans les champs et les forêts plutôt que dans les habitations, fût-ce même sous des lambris dorés. Après cette réponse, il se détourna quelque peu du chemin, fort contre le gré de Sancho, auquel revint à la mémoire le bon gîte qu′il avait trouvé dans le château ou la maison de don Diego.
| II. Capítulo XX. Donde se cuentan las bodas de Camacho el rico, con el suceso de Basilio el pobre. | Chapitre XX Où l′on raconte les noces de Camache le Riche, avec l′aventure de Basile le Pauvre Apenas la blanca aurora había dado lugar a que el luciente Febo, con el ardor de sus calientes rayos, las líquidas perlas de sus cabellos de oro enjugase, cuando don Quijote, sacudiendo la pereza de sus miembros, se puso en pie y llamó a su escudero Sancho, que aún todavía roncaba; lo cual visto por don Quijote, antes que le despertase, le dijo. | À peine la blanche aurore avait-elle fait place au brillant Phébus, pour qu′il séchât par de brûlants rayons les perles liquides de ses cheveux d′or, que don Quichotte, secouant la paresse de ses membres, se mit sur pied, et appela son écuyer Sancho, qui ronflait encore. En le voyant ainsi, les yeux fermés et la bouche ouverte, don Quichotte lui dit, avant de l′éveiller : | -¡Oh tú, bienaventurado sobre cuantos viven sobre la haz de la tierra, pues sin tener invidia ni ser invidiado, duermes con sosegado espíritu, ni te persiguen encantadores, ni sobresaltan encantamentos! Duerme, digo otra vez, y lo diré otras ciento, sin que te tengan en contina vigilia celos de tu dama, ni te desvelen pensamientos de pagar deudas que debas, ni de lo que has de hacer para comer otro día tú y tu pequeña y angustiada familia. Ni la ambición te inquieta, ni la pompa vana del mundo te fatiga, pues los límites de tus deseos no se estienden a más que a pensar tu jumento; que el de tu persona sobre mis hombros le tienes puesto contrapeso y carga que puso la naturaleza y la costumbre a los señores. Duerme el criado, y está velando el señor, pensando cómo le ha de sustentar, mejorar y hacer mercedes. La congoja de ver que el cielo se hace de bronce sin acudir a la tierra con el conveniente rocío no aflige al criado, sino al señor, que ha de sustentar en la esterilidad y hambre al que le sirvió en la fertilidad y abundancia. | « Ô toi, bienheureux entre tous ceux qui vivent sur la face de la terre, puisque, sans porter envie et sans être envié, tu dors dans le repos de ton esprit, aussi peu persécuté des enchanteurs que troublé des enchantements ! Dors, répété-je et répéterai-je cent autres fois, toi qui n′as point à souffrir de l′insomnie continuelle d′une flamme jalouse, toi que n′éveille point le souci de payer des dettes qui sont échues, ni celui de fournir à la subsistance du lendemain pour toi et ta pauvre petite famille. Ni l′ambition ne t′agite, ni la vaine pompe du monde ne te tourmente, puisque les limites de tes désirs ne s′étendent pas au delà du soin de ton âne, car celui de ta personne est remis à ma charge comme un juste contrepoids qu′imposent aux seigneurs la nature et l′usage. Le valet dort, et le maître veille, pensant de quelle manière il pourra le nourrir, améliorer son sort et lui faire merci. Le chagrin de voir un ciel de bronze refuser à la terre la vivifiante rosée n′afflige point le serviteur, mais le maître, qui doit alimenter, dans la stérilité et la famine, celui qui l′a servi dans l′abondance et la fertilité. » | A todo esto no respondió Sancho, porque dormía, ni despertara tan presto si don Quijote con el cuento de la lanza no le hiciere volver en sí. Despertó, en fin, soñoliento y perezoso, y, volviendo el rostro a todas partes, dijo. | À tout cela, Sancho ne répondait mot, car il dormait, et certes il ne se serait pas éveillé de sitôt, si don Quichotte, avec le bout de sa lance, ne l′eût fait revenir à lui. Il s′éveilla enfin, en se frottant les yeux, en étendant les bras ; puis, tournant le visage à droite et à gauche : | -De la parte desta enramada, si no me engaño, sale un tufo y olor harto más de torreznos asados que de juncos y tomillos bodas que por tales olores comienzan, para mi santiguada que deben de ser abundantes y generosas. | « Du côté de cette ramée, dit-il, vient, si je ne me trompe, un fumet et une odeur bien plutôt de tranches de jambon frites que de thym et de serpolet. Sur mon âme, noces qui s′annoncent par de telles odeurs promettent d′être abondantes et généreuses. | -Acaba, glotón -dijo don Quijote-; ven, iremos a ver estos desposorios, por ver lo que hace el desdeñado Basilio. | Â Tais-toi, glouton, dit don Quichotte, et lève-toi vite ; nous irons assister à ce mariage, pour voir ce que fera le dédaigné Basile. | -Mas que haga lo que quisiere -respondió Sancho- no fuera él pobre y casárase con Quiteria. ¿No hay más sino tener un cuarto y querer alzarse por las nubes? A la fe, señor, yo soy de parecer que el pobre debe de contentarse con lo que hallare, y no pedir cotufas en el golfo. Yo apostaré un brazo que puede Camacho envolver en reales a Basilio; y si esto es así, como debe de ser, bien boba fuera Quiteria en desechar las galas y las joyas que le debe de haber dado, y le puede dar Camacho, por escoger el tirar de la barra y el jugar de la negra de Basilio. Sobre un buen tiro de barra o sobre una gentil treta de espada no dan un cuartillo de vino en la taberna. Habilidades y gracias que no son vendibles, mas que las tenga el conde Dirlos; pero, cuando las tales gracias caen sobre quien tiene buen dinero, tal sea mi vida como ellas parecen. Sobre un buen cimiento se puede levantar un buen edificio, y el mejor cimiento y zanja del mundo es el dinero. | Â Ma foi, répondit Sancho, qu′il fasse ce qu′il voudra. Pourquoi est-il pauvre ? il aurait épousé Quitéria. Mais, quand on n′a pas un sou vaillant, faut-il vouloir se marier dans les nuages ? En vérité, seigneur, moi je suis d′avis que le pauvre doit se contenter de ce qu′il trouve, et non chercher des perles dans les vignes. Je gagerais un bras que Camache peut enfermer Basile dans un sac d′écus. S′il en est ainsi, Quitéria serait bien sotte de repousser les parures et les joyaux que lui a donnés Camache et qu′il peut lui donner encore, pour choisir le talent de Basile à jeter la barre et à jouer du fleuret. Sur le plus beau jet de barre et la meilleure botte d′escrime, on ne donne pas un verre de vin à la taverne. Des talents et des grâces qui ne rapportent rien, en ait qui voudra. Mais quand ces talents et ces grâces tombent sur quelqu′un qui a la bourse pleine, ah ! je voudrais pour lors avoir aussi bonne vie qu′ils ont bonne façon. C′est sur un bon fondement qu′on peut élever un bon édifice, et le meilleur fondement du monde, c′est l′argent. | -Por quien Dios es, Sancho -dijo a esta sazón don Quijote-, que concluyas con tu arenga; que tengo para mí que si te dejasen seguir en las que a cada paso comienzas, no te quedaría tiempo para comer ni para dormir, que todo le gastarías en hablar. | Â Par le saint nom de Dieu ! s′écria don Quichotte, finis ta harangue, Sancho ; je suis convaincu que, si on te laissait continuer celles que tu commences à chaque pas, il ne te resterait pas assez de temps pour manger ni pour dormir, et que tu ne l′emploierais qu′à parler. | -Si vuestra merced tuviera buena memoria -replicó Sancho-, debiérase acordar de los capítulos de nuestro concierto antes que esta última vez saliésemos de casa uno dellos fue que me había de dejar hablar todo aquello que quisiese, con que no fuese contra el prójimo ni contra la autoridad de vuesa merced; y hasta agora me parece que no he contravenido contra el tal capítulo. | Â Si Votre Grâce avait bonne mémoire, répliqua Sancho, vous vous rappelleriez les clauses de notre traité avant que nous prissions, cette dernière fois, la clef des champs. L′une d′elles fut que vous me laisseriez parler tant que j′en aurais envie, pourvu que ce ne fût ni contre le prochain ni contre votre autorité ; et jusqu′à présent, il me semble que je n′ai pas contrevenu aux défenses de cette clause. | -Yo no me acuerdo, Sancho -respondió don Quijote-, del tal capítulo; y, puesto que sea así, quiero que calles y vengas, que ya los instrumentos que anoche oímos vuelven a alegrar los valles, y sin duda los desposorios se celebrarán en el frescor de la mañana, y no en el calor de la tarde. | Â Je ne me rappelle pas cette clause le moins du monde, Sancho, répondit don Quichotte ; mais, quand même il en serait ainsi, je veux que tu te taises et que tu me suives ; car voilà les instruments que nous entendions hier soir qui recommencent à réjouir les vallons, et sans doute que le mariage se célébrera pendant la fraîcheur de la matinée plutôt que pendant la chaleur du tantôt. » | Hizo Sancho lo que su señor le mandaba, y, poniendo la silla a Rocinante y la albarda al rucio, subieron los dos, y paso ante paso se fueron entrando por la enramada. | Sancho obéit à son maître, et, quand il eut mis la selle à Rossinante et le bât au grison, ils enfourchèrent tous deux leurs bêtes, et entrèrent pas à pas sous la ramée. | Lo primero que se le ofreció a la vista de Sancho fue, espetado en un asador de un olmo entero, un entero novillo; y en el fuego donde se había de asar ardía un mediano monte de leña, y seis ollas que alrededor de la hoguera estaban no se habían hecho en la común turquesa de las demás ollas, porque eran seis medias tinajas, que cada una cabía un rastro de carne así embebían y encerraban en sí carneros enteros, sin echarse de ver, como si fueran palominos; las liebres ya sin pellejo y las gallinas sin pluma que estaban colgadas por los árboles para sepultarlas en las ollas no tenían número; los pájaros y caza de diversos géneros eran infinitos, colgados de los árboles para que el aire los enfriase. | La première chose qui s′offrit aux regards de Sancho, ce fut un bœuf tout entier embroché dans un tronc d′ormeau ; et, dans le foyer où l′on allait le faire rôtir, brûlait une petite montagne de bois. Six marmites étaient rangées autour de ce bûcher ; et certes, elles n′avaient point été faites dans le monde ordinaire des marmites, car c′étaient six larges cruches à vin< , qui contenaient chacune un abattoir de viande. Elles cachaient dans leurs flancs des moutons entiers, qui n′y paraissaient pas plus que si c′eût été des pigeonneaux. Les lièvres dépouillés de leurs peaux et les poules toutes plumées, qui pendaient aux arbres pour être bientôt ensevelis dans les marmites, étaient innombrables, ainsi que les oiseaux et le gibier de diverses espèces pendus également aux branches, pour que l′air les entretînt frais. | Contó Sancho más de sesenta zaques de más de a dos arrobas cada uno, y todos llenos, según después pareció, de generosos vinos; así había rimeros de pan blanquísimo, como los suele haber de montones de trigo en las eras; los quesos, puestos como ladrillos enrejados, formaban una muralla, y dos calderas de aceite, mayores que las de un tinte, servían de freír cosas de masa, que con dos valientes palas las sacaban fritas y las zabullían en otra caldera de preparada miel que allí junto estaba. | Sancho compta plus de soixante grandes outres d′au moins cinquante pintes chacune, toutes remplies, ainsi qu′on le vit ensuite, de vins généreux. Il y avait des monceaux de pains blancs, comme on voit des tas de blé dans les granges. Les fromages, amoncelés comme des briques sur champ, formaient des murailles, et deux chaudrons d′huile, plus grands que ceux d′un teinturier, servaient à frire les objets de pâtisserie, qu′on en retirait avec deux fortes pelles, et qu′on plongeait dans un autre chaudron de miel qui se trouvait à côté. | Los cocineros y cocineras pasaban de cincuenta todos limpios, todos diligentes y todos contentos. En el dilatado vientre del novillo estaban doce tiernos y pequeños lechones, que, cosidos por encima, servían de darle sabor y enternecerle. Las especias de diversas suertes no parecía haberlas comprado por libras, sino por arrobas, y todas estaban de manifiesto en una grande arca. Finalmente, el aparato de la boda era rústico, pero tan abundante que podía sustentar a un ejército. | Les cuisiniers et les cuisinières étaient au nombre de plus de cinquante, tous propres, tous diligents et satisfaits. Dans le large ventre du bœuf étaient cousus douze petits cochons de lait, qui devaient l′attendrir et lui donner du goût. Quant aux épices de toutes sortes, on ne semblait pas les avoir achetées par livres, mais par quintaux, et elles étaient étalées dans un grand coffre ouvert. Finalement les apprêts de la noce étaient rustiques, mais assez abondants pour nourrir une armée. | Todo lo miraba Sancho Panza, y todo lo contemplaba, y de todo se aficionaba primero le cautivaron y rindieron el deseo las ollas, de quién él tomara de bonísima gana un mediano puchero; luego le aficionaron la voluntad los zaques; y, últimamente, las frutas de sartén, si es que se podían llamar sartenes las tan orondas calderas; y así, sin poderlo sufrir ni ser en su mano hacer otra cosa, se llegó a uno de los solícitos cocineros, y, con corteses y hambrientas razones, le rogó le dejase mojar un mendrugo de pan en una de aquellas ollas. A lo que el cocinero respondió. | Sancho Panza regardait avec de grands yeux toutes ces merveilles, et les contemplait, et s′en trouvait ravi. La première chose qui le captiva, ce furent les marmites, dont il aurait bien volontiers pris un petit pot-au-feu ; ensuite les outres lui touchèrent le cœur, puis enfin les gâteaux de fruits cuits à la poêle, si toutefois on peut appeler poêles d′aussi vastes chaudrons. Enfin, n′y pouvant plus tenir, il s′approcha de l′un des diligents cuisiniers, et, avec toute la politesse d′un estomac affamé, il le pria de lui laisser tremper une croûte de pain dans une de ces marmites. | -Hermano, este día no es de aquellos sobre quien tiene juridición la hambre, merced al rico Camacho. Apeaos y mirad si hay por ahí un cucharón, y espumad una gallina o dos, y buen provecho os hagan. | Â Frère, répondit le cuisinier, ce jour n′est pas de ceux sur qui la faim ait prise, grâce au riche Camache. Mettez pied à terre, et regardez s′il n′y a point par là quelque cuiller à pot ; vous écumerez une poule ou deux, et grand bien vous fasse. | -No veo ninguno -respondió Sancho. | Â Je ne vois aucune cuiller, répliqua Sancho. | -Esperad -dijo el cocinero-. ¡Pecador de mí, y qué melindroso y para poco debéis de ser! | Â Attendez un peu, reprit le cuisinier. Sainte Vierge ! que vous faites l′innocent, et que vous êtes embarrassé pour peu de chose ! » | Y, diciendo esto, asió de un caldero, y, encajándole en una de las medias tinajas, sacó en él tres gallinas y dos gansos, y dijo a Sancho | En disant cela, il prit une casserole, la plongea dans une des cruches qui servaient de marmites, et en tira d′un seul coup trois poules et deux oies. | -Comed, amigo, y desayunaos con esta espuma, en tanto que se llega la hora del yantar. | « Tenez, ami, dit-il à Sancho, déjeunez avec cette écume, en attendant que vienne l′heure du dîner. | -No tengo en qué echarla -respondió Sancho. | Â Mais je n′ai rien pour la mettre, répondit Sancho. | -Pues llevaos -dijo el cocinero- la cuchara y todo, que la riqueza y el contento de Camacho todo lo suple. | Â Eh bien ! reprit le cuisinier, emportez la casserole et tout ; rien ne coûte à la richesse et à la joie de Camache. » | En tanto, pues, que esto pasaba Sancho, estaba don Quijote mirando cómo, por una parte de la enramada, entraban hasta doce labradores sobre doce hermosísimas yeguas, con ricos y vistosos jaeces de campo y con muchos cascabeles en los petrales, y todos vestidos de regocijo y fiestas; los cuales, en concertado tropel, corrieron no una, sino muchas carreras por el prado, con regocijada algazara y grita, diciendo. | Pendant que Sancho faisait ainsi ses petites affaires, don Quichotte regardait entrer, par un des côtés de la ramée, une douzaine de laboureurs, montés sur douze belles juments couvertes de riches harnais de campagne et portant une foule de grelots sur la courroie du poitrail. Ils étaient vêtus d′habits de fête, et ils firent en bon ordre plusieurs évolutions d′un bout à l′autre de la prairie, jetant tous ensemble ces cris joyeux : | -¡Vivan Camacho y Quiteria él tan rico como ella hermosa, y ella la más hermosa del mundo. | « Vive Camache et Quitéria, lui aussi riche qu′elle est belle, et elle, la plus belle du monde ! » | Oyendo lo cual don Quijote, dijo entre sí. | Quand don Quichotte entendit cela : | -Bien parece que éstos no han visto a mi Dulcinea del Toboso, que si la hubieran visto, ellos se fueran a la mano en las alabanzas desta su Quiteria. | « On voit bien, se dit-il tout bas, que ces gens n′ont pas vu ma Dulcinée du Toboso ; s′ils l′eussent vue, ils retiendraient un peu la bride aux louanges de cette Quitéria. » | De allí a poco comenzaron a entrar por diversas partes de la enramada muchas y diferentes danzas, entre las cuales venía una de espadas, de hasta veinte y cuatro zagales de gallardo parecer y brío, todos vestidos de delgado y blanquísimo lienzo, con sus paños de tocar, labrados de varias colores de fina seda; y al que los guiaba, que era un ligero mancebo, preguntó uno de los de las yeguas si se había herido alguno de los danzantes. | Un moment après, ont vit entrer en divers endroits de la ramée plusieurs chœurs de danse de différentes espèces, entre autres une troupe de danseurs à l′épée, composée de vingt-quatre jeunes gens de bonne mine, tous vêtus de fine toile blanche, et portant sur la tête des mouchoirs en soie de diverses couleurs. Ils étaient conduits par un jeune homme agile, auquel l′un des laboureurs de la troupe des juments demanda si quelques-uns des danseurs s′étaient blessés. | -Por ahora, bendito sea Dios, no se ha herido nadie todos vamos sanos. | « Aucun jusqu′à présent, béni soit Dieu ! répondit le chef. Nous sommes tous bien portants. » | Y luego comenzó a enredarse con los demás compañeros, con tantas vueltas y con tanta destreza que, aunque don Quijote estaba hecho a ver semejantes danzas, ninguna le había parecido tan bien como aquélla. | Aussitôt il commença à former une mêlée avec ses compagnons, faisant tant d′évolutions et avec tant d′adresse, que don Quichotte, tout habitué qu′il était à ces sortes de danses, avoua qu′il n′en avait jamais vu de mieux exécutée que celle-là. | También le pareció bien otra que entró de doncellas hermosísimas, tan mozas que, al parecer, ninguna bajaba de catorce ni llegaba a diez y ocho años, vestidas todas de palmilla verde, los cabellos parte tranzados y parte sueltos, pero todos tan rubios, que con los del sol podían tener competencia, sobre los cuales traían guirnaldas de jazmines, rosas, amaranto y madreselva compuestas. Guiábalas un venerable viejo y una anciana matrona, pero más ligeros y sueltos que sus años prometían. Hacíales el son una gaita zamorana, y ellas, llevando en los rostros y en los ojos a la honestidad y en los pies a la ligereza, se mostraban las mejores bailadoras del mundo. | Il ne fut pas moins ravi d′un autre chœur de danse qui entra bientôt après. C′était une troupe de jeunes filles choisies pour leur beauté, si bien du même âge qu′aucune ne semblait avoir moins de quatorze ans, ni aucune plus de dix-huit. Elles étaient toutes vêtues de léger drap vert, avec les cheveux moitié tressés, moitié flottants, mais si blonds tous qu′ils auraient pu le disputer à ceux du soleil ; et sur la chevelure elles portaient des guirlandes formées de jasmins, de roses, d′amarantes et de fleurs de chèvrefeuille. Cette troupe était conduite par un vénérable vieillard et une imposante matrone, mais plus légers et plus ingambes que ne l′annonçait leur grand âge. C′était le son d′une cornemuse de Zamora qui leur donnait la mesure, et ces jeunes vierges, portant la décence sur le visage et l′agilité dans les pieds, se montraient les meilleures danseuses du monde. | Tras ésta entró otra danza de artificio y de las que llaman habladas. Era de ocho ninfas, repartidas en dos hileras de la una hilera era guía el dios Cupido, y de la otra, el Interés; aquél, adornado de alas, arco, aljaba y saetas; éste, vestido de ricas y diversas colores de oro y seda. Las ninfas que al Amor seguían traían a las espaldas, en pargamino blanco y letras grandes, escritos sus nombres poesía era el título de la primera, el de la segunda discreción, el de la tercera buen linaje, el de la cuarta valentía; del modo mesmo venían señaladas las que al Interés seguían decía liberalidad el título de la primera, dádiva el de la segunda, tesoro el de la tercera y el de la cuarta posesión pacífica. Delante de todos venía un castillo de madera, a quien tiraban cuatro salvajes, todos vestidos de yedra y de cáñamo teñido de verde, tan al natural, que por poco espantaran a Sancho. En la frontera del castillo y en todas cuatro partes de sus cuadros traía escrito castillo del buen recato. Hacíanles el son cuatro diestros tañedores de tamboril y flauta. | Après elles, parut une danse composée, et de celles qu′on appelle parlantes. C′était une troupe de huit nymphes réparties en deux files. L′une de ces files était conduite par le dieu Cupidon, l′autre par l′Intérêt ; celui-là paré de ses ailes, de son arc et de son carquois ; celui-ci vêtu de riches étoffes d′or et de soie. Les nymphes qui suivaient l′Amour portaient derrière les épaules leurs noms en grandes lettres sur du parchemin blanc. Poésie était le titre de la première ; celui de la seconde, Discrétion ; celui de la troisième, Belle famille, et celui de la quatrième, Vaillance. Les nymphes que guidait l′Intérêt se trouvaient désignées de la même façon. Libéralité était le titre de la première ; Largesse, celui de la seconde ; Trésor, celui de la troisième, et celui de la quatrième, Possession pacifique. Devant la troupe marchait un château de bois traîné par quatre sauvages, tous vêtus de feuilles de lierre et de filasse peinte en vert, accoutrés si au naturel que peu s′en fallut qu′ils ne fissent peur à Sancho. Sur la façade du château et sur ses quatre côtés était écrit : Château de sage prudence. Ils avaient pour musiciens quatre habiles joueurs de flûte et de tambourin. | Comenzaba la danza Cupido, y, habiendo hecho dos mudanzas, alzaba los ojos y flechaba el arco contra una doncella que se ponía entre las almenas del castillo, a la cual desta suerte dijo | Cupidon commença la danse. Après avoir fait deux figures, il leva les yeux ; et, dirigeant son arc contre une jeune fille qui était venue se placer entre les créneaux du château, il lui parla de la sorte : | -Yo soy el dios poderoso en el aire y en la tierra y en el ancho mar undoso, y en cuanto el abismo encierra en su báratro espantoso.
Nunca conocí qué es miedo; todo cuanto quiero puedo, aunque quiera lo imposible, y en todo lo que es posible mando, quito, pongo y vedo. | « Je suis le dieu tout-puissant dans l′air, sur la terre, dans la mer profonde, et sur tout ce que l′abîme renferme en son gouffre épouvantable.
« Je n′ai jamais connu ce que c′est que la peur ; tout ce que je veux, je le puis, quand même je voudrais l′impossible ; et, en tout ce qui est possible, je mets, j′ôte, j′ordonne et je défends. » | Acabó la copla, disparó una flecha por lo alto del castillo y retiróse a su puesto. Salió luego el Interés, y hizo otras dos mudanzas; callaron los tamborinos, y él dijo | La strophe achevée, il lança une flèche sur le haut du château, et regagna sa place. Alors l′Intérêt s′avança ; il dansa également deux pas, et, les tambourins se taisant, il dit à son tour : | -Soy quien puede más que Amor, y es Amor el que me guía; soy de la estirpe mejor que el cielo en la tierra cría, más conocida y mayor.
Soy el Interés, en quien pocos suelen obrar bien, y obrar sin mí es gran milagro; y cual soy te me consagro, por siempre jamás, amén. | « Je suis celui qui peut plus que l′Amour, et c′est l′Amour qui me guide ; je suis de la meilleure race que le ciel entretienne sur la terre, de la plus connue et de la plus illustre.
« Je suis l′Intérêt, par qui peu de gens agissent bien ; et agir sans moi serait grand miracle ; mais, tel que je suis, je me consacre à toi, à tout jamais. Amen. » | Retiróse el Interés, y hízose adelante la Poesía; la cual, después de haber hecho sus mudanzas como los demás, puestos los ojos en la doncella del castillo, dijo | L′Intérêt s′étant retiré, la Poésie s′avança, et, après avoir dansé ses pas comme les autres, portant les yeux sur la demoiselle du château, elle dit : | - En dulcísimos conceptos, la dulcísima Poesía, altos, graves y discretos, señora, el alma te envía envuelta entre mil sonetos.
Si acaso no te importuna mi porfía, tu fortuna, de otras muchas invidiada, será por mí levantada sobre el cerco de la luna. | « En très-doux accents, en pensées choisies, graves et spirituelles, la très-douce Poésie t′envoie, ma dame, son âme enveloppée de mille sonnets.
« Si ma poursuite ne t′importune pas, ton sort, envié de bien d′autres femmes, sera porté par moi au-dessus du croissant de la lune. » | Desvióse la Poesía, y de la parte del interés salió la Liberalidad, y, después de hechas sus mudanzas, dijo | La Poésie s′éloigna, et la Libéralité, s′étant détachée du groupe de l′Intérêt, dit après avoir fait ses pas : | -Llaman Liberalidad al dar que el estremo huye de la prodigalidad, y del contrario, que arguye tibia y floja voluntad.
Mas yo, por te engrandecer, de hoy más, pródiga he de ser; que, aunque es vicio, es vicio honrado y de pecho enamorado, que en el dar se echa de ver. | « On appelle Libéralité la façon de donner aussi éloignée de la prodigalité que de l′extrême contraire, lequel annonce un faible et mol attachement.
« Mais moi, pour te grandir, je veux être désormais plutôt prodigue ; c′est un vice sans doute, mais un vice noble et d′un cœur amoureux qui se montre par ses présents. » | Deste modo salieron y se retiraron todas las dos figuras de las dos escuadras, y cada uno hizo sus mudanzas y dijo sus versos, algunos elegantes y algunos ridículos, y sólo tomó de memoria don Quijote -que la tenía grande- los ya referidos; y luego se mezclaron todos, haciendo y deshaciendo lazos con gentil donaire y desenvoltura; y cuando pasaba el Amor por delante del castillo, disparaba por alto sus flechas, pero el Interés quebraba en él alcancías doradas. | De la même façon s′avancèrent et se retirèrent tous les personnages des deux troupes ; chacun fit ses pas et récita ses vers, quelques-uns élégants, d′autres ridicules ; mais don Quichotte ne retint par cœur (et pourtant sa mémoire était grande) que ceux qui viennent d′être cités. Ensuite, les deux troupes se mêlèrent, faisant et défaisant des chaînes, avec beaucoup de grâce et d′aisance. Quand l′Amour passait devant le château, il lançait ses flèches par-dessus, tandis que l′Intérêt brisait contre ses murs des boules dorées . | Finalmente, después de haber bailado un buen espacio, el Interés sacó un bolsón, que le formaba el pellejo de un gran gato romano, que parecía estar lleno de dineros, y, arrojándole al castillo, con el golpe se desencajaron las tablas y se cayeron, dejando a la doncella descubierta y sin defensa alguna. Llegó el Interés con las figuras de su valía, y, echándola una gran cadena de oro al cuello, mostraron prenderla, rendirla y cautivarla; lo cual visto por el Amor y sus valedores, hicieron ademán de quitársela; y todas las demostraciones que hacían eran al son de los tamborinos, bailando y danzando concertadamente. Pusiéronlos en paz los salvajes, los cuales con mucha presteza volvieron a armar y a encajar las tablas del castillo, y la doncella se encerró en él como de nuevo, y con esto se acabó la danza con gran contento de los que la miraban. | Finalement, quand ils eurent longtemps dansé, l′Intérêt tira de sa poche une grande bourse, faite avec la peau d′un gros chat angora, et qui semblait pleine d′écus ; puis il la lança contre le château, et, sur le coup, les planches, s′entrouvrirent et tombèrent à terre, laissant la jeune fille à découvert et sans défense. L′Intérêt s′approcha d′elle avec les personnages de sa suite, et, lui ayant jeté une grosse chaîne d′or au cou, ils parurent la saisir et l′emmener prisonnière. À cette vue, l′Amour et ses partisans firent mine de vouloir la leur enlever, et toutes les démonstrations d′attaque et de défense se faisaient en mesure, au son des tambourins. Les sauvages vinrent séparer les deux troupes, et, quand ils eurent rajusté avec promptitude les planches du château de bois, la demoiselle s′y renferma de nouveau, et ce fut ainsi que finit la danse, au grand contentement des spectateurs. | Preguntó don Quijote a una de las ninfas que quién la había compuesto y ordenado. Respondióle que un beneficiado de aquel pueblo, que tenía gentil caletre para semejantes invenciones. | Don Quichotte demanda à l′une des nymphes qui l′avait composée et mise en scène. Elle répondit que c′était un bénéficier du village, lequel avait une fort gentille habileté pour ces sortes d′inventions. | -Yo apostaré -dijo don Quijote- que debe de ser más amigo de Camacho que de Basilio el tal bachiller o beneficiado, y que debe de tener más de satírico que de vísperas ¡bien ha encajado en la danza las habilidades de Basilio y las riquezas de Camacho. | « Je gagerais, reprit don Quichotte, que ce bachelier ou bénéficier doit être plus ami de Camache que de Basile, et qu′il s′entend mieux à mordre le prochain qu′à chanter les vêpres. Il a, du reste, fort bien encadré dans la danse les petits talents de Basile et les grandes richesses de Camache. » | Sancho Panza, que lo escuchaba todo, dijo. | Sancho Panza, qui l′écoutait parler, dit aussitôt : | -El rey es mi gallo a Camacho me atengo. | « Au roi le coq, c′est à Camache que je m′en tiens. | -En fin -dijo don Quijote-, bien se parece, Sancho, que eres villano y de aquéllos que dicen "¡Viva quien vence!. | Â On voit bien, Sancho, reprit don Quichotte, que tu es un manant, et de ceux qui disent : Vive qui a vaincu ! | -No sé de los que soy -respondió Sancho-, pero bien sé que nunca de ollas de Basilio sacaré yo tan elegante espuma como es esta que he sacado de las de Camacho. | Â Je ne sais trop desquels je suis, répondit Sancho ; je sais bien que jamais je ne tirerai des marmites de Basile une aussi élégante écume que celle-ci, tirée des marmites de Camache. » | Y enseñóle el caldero lleno de gansos y de gallinas, y, asiendo de una, comenzó a comer con mucho donaire y gana, y dijo. | Et en même temps il fit voir à son maître la casserole pleine de poules et d′oisons. Puis il prit une des volailles, et se mit à manger avec autant de grâce que d′appétit. | -¡A la barba de las habilidades de Basilio!, que tanto vales cuanto tienes, y tanto tienes cuanto vales. Dos linajes solos hay en el mundo, como decía una agüela mía, que son el tener y el no tener, aunque ella al del tener se atenía; y el día de hoy, mi señor don Quijote, antes se toma el pulso al haber que al saber un asno cubierto de oro parece mejor que un caballo enalbardado. Así que vuelvo a decir que a Camacho me atengo, de cuyas ollas son abundantes espumas gansos y gallinas, liebres y conejos; y de las de Basilio serán, si viene a mano, y aunque no venga sino al pie, aguachirle. | « Pardieu, dit-il en avalant, à la barbe des talents de Basile ! car autant tu as, autant tu vaux, et autant tu vaux, autant tu as. Il n′y a que deux sortes de rangs et de familles dans le monde, comme disait une de mes grand-mères, c′est l′avoir et le n′avoir pas , et c′est à l′avoir qu′elle se rangeait. Au jour d′aujourd′hui, mon seigneur don Quichotte, on tâte plutôt le pouls à l′avoir qu′au savoir, et un âne couvert d′or a meilleure mine qu′un cheval bâté. Aussi, je le répète, c′est à Camache que je m′en tiens, à Camache, dont les marmites donnent pour écume des oies, des poules, des lièvres et des lapins. Quant à celles de Basile, si l′on tirait le bouillon, ce ne serait que de la piquette. | -¿Has acabado tu arenga, Sancho? -dijo don Quijote. | Â As-tu fini ta harangue, Sancho ? demanda don Quichotte. | -Habréla acabado -respondió Sancho-, porque veo que vuestra merced recibe pesadumbre con ella; que si esto no se pusiera de por medio, obra había cortada para tres días. | Â Il faut bien que je la finisse, répondit Sancho, car je vois que Votre Grâce se fâche de l′entendre ; mais si cette raison ne se mettait à la traverse, j′avais taillé de l′ouvrage pour trois jours. | -Plega a Dios, Sancho -replicó don Quijote-, que yo te vea mudo antes que me muera. | Â Plaise à Dieu, Sancho, reprit don Quichotte, que je te voie muet avant de mourir ! | -Al paso que llevamos -respondió Sancho-, antes que vuestra merced se muera estaré yo mascando barro, y entonces podrá ser que esté tan mudo que no hable palabra hasta la fin del mundo, o, por lo menos, hasta el día del Juicio. | Â Au train dont nous allons, répliqua Sancho, avant que vous soyez mort, je serai à broyer de la terre entre les dents, et peut-être alors serai-je si muet que je ne soufflerai mot jusqu′à la fin du monde, ou du moins jusqu′au jugement dernier. | -Aunque eso así suceda, ¡oh Sancho! -respondió don Quijote-, nunca llegará tu silencio a do ha llegado lo que has hablado, hablas y tienes de hablar en tu vida; y más, que está muy puesto en razón natural que primero llegue el día de mi muerte que el de la tuya; y así, jamás pienso verte mudo, ni aun cuando estés bebiendo o durmiendo, que es lo que puedo encarecer. | Â Quand même il en arriverait ainsi, ô Sancho, repartit don Quichotte, jamais ton silence ne vaudra ton bavardage, et jamais tu ne te tairas autant que tu as parlé, que tu parles et que tu parleras dans le cours de ta vie. D′ailleurs, l′ordre de la nature veut que le jour de ma mort arrive avant celui de la tienne ; ainsi je n′espère pas te voir muet, fût-ce même en buvant ou en dormant, ce qui est tout ce que je peux dire de plus fort. | -A buena fe, señor -respondió Sancho-, que no hay que fiar en la descarnada, digo, en la muerte, la cual también come cordero como carnero; y a nuestro cura he oído decir que con igual pie pisaba las altas torres de los reyes como las humildes chozas de los pobres. Tiene esta señora más de poder que de melindre no es nada asquerosa, de todo come y a todo hace, y de toda suerte de gentes, edades y preeminencias hinche sus alforjas. No es segador que duerme las siestas, que a todas horas siega, y corta así la seca como la verde yerba; y no parece que masca, sino que engulle y traga cuanto se le pone delante, porque tiene hambre canina, que nunca se harta; y, aunque no tiene barriga, da a entender que está hidrópica y sedienta de beber solas las vidas de cuantos viven, como quien se bebe un jarro de agua fría. | Â Par ma foi seigneur, répliqua Sancho, il ne faut pas se fier à la décharnée, je veux dire à la mort, qui mange aussi bien l′agneau que le mouton ; et j′ai entendu dire à notre curé qu′elle frappait d′un pied égal les hautes tours des rois et les humbles cabanes des pauvres . Cette dame-là, voyez-vous, a plus de puissance que de délicatesse. Elle ne fait pas la dégoûtée ; elle mange de tout, s′arrange de tout, et remplit sa besace de toutes sortes de gens, d′âges et de conditions. C′est un moissonneur qui ne fait pas la sieste, qui coupe et moissonne à toute heure, l′herbe sèche et la verte ; l′on ne dirait pas qu′elle mâche les morceaux, mais qu′elle avale et engloutit tout ce qui se trouve devant elle, car elle a une faim canine, qui ne se rassasie jamais ; et, bien qu′elle n′ait pas de ventre, on dirait qu′elle est hydropique, et qu′elle a soif de boire toutes les vies des vivants, comme on boit un pot d′eau fraîche. | -No más, Sancho -dijo a este punto don Quijote-. Tente en buenas, y no te dejes caer; que en verdad que lo que has dicho de la muerte por tus rústicos términos es lo que pudiera decir un buen predicador. Dígote, Sancho que si como tienes buen natural y discreción, pudieras tomar un púlpito en la mano y irte por ese mundo predicando lindezas. . | Â Assez, assez, Sancho, s′écria don Quichotte ; reste là-haut, et ne te laisse pas tomber ; car, en vérité, ce que tu viens de dire de la mort, dans tes expressions rustiques, est ce que pourrait dire de mieux un bon prédicateur. Je te le répète, Sancho, si, comme tu as un bon naturel, tu avais du sens et du savoir, tu pourrais prendre une chaire dans ta main, et t′en aller par le monde prêcher de jolis sermons. | -Bien predica quien bien vive -respondió Sancho-, y yo no sé otras tologías. | Â Prêche bien qui vit bien, répondit Sancho ; quant à moi, je ne sais pas d′autres tologies. | -Ni las has menester -dijo don Quijote-; pero yo no acabo de entender ni alcanzar cómo, siendo el principio de la sabiduría el temor de Dios, tú, que temes más a un lagarto que a Él, sabes tanto. | Â Et tu n′en a pas besoin non plus, ajouta don Quichotte. Mais ce que je ne puis comprendre, c′est que, la crainte de Dieu étant le principe de toute sagesse, toi qui crains plus un lézard que Dieu, tu en saches si long. | -Juzgue vuesa merced, señor, de sus caballerías -respondió Sancho-, y no se meta en juzgar de los temores o valentías ajenas, que tan gentil temeroso soy yo de Dios como cada hijo de vecino; y déjeme vuestra merced despabilar esta espuma, que lo demás todas son palabras ociosas, de que nos han de pedir cuenta en la otra vida. | Â Jugez, seigneur, de vos chevaleries, répondit Sancho, et ne vous mêlez pas de juger des vaillances ou des poltronneries d′autrui, car je suis aussi bon pour craindre Dieu que tout enfant de la commune ; et laissez-moi, je vous prie, expédier cette écume ; tout le reste serait paroles oiseuses dont on nous demanderait compte dans l′autre vie. » | Y, diciendo esto, comenzó de nuevo a dar asalto a su caldero, con tan buenos alientos que despertó los de don Quijote, y sin duda le ayudara, si no lo impidiera lo que es fuerza se diga adelante. | En parlant ainsi, il revint à l′assaut contre sa casserole, et de si bon appétit, qu′il éveilla celui de don Quichotte, lequel l′aurait aidé sans aucun doute, s′il n′en eût été empêché par ce qu′il faut remettre au chapitre suivant.
| II. Capítulo XXI. Donde se prosiguen las bodas de Camacho, con otros gustosos sucesos. | Chapitre XXI Où se continuent les noces de Camache, avec d′autres événements récréatifs Cuando estaban don Quijote y Sancho en las razones referidas en el capítulo antecedente, se oyeron grandes voces y gran ruido, y dábanlas y causábanle los de las yeguas, que con larga carrera y grita iban a recebir a los novios, que, rodeados de mil géneros de instrumentos y de invenciones, venían acompañados del cura, y de la parentela de entrambos, y de toda la gente más lucida de los lugares circunvecinos, todos vestidos de fiesta. Y como Sancho vio a la novia, dijo. | Au moment où don Quichotte et Sancho terminaient l′entretien rapporté dans le chapitre précédent, on entendit s′élever un grand bruit de voix. C′étaient les laboureurs montés sur les juments, qui, à grands cris et à grande course, allaient recevoir les nouveaux mariés. Ceux-ci s′avançaient au milieu de mille espèces d′instruments et d′inventions, accompagnés du curé, de leurs parents des deux familles, et de la plus brillante compagnie des villages circonvoisins, tous en habits de fête. Dès que Sancho vit la fiancée, il s′écria : | -A buena fe que no viene vestida de labradora, sino de garrida palaciega. ¡Pardiez, que según diviso, que las patenas que había de traer son ricos corales, y la palmilla verde de Cuenca es terciopelo de treinta pelos! ¡Y montas que la guarnición es de tiras de lienzo, blanca!, ¡voto a mí que es de raso!; pues, ¡tomadme las manos, adornadas con sortijas de azabache!: no medre yo si no son anillos de oro, y muy de oro, y empedrados con pelras blancas como una cuajada, que cada una debe de valer un ojo de la cara. ¡Oh hideputa, y qué cabellos; que, si no son postizos, no los he visto mas luengos ni más rubios en toda mi vida! ¡No, sino ponedla tacha en el brío y en el talle, y no la comparéis a una palma que se mueve cargada de racimos de dátiles, que lo mesmo parecen los dijes que trae pendientes de los cabellos y de la garganta! Juro en mi ánima que ella es una chapada moza, y que puede pasar por los bancos de Flandes. | « En bonne foi de Dieu, ce n′est pas en paysanne qu′elle est vêtue, mais en dame de palais. Pardine, à ce que j′entrevois, les patènes qu′elle devrait porter au cou sont de riches pendeloques de corail, et la serge verte de Cuenca est devenue du velours à trente poils. De plus, voilà que la garniture de bandes de toile blanche s′est, sur mon honneur, changée en frange de satin. Mais voyez donc ces mains parées de bagues de jais ! que je meure si ce ne sont pas des anneaux d′or, et de bon or fin, où sont enchâssées des perles blanches comme du lait caillé, dont chacune doit valoir un œil de la tête. Ô sainte Vierge ! quels cheveux ! s′ils ne sont pas postiches, je n′en ai pas vu en toute ma vie de si longs et de si blonds. Avisez-vous de trouver à redire à sa taille et à sa tournure ! Ne dirait-on pas un palmier qui marche chargé de grappes de dattes, à voir l′effet de tous ces joyaux qui pendent à ces cheveux et à sa gorge ? Je jure Dieu que c′est une maîtresse fille, et qu′elle peut hardiment passer sur les bancs de Flandre. » | Rióse don Quijote de las rústicas alabanzas de Sancho Panza; parecióle que, fuera de su señora Dulcinea del Toboso, no había visto mujer más hermosa jamás. Venía la hermosa Quiteria algo descolorida, y debía de ser de la mala noche que siempre pasan las novias en componerse para el día venidero de sus bodas. Íbanse acercando a un teatro que a un lado del prado estaba, adornado de alfombras y ramos, adonde se habían de hacer los desposorios, y de donde habían de mirar las danzas y las invenciones; y, a la sazón que llegaban al puesto, oyeron a sus espaldas grandes voces, y una que decía. | Don Quichotte se mit à rire des rustiques éloges de Sancho Panza ; mais il lui sembla réellement que, hormis sa dame Dulcinée du Toboso, il n′avait jamais vu plus belle personne. La belle Quitéria se montrait un peu pâle et décolorée, sans doute à cause de la mauvaise nuit que passent toujours les nouvelles mariées en préparant leurs atours pour le lendemain, jour des noces. Les époux s′avançaient vers une espèce de théâtre, orné de tapis et de branchages, sur lequel devaient se faire les épousailles, et d′où ils devaient voir les danses et les représentations. Au moment d′atteindre leurs places, ils entendirent derrière eux jeter de grands cris, et ils distinguèrent qu′on disait ; | -Esperaos un poco, gente tan inconsiderada como presurosa. | «Attendez, attendez un peu, gens inconsidérés autant qu′empressés. » | A cuyas voces y palabras todos volvieron la cabeza, y vieron que las daba un hombre vestido, al parecer, de un sayo negro, jironado de carmesí a llamas. Venía coronado -como se vio luego- con una corona de funesto ciprés; en las manos traía un bastón grande. En llegando más cerca, fue conocido de todos por el gallardo Basilio, y todos estuvieron suspensos, esperando en qué habían de parar sus voces y sus palabras, temiendo algún mal suceso de su venida en sazón semejante. | À ces cris, à ces paroles, tous les assistants tournèrent la tête, et l′on vit paraître un homme vêtu d′une longue casaque noire, garnie de bandes en soie couleur de feu. Il portait sur le front (comme on le vit bientôt) une couronne de funeste cyprès, et dans la main un long bâton. Dès qu′il fut proche, tout le monde le reconnut pour le beau berger Basile, et, craignant quelque événement fâcheux de sa venue en un tel moment, tout le monde attendit dans le silence où aboutiraient ses cris et ses vagues paroles. | Llegó, en fin, cansado y sin aliento, y, puesto delante de los desposados, hincando el bastón en el suelo, que tenía el cuento de una punta de acero, mudada la color, puestos los ojos en Quiteria, con voz tremente y ronca, estas razones dijo. | Il arriva enfin, essoufflé, hors d′haleine ; il s′avança en face des mariés, et, fichant en terre son bâton, qui se terminait par une pointe d′acier, le visage pâle, les yeux fixés sur Quitéria, il lui dit d′une voix sourde et tremblante : | -Bien sabes, desconocida Quiteria, que conforme a la santa ley que profesamos, que viviendo yo, tú no puedes tomar esposo; y juntamente no ignoras que, por esperar yo que el tiempo y mi diligencia mejorasen los bienes de mi fortuna, no he querido dejar de guardar el decoro que a tu honra convenía; pero tú, echando a las espaldas todas las obligaciones que debes a mi buen deseo, quieres hacer señor de lo que es mío a otro, cuyas riquezas le sirven no sólo de buena fortuna, sino de bonísima ventura. Y para que la tenga colmada, y no como yo pienso que la merece, sino como se la quieren dar los cielos, yo, por mis manos, desharé el imposible o el inconveniente que puede estorbársela, quitándome a mí de por medio. ¡Viva, viva el rico Camacho con la ingrata Quiteria largos y felices siglos, y muera, muera el pobre Basilio, cuya pobreza cortó las alas de su dicha y le puso en la sepultura. | « Tu sais bien, ingrate Quitéria, que, suivant la sainte loi que nous professons, tu ne peux, tant que je vivrai, prendre d′époux ; tu n′ignores pas non plus que, pour attendre du temps et de ma diligence l′accroissement de ma fortune, je n′ai pas voulu manquer au respect qu′exigeait ton honneur. Mais toi, foulant aux pieds tous les engagements que tu avais pris envers mes honnêtes désirs, tu veux rendre un autre maître et possesseur de ce qui est à moi, un autre auquel ses richesses ne donnent pas seulement une grande fortune, mais un plus grand bonheur. Eh bien ! pour que son bonheur soit au comble (non que je pense qu′il le mérite, mais parce que les cieux veulent le lui donner), je vais, de mes propres mains, détruire l′impossibilité ou l′obstacle qui s′y oppose, en m′ôtant d′entre vous deux. Vive, vive le riche Camache, avec l′ingrate Quitéria, de longues et heureuses années ! et meure le pauvre Basile, dont la pauvreté a coupé les ailes à son bonheur et l′a précipité dans la tombe ! » | Y, diciendo esto, asió del bastón que tenía hincado en el suelo, y, quedándose la mitad dél en la tierra, mostró que servía de vaina a un mediano estoque que en él se ocultaba; y, puesta la que se podía llamar empuñadura en el suelo, con ligero desenfado y determinado propósito se arrojó sobre él, y en un punto mostró la punta sangrienta a las espaldas, con la mitad del acerada cuchilla, quedando el triste bañado en su sangre y tendido en el suelo, de sus mismas armas traspasado. | En disant cela, il saisit son bâton, le sépara en deux moitiés, dont l′une demeura fichée en terre, et il en tira une courte épée à laquelle ce bâton servait de fourreau ; puis, appuyant par terre ce qu′on pouvait appeler la poignée, il se jeta sur la pointe avec autant de promptitude que de résolution. Aussitôt une moitié de lame sanglante sortit derrière ses épaules, et le malheureux, baigné dans son sang, demeura étendu sur la place, ainsi percé de ses propres armes. | Acudieron luego sus amigos a favorecerle, condolidos de su miseria y lastimosa desgracia; y, dejando don Quijote a Rocinante, acudió a favorecerle y le tomó en sus brazos, y halló que aún no había espirado. Quisiéronle sacar el estoque, pero el cura, que estaba presente, fue de parecer que no se le sacasen antes de confesarle, porque el sacársele y el espirar sería todo a un tiempo. Pero, volviendo un poco en sí Basilio, con voz doliente y desmayada dijo. | Ses amis accoururent aussitôt pour lui porter secours, touchés de sa misère et de sa déplorable aventure. Don Quichotte, laissant Rossinante, s′élança des premiers, et, prenant Basile dans ses bras, il trouva qu′il n′avait pas encore rendu l′âme. On voulait lui retirer l′épée de la poitrine ; mais le curé s′y opposa jusqu′à ce qu′il l′eût confessé, craignant que lui retirer l′épée et le voir expirer ne fût l′affaire du même instant. Basile, revenant un peu à lui, dit alors d′une voix affaiblie et presque éteinte : | -Si quisieses, cruel Quiteria, darme en este último y forzoso trance la mano de esposa, aún pensaría que mi temeridad tendría desculpa, pues en ella alcancé el bien de ser tuyo. | « Si tu voulais, cruelle Quitéria, me donner dans cette dernière crise la main d′épouse, je croirais que ma témérité est excusable, puisqu′elle m′aurait procuré le bonheur d′être à toi. » | El cura, oyendo lo cual, le dijo que atendiese a la salud del alma antes que a los gustos del cuerpo, y que pidiese muy de veras a Dios perdón de sus pecados y de su desesperada determinación. A lo cual replicó Basilio que en ninguna manera se confesaría si primero Quiteria no le daba la mano de ser su esposa: que aquel contento le adobaría la voluntad y le daría aliento para confesarse. | Le curé, qui entendit ces paroles, lui dit de s′occuper plutôt du salut de l′âme que des plaisirs du corps, et de demander sincèrement pardon à Dieu de ses péchés et de sa résolution désespérée. Basile répondit qu′il ne se confesserait d′aucune façon si d′abord Quitéria ne lui engageait sa main, que cette satisfaction lui permettrait de se reconnaître, et lui donnerait des forces pour se confesser. | En oyendo don Quijote la petición del herido, en altas voces dijo que Basilio pedía una cosa muy justa y puesta en razón, y además, muy hacedera, y que el señor Camacho quedaría tan honrado recibiendo a la señora Quiteria viuda del valeroso Basilio como si la recibiera del lado de su padre. | Quand don Quichotte entendit la requête du blessé, il s′écria à haute voix que Basile demandait une chose très-juste, très-raisonnable, et très-faisable en outre, et que le seigneur Camache aurait tout autant d′honneur à recevoir la dame Quitéria, veuve du valeureux Basile, que s′il la prenait aux côtés de son père : | -Aquí no ha de haber más de un sí, que no tenga otro efecto que el pronunciarle, pues el tálamo de estas bodas ha de ser la sepultura. | « Ici, d′ailleurs, ajouta-t-il, tout doit se borner à un oui, puisque la couche nuptiale de ses noces doit être la sépulture. » | Todo lo oía Camacho, y todo le tenía suspenso y confuso, sin saber qué hacer ni qué decir; pero las voces de los amigos de Basilio fueron tantas, pidiéndole que consintiese que Quiteria le diese la mano de esposa, porque su alma no se perdiese, partiendo desesperado desta vida, que le movieron, y aun forzaron, a decir que si Quiteria quería dársela, que él se contentaba, pues todo era dilatar por un momento el cumplimiento de sus deseos. | Camache écoutait tout cela, incertain, confondu, ne sachant ni que faire ni que dire. Mais enfin les amis de Basile lui demandèrent avec tant d′instances de consentir à ce que Quitéria donnât sa main au mourant, pour que son âme ne sortît pas de cette vie dans le désespoir et l′impiété, qu′il se vit obligé de répondre que, si Quitéria voulait la lui donner, il y consentait, puisque ce n′était qu′ajourner d′un instant l′accomplissement de ses désirs. | Luego acudieron todos a Quiteria, y unos con ruegos, y otros con lágrimas, y otros con eficaces razones, la persuadían que diese la mano al pobre Basilio; y ella, más dura que un mármol y más sesga que una estatua, mostraba que ni sabía ni podía, ni quería responder palabra; ni la respondiera si el cura no la dijera que se determinase presto en lo que había de hacer, porque tenía Basilio ya el alma en los dientes, y no daba lugar a esperar inresolutas determinaciones. | Aussitôt tout le monde eut recours à Quitéria ; les uns par des prières, les autres par des larmes, et tous, par les plus efficaces raisons, lui persuadaient de donner sa main au pauvre Basile. Mais elle, plus dure qu′un marbre, plus immobile qu′une statue, ne savait ou ne voulait répondre un mot ; et sans doute elle n′aurait rien répondu, si le curé ne lui eût dit de se décider promptement à ce qu′elle devait faire, car Basile tenait déjà son âme entre ses dents, et ne laissait point de temps à l′irrésolution. | Entonces la hermosa Quiteria, sin responder palabra alguna, turbada, al parecer triste y pesarosa, llegó donde Basilio estaba, ya los ojos vueltos, el aliento corto y apresurado, murmurando entre los dientes el nombre de Quiteria, dando muestras de morir como gentil, y no como cristiano. Llegó, en fin, Quiteria, y, puesta de rodillas, le pidió la mano por señas, y no por palabras. Desencajó los ojos Basilio, y, mirándola atentamente, le dijo. | Alors la belle Quitéria, sans répliquer une seule parole, troublée, triste et éperdue, s′approcha de l′endroit où Basile, les yeux éteints, l′haleine haletante, murmurait entre ses lèvres le nom de Quitéria, donnant à croire qu′il mourait plutôt en gentil qu′en chrétien. Quitéria, se mettant à genoux, lui demanda sa main, par signes et non par paroles. Basile ouvrit les yeux avec effort, et la regardant fixement : | -¡Oh Quiteria, que has venido a ser piadosa a tiempo cuando tu piedad ha de servir de cuchillo que me acabe de quitar la vida, pues ya no tengo fuerzas para llevar la gloria que me das en escogerme por tuyo, ni para suspender el dolor que tan apriesa me va cubriendo los ojos con la espantosa sombra de la muerte! Lo que te suplico es, ¡oh fatal estrella mía!, que la mano que me pides y quieres darme no sea por cumplimiento, ni para engañarme de nuevo, sino que confieses y digas que, sin hacer fuerza a tu voluntad, me la entregas y me la das como a tu legítimo esposo; pues no es razón que en un trance como éste me engañes, ni uses de fingimientos con quien tantas verdades ha tratado contigo. | « Ô Quitéria, lui dit-il, qui deviens compatissante au moment où ta compassion doit achever de m′ôter la vie, puisque je n′ai plus la force pour supporter le ravissement que tu me donnes en me prenant pour époux, ni pour arrêter la douleur qui me couvre si rapidement les yeux des ombres horribles de la mort ; je te conjure d′une chose, ô ma fatale étoile ; c′est qu′en me demandant et en me donnant la main, ce ne soit point par complaisance et pour me tromper de nouveau. Je te conjure de dire et de confesser hautement que c′est sans faire violence à ta volonté que tu me donnes ta main, et que tu me la livres comme à ton légitime époux. Il serait mal de me tromper dans un tel moment, et d′user d′artifice envers celui qui a toujours agi si sincèrement avec toi. » | Entre estas razones, se desmayaba, de modo que todos los presentes pensaban que cada desmayo se había de llevar el alma consigo. Quiteria, toda honesta y toda vergonzosa, asiendo con su derecha mano la de Basilio, le dijo. | Pendant le cours de ces propos, il s′évanouissait de telle sorte que tous les assistants pensaient qu′à chaque défaillance il allait rendre l′âme. Quitéria, toute honteuse et les yeux baissés, prenant dans sa main droite celle de Basile, lui répondit : | -Ninguna fuerza fuera bastante a torcer mi voluntad; y así, con la más libre que tengo te doy la mano de legítima esposa, y recibo la tuya, si es que me la das de tu libre albedrío, sin que la turbe ni contraste la calamidad en que tu discurso acelerado te ha puesto. | « Aucune violence ne serait capable de forcer ma volonté. C′est donc de mon libre mouvement que je te donne ma main de légitime épouse, et que je reçois celle que tu me donnes de ton libre arbitre, que ne trouble ni n′altère en rien la catastrophe où t′a jeté ton désespoir irréfléchi. | -Sí doy -respondió Basilio-, no turbado ni confuso, sino con el claro entendimiento que el cielo quiso darme; y así, me doy y me entrego por tu esposo. |  Oui, je te la donne, reprit Basile, sans trouble, sans altération, avec l′intelligence aussi claire que le ciel ait bien voulu me l′accorder ; ainsi, je me donne et me livre pour ton époux. | -Y yo por tu esposa -respondió Quiteria-, ahora vivas largos años, ahora te lleven de mis brazos a la sepultura. |  Et moi pour ton épouse, repartit Quitéria, soit que tu vives de longues années, soit qu′on te porte de mes bras à la sépulture. | -Para estar tan herido este mancebo -dijo a este punto Sancho Panza-, mucho habla; háganle que se deje de requiebros y que atienda a su alma, que, a mi parecer, más la tiene en la lengua que en los dientes. |  Pour être si grièvement blessé, dit en ce moment Sancho, ce garçon-là jase beaucoup ; qu′on le fasse donc cesser toutes ces galanteries et qu′il pense à son âme, car m′est avis qu′il l′a plutôt sur la langue qu′entre les dents. » | Estando, pues, asidos de las manos Basilio y Quiteria, el cura, tierno y lloroso, los echó la bendición y pidió al cielo diese buen poso al alma del nuevo desposado; el cual, así como recibió la bendición, con presta ligereza se levantó en pie, y con no vista desenvoltura se sacó el estoque, a quien servía de vaina su cuerpo. | Tandis que Basile et Quitéria se tenaient ainsi la main dans la main, le curé, attendri et les larmes aux yeux, leur donna la bénédiction nuptiale, et pria le ciel d′accorder une heureuse demeure à l′âme du nouveau marié. Mais celui-ci n′eut pas plutôt reçu la bénédiction, qu′il se leva légèrement tout debout, et, avec une vivacité inou il tira la dague à laquelle son corps servait de fourreau. | Quedaron todos los circunstantes admirados, y algunos dellos, más simples que curiosos, en altas voces, comenzaron a decir: | Les assistants furent frappés de surprise, et quelques-uns, plus simples que curieux, commencèrent à crier : | -¡Milagro, milagro. | « Miracle ! miracle ! | Pero Basilio replicó. |  Non, ce n′est pas miracle qu′il faut crier, | -¡No "milagro, milagro", sino industria, industria. | répliqua Basile, mais adresse, adresse ! » | El cura, desatentado y atónito, acudió con ambas manos a tentar la herida, y halló que la cuchilla había pasado, no por la carne y costillas de Basilio, sino por un cañón hueco de hierro que, lleno de sangre, en aquel lugar bien acomodado tenía; preparada la sangre, según después se supo, de modo que no se helase. | Le curé, stupéfait, hors de lui, accourut tâter la blessure avec les deux mains. Il trouva que la lame n′avait point passé à travers la chair et les côtes de Basile, mais par un conduit de fer creux qu′il s′était arrangé sur le flanc, plein, comme on le sut depuis, de sang préparé pour ne pas se congeler. | Finalmente, el cura y Camacho, con todos los más circunstantes, se tuvieron por burlados y escarnidos. La esposa no dio muestras de pesarle de la burla; antes, oyendo decir que aquel casamiento, por haber sido engañoso, no había de ser valedero, dijo que ella le confirmaba de nuevo; de lo cual coligieron todos que de consentimiento y sabiduría de los dos se había trazado aquel caso, de lo que quedó Camacho y sus valedores tan corridos que remitieron su venganza a las manos, y, desenvainando muchas espadas, arremetieron a Basilio, en cuyo favor en un instante se desenvainaron casi otras tantas. Y, tomando la delantera a caballo don Quijote, con la lanza sobre el brazo y bien cubierto de su escudo, se hacía dar lugar de todos. Sancho, a quien jamás pluguieron ni solazaron semejantes fechurías, se acogió a las tinajas, donde había sacado su agradable espuma, pareciéndole aquel lugar como sagrado, que había de ser tenido en respeto. Don Quijote, a grandes voces, decía: | Finalement, le curé et Camache, ainsi que la plupart des spectateurs, se tinrent pour joués et bafoués. Quant à l′épousée, elle ne parut point fâchée de la plaisanterie ; au contraire, entendant quelqu′un dire que ce mariage n′était pas valide, comme entaché de fraude, elle s′écria qu′elle le ratifiait de nouveau, d′où tout le monde conclut que c′était du consentement et à la connaissance de tous deux que l′aventure avait été concertée. Camache et ses partisans s′en montrèrent si fort courroucés qu′ils voulurent sur-le-champ tirer vengeance de cet affront, et, plusieurs d′entre eux mettant l′épée à la main, ils fondirent sur Basile, en faveur de qui d′autres épées furent tirées aussitôt. Pour don Quichotte, prenant l′avant-garde avec son cheval, la lance en arrêt et bien couvert de son écu, il se faisait faire place par tout le monde. Sancho, que n′avaient jamais diverti semblables fêtes, courut se réfugier auprès des marmites dont il avait tiré son agréable écume, cet asile lui semblant un sanctuaire qui devait être respecté. Don Quichotte criait à haute voix : | -Teneos, señores, teneos, que no es razón toméis venganza de los agravios que el amor nos hace; y advertid que el amor y la guerra son una misma cosa, y así como en la guerra es cosa lícita y acostumbrada usar de ardides y estratagemas para vencer al enemigo, así en las contiendas y competencias amorosas se tienen por buenos los embustes y marañas que se hacen para conseguir el fin que se desea, como no sean en menoscabo y deshonra de la cosa amada. Quiteria era de Basilio, y Basilio de Quiteria, por justa y favorable disposición de los cielos. Camacho es rico, y podrá comprar su gusto cuando, donde y como quisiere. Basilio no tiene más desta oveja, y no se la ha de quitar alguno, por podeR.JPG@roso que sea; que a los dos que Dios junta no podrá separar el hombre; y el que lo intentare, primero ha de pasar por la punta desta lanza. | « Arrêtez, seigneurs, arrêtez ; il n′y a nulle raison à tirer vengeance des affronts que fait l′amour. Prenez garde que l′amour et la guerre sont une même chose ; et, de même qu′à la guerre il est licite et fréquent d′user de stratagèmes pour vaincre l′ennemi, de même, dans les querelles amoureuses, on tient pour bonnes et légitimes les ruses et les fourberies qu′on emploie dans le but d′arriver à ses fins, pourvu que ce ne soit point au préjudice et au déshonneur de l′objet aimé. Quitéria était à Basile, et Basile à Quitéria, par une juste et favorable disposition des cieux. Camache est riche ; il pourra acheter son plaisir, où, quand et comme il voudra. Basile n′a que cette brebis ; personne, si puissant qu′il soit, ne pourra la lui ravir, car deux êtres que Dieu réunit, l′homme ne peut les séparer ; et celui qui voudrait l′essayer aura d′abord affaire à la pointe de cette lance. » | Y, en esto, la blandió tan fuerte y tan diestramente, que puso pavor en todos los que no le conocían, y tan intensamente se fijó en la imaginación de Camacho el desdén de Quiteria, que se la borró de la memoria en un instante; y así, tuvieron lugar con él las persuasiones del cura, que era varón prudente y bien intencionado, con las cuales quedó Camacho y los de su parcialidad pacíficos y sosegados; en señal de lo cual volvieron las espadas a sus lugares, culpando más a la facilidad de Quiteria que a la industria de Basilio; haciendo discurso Camacho que si Quiteria quería bien a Basilio doncella, también le quisiera casada, y que debía de dar gracias al cielo, más por habérsela quitado que por habérsela dado. | En disant cela, il brandit sa pique avec tant de force et d′adresse, qu′il frappa de crainte tous ceux qui ne le connaissaient pas. D′une autre part, l′indifférence de Quitéria fit une si vive impression sur l′imagination de Camache, qu′en un instant elle effaça tout amour de son cœur. Aussi se laissa-t-il toucher par les exhortations du curé, homme prudent et de bonnes intentions, qui parvint à calmer Camache et ceux de son parti. En signe de paix, ils remirent les épées dans le fourreau, accusant plutôt la facilité de Quitéria que l′industrie de Basile. Camache fit même la réflexion que, si Quitéria aimait Basile, avant d′être mariée, elle l′eût aimé encore après, et qu′il devait plutôt rendre grâce au ciel de ce qu′il la lui enlevait que de ce qu′il la lui avait donnée. | Consolado, pues, y pacífico Camacho y los de su mesnada, todos los de la de Basilio se sosegaron, y el rico Camacho, por mostrar que no sentía la burla, ni la estimaba en nada, quiso que las fiestas pasasen adelante como si realmente se desposara; pero no quisieron asistir a ellas Basilio ni su esposa ni secuaces; y así, se fueron a la aldea de Basilio, que también los pobres virtuosos y discretos tienen quien los siga, honre y ampare, como los ricos tienen quien los lisonjee y acompañe. | Camache consolé, et la paix rétablie parmi ses hommes d′armes, les amis de Basile se calmèrent aussi, et le riche Camache, pour montrer qu′il ne conservait ni ressentiment ni regret, voulut que les fêtes continuassent comme s′il se fût marié réellement. Mais ni Basile ni son épouse et ses amis ne voulurent y assister. Ils partirent pour le village de Basile, car les pauvres qui ont du talent et de la vertu trouvent aussi des gens pour les accompagner, les soutenir et leur faire honneur, comme les riches en trouvent pour les flatter et leur faire entourage. | Llevarónse consigo a don Quijote, estimándole por hombre de valor y de pelo en pecho. A sólo Sancho se le escureció el alma, por verse imposibilitado de aguardar la espléndida comida y fiestas de Camacho, que duraron hasta la noche; y así, asenderado y triste, siguió a su señor, que con la cuadrilla de Basilio iba, y así se dejó atrás las ollas de Egipto, aunque las llevaba en el alma, cuya ya casi consumida y acabada espuma, que en el caldero llevaba, le representaba la gloria y la abundancia del bien que perdía; y así, congojado y pensativo, aunque sin hambre, sin apearse del rucio, siguió las huellas de Rocinante. | Ils emmenèrent avec eux don Quichotte, le tenant pour homme de cœur, et, comme on dit, de poil sur l′estomac. Le seul Sancho sentit son âme s′obscurcir, quand il se vit dans l′impuissance d′attendre le splendide festin et les fêtes de Camache, qui durèrent jusqu′à la nuit. Il suivit donc tristement son seigneur, qui s′en allait avec la compagnie de Basile, laissant derrière lui, bien qu′il les portât au fond de l′âme, les marmites d′Égypte , dont l′écume presque achevée, qu′il emportait dans la casserole, lui représentait la gloire et l′abondance perdues. Aussi, ce fut tout pensif et tout affligé qu′il mit le grison sur les traces de Rossinante.
| II. Capítulo XXII. Donde se da cuenta de la grande aventura de la cueva de Montesinos, que está en el corazón de la Mancha, a quien dio felice cima el valeroso don Quijote de la Mancha. | Chapitre XXII Où l′on rapporte la grande aventure de la caverne de Montésinos, située au cœur de la Manche, aventure à laquelle mit une heureuse fin le valeureux don Quichotte de la Manche Grandes fueron y muchos los regalos que los desposados hicieron a don Quijote, obligados de las muestras que había dado defendiendo su causa, y al par de la valentía le graduaron la discreción, teniéndole por un Cid en las armas y por un Cicerón en la elocuencia. El buen Sancho se refociló tres días a costa de los novios, de los cuales se supo que no fue traza comunicada con la hermosa Quiteria el herirse fingidamente, sino industria de Basilio, esperando della el mesmo suceso que se había visto; bien es verdad que confesó que había dado parte de su pensamiento a algunos de sus amigos, para que al tiempo necesario favoreciesen su intención y abonasen su engaño. | Avec de grands hommages les nouveaux mariés accueillirent don Quichotte, empressés de reconnaître les preuves de valeur qu′il avait données en défendant leur cause ; et, mettant son esprit aussi haut que son courage, ils le tinrent pour un Cid dans les armes et un Cicéron dans l′éloquence. Le bon Sancho se récréa trois jours aux dépens des mariés, desquels on apprit que la feinte blessure n′avait pas été une ruse concertée avec la belle Quitéria, mais une invention de Basile, qui en attendait précisément le résultat qu′on a vu. Il avoua, à la vérité, qu′il avait fait part de son projet à quelques-uns de ses amis, pour qu′au moment nécessaire ils lui prêtassent leur aide et soutinssent la supercherie. | -No se pueden ni deben llamar engaños -dijo don Quijote- los que ponen la mira en virtuosos fines. | « On ne peut et l′on ne doit point, dit don Quichotte, nommer supercherie les moyens qui visent à une fin vertueuse ; et, pour les amants, se marier est la fin par excellence. | Y que el de casarse los enamorados era el fin de más excelencia, advirtiendo que el mayor contrario que el amor tiene es la hambre y la continua necesidad, porque el amor es todo alegría, regocijo y contento, y más cuando el amante está en posesión de la cosa amada, contra quien son enemigos opuestos y declarados la necesidad y la pobreza; y que todo esto decía con intención de que se dejase el señor Basilio de ejercitar las habilidades que sabe, que, aunque le daban fama, no le daban dineros, y que atendiese a granjear hacienda por medios lícitos e industriosos, que nunca faltan a los prudentes y aplicados. | Mais prenez garde que le plus grand ennemi qu′ait l′amour, c′est le besoin, la nécessité continuelle. Dans l′amour, tout est joie, plaisir, contentement, surtout quand l′amant est en possession de l′objet aimé, et ses plus mortels ennemis sont la pauvreté et la disette. Tout ce que je dis, c′est dans l′intention de faire abandonner au seigneur Basile l′exercice des talents qu′il possède, lesquels lui donnaient bien de la renommée, mais ne lui produisaient pas d′argent, et pour qu′il s′applique à faire fortune par des moyens d′honnête industrie, qui ne manquent jamais aux hommes prudents et laborieux. | -El pobre honrado, si es que puede ser honrado el pobre, tiene prenda en tener mujer hermosa, que, cuando se la quitan, le quitan la honra y se la matan. La mujer hermosa y honrada, cuyo marido es pobre, merece ser coronada con laureles y palmas de vencimiento y triunfo. La hermosura, por sí sola, atrae las voluntades de cuantos la miran y conocen, y como a señuelo gustoso se le abaten las águilas reales y los pájaros altaneros; pero si a la tal hermosura se le junta la necesidad y la estrecheza, también la embisten los cuervos, los milanos y las otras aves de rapiña; y la que está a tantos encuentros firme bien merece llamarse corona de su marido. Mirad, discreto Basilio -añadió don Quijote-: opinión fue de no sé qué sabio que no había en todo el mundo sino una sola mujer buena, y daba por consejo que cada uno pensase y creyese que aquella sola buena era la suya, y así viviría contento. Yo no soy casado, ni hasta agora me ha venido en pensamiento serlo; y, con todo esto, me atrevería a dar consejo al que me lo pidiese del modo que había de buscar la mujer con quien se quisiese casar. Lo primero, le aconsejaría que mirase más a la fama que a la hacienda, porque la buena mujer no alcanza la buena fama solamente con ser buena, sino con parecerlo; que mucho más dañan a las honras de las mujeres las desenvolturas y libertades públicas que las maldades secretas. Si traes buena mujer a tu casa, fácil cosa sería conservarla, y aun mejorarla, en aquella bondad; pero si la traes mala, en trabajo te pondrá el enmendarla: que no es muy hacedero pasar de un estremo a otro. Yo no digo que sea imposible, pero téngolo por dificultoso. | Pour le pauvre honorable (en supposant que le pauvre puisse être honoré), une femme belle est un bijou avec lequel, si on le lui enlève, on lui enlève aussi l′honneur. La femme belle et honnête, dont le mari est pauvre, mérite d′être couronnée avec les lauriers de la victoire et les palmes du triomphe. La beauté par elle seule attire les cœurs de tous ceux qui la regardent, et l′on voit s′y abattre, comme à un appât exquis, les aigles royaux, les nobles faucons, les oiseaux de haute volée. Mais si à la beauté se joignent la pauvreté et le besoin, alors elle se trouve en butte aux attaques des corbeaux, des milans, des plus vils oiseaux de proie, et celle qui résiste à tant de combats mérite bien de s′appeler la couronne de son mari. Écoutez, discret Basile, ajouta don Quichotte ; ce fut l′opinion de je ne sais plus quel ancien sage, qu′il n′y a dans le monde entier qu′une seule bonne femme ; mais il conseillait à chaque mari de penser que cette femme unique était la sienne, pour vivre ainsi pleinement satisfait. Moi, je ne suis pas marié, et jusqu′à cette heure il ne m′est pas venu dans la pensée de l′être ; cependant j′oserais donner à celui qui me les demanderait des avis sur la manière de choisir la femme qu′il voudrait épouser. La première chose que je lui conseillerais, ce serait de faire plus attention à la réputation qu′à la fortune, car la femme vertueuse n′acquiert pas la bonne renommée seulement parce qu′elle est vertueuse, mais encore parce qu′elle le paraît ; en effet, la légèreté et les étourderies publiques nuisent plus à l′honneur des femmes que les fautes secrètes. Si tu mènes une femme vertueuse dans ta maison, il te sera facile de la conserver et même de la fortifier dans cette vertu ; mais si tu mènes une femme de mauvais penchants, tu auras grande peine à la corriger, car il n′est pas fort aisé de passer d′un extrême à l′autre. Je ne dis pas que la chose soit impossible, mais je la regarde comme d′une excessive difficulté. | Oía todo esto Sancho, y dijo entre sí. | Sancho avait entendu tout cela ; il se dit tout bas à lui-même : | -Este mi amo, cuando yo hablo cosas de meollo y de sustancia suele decir que podría yo tomar un púlpito en las manos y irme por ese mundo adelante predicando lindezas; y yo digo dél que cuando comienza a enhilar sentencias y a dar consejos, no sólo puede tomar púlpito en las manos, sino dos en cada dedo, y andarse por esas plazas a ¿qué quieres boca? ¡Válate el diablo por caballero andante, que tantas cosas sabes! Yo pensaba en mi ánima que sólo podía saber aquello que tocaba a sus caballerías, pero no hay cosa donde no pique y deje de meter su cucharada. | « Ce mien maître, quand je parle de choses moelleuses et substantielles, a coutume de dire que je pourrais prendre une chaire à la main et aller par le monde prêchant de jolis sermons ; eh bien ! moi je dis de lui que, lorsqu′il se met à enfiler des sentences et à donner des conseils, non-seulement il peut prendre une chaire à la main, mais deux à chaque doigt, et s′en aller de place en place prêcher à bouche que veux-tu. Diable soit de lui pour chevalier errant, quand on sait tant de choses ! Je m′imaginais en mon âme qu′il ne savait rien de plus que ce qui avait rapport à ses chevaleries ; mais il n′y a pas une chose où il ne puisse piquer sa fourchette. » | Murmuraba esto algo Sancho, y entreoyóle su señor, y preguntóle: | Sancho murmurait ce monologue entre ses dents, et son maître, l′ayant entre-ouíª lui demanda : | -¿Qué murmuras, Sancho. | « Que murmures-tu là, Sancho ? | -No digo nada, ni murmuro de nada -respondió Sancho-; sólo estaba diciendo entre mí que quisiera haber oído lo que vuesa merced aquí ha dicho antes que me casara, que quizá dijera yo agora: "El buey suelto bien se lame". |  Je ne dis rien, et ne murmure de rien, répondit Sancho ; j′étais seulement à me dire en moi-même que j′aurais bien voulu entendre ce que vient de dire Votre Grâce avant de me marier. Peut-être dirais-je à présent que le bœuf détaché se lèche plus à l′aise. | -¿Tan mala es tu Teresa, Sancho? -dijo don Quijote. |  Comment ! ta Thérèse est méchante à ce point, Sancho ? reprit don Quichotte. | -No es muy mala -respondió Sancho-, pero no es muy buena; a lo menos, no es tan buena como yo quisiera. |  Elle n′est pas très-méchante, répliqua Sancho ; mais elle n′est pas non plus très-bonne ; du moins elle n′est pas aussi bonne que je le voudrais. | -Mal haces, Sancho -dijo don Quijote-, en decir mal de tu mujer, que, en efecto, es madre de tus hijos. |  Tu fais mal, Sancho, continua don Quichotte, de mal parler de ta femme, car enfin elle est la mère de tes enfants. | -No nos debemos nada -respondió Sancho-, que también ella dice mal de mí cuando se le antoja, especialmente cuando está celosa, que entonces súfrala el mesmo Satanás. |  Oh ! nous ne nous devons rien, répondit Sancho ; elle ne parle pas mieux de moi quand la fantaisie lui en prend, et surtout quand elle est jalouse ; car alors Satan même ne la souffrirait pas. » | Finalmente, tres días estuvieron con los novios, donde fueron regalados y servidos como cuerpos de rey. Pidió don Quijote al diestro licenciado le diese una guía que le encaminase a la cueva de Montesinos, porque tenía gran deseo de entrar en ella y ver a ojos vistas si eran verdaderas las maravillas que de ella se decían por todos aquellos contornos. El licenciado le dijo que le daría a un primo suyo, famoso estudiante y muy aficionado a leer libros de caballerías, el cual con mucha voluntad le pondría a la boca de la mesma cueva, y le enseñaría las lagunas de Ruidera, famosas ansimismo en toda la Mancha, y aun en toda España; y díjole que llevaría con él gustoso entretenimiento, a causa que era mozo que sabía hacer libros para imprimir y para dirigirlos a príncipes. Finalmente, el primo vino con una pollina preñada, cuya albarda cubría un gayado tapete o arpillera. Ensilló Sancho a Rocinante y aderezó al rucio, proveyó sus alforjas, a las cuales acompañaron las del primo, asimismo bien proveídas, y, encomendándose a Dios y despediéndose de todos, se pusieron en camino, tomando la derrota de la famosa cueva de Montesinos. | Finalement, maître et valet restèrent trois jours chez les mariés, où ils furent servis et traités comme des rois. Don Quichotte pria le licencié maître en escrime de lui donner un guide qui le conduisît à la caverne de Montésinos, ayant grand désir d′y entrer et de voir par ses propres yeux si toutes les merveilles que l′on en contait dans les environs étaient véritables. Le licencié répondit qu′il lui donnerait pour guide un sien cousin, fameux étudiant et grand amateur de livres de chevalerie, qui le mènerait très-volontiers jusqu′à la bouche de la caverne, et lui ferait voir aussi les lagunes de Ruidéra, célèbres dans toute la Manche et même dans toute l′Espagne. « Vous pourrez, ajouta le licencié, avoir avec lui d′agréables entretiens, car c′est un garçon qui sait faire des livres pour les imprimer et les adresser à des princes. » En effet, le cousin arriva, monté sur une bourrique pleine, dont le bât était recouvert d′un petit tapis bariolé. Sancho sella Rossinante, bâta le grison, et pourvut son bissac, auquel faisait compagnie celui du cousin, également bien rempli ; puis, se recommandant à Dieu, et prenant congé de tout le monde, ils se mirent en route dans la direction de la fameuse caverne de Montésinos. | En el camino preguntó don Quijote al primo de qué género y calidad eran sus ejercicios, su profesión y estudios; a lo que él respondió que su profesión era ser humanista; sus ejercicios y estudios, componer libros para dar a la estampa, todos de gran provecho y no menos entretenimiento para la república; que el uno se intitulaba el de las libreas, donde pinta setecientas y tres libreas, con sus colores, motes y cifras, de donde podían sacar y tomar las que quisiesen en tiempo de fiestas y regocijos los caballeros cortesanos, sin andarlas mendigando de nadie, ni lambicando, como dicen, el cerbelo, por sacarlas conformes a sus deseos e intenciones. | Chemin faisant, don Quichotte demanda au cousin du licencié de quel genre étaient ses exercices, ses études, sa profession. L′autre répondit que sa profession était d′être humaniste, ses études et ses exercices de composer des livres qu′il donnait à la presse, tous de grand profit et d′égal divertissement pour la république. « L′un, dit-il, est intitulé Livre des livrées ; j′y décris sept cent trois livrées avec leurs couleurs, chiffres et devises, et les chevaliers de la cour peuvent y prendre celles qu′ils voudront dans les temps de fêtes et de réjouissances, sans les aller mendier de personne, et sans s′alambiquer, comme on dit, la cervelle, pour en tirer de conformes à leurs désirs et à leurs intentions. | -Porque doy al celoso, al desdeñado, al olvidado y al ausente las que les convienen, que les vendrán más justas que pecadoras. Otro libro tengo también, a quien he de llamar Metamorfóseos, o Ovidio español, de invención nueva y rara; porque en él, imitando a Ovidio a lo burlesco, pinto quién fue la Giralda de Sevilla y el Ángel de la Madalena, quién el Caño de Vecinguerra, de Córdoba, quiénes los Toros de Guisando, la Sierra Morena, las fuentes de Leganitos y Lavapiés, en Madrid, no olvidándome de la del Piojo, de la del Caño Dorado y de la Priora; y esto, con sus alegorías, metáforas y translaciones, de modo que alegran, suspenden y enseñan a un mismo punto. Otro libro tengo, que le llamo Suplemento a Virgilio Polidoro, que trata de la invención de las cosas, que es de grande erudición y estudio, a causa que las cosas que se dejó de decir Polidoro de gran sustancia, las averiguo yo, y las declaro por gentil estilo. Olvidósele a Virgilio de declararnos quién fue el primero que tuvo catarro en el mundo, y el primero que tomó las unciones para curarse del morbo gálico, y yo lo declaro al pie de la letra, y lo autorizo con más de veinte y cinco autores: porque vea vuesa merced si he trabajado bien y si ha de ser útil el tal libro a todo el mundo. | En effet, j′en ai pour le jaloux, pour le dédaigné, pour l′oublié, pour l′absent, qui leur iront juste comme un bas de soie. J′ai fait aussi un autre livre, que je veux intituler Métamorphoseos ou l′Ovide espagnol, d′une nouvelle et étrange invention. Imitant Ovide dans le genre burlesque, j′y raconte et peins ce que furent la Giralda de Séville, l′Ange de la Madeleine, l′égout de Vécinguerra à Cordoue, les taureaux de Guisando, la Sierra-Moréna, les fontaines de Léganitos et de Lavapiès à Madrid, sans oublier celle du Pou, celle du Tuyau doré et celle de la Prieure< . À chaque chose, j′ajoute les allégories, métaphores et inversions convenables, de façon que l′ouvrage divertisse, étonne et instruise en même temps. J′ai fait encore un autre livre, que j′appelle Supplément à Virgile Polydore , et qui traite de l′invention des choses ; c′est un livre de grand travail et de grande érudition, car toutes les choses importantes que Polydore a omis de dire, je les vérifie et les explique d′une gentille façon. Il a, par exemple, oublié de nous faire connaître le premier qui eut un catarrhe dans le monde, et le premier qui fit usage de frictions pour se guérir du mal français. Moi, je le déclare au pied de la lettre, et je m′appuie du témoignage de plus de vingt-cinq auteurs. Voyez maintenant si j′ai bien travaillé, et si un tel livre doit être utile au monde ! » | Sancho, que había estado muy atento a la narración del primo, le dijo. | Sancho avait écouté très-attentivement le récit du cousin : | -Dígame, señor, así Dios le dé buena manderecha en la impresión de sus libros: ¿sabríame decir, que sí sabrá, pues todo lo sabe, quién fue el primero que se rascó en la cabeza, que yo para mí tengo que debió de ser nuestro padre Adán. | « Dites-moi, seigneur, lui dit-il, et que Dieu vous donne bonne chance dans l′impression de vos livres ! sauriez-vous me direÂ
Oh ! oui, vous le saurez, puisque vous savez tout, qui fut le premier qui s′est gratté la tête ? il m′est avis que ce dut être notre premier père Adam. | -Sí sería -respondió el primo-, porque Adán no hay duda sino que tuvo cabeza y cabellos; y, siendo esto así, y siendo el primer hombre del mundo, alguna vez se rascaría. |  Ce doit l′être en effet, répondit le cousin, car il est hors de doute qu′Adam avait une tête et des cheveux. Dans ce cas, et puisqu′il était le premier homme du monde, il devait bien se gratter quelquefois. | -Así lo creo yo -respondió Sancho-; pero dígame ahora: ¿quién fue el primer volteador del mundo. |  C′est ce que je crois aussi, répliqua Sancho. Mais dites-moi maintenant, qui fut le premier sauteur et voltigeur du monde ? | <-En verdad, hermano -respondió el primo-, que no me sabré determinar por ahora, hasta que lo estudie. Yo lo estudiaré, en volviendo adonde tengo mis libros, y yo os satisfaré cuando otra vez nos veamos, que no ha de ser ésta la postrera. |  En vérité, frère, répondit le cousin, je ne saurais trop décider la chose quant à présent et avant de l′étudier ; mais je l′étudierai dès que je serai de retour où sont mes livres, et je vous satisferai la première fois que nous nous verrons, car j′espère que celle-ci ne sera pas la dernière. | -Pues mire, señor -replicó Sancho-, no tome trabajo en esto, que ahora he caído en la cuenta de lo que le he preguntado. Sepa que el primer volteador del mundo fue Lucifer, cuando le echaron o arrojaron del cielo, que vino volteando hasta los abismos. |  Eh bien ! Seigneur, répliqua Sancho, ne vous mettez pas en peine de cela, car je viens maintenant de trouver ce que je vous demandais. Sachez que le premier voltigeur du monde fut Lucifer, quand on le précipita du ciel, car il tomba en voltigeant jusqu′au fond des abîmes. | -Tienes razón, amigo -dijo el primo. |  Pardieu, vous avez raison, mon ami », dit le cousin. | Y dijo don Quijote. | Et don Quichotte ajouta : | -Esa pregunta y respuesta no es tuya, Sancho: a alguno las has oído decir. | « Cette question et cette réponse ne sont pas de toi, Sancho ; tu les avais entendu dire à quelqu′un. | -Calle, señor -replicó Sancho-, que a buena fe que si me doy a preguntar y a responder, que no acabe de aquí a mañana. Sí, que para preguntar necedades y responder disparates no he menester yo andar buscando ayuda de vecinos. |  Taisez-vous, seigneur, repartit Sancho ; en bonne foi, si je me mets à demander et à répondre, je n′aurai pas fini d′ici à demain. Croyez-vous que, pour demander des niaiseries et répondre des bêtises, j′aie besoin d′aller chercher l′aide de mes voisins ? | -Más has dicho, Sancho, de lo que sabes -dijo don Quijote-; que hay algunos que se cansan en saber y averiguar cosas que, después de sabidas y averiguadas, no importan un ardite al entendimiento ni a la memoria. |  Tu en as dit plus long que tu n′en sais, reprit don Quichotte ; car il y a des gens qui se tourmentent pour savoir et vérifier des choses, lesquelles, une fois sues et vérifiées, ne font pas le profit d′une obole à l′intelligence et à la mémoire. » | En estas y otras gustosas pláticas se les pasó aquel día, y a la noche se albergaron en una pequeña aldea, adonde el primo dijo a don Quijote que desde allí a la cueva de Montesinos no había más de dos leguas, y que si llevaba determinado de entrar en ella, era menester proverse de sogas, para atarse y descolgarse en su profundidad. | Ce fut dans ces entretiens et d′autres non moins agréables qu′ils passèrent ce jour-là. La nuit venue, ils se gîtèrent dans un petit village, où le cousin dit à don Quichotte que, de là jusqu′à la caverne de Montésinos, il n′y avait pas plus de deux lieues ; qu′ainsi, s′il était bien résolu à y pénétrer, il n′avait qu′à se munir de cordes pour s′attacher et se faire descendre dans ses profondeurs. | Don Quijote dijo que, aunque llegase al abismo, había de ver dónde paraba; y así, compraron casi cien brazas de soga, y otro día, a las dos de la tarde, llegaron a la cueva, cuya boca es espaciosa y ancha, pero llena de cambroneras y cabrahígos, de zarzas y malezas, tan espesas y intricadas, que de todo en todo la ciegan y encubren. En viéndola, se apearon el primo, Sancho y don Quijote, al cual los dos le ataron luego fortísimamente con las sogas; y, en tanto que le fajaban y ceñían, le dijo Sancho. | Don Quichotte répondit que, dût-il descendre jusqu′aux abîmes de l′enfer, il voulait en voir le fond. Ils achetèrent donc environ cent brasses de corde, et le lendemain, vers les deux heures, ils arrivèrent à la caverne, dont la bouche est large et spacieuse, mais remplie d′aubépines, de figuiers sauvages, de ronces et de broussailles tellement épaisses et entrelacées, qu′elles la couvrent entièrement. Quand ils se virent auprès, le cousin, Sancho et don Quichotte mirent ensemble pied à terre, et les deux premiers s′occupèrent aussitôt à attacher fortement le chevalier avec les cordes. Pendant qu′ils lui faisaient une ceinture autour des reins, Sancho lui dit : | -Mire vuestra merced, señor mío, lo que hace: no se quiera sepultar en vida, ni se ponga adonde parezca frasco que le ponen a enfriar en algún pozo. Sí, que a vuestra merced no le toca ni atañe ser el escudriñador desta que debe de ser peor que mazmorra. | « Que Votre Grâce, mon bon seigneur, prenne garde à ce qu′elle fait. Croyez-moi, n′allez pas vous ensevelir vivant, et vous pendre comme une cruche qu′on met rafraîchir dans un puits. Ce n′est pas à Votre Grâce qu′il appartient d′être l′examinateur de cette caverne, qui doit être pire qu′un cachot des Mores. | -Ata y calla -respondió don Quijote-, que tal empresa como aquésta, Sancho amigo, para mí estaba guardada. |  Attache et tais-toi, répondit don Quichotte ; une entreprise comme celle-ci, ami Sancho, m′était justement réservée. » | Y entonces dijo la guía. | Alors le guide ajouta : | -Suplico a vuesa merced, señor don Quijote, que mire bien y especule con cien ojos lo que hay allá dentro: quizá habrá cosas que las ponga yo en el libro de mis Transformaciones. | « Je supplie Votre Grâce, seigneur don Quichotte, de regarder et de fureter par là dedans avec cent yeux ; il s′y trouvera peut-être des choses bonnes à mettre dans mon livre des métamorphoses. | -En manos está el pandero que le sabrá bien tañer -respondió Sancho Panza. |  Pardieu, répondit Sancho Panza, soyez tranquille, le tambour de basque est dans des mains qui sauront bien en jouer. » | Dicho esto y acabada la ligadura de don Quijote -que no fue sobre el arnés, sino sobre el jubón de armar-, dijo don Quijote: | Cela dit et la ceinture de cordes mise à don Quichotte (non sur les pièces de l′armure, mais plus bas, sur les pans du pourpoint) : | -Inadvertidos hemos andado en no habernos proveído de algún esquilón pequeño, que fuera atado junto a mí en esta mesma soga, con cuyo sonido se entendiera que todavía bajaba y estaba vivo; pero, pues ya no es posible, a la mano de Dios, que me guíe. 1 | « Nous avons été bien imprévoyants, dit-il, de ne pas nous munir de quelque petite sonnette qu′on aurait attachée près de moi, à la corde même, et dont le bruit aurait fait entendre que je descendais toujours et que j′étais vivant ; mais puisque ce n′est plus possible, à la grâce de Dieu ! » | Y luego se hincó de rodillas y hizo una oración en voz baja al cielo, pidiendo a Dios le ayudase y le diese buen suceso en aquella, al parecer, peligrosa y nueva aventura, y en voz alta dijo luego. | Aussitôt il se jeta à genoux, et fit à voix basse une oraison, pour demander à Dieu de lui donner son aide ainsi qu′une heureuse issue à cette nouvelle et périlleuse aventure. Puis, d′une voix haute, il s′écria : | -¡Oh señora de mis acciones y movimientos, clarísima y sin par Dulcinea del Toboso! Si es posible que lleguen a tus oídos las plegarias y rogaciones deste tu venturoso amante, por tu inaudita belleza te ruego las escuches, que no son otras que rogarte no me niegues tu favor y amparo, ahora que tanto le he menester. Yo voy a despeñarme, a empozarme y a hundirme en el abismo que aquí se me representa, sólo porque conozca el mundo que si tú me favoreces, no habrá imposible a quien yo no acometa y acabe. | « Ô dame de mes pensées, maîtresse de mes actions, illustre et sans pareille Dulcinée du Toboso, s′il est possible que les prières et les supplications de ton amant fortuné arrivent jusqu′à tes oreilles, par ta beauté inou je te conjure de les écouter ; elles n′ont d′autre objet que de te supplier de ne pas me refuser ta faveur et ton appui, maintenant que j′en ai si grand besoin. Je vais m′enfoncer et me précipiter dans l′abîme qui s′offre devant moi, seulement pour que le monde apprenne que, si tu me favorises, il n′y a point d′entreprise que je n′affronte et ne mette à fin. » | Y, en diciendo esto, se acercó a la sima; vio no ser posible descolgarse, ni hacer lugar a la entrada, si no era a fuerza de brazos, o a cuchilladas, y así, poniendo mano a la espada, comenzó a derribar y a cortar de aquellas malezas que a la boca de la cueva estaban, por cuyo ruido y estruendo salieron por ella una infinidad de grandísimos cuervos y grajos, tan espesos y con tanta priesa, que dieron con don Quijote en el suelo; y si él fuera tan agorero como católico cristiano, lo tuviera a mala señal y escusara de encerrarse en lugar semejante. | En disant cela, il s′approcha de l′ouverture, et vit qu′il était impossible de s′y faire descendre et même d′y aborder, à moins que de s′ouvrir par force un passage. Il mit donc l′épée à la main, et commença de couper et d′abattre des branches à travers les broussailles qui cachaient la bouche de la caverne. Au bruit que faisaient ses coups, il en sortit une multitude de corbeaux et de corneilles, si nombreux, si pressés et tellement à la hâte, qu′ils renversèrent don Quichotte sur le dos ; et certes, s′il eût donné aussi pleine croyance aux augures qu′il était bon catholique, il aurait pris la chose en mauvais signe, et se serait dispensé de s′enfermer dans un lieu semblable. | Finalmente se levantó, y, viendo que no salían más cuervos ni otras aves noturnas, como fueron murciélagos, que asimismo entre los cuervos salieron, dándole soga el primo y Sancho, se dejó calar al fondo de la caverna espantosa; y, al entrar, echándole Sancho su bendición y haciendo sobre él mil cruces, dijo. | Finalement, il se releva, et, voyant qu′il ne sortait plus ni corbeaux ni oiseaux nocturnes, car des chauves-souris étaient mêlées aux corbeaux, il demanda de la corde au cousin et à Sancho, qui le laissèrent glisser doucement au fond de l′épouvantable caverne. Au moment où il disparut, Sancho lui donna sa bénédiction, et faisant sur lui mille signes de croix : | -¡Dios te guíe y la Peña de Francia, junto con la Trinidad de Gaeta, flor, nata y espuma de los caballeros andantes! ¡Allá vas, valentón del mundo, corazón de acero, brazos de bronce! ¡Dios te guíe, otra vez, y te vuelva libre, sano y sin cautela a la luz desta vida, que dejas por enterrarte en esta escuridad que buscas. | « Dieu te conduise, s′écria-t-il, ainsi que la Roche de France et la Trinité de Gaëte , fleur, crème, et écume des chevaliers errants ! Va, champion du monde, cœur d′acier, bras d′airain ; Dieu te conduise, dis-je encore, et te ramène sain et sauf à la lumière de cette vie, que tu abandonnes pour t′enterrer dans cette obscurité que tu cherches ! » | Casi las mismas plegarias y deprecaciones hizo el primo. | Le cousin fit à peu près les mêmes invocations. | Iba don Quijote dando voces que le diesen soga y más soga, y ellos se la daban poco a poco; y cuando las voces, que acanaladas por la cueva salían, dejaron de oírse, ya ellos tenían descolgadas las cien brazas de soga, y fueron de parecer de volver a subir a don Quijote, pues no le podían dar más cuerda. Con todo eso, se detuvieron como media hora, al cabo del cual espacio volvieron a recoger la soga con mucha facilidad y sin peso alguno, señal que les hizo imaginar que don Quijote se quedaba dentro; y, creyéndolo así, Sancho lloraba amargamente y tiraba con mucha priesa por desengañarse, pero, llegando, a su parecer, a poco más de las ochenta brazas, sintieron peso, de que en estremo se alegraron. Finalmente, a las diez vieron distintamente a don Quijote, a quien dio voces Sancho, diciéndole. | Cependant don Quichotte criait coup sur coup qu′on lui donnât de la corde, et les autres la lui donnaient peu à peu. Quand les cris, qui sortaient de la caverne comme par un tuyau, cessèrent d′être entendus, ils avaient lâché les cent brasses de corde. Ils furent alors d′avis de remonter don Quichotte, puisqu′ils ne pouvaient pas le descendre plus bas. Néanmoins, ils attendirent environ une demi-heure, et, au bout de ce temps, ils retirèrent la corde, mais avec une excessive facilité, et sans aucun poids, ce qui leur fit imaginer que don Quichotte était resté dedans. Sancho, le croyant ainsi, pleurait amèrement, et tirait en toute hâte pour s′assurer de la vérité. Mais quand ils furent arrivés à environ quatre-vingts brasses, ils sentirent du poids, ce qui leur causa une joie extrême. Enfin, vers dix brasses, ils aperçurent distinctement don Quichotte, auquel Sancho cria tout joyeux : | -Sea vuestra merced muy bien vuelto, señor mío, que ya pensábamos que se quedaba allá para casta. 1 | « Soyez le bien revenu, mon bon seigneur ; nous pensions que vous étiez resté là pour faire race. » | Pero no respondía palabra don Quijote; y, sacándole del todo, vieron que traía cerrados los ojos, con muestras de estar dormido. Tendiéronle en el suelo y desliáronle, y con todo esto no despertaba; pero tanto le volvieron y revolvieron, sacudieron y menearon, que al cabo de un buen espacio volvió en sí, desperezándose, bien como si de algún grave y profundo sueño despertara; y, mirando a una y otra parte, como espantado, dijo. | Mais don Quichotte ne répondait pas un mot, et, quand ils l′eurent entièrement retiré de la caverne, ils virent qu′il avait les yeux fermés comme un homme endormi. Ils l′étendirent par terre et délièrent sa ceinture de cordes, sans pouvoir toutefois l′éveiller. Enfin, ils le tournèrent, le retournèrent et le secouèrent si bien, qu′au bout d′un long espace de temps il revint à lui, étendant ses membres comme s′il fût sorti d′un lourd et profond sommeil. Il jeta de côté et d′autre des regards effarés, et s′écria : | -Dios os lo perdone, amigos; que me habéis quitado de la más sabrosa y agradable vida y vista que ningún humano ha visto ni pasado. En efecto, ahora acabo de conocer que todos los contentos desta vida pasan como sombra y sueño, o se marchitan como la flor del campo. ¡Oh desdichado Montesinos! ¡Oh mal ferido Durandarte! ¡Oh sin ventura Belerma! ¡Oh lloroso Guadiana, y vosotras sin dicha ijas de Ruidera, que mostráis en vuestras aguas las que lloraron vuestros hermosos ojos. | « Dieu vous le pardonne, amis ! vous m′avez enlevé au plus agréable spectacle, à la plus délicieuse vie dont aucun mortel ait jamais joui. Maintenant, en effet, je viens de reconnaître que toutes les joies de ce monde passent comme l′ombre et le songe, ou se flétrissent comme la fleur des champs. Ô malheureux Montésinos ! Ô Durandart couvert de blessures ! ô infortunée Bélerme ! ô larmoyant Guadiana ! et vous, déplorables filles de Ruidéra, qui montrez dans vos eaux abondantes celles qu′ont versées vos beaux yeux ! » | Escuchaban el primo y Sancho las palabras de don Quijote, que las decía como si con dolor inmenso las sacara de las entrañas. Suplicáronle les diese a entender lo que decía, y les dijese lo que en aquel infierno había visto. | Le cousin et Sancho écoutaient avec grande attention les paroles de don Quichotte, qui les prononçait comme s′il les eût tirées avec une douleur immense du fond de ses entrailles. Ils le supplièrent de leur expliquer ce qu′il voulait dire, et de leur raconter ce qu′il avait vu dans cet enfer. | -¿Infierno le llamáis? -dijo don Quijote-; pues no le llaméis ansí, porque no lo merece, como luego veréis. | « Enfer vous l′appelez ! s′écria don Quichotte ; non, ne l′appelez pas ainsi, car il ne le mérite pas, comme vous allez voir. » | Pidió que le diesen algo de comer, que traía grandísima hambre. Tendieron la arpillera del primo sobre la verde yerba, acudieron a la despensa de sus alforjas, y, sentados todos tres en buen amor y compaña, merendaron y cenaron, todo junto. Levantada la arpillera, dijo don Quijote de la Mancha. | Il demanda qu′on lui donnât d′abord quelque chose à manger, parce qu′il avait une horrible faim. On étendit sur l′herbe verte le tapis qui faisait la selle du cousin, on vida les bissacs, et, tous trois assis en bon accord et bonne amitié, ils goûtèrent et soupèrent tout à la fois. Quand le tapis fut enlevé, don Quichotte s′écria : | -No se levante nadie, y estadme, hijos, todos atentos. | « Que personne ne se lève, enfants, et soyez tous attentifs. »
| II. Capítulo XXIII. De las admirables cosas que el estremado don Quijote contó que había visto en la profunda cueva de Montesinos, cuya imposibilidad y grandeza hace que se tenga esta aventura por apócrifa. | Chapitre XXIII Des choses admirables que l′insigne don Quichotte raconte avoir vues dans la profonde caverne de Montésinos, choses dont l′impossibilité et la grandeur font que l′on tient cette aventure pour apocryphe Las cuatro de la tarde serían cuando el sol, entre nubes cubierto, con luz escasa y templados rayos, dio lugar a don Quijote para que, sin calor y pesadumbre, contase a sus dos clarísimos oyentes lo que en la cueva de Montesinos había visto. Y comenzó en el modo siguiente. | Il était quatre heures du soir, quand le soleil, caché derrière des nuages, et ne jetant qu′une faible lumière et des rayons tempérés, permit à don Quichotte de conter, sans chaleur et sans fatigue, à ses deux illustres auditeurs, ce qu′il avait vu dans la caverne de Montésinos. Il commença de la manière suivante : | -A obra de doce o catorce estados de la profundidad desta mazmorra, a la derecha mano, se hace una concavidad y espacio capaz de poder caber en ella un gran carro con sus mulas. Éntrale una pequeña luz por unos resquicios o agujeros, que lejos le responden, abiertos en la superficie de la tierra. Esta concavidad y espacio vi yo a tiempo cuando ya iba cansado y mohíno de verme, pendiente y colgado de la soga, caminar por aquella escura región abajo, sin llevar cierto ni determinado camino; y así, determiné entrarme en ella y descansar un poco. Di voces, pidiéndoos que no descolgásedes más soga hasta que yo os lo dijese, pero no debistes de oírme. Fui recogiendo la soga que enviábades, y, haciendo della una rosca o rimero, me senté sobre él, pensativo además, considerando lo que hacer debía para calar al fondo, no teniendo quién me sustentase; y, estando en este pensamiento y confusión, de repente y sin procurarlo, me salteó un sueño profundísimo; y, cuando menos lo pensaba, sin saber cómo ni cómo no, desperté dél y me hallé en la mitad del más bello, ameno y deleitoso prado que puede criar la naturaleza ni imaginar la más discreta imaginación humana. Despabilé los ojos, limpiémelos, y vi que no dormía, sino que realmente estaba despierto; con todo esto, me tenté la cabeza y los pechos, por certificarme si era yo mismo el que allí estaba, o alguna fantasma vana y contrahecha; pero el tacto, el sentimiento, los discursos concertados que entre mí hacía, me certificaron que yo era allí entonces el que soy aquí ahora. Ofrecióseme luego a la vista un real y suntuoso palacio o alcázar, cuyos muros y paredes parecían de transparente y claro cristal fabricados; del cual abriéndose dos grandes puertas, vi que por ellas salía y hacía mí se venía un venerable anciano, vestido con un capuz de bayeta morada, que por el suelo le arrastraba: ceñíale los hombros y los pechos una beca de colegial, de raso verde; cubríale la cabeza una gorra milanesa negra, y la barba, canísima, le pasaba de la cintura; no traía arma ninguna, sino un rosario de cuentas en la mano, mayores que medianas nueces, y los dieces asimismo como huevos medianos de avestruz; el continente, el paso, la gravedad y la anchísima presencia, cada cosa de por sí y todas juntas, me suspendieron y admiraron. Llegóse a mí, y lo primero que hizo fue abrazarme estrechamente, y luego decirme: ′′Luengos tiempos ha, valeroso caballero don Quijote de la Mancha, que los que estamos en estas soledades encantados esperamos verte, para que des noticia al mundo de lo que encierra y cubre la profunda cueva por donde has entrado, llamada la cueva de Montesinos: hazaña sólo guardada para ser acometida de tu invencible corazón y de tu ánimo stupendo. Ven conmigo, señor clarísimo, que te quiero mostrar las maravillas que este transparente alcázar solapa, de quien yo soy alcaide y guarda mayor perpetua, porque soy el mismo Montesinos, de quien la cueva toma nombre′′. Apenas me dijo que era Montesinos, cuando le pregunté si fue verdad lo que en el mundo de acá arriba se contaba: que él había sacado de la mitad del pecho, con una pequeña daga, el corazón de su grande amigo Durandarte y llevádole a la Señora Belerma, como él se lo mandó al punto de su muerte. Respondióme que en todo decían verdad, sino en la daga, porque no fue daga, ni pequeña, sino un puñal buido, más agudo que una lezna. | « À douze ou quatorze toises de la profondeur de cette caverne, il se fait, à main droite, une concavité, ou espace vide, capable de contenir un grand chariot avec ses mules. Elle reçoit une faible lumière par quelques fentes qui la lui amènent de loin, ouvertes à la surface de la terre. Cette concavité, je l′aperçus lorsque je me sentais déjà fatigué et ennuyé de me voir pendu à une corde pour descendre dans cette obscure région sans suivre aucun chemin déterminé. Je résolus donc d′y entrer pour m′y reposer un peu. Je vous appelai pour vous dire de ne plus me lâcher de corde jusqu′à ce que je vous en demandasse ; mais vous ne dûtes pas m′entendre. Je ramassai la corde que vous continuiez à m′envoyer, et l′arrangeant en pile ronde, je m′assis sur ses plis tout pensif, réfléchissant à ce que je devais faire pour atteindre le fond, alors que je n′avais plus personne qui me soutînt. Tandis que j′étais absorbé dans cette pensée et dans cette hésitation, tout à coup je fus saisi d′un profond sommeil, puis, quand j′y pensais le moins, et sans savoir pourquoi ni comment, je m′éveillai et me trouvai au milieu de la prairie la plus belle, la plus délicieuse que puisse former la nature, ou rêver la plus riante imagination. J′ouvris les yeux, je me les frottai, et vis bien que je ne dormais plus, que j′étais parfaitement éveillé. Toutefois je me tâtai la tête et la poitrine pour m′assurer si c′était bien moi qui me trouvais en cet endroit, ou quelque vain fantôme à ma place. Mais le toucher, les sensations, les réflexions raisonnables que je faisais moi-même, tout m′attesta que j′étais bien alors le même que je suis à présent. « Bientôt s′offrit à ma vue un royal et somptueux palais, un alcazar, dont les murailles paraissaient fabriquées de clair et transparent cristal. Deux grandes portes s′ouvrirent, et j′en vis sortir un vénérable vieillard qui s′avançait à ma rencontre. Il était vêtu d′un long manteau de serge violette qui traînait à terre. Ses épaules et sa poitrine s′enveloppaient dans les plis d′un chaperon collégial en satin vert ; sa tête était couverte d′une toque milanaise en velours noir, et sa barbe, d′une éclatante blancheur, tombait plus bas que sa ceinture. Il ne portait aucune arme, et tenait seulement à la main un chapelet dont les grains étaient plus gros que des noix, et les dizains comme des œufs d′autruche. Sa contenance, sa démarche, sa gravité, l′ample aspect de toute sa personne, me jetèrent dans l′étonnement et l′admiration. Il s′approcha de moi, et la première chose qu′il fit, fut de m′embrasser étroitement ; puis il me dit : « Il y a de bien longs temps, valeureux chevalier don Quichotte de la Manche, que nous tous, habitants de ces solitudes enchantées, nous attendons ta venue, pour que tu fasses connaître au monde ce que renferme et couvre la profonde caverne où tu es entré, appelée la caverne de Montésinos ; prouesse réservée pour ton cœur invincible et ton courage éblouissant. Viens avec moi, seigneur insigne ; je veux te montrer les merveilles que cache ce transparent alcazar, dont je suis le kaî¢ et le gouverneur perpétuel, puisque je suis Montésinos lui-même, de qui la caverne a pris son nom. » « À peine m′eut-il dit qu′il était Montésinos, que je lui demandai s′il était vrai, comme on le raconte dans le monde de là-haut, qu′il eût tiré du fond de la poitrine, avec une petite dague, le cœur de son ami Durandart, et qu′il l′eût porté à sa dame Bélerme, comme Durandart l′en avait chargé au moment de sa mort . Il me répondit qu′on disait vrai en toutes choses, sauf quant à la dague, parce qu′il ne s′était servi d′aucune dague, ni petite ni grande, mais d′un poignard fourbi, plus aigu qu′une alêne. | -Debía de ser -dijo a este punto Sancho- el tal puñal de Ramón de Hoces, el sevillano. |  Ce poignard, interrompit Sancho, devait être de Ramon de Hocès, l′armurier de Séville. | -No sé -prosiguió don Quijote-, pero no sería dese puñalero, porque Ramón de Hoces fue ayer, y lo de Roncesvalles, donde aconteció esta desgracia, ha muchos años; y esta averiguación no es de importancia, ni turba ni altera la verdad y contesto de la historia. |  Je ne sais trop, reprit don Quichotte ; mais non, ce ne pouvait être ce fourbisseur, puisque Ramon de Hocès vivait hier, et que le combat de Roncevaux, où arriva cette catastrophe, compte déjà bien des années. Au reste, cette vérification est de nulle importance et n′altère en rien la vérité ni l′enchaînement de l′histoire. | -Así es -respondió el primo-; prosiga vuestra merced, señor don Quijote, que le escucho con el mayor gusto del mundo. |  Non certes, ajouta le cousin ; et continuez-la, seigneur don Quichotte, car je vous écoute avec le plus grand plaisir du monde. | -No con menor lo cuento yo -respondió don Quijote-; y así, digo que el venerable Montesinos me metió en el cristalino palacio, donde en una sala baja, fresquísima sobremodo y toda de alabastro, estaba un sepulcro de mármol, con gran maestría fabricado, sobre el cual vi a un caballero tendido de largo a largo, no de bronce, ni de mármol, ni de jaspe hecho, como los suele haber en otros sepulcros, sino de pura carne y de puros huesos. Tenía la mano derecha (que, a mi parecer, es algo peluda y nervosa, señal de tener muchas fuerzas su dueño) puesta sobre el lado del corazón, y, antes que preguntase nada a Montesinos, viéndome suspenso mirando al del sepulcro, me dijo: ′′Éste es mi amigo Durandarte, flor y espejo de los caballeros enamorados y valientes de su tiempo; tiénele aquí encantado, como me tiene a mí y a otros muchos y muchas, Merlín, aquel francés encantador que dicen que fue hijo del diablo; y lo que yo creo es que no fue hijo del diablo, sino que supo, como dicen, un punto más que el diablo. El cómo o para qué nos encantó nadie lo sabe, y ello dirá andando los tiempos, que no están muy lejos, según imagino. Lo que a mí me admira es que sé, tan cierto como ahora es de día, que Durandarte acabó los de su vida en mis brazos, y que después de muerto le saqué el corazón con mis propias manos; y en verdad que debía de pesar dos libras, porque, según los naturales, el que tiene mayor corazón es dotado de mayor valentía del que le tiene pequeño. Pues siendo esto así, y que realmente murió este caballero, ¿cómo ahora se queja y sospira de cuando en cuando, como si estuviese vivo? ′′ Esto dicho, el mísero Durandarte, dando una gran voz, dijo: |  Je n′en ai pas moins à la raconter, répondit don Quichotte. Je dis donc que le vénérable Montésinos me conduisit au palais de cristal, où, dans une salle basse, d′une extrême fraîcheur et toute bâtie d′albâtre, se trouvait un sépulcre de marbre, sculpté avec un art merveilleux. Sur ce sépulcre, je vis un chevalier étendu tout de son long, non de bronze, ni de marbre, ni de jaspe, comme on a coutume de les faire sur d′autres mausolées, mais bien de vraie chair et de vrais os. Il avait la main droite (qui me sembla nerveuse et quelque peu velue, ce qui est signe de grande force) posée sur le côté du cœur, et, avant que je fisse aucune question, Montésinos, me voyant regarder avec étonnement ce sépulcre : « Voilà, me dit-il, mon ami Durandart, fleur et miroir des chevaliers braves et amoureux de son temps. Merlin, cet enchanteur français qui fut, dit-on, fils du diable, le tient enchanté dans ce lieu, ainsi que moi et beaucoup d′autres, hommes et femmes. Ce que je crois, c′est qu′il ne fut pas fils du diable, mais qu′il en sut, comme on dit, un doigt plus long que le diable. Quant au pourquoi et au comment il nous enchanta, personne ne le sait ; et le temps seul pourra le révéler, quand le moment en sera venu, lequel n′est pas loin, à ce que j′imagine. Ce qui me surprend par-dessus tout, c′est de savoir, aussi sûr qu′il fait jour à présent, que Durandart termina sa vie dans mes bras, et qu′après sa mort je lui arrachai le cœur de mes propres mains ; et, en vérité, il devait peser au moins deux livres, car, suivant les naturalistes, celui qui porte un grand cœur est doué de plus de vaillance que celui qui n′en a qu′un petit. Eh bien ! puisqu′il en est ainsi, et que ce chevalier mourut bien réellement, comment peut-il à présent se plaindre et soupirer de temps en temps, comme s′il était toujours en vie ? » « À ces mots, le misérable Durandart, jetant un cri, s′écria : | ′¡Oh, mi primo Montesinos!. Lo postrero que os rogaba. que cuando yo fuere muerto. y mi ánima arrancada. que llevéis mi corazón adonde Belerma estaba. sacándomele del pecho. ya con puñal, ya con daga.′ | « Ô mon cousin Montésinos, la dernière chose que je vous ai demandée, c′est, quand je serais mort et mon âme partie, de porter mon cœur à Bélerme, en me le tirant de la poitrine, soit avec un poignard, soit avec une dague. » Oyendo lo cual el venerable Montesinos, se puso de rodillas ante el lastimado caballero, y, con lágrimas en los ojos, le dijo: ′′Ya, señor Durandarte, carísimo primo mío, ya hice lo que me mandastes en el aciago día de nuestra pérdida: yo os saqué el corazón lo mejor que pude, sin que os dejase una mínima parte en el pecho; yo le limpié con un pañizuelo de puntas; yo partí con él de carrera para Francia, habiéndoos primero puesto en el seno de la tierra, con tantas lágrimas, que fueron bastantes a lavarme las manos y limpiarme con ellas la sangre que tenían, de haberos andado en las entrañas; y, por más señas, primo de mi alma, en el primero lugar que topé, saliendo de Roncesvalles, eché un poco de sal en vuestro corazón, porque no oliese mal, y fuese, si no fresco, a lo menos amojamado, a la presencia de la señora Belerma; la cual, con vos, y conmigo, y con Guadiana, vuestro escudero, y con la dueña Ruidera y sus siete hijas y dos sobrinas, y con otros muchos de vuestros conocidos y amigos, nos tiene aquí encantados el sabio Merlín ha muchos años; y, aunque pasan de quinientos, no se ha muerto ninguno de nosotros: solamente faltan Ruidera y sus hijas y sobrinas, las cuales llorando, por compasión que debió de tener Merlín dellas, las convirtió en otras tantas lagunas, que ahora, en el mundo de los vivos y en la provincia de la Mancha, las llaman las lagunas de Ruidera; las siete son de los reyes de España, y las dos sobrinas, de los caballeros de una orden santísima, que llaman de San Juan. Guadiana, vuestro escudero, plañendo asimesmo vuestra desgracia, fue convertido en un río llamado de su mesmo nombre; el cual, cuando llegó a la superficie de la tierra y vio el sol del otro cielo, fue tanto el pesar que sintió de ver que os dejaba, que se sumergió en las entrañas de la tierra; pero, como no es posible dejar de acudir a su natural corriente, de cuando en cuando sale y se muestra donde el sol y las gentes le vean. Vanle administrando de sus aguas las referidas lagunas, con las cuales y con otras muchas que se llegan, entra pomposo y grande en Portugal. Pero, con todo esto, por dondequiera que va muestra su tristeza y melancolía, y no se precia de criar en sus aguas peces regalados y de estima, sino burdos y desabridos, bien diferentes de los del Tajo dorado; y esto que agora os digo, ¡oh primo mío!, os lo he dicho muchas veces; y, como no me respondéis, imagino que no me dais crédito, o no me oís, de lo que yo recibo tanta pena cual Dios lo sabe. Unas nuevas os quiero dar ahora, las cuales, ya que no sirvan de alivio a vuestro dolor, no os le aumentarán en ninguna manera. Sabed que tenéis aquí en vuestra presencia, y abrid los ojos y veréislo, aquel gran caballero de quien tantas cosas tiene profetizadas el sabio Merlín, aquel don Quijote de la Mancha, digo, que de nuevo y con mayores ventajas que en los pasados siglos ha resucitado en los presentes la ya olvidada andante caballería, por cuyo medio y favor podría ser que nosotros fuésemos desencantados; que las grandes hazañas para los grandes hombres están guardadas′′. ′′Y cuando así no sea -respondió el lastimado Durandarte con voz desmayada y baja-, cuando así no sea, ¡oh primo!, digo, paciencia y barajar′′. Y, volviéndose de lado, tornó a su acostumbrado silencio, sin hablar más palabra. Oyéronse en esto grandes alaridos y llantos, acompañados de profundos gemidos y angustiados sollozos; volví la cabeza, y vi por las paredes de cristal que por otra sala pasaba una procesión de dos hileras de hermosísimas doncellas, todas vestidas de luto, con turbantes blancos sobre las cabezas, al modo turquesco. Al cabo y fin de las hileras venía una señora, que en la gravedad lo parecía, asimismo vestida de negro, con tocas blancas tan tendidas y largas, que besaban la tierra. Su turbante era mayor dos veces que el mayor de alguna de las otras; era cejijunta y la nariz algo chata; la boca grande, pero colorados los labios; los dientes, que tal vez los descubría, mostraban ser ralos y no bien puestos, aunque eran blancos como unas peladas almendras; traía en las manos un lienzo delgado, y entre él, a lo que pude divisar, un corazón de carne momia, según venía seco y amojamado. Díjome Montesinos como toda aquella gente de la procesión eran sirvientes de Durandarte y de Belerma, que allí con sus dos señores estaban encantados, y que la última, que traía el corazón entre el lienzo y en las manos, era la señora Belerma, la cual con sus doncellas cuatro días en la semana hacían aquella procesión y cantaban, o, por mejor decir, lloraban endechas sobre el cuerpo y sobre el lastimado corazón de su primo; y que si me había parecido algo fea, o no tan hermosa como tenía la fama, era la causa las malas noches y peores días que en aquel encantamento pasaba, como lo podía ver en sus grandes ojeras y en su color quebradiza. ′′Y no toma ocasión su amarillez y sus ojeras de estar con el mal mensil, ordinario en las mujeres, porque ha muchos meses, y aun años, que no le tiene ni asoma por sus puertas, sino del dolor que siente su corazón por el que de contino tiene en las manos, que le renueva y trae a la memoria la desgracia de su mal logrado amante; que si esto no fuera, apenas la igualara en hermosura, donaire y brío la gran Dulcinea del Toboso, tan celebrada en todos estos contornos, y aun en todo el mundo′′. ′′¡Cepos quedos! -dije yo entonces-, señor don Montesinos: cuente vuesa merced su historia como debe, que ya sabe que toda comparación es odiosa, y así, no hay para qué comparar a nadie con nadie. La sin par Dulcinea del Toboso es quien es, y la señora doña Belerma es quien es, y quien ha sido, y quédese aquí′′. A lo que él me respondió: ′′Señor don Quijote, perdóneme vuesa merced, que yo confieso que anduve mal, y no dije bien en decir que apenas igualara la señora Dulcinea a la señora Belerma, pues me bastaba a mí haber entendido, por no sé qué barruntos, que vuesa merced es su caballero, para que me mordiera la lengua antes de compararla sino con el mismo cielo′′. Con esta satisfación que me dio el gran Montesinos se quietó mi corazón del sobresalto que recebí en oír que a mi señora la comparaban con Belerma. | « Quand le vénérable Montésinos entendit cela, il se mit à genoux devant le déplorable chevalier, et lui dit les larmes aux yeux : « J′ai déjà fait, seigneur Durandart, mon très-cher cousin, j′ai déjà fait ce que vous m′avez commandé dans la fatale journée de notre déroute ; je vous ai arraché le cœur du mieux que j′ai pu, sans vous en laisser la moindre parcelle dans la poitrine ; je l′ai essuyé avec un mouchoir de dentelle ; j′ai pris en toute hâte le chemin de la France, après vous avoir déposé dans le sein de la terre, en versant tant de larmes qu′elles ont suffi pour me laver les mains et étancher le sang que j′avais pris en vous fouillant dans les entrailles ; à telles enseignes, cousin de mon âme, qu′au premier village où je passai, en sortant des gorges de Roncevaux, je jetai un peu de sel sur votre cœur pour qu′il ne sentît pas mauvais, et qu′il arrivât, sinon frais, au moins enfumé, en la présence de votre dame Bélerme. Cette dame, avec vous, moi, Guadiana votre écuyer, la duègne Ruidéra, ses sept filles et ses deux nièces, et quantité d′autres de vos amis et connaissances, sommes enchantés ici depuis bien des années par le sage Merlin. Quoiqu′il y ait de cela plus de cinq cents ans, aucun de nous n′est mort ; il ne manque que Ruidéra, ses filles et ses nièces, lesquelles, en pleurant, et par la pitié qu′en eut Merlin, furent converties en autant de lagunes, qu′à cette heure, dans le monde des vivants et dans la province de la Manche, on nomme les lagunes de Ruidéra. Les filles appartiennent aux rois d′Espagne, et les deux nièces aux chevaliers d′un ordre religieux qu′on appelle de Saint-Jean. Guadiana, votre écuyer, pleurant aussi votre disgrâce, fut changé en un fleuve appelé de son nom même, lequel, lorsqu′il arriva à la surface du sol et qu′il vit le soleil d′un autre ciel, ressentit une si vive douleur de vous abandonner, qu′il s′enfonça de nouveau dans les entrailles de la terre. Mais, comme il est impossible de se révolter contre son penchant naturel, il sort de temps en temps, et se montre où le soleil et les gens puissent le voir. Les lagunes dont j′ai parlé lui versent peu à peu leurs eaux, et, grossi par elles, ainsi que par une foule d′autres rivières qui se joignent à lui, il entre grand et pompeux en Portugal. Toutefois, quelque part qu′il passe, il montre sa tristesse et sa mélancolie ; il ne se vante pas de nourrir dans ses eaux des poissons fins et estimés, mais grossiers et insipides, bien différents de ceux du Tage doré. Ce que je vous dis à présent, ô mon cousin, je vous l′ai dit mille et mille fois ; mais comme vous ne me répondez point, j′imagine, ou que vous ne m′entendez pas, ou que vous ne me donnez pas créance, ce qui me chagrine autant que Dieu le sait. Je veux maintenant vous donner des nouvelles qui, si elles ne servent pas de soulagement à votre douleur, ne l′augmenteront du moins en aucune façon. Sachez que vous avez ici devant vous (ouvrez les yeux, et vous le verrez) ce grand chevalier de qui le sage Merlin a prophétisé tant de choses, ce don Quichotte de la Manche, lequel, avec plus d′avantage que dans les siècles passés, a ressuscité dans les siècles présents la chevalerie errante déjà oubliée. Peut-être, par son moyen et par sa faveur, parviendrons-nous à être désenchantés, car c′est aux grands hommes que sont réservées les grandes prouesses.  Et quand même cela n′arriverait pas, répondit le déplorable Durandart d′une voix basse et éteinte, quand même cela n′arriverait pas, ô cousin, je dirai : Patience, et battons les cartes. » Alors, se tournant sur le côté, il retomba dans son silence ordinaire, sans dire un mot de plus. « En ce moment de grands cris se firent entendre, ainsi que des pleurs accompagnés de profonds gémissements et de soupirs entrecoupés. Je tournai la tête, et vis, à travers les murailles de cristal, passer dans une autre salle une procession formée par deux files de belles damoiselles, toutes habillées de deuil, avec des turbans blancs sur la tête, à la mode turque. Derrière les deux files marchait une dame (elle le paraissait du moins à la gravité de sa contenance) également vêtue de noir, avec un voile blanc si long et si étendu qu′il baisait la terre. Son turban était deux fois plus gros que le plus gros des autres femmes ; elle avait les sourcils réunis, le nez un peu camard, la bouche grande, mais les lèvres colorées. Ses dents, qu′elle découvrait parfois, semblaient être clairsemées et mal rangées, quoique blanches comme des amandes sans peau. Elle portait dans les mains un mouchoir de fine toile, et dans cette toile, à ce que je pus entrevoir, un cœur de chair de momie, tant il était sec et enfumé. Montésinos me dit que tous ces gens de la procession étaient les serviteurs de Durandart et de Bélerme, qui étaient enchantés avec leurs maîtres, et que la dernière personne, celle qui portait le cœur dans le mouchoir, était Bélerme elle-même, laquelle, quatre fois par semaine, faisait avec ses femmes cette procession, et chantait, ou plutôt pleurait des chants funèbres sur le corps et le cœur pitoyable de son cousin. « Si elle vous a paru quelque peu laide, ajouta-t-il, ou du moins pas aussi belle qu′elle en avait la réputation, c′est à cause des mauvais jours et des pires nuits qu′elle passe dans cet enchantement, comme on peut le voir à ses yeux battus et à son teint valétudinaire. Cette pâleur, ces cernes aux yeux, ne viennent point de la maladie mensuelle ordinaire aux femmes, car il y a bien des mois et même bien des années qu′il n′en est plus question pour elle, mais de l′affliction qu′éprouve son cœur à la vue de celui qu′elle porte incessamment à la main, et qui rappelle à sa mémoire la catastrophe de son malheureux amant. Sans cela, à peine serait-elle égalée en beauté, en grâce, en élégance, par la grande Dulcinée du Toboso, si renommée dans tous ces environs et dans le monde entier. » « Halte-là ! m′écriai-je alors, seigneur don Montésinos ; que Votre Grâce conte son histoire tout uniment. Vous devez savoir que toute comparaison est odieuse, et qu′ainsi l′on ne doit comparer personne à personne. La sans pareille Dulcinée du Toboso est ce qu′elle est, madame doña Bélerme ce qu′elle est et ce qu′elle a été, et restons-en là.  Seigneur don Quichotte, me répondit-il, que Votre Grâce me pardonne. Je confesse que j′ai eu tort, et que j′ai mal fait de dire qu′à peine madame Dulcinée égalerait madame Bélerme ; car il me suffisait d′avoir eu je ne sais quels vagues soupçons que Votre Grâce est son chevalier, pour que je me mordisse la langue plutôt que de comparer cette dame à personne, si ce n′est au ciel même. » « Cette satisfaction que me donna le grand Montésinos apaisa mon cœur, et me remit de l′agitation que j′avais éprouvée en entendant comparer ma dame avec Bélerme. | -Y aun me maravillo yo -dijo Sancho- de cómo vuestra merced no se subió sobre el vejote, y le molió a coces todos los huesos, y le peló las barbas, sin dejarle pelo en ellas. |  Je m′étonne même, dit alors Sancho, que Votre Grâce ait pu s′empêcher de monter sur l′estomac du bonhomme, de lui moudre les os à coups de pied, et de lui arracher la barbe sans lui en laisser un poil au menton. | -No, Sancho amigo -respondió don Quijote-, no me estaba a mí bien hacer eso, porque estamos todos obligados a tener respeto a los ancianos, aunque no sean caballeros, y principalmente a los que lo son y están encantados; yo sé bien que no nos quedamos a deber nada en otras muchas demandas y respuestas que entre los dos pasamos. |  Non pas, ami Sancho, répondit don Quichotte ; c′eût été mal à moi d′agir ainsi ; car nous sommes tous tenus de respecter les vieillards, même ne fussent-ils pas chevaliers, et plus encore lorsqu′ils le sont, et qu′ils sont enchantés par-dessus le compte. Je sais bien que nous ne sommes pas demeurés en reste l′un avec l′autre quant à beaucoup de questions et de réponses que nous nous sommes mutuellement adressées. » | A esta sazón dijo el primo. | Le cousin dit alors : | -Yo no sé, señor don Quijote, cómo vuestra merced en tan poco espacio de tiempo como ha que está allá bajo, haya visto tantas cosas y hablado y respondido tanto. | « Je ne sais en vérité, seigneur don Quichotte, comment Votre Grâce, depuis si peu de temps qu′elle est descendue là au fond, a pu voir tant de choses, a pu tant écouter et tant répondre. | -¿Cuánto ha que bajé? -preguntó don Quijote. |  Combien donc y a-t-il que je suis descendu ? demanda don Quichotte. | -Poco más de una hora -respondió Sancho. |  Un peu plus d′une heure, répondit Sancho. | -Eso no puede ser -replicó don Quijote-, porque allá me anocheció y amaneció, y tornó a anochecer y amanecer tres veces; de modo que, a mi cuenta, tres días he estado en aquellas partes remotas y escondidas a la vista nuestra. |  Cela ne se peut pas, répliqua don Quichotte, car j′ai vu venir la nuit et revenir le jour, puis trois autres soirs et trois autres matins, de manière qu′à mon compte je suis resté trois jours entiers dans ces profondeurs cachées à notre vue. | -Verdad debe de decir mi señor -dijo Sancho-, que, como todas las cosas que le han sucedido son por encantamento, quizá lo que a nosotros nos parece un hora, debe de parecer allá tres días con sus noches. |  Mon maître doit dire vrai, répondit Sancho ; car, puisque toutes les choses qui lui sont arrivées sont venues par voie d′enchantement, peut-être ce qui nous a semblé une heure lui aura-t-il paru trois jours avec leurs nuits. | -Así será -respondió don Quijote. |  Ce sera cela, sans doute, dit don Quichotte. | -Y ¿ha comido vuestra merced en todo este tiempo, señor mío? -preguntó el primo. |  Dites-moi, mon bon seigneur, demanda le cousin. Votre Grâce a-t-elle mangé pendant tout ce temps-là ? | -No me he desayunado de bocado -respondió don Quijote-, ni aun he tenido hambre, ni por pensamiento. |  Pas une bouchée, répondit don Quichotte ; et n′en ai pas senti la moindre envie. | -Y los encantados, ¿comen? -dijo el primo. |  Est-ce que les enchantés mangent ? dit le cousin. | -No comen -respondió don Quijote-, ni tienen escrementos mayores; aunque es opinión que les crecen las uñas, las barbas y los cabellos. |  Non, ils ne mangent pas, répondit don Quichotte, et ne font pas non plus leurs grosses nécessités ; mais on croit néanmoins que les ongles, la barbe et les cheveux leur poussent. | -¿Y duermen, por ventura, los encantados, señor? -preguntó Sancho. |  Et dorment-ils par hasard, les enchantés, mon seigneur ? demanda Sancho. | -No, por cierto -respondió don Quijote-; a lo menos, en estos tres días que yo he estado con ellos, ninguno ha pegado el ojo, ni yo tampoco. |  Non certes, répliqua don Quichotte ; du moins, pendant les trois jours que j′ai passés avec eux, aucun n′a fermé l′œil, ni moi non plus. | -Aquí encaja bien el refrán -dijo Sancho- de dime con quién andas, decirte he quién eres: ándase vuestra merced con encantados ayunos y vigilantes, mirad si es mucho que ni coma ni duerma mientras con ellos anduviere. Pero perdóneme vuestra merced, señor mío, si le digo que de todo cuanto aquí ha dicho, lléveme Dios, que iba a decir el diablo, si le creo cosa alguna. |  Alors, dit Sancho, le proverbe vient à point : « Dis-moi qui tu hantes, et je te dirai qui tu es. » Allez donc avec des enchantés qui jeûnent et qui veillent, et étonnez-vous de ne manger ni dormir tant que vous serez avec eux ! Mais pardonnez-moi, mon seigneur, si je vous dis que, de tout ce que vous avez dit jusqu′à présent, Dieu m′emporte, j′allais dire le diable, si je crois la moindre chose. | -¿Cómo no? -dijo el primo-, pues ¿había de mentir el señor don Quijote, que, aunque quisiera, no ha tenido lugar para componer e imaginar tanto millón de mentiras. |  Comment donc ! s′écria le cousin, le seigneur don Quichotte peut-il mentir ? mais le voulût-il, il n′aurait pas eu le temps de composer et d′imaginer ce million de mensonges. | -Yo no creo que mi señor miente -respondió Sancho. |  Oh ! je ne crois pas que mon maître mente, reprit Sancho. | -Si no, ¿qué crees? -le preguntó don Quijote. |  Que crois-tu donc ? demanda don Quichotte. | -Creo -respondió Sancho- que aquel Merlín, o aquellos encantadores que encantaron a toda la chusma que vuestra merced dice que ha visto y comunicado allá bajo, le encajaron en el magín o la memoria toda esa máquina que nos ha contado, y todo aquello que por contar le queda. |  Je crois, répondit Sancho, que ce Merlin ou ces enchanteurs, qui ont enchanté toute cette brigade que Votre Grâce dit avoir vue et fréquentée là-bas, vous ont enchâssé dans le cervelle et dans la mémoire toute cette kyrielle que vous nous avez contée, et tout ce qui vous reste encore à nous dire. | -Todo eso pudiera ser, Sancho -replicó don Quijote-, pero no es así, porque lo que he contado lo vi por mis propios ojos y lo toqué con mis mismas manos. Pero, ¿qué dirás cuando te diga yo ahora cómo, entre otras infinitas cosas y maravillas que me mostró Montesinos, las cuales despacio y a sus tiempos te las iré contando en el discurso de nuestro viaje, por no ser todas deste lugar, me mostró tres labradoras que por aquellos amenísimos campos iban saltando y brincando como cabras; y, apenas las hube visto, cuando conocí ser la una la sin par Dulcinea del Toboso, y las otras dos aquellas mismas labradoras que venían con ella, que hablamos a la salida del Toboso? Pregunté a Montesinos si las conocía, respondióme que no, pero que él imaginaba que debían de ser algunas señoras principales encantadas, que pocos días había que en aquellos prados habían parecido; y que no me maravillase desto, porque allí estaban otras muchas señoras de los pasados y presentes siglos, encantadas en diferentes y estrañas figuras, entre las cuales conocía él a la reina Ginebra y su dueña Quintañona, escanciando el vino a Lanzarote. |  Cela pourrait être, Sancho, répliqua don Quichotte, mais cela n′est point ; car ce que j′ai conté, je l′ai vu de mes propres yeux et touché de mes propres mains. Mais que diras-tu quand je vais t′apprendre à présent que, parmi les choses infinies et les merveilles sans nombre que me montra Montésinos (je te les conterai peu à peu et à leur temps dans le cours de notre voyage, car elles ne sont pas toutes de saison), il me montra trois villageoises qui s′en allaient par ces fraîches campagnes, sautant et cabriolant comme des chèvres ? Dès que je les vis, je reconnus que l′une était la sans pareille Dulcinée du Toboso, et les deux autres ces mêmes paysannes qui venaient avec elle, et à qui nous parlâmes à la sortie du Toboso. Je demandai à Montésinos s′il les connaissait ; il me répondit que non, mais qu′il imaginait que ce devaient être de grandes dames enchantées, qui avaient paru depuis peu de jours dans ces prairies. Il ajouta que je ne devais point m′en étonner, puisqu′il y avait dans cet endroit bien d′autres dames, des siècles passés et présents, enchantées sous d′étranges et diverses figures, parmi lesquelles il connaissait la reine Geniève et sa duègne Quintagnone, celle qui versait le vin à Lancelot, comme dit le romance, | cuando de Bretaña vino. | quand il arriva de Bretagne. » | Cuando Sancho Panza oyó decir esto a su amo, pensó perder el juicio, o morirse de risa; que, como él sabía la verdad del fingido encanto de Dulcinea, de quien él había sido el encantador y el levantador de tal testimonio, acabó de conocer indubitablemente que su señor estaba fuera de juicio y loco de todo punto; y así, le dijo. | Lorsque Sancho entendit parler ainsi son maître, il pensa perdre l′esprit ou crever de rire. Comme il savait mieux que personne la vérité sur le feint enchantement de Dulcinée, dans lequel il avait été l′enchanteur, et dont il avait rendu témoignage, il acheva de reconnaître que son seigneur était décidément hors du bon sens, et fou de point en point. Aussi lui dit-il : | -En mala coyuntura y en peor sazón y en aciago día bajó vuestra merced, caro patrón mío, al otro mundo, y en mal punto se encontró con el señor Montesinos, que tal nos le ha vuelto. Bien se estaba vuestra merced acá arriba con su entero juicio, tal cual Dios se le había dado, hablando sentencias y dando consejos a cada paso, y no agora, contando los mayores disparates que pueden imaginarse. | « C′est en mauvaise heure et sous une mauvaise étoile que vous êtes descendu, mon cher patron, dans l′autre monde ; et maudit soit l′instant où vous avez rencontré ce seigneur Montésinos, qui vous a rendu à nous comme vous voilà ! Pardieu, Votre Grâce était bien ici en haut, avec son jugement complet, tel que Dieu le lui a donné, débitant des sentences et donnant des conseils à chaque pas, et non point à cette heure contant les plus énormes sottises qui se puissent imaginer. | -Como te conozco, Sancho -respondió don Quijote-, no hago caso de tus palabras. |  Comme je te connais, Sancho, répondit don Quichotte, je ne fais aucun cas de tes paroles. | -Ni yo tampoco de las de vuestra merced -replicó Sancho-, siquiera me hiera, siquiera me mate por las que le he dicho, o por las que le pienso decir si en las suyas no se corrige y enmienda. Pero dígame vuestra merced, ahora que estamos en paz: ¿cómo o en qué conoció a la señora nuestra ama? Y si la habló, ¿qué dijo, y qué le respondió. |  Ni moi non plus des vôtres, répliqua Sancho, dussiez-vous me battre, dussiez-vous me tuer pour celles que j′ai dites et pour celles que je pense dire, si vous ne pensez, vous, à corriger et réformer votre langage. Mais dites-moi, maintenant que nous sommes en paix, comment et à quoi avez-vous reconnu madame notre maîtresse ? Lui avez-vous parlé ? Vous a-t-elle répondu ? | -Conocíla -respondió don Quijote- en que trae los mesmos vestidos que traía cuando tú me le mostraste. Habléla, pero no me respondió palabra; antes, me volvió las espaldas, y se fue huyendo con tanta priesa, que no la alcanzara una jara. Quise seguirla, y lo hiciera, si no me aconsejara Montesinos que no me cansase en ello, porque sería en balde, y más porque se llegaba la hora donde me convenía volver a salir de la sima. Díjome asimesmo que, andando el tiempo, se me daría aviso cómo habían de ser desencantados él, y Belerma y Durandarte, con todos los que allí estaban; pero lo que más pena me dio, de las que allí vi y noté, fue que, estándome diciendo Montesinos estas razones, se llegó a mí por un lado, sin que yo la viese venir, una de las dos compañeras de la sin ventura Dulcinea, y, llenos los ojos de lágrimas, con turbada y baja voz, me dijo: ′′Mi señora Dulcinea del Toboso besa a vuestra merced las manos, y suplica a vuestra merced se la haga de hacerla saber cómo está; y que, por estar en una gran necesidad, asimismo suplica a vuestra merced, cuan encarecidamente puede, sea servido de prestarle sobre este faldellín que aquí traigo, de cotonía, nuevo, media docena de reales, o los que vuestra merced tuviere, que ella da su palabra de volvérselos con mucha brevedad′′. Suspendióme y admiróme el tal recado, y, volviéndome al señor Montesinos, le pregunté: ′′¿Es posible, señor Montesinos, que los encantados principales padecen necesidad?′′ A lo que él me respondió: ′′Créame vuestra merced, señor don Quijote de la Mancha, que ésta que llaman necesidad adondequiera se usa, y por todo se estiende, y a todos alcanza, y aun hasta los encantados no perdona; y, pues la señora Dulcinea del Toboso envía a pedir esos seis reales, y la prenda es buena, según parece, no hay sino dárselos; que, sin duda, debe de estar puesta en algún grande aprieto′′. ′′Prenda, no la tomaré yo -le respondí-, ni menos le daré lo que pide, porque no tengo sino solos cuatro reales′′; los cuales le di (que fueron los que tú, Sancho, me diste el otro día para dar limosna a los pobres que topase por los caminos), y le dije: ′′Decid, amiga mía, a vuesa señora que a mí me pesa en el alma de sus trabajos, y que quisiera ser un Fúcar para remediarlos; y que le hago saber que yo no puedo ni debo tener salud careciendo de su agradable vista y discreta conversación, y que le suplico, cuan encarecidamente puedo, sea servida su merced de dejarse ver y tratar deste su cautivo servidor y asendereado caballero. Diréisle también que, cuando menos se lo piense, oirá decir como yo he hecho un juramento y voto, a modo de aquel que hizo el marqués de Mantua, de vengar a su sobrino Baldovinos, cuando le halló para espirar en mitad de la montiña, que fue de no comer pan a manteles, con las otras zarandajas que allí añadió, hasta vengarle; y así le haré yo de no sosegar, y de andar las siete partidas del mundo, con más puntualidad que las anduvo el infante don Pedro de Portugal, hasta desencantarla′′. ′′Todo eso, y más, debe vuestra merced a mi señora′′, me respondió la doncella. Y, tomando los cuatro reales, en lugar de hacerme una reverencia, hizo una cabriola, que se levantó dos varas de medir en el aire. |  Je l′ai reconnue, répondit don Quichotte, à ce qu′elle porte les mêmes habits qu′elle avait quand tu me l′as montrée. Je lui parlai, mais elle ne me répondit pas un mot ; au contraire, elle me tourna le dos, et s′enfuit si rapidement qu′une flèche d′arbalète ne l′aurait pas atteinte. Je voulus la suivre, et je l′aurais suivie, si Montésinos ne m′eût donné le conseil de n′en rien faire, disant que ce serait peine perdue, et que d′ailleurs l′heure s′approchait où il convenait que je sortisse de la caverne. Il ajouta que, dans les temps à venir, on me ferait savoir comment il fallait s′y prendre pour désenchanter lui, Bélerme, Durandart, et tous ceux qui se trouvaient là. Mais ce qui me causa le plus de peine de tout ce que je vis et remarquai là-bas, ce fut qu′étant à causer sur ce sujet avec Montésinos, une des deux compagnes de la triste Dulcinée s′approcha de moi sans que je la visse venir, et, les yeux pleins de larmes, elle me dit d′une voix basse et troublée : « Madame Dulcinée du Toboso baise les mains à Votre Grâce, et supplie Votre Grâce de lui faire celle de lui faire savoir comment vous vous portez ; et, comme elle se trouve dans un pressant besoin, elle supplie Votre Grâce, aussi instamment que possible, de vouloir bien lui prêter, sur ce jupon de basin tout neuf que je vous présente, une demi-douzaine de réaux, ou ce que vous aurez dans la poche, engageant sa parole de vous les rendre dans un bref délai. » Une telle commission me surprit étrangement, et, me tournant vers le seigneur Montésinos : « Est-il possible, lui demandai-je, que les enchantés de haut rang souffrent le besoin ?  Croyez-moi, seigneur don Quichotte, me dit-il, ce qu′on nomme le besoin se rencontre en tous lieux ; il s′étend partout, il atteint tout le monde, et ne fait pas même grâce aux enchantés. Puisque madame Dulcinée du Toboso envoie demander ces six réaux, et que le gage paraît bon, il n′y a rien à faire que de les lui donner, car sans doute elle se trouve en quelque grand embarras.  Le gage, je ne le prendrai point, répondis-je ; mais je ne lui donnerai pas davantage ce qu′elle demande, car je n′ai sur moi que quatre réaux (ceux que tu me donnas l′autre jour en monnaie, Sancho, pour faire l′aumône aux pauvres que je trouverais sur le chemin), et je les lui donnai, en disant : « Dites à votre dame, ma chère amie, que je ressens ses peines au fond de l′âme, et que je voudrais être un Fucar pour y porter remède ; qu′elle sache que je ne puis ni ne dois avoir bonne santé tant que je serai privé de son agréable vue et de sa discrète conversation, et que je la supplie, aussi instamment que je le puis, de vouloir bien se laisser voir et entretenir par son errant chevalier et captif serviteur. Vous lui direz aussi que, lorsqu′elle y pensera le moins, elle entendra dire que j′ai fait un serment et un vœu, à la manière de celui que fit le marquis de Mantoue de venger son neveu Baudoin, quand il le trouva près d′expirer dans la montagne, c′est-à-dire de ne point manger pain sur table, et de faire d′autres pénitences qu′il ajouta, jusqu′à ce qu′il l′eût vengé. Eh bien ! je ferai le vœu de ne plus m′arrêter et de courir les sept parties du monde avec plus de ponctualité que ne le fit l′infant don Pedro de Portugal< , jusqu′à ce que je l′aie désenchantée.  Tout cela, et plus encore, Votre Grâce le doit à ma maîtresse », me répondit la demoiselle ; et prenant les quatre réaux, au lieu de me faire une révérence, elle fit une cabriole telle, qu′elle sauta en l′air haut de deux aunes. | -¡Oh santo Dios! -dijo a este tiempo dando una gran voz Sancho-. ¿Es posible que tal hay en el mundo, y que tengan en él tanta fuerza los encantadores y encantamentos, que hayan trocado el buen juicio de mi señor en una tan disparatada locura? ¡Oh señor, señor, por quien Dios es, que vuestra merced mire por sí y vuelva por su honra, y no dé crédito a esas vaciedades que le tienen menguado y descabalado el sentido. | Â Ô sainte Vierge ! s′écria Sancho en jetant un grand cri ; est-il possible que le monde soit ainsi fait, et que telle y soit la force des enchantements, qu′ils aient changé le bon jugement de mon seigneur en une si extravagante folie ! Ah ! seigneur, seigneur, par le saint nom de Dieu, que Votre Grâce veille sur soi, et songe à son honneur, et ne donne pas crédit à ces billevesées qui vous troublent et vous dépareillent le sens commun ! | -Como me quieres bien, Sancho, hablas desa manera -dijo don Quijote-; y, como no estás experimentado en las cosas del mundo, todas las cosas que tienen algo de dificultad te parecen imposibles; pero andará el tiempo, como otra vez he dicho, y yo te contaré algunas de las que allá abajo he visto, que te harán creer las que aquí he contado, cuya verdad ni admite réplica ni disputa. |  C′est parce que tu m′aimes bien, Sancho, que tu parles de cette façon, dit don Quichotte ; et, parce que tu n′as nulle expérience des choses du monde, toutes celles qui ont quelque difficulté te semblent impossibles. Mais le temps marche, comme je te l′ai dit maintes fois, et je te conterai plus tard quelques-unes des choses que j′ai vues là-bas ; elles te feront croire celles que je viens de conter, et dont la vérité ne souffre ni réplique ni dispute. »
| II. Capítulo XXIV. Donde se cuentan mil zarandajas tan impertinentes como necesarias al verdadero entendimiento desta grande historia | Chapitre XXIV Où l′on raconte mille babioles aussi impertinentes que nécessaires à la véritable intelligence de cette grande histoire Dice el que tradujo esta grande historia del original, de la que escribió su primer autor Cide Hamete Benengeli, que, llegando al capítulo de la aventura de la cueva de Montesinos, en el margen dél estaban escritas, de mano del mesmo Hamete, estas mismas razones. | Celui qui a traduit cette grande histoire de l′original écrit par son premier auteur, Cid Hamet Ben-Engéli, dit qu′en arrivant au chapitre qui suit l′aventure de la caverne de Montésinos, il trouva ces propres paroles écrites en marge, et de la main d′Hamet lui-même : | ′′No me puedo dar a entender, ni me puedo persuadir, que al valeroso don Quijote le pasase puntualmente todo lo que en el antecedente capítulo queda escrito: la razón es que todas las aventuras hasta aquí sucedidas han sido contingibles y verisímiles, pero ésta desta cueva no le hallo entrada alguna para tenerla por verdadera, por ir tan fuera de los términos razonables. Pues pensar yo que don Quijote mintiese, siendo el más verdadero hidalgo y el más noble caballero de sus tiempos, no es posible; que no dijera él una mentira si le asaetearan. Por otra parte, considero que él la contó y la dijo con todas las circunstancias dichas, y que no pudo fabricar en tan breve espacio tan gran máquina de disparates; y si esta aventura parece apócrifa, yo no tengo la culpa; y así, sin afirmarla por falsa o verdadera, la escribo. Tú, letor, pues eres prudente, juzga lo que te pareciere, que yo no debo ni puedo más; puesto que se tiene por cierto que al tiempo de su fin y muerte dicen que se retrató della, y dijo que él la había inventado, por parecerle que convenía y cuadraba bien con las aventuras que había leído en sus historias′′. | « Je ne puis comprendre ni me persuader qu′il soit réellement arrivé au valeureux don Quichotte ce que rapporte le précédent chapitre. La raison en est que toutes les aventures arrivées jusqu′à présent ont été possibles et vraisemblables ; mais, quant à l′aventure de la caverne, je ne vois aucun moyen de la tenir pour véritable, tant elle sort des limites de la raison. Penser que don Quichotte ait menti, lui, le plus véridique hidalgo et le plus noble chevalier de son temps, c′est impossible ; il n′eût pas dit un mensonge, dût-on le cribler de flèches. D′un autre côté, je considère qu′il raconta cette histoire avec toutes les circonstances ci-dessus rapportées, sans avoir pu fabriquer en si peu de temps un tel assemblage d′extravagances. Si donc cette aventure paraît apocryphe, ce n′est pas ma faute, et, sans affirmer qu′elle soit fausse ou qu′elle soit vraie, je l′écris. Toi, lecteur, puisque tu es prudent et sage, juge la chose comme il te plaira, car je ne dois ni ne peux rien de plus. Toutefois on tient pour certain qu′au moment de sa mort, don Quichotte se rétracta, et dit qu′il l′avait inventée parce qu′il lui sembla qu′elle cadrait merveilleusement avec les aventures qu′il avait lues dans ses livres. » | Y luego prosigue, diciendo. | Cela dit, l′historien continue de la sorte : | Espantóse el primo, así del atrevimiento de Sancho Panza como de la paciencia de su amo, y juzgó que del contento que tenía de haber visto a su señora Dulcinea del Toboso, aunque encantada, le nacía aquella condición blanda que entonces mostraba; porque, si así no fuera, palabras y razones le dijo Sancho, que merecían molerle a palos; porque realmente le pareció que había andado atrevidillo con su señor, a quien le dijo. | Le cousin s′émerveilla aussi bien de l′audace de Sancho que de la patience de son maître, et jugea que de la joie qu′éprouvait celui-ci d′avoir vu sa dame Dulcinée du Toboso, même enchantée, lui était venue cette humeur bénigne qu′il montrait alors ; car, autrement, Sancho avait dit certaines paroles et tenu certains propos qui lui faisaient mériter d′être moulu sous le bâton. Réellement le cousin trouva qu′il avait été fort impertinent envers son seigneur, auquel il dit : | -Yo, señor don Quijote de la Mancha, doy por bien empleadísima la jornada que con vuestra merced he hecho, porque en ella he granjeado cuatro cosas. La primera, haber conocido a vuestra merced, que lo tengo a gran felicidad. La segunda, haber sabido lo que se encierra en esta cueva de Montesinos, con las mutaciones de Guadiana y de las lagunas de Ruidera, que me servirán para el Ovidio español que traigo entre manos. La tercera, entender la antigüedad de los naipes, que, por lo menos, ya se usaban en tiempo del emperador Carlomagno, según puede colegirse de las palabras que vuesa merced dice que dijo Durandarte, cuando, al cabo de aquel grande espacio que estuvo hablando con él Montesinos, él despertó diciendo: ′′Paciencia y barajar′′; y esta razón y modo de hablar no la pudo aprender encantado, sino cuando no lo estaba, en Francia y en tiempo del referido emperador Carlomagno. Y esta averiguación me viene pintiparada para el otro libro que voy componiendo , que es Suplemento de Virgilio Polidoro, en la invención de las antigüedades; y creo que en el suyo no se acordó de poner la de los naipes, como la pondré yo ahora, que será de mucha importancia, y más alegando autor tan grave y tan verdadero como es el señor Durandarte. La cuarta es haber sabido con certidumbre el nacimiento del río Guadiana, hasta ahora ignorado de las gentes. | « Quant à moi, seigneur don Quichotte de la Manche, je donne pour plus que bien employé le voyage que j′ai fait avec Votre Grâce, car j′y ai gagné quatre choses ; la première, d′avoir connu Votre Grâce, ce que je tiens à grand honneur ; la seconde, d′avoir appris ce que renferme cette caverne de Montésinos, ainsi que les transformations du Guadiana et des lagunes de Ruidéra, qui me serviront beaucoup pour l′Ovide espagnol que j′ai sur le métier ; la troisième, d′avoir découvert l′antiquité des cartes. On devait, en effet, s′en servir pour le moins à l′époque de l′empereur Charlemagne, suivant ce qu′on peut inférer des paroles que vous avez entendu dire à Durandart, lorsque, après ce long discours que lui fit Montésinos, il s′éveilla en disant : « Patience, et battons les cartes. » Cette expression, cette façon de parler, il n′a pu l′apprendre étant enchanté, mais lorsqu′il était encore en France, et à l′époque dudit empereur Charlemagne. C′est une vérification qui me vient tout à point pour l′autre livre que je suis en train de composer, lequel s′intitule Supplément à Virgile Polydore sur l′invention des antiquités. Je crois que, dans le sien, il a oublié de mentionner l′invention des cartes ; moi je l′indiquerai maintenant, ce qui sera chose de grande importance, surtout en citant pour autorité un auteur aussi grave, aussi véridique que le seigneur Durandart . La quatrième, c′est d′avoir appris avec certitude où est la source du fleuve Guadiana, jusqu′à présent ignorée de tout le monde. | -Vuestra merced tiene razón -dijo don Quijote-, pero querría yo saber, ya que Dios le haga merced de que se le dé licencia para imprimir esos sus libros, que lo dudo, a quién piensa dirigirlos. | Â Votre Grâce a parfaitement raison, dit don Quichotte ; mais je voudrais savoir, si Dieu vous fait la grâce qu′on vous accorde l′autorisation d′imprimer vos livres , ce dont je doute, à qui vous pensez les adresser. | -Señores y grandes hay en España a quien puedan dirigirse -dijo el primo. | Â Il y a des seigneurs et des grands en Espagne à qui l′on peut en faire hommage, répondit le cousin. | -No muchos -respondió don Quijote-; y no porque no lo merezcan, sino que no quieren admitirlos, por no obligarse a la satisfación que parece se debe al trabajo y cortesía de sus autores. Un príncipe conozco yo que puede suplir la falta de los demás, con tantas ventajas que, si me atreviere a decirlas, quizá despertara la invidia en más de cuatro generosos pechos; pero quédese esto aquí para otro tiempo más cómodo, y vamos a buscar adonde recogernos esta noche. | Â Pas beaucoup, reprit don Quichotte ; non point qu′ils n′en soient dignes, mais parce qu′ils ne veulent point accepter des dédicaces, pour ne pas être tenus à la reconnaissance qui semble due au travail et à la courtoisie de leurs auteurs. Je connais un prince, moi, qui peut remplacer tous les autres, et avec tant d′avantages, que, si j′osais dire de lui tout ce que je pense, j′éveillerais peut-être l′envie dans plus d′un cœur généreux . Mais laissons cela pour un temps plus opportun, et cherchons où nous gîter cette nuit. | -No lejos de aquí -respondió el primo- está una ermita, donde hace su habitación un ermitaño, que dicen ha sido soldado, y está en opinión de ser un buen cristiano, y muy discreto y caritativo además. Junto con la ermita tiene una pequeña casa, que él ha labrado a su costa; pero, con todo, aunque chica, es capaz de recibir huéspedes. | Â Non loin d′ici, dit le cousin, est un ermitage où fait sa demeure un ermite qui, dit-on, a été soldat, et qui a la réputation d′être bon chrétien, homme de sens et fort charitable. Tout près de l′ermitage est une petite maison qu′il a bâtie lui-même ; bien qu′étroite, elle peut recevoir des hôtes. | -¿Tiene por ventura gallinas el tal ermitaño? -preguntó Sancho. | Â Est-ce que par hasard cet ermite a des poules ? demanda Sancho. | -Pocos ermitaños están sin ellas -respondió don Quijote-, porque no son los que agora se usan como aquellos de los desiertos de Egipto, que se vestían de hojas de palma y comían raíces de la tierra. Y no se entienda que por decir bien de aquéllos no lo digo de aquéstos, sino que quiero decir que al rigor y estrecheza de entonces no llegan las penitencias de los de agora; pero no por esto dejan de ser todos buenos; a lo menos, yo por buenos los juzgo; y, cuando todo corra turbio, menos mal hace el hipócrita que se finge bueno que el público pecador. | Â Peu d′ermites en manquent, répondit don Quichotte, car ceux d′aujourd′hui ne ressemblent pas à ceux des déserts d′Égypte, qui s′habillaient de feuilles de palmier, et vivaient des racines de la terre. Mais n′allez pas entendre que, parce que je parle bien des uns, je parle mal des autres ; je veux seulement dire que les pénitences d′aujourd′hui n′ont plus la rigueur et l′austérité de celles d′autrefois ; mais tous les ermites n′en sont pas moins vertueux. Du moins c′est ainsi que je les juge, et, lorsque tout va de travers, l′hypocrite qui feint la vertu fait moins mal que le pécheur public. » | Estando en esto, vieron que hacia donde ellos estaban venía un hombre a pie, caminando apriesa, y dando varazos a un macho que venía cargado de lanzas y de alabardas. Cuando llegó a ellos, los saludó y pasó de largo. Don Quijote le dijo. | Ils en étaient là quand ils virent venir à eux un homme à pied qui marchait en toute hâte, et chassait devant lui à grands coups de gaule un mulet chargé de lances et de hallebardes. En arrivant près d′eux, il les salua et passa outre : | -Buen hombre, deteneos, que parece que vais con más diligencia que ese macho ha menester. | « Brave homme, lui dit don Quichotte, arrêtez-vous un peu ; il semble que vous allez plus vite que ce mulet n′en a l′envie. | -No me puedo detener, señor -respondió el hombre-, porque las armas que veis que aquí llevo han de servir mañana; y así, me es forzoso el no detenerme, y a Dios. Pero si quisiéredes saber para qué las llevo, en la venta que está más arriba de la ermita pienso alojar esta noche; y si es que hacéis este mesmo camino, allí me hallaréis, donde os contaré maravillas. Y a Dios otra vez. | Â Je ne puis m′arrêter, seigneur, répondit l′homme, car les armes que vous me voyez porter doivent servir demain ; ainsi je n′ai pas de temps à perdre ; adieu donc. Mais, si vous voulez savoir pourquoi je porte ces armes, je pense m′héberger cette nuit dans l′hôtellerie qui est plus haut que l′ermitage, et, si vous suivez le même chemin, vous me trouverez là, et je vous conterai des merveilles ; adieu encore un coup. » | Y de tal manera aguijó el macho, que no tuvo lugar don Quijote de preguntarle qué maravillas eran las que pensaba decirles; y, como él era algo curioso y siempre le fatigaban deseos de saber cosas nuevas, ordenó que al momento se partiesen y fuesen a pasar la noche en la venta, sin tocar en la ermita, donde quisiera el primo que se quedaran. | Cela dit, il poussa si bien le mulet que don Quichotte n′eut pas le temps de lui demander quelles étaient ces merveilles qu′il avait à leur dire. Comme il était quelque peu curieux et tourmenté sans cesse du désir d′apprendre des choses nouvelles, il décida qu′on partirait à l′instant même, et qu′on irait passer la nuit à l′hôtellerie, sans toucher à l′ermitage où le cousin voulait s′arrêter. | Hízose así, subieron a caballo, y siguieron todos tres el derecho camino de la venta, a la cual llegaron un poco antes de anochecer. Dijo el primo a don Quijote que llegasen a ella a beber un trago. Apenas oyó esto Sancho Panza, cuando encaminó el rucio a la ermita, y lo mismo hicieron don Quijote y el primo; pero la mala suerte de Sancho parece que ordenó que el ermitaño no estuviese en casa; que así se lo dijo una sotaermitaño que en la ermita hallaron. Pidiéronle de lo caro; respondió que su señor no lo tenía, pero que si querían agua barata, que se la daría de muy buena gana. | Ils montèrent donc à cheval et suivirent tous les trois le chemin direct de l′hôtellerie, où ils arrivèrent un peu avant la tombée de la nuit. Toutefois le cousin proposa à don Quichotte de passer à l′ermitage pour boire un coup. Dès que Sancho entendit cela, il y dirigea le grison, et don Quichotte l′y suivit avec le cousin. Mais la mauvaise étoile de Sancho voulut que l′ermite ne fût pas chez lui, ce que leur dit une sous-ermite qu′ils trouvèrent dans l′ermitage. Ils lui demandèrent du meilleur cru. Elle répondit que son maître n′avait pas de vin, mais que, s′ils voulaient de l′eau à bon marché, elle leur en donnerait de grand cœur. | -Si yo la tuviera de agua -respondió Sancho-, pozos hay en el camino, donde la hubiera satisfecho. ¡Ah bodas de Camacho y abundancia de la casa de don Diego, y cuántas veces os tengo de echar menos. | « Si j′avais soif d′eau, répondit Sancho, il y a des puits sur la route où je l′aurais étanchée. Ah ! noces de Camache, abondance de la maison de don Diego, combien de fois j′aurai encore à vous regretter ! » | Con esto, dejaron la ermita y picaron hacia la venta; y a poco trecho toparon un mancebito, que delante dellos iba caminando no con mucha priesa; y así, le alcanzaron. Llevaba la espada sobre el hombro, y en ella puesto un bulto o envoltorio, al parecer de sus vestidos; que, al parecer, debían de ser los calzones o greguescos, y herreruelo, y alguna camisa, porque traía puesta una ropilla de terciopelo con algunas vislumbres de raso, y la camisa, de fuera; las medias eran de seda, y los zapatos cuadrados, a uso de corte; la edad llegaría a diez y ocho o diez y nueve años; alegre de rostro, y, al parecer, ágil de su persona. Iba cantando seguidillas, para entretener el trabajo del camino. Cuando llegaron a él, acababa de cantar una, que el primo tomó de memoria, que dicen que decía: | Ils sortirent alors de l′ermitage et piquèrent du côté de l′hôtellerie. À quelque distance, ils rencontrèrent un jeune garçon qui cheminait devant eux, non très-vite, de façon qu′ils l′eurent bientôt rattrapé. Il portait sur l′épaule son épée comme un bâton, avec un paquet de hardes qui semblait contenir ses chausses, son manteau court et quelques chemises. Il était vêtu d′un pourpoint de velours, avec quelques restes de taillades en satin qui laissaient voir la chemise par-dessous. Ses bas étaient en soie, et ses souliers carrés à la mode de la cour. Son âge pouvait être de dix-huit à dix-neuf ans ; il avait la figure joviale, la démarche agile, et s′en allait chantant des séguidillas pour charmer l′ennui et la fatigue du chemin. Quand ils arrivèrent près de lui, il achevait d′en chanter une que le cousin retint par cœur, et qui disait : | A la guerra me lleva mi necesidad. si tuviera dineros no fuera, en verdad. | « À la guerre me conduit ma nécessité ; si j′avais de l′argent, je n′irais pas, en vérité. » | El primero que le habló fue don Quijote, diciéndole: | Le premier qui lui parla fut don Quichotte : | -Muy a la ligera camina vuesa merced, señor galán. Y ¿adónde bueno? Sepamos, si es que gusta decirlo. | « Vous cheminez bien à la légère, seigneur galant, lui dit-il ; et de quel côté ? que nous le sachions, | A lo que el mozo respondió. | s′il vous plaît de le dire. | -El caminar tan a la ligera lo causa el calor y la pobreza, y el adónde voy es a la guerra. | Â Cheminer si à la légère ! répondit le jeune homme ; c′est à cause de la chaleur et de la pauvreté ; et où je vais ? c′est à la guerre. | -¿Cómo la pobreza? -preguntó don Quijote-; que por el calor bien puede ser. | Â Comment ! la pauvreté, s′écria don Quichotte ; la chaleur, c′est plus croyable. | -Señor -replicó el mancebo-, yo llevo en este envoltorio unos greguescos de terciopelo, compañeros desta ropilla; si los gasto en el camino, no me podré honrar con ellos en la ciudad, y no tengo con qué comprar otros; y, así por esto como por orearme, voy desta manera, hasta alcanzar unas compañías de infantería que no están doce leguas de aquí, donde asentaré mi plaza, y no faltarán bagajes en que caminar de allí adelante hasta el embarcadero, que dicen ha de ser en Cartagena. Y más quiero tener por amo y por señor al rey, y servirle en la guerra, que no a un pelón en la corte. | Â Seigneur, répliqua le jeune garçon, je porte dans ce paquet des grègues de velours, compagnes de ce pourpoint ; si je les use sur la route, je ne pourrai pas m′en faire honneur dans la ville, et je n′ai pas de quoi en acheter d′autres. Pour cette raison aussi bien que pour me donner de l′air, je marche comme vous voyez, jusqu′à ce que je rejoigne des compagnies d′infanterie qui sont à douze lieues d′ici, et dans lesquelles je m′engagerai. Je ne manquerai pas alors d′équipages pour cheminer jusqu′au point d′embarquement, qu′on dit être Carthagène ; j′aime mieux avoir le roi pour maître et seigneur, et le servir à la guerre, que de servir quelque ladre à la cour. | -Y ¿lleva vuesa merced alguna ventaja por ventura? -preguntó el primo. | Â Mais Votre Grâce a-t-elle du moins une haute paye ? demanda le cousin. | -Si yo hubiera servido a algún grande de España, o algún principal personaje -respondió el mozo-, a buen seguro que yo la llevara, que eso tiene el servir a los buenos: que del tinelo suelen salir a ser alférez o capitanes, o con algún buen entretenimiento; pero yo, desventurado, serví siempre a catarriberas y a gente advenediza, de ración y quitación tan mísera y atenuada, que en pagar el almidonar un cuello se consumía la mitad della; y sería tenido a milagro que un paje aventurero alcanzase alguna siquiera razonable ventura. | Â Ah ! répondit le jeune homme, si j′avais servi quelque grand d′Espagne ou quelque personnage important, à coup sûr elle ne me manquerait pas. Voilà ce que c′est que de servir en bonne condition ; de la table des pages, on devient enseigne ou capitaine, ou l′on attrape quelque bonne pension. Mais moi, pauvre malheureux, je n′ai jamais servi que des solliciteurs de places, des gens de rien, venus on ne sait d′où, qui mettent leurs valets à la portion congrue, si maigre et si mince, que, pour payer l′empois d′un collet, il faut dépenser la moitié de ses gages. On tiendrait vraiment à miracle qu′un page d′aventure attrapât la moindre fortune. | -Y dígame, por su vida, amigo -preguntó don Quijote-: ¿es posible que en los años que sirvió no ha podido alcanzar alguna librea?. | Â Mais par votre vie, dites-moi, mon ami, demanda don Quichotte, est-il possible que, pendant les années que vous avez servi, vous n′ayez pu seulement attraper quelque livrée ? | -Dos me han dado -respondió el paje-; pero, así como el que se sale de alguna religión antes de profesar le quitan el hábito y le vuelven sus vestidos, así me volvían a mí los míos mis amos, que, acabados los negocios a que venían a la corte, se volvían a sus casas y recogían las libreas que por sola ostentación habían dado. | Â On m′en a donné deux, répondit le page ; mais, de même qu′à celui qui quitte un couvent avant d′y faire profession on ôte la robe et le capuce pour lui rendre ses habits, de même mes maîtres me rendaient les miens dès qu′ils avaient fini les affaires qui les appelaient à la cour, et reprenaient les livrées qu′ils ne m′avaient données que par ostentation. | -Notable espilorchería, como dice el italiano -dijo don Quijote-; pero, con todo eso, tenga a felice ventura el haber salido de la corte con tan buena intención como lleva; porque no hay otra cosa en la tierra más honrada ni de más provecho que servir a Dios, primeramente, y luego, a su rey y señor natural, especialmente en el ejercicio de las armas, por las cuales se alcanzan, si no más riquezas, a lo menos, más honra que por las letras, como yo tengo dicho muchas veces; que, puesto que han fundado más mayorazgos las letras que las armas, todavía llevan un no sé qué los de las armas a los de las letras, con un sí sé qué de esplendor que se halla en ellos, que los aventaja a todos. Y esto que ahora le quiero decir llévelo en la memoria, que le será de mucho provecho y alivio en sus trabajos; y es que, aparte la imaginación de los sucesos adversos que le podrán venir, que el peor de todos es la muerte, y como ésta sea buena, el mejor de todos es el morir. Preguntáronle a Julio César, aquel valeroso emperador romano, cuál era la mejor muerte; respondió que la impensada, la de repente y no prevista; y, aunque respondió como gentil y ajeno del conocimiento del verdadero Dios, con todo eso, dijo bien, para ahorrarse del sentimiento humano; que, puesto caso que os maten en la primera facción y refriega, o ya de un tiro de artillería, o volado de una mina, ¿qué importa? Todo es morir, y acabóse la obra; y, según Terencio, más bien parece el soldado muerto en la batalla que vivo y salvo en la huida; y tanto alcanza de fama el buen soldado cuanto tiene de obediencia a sus capitanes y a los que mandarle pueden. Y advertid, hijo, que al soldado mejor le está el oler a pólvora que algalia, y que si la vejez os coge en este honroso ejercicio, aunque sea lleno de heridas y estropeado o cojo, a lo menos no os podrá coger sin honra, y tal, que no os la podrá menoscabar la pobreza; cuanto más, que ya se va dando orden cómo se entretengan y remedien los soldados viejos y estropeados, porque no es bien que se haga con ellos lo que suelen hacer los que ahorran y dan libertad a sus negros cuando ya son viejos y no pueden servir, y, echándolos de casa con título de libres, los hacen esclavos de la hambre, de quien no piensan ahorrarse sino con la muerte. Y por ahora no os quiero decir más, sino que subáis a las ancas deste mi caballo hasta la venta, y allí cenaréis conmigo, y por la mañana seguiréis el camino, que os le dé Dios tan bueno como vuestros deseos merecen. | Â Notable vilenie ! s′écria don Quichotte, mais toutefois félicitez-vous d′avoir quitté la cour avec une aussi bonne intention que celle qui vous pousse. Il n′y a rien, en effet, sur la terre de plus honorable et de plus profitable à la fois que de servir Dieu d′abord, puis son roi et seigneur naturel, principalement dans le métier des armes, par lesquelles on obtient, sinon plus de richesses, au moins plus d′honneur que par les lettres, comme je l′ai déjà dit maintes et maintes fois. S′il est vrai que les lettres ont plus fondé de majorats que les armes, ceux des armes ont je ne sais quoi de supérieur à ceux des lettres, et je sais bien quoi de noble et d′éclatant qui leur fait surpasser tous les autres. Ce que je vais vous dire à présent, gardez-le bien en votre mémoire, car vous y trouverez grand profit, et grand soulagement dans les peines du métier ; c′est que vous éloigniez votre imagination de tous les événements funestes qui pourraient arriver. Le pire de tous est la mort, et, pourvu qu′elle soit glorieuse, le meilleur de tous est de mourir. On demandait à Jules César, ce vaillant empereur romain, quelle était la meilleure mort : « La subite et l′imprévue », répondit-il. Bien que cette réponse soit d′un gentil, privé de la connaissance du vrai Dieu, toutefois il disait bien, en ce qui est d′échapper au sentiment naturel à l′homme. Que l′on vous tue à la première rencontre, soit d′une décharge d′artillerie, soit des éclats d′une mine qui saute, qu′importe ? c′est toujours mourir, et la besogne est faite. Suivant Térence, mieux sied au soldat d′être mort dans la bataille que vivant et sain dans la fuite, et le bon soldat acquiert juste autant de renommée qu′il montre d′obéissance envers ses capitaines et ceux qui ont droit de lui commander. Prenez garde, mon fils, qu′il sied mieux au soldat de sentir la poudre que le musc, et, si la vieillesse vous atteint dans cet honorable métier, fussiez-vous couvert de blessures, estropié, boiteux, du moins elle ne vous atteindra pas sans honneur, tellement que la pauvreté même ne pourra en obscurcir l′éclat. D′ailleurs, on s′occupe à présent de soulager et de nourrir les soldats vieux et estropiés ; car il ne serait pas bien que l′on fît avec eux comme font ceux qui donnent la liberté à leurs nègres quand ils sont vieux et ne peuvent plus servir. En les chassant de la maison sous le titre d′affranchis, ils les font esclaves de la faim, dont la mort seule pourra les affranchir. Quant à présent, je ne veux rien vous dire de plus, sinon que vous montiez en croupe sur mon cheval jusqu′à l′hôtellerie ; vous y souperez avec moi, et demain matin vous continuerez votre voyage ; puisse Dieu vous le donner aussi bon que vos désirs le méritent ! » | El paje no aceptó el convite de las ancas, aunque sí el de cenar con él en la venta; y, a esta sazón, dicen que dijo Sancho entre sí: | Le page refusa l′invitation de la croupe, mais il accepta celle du souper à l′hôtellerie, et, dans ce moment, Sancho, dit-on, se dit à lui-même : | -¡Válate Dios por señor! Y ¿es posible que hombre que sabe decir tales, tantas y tan buenas cosas como aquí ha dicho, diga que ha visto los disparates imposibles que cuenta de la cueva de Montesinos? Ahora bien, ello dirá. | « Diable soit de mon seigneur ! est-il possible qu′un homme qui sait dire tant et de si belles choses, comme celles qu′il vient de débiter, dise avoir vu les bêtises impossibles qu′il raconte de la caverne de Montésinos ? Allons, il faut en prendre son parti. » | Y en esto, llegaron a la venta, a tiempo que anochecía, y no sin gusto de Sancho, por ver que su señor la juzgó por verdadera venta, y no por castillo, como solía. No hubieron bien entrado, cuando don Quijote preguntó al ventero por el hombre de las lanzas y alabardas; el cual le respondió que en la caballeriza estaba acomodando el macho. Lo mismo hicieron de sus jumentos el primo y Sancho, dando a Rocinante el mejor pesebre y el mejor lugar de la caballeriza. | Ils arrivèrent bientôt après à l′hôtellerie, au moment où la nuit tombait, et non sans grande joie de Sancho, qui se réjouit de voir que son maître la prenait pour une hôtellerie véritable, et non pour un château, comme il en avait l′habitude. À peine furent-ils entrés que don Quichotte s′informa, auprès de l′hôtelier, de l′homme aux lances et aux hallebardes. L′autre lui répondit qu′il était dans l′écurie à ranger son mulet. Le cousin et Sancho en firent autant de leurs ânes, laissant à Rossinante le haut bout et la meilleure mangeoire de l′écurie.
| II. Capítulo XXV. Donde se apunta la aventura del rebuzno y la graciosa del titerero, con las memorables adivinanzas del mono adivino. | Chapitre XXV Où l′on rapporte l′aventure du braiment et la gracieuse histoire du joueur de marionnettes, ainsi que les mémorables divinations du singe devin No se le cocía el pan a don Quijote, como suele decirse, hasta oír y saber las maravillas prometidas del hombre condutor de las armas. Fuele a buscar donde el ventero le había dicho que estaba, y hallóle, y díjole que en todo caso le dijese luego lo que le había de decir después, acerca de lo que le había preguntado en el camino. El hombre le respondió. | Don Quichotte grillait, comme on dit, d′impatience d′apprendre les merveilles promises par l′homme aux armes. Il alla le chercher où l′hôtelier lui avait indiqué qu′il était, et l′ayant trouvé, il le pria de lui dire sur-le-champ ce qu′il devait lui dire plus tard, à propos des questions qui lui avaient été faites en chemin. L′homme répondit : | -Más despacio, y no en pie, se ha de tomar el cuento de mis maravillas: déjeme vuestra merced, señor bueno, acabar de dar recado a mi bestia, que yo le diré cosas que le admiren. | « Ce n′est pas si vite ni sur les pieds qu′il faut entendre le récit de mes merveilles. Que Votre Grâce, mon bon seigneur, me laisse d′abord achever de panser ma bête ; après quoi je vous dirai des choses qui vous étonneront. | -No quede por eso -respondió don Quijote-, que yo os ayudaré a todo. |  Si ce n′est que cela, reprit don Quichotte, je vais vous aider. » | Y así lo hizo, ahechándole la cebada y limpiando el pesebre, humildad que obligó al hombre a contarle con buena voluntad lo que le pedía; y, sentándose en un poyo y don Quijote junto a él, teniendo por senado y auditorio al primo, al paje, a Sancho Panza y al ventero, comenzó a decir desta manera: | Aussitôt il se mit à vanner l′orge et à nettoyer la mangeoire, humilité qui obligea l′homme à lui conter de bonne grâce ce qu′il lui demandait. Ils s′assirent donc côte à côte sur un banc de pierre, et l′homme aux hallebardes, ayant pour sénat et pour auditoire le cousin, le page, Sancho Panza et l′hôtelier, commença de la sorte : | -« Sabrán vuesas mercedes que en un lugar que está cuatro leguas y media desta venta sucedió que a un regidor dél, por industria y engaño de una muchacha criada suya, y esto es largo de contar, le faltó un asno, y, aunque el tal regidor hizo las diligencias posibles por hallarle, no fue posible. Quince días serían pasados, según es pública voz y fama,- que el asno faltaba, cuando, estando en la plaza el regidor perdidoso, otro regidor del mismo pueblo le dijo: ′′Dadme albricias, compadre, que vuestro jumento ha parecido′′. ′′Yo os las mando y buenas, compadre -respondió el otro-, pero sepamos dónde ha parecido′′. ′′En el monte -respondió el hallador-, le vi esta mañana, sin albarda y sin aparejo alguno, y tan flaco que era una compasión miralle. Quísele antecoger delante de mí y traérosle, pero está ya tan montaraz y tan huraño, que, cuando llegé a él, se fue huyendo y se entró en lo más escondido del monte. Si queréis que volvamos los dos a buscarle, dejadme poner esta borrica en mi casa, que luego vuelvo′′. ′′Mucho placer me haréis -dijo el del jumento-, e yo procuraré pagároslo en la mesma moneda′′. Con estas circunstancias todas, y de la mesma manera que yo lo voy contando, lo cuentan todos aquellos que están enterados en la verdad deste caso. En resolución, los dos regidores, a pie y mano a mano, se fueron al monte, y, llegando al lugar y sitio donde pensaron hallar el asno, no le hallaron, ni pareció por todos aquellos contornos, aunque más le buscaron. Viendo, pues, que no parecía, dijo el regidor que le había visto al otro: ′′Mirad, compadre: una traza me ha venido al pensamiento, con la cual sin duda alguna podremos descubrir este animal, aunque esté metido en las entrañas de la tierra, no que del monte; y es que yo sé rebuznar maravillosamente; y si vos sabéis algún tanto, dad el hecho por concluido′′. ′′¿Algún tanto decís, compadre? -dijo el otro-; por Dios, que no dé la ventaja a nadie, ni aun a los mesmos asnos′′. ′′Ahora lo veremos -respondió el regidor segundo-, porque tengo determinado que os vais vos por una parte del monte y yo por otra, de modo que le rodeemos y andemos todo, y de trecho en trecho rebuznaréis vos y rebuznaré yo, y no podrá ser menos sino que el asno nos oya y nos responda, si es que está en el monte′′. A lo que respondió el dueño del jumento: ′′Digo, compadre, que la traza es excelente y digna de vuestro gran ingenio′′. Y, dividiéndose los dos según el acuerdo, sucedió que casi a un mesmo tiempo rebuznaron, y cada uno engañado del rebuzno del otro, acudieron a buscarse, pensando que ya el jumento había parecido; y, en viéndose, dijo el perdidoso: ′′¿Es posible, compadre, que no fue mi asno el que rebuznó?′′ ′′No fue, sino yo′′, respondió el otro. ′′Ahora digo -dijo el dueño-, que de vos a un asno, compadre, no hay alguna diferencia, en cuanto toca al rebuznar, porque en mi vida he visto ni oído cosa más propia′′. ′′Esas alabanzas y encarecimiento -respondió el de la traza-, mejor os atañen y tocan a vos que a mí, compadre; que por el Dios que me crió que podéis dar dos rebuznos de ventaja al mayor y más perito rebuznador del mundo; porque el sonido que tenéis es alto; lo sostenido de la voz, a su tiempo y compás; los dejos, muchos y apresurados, y, en resolución, yo me doy por vencido y os rindo la palma y doy la bandera desta rara habilidad′′. ′′Ahora digo -respondió el dueño-, que me tendré y estimaré en más de aquí adelante, y pensaré que sé alguna cosa, pues tengo alguna gracia; que, puesto que pensara que rebuznaba bien, nunca entendí que llegaba el estremo que decís′′. ′′También diré yo ahora -respondió el segundo- que hay raras habilidades perdidas en el mundo, y que son mal empleadas en aquellos que no saben aprovecharse dellas′′. ′′Las nuestras -respondió el dueño-, si no es en casos semejantes como el que traemos entre manos, no nos pueden servir en otros, y aun en éste plega a Dios que nos sean de provecho′′. | « Il faut que vous sachiez, seigneurs, que, dans un village qui est à quatre lieues et demie de cette hôtellerie, il arriva qu′un regidor du pays, par la faute ou la malice de sa servante, ce qui serait trop long à conter, perdit un âne, et, quelques diligences que fît ce regidor pour retrouver l′animal, il n′en put venir à bout. Quinze jours étaient déjà passés, selon le bruit public, depuis que l′âne avait quitté la maison, lorsque, étant sur la place, le regidor perdant vit venir à lui un autre regidor du même village. « Donnez-moi mes étrennes , compère, dit celui-ci, votre âne est retrouvé.  Très-volontiers, compère, répondit l′autre, et je vous les promets bonnes ; mais sachons d′abord où l′âne a reparu.  Dans le bois de la montagne, reprit le trouveur ; je l′ai vu ce matin, sans bât, sans harnais, et si maigre que c′était une pitié de le voir. J′ai voulu le chasser devant moi et vous le ramener ; mais il est déjà si sauvage et si fuyard, que, dès que j′ai voulu l′approcher, il s′est sauvé en courant dans le plus épais du bois. S′il vous plaît que nous retournions le chercher ensemble, laissez-moi mettre cette bourrique à la maison, et je reviens tout de suite.  Vous me ferez grand plaisir, répondit le maître de l′âne, et je tâcherai de vous rendre ce service en même monnaie. » C′est avec toutes ces circonstances et de la même manière que je vous conte l′histoire, que la racontent tous ceux qui sont au fait de la vérité. Finalement, les deux regidors, à pied et bras dessus bras dessous, s′en allèrent au bois ; mais quand ils furent arrivés à l′endroit où ils pensaient trouver l′âne, ils ne le trouvèrent pas, et, quelque soin qu′ils missent à le chercher, ils ne purent le découvrir dans tous les environs. Voyant que l′animal ne paraissait point, le regidor qui l′avait vu dit à l′autre : « Écoutez, compère, je viens d′imaginer une ruse au moyen de laquelle nous finirons par découvrir la bête, fût-elle cachée, non dans les entrailles du bois, mais dans celles de la terre. Je sais braire à merveille, et, si vous avez aussi quelque peu de ce talent, tenez l′affaire pour conclue.  Quelque peu, dites-vous, compère, reprit l′autre. Oh ! pardieu, j′espère bien que personne n′aurait à m′en revendre, pas même les ânes en chair et en os.  C′est ce que nous allons voir, répondit le second regidor ; car j′ai résolu que vous alliez d′un côté de la montagne et moi de l′autre, de façon que nous en fassions le tour, et que nous la parcourions en tous sens. De temps en temps, vous brairez, vous, et je brairai aussi, moi, et il n′est pas possible que l′âne ne nous entende et ne nous réponde, s′il est encore dans le bois de la montagne.  En vérité, compère, s′écria le maître de l′âne, la ruse est excellente et digne de votre grand génie. » Aussitôt ils se séparèrent, et, suivant la convention, chacun prit de son côté ; mais, presque en même temps, ils se mirent tous deux à braire, et, trompés chacun par le cri de l′autre, ils accoururent se chercher, croyant avoir trouvé l′âne. Quand le perdant vit son compère : « Est-il possible, s′écria-t-il, que ce ne soit pas mon âne que j′ai entendu braire ?  Non, ce n′est que moi, répondit l′autre.  Eh bien, compère, reprit le premier, j′affirme que de vous à un âne il n′y a aucune différence, quant à ce qui est de braire, car de ma vie je n′avais vu ni entendu chose plus semblable et plus parfaite.  Sans vous flatter, répondit l′inventeur de la ruse, ces louanges vous appartiennent plus qu′à moi, compère. Par le Dieu qui m′a créé, vous pourriez céder deux points au plus habile brayeur du monde. Le son que vous donnez est haut et fort, les notes aiguës viennent bien en mesure, les suspensions sont nombreuses et précipitées ; enfin je me tiens pour vaincu, et vous rends la palme en ce rare talent d′agrément.  Eh bien ! répliqua le maître de l′âne, je m′estimerai désormais davantage, et je croirai savoir quelque chose, puisque j′ai quelque talent ; mais, en vérité, quoique je crusse fort bien braire, je n′avais jamais imaginé que ce fût avec la perfection que vous dites.  J′ajoute encore, reprit le second, qu′il y a de rares talents perdus dans le monde, et qui sont mal employés chez ceux qui ne savent pas s′en servir.  Quant aux nôtres, répondit le maître de l′âne, ils ne peuvent guère servir que dans les occasions comme celle qui nous occupe ; encore plaise à Dieu qu′ils nous y soient de quelque utilité. » | Esto dicho, se tornaron a dividir y a volver a sus rebuznos, y a cada paso se engañaban y volvían a juntarse, hasta que se dieron por contraseño que, para entender que eran ellos, y no el asno, rebuznasen dos veces, una tras otra. Con esto, doblando a cada paso los rebuznos, rodearon todo el monte sin que el perdido jumento respondiese, ni aun por señas. Mas, ¿cómo había de responder el pobre y mal logrado, si le hallaron en lo más escondido del bosque, comido de lobos? Y, en viéndole, dijo su dueño: ′′Ya me maravillaba yo de que él no respondía, pues a no estar muerto, él rebuznara si nos oyera, o no fuera asno; pero, a trueco de haberos oído rebuznar con tanta gracia, compadre, doy por bien empleado el trabajo que he tenido en buscarle, aunque le he hallado muerto′′. ′′En buena mano está, compadre -respondió el otro-, pues si bien canta el abad, no le va en zaga el monacillo′′. Con esto, desconsolados y roncos, se volvieron a su aldea, adonde contaron a sus amigos, vecinos y conocidos cuanto les había acontecido en la busca del asno, exagerando el uno la gracia del otro en el rebuznar; todo lo cual se supo y se estendió por los lugares circunvecinos. Y el diablo, que no duerme, como es amigo de sembrar y derramar rencillas y discordia por doquiera, levantando caramillos en el viento y grandes quimeras de nonada, ordenó e hizo que las gentes de los otros pueblos, en viendo a alguno de nuestra aldea, rebuznase, como dándoles en rostro con el rebuzno de nuestros regidores. Dieron en ello los muchachos, que fue dar en manos y en bocas de todos los demonios del infierno, y fue cundiendo el rebuzno de en uno en otro pueblo, de manera que son conocidos los naturales del pueblo del rebuzno, como son conocidos y diferenciados los negros de los blancos; y ha llegado a tanto la desgracia desta burla, que muchas veces con mano armada y formado escuadrón han salido contra los burladores los burlados a darse la batalla, sin poderlo remediar rey ni roque, ni temor ni vergüenza. Yo creo que mañana o esotro día han de salir en campaña los de mi pueblo, que son los del rebuzno, contra otro lugar que está a dos leguas del nuestro, que es uno de los que más nos persiguen: y, por salir bien apercebidos, llevo compradas estas lanzas y alabardas que habéis visto. Y éstas son las maravillas que dije que os había de contar, y si no os lo han parecido, no sé otras. | Cela dit, ils se séparèrent de nouveau et se remirent à braire ; mais à chaque pas ils se trompaient mutuellement et venaient se rejoindre, jusqu′à ce qu′ils convinrent, pour reconnaître que c′étaient eux et non l′âne, de braire deux fois coup sur coup. Après cela, et redoublant sans cesse les braiments, ils parcoururent toute la montagne sans que l′âne perdu répondît, même par signes. Mais comment aurait-il pu répondre, l′infortuné, puisqu′ils le trouvèrent au plus profond du bois, mangé par les loups ! Quand son maître le vit : « Je m′étonnais, s′écria-t-il, qu′il n′eût pas répondu ; car, à moins d′être mort, il n′aurait pas manqué de braire en nous entendant, ou bien ce n′eût pas été un âne. Mais, pour vous avoir entendu braire avec tant de grâce, compère, je tiens pour bien employée la peine que j′ai prise à le chercher, quoique je l′aie trouvé mort.  Nous sommes à deux de jeu, compère, répondit l′autre ; car si le curé chante bien, aussi bien fait l′enfant de chœur. » Après cela, ils s′en revinrent tristes et enroués au village, où ils contèrent à leurs voisins, amis et connaissances, tout ce qui leur était arrivé à la recherche de l′âne, chacun d′eux vantant à l′envi la grâce qu′avait l′autre à braire. Tout cela se sut et se répandit dans les villages circonvoisins. Or, le diable, qui ne dort jamais, aime tellement à semer des pailles en l′air, à souffler partout la discorde et les querelles, qu′il s′est avisé de faire que les gens des autres villages, quand ils voient quelqu′un du nôtre, se mettent à braire comme pour lui jeter au nez le braiment de nos regidors. Les polissons s′en sont mêlés, ce qui est pire que si tous les démons de l′enfer se fussent donné le mot, et le braiment s′est enfin si bien répandu d′un village à l′autre, que les habitants de celui du braiment sont connus et distingués partout comme les nègres parmi les blancs. Les malheureuses suites de cette plaisanterie sont allées si loin, que maintes fois les raillés sont sortis contre les railleurs, à main armée et bataillons formés, pour leur livrer bataille, sans que rien puisse en empêcher, ni crainte, ni honte, ni roi, ni justice. Je crois que, demain ou après-demain, les gens de mon village, qui est celui du braiment, doivent se mettre en campagne contre un autre pays, à deux lieues du nôtre, et l′un de ceux qui nous persécutent le plus. C′est pour les armer convenablement que je viens d′acheter ces lances et ces hallebardes. Voilà les merveilles que j′avais à vous raconter ; si elles ne vous ont point paru telles, je n′en sais pas d′autres. » | Y con esto dio fin a su plática el buen hombre; y, en esto, entró por la puerta de la venta un hombre todo vestido de camuza, medias, greguescos y jubón, y con voz levantada dijo: | Et le bonhomme finit de la sorte son récit. En cet instant parut à la porte de l′hôtellerie un homme tout habillé de peau de chamois, bas, chausses et pourpoint. | -Señor huésped, ¿hay posada? Que viene aquí el mono adivino y el retablo de la libertad de Melisendra. | « Seigneur hôte, dit-il à haute voix, y a-t-il place au logis ? voici venir le singe devin, et le spectacle de la délivrance de Mélisandre. | -¡Cuerpo de tal -dijo el ventero-, que aquí está el señor mase Pedro! Buena noche se nos apareja. |  Mort de ma vie ! s′écria l′hôtelier, puisque voici le seigneur maître Pierre, nous sommes sûrs d′une bonne soirée. » | Olvidábaseme de decir como el tal mase Pedro traía cubierto el ojo izquierdo, y casi medio carrillo, con un parche de tafetán verde, señal que todo aquel lado debía de estar enfermo; y el ventero prosiguió, diciendo. | J′avais oublié de dire que ce maître Pierre avait l′œil gauche et presque la moitié de la joue cachés sous un emplâtre de taffetas vert, ce qui indiquait que tout ce côté de la figure était malade. | -Sea bien venido vuestra merced, señor mase Pedro. ¿Adónde está el mono y el retablo, que no los veo. | « Soyez le bienvenu, seigneur maître Pierre, continua l′hôtelier. Mais où sont donc le singe et le théâtre ? je ne les vois pas. | -Ya llegan cerca -respondió el todo camuza-, sino que yo me he adelantado, a saber si hay posada. |  Ils seront bientôt ici, répondit l′homme de chamois ; j′ai seulement pris les devants pour savoir s′il y aurait place. | -Al mismo duque de Alba se la quitara para dársela al señor mase Pedro -respondió el ventero-; llegue el mono y el retablo, que gente hay esta noche en la venta que pagará el verle y las habilidades del mono. |  Je l′ôterais au duc d′Albe en personne, répondit l′hôtelier, pour la donner à maître Pierre. Amenez les tréteaux et le singe ; il y a cette nuit des gens dans l′hôtellerie qui payeront pour la vue des uns et pour les talents de l′autre. | -Sea en buen hora -respondió el del parche-, que yo moderaré el precio, y con sola la costa me daré por bien pagado; y yo vuelvo a hacer que camine la carreta donde viene el mono y el retablo. |  À la bonne heure, répliqua l′homme à l′emplâtre ; je baisserai les prix, et pourvu que j′y trouve mon écot, je me tiendrai pour bien payé. Mais je vais faire marcher plus vite la charrette où viennent le singe et le théâtre. » | Y luego se volvió a salir de la venta. | Cela dit, il sortit de l′hôtellerie. | Preguntó luego don Quijote al ventero qué mase Pedro era aquél, y qué retablo y qué mono traía. A lo que respondió el ventero. | Don Quichotte demanda aussitôt à l′hôtelier qui était ce maître Pierre, quel théâtre et quel singe il menait avec lui. | -Éste es un famoso titerero, que ha muchos días que anda por esta Mancha de Aragón enseñando un retablo de Melisendra, libertada por el famoso don Gaiferos, que es una de las mejores y más bien representadas historias que de muchos años a esta parte en este reino se han visto. Trae asimismo consigo un mono de la más rara habilidad que se vio entre monos, ni se imaginó entre hombres, porque si le preguntan algo, está atento a lo que le preguntan y luego salta sobre los hombros de su amo, y, llegándosele al oído, le dice la respuesta de lo que le preguntan, y maese Pedro la declara luego; y de las cosas pasadas dice mucho más que de las que están por venir; y, aunque no todas veces acierta en todas, en las más no yerra, de modo que nos hace creer que tiene el diablo en el cuerpo. Dos reales lleva por cada pregunta, si es que el mono responde; quiero decir, si responde el amo por él, después de haberle hablado al oído; y así, se cree que el tal maese Pedro esta riquísimo; y es hombre galante, como dicen en Italia y bon compaño, y dase la mejor vida del mundo; habla más que seis y bebe más que doce, todo a costa de su lengua y de su mono y de su retablo. | « C′est, répondit l′hôtelier, un fameux joueur de marionnettes, qui se promène depuis quelque temps dans cette partie de la Manche aragonaise, montrant un spectacle de Mélisandre délivrée par le fameux don Garos, qui est bien l′une des meilleures histoires et des mieux représentées qui se soient vues depuis longues années dans ce coin du royaume. Il mène aussi un singe de la plus rare habileté qu′on ait vue parmi les singes et qu′on ait imaginée parmi les hommes. Si on lui fait une question, il écoute attentivement ce qu′on lui demande, saute aussitôt sur l′épaule de son maître, et, s′approchant de son oreille, il lui fait la réponse à la question, laquelle réponse maître Pierre répète sur-le-champ tout haut. Il parle beaucoup plus des choses passées que des choses à venir, et, bien qu′il ne rencontre pas juste à tout coup, le plus souvent il ne se trompe pas, de façon qu′il nous fait croire qu′il a le diable dans le corps. On paye deux réaux par question, si le singe répondÂ
je veux dire si son maître répond pour lui, après qu′il lui a parlé à l′oreille. Aussi croit-on que ce maître Pierre est fort riche. C′est un galant homme, comme on dit en Italie, un bon compagnon qui se donne la meilleure vie du monde. Il parle plus que six, boit plus que douze, et tout cela aux dépens de sa langue, de son singe et de son théâtre. » | En esto, volvió maese Pedro, y en una carreta venía el retablo, y el mono, grande y sin cola, con las posaderas de fieltro, pero no de mala cara; y, apenas le vio don Quijote, cuando le preguntó. | En ce moment maître Pierre revint, conduisant sur une charrette les tréteaux et le singe, qui était grand et sans queue, avec les fesses de feutre, mais non de méchante mine. À peine don Quichotte l′eut-il vu, qu′il demanda : | -Dígame vuestra merced, señor adivino: ¿qué peje pillamo? ¿Qué ha de ser de nosotros?. Y vea aquí mis dos reales. | « Dites-moi, seigneur devin, quel pesce pigliamo ? qu′arrivera-t-il de nous ? Tenez, voilà mes deux réaux. » | Y mandó a Sancho que se los diese a maese Pedro, el cual respondió por el mono, y dijo. | Et il ordonna à Sancho de les donner à maître Pierre. Celui-ci répondit pour le singe : | -Señor, este animal no responde ni da noticia de las cosas que están por venir; de las pasadas sabe algo, y de las presentes, algún tanto. | « Seigneur, dit-il, cet animal ne répond pas et ne donne aucune nouvelle des choses à venir ; des choses passées, il en sait quelque peu, et des présentes à l′avenant. | -¡Voto a Rus -dijo Sancho-, no dé yo un ardite porque me digan lo que por mí ha pasado!; porque, ¿quién lo puede saber mejor que yo mesmo? Y pagar yo porque me digan lo que sé, sería una gran necedad; pero, pues sabe las cosas presentes, he aquí mis dos reales, y dígame el señor monísimo qué hace ahora mi mujer Teresa Panza, y en qué se entretiene. | Â Par la jarni, s′écria Sancho, si je donnais une obole pour qu′on me dît ce qui m′est arrivé ! car, qui peut le savoir mieux que moi ? et payer pour qu′on me dît ce que je sais, ce serait une grande bêtise. Mais puisqu′il sait les choses présentes, voici mes deux réaux, et dites-moi, seigneur singissime, qu′est-ce que fait en ce moment ma femme Thérèse Panza ? à quoi s′occupe-t-elle ? » | No quiso tomar maese Pedro el dinero, diciendo. | Maître Pierre ne voulut pas prendre l′argent. | -No quiero recebir adelantados los premios, sin que hayan precedido los servicios. | « Je ne fais pas payer à l′avance, dit-il, et ne reçois le prix qu′après le service ; » | Y, dando con la mano derecha dos golpes sobre el hombro izquierdo, en un brinco se le puso el mono en él, y, llegando la boca al oído, daba diente con diente muy apriesa; y, habiendo hecho este ademán por espacio de un credo, de otro brinco se puso en el suelo, y al punto, con grandísima priesa, se fue maese Pedro a poner de rodillas ante don Quijote, y, abrazándole las piernas, dijo. | puis il frappa de la main droite deux coups sur son épaule gauche. Le singe y sauta d′un seul bond, et approchant la bouche de l′oreille de son maître, il se mit à claquer des dents avec beaucoup de rapidité. Quand il eut fait cette grimace pendant la durée d′un credo, d′un autre bond il sauta par terre. Alors maître Pierre accourut s′agenouiller devant don Quichotte, et, lui prenant les jambes dans ses bras : | -Estas piernas abrazo, bien así como si abrazara las dos colunas de Hércules, ¡oh resucitador insigne de la ya puesta en olvido andante caballería!; ¡oh no jamás como se debe alabado caballero don Quijote de la Mancha, ánimo de los desmayados, arrimo de los que van a caer, brazo de los caídos, báculo y consuelo de todos los desdichados. | « J′embrasse ces jambes, s′écria-t-il, comme si j′embrassais les deux colonnes d′Hercule, ô ressusciteur insigne de l′oubliée chevalerie errante ! ô jamais dignement loué chevalier don Quichotte de la Manche, appui des faibles, soutien de ceux qui tombent, bras de ceux qui sont tombés, consolation de tous les malheureux ! » | Quedó pasmado don Quijote, absorto Sancho, suspenso el primo, atónito el paje, abobado el del rebuzno, confuso el ventero, y, finalmente, espantados todos los que oyeron las razones del titerero, el cual prosiguió diciendo. | Don Quichotte resta stupéfait, Sancho ébahi, le cousin frappé d′admiration et le page de frayeur, l′hôtelier immobile, l′homme au braiment bouche béante, et finalement, les cheveux dressèrent sur la tête à tous ceux qui avaient entendu parler le joueur de marionnettes. Celui-ci continua sans se troubler : | -Y tú, ¡oh buen Sancho Panza!, el mejor escudero y del mejor caballero del mundo, alégrate, que tu buena mujer Teresa está buena, y ésta es la hora en que ella está rastrillando una libra de lino, y, por más señas, tiene a su lado izquierdo un jarro desbocado que cabe un buen porqué de vino, con que se entretiene en su trabajo. | « Et toi, ô bon Sancho Panza, le meilleur écuyer du meilleur chevalier de ce monde, réjouis-toi ; ta bonne femme Thérèse se porte bien et s′occupe à l′heure qu′il est à peigner une livre de chanvre, à telles enseignes qu′à son côté gauche est un pot égueulé qui tient une bonne pinte de vin, avec lequel elle se délasse, et qui lui fait compagnie dans sa besogne. | -Eso creo yo muy bien -respondió Sancho-, porque es ella una bienaventurada, y, a no ser celosa, no la trocara yo por la giganta Andandona, que, según mi señor, fue una mujer muy cabal y muy de pro; y es mi Teresa de aquellas que no se dejan mal pasar, aunque sea a costa de sus herederos. | Â Oh ! pour cela, je le crois bien, répondit Sancho ; car c′est une vraie bienheureuse, et, si elle n′était pas jalouse, je ne la troquerais pas pour la géante Andandona, qui fut, suivant mon seigneur, une femme très-entendue, très-bonne ménagère ; et ma Thérèse est de celles qui ne se laissent manquer de rien, bien qu′aux dépens de leurs héritiers. | -Ahora digo -dijo a esta sazón don Quijote-, que el que lee mucho y anda mucho, vee mucho y sabe mucho. Digo esto porque, ¿qué persuasión fuera bastante para persuadirme que hay monos en el mundo que adivinen, como lo he visto ahora por mis propios ojos? Porque yo soy el mesmo don Quijote de la Mancha que este buen animal ha dicho, puesto que se ha estendido algún tanto en mis alabanzas; pero comoquiera que yo me sea, doy gracias al cielo, que me dotó de un ánimo blando y compasivo, inclinado siempre a hacer bien a todos, y mal a ninguno. | Â Maintenant je répète, s′écria don Quichotte, que celui qui lit et voyage beaucoup apprend et voit beaucoup. Comment, en effet, serait-on parvenu jamais à me persuader qu′il y a dans le monde des singes qui devinent, ainsi que je viens de le voir avec mes propres yeux ? car je suis bien ce même don Quichotte de la Manche que ce bon animal vient de nommer, sauf toutefois qu′il s′est un peu trop étendu sur mes louanges. Mais, tel que je suis, je rends grâce au ciel qui m′a doué d′un caractère doux et compatissant, toujours porté à faire bien à tous et mal à personne. | -Si yo tuviera dineros -dijo el paje-, preguntara al señor mono qué me ha de suceder en la peregrinación que llevo. | Â Si j′avais de l′argent, dit le page, je demanderais au seigneur singe ce qui doit m′arriver dans le voyage que j′entreprends. | A lo que respondió maese Pedro, que ya se había levantado de los pies de don Quijote. | Â J′ai dit, répliqua maître Pierre, qui venait de se relever et de quitter les pieds de don Quichotte, que cette bête ne répond point sur les choses à venir. | -Ya he dicho que esta bestezuela no responde a lo por venir; que si respondiera, no importara no haber dineros; que, por servicio del señor don Quijote, que está presente, dejara yo todos los intereses del mundo. Y agora, porque se lo debo, y por darle gusto, quiero armar mi retablo y dar placer a cuantos están en la venta, sin paga alguna. | Si elle y répondait, il importerait peu que vous n′eussiez pas d′argent ; car, pour le service du seigneur don Quichotte, ici présent, j′oublierais tous les intérêts du monde. Et maintenant, pour lui faire plaisir et m′acquitter envers lui, je veux monter mon théâtre et divertir gratis tous ceux qui se trouvent dans l′hôtellerie. » | Oyendo lo cual el ventero, alegre sobremanera, señaló el lugar donde se podía poner el retablo, que en un punto fue hecho. | À ces mots, l′hôtelier, ne se sentant pas de joie, indiqua la place où l′on pourrait commodément élever le théâtre, ce qui fut fait en un instant. | Don Quijote no estaba muy contento con las adivinanzas del mono, por parecerle no ser a propósito que un mono adivinase, ni las de por venir, ni las pasadas cosas; y así, en tanto que maese Pedro acomodaba el retablo, se retiró don Quijote con Sancho a un rincón de la caballeriza, donde, sin ser oídos de nadie, le dijo. | Don Quichotte n′était pas fort satisfait des divinations du singe, car il lui semblait hors de croyance qu′un singe devinât ni les choses futures, ni les choses passées. Aussi, tandis que maître Pierre ajustait les pièces de son théâtre, il se retira avec Sancho dans un coin de l′écurie, où, sans pouvoir être entendu de personne, il lui dit : | -Mira, Sancho, yo he considerado bien la estraña habilidad deste mono, y hallo por mi cuenta que sin duda este maese Pedro, su amo, debe de tener hecho pacto, tácito o espreso, con el demonio. | « Écoute, Sancho, j′ai bien mûrement considéré l′étrange talent de ce singe, et je m′imagine que ce maître Pierre, son maître, aura sans doute fait quelque pacte exprès ou tacite avec le diable. | -Si el patio es espeso y del demonio -dijo Sancho-, sin duda debe de ser muy sucio patio; pero, ¿de qué provecho le es al tal maese Pedro tener esos patios. | Â Si la pâte est épaisse et faite par le diable, dit Sancho, cela fera, je suppose, un pain fort sale. Mais quel profit peut trouver maître Pierre à manier ces pâtes ? | -No me entiendes, Sancho: no quiero decir sino que debe de tener hecho algún concierto con el demonio de que infunda esa habilidad en el mono, con que gane de comer, y después que esté rico le dará su alma, que es lo que este universal enemigo pretende. Y háceme creer esto el ver que el mono no responde sino a las cosas pasadas o presentes, y la sabiduría del diablo no se puede estender a más, que las por venir no las sabe si no es por conjeturas, y no todas veces; que a solo Dios está reservado conocer los tiempos y los momentos, y para Él no hay pasado ni porvenir, que todo es presente. Y, siendo esto así, como lo es, está claro que este mono habla con el estilo del diablo; y estoy maravillado cómo no le han acusado al Santo Oficio, y examinádole y sacádole de cuajo en virtud de quién adivina; porque cierto está que este mono no es astrólogo, ni su amo ni él alzan, ni saben alzar, estas figuras que llaman judiciarias, que tanto ahora se usan en España, que no hay mujercilla, ni paje, ni zapatero de viejo que no presuma de alzar una figura, como si fuera una sota de naipes del suelo, echando a perder con sus mentiras e ignorancias la verdad maravillosa de la ciencia. De una señora sé yo que preguntó a uno destos figureros que si una perrilla de falda pequeña, que tenía, si se empreñaría y pariría, y cuántos y de qué color serían los perros que pariese. A lo que el señor judiciario, después de haber alzado la figura, respondió que la perrica se empreñaría, y pariría tres perricos, el uno verde, el otro encarnado y el otro de mezcla, con tal condición que la tal perra se cubriese entre las once y doce del día, o de la noche, y que fuese en lunes o en sábado; y lo que sucedió fue que de allí a dos días se moría la perra de ahíta, y el señor levantador quedó acreditado en el lugar por acertadísimo judiciario, como lo quedan todos o los más levantadores. | Â Tu ne m′as pas compris, Sancho, reprit don Quichotte ; je veux dire que maître Pierre doit avoir fait quelque arrangement avec le démon, pour que celui-ci mette ce talent dans le corps du singe, qui lui fera gagner sa vie ; et, quand il sera riche, il livrera en échange son âme au démon, chose que vise et poursuit toujours cet universel ennemi du genre humain. Ce qui me fait croire cela, c′est de voir que le singe ne répond qu′aux choses passées ou présentes, et la science du diable, en effet, ne s′étend pas plus loin. Les choses à venir, il ne les sait pas, si ce n′est par conjecture, et fort rarement encore ; à Dieu seul est réservée la connaissance des temps ; pour lui il n′y a ni passé ni futur, tout est présent. S′il en est ainsi, il est clair que ce singe ne parle qu′avec l′aide du diable, et je suis étonné qu′on ne l′ait pas traduit déjà devant le saint-office, pour l′examiner et tirer à clair en vertu de quel pouvoir il devine les choses. Je suis en effet certain que ce singe n′est point astrologue, et que ni lui ni son maître ne savent ce qu′on appelle dresser ces figures judiciaires si à la mode maintenant en Espagne, qu′il n′y a pas une femmelette, pas un petit page, pas un savetier, qui ne se pique de savoir dresser une figure, comme s′il s′agissait de relever une carte tombée par terre, compromettant ainsi par leur ignorance et leurs mensonges la merveilleuse vérité de la science< . Je connais une dame qui demanda à l′un de ces tireurs d′horoscope si une petite chienne de manchon qu′elle avait deviendrait pleine, si elle mettrait bas, en quel nombre et de quelle couleur seraient ses petits. Le seigneur astrologue, après avoir dressé sa figure, répondit que la bichonne deviendrait pleine, et qu′elle mettrait bas trois petits chiens, l′un vert, l′autre rouge, et le troisième bariolé, pourvu que la bête conçût entre onze et douze heures de la nuit ou du jour, et que ce fût le lundi ou le samedi. Ce qui arriva, c′est qu′au bout de deux jours la chienne mourut d′indigestion, et le seigneur dresseur de figures demeura fort en crédit dans l′endroit en qualité d′astrologue, comme le sont presque tous ces gens-là. | -Con todo eso, querría -dijo Sancho- que vuestra merced dijese a maese Pedro preguntase a su mono si es verdad lo que a vuestra merced le pasó en la cueva de Montesinos; que yo para mí tengo, con perdón de vuestra merced, que todo fue embeleco y mentira, o por lo menos, cosas soñadas. | Â Cependant, reprit Sancho, je voudrais que Votre Grâce priât maître Pierre de demander à son singe si ce qui vous est arrivé dans la caverne de Montésinos est bien vrai ; car il m′est avis, soit dit sans vous offenser, que tout cela ne fut que mensonge et hâblerie, ou du moins choses purement rêvées. | -Todo podría ser -respondió don Quijote-, pero yo haré lo que me aconsejas, puesto que me ha de quedar un no sé qué de escrúpulo. | Â Tout est possible, répondit don Quichotte ; mais je ferai ce que tu me conseilles, bien qu′il doive m′en rester je ne sais quel scrupule. » | Estando en esto, llegó maese Pedro a buscar a don Quijote y decirle que ya estaba en orden el retablo; que su merced viniese a verle, porque lo merecía. Don Quijote le comunicó su pensamiento, y le rogó preguntase luego a su mono le dijese si ciertas cosas que había pasado en la cueva de Montesinos habían sido soñadas o verdaderas; porque a él le parecía que tenían de todo. A lo que maese Pedro, sin responder palabra, volvió a traer el mono, y, puesto delante de don Quijote y de Sancho, dijo: | Ils en étaient là, quand maître Pierre vint chercher don Quichotte pour lui dire que son théâtre était monté, et prier Sa Grâce de venir le voir, car c′était une chose digne d′être vue. Don Quichotte lui communiqua sa pensée, et le pria de demander sur-le-champ à son singe si certaines choses qui lui étaient arrivées dans la caverne de Montésinos étaient rêvées ou véritables, parce qu′il lui semblait qu′elles tenaient du songe et de la réalité. Maître Pierre, sans répondre un mot, alla chercher son singe, et, se plaçant devant don Quichotte et Sancho : | -Mirad, señor mono, que este caballero quiere saber si ciertas cosas que le pasaron en una cueva llamada de Montesinos, si fueron falsas o verdaderas. | « Attention, seigneur singe ! dit-il ; ce gentilhomme veut savoir si certaines choses qui lui sont arrivées dans une caverne appelée de Montésinos sont fausses ou vraies. » | Y, haciéndole la acostumbrada señal, el mono se le subió en el hombro izquierdo, y, hablándole, al parecer, en el oído, dijo luego maese Pedro. | Puis il lui donna le signal ordinaire, et, le singe ayant sauté sur son épaule gauche et fait mine de lui parler à l′oreille, maître Pierre dit aussitôt : | -El mono dice que parte de las cosas que vuesa merced vio, o pasó, en la dicha cueva son falsas, y parte verisímiles; y que esto es lo que sabe, y no otra cosa, en cuanto a esta pregunta; y que si vuesa merced quisiere saber más, que el viernes venidero responderá a todo lo que se le preguntare, que por ahora se le ha acabado la virtud, que no le vendrá hasta el viernes, como dicho tiene. | « Le singe dit que les choses que Votre Grâce a vues ou faites dans la caverne sont en partie fausses, en partie vraisemblables. Voilà tout ce qu′il sait, et rien de plus, à propos de cette question. Mais si Votre Grâce veut en savoir davantage, vendredi prochain il répondra à tout ce qui lui sera demandé. Quant à présent, il a perdu sa vertu divinatoire, et il ne la trouvera plus que vendredi. | -¿No lo decía yo -dijo Sancho-, que no se me podía asentar que todo lo que vuesa merced, señor mío, ha dicho de los acontecimientos de la cueva era verdad, ni aun la mitad. | Â Ne le disais-je pas, s′écria Sancho, que je ne pouvais m′imaginer que tout ce que Votre Grâce, mon seigneur, a conté des événements de la caverne fût vrai, pas même la moitié ? | -Los sucesos lo dirán, Sancho -respondió don Quijote-; que el tiempo, descubridor de todas las cosas, no se deja ninguna que no las saque a la luz del sol, aunque esté escondida en los senos de la tierra. Y, por hora, baste esto, y vámonos a ver el retablo del buen maese Pedro, que para mí tengo que debe de tener alguna novedad. | Â L′avenir le dira, Sancho, répondit don Quichotte ; car le temps, découvreur de toutes choses, n′en laisse aucune qu′il ne traîne à la lumière du soleil, fût-elle cachée dans les profondeurs de la terre. Mais c′est assez ; allons voir le théâtre du bon maître Pierre, car je m′imagine qu′il doit offrir quelque curiosité. | -¿Cómo alguna? -respondió maese Pedro-: sesenta mil encierra en sí este mi retablo; dígole a vuesa merced, mi señor don Quijote, que es una de las cosas más de ver que hoy tiene el mundo, y operibus credite, et non verbis; y manos a labor, que se hace tarde y tenemos mucho que hacer y que decir y que mostrar. | Â Comment donc ? quelque curiosité ! répliqua maître Pierre ; plus de soixante mille en renferme ce mien théâtre. Je le dis à Votre Grâce, mon seigneur don Quichotte, c′est une des choses les plus dignes d′être vues que le monde possède aujourd′hui, et operibus credite, non verbis. Allons ! la main à la besogne ! il se fait tard, et nous avons beaucoup à faire, beaucoup à dire et beaucoup à montrer. » | Obedeciéronle don Quijote y Sancho, y vinieron donde ya estaba el retablo puesto y descubierto, lleno por todas partes de candelillas de cera encendidas, que le hacían vistoso y resplandeciente. En llegando, se metió maese Pedro dentro dél, que era el que había de manejar las figuras del artificio, y fuera se puso un muchacho, criado del maese Pedro, para servir de intérprete y declarador de los misterios del tal retablo: tenía una varilla en la mano, con que señalaba las figuras que salían. | Don Quichotte et Sancho, obéissant à l′invitation, gagnèrent l′endroit où le théâtre de marionnettes était déjà dressé et découvert, garni d′une infinité de petits cierges allumés qui le rendaient pompeux et resplendissant. Dès que maître Pierre fut arrivé, il alla se cacher derrière les tréteaux, car c′est lui qui faisait jouer les figures de la mécanique, et dehors vint se placer un petit garçon, valet de maître Pierre, pour servir d′interprète et expliquer les mystères de la représentation. Celui-ci tenait à la main une baguette, avec laquelle il désignait les figures qui paraissaient sur la scène. | Puestos, pues, todos cuantos había en la venta, y algunos en pie, frontero del retablo, y acomodados don Quijote, Sancho, el paje y el primo en los mejores lugares, el trujamán comenzó a decir lo que oirá y verá el que le oyere o viere el capítulo siguiente. | Quand donc tous les gens qui se trouvaient dans l′hôtellerie se furent placés en face du théâtre, bon nombre sur leurs pieds, et quand don Quichotte, Sancho, le page et le cousin se furent arrangés dans les meilleures places, le trucheman commença à dire ce qu′entendra ou lira celui qui voudra entendre ou lire le chapitre suivant.
| II. Capítulo XXVI. Donde se prosigue la graciosa aventura del titerero, con otras cosas en verdad harto buenas. | Chapitre XXVI Où se continue la gracieuse aventure du joueur de marionnettes, avec d′autres choses fort bonnes en vérité Callaron todos, tirios y troyanos; quiero decir, pendientes estaban todos los que el retablo miraban de la boca del declarador de sus maravillas, cuando se oyeron sonar en el retablo cantidad de atabales y trompetas, y dispararse mucha artillería, cuyo rumor pasó en tiempo breve, y luego alzó la voz el muchacho, y dijo. | Tous se turent, Tyriens et Troyens. Je veux dire, tous les gens qui avaient les yeux fixés sur le théâtre étaient, comme on dit, pendus à la bouche de l′explicateur de ses merveilles, quand on entendit tout à coup derrière la scène battre des timbales, sonner des trompettes et jouer de l′artillerie, dont le bruit fut bientôt passé. Alors le petit garçon éleva sa voix grêle, et dit : | -Esta verdadera historia que aquí a vuesas mercedes se representa es sacada al pie de la letra de las corónicas francesas y de los romances españoles que andan en boca de las gentes, y de los muchachos, por esas calles. Trata de la libertad que dio el señor don Gaiferos a su esposa Melisendra, que estaba cautiva en España, en poder de moros, en la ciudad de Sansueña, que así se llamaba entonces la que hoy se llama Zaragoza; y vean vuesas mercedes allí cómo está jugando a las tablas don Gaiferos, según aquello que se canta: | « Cette histoire véritable, qu′on représente ici devant Vos Grâces, est tirée mot pour mot des chroniques françaises et des romances espagnols qui passent de bouche en bouche et que répètent les enfants au milieu des rues. Elle traite de la liberté que rendit le seigneur don Garos à son épouse Mélisandre, qui était captive en Espagne, au pouvoir des Mores, dans la ville de Sansuena ; ainsi s′appelait alors celle qui s′appelle aujourd′hui Saragosse. Voyez maintenant ici comment don Garos est à jouer au trictrac, suivant ce que dit la chanson : | Jugando está a las tablas don Gaiferos. que ya de Melisendra está olvidado. | « Au trictrac joue don Garos, oubliant déjà Mélisandre. » | Y aquel personaje que allí asoma, con corona en la cabeza y ceptro en las manos, es el emperador Carlomagno, padre putativo de la tal Melisendra, el cual, mohíno de ver el ocio y descuido de su yerno, le sale a reñir; y adviertan con la vehemencia y ahínco que le riñe, que no parece sino que le quiere dar con el ceptro media docena de coscorrones, y aun hay autores que dicen que se los dio, y muy bien dados; y, después de haberle dicho muchas cosas acerca del peligro que corría su honra en no procurar la libertad de su esposa, dicen que le dijo. | Ce personnage qui paraît par là, avec la couronne sur la tête et le sceptre à la main, c′est l′empereur Charlemagne, père putatif de cette Mélisandre, lequel, fort courroucé de voir la négligence et l′oisiveté de son gendre, vient lui en faire des reproches. Remarquez avec quelle véhémence et quelle vivacité il le gronde ; on dirait qu′il veut lui donner avec son sceptre une demi-douzaine de horions ; il y a même des auteurs qui rapportent qu′il les lui donna, et bien appliqués. Et, après lui avoir dit toutes sortes de choses au sujet du péril que courait son honneur s′il n′essayait de délivrer son épouse, il lui dit, dit-on : | ′′Harto os he dicho: miradlo′′. | « Je vous en ai dit assez, prenez-y garde. » | Miren vuestras mercedes también cómo el emperador vuelve las espaldas y deja despechado a don Gaiferos, el cual ya ven como arroja, impaciente de la cólera, lejos de sí el tablero y las tablas, y pide apriesa las armas, y a don Roldán, su primo, pide prestada su espada Durindana, y cómo don Roldán no se la quiere prestar, ofreciéndole su compañía en la difícil empresa en que se pone; pero el valeroso enojado no lo quiere aceptar; antes, dice que él solo es bastante para sacar a su esposa, si bien estuviese metida en el más hondo centro de la tierra; y, con esto, se entra a armar, para ponerse luego en camino. Vuelvan vuestras mercedes los ojos a aquella torre que allí parece, que se presupone que es una de las torres del alcázar de Zaragoza, que ahora llaman la Aljafería; y aquella dama que en aquel balcón parece, vestida a lo moro, es la sin par Melisendra, que desde allí muchas veces se ponía a mirar el camino de Francia, y, puesta la imaginación en París y en su esposo, se consolaba en su cautiverio. Miren también un nuevo caso que ahora sucede, quizá no visto jamás. ¿No veen aquel moro que callandico y pasito a paso, puesto el dedo en la boca, se llega por las espaldas de Melisendra? Pues miren cómo la da un beso en mitad de los labios, y la priesa que ella se da a escupir, y a limpiárselos con la blanca manga de su camisa, y cómo se lamenta, y se arranca de pesar sus hermosos cabellos, como si ellos tuvieran la culpa del maleficio. Miren también cómo aquel grave moro que está en aquellos corredores es el rey Marsilio de Sansueña; el cual, por haber visto la insolencia del moro, puesto que era un pariente y gran privado suyo, le mandó luego prender, y que le den docientos azotes, llevándole por las calles acostumbradas de la ciudad. | Maintenant, voyez comment l′empereur tourne le dos et laisse don Garos tout dépité, et comment celui-ci, bouillant de colère, renverse la table et le trictrac, demande ses armes en toute hâte, et prie don Roland, son cousin, de lui prêter sa bonne épée Durandal. Roland ne veut pas la lui prêter, et s′offre à lui tenir compagnie dans la difficile entreprise où il se jette ; mais le vaillant et courroucé Garos ne veut point accepter son offre ; au contraire, il dit que seul il est capable de délivrer sa femme, fût-elle enfouie au centre des profondeurs de la terre ; et là-dessus, il va revêtir ses armes pour se mettre en route sur-le-champ. « Maintenant, que Vos Grâces tournent les yeux du côté de cette tour qui paraît là-bas. On suppose que c′est une des tours de l′alcazar de Saragosse, qui s′appelle aujourd′hui l′Aljaféria. Cette dame qui se montre à ce balcon, habillée à la moresque, est la sans pareille Mélisandre, laquelle venait mainte et mainte fois regarder par là le chemin de France, et, tournant l′imagination vers Paris et son époux, se consolait ainsi de son esclavage. À présent, vous allez voir arriver une nouvelle aventure, que vous n′avez peut-être jamais vue arriver. Ne voyez-vous pas ce More qui, silencieux et le doigt sur la bouche, s′avance à pas de loup derrière Mélisandre ? Eh bien ! voyez comment il lui donne un baiser sur le beau milieu des lèvres, et comment elle se dépêche de cracher et de les essuyer avec la manche de sa blanche chemise ; comment elle se lamente, et de désespoir s′arrache ses beaux cheveux, comme s′ils avaient à se reprocher la faute du maléfice. Voyez aussi comment ce grave personnage à turban, qui se promène dans ces corridors, est le roi Marsilio de Sansueña , lequel a vu l′insolence du More, et bien que ce More soit un de ses parents et son grand favori, il ordonne aussitôt qu′on l′arrête, et qu′on lui donne deux cents coups de fouet en le conduisant par les rues de la ville, | con chilladores delant. {BR y envaramiento detrás. | avec le crieur devant {BR et les alguazils derrière. | y veis aquí donde salen a ejecutar la sentencia, aun bien apenas no habiendo sido puesta en ejecución la culpa; porque entre moros no hay "traslado a la parte", ni "a prueba y estése", como entre nosotros. | Voyez par ici comment on sort pour exécuter la sentence, bien que la faute ait à peine été mise à exécution ; car, parmi les Mores, il n′y a point de confrontation de parties, de témoignages et d′appel, comme parmi nous. | -Niño, niño -dijo con voz alta a esta sazón don Quijote-, seguid vuestra historia línea recta, y no os metáis en las curvas o transversales; que, para sacar una verdad en limpio, menester son muchas pruebas y repruebas. |  Enfant, enfant, s′écria don Quichotte à cet endroit, suivez votre histoire en ligne droite, et ne vous égarez pas dans les courbes et les transversales ; pour tirer au clair une vérité, il faut bien des preuves et des contre-preuves. » | También dijo maese Pedro desde dentro: | Alors maître Pierre ajouta du dedans : | -Muchacho, no te metas en dibujos, sino haz lo que ese señor te manda, que será lo más acertado; sigue tu canto llano, y no te metas en contrapuntos, que se suelen quebrar de sotiles. | « Petit garçon, ne te mêle point de ce qui ne te regarde pas ; mais fais ce que te commande ce bon seigneur ; ce sera le plus prudent de beaucoup ; et commence à chanter en plain-chant, sans te mettre dans le contre-point, car le fil casse par le plus menu. | -Yo lo haré así -respondió el muchacho; y prosiguió, diciendo-: Esta figura que aquí parece a caballo, cubierta con una capa gascona, es la mesma de don Gaiferos, a quien su esposa, ya vengada del atrevimiento del enamorado moro, con mejor y más sosegado semblante, se ha puesto a los miradores de la torre, y habla con su esposo, creyendo que es algún pasajero, con quien pasó todas aquellas razones y coloquios de aquel romance que dicen. |  Je ferai comme vous dites », répondit le jeune garçon ; et il continua de la sorte : « Cette figure qui paraît à cheval de ce côté, enveloppée d′un grand manteau gascon, est celle de don Garos lui-même, qu′attendait son épouse, laquelle, déjà vengée de l′audace du More amoureux, s′est remise avec un visage plus serein au balcon de la tour. Elle parle à son époux, croyant que c′est quelque voyageur, et lui tient tous les propos de ce romance, qui dit : | Caballero, si a Francia ides. por Gaiferos preguntad. | « Chevalier, si vous allez en France, informez-vous de Garos » | las cuales no digo yo ahora, porque de la prolijidad se suele engendrar el fastidio; basta ver cómo don Gaiferos se descubre, y que por los ademanes alegres que Melisendra hace se nos da a entender que ella le ha conocido, y más ahora que veemos se descuelga del balcón, para ponerse en las ancas del caballo de su buen esposo. Mas, ¡ay, sin ventura!, que se le ha asido una punta del faldellín de uno de los hierros del balcón, y está pendiente en el aire, sin poder llegar al suelo. Pero veis cómo el piadoso cielo socorre en las mayores necesidades, pues llega don Gaiferos, y, sin mirar si se rasgará o no el rico faldellín, ase della, y mal su grado la hace bajar al suelo, y luego, de un brinco, la pone sobre las ancas de su caballo, a horcajadas como hombre, y la manda que se tenga fuertemente y le eche los brazos por las espaldas, de modo que los cruce en el pecho, porque no se caiga, a causa que no estaba la señora Melisendra acostumbrada a semejantes caballerías. Veis también cómo los relinchos del caballo dan señales que va contento con la valiente y hermosa carga que lleva en su señor y en su señora. Veis cómo vuelven las espaldas y salen de la ciudad, y alegres y regocijados toman de París la vía. ¡Vais en paz, oh par sin par de verdaderos amantes! ¡Lleguéis a salvamento a vuestra deseada patria, sin que la fortuna ponga estorbo en vuestro felice viaje! ¡Los ojos de vuestros amigos y parientes os vean gozar en paz tranquila los días, que los de Néstor sean, que os quedan de la vida. | et je n′en cite rien de plus, parce que c′est de la prolixité que s′engendre l′ennui. Il suffit de voir comment don Garos se découvre, et, par les transports de joie auxquels se livre Mélisandre, elle nous fait comprendre qu′elle l′a reconnu, surtout maintenant que nous la voyons se glisser du balcon pour se mettre en croupe sur le cheval de son époux. Mais, ô l′infortunée ! voilà que le pan de sa jupe s′est accroché à l′un des fers du balcon, et la voilà suspendue en l′air sans pouvoir atteindre le sol. Mais voyez comment le ciel miséricordieux nous envoie son secours dans les plus pressants besoins ! Don Garos s′approche, et, sans s′occuper s′il déchirera le riche jupon, il la prend, la tire, et la fait descendre par force à terre ; puis, d′un tour de main, il la pose sur la croupe de son cheval, jambe de ci, jambe de là, comme un homme, et lui recommande de le tenir fortement pour ne pas tomber, en lui passant les bras derrière le dos, de manière à les croiser sur sa poitrine, car madame Mélisandre n′était pas fort habituée à semblable façon de cavalcader. Voyez aussi comment le cheval témoigne par ses hennissements qu′il est ravi d′avoir sur le dos la charge de vaillance et de beauté qu′il porte en son maître et en sa maîtresse. Voyez comment ils tournent bride pour s′éloigner de la ville, et avec quelle joie empressée ils prennent la route de Paris. Allez en paix, ô paire sans pair de véritables amants ! arrivez sains et saufs dans votre patrie bien-aimée, sans que la fortune mette aucun obstacle à votre heureux voyage ! Que les yeux de vos amis et de vos parents vous voient jouir, dans la paix du bonheur, des jours, longs comme ceux de Nestor, qui vous restent à vivre ! » | Aquí alzó otra vez la voz maese Pedro, y dijo: | En cet endroit, maître Pierre éleva de nouveau la voix : | -Llaneza, muchacho; no te encumbres, que toda afectación es mala. | « Terre à terre, mon garçon, dit-il, ne te perds pas dans les nues ; toute affectation est vicieuse. » | No respondió nada el intérprete; antes, prosiguió, diciendo. | L′interprète continua sans rien répondre : | -No faltaron algunos ociosos ojos, que lo suelen ver todo, que no viesen la bajada y la subida de Melisendra, de quien dieron noticia al rey Marsilio, el cual mandó luego tocar al arma; y miren con qué priesa, que ya la ciudad se hunde con el son de las campanas que en todas las torres de las mezquitas suenan. | « Il ne manqua pas d′yeux oisifs, car il y en a pour tout voir, qui virent la descente et la montée de Mélisandre, et qui en donnèrent connaissance au roi Marsilio, lequel ordonna sur-le-champ de battre la générale. Voyez avec quel empressement on obéit, et comment toute la ville semble s′écrouler sous le bruit des cloches qui sonnent dans toutes les tours des mosquées. | -¡Eso no! -dijo a esta sazón don Quijote-: en esto de las campanas anda muy impropio maese Pedro, porque entre moros no se usan campanas, sino atabales, y un género de dulzainas que parecen nuestras chirimías; y esto de sonar campanas en Sansueña sin duda que es un gran disparate. |  Oh ! pour cela non, s′écria don Quichotte ; quant aux cloches, maître Pierre se trompe lourdement, car chez les Mores on ne fait pas usage de cloches, mais de timbales, et d′une espèce de dulzaî¡ qui ressemble beaucoup à nos clairons. Faire sonner les cloches à Sansueña, c′est à coup sûr une grande étourderie. » | Lo cual oído por maese Pedro, cesó el tocar y dijo: | Maître Pierre, entendant cela, cessa de sonner et dit : | -No mire vuesa merced en niñerías, señor don Quijote, ni quiera llevar las cosas tan por el cabo que no se le halle. ¿No se representan por ahí, casi de ordinario, mil comedias llenas de mil impropiedades y disparates, y, con todo eso, corren felicísimamente su carrera, y se escuchan no sólo con aplauso, sino con admiración y todo? Prosigue, muchacho, y deja decir; que, como yo llene mi talego, si quiere represente más impropiedades que tiene átomos el sol. | « Que Votre Grâce, seigneur don Quichotte, ne fasse point attention à ces enfantillages, et n′exige pas qu′on mène les choses si bien par le bout du fil, qu′on ne puisse le trouver. Est-ce qu′on ne représente point ici mille comédies pleines de sottises et d′extravagances, qui fournissent pourtant une heureuse carrière, et sont écoutées avec applaudissements, avec admiration, avec transports ? Continue, petit garçon, et laisse dire ; pourvu que je remplisse ma poche, que m′importe de représenter plus de sottises que le soleil n′a d′atomes ? | -Así es la verdad -replicó don Quijote. |  Il a pardieu raison », répliqua don Quichotte ; | Y el muchacho dijo. | et l′enfant continua : | -Miren cuánta y cuán lucida caballería sale de la ciudad en siguimiento de los dos católicos amantes, cuántas trompetas que suenan, cuántas dulzainas que tocan y cuántos atabales y atambores que retumban. Témome que los han de alcanzar, y los han de volver atados a la cola de su mismo caballo, que sería un horrendo espetáculo. | « Voyez maintenant quelle nombreuse et brillante cavalerie sort de la ville à la poursuite des deux catholiques amants. Voyez combien de trompettes sonnent, combien de dulzaî¡s frappent l′air, combien de timbales et de tambours résonnent. J′ai grand′peur qu′on ne les rattrape, et qu′on ne les ramène attachés à la queue de leur propre cheval, ce qui serait un spectacle horrible. » | Viendo y oyendo, pues, tanta morisma y tanto estruendo don Quijote, parecióle ser bien dar ayuda a los que huían; y, levantándose en pie, en voz alta, dijo. | Quand don Quichotte vit toute cette cohue de Mores et entendit tout ce tapage de fanfares, il lui sembla qu′il ferait bien de prêter secours à ceux qui fuyaient. Il se leva tout debout, et s′écria d′une voix de tonnerre : | -No consentiré yo en mis días y en mi presencia se le haga superchería a tan famoso caballero y a tan atrevido enamorado como don Gaiferos. ¡Deteneos, mal nacida canalla; no le sigáis ni persigáis; si no, conmigo sois en la batalla. | « Je ne permettrai jamais que, de ma vie et en ma présence, on joue un mauvais tour à un aussi fameux chevalier, à un aussi hardi amoureux que don Garos. Arrêtez, canaille, gens de rien, ne le suivez ni le poursuivez ; sinon je vous livre bataille. » | Y, diciendo y haciendo, desenvainó la espada, y de un brinco se puso junto al retablo, y, con acelerada y nunca vista furia, comenzó a llover cuchilladas sobre la titerera morisma, derribando a unos, descabezando a otros, estropeando a éste, destrozando a aquél, y, entre otros muchos, tiró un altibajo tal, que si maese Pedro no se abaja, se encoge y agazapa, le cercenara la cabeza con más facilidad que si fuera hecha de masa de mazapán. Daba voces maese Pedro, diciendo. | Tout en parlant, il dégaina son épée, d′un saut s′approcha du théâtre, et, avec une fureur inou se mit à faire pleuvoir des coups d′estoc et de taille sur l′armée moresque des marionnettes, renversant les uns, pourfendant les autres, emportant la jambe à celui-là et la tête à celui-ci. Il déchargea, entre autres, un fendant du haut en bas si formidable, que, si maître Pierre ne se fût baissé, jeté à terre et blotti sous ses planches, il lui fendait la tête en deux, comme si elle eût été de pâte à massepains. Maître Pierre criait de toutes ses forces : | -Deténgase vuesa merced, señor don Quijote, y advierta que estos que derriba, destroza y mata no son verdaderos moros, sino unas figurillas de pasta. ¡Mire, pecador de mí, que me destruye y echa a perder toda mi hacienda. | « Arrêtez, seigneur don Quichotte, arrêtez ! prenez garde que ceux que vous renversez, tuez et mettez en pièces, ne sont pas de véritables Mores, mais des poupées de carton ; prenez garde, pécheur que je suis ! que vous détruisez et ravagez tout mon bien. » | Mas no por esto dejaba de menudear don Quijote cuchilladas, mandobles, tajos y reveses como llovidos. Finalmente, en menos de dos credos dio con todo el retablo en el suelo, hechas pedazos y desmenuzadas todas sus jarcias y figuras: el rey Marsilio, mal herido, y el emperador Carlomagno, partida la corona y la cabeza en dos partes. Alborotóse el senado de los oyentes, huyóse el mono por los tejados de la ventana, temió el primo, acobardóse el paje, y hasta el mesmo Sancho Panza tuvo pavor grandísimo, porque, como él juró después de pasada la borrasca, jamás había visto a su señor con tan desatinada cólera. Hecho, pues, el general destrozo del retablo, sosegóse un poco don Quijote y dijo. | Malgré cela, don Quichotte ne cessait de faire tomber des estocades, des fendants, des revers, drus et serrés comme s′il en pleuvait. Finalement, en moins de deux Credo, il jeta le théâtre par terre, ayant mis en pièces menues tous ses décors et toutes ses figures, le roi Marsilio grièvement blessé, et l′empereur Charlemagne avec la couronne et la tête en deux morceaux. À cette vue, le sénat des spectateurs fut rempli de trouble ; le singe s′enfuit sur le toit de l′hôtellerie, le cousin s′effraya, le page eut peur, et Sancho Panza lui-même ressentit une terreur affreuse ; car, ainsi qu′il le jura après la tempête passée, jamais il n′avait vu son seigneur dans un tel accès de colère. Après avoir achevé le bouleversement général du théâtre, don Quichotte se calma un peu. | -Quisiera yo tener aquí delante en este punto todos aquellos que no creen, ni quieren creer, de cuánto provecho sean en el mundo los caballeros andantes: miren, si no me hallara yo aquí presente, qué fuera del buen don Gaiferos y de la hermosa Melisendra; a buen seguro que ésta fuera ya la hora que los hubieran alcanzado estos canes, y les hubieran hecho algún desaguisado. En resolución, ¡viva la andante caballería sobre cuantas cosas hoy viven en la tierra. | « Je voudrais bien, dit-il, tenir maintenant devant moi tous ceux qui ne croient pas et ne veulent pas croire de quelle utilité sont dans le monde les chevaliers errants. Voyez un peu ; si je ne me fusse trouvé présent ici, que serait-il arrivé du brave don Garos et de la belle Mélisandre ? à coup sûr, l′heure est déjà venue où ces chiens les auraient rattrapés et leur auraient joué quelque vilain tour. Enfin, vive la chevalerie errante par-dessus toutes les choses qui vivent sur la terre ! | -¡Vivan en hora buena -dijo a esta sazón con voz enfermiza maese Pedro-, y muera yo, pues soy tan desdichado que puedo decir con el rey don Rodrigo. |  Qu′elle vive, à la bonne heure, dit en ce moment d′une voix dolente maître Pierre, qu′elle vive et que je meure, moi, puisque je suis malheureux à ce point, que je puis dire comme le roi don Rodéric : | Ayer fui señor de España... . y hoy no tengo una almen. que pueda decir que es mía! | « Hier j′étais seigneur de l′Espagne, et aujourd′hui je n′ai pas un créneau que je puisse dire à moi. | No ha media hora, ni aun un mediano momento, que me vi señor de reyes y de emperadores, llenas mis caballerizas y mis cofres y sacos de infinitos caballos y de innumerables galas, y agora me veo desolado y abatido, pobre y mendigo, y, sobre todo, sin mi mono, que a fe que primero que le vuelva a mi poder me han de sudar los dientes; y todo por la furia mal considerada deste señor caballero, de quien se dice que ampara pupilos, y endereza tuertos, y hace otras obras caritativas; y en mí solo ha venido a faltar su intención generosa, que sean benditos y alabados los cielos, allá donde tienen más levantados sus asientos. En fin, el Caballero de la Triste Figura había de ser aquel que había de desfigurar las mías. | » Il n′y a pas une demi-heure, pas cinq minutes, que je me suis vu seigneur de rois et d′empereurs, avec mes écuries pleines de chevaux en nombre infini, et mes coffres pleins d′innombrables parures. Maintenant me voilà désolé, abattu, pauvre et mendiant ; et surtout sans mon singe, car, avant que je le rattrape, il me faudra suer jusqu′aux dents. Et tout cela, par la furie inconsidérée de ce seigneur chevalier, duquel on dit qu′il secourt les pupilles, qu′il redresse les torts, et fait d′autres bonnes œuvres. C′est pour moi seul que sa généreuse intention est venue à manquer ; bénis et loués soient les cieux dans leurs plus hautes demeures ! Enfin, c′était le chevalier de la Triste-Figure qui devait défigurer les miennes. » | Enternecióse Sancho Panza con las razones de maese Pedro, y díjole. | Sancho se sentit attendrir par les propos de maître Pierre. | -No llores, maese Pedro, ni te lamentes, que me quiebras el corazón; porque te hago saber que es mi señor don Quijote tan católico y escrupuloso cristiano, que si él cae en la cuenta de que te ha hecho algún agravio, te lo sabrá y te lo querrá pagar y satisfacer con muchas ventajas. | « Ne pleure pas, maître Pierre, lui dit-il, ne te lamente pas ; tu me fends le cœur ; et sache que mon seigneur don Quichotte est si bon catholique, si scrupuleux chrétien, que, pour peu qu′il s′aperçoive qu′il t′a fait quelque tort, il saura et voudra te le payer au double. | -Con que me pagase el señor don Quijote alguna parte de las hechuras que me ha deshecho, quedaría contento, y su merced aseguraría su conciencia, porque no se puede salvar quien tiene lo ajeno contra la voluntad de su dueño y no lo restituye. |  Que le seigneur don Quichotte, répondit maître Pierre, me paye seulement une partie des figures qu′il m′a défigurées, et je serai content, et Sa Grâce mettra sa conscience en repos ; car il n′y a point de salut pour celui qui retient le bien d′autrui contre la volonté de son possesseur, et ne veut pas le lui restituer. | -Así es -dijo don Quijote-, pero hasta ahora yo no sé que tenga nada vuestro, maese Pedro. |  Cela est vrai, dit alors don Quichotte ; mais jusqu′à présent je ne sais pas avoir rien à vous, maître Pierre. | -¿Cómo no? -respondió maese Pedro-; y estas reliquias que están por este duro y estéril suelo, ¿quién las esparció y aniquiló, sino la fuerza invencible dese poderoso brazo?, y ¿cúyos eran sus cuerpos sino míos?, y ¿con quién me sustentaba yo sino con ellos. |  Comment non ! s′écria maître Pierre ; et ces restes, ces débris gisant sur le sol dur et stérile, qui les a éparpillés et réduits au néant, si ce n′est la force invincible de ce bras formidable ? à qui étaient leurs corps, si ce n′est à moi ? avec quoi gagnais-je ma vie, si ce n′est avec eux ? | -Ahora acabo de creer -dijo a este punto don Quijote- lo que otras muchas veces he creído: que estos encantadores que me persiguen no hacen sino ponerme las figuras como ellas son delante de los ojos, y luego me las mudan y truecan en las que ellos quieren. Real y verdaderamente os digo, señores que me oís, que a mí me pareció todo lo que aquí ha pasado que pasaba al pie de la letra: que Melisendra era Melisendra, don Gaiferos don Gaiferos, Marsilio Marsilio, y Carlomagno Carlomagno: por eso se me alteró la cólera, y, por cumplir con mi profesión de caballero andante, quise dar ayuda y favor a los que huían, y con este buen propósito hice lo que habéis visto; si me ha salido al revés, no es culpa mía, sino de los malos que me persiguen; y, con todo esto, deste mi yerro, aunque no ha procedido de malicia, quiero yo mismo condenarme en costas: vea maese Pedro lo que quiere por las figuras deshechas, que yo me ofrezco a pagárselo luego, en buena y corriente moneda castellana. |  À présent je finis par croire, s′écria don Quichotte, ce que j′ai déjà cru bien des fois, que ces enchanteurs qui me poursuivent ne font autre chose que me mettre devant les yeux les figures telles qu′elles sont, pour me les changer et transformer ensuite en celles qu′il leur plaît. Je vous assure, vous tous seigneurs qui m′écoutez, qu′il m′a semblé réellement, et en toute vérité, que ce qui se passait là se passait au pied de la lettre, que Mélisandre était Mélisandre, don Garos, don Garos, Marsilio, Marsilio, et Charlemagne, Charlemagne. C′est pour cela que la colère m′est montée à la tête, et, pour remplir les devoirs de ma profession de chevalier errant, j′ai voulu donner aide et faveur à ceux qui fuyaient. C′est dans cette bonne intention que j′ai fait ce que vous avez vu. Si la chose a tourné tout au rebours, ce n′est pas ma faute, mais celle des méchants qui me persécutent. Au reste, quoi qu′il en soit de ma faute, et bien qu′elle n′ait pas procédé de malice, je veux moi-même me condamner aux dépens. Que maître Pierre voie ce qu′il veut demander pour les figures détruites ; je m′offre à lui en payer le prix en bonne monnaie courante de Castille. » | Inclinósele maese Pedro, diciéndole. | Maître Pierre s′inclina profondément. | -No esperaba yo menos de la inaudita cristiandad del valeroso don Quijote de la Mancha, verdadero socorredor y amparo de todos los necesitados y menesterosos vagamundos; y aquí el señor ventero y el gran Sancho serán medianeros y apreciadores, entre vuesa merced y mí, de lo que valen o podían valer las ya deshechas figuras. | « Je n′attendais pas moins, dit-il, de l′inouî£ charité chrétienne du valeureux don Quichotte de la Manche, véritable défenseur et soutien de tous les nécessiteux vagabonds. Voici le seigneur hôtelier et le grand Sancho, qui seront médiateurs et jurés priseurs entre Votre Grâce et moi, pour décider ce que valent ou pouvaient valoir les figures anéanties. » | El ventero y Sancho dijeron que así lo harían, y luego maese Pedro alzó del suelo, con la cabeza menos, al rey Marsilio de Zaragoza, y dijo. | L′hôtelier et Sancho dirent qu′ils acceptaient. Aussitôt maître Pierre ramassa par terre le roi Marsilio avec la tête de moins, et dit : | -Ya se vee cuán imposible es volver a este rey a su ser primero; y así, me parece, salvo mejor juicio, que se me dé por su muerte, fin y acabamiento cuatro reales y medio. | « Vous voyez combien il est impossible de rendre à ce roi son premier être. Il me semble donc, sauf meilleur avis des juges, qu′il faut me donner pour sa mort, fin et trépas, quatre réaux et demi. | -¡Adelante! -dijo don Quijote. |  Accordé, dit don Quichotte ; continuez. | -Pues por esta abertura de arriba abajo -prosiguió maese Pedro, tomando en las manos al partido emperador Carlomagno-, no sería mucho que pidiese yo cinco reales y un cuartillo. |  Pour cette ouverture de haut en bas, poursuivit maître Pierre prenant à la main les deux moitiés de l′empereur Charlemagne, il ne sera pas exorbitant de demander cinq réaux et un quart. | -No es poco -dijo Sancho. |  Ce n′est pas peu, dit Sancho. | -Ni mucho -replicó el ventero-; médiese la partida y señálensele cinco reales. |  Ni beaucoup, répliqua l′hôtelier ; mais prenons un moyen terme, et accordons-lui cinq réaux. | -Dénsele todos cinco y cuartillo -dijo don Quijote-, que no está en un cuartillo más a menos la monta desta notable desgracia; y acabe presto maese Pedro, que se hace hora de cenar, y yo tengo ciertos barruntos de hambre. |  Qu′on lui donne les cinq réaux et le quart, s′écria don Quichotte ; ce n′est pas à un quart de réal de plus ou de moins qu′il faut évaluer le montant de cette notable disgrâce. Mais que maître Pierre se dépêche un peu, car voici l′heure du souper, et je me sens quelques frissons d′appétit. | -Por esta figura -dijo maese Pedro- que está sin narices y un ojo menos, que es de la hermosa Melisendra, quiero, y me pongo en lo justo, dos reales y doce maravedís. |  Pour cette figure, dit maître Pierre, sans nez et avec un œil de moins, qui est celle de la belle Mélisandre, je demande, sans surfaire, deux réaux et douze maravédis. | -Aun ahí sería el diablo -dijo don Quijote-, si ya no estuviese Melisendra con su esposo, por lo menos, en la raya de Francia; porque el caballo en que iban, a mí me pareció que antes volaba que corría; y así, no hay para qué venderme a mí el gato por liebre, presentándome aquí a Melisendra desnarigada, estando la otra, si viene a mano, ahora holgándose en Francia con su esposo a pierna tendida. Ayude Dios con lo suyo a cada uno, señor maese Pedro, y caminemos todos con pie llano y con intención sana. Y prosiga. |  Holà ! s′écria don Quichotte ; ce serait bien le diable si Mélisandre n′était pas avec son époux tout au moins à la frontière de France, car le cheval qu′ils montaient m′avait plus l′air de voler que de courir. Il ne s′agit donc pas de me vendre un chat pour un lièvre, en me présentant ici Mélisandre borgne et camuse, tandis qu′elle est maintenant en France à se divertir avec son époux entre deux draps. Que Dieu laisse à chacun le sien, seigneur maître Pierre, et cheminons tous de pied ferme et d′intention droite. Vous pouvez continuer. » | Maese Pedro, que vio que don Quijote izquierdeaba y que volvía a su primer tema, no quiso que se le escapase; y así, le dijo. | Maître Pierre, qui vit que don Quichotte gauchissait et retournait à son premier thème, ne voulut pas le laisser échapper. | -Ésta no debe de ser Melisendra, sino alguna de las doncellas que la servían; y así, con sesenta maravedís que me den por ella quedaré contento y bien pagado. | « Cette figure, en effet, dit-il, ne doit pas être Mélisandre, mais quelqu′une des femmes qui la servaient. Ainsi, avec soixante maravédis qu′on me donnera pour elle, je serai content et bien payé. » | Desta manera fue poniendo precio a otras muchas destrozadas figuras, que después los moderaron los dos jueces árbitros, con satisfación de las partes, que llegaron a cuarenta reales y tres cuartillos; y, además desto, que luego lo desembolsó Sancho, pidió maese Pedro dos reales por el trabajo de tomar el mono. | Il continua de la même manière à fixer, pour toutes les figures mutilées, un prix que les deux juges arbitres modérèrent ensuite à la satisfaction réciproque des parties, et dont le total monta à quarante réaux trois quarts. Sancho les déboursa sur-le-champ, et maître Pierre demanda de plus deux réaux pour la peine de reprendre le singe. | -Dáselos, Sancho -dijo don Quijote-, no para tomar el mono, sino la mona; y docientos diera yo ahora en albricias a quien me dijera con certidumbre que la señora doña Melisendra y el señor don Gaiferos estaban ya en Francia y entre los suyos. | « Donne-les, Sancho, dit don Quichotte, non pour prendre le singe, mais pour prendre la guenon ; et j′en donnerais volontiers deux cents d′étrennes à qui me dirait avec certitude que la belle doña Mélisandre et le seigneur don Garos sont arrivés en France et parmi leurs proches. | -Ninguno nos lo podrá decir mejor que mi mono -dijo maese Pedro-, pero no habrá diablo que ahora le tome; aunque imagino que el cariño y la hambre le han de forzar a que me busque esta noche, y amanecerá Dios y verémonos. |  Personne ne pourra mieux le dire que mon singe, dit maître Pierre. Mais il n′y a point de diable qui pourrait maintenant le rattraper, j′imagine pourtant que sa tendresse et la faim le forceront à me chercher cette nuit. Dieu ramènera le jour, et nous nous verrons. » | En resolución, la borrasca del retablo se acabó y todos cenaron en paz y en buena compañía, a costa de don Quijote, que era liberal en todo estremo. | Finalement la tempête passa, et tous soupèrent en paix et en bonne harmonie aux dépens de don Quichotte, qui était libéral au dernier point. | Antes que amaneciese, se fue el que llevaba las lanzas y las alabardas, y ya después de amanecido, se vinieron a despedir de don Quijote el primo y el paje: el uno, para volverse a su tierra; y el otro, a proseguir su camino, para ayuda del cual le dio don Quijote una docena de reales. Maese Pedro no quiso volver a entrar en más dimes ni diretes con don Quijote, a quien él conocía muy bien, y así, madrugó antes que el sol, y, cogiendo las reliquias de su retablo y a su mono, se fue también a buscar sus aventuras. El ventero, que no conocía a don Quijote, tan admirado le tenían sus locuras como su liberalidad. Finalmente, Sancho le pagó muy bien, por orden de su señor, y, despidiéndose dél, casi a las ocho del día dejaron la venta y se pusieron en camino, donde los dejaremos ir; que así conviene para dar lugar a contar otras cosas pertenecientes a la declaración desta famosa historia. | L′homme aux lances et aux hallebardes s′en fut avant l′aube ; et, quand le jour fut levé, le cousin et le page vinrent prendre congé de don Quichotte, l′un pour retourner à son pays, l′autre pour suivre son chemin ; à celui-ci don Quichotte donna, pour frais de route, une douzaine de réaux. Quant à maître Pierre, il ne voulut plus rien avoir à démêler avec don Quichotte, qu′il connaissait parfaitement. Il se leva donc avant le soleil, ramassa les débris de son théâtre, reprit son singe et s′en alla chercher aussi ses aventures. L′hôtelier, qui ne connaissait point don Quichotte, n′était pas moins surpris de ses folies que de sa libéralité. Finalement Sancho le paya largement par ordre de son seigneur, et tous deux, prenant congé de lui vers les huit heures du matin, sortirent de l′hôtellerie, et se mirent en route, où nous les laisserons aller, car cela est nécessaire pour trouver le temps de conter d′autres choses relatives à l′intelligence de cette fameuse histoire.
| XXVII. Donde se da cuenta quiénes eran maese Pedro y su mono, con el mal suceso que don Quijote tuvo en la aventura del rebuzno, que no la acabó como él quisiera y como lo tenía pensado. | Chapitre XXVII Où l′on raconte qui étaient maître Pierre et son singe, ainsi que le mauvais succès qu′eut don Quichotte dans l′aventure du braiment, qu′il ne termina point comme il l′aurait voulu et comme il l′avait pensé Entra Cide Hamete, coronista desta grande historia, con estas palabras en este capítulo: ′′Juro como católico cristiano...′′; a lo que su traductor dice que el jurar Cide Hamete como católico cristiano, siendo él moro, como sin duda lo era, no quiso decir otra cosa sino que, así como el católico cristiano cuando jura, jura, o debe jurar, verdad, y decirla en lo que dijere, así él la decía, como si jurara como cristiano católico, en lo que quería escribir de don Quijote, especialmente en decir quién era maese Pedro, y quién el mono adivino que traía admirados todos aquellos pueblos con sus adivinanzas. | Cid Hamet Ben-Engéli, le chroniqueur de cette grande histoire, entre en matière dans le présent chapitre par ces paroles : Je jure comme chrétien catholiqueÂ
À ce propos, son traducteur dit qu′en jurant comme chrétien catholique, tandis qu′il était More (et il l′était assurément), il n′a pas voulu dire autre chose sinon que, de même que le chrétien catholique, quand il jure, jure de dire la vérité, et la dit ou la doit dire en effet, de même il promet de la dire, comme s′il avait juré en chrétien catholique, au sujet de ce qu′il écrira de don Quichotte ; principalement pour déclarer qui étaient maître Pierre et le singe devin qui tenait tout le pays dans l′étonnement de ses divinations. | Dice, pues, que bien se acordará, el que hubiere leído la primera parte desta historia, de aquel Ginés de Pasamonte, a quien, entre otros galeotes, dio libertad don Quijote en Sierra Morena, beneficio que después le fue mal agradecido y peor pagado de aquella gente maligna y mal acostumbrada. Este Ginés de Pasamonte, a quien don Quijote llamaba Ginesillo de Parapilla, fue el que hurtó a Sancho Panza el rucio; que, por no haberse puesto el cómo ni el cuándo en la primera parte, por culpa de los impresores, ha dado en qué entender a muchos, que atribuían a poca memoria del autor la falta de emprenta. Pero, en resolución, Ginés le hurtó, estando sobre él durmiendo Sancho Panza, usando de la traza y modo que usó Brunelo cuando, estando Sacripante sobre Albraca, le sacó el caballo de entre las piernas, y después le cobró Sancho, como se ha contado. Este Ginés, pues, temeroso de no ser hallado de la justicia, que le buscaba para castigarle de sus infinitas bellaquerías y delitos, que fueron tantos y tales, que él mismo compuso un gran volumen contándolos, determinó pasarse al reino de Aragón y cubrirse el ojo izquierdo, acomodándose al oficio de titerero; que esto y el jugar de manos lo sabía hacer por estremo. | Il dit donc que celui qui aura lu la première partie de cette histoire se souviendra bien de ce Ginès de Passamont, auquel, parmi d′autres galériens, don Quichotte rendit la liberté dans la Sierra-Moréna, bienfait qui fut mal reconnu et plus mal payé par ces gens de mauvaise vie et de mauvaises habitudes. Ce Ginès de Passamont, que don Quichotte appelait Ginésille de Parapilla, fut celui qui vola le grison à Sancho Panza ; et parce que, dans la première partie, on a omis, par la faute des imprimeurs, de mettre le quand et le comment, cela a donné du fil à retordre à bien des gens, qui attribuaient la faute d′impression au défaut de mémoire de l′auteur. Enfin, Ginès vola le grison tandis que Sancho dormait sur son dos, en usant de l′artifice dont se servit Brunel, quand, au siège d′Albraque, il vola le cheval à Sacripant entre ses jambes. Ensuite, Sancho le recouvra, comme on l′a conté. Or, ce Ginès, craignant d′être repris par la justice, qui le cherchait pour le châtier de ses innombrables tours de coquin (il en avait tant fait et de si curieux, qu′il avait composé lui-même un gros volume pour les raconter), résolut de passer au royaume d′Aragon, après s′être couvert l′œil gauche, en faisant le métier de joueur de marionnettes qu′il savait à merveille, aussi bien que celui de joueur de gobelets. Il arriva qu′ayant acheté ce singe à des chrétiens libérés qui revenaient de Berbérie, il lui apprit à lui sauter sur l′épaule à un certain signal, et à paraître lui marmotter quelque chose à l′oreille. | Sucedió, pues, que de unos cristianos ya libres que venían de Berbería compró aquel mono, a quien enseñó que, en haciéndole cierta señal, se le subiese en el hombro y le murmurase, o lo pareciese, al oído. Hecho esto, antes que entrase en el lugar donde entraba con su retablo y mono, se informaba en el lugar más cercano, o de quien él mejor podía, qué cosas particulares hubiesen sucedido en el tal lugar, y a qué personas; y, llevándolas bien en la memoria, lo primero que hacía era mostrar su retablo, el cual unas veces era de una historia, y otras de otra; pero todas alegres y regocijadas y conocidas. Acabada la muestra, proponía las habilidades de su mono, diciendo al pueblo que adivinaba todo lo pasado y lo presente; pero que en lo de por venir no se daba maña. Por la respuesta de cada pregunta pedía dos reales, y de algunas hacía barato, según tomaba el pulso a los preguntantes; y como tal vez llegaba a las casas de quien él sabía los sucesos de los que en ella moraban, aunque no le preguntasen nada por no pagarle, él hacía la seña al mono, y luego decía que le había dicho tal y tal cosa, que venía de molde con lo sucedido. Con esto cobraba crédito inefable, y andábanse todos tras él. Otras veces, como era tan discreto, respondía de manera que las respuestas venían bien con las preguntas; y, como nadie le apuraba ni apretaba a que dijese cómo adevinaba su mono, a todos hacía monas, y llenaba sus esqueros. | Cela fait, avant d′entrer dans un village où il portait son théâtre et son singe, il s′informait dans les environs, et près de qui pouvait mieux lui répondre, des histoires particulières qui s′étaient passées dans ce pays, et des personnes à qui elles étaient arrivées. Quand il les avait bien retenues dans sa mémoire, la première chose qu′il faisait, c′était de montrer son théâtre, où il jouait, tantôt une histoire, tantôt une autre, mais qui toutes étaient divertissantes et connues. La représentation finie, il proposait les talents de son singe, disant au public qu′il devinait le passé et le présent, mais que, pour l′avenir, il ne voulait pas y mordre. Pour la réponse à chaque question, il demandait deux réaux ; mais il en donnait quelques-unes à meilleur marché, suivant qu′il avait tâté le pouls aux questionneurs. Et même, comme il descendait quelquefois dans les maisons où demeuraient des gens dont il connaissait les histoires, bien qu′on ne lui demandât rien pour ne pas le payer, il faisait signe au singe, et disait ensuite qu′il lui avait révélé telle et telle chose, qui s′ajustait avec les aventures des assistants. De cette façon il gagnait un crédit immense, et tout le monde courait après lui, D′autres fois, comme il avait tant d′esprit, il répondait de manière que les réponses se rapportassent bien aux questions, et personne ne le pressant de dire comment devinait son singe, il leur faisait la nique à tous, et remplissait son escarcelle. | Así como entró en la venta, conoció a don Quijote y a Sancho, por cuyo conocimiento le fue fácil poner en admiración a don Quijote y a Sancho Panza, y a todos los que en ella estaban; pero hubiérale de costar caro si don Quijote bajara un poco más la mano cuando cortó la cabeza al rey Marsilio y destruyó toda su caballería, como queda dicho en el antecedente capítulo. | Dès qu′il entra dans l′hôtellerie, il reconnut don Quichotte et Sancho, et dès lors il lui fut facile de jeter dans l′admiration don Quichotte, Sancho Panza et tous ceux qui se trouvaient présents. Mais il aurait pu lui en coûter cher, si don Quichotte eût baissé un peu plus la main quand il coupa la tête au roi Marsilio et détruisit toute sa cavalerie, ainsi qu′il est rapporté au chapitre précédent. | Esto es lo que hay que decir de maese Pedro y de su mono. | Voilà tout ce qu′il y avait à dire de maître Pierre et de son singe. | Y, volviendo a don Quijote de la Mancha, digo que, después de haber salido de la venta, determinó de ver primero las riberas del río Ebro y todos aquellos contornos, antes de entrar en la ciudad de Zaragoza, pues le daba tiempo para todo el mucho que faltaba desde allí a las justas. Con esta intención siguió su camino, por el cual anduvo dos días sin acontecerle cosa digna de ponerse en escritura, hasta que al tercero, al subir de una loma, oyó un gran rumor de atambores, de trompetas y arcabuces. Al principio pensó que algún tercio de soldados pasaba por aquella parte, y por verlos picó a Rocinante y subió la loma arriba; y cuando estuvo en la cumbre, vio al pie della, a su parecer, más de docientos hombres armados de diferentes suertes de armas, como si dijésemos lanzones, ballestas, partesanas, alabardas y picas, y algunos arcabuces, y muchas rodelas. Bajó del recuesto y acercóse al escuadrón, tanto, que distintamente vio las banderas, juzgó de las colores y notó las empresas que en ellas traían, especialmente una que en un estandarte o jirón de raso blanco venía, en el cual estaba pintado muy al vivo un asno como un pequeño sardesco, la cabeza levantada, la boca abierta y la lengua de fuera, en acto y postura como si estuviera rebuznando; alrededor dél estaban escritos de letras grandes estos dos versos. | Revenant à don Quichotte de la Manche, l′histoire dit qu′au sortir de l′hôtellerie, il résolut de visiter les rives de l′
Ç¢re et tous ses environs, avant de gagner la ville de Saragosse, puisqu′il avait, jusqu′à l′époque des joutes, assez de temps pour tout cela. Dans cette intention, il suivit son chemin, et marcha deux jours entiers sans qu′il lui arrivât rien de digne d′être couché par écrit. Mais le troisième jour, à la montée d′une colline, il entendit un grand bruit de tambours, de trompettes et d′arquebuses. Il pensa d′abord qu′un régiment de soldats passait de ce côté, et, pour les voir, il piqua des deux à Rossinante, et monta la colline. Quand il fut au sommet, il aperçut, au pied du revers, une troupe d′au moins deux cents hommes, armés de toutes sortes d′armes, comme qui dirait d′arbalètes, de pertuisanes, de piques, de hallebardes, avec quelques arquebuses et bon nombre de boucliers. Il descendit la côte, et s′approcha si près du bataillon, qu′il put distinctement voir les bannières, en reconnaître les couleurs, et lire les devises qu′elles portaient. Il en remarqua une principalement qui se déployait sur un étendard ou guidon de satin blanc. On y avait peint très au naturel un âne en miniature, la tête haute, la bouche ouverte et la langue dehors, dans la posture d′un âne qui brait. Autour étaient écrits en grandes lettres ces deux vers : | No rebuznaron en balde el uno y el otro alcalde. | « Ce n′est pas pour rien qu′ont brait l′un et l′autre alcalde. » | Por esta insignia sacó don Quijote que aquella gente debía de ser del pueblo del rebuzno, y así se lo dijo a Sancho, declarándole lo que en el estandarte venía escrito. Díjole también que el que les había dado noticia de aquel caso se había errado en decir que dos regidores habían sido los que rebuznaron; pero que, según los versos del estandarte, no habían sido sino alcaldes. A lo que respondió Sancho Panza. | À la vue de cet insigne, don Quichotte jugea que ces gens armés devaient appartenir au village du braiment, et il le dit à Sancho, en lui expliquant ce qui était écrit sur l′étendard. Il ajouta que l′homme qui leur avait donné connaissance de cette histoire s′était trompé en disant que c′étaient deux regidors qui avaient brait, puisque, d′après les vers de l′étendard, ç′avaient été deux alcaldes. | -Señor, en eso no hay que reparar, que bien puede ser que los regidores que entonces rebuznaron viniesen con el tiempo a ser alcaldes de su pueblo, y así, se pueden llamar con entrambos títulos; cuanto más, que no hace al caso a la verdad de la historia ser los rebuznadores alcaldes o regidores, como ellos una por una hayan rebuznado; porque tan a pique está de rebuznar un alcalde como un regidor. | « Seigneur, répondit Sancho, il ne faut pas y regarder de si près, car il est possible que les regidors qui brayèrent alors soient devenus, avec le temps, alcaldes de leur village , et dès lors on peut leur donner les deux titres. D′ailleurs, qu′importe à la vérité de l′histoire que les brayeurs soient alcaldes ou regidors, pourvu qu′ils aient réellement brait ? Un alcade est aussi bon pour braire qu′un regidor. » | Finalmente, conocieron y supieron como el pueblo corrido salía a pelear con otro que le corría más de lo justo y de lo que se debía a la buena vecindad. | Finalement, ils reconnurent et apprirent que les gens du village persiflé s′étaient mis en campagne pour combattre un autre village qui les persiflait plus que n′exigeaient la justice et le bon voisinage. | Fuese llegando a ellos don Quijote, no con poca pesadumbre de Sancho, que nunca fue amigo de hallarse en semejantes jornadas. Los del escuadrón le recogieron en medio, creyendo que era alguno de los de su parcialidad. Don Quijote, alzando la visera, con gentil brío y continente, llegó hasta el estandarte del asno, y allí se le pusieron alrededor todos los más principales del ejército, por verle, admirados con la admiración acostumbrada en que caían todos aquellos que la vez primera le miraban. Don Quijote, que los vio tan atentos a mirarle, sin que ninguno le hablase ni le preguntase nada, quiso aprovecharse de aquel silencio, y, rompiendo el suyo, alzó la voz y dijo. | Don Quichotte s′approcha d′eux, au grand déplaisir de Sancho, qui n′eut jamais un goût prononcé pour de semblables rencontres. Ceux du bataillon le reçurent au milieu d′eux, croyant que c′était quelque guerrier de leur parti. Don Quichotte, levant sa visière d′un air noble et dégagé, s′approcha jusqu′à l′étendard de l′âne, et là, les principaux chefs de l′armée l′entourèrent pour le considérer, frappés de la même surprise où tombaient tous ceux qui le voyaient pour la première fois. Don Quichotte, les voyant si attentifs à le regarder sans que personne lui parlât et lui demandât rien, voulut profiter de ce silence, et rompant celui qu′il gardait, il éleva la voix : | -Buenos señores, cuan encarecidamente puedo, os suplico que no interrumpáis un razonamiento que quiero haceros, hasta que veáis que os disgusta y enfada; que si esto sucede, con la más mínima señal que me hagáis pondré un sello en mi boca y echaré una mordaza a mi lengua. | « Braves seigneurs, s′écria-t-il, je vous supplie aussi instamment que possible de ne point interrompre un raisonnement que je veux vous faire, jusqu′à ce qu′il vous ennuie et vous déplaise. Si cela arrive, au moindre signe que vous me ferez, je mettrai un sceau sur ma bouche et un bâillon à ma langue. » | Todos le dijeron que dijese lo que quisiese, que de buena gana le escucharían. Don Quijote, con esta licencia, prosiguió diciendo. | Tous répondirent qu′il pouvait parler et qu′ils l′écouteraient de bon cœur. Avec cette permission, don Quichotte continua de la sorte : | Yo, señores míos, soy caballero andante, cuyo ejercicio es el de las armas, y cuya profesión la de favorecer a los necesitados de favor y acudir a los menesterosos. Días ha que he sabido vuestra desgracia y la causa que os mueve a tomar las armas a cada paso, para vengaros de vuestros enemigos; y, habiendo discurrido una y muchas veces en mi entendimiento sobre vuestro negocio, hallo, según las leyes del duelo, que estáis engañados en teneros por afrentados, porque ningún particular puede afrentar a un pueblo entero, si no es retándole de traidor por junto, porque no sabe en particular quién cometió la traición por que le reta. Ejemplo desto tenemos en don Diego Ordóñez de Lara, que retó a todo el pueblo zamorano, porque ignoraba que solo Vellido Dolfos había cometido la traición de matar a su rey; y así, retó a todos, y a todos tocaba la venganza y la respuesta; aunque bien es verdad que el señor don Diego anduvo algo demasiado, y aun pasó muy adelante de los límites del reto, porque no tenía para qué retar a los muertos, a las aguas, ni a los panes, ni a los que estaban por nacer, ni a las otras menudencias que allí se declaran; pero, ¡vaya!, pues cuando la cólera sale de madre, no tiene la lengua padre, ayo ni freno que la corrija. Siendo, pues, esto así, que uno solo no puede afrentar a reino, provincia, ciudad, república ni pueblo entero, queda en limpio que no hay para qué salir a la venganza del reto de la tal afrenta, pues no lo es; porque, ¡bueno sería que se matasen a cada paso los del pueblo de la Reloja con quien se lo llama, ni los cazoleros, berenjeneros, ballenatos, jaboneros, ni los de otros nombres y apellidos que andan por ahí en boca de los muchachos y de gente de poco más a menos! ¡Bueno sería, por cierto, que todos estos insignes pueblos se corriesen y vengasen, y anduviesen contino hechas las espadas sacabuches a cualquier pendencia, por pequeña que fuese! No, no, ni Dios lo permita o quiera. Los varones prudentes, las repúblicas bien concertadas, por cuatro cosas han de tomar las armas y desenvainar las espadas, y poner a riesgo sus personas, vidas y haciendas: la primera, por defender la fe católica; la segunda, por defender su vida, que es de ley natural y divina; la tercera, en defensa de su honra, de su familia y hacienda; la cuarta, en servicio de su rey, en la guerra justa; y si le quisiéremos añadir la quinta, que se puede contar por segunda, es en defensa de su patria. A estas cinco causas, como capitales, se pueden agregar algunas otras que sean justas y razonables, y que obliguen a tomar las armas; pero tomarlas por niñerías y por cosas que antes son de risa y pasatiempo que de afrenta, parece que quien las toma carece de todo razonable discurso; cuanto más, que el tomar venganza injusta, que justa no puede haber alguna que lo sea, va derechamente contra la santa ley que profesamos, en la cual se nos manda que hagamos bien a nuestros enemigos y que amemos a los que nos aborrecen; mandamiento que, aunque parece algo dificultoso de cumplir, no lo es sino para aquellos que tienen menos de Dios que del mundo, y más de carne que de espíritu; porque Jesucristo, Dios y hombre verdadero, que nunca mintió, ni pudo ni puede mentir, siendo legislador nuestro, dijo que su yugo era suave y su carga liviana; y así, no nos había de mandar cosa que fuese imposible el cumplirla. Así que, mis señores, vuesas mercedes están obligados por leyes divinas y humanas a sosegarse. | « Je suis, mes bons seigneurs, chevalier errant ; mon métier est celui des armes, et ma profession celle de favoriser ceux qui ont besoin de faveur, et de secourir les nécessiteux. Il y a plusieurs jours que je connais votre disgrâce, et la cause qui vous oblige à prendre à chaque instant les armes pour tirer vengeance de vos ennemis. J′ai réfléchi dans mon entendement, non pas une, mais bien des fois, sur votre affaire, et je trouve que, d′après les lois du duel, vous êtes dans une grande erreur de vous tenir pour offensés. En effet, aucun individu ne peut offenser une commune entière, à moins de la défier toute ensemble comme coupable de trahison, parce qu′il ne sait point en particulier qui a commis la trahison pour laquelle il la défie. Nous en avons un exemple dans Diego Ordoñez de Lara, qui défia toute la ville de Zamora, parce qu′il ignorait que ce fût le seul Vellido Dolfos qui avait commis le crime de tuer son roi par trahison. Aussi les défia-t-il tous, et à tous appartenaient la réponse et la vengeance. À la vérité, le seigneur don Diego s′oublia quelque peu, et passa de fort loin les limites du défi ; car à quoi bon défier les morts, les eaux, les pains, les enfants à naître, et ces autres bagatelles qui sont rapportées dans son histoire ? Mais quand la colère déborde et sort de son lit, la langue n′a plus de rives qui la retiennent, ni de frein qui l′arrête. S′il en est donc ainsi, qu′un seul individu ne peut offenser un royaume, une province, une république, une ville, une commune entière, il est clair qu′il n′y a pas de quoi se mettre en campagne pour venger une offense, puisqu′elle n′existe pas. Il ferait beau voir, vraiment, que les cazalleros , les auberginois , les baleineaux , les savonneurs , se tuassent à chaque pas avec ceux qui les appellent ainsi, et tous ceux auxquels les enfants donnent des noms et des surnoms ! Il ferait beau voir que ces cités insignes fussent toujours en courroux et en vengeance, et jouassent de l′épée pour instrument à la moindre querelle ! Non, non, que Dieu ne le veuille ni ne le permette ! Il n′y a que quatre choses pour lesquelles les républiques bien gouvernées et les hommes prudents doivent prendre les armes et tirer l′épée, exposant leurs biens et leurs personnes. La première, c′est la défense de la foi catholique ; la seconde, la défense de leur vie, qui est de droit naturel et divin ; la troisième, la défense de leur honneur, de leur famille et de leur fortune ; la quatrième, le service de leur roi dans une guerre juste ; et, si nous voulions en ajouter une cinquième, qu′on pourrait placer la seconde, c′est la défense de leur patrie. À ces cinq causes capitales, on peut en joindre quelques autres qui soient justes et raisonnables, et puissent réellement obliger à prendre les armes. Mais les prendre pour des enfantillages, pour des choses plutôt bonnes à faire rire et à passer le temps qu′à offenser personne, ce serait, en vérité, manquer de toute raison. D′ailleurs, tirer une vengeance injuste (car juste, aucune ne peut l′être), c′est aller directement contre la sainte loi que nous professons, laquelle nous commande de faire le bien à nos ennemis, et d′aimer ceux qui nous haî²³ent. Ce commandement paraît quelque peu difficile à remplir ; mais il ne l′est que pour ceux qui sont moins à Dieu qu′au monde, et qui sont plus de chair que d′esprit. En effet, Jésus-Christ, Dieu et homme véritable, qui n′a jamais menti et n′a pu jamais mentir, a dit, en se faisant notre législateur, que son joug était doux et sa charge légère. Il ne pouvait donc nous commander une chose qu′il fût impossible d′accomplir. Ainsi, mes bons seigneurs, Vos Grâces sont obligées, par les lois divines et humaines, à se calmer, à déposer les armes. | -El diablo me lleve -dijo a esta sazón Sancho entre sí- si este mi amo no es tólogo; y si no lo es, que lo parece como un güevo a otro. | Â Que le diable m′emporte, dit alors tout bas Sancho, si ce mien maître-là n′est tologien ; s′il ne l′est pas, il y ressemble comme un œuf à un autre. » | Tomó un poco de aliento don Quijote, y, viendo que todavía le prestaban silencio, quiso pasar adelante en su plática, como pasara ni no se pusiere en medio la agudeza de Sancho, el cual, viendo que su amo se detenía, tomó la mano por él, diciendo. | Don Quichotte s′arrêta un moment pour prendre haleine, et, voyant qu′on lui prêtait toujours une silencieuse attention, il voulut continuer sa harangue, ce qu′il aurait fait si Sancho n′eût jeté sa finesse d′esprit à la traverse. Voyant que son maître s′arrêtait, il lui coupa la parole et dit : | -Mi señor don Quijote de la Mancha, que un tiempo se llamó el Caballero de la Triste Figura y ahora se llama el Caballero de los Leones, es un hidalgo muy atentado, que sabe latín y romance como un bachiller, y en todo cuanto trata y aconseja procede como muy buen soldado, y tiene todas las leyes y ordenanzas de lo que llaman el duelo en la uña; y así, no hay más que hacer sino dejarse llevar por lo que él dijere, y sobre mí si lo erraren; cuanto más, que ello se está dicho que es necedad correrse por sólo oír un rebuzno, que yo me acuerdo, cuando muchacho, que rebuznaba cada y cuando que se me antojaba, sin que nadie me fuese a la mano, y con tanta gracia y propiedad que, en rebuznando yo, rebuznaban todos los asnos del pueblo, y no por eso dejaba de ser hijo de mis padres, que eran honradísimos; y, aunque por esta habilidad era invidiado de más de cuatro de los estirados de mi pueblo, no se me daba dos ardites. Y, porque se vea que digo verdad, esperen y escuchen, que esta ciencia es como la del nadar: que, una vez aprendida, nunca se olvida. | « Monseigneur don Quichotte de la Manche, qui s′appela dans un temps le chevalier de la Triste-Figure, et qui s′appelle à présent le chevalier des Lions, est un hidalgo de grand sens, qui sait le latin et l′espagnol comme un bachelier ; en tout ce qu′il traite, en tout ce qu′il conseille, il procède comme un bon soldat, connaît sur le bout de l′ongle toutes les lois et ordonnances de ce qu′on nomme le duel. Il n′y a donc rien de mieux à faire que de se laisser conduire comme il le dira, et qu′on s′en prenne à moi si l′on se trompe. D′ailleurs, il est clair que c′est une grande sottise que de se mettre en colère pour entendre un seul braiment. Ma foi, je me souviens que, quand j′étais petit garçon, je brayais toutes les fois qu′il m′en prenait envie, sans que personne y trouvât à redire, et avec tant de grâce, tant de naturel, que, dès que je brayais, tous les ânes du pays se mettaient à braire ; et pourtant je n′en étais pas moins fils de mes père et mère, qui étaient de très-honnêtes gens. Ce talent me faisait envier par plus de quatre des plus huppés du pays, mais je m′en souciais comme d′une obole ; et pour que vous voyiez que je dis vrai, attendez et écoutez ; cette science est comme celle de nager ; une fois apprise, elle ne s′oublie plus. » | Y luego, puesta la mano en las narices, comenzó a rebuznar tan reciamente, que todos los cercanos valles retumbaron. Pero uno de los que estaban junto a él, creyendo que hacía burla dellos, alzó un varapalo que en la mano tenía, y diole tal golpe con él, que, sin ser poderoso a otra cosa, dio con Sancho Panza en el suelo. Don Quijote, que vio tan malparado a Sancho, arremetió al que le había dado, con la lanza sobre mano, pero fueron tantos los que se pusieron en medio, que no fue posible vengarle; antes, viendo que llovía sobre él un nublado de piedras, y que le amenazaban mil encaradas ballestas y no menos cantidad de arcabuces, volvió las riendas a Rocinante, y a todo lo que su galope pudo, se salió de entre ellos, encomendándose de todo corazón a Dios, que de aquel peligro le librase, temiendo a cada paso no le entrase alguna bala por las espaldas y le saliese al pecho; y a cada punto recogía el aliento, por ver si le faltaba. | Aussitôt, serrant son nez à pleine main, Sancho se mit à braire si vigoureusement que tous les vallons voisins en retentirent. Mais un de ceux qui étaient près de lui, croyant qu′il se moquait d′eux, leva une grande gaule qu′il tenait à la main, et lui en déchargea un tel coup, que, sans pouvoir faire autre chose, le pauvre Sancho Panza tomba par terre tout de son long. Don Quichotte, qui vit Sancho si mal arrangé, se précipita, la lance en arrêt, sur celui qui l′avait frappé ; mais tant de gens se jetèrent entre eux, qu′il ne lui fut pas possible d′en tirer vengeance. Au contraire, voyant qu′une grêle de pierres commençait à lui tomber dessus, et qu′il était menacé par une infinité d′arbalètes tendues et d′arquebuses en joue, il fit tourner bride à Rossinante, et, à tout le galop que put prendre son cheval, il s′échappa d′entre les ennemis, priant Dieu du fond du cœur qu′il le tirât de ce péril, et craignant à chaque pas qu′une balle ne lui entrât par les épaules pour lui sortir par la poitrine. À tout moment il reprenait haleine, pour voir si le souffle ne lui manquait pas ; mais ceux du bataillon se contentèrent de le voir fuir sans lui tirer un seul coup. | Pero los del escuadrón se contentaron con verle huir, sin tirarle. A Sancho le pusieron sobre su jumento, apenas vuelto en sí, y le dejaron ir tras su amo, no porque él tuviese sentido para regirle; pero el rucio siguió las huellas de Rocinante, sin el cual no se hallaba un punto. Alongado, pues, don Quijote buen trecho, volvió la cabeza y vio que Sancho venía, y atendióle, viendo que ninguno le seguía. | Pour Sancho, ils le mirent sur son âne dès qu′il eut repris ses sens, et le laissèrent rejoindre son maître ; non pas que le pauvre écuyer fût en état de guider sa monture, mais parce que le grison suivit les traces de Rossinante, qu′il ne pouvait quitter d′un pas. Quand don Quichotte se fut éloigné hors de portée, il tourna la tête, et, voyant que Sancho venait sans être suivi de personne, il l′attendit. | Los del escuadrón se estuvieron allí hasta la noche, y, por no haber salido a la batalla sus contrarios, se volvieron a su pueblo, regocijados y alegres; y si ellos supieran la costumbre antigua de los griegos, levantaran en aquel lugar y sitio un trofeo. | Les gens du bataillon restèrent en position jusqu′à la nuit, et leurs ennemis n′ayant point accepté la bataille, ils revinrent à leur village joyeux et triomphants ; et même, s′ils eussent connu l′antique usage des Grecs, ils auraient élevé un trophée sur la place.
| II. Capítulo XXVIII. De cosas que dice Benengeli que las sabrá quien le leyere, si las lee con atención. | Chapitre XXVIII Des choses que dit Ben-Engéli, et que saura celui qui les lira, s′il les lit avec attention Cuando el valiente huye, la superchería está descubierta, y es de varones prudentes guardarse para mejor ocasión. Esta verdad se verificó en don Quijote, el cual, dando lugar a la furia del pueblo y a las malas intenciones de aquel indignado escuadrón, puso pies en polvorosa, y, sin acordarse de Sancho ni del peligro en que le dejaba, se apartó tanto cuanto le pareció que bastaba para estar seguro. Seguíale Sancho, atravesado en su jumento, como queda referido. Llegó, en fin, ya vuelto en su acuerdo, y al llegar, se dejó caer del rucio a los pies de Rocinante, todo ansioso, todo molido y todo apaleado. Apeóse don Quijote para catarle las feridas; pero, como le hallase sano de los pies a la cabeza, con asaz cólera le dijo. | Quand le brave s′enfuit, c′est qu′il a toute raison de fuir, et l′homme prudent doit se garder pour une meilleure occasion. Cette vérité trouva sa preuve en don Quichotte, lequel, laissant le champ libre à la furie du village persiflé et aux méchantes intentions d′une troupe en courroux, prit, comme on dit, de la poudre d′escampette, et, sans se rappeler Sancho, ni le péril où il le laissait, s′éloigna autant qu′il lui parut nécessaire pour se mettre en sûreté. Sancho le suivait, comme on l′a rapporté, posé de travers sur son âne ; il arriva enfin, revenu tout à fait à lui, et en arrivant, il se laissa tomber du grison aux pieds de Rossinante, haletant, moulu et rompu. Don Quichotte mit aussitôt pied à terre pour visiter ses blessures ; mais, le trouvant sain des pieds à la tête, il lui dit avec un mouvement de colère : | -¡Tan en hora mala supistes vos rebuznar, Sancho! Y ¿dónde hallastes vos ser bueno el nombrar la soga en casa del ahorcado? A música de rebuznos, ¿qué contrapunto se había de llevar sino de varapalos? Y dad gracias a Dios, Sancho, que ya que os santiguaron con un palo, no os hicieron el per signum crucis con un alfanje. | « À la male heure vous vous êtes pris à braire, Sancho. Où donc avez-vous trouvé qu′il était bon de parler de corde dans la maison du pendu ? À musique de braiment quel accompagnement peut-on faire, si ce n′est de coups de gaule ? Et rendez grâces à Dieu, Sancho, de ce qu′au lieu de vous mesurer les côtes avec un bâton, ils ne vous ont pas fait le per signum crucis avec une lame de cimeterre. | -No estoy para responder -respondió Sancho-, porque me parece que hablo por las espaldas. Subamos y apartémonos de aquí, que yo pondré silencio en mis rebuznos, pero no en dejar de decir que los caballeros andantes huyen, y dejan a sus buenos escuderos molidos como alheña, o como cibera, en poder de sus enemigos. | Â Je ne suis pas en train de répondre, répondit Sancho, car il me semble que je parle par les épaules. Montons à cheval et éloignons-nous d′ici. J′imposerai désormais silence à mes envies de braire, mais non à celles de dire que les chevaliers errants fuient, et laissent leurs bons écuyers moulus comme plâtre au pouvoir de leurs ennemis. | -No huye el que se retira -respondió don Quijote-, porque has de saber, Sancho, que la valentía que no se funda sobre la basa de la prudencia se llama temeridad, y las hazañas del temerario más se atribuyen a la buena fortuna que a su ánimo. Y así, yo confieso que me he retirado, pero no huido; y en esto he imitado a muchos valientes, que se han guardado para tiempos mejores, y desto están las historias llenas, las cuales, por no serte a ti de provecho ni a mí de gusto, no te las refiero ahora. | Â Se retirer n′est pas fuir, répliqua don Quichotte, car il faut que tu saches que la valeur qui n′est pas fondée sur la base de la prudence s′appelle témérité, et les exploits du téméraire s′attribuent plutôt à la bonne fortune qu′à son courage. Aussi, je confesse que je me suis retiré, mais non pas que j′ai fui. En cela, j′ai imité bien d′autres braves, qui se sont conservés pour de meilleurs temps. C′est une chose dont les histoires sont pleines ; mais, comme il n′y aurait ni profit pour toi ni plaisir pour moi à te les rappeler, je m′en dispense quant à présent. » | En esto, ya estaba a caballo Sancho, ayudado de don Quijote, el cual asimismo subió en Rocinante, y poco a poco se fueron a emboscar en una alameda que hasta un cuarto de legua de allí se parecía. De cuando en cuando daba Sancho unos ayes profundísimos y unos gemidos dolorosos; y, preguntándole don Quijote la causa de tan amargo sentimiento, respondió que, desde la punta del espinazo hasta la nuca del celebro, le dolía de manera que le sacaba de sentido. | Sancho s′était enfin remis à cheval, aidé par don Quichotte, lequel était également remonté sur Rossinante ; et, peu à peu, ils gagnèrent un petit bois qui se montrait à un quart de lieue de là. De temps en temps, Sancho jetait de profonds soupirs et des gémissements douloureux. Don Quichotte lui demanda la cause d′une si amère affliction. Il répondit que, depuis l′extrémité de l′échine jusqu′au sommet de la nuque, il ressentait une douleur qui lui faisait perdre l′esprit. | -La causa dese dolor debe de ser, sin duda -dijo don Quijote-, que, como era el palo con que te dieron largo y tendido, te cogió todas las espaldas, donde entran todas esas partes que te duelen; y si más te cogiera, más te doliera. | « La cause de cette douleur, reprit don Quichotte, doit être celle-ci ; comme le bâton avec lequel on t′a frappé était d′une grande longueur, il t′a pris le dos du haut en bas, où sont comprises toutes les parties qui te font mal, et, s′il avait porté ailleurs, ailleurs tu souffrirais de même. | -¡Por Dios -dijo Sancho-, que vuesa merced me ha sacado de una gran duda, y que me la ha declarado por lindos términos! ¡Cuerpo de mí! ¿Tan encubierta estaba la causa de mi dolor que ha sido menester decirme que me duele todo todo aquello que alcanzó el palo? Si me dolieran los tobillos, aún pudiera ser que se anduviera adivinando el porqué me dolían, pero dolerme lo que me molieron no es mucho adivinar. A la fe, señor nuestro amo, el mal ajeno de pelo cuelga, y cada día voy descubriendo tierra de lo poco que puedo esperar de la compañía que con vuestra merced tengo; porque si esta vez me ha dejado apalear, otra y otras ciento volveremos a los manteamientos de marras y a otras muchacherías, que si ahora me han salido a las espaldas, después me saldrán a los ojos. Harto mejor haría yo, sino que soy un bárbaro, y no haré nada que bueno sea en toda mi vida; harto mejor haría yo, vuelvo a decir, en volverme a mi casa, y a mi mujer, y a mis hijos, y sustentarla y criarlos con lo que Dios fue servido de darme, y no andarme tras vuesa merced por caminos sin camino y por sendas y carreras que no las tienen, bebiendo mal y comiendo peor. Pues, ¡tomadme el dormir! Contad, hermano escudero, siete pies de tierra, y si quisiéredes más, tomad otros tantos, que en vuestra mano está escudillar, y tendeos a todo vuestro buen talante; que quemado vea yo y hecho polvos al primero que dio puntada en la andante caballería, o, a lo menos, al primero que quiso ser escudero de tales tontos como debieron ser todos los caballeros andantes pasados. De los presentes no digo nada, que, por ser vuestra merced uno dellos, los tengo respeto, y porque sé que sabe vuesa merced un punto más que el diablo en cuanto habla y en cuanto piensa. | Â Pardieu, s′écria Sancho, Votre Grâce vient de me tirer d′un grand embarras, et de m′expliquer la chose en bons termes. Mort de ma vie ! est-ce que la cause de ma douleur est si cachée qu′il soit besoin de me dire que je souffre partout où le bâton a porté ? Si j′avais mal aux chevilles du pied, on concevrait que vous vous missiez à chercher pourquoi elles me font mal. Mais deviner que j′ai mal à l′endroit où l′on m′a moulu, ce n′est pas faire un grand effort d′esprit. En bonne foi, seigneur notre maître, on voit bien que le mal d′autrui pend à un cheveu, et chaque jour je découvre terre au peu que je dois attendre d′être en compagnie de Votre Grâce. Si cette fois vous m′avez laissé bâtonner, une autre et cent autres fois nous reviendrons à la berne de jadis, et à d′autres jeux d′enfants, qui, pour s′être arrêtés aujourd′hui à mes épaules, pourront bien ensuite m′arriver jusqu′aux yeux. Je ferais bien mieux vraiment, mais je ne suis qu′un barbare, un imbécile, et je ne ferai rien de bon en toute ma vie ; je ferais bien mieux, dis-je, de regagner pays, d′aller retrouver ma femme et mes enfants, de nourrir l′une et d′élever les autres avec ce qu′il plaira à Dieu de me donner, plutôt que de marcher derrière Votre Grâce par des chemins sans chemin et des sentiers qui n′en sont pas, buvant mal et mangeant pis. S′agit-il de dormir à présent ? Mesurez, frère écuyer, mesurez six pieds de terre, et, si vous en voulez davantage, prenez-en six autres encore, car vous pouvez tailler en pleine étoffe ; puis, étendez-vous tout à votre aise. Ah ! que ne vois-je brûlé et réduit en cendres le premier qui s′avisa de la chevalerie errante, ou du moins le premier qui voulut être écuyer d′aussi grands sots que durent être tous les chevaliers errants des temps passés ! De ceux du temps présent, je ne dis rien, parce que, Votre Grâce étant du nombre, je leur porte respect, et parce que je sais que Votre Grâce en sait un point de plus que le diable en tout ce qu′elle dit comme en tout ce qu′elle pense. | -Haría yo una buena apuesta con vos, Sancho -dijo don Quijote-: que ahora que vais hablando sin que nadie os vaya a la mano, que no os duele nada en todo vuestro cuerpo. Hablad, hijo mío, todo aquello que os viniere al pensamiento y a la boca; que, a trueco de que a vos no os duela nada, tendré yo por gusto el enfado que me dan vuestras impertinencias. Y si tanto deseáis volveros a vuestra casa con vuestra mujer y hijos, no permita Dios que yo os lo impida; dineros tenéis míos: mirad cuánto ha que esta tercera vez salimos de nuestro pueblo, y mirad lo que podéis y debéis ganar cada mes, y pagaos de vuestra mano. | Â Je ferais une bonne gageure avec vous, Sancho, dit don Quichotte ; c′est que, maintenant que vous vous en donnez et que vous parlez sans que personne vous arrête, rien ne vous fait plus mal en tout votre corps. Parlez, mon fils, dites tout ce qui vous viendra à la pensée et à la bouche. Pourvu que vous ne sentiez plus aucun mal, je tiendrai plaisir à l′ennui que me causent vos impertinences ; et si vous désirez tant retourner à votre maison, revoir votre femme et vos enfants, Dieu me préserve de vous en empêcher. Vous avez de l′argent à moi ; comptez combien il y a de temps que nous avons fait cette troisième sortie de notre village, voyez ensuite ce que vous pouvez et devez justement gagner par mois, et payez-vous de vos propres mains. | -Cuando yo servía -respondió Sancho- a Tomé Carrasco, el padre del bachiller Sansón Carrasco, que vuestra merced bien conoce, dos ducados ganaba cada mes, amén de la comida; con vuestra merced no sé lo que puedo ganar, puesto que sé que tiene más trabajo el escudero del caballero andante que el que sirve a un labrador; que, en resolución, los que servimos a labradores, por mucho que trabajemos de día, por mal que suceda, a la noche cenamos olla y dormimos en cama, en la cual no he dormido después que ha que sirvo a vuestra merced. Si no ha sido el tiempo breve que estuvimos en casa de don Diego de Miranda, y la jira que tuve con la espuma que saqué de las ollas de Camacho, y lo que comí y bebí y dormí en casa de Basilio, todo el otro tiempo he dormido en la dura tierra, al cielo abierto, sujeto a lo que dicen inclemencias del cielo, sustentándome con rajas de queso y mendrugos de pan, y bebiendo aguas, ya de arroyos, ya de fuentes, de las que encontramos por esos andurriales donde andamos. | Â Quand j′étais, répondit Sancho, au service de Tomé Carrasco, le père du bachelier Samson Carrasco, que Votre Grâce connaît bien, je gagnais deux ducats par mois, outre la nourriture. Avec Votre Grâce, je ne sais trop ce que je peux gagner ; mais je sais bien qu′il y a plus de peine à être écuyer de chevalier errant qu′à servir un laboureur ; car enfin, nous autres qui travaillons à la terre, nous savons bien que, quel que soit le travail de la journée, et quelque mal que nous y ayons, la nuit venue, nous soupons à la marmite et nous dormons dans un lit ; chose que je n′ai pas faite depuis que je sers Votre Grâce, si ce n′est le bout de temps que nous avons passé chez don Diego de Miranda, et la bonne bouche que m′a donnée l′écume des marmites de Camache, et ce que j′ai bu, mangé et dormi chez Basile. Tout le reste du temps, j′ai couché sur la dure, en plein air, exposé à tout ce que vous appelez les inclémences du ciel, me nourrissant de bribes de fromage et de croûtes de pain, buvant de l′eau, tantôt des ruisseaux, tantôt des fontaines, que nous rencontrons par ces solitudes où nous errons. | -Confieso -dijo don Quijote- que todo lo que dices, Sancho, sea verdad. ¿Cuánto parece que os debo dar más de lo que os daba Tomé Carrasco. | Â Eh bien ! reprit don Quichotte, je suppose, Sancho, que tout ce que vous avez dit soit la vérité ; combien vous semble-t-il que je doive vous donner de plus que ne vous donnait Tomé Carrasco ! | -A mi parecer -dijo Sancho-, con dos reales más que vuestra merced añadiese cada mes me tendría por bien pagado. Esto es cuanto al salario de mi trabajo; pero, en cuanto a satisfacerme a la palabra y promesa que vuestra merced me tiene hecha de darme el gobierno de una ínsula, sería justo que se me añadiesen otros seis reales, que por todos serían treinta. | Â À mon avis, répondit Sancho, si Votre Grâce ajoutait seulement deux réaux par mois, je me tiendrais pour bien payé. Voilà quant au salaire de ma peine ; mais quant à remplir la promesse que Votre Grâce m′a faite sur sa parole de me donner le gouvernement d′une île, il serait juste qu′on ajoutât six autres réaux, ce qui ferait trente réaux en tout. | -Está muy bien -replicó don Quijote-; y, conforme al salario que vos os habéis señalado, 23 días ha que salimos de nuestro pueblo: contad, Sancho, rata por cantidad, y mirad lo que os debo, y pagaos, como os tengo dicho, de vuestra mano. | Â C′est très-bien, répliqua don Quichotte. Voilà vingt-cinq jours que nous avons quitté notre village ; faites, Sancho, le compte au prorata, suivant les gages que vous vous êtes fixés vous-même ; voyez ce que je vous dois, et payez-vous, comme je l′ai dit, de vos propres mains. | -¡Oh, cuerpo de mí! -dijo Sancho-, que va vuestra merced muy errado en esta cuenta, porque en lo de la promesa de la ínsula se ha de contar desde el día que vuestra merced me la prometió hasta la presente hora en que estamos. | Â Sainte Vierge ! s′écria Sancho, comme Votre Grâce se trompe dans ce compte qu′elle fait ! Pour ce qui est de la promesse de l′île, il faut compter depuis le jour où Votre Grâce me l′a promise, jusqu′à l′heure présente où nous nous trouvons. | -Pues, ¿qué tanto ha, Sancho, que os la prometí? -dijo don Quijote. | Â Eh bien, Sancho, reprit don Quichotte, y a-t-il donc si longtemps que je vous ai promis cette île ? | -Si yo mal no me acuerdo -respondió Sancho-, debe de haber más de veinte años, tres días más a menos. | Â Si je m′en souviens bien, répondit Sancho, il doit y avoir vingt ans, à trois jours près de plus ou de moins. » | Diose don Quijote una gran palmada en la frente, y comenzó a reír muy de gana, y dijo. | À ces mots, don Quichotte se frappa le front du creux de la main et partit d′un éclat de rire : | -Pues no anduve yo en Sierra Morena, ni en todo el discurso de nuestras salidas, sino dos meses apenas, y ¿dices, Sancho, que ha veinte años que te prometí la ínsula? Ahora digo que quieres que se consuman en tus salarios el dinero que tienes mío; y si esto es así, y tú gustas dello, desde aquí te lo doy, y buen provecho te haga; que, a trueco de verme sin tan mal escudero, holgaréme de quedarme pobre y sin blanca. Pero dime, prevaricador de las ordenanzas escuderiles de la andante caballería, ¿ dónde has visto tú, o leído, que ningún escudero de caballero andante se haya puesto con su señor en tanto más cuánto me habéis de dar cada mes porque os sirva? Éntrate, éntrate, malandrín, follón y vestiglo, que todo lo pareces; éntrate, digo, por el mare magnum de sus historias, y si hallares que algún escudero haya dicho, ni pensado, lo que aquí has dicho, quiero que me le claves en la frente, y, por añadidura, me hagas cuatro mamonas selladas en mi rostro. Vuelve las riendas, o el cabestro, al rucio, y vuélvete a tu casa, porque un solo paso desde aquí no has de pasar más adelante conmigo. ¡Oh pan mal conocido!. ¡Oh promesas mal colocadas! ¡Oh hombre que tiene más de bestia que de persona! ¿Ahora, cuando yo pensaba ponerte en estado, y tal, que a pesar de tu mujer te llamaran señoría, te despides? ¿Ahora te vas, cuando yo venía con intención firme y valedera de hacerte señor de la mejor ínsula del mundo? En fin, como tú has dicho otras veces, no es la miel... etc. Asno eres, y asno has de ser, y en asno has de parar cuando se te acabe el curso de la vida; que para mí tengo que antes llegará ella a su último término que tú caigas y des en la cuenta de que eres bestia. | « Pardieu, dit-il, en tout le temps que j′ai passé dans la Sierra-Moréna, et en tout le cours de nos voyages, il s′est à peine écoulé deux mois, et tu dis, Sancho, qu′il y a vingt ans que je t′ai promis cette île. Tu veux donc, je le vois bien, que tout l′argent que tu as à moi passe à tes gages. Si c′est là ton envie, je te le donne dès maintenant, prends-le, et grand bien te fasse-t-il ; car pour me voir délivré d′un si mauvais écuyer, je resterai de grand cœur pauvre et sans une obole. Mais dis-moi, prévaricateur des ordonnances prescrites aux écuyers par la chevalerie errante, où donc as-tu vu ou lu qu′aucun écuyer de chevalier errant se soit mis en compte avec son seigneur, et lui ait dit : « Il faut me donner tant par mois pour que je vous serve ? » Entre, pénètre, ô félon, bandit et vampire ! car tu ressembles à tout cela, enfonce-toi, dis-je, dans le mare magnum des histoires chevaleresques, et, si tu trouves qu′aucun écuyer ait jamais dit ou pensé ce que tu viens de dire, je veux bien que tu me le cloues sur le front, et que tu me donnes, par-dessus le marché, quatre tapes du revers de la main sur le visage. Allons, tourne la bride ou le licou de ton âne, et retourne à ta maison, car tu ne feras pas un pas de plus avec moi. Ô pain mal agréé ! ô promesses mal placées ! ô homme qui tient plus d′une bête que d′une personne ! C′est maintenant, quand je voulais t′élever à une condition telle, qu′en dépit de ta femme, on t′appelât seigneurie, c′est maintenant que tu me quittes ! Tu t′en vas à présent, lorsque j′avais fermement résolu de te faire seigneur de la meilleure île du monde ! Enfin, comme tu l′as dit mainte autre fois, le miel n′est pas fait pour la bouche de l′âne. Âne tu es, âne tu seras, et âne tu mourras, quand finira le cours de ta vie ; car, à mon avis, elle atteindra son dernier terme avant que tu t′aperçoives que tu n′es qu′une bête. » | Miraba Sancho a don Quijote de en hito en hito, en tanto que los tales vituperios le decía, y compungióse de manera que le vinieron las lágrimas a los ojos, y con voz dolorida y enferma le dijo. | Sancho regardait fixement don Quichotte, pendant que celui-ci lui adressait ces amers reproches ; il se sentit pris de tels regrets, de tels remords, que les larmes lui vinrent aux yeux. | -Señor mío, yo confieso que para ser del todo asno no me falta más de la cola; si vuestra merced quiere ponérmela, yo la daré por bien puesta, y le serviré como jumento todos los días que me quedan de mi vida. Vuestra merced me perdone y se duela de mi mocedad, y advierta que sé poco, y que si hablo mucho, más procede de enfermedad que de malicia; mas, quien yerra y se enmienda, a Dios se encomienda. | « Mon bon seigneur, lui dit-il d′une voix dolente et entrecoupée, je confesse que, pour être âne tout à fait, il ne me manque que la queue ; si Votre Grâce veut me la mettre, je la tiendrai pour bien placée, et je vous servirai comme baudet, en bête de somme, tous les jours qui me resteront à vivre. Que Votre Grâce me pardonne et prenne pitié de ma jeunesse. Faites attention que je ne sais pas grand′chose, et que, si je parle beaucoup, c′est plutôt par infirmité que par malice. Mais qui pèche et s′amende, à Dieu se recommande. | -Maravillárame yo, Sancho, si no mezclaras algún refrancico en tu coloquio. Ahora bien, yo te perdono, con que te emiendes, y con que no te muestres de aquí adelante tan amigo de tu interés, sino que procures ensanchar el corazón, y te alientes y animes a esperar el cumplimiento de mis promesas, que, aunque se tarda, no se imposibilita. | Â J′aurais été bien surpris, Sancho, dit don Quichotte, que tu ne mêlasses pas quelque petit proverbe à ton dialogue. Allons, je te pardonne, pourvu que tu te corriges et que tu ne te montres pas désormais si ami de ton intérêt. Prends courage, au contraire, donne-toi du cœur, et attends avec patience l′accomplissement de mes promesses, qui peut tarder, mais n′est pas impossible. » | Sancho respondió que sí haría, aunque sacase fuerzas de flaqueza. | Sancho répondit qu′il obéirait, dût-il faire contre fortune bon cœur. | Con esto, se metieron en la alameda, y don Quijote se acomodó al pie de un olmo, y Sancho al de una haya; que estos tales árboles y otros sus semejantes siempre tienen pies, y no manos. Sancho pasó la noche penosamente, porque el varapalo se hacía más sentir con el sereno. Don Quijote la pasó en sus continuas memorias; pero, con todo eso, dieron los ojos al sueño, y al salir del alba siguieron su camino buscando las riberas del famoso Ebro, donde les sucedió lo que se contará en el capítulo venidero. | Après cela, ils entrèrent dans le bois, où don Quichotte s′arrangea au pied d′un orme, et Sancho au pied d′un hêtre ; car ces arbres et d′autres semblables ont toujours des pieds sans avoir de mains. Sancho passa la nuit péniblement, le coup de gaule se faisant sentir par le serein. Pour don Quichotte, il la passa dans ses continuels souvenirs. Néanmoins, ils abandonnèrent tous deux leurs yeux au sommeil, et le lendemain, au point du jour, ils reprirent leur route à la recherche des rives du fameux fleuve de l′
Ç¢re, où il leur arriva ce que l′on contera dans le chapitre suivant.
| II. Capítulo XXIX. De la famosa aventura del barco encantado. | Chapitre XXIX hapitre XXIX De la fameuse aventure de la barque enchantéePor sus pasos contados y por contar, dos días después que salieron de la alameda, llegaron don Quijote y Sancho al río Ebro, y el verle fue de gran gusto a don Quijote, porque contempló y miró en él la amenidad de sus riberas, la claridad de sus aguas, el sosiego de su curso y la abundancia de sus líquidos cristales, cuya alegre vista renovó en su memoria mil amorosos pensamientos. Especialmente fue y vino en lo que había visto en la cueva de Montesinos; que, puesto que el mono de maese Pedro le había dicho que parte de aquellas cosas eran verdad y parte mentira, él se atenía más a las verdaderas que a las mentirosas, bien al revés de Sancho, que todas las tenía por la mesma mentira. | En cheminant un pied devant l′autre, deux jours après la sortie du bois, don Quichotte et Sancho arrivèrent aux bords de l′
Ç¢re. La vue de ce fleuve causa un grand plaisir à don Quichotte. Il contempla, il admira la beauté de ses rives, la pureté de ses eaux, le calme de son cours, l′abondance de son liquide cristal, et cet aspect charmant réveilla dans sa mémoire mille amoureuses pensées. Il se rappela surtout ce qu′il avait vu dans la caverne de Montésinos ; car, bien que le singe de maître Pierre lui eût dit que ces choses étaient en partie vraies, en partie fausses, il s′en tenait plus à la vérité qu′au mensonge, bien au rebours de Sancho, qui les tenait toutes pour le mensonge même. | Yendo, pues, desta manera, se le ofreció a la vista un pequeño barco sin remos ni otras jarcias algunas, que estaba atado en la orilla a un tronco de un árbol que en la ribera estaba. Miró don Quijote a todas partes, y no vio persona alguna; y luego, sin más ni más, se apeó de Rocinante y mandó a Sancho que lo mesmo hiciese del rucio, y que a entrambas bestias las atase muy bien, juntas, al tronco de un álamo o sauce que allí estaba. Preguntóle Sancho la causa de aquel súbito apeamiento y de aquel ligamiento. Respondió don Quijote. | En marchant de la sorte, il aperçut tout à coup une petite barque, sans rames et sans aucun agrès, qui était attachée sur la rive à un tronc d′arbre. Don Quichotte regarda de toutes parts, et ne découvrit âme qui vive. Aussitôt, et sans plus de façon, il sauta à bas de Rossinante, puis donna l′ordre à Sancho de descendre du grison, et de bien attacher les deux bêtes ensemble au pied d′un peuplier ou saule qui se trouvait là. Sancho lui demanda la cause de ce brusque saut par terre, et pourquoi il fallait attacher les bêtes. | -Has de saber, Sancho, que este barco que aquí está, derechamente y sin poder ser otra cosa en contrario, me está llamando y convidando a que entre en él, y vaya en él a dar socorro a algún caballero, o a otra necesitada y principal persona, que debe de estar puesta en alguna grande cuita, porque éste es estilo de los libros de las historias caballerescas y de los encantadores que en ellas se entremeten y platican: cuando algún caballero está puesto en algún trabajo, que no puede ser librado dél sino por la mano de otro caballero, puesto que estén distantes el uno del otro dos o tres mil leguas, y aun más, o le arrebatan en una nube o le deparan un barco donde se entre, y en menos de un abrir y cerrar de ojos le llevan, o por los aires, o por la mar, donde quieren y adonde es menester su ayuda; así que, ¡oh Sancho!, este barco está puesto aquí para el mesmo efecto; y esto es tan verdad como es ahora de día; y antes que éste se pase, ata juntos al rucio y a Rocinante, y a la mano de Dios, que nos guíe, que no dejaré de embarcarme si me lo pidiesen frailes descalzos. | « Apprends, ô Sancho ! répondit don Quichotte, que directement, et sans que ce puisse être autre chose, ce bateau que voilà m′appelle et me convie à y entrer pour que j′aille par cette voie porter secours à quelque chevalier, ou à quelque autre personne de qualité qui se trouve en un grand embarras. Tel est, en effet, le style des livres de chevalerie et des enchanteurs qui figurent et conversent dans ces histoires. Dès qu′un chevalier court quelque péril dont il ne puisse être tiré que par la main d′un autre chevalier, bien qu′ils soient éloignés l′un de l′autre de deux ou trois mille lieues, ou même davantage, les enchanteurs prennent celui-ci, l′enlèvent dans un nuage, ou lui envoient un bateau pour qu′il s′y mette, et, en moins d′un clin d′œil, ils l′emportent par les airs ou sur la mer à l′endroit où ils veulent, et où l′on a besoin de son aide. Sans nul doute, ô Sancho ! cette barque est placée là pour le même objet ; cela est aussi vrai qu′il fait jour maintenant, et, avant que la nuit vienne, attache seulement Rossinante et le grison ; puis, à la grâce de Dieu, car je ne manquerais pas de m′embarquer, quand même des carmes déchaussés me prieraient de n′en rien faire. | -Pues así es -respondió Sancho-, y vuestra merced quiere dar a cada paso en estos que no sé si los llame disparates, no hay sino obedecer y bajar la cabeza, atendiendo al refrán "haz lo que tu amo te manda, y siéntate con él a la mesa"; pero, con todo esto, por lo que toca al descargo de mi conciencia, quiero advertir a vuestra merced que a mí me parece que este tal barco no es de los encantados, sino de algunos pescadores deste río, porque en él se pescan las mejores sabogas del mundo. |  Puisqu′il en est ainsi, répondit Sancho, et que Votre Grâce veut à tout propos donner dans ce que je devrais bien appeler des folies, il n′y a qu′à obéir et baisser la tête, suivant le proverbe qui dit : « Fais ce qu′ordonne ton maître, et assieds-toi à table auprès de lui. » Toutefois, et pour l′acquit de ma conscience, je veux avertir Votre Grâce qu′il me semble que cette barque n′est pas aux enchanteurs, mais à quelque pêcheur de cette rivière, où l′on prend les meilleures aloses du monde. » | Esto decía, mientras ataba las bestias, Sancho, dejándolas a la proteción y amparo de los encantadores, con harto dolor de su ánima. Don Quijote le dijo que no tuviese pena del desamparo de aquellos animales, que el que los llevaría a ellos por tan longincuos caminos y regiones tendría cuenta de sustentarlos. | Sancho disait tout cela en attachant les bêtes, qu′il laissait à l′abandon sous la protection des enchanteurs, au grand regret de son âme. Don Quichotte lui dit : | -No entiendo eso de logicuos -dijo Sancho-, ni he oído tal vocablo en todos los días de mi vida. | « Ne te mets pas en peine de l′abandon de ces animaux ; celui qui va nous conduire par de si lointaines régions aura soin de pourvoir à leur subsistance. | -Longincuos -respondió don Quijote- quiere decir apartados; y no es maravilla que no lo entiendas, que no estás tú obligado a saber latín, como algunos que presumen que lo saben, y lo ignoran. |  Je ne comprends pas ce mot de lointaines, dit Sancho, et ne l′ai pas ouí¤ire en tous les jours de ma vie.  Lointaines, reprit don Quichotte, veut dire éloignées. Il n′est pas étonnant que tu n′entendes pas ce mot, car tu n′es pas obligé de savoir le latin, comme d′autres se piquent de le savoir, tout en l′ignorant.< | -Ya están atados -replicó Sancho-. ¿Qué hemos de hacer ahora. |  Voilà les bêtes attachées, dit Sancho ; que faut-il faire maintenant ? | -¿Qué? -respondió don Quijote-. Santiguarnos y levar ferro; quiero decir, embarcarnos y cortar la amarra con que este barco está atado. |  Que faut-il faire ? répondit don Quichotte ; le signe de la croix, et lever l′ancre ; je veux dire nous embarquer et couper l′amarre qui attache ce bateau. » | Y, dando un salto en él, siguiéndole Sancho, cortó el cordel, y el barco se fue apartando poco a poco de la ribera; y cuando Sancho se vio obra de dos varas dentro del río, comenzó a temblar, temiendo su perdición; pero ninguna cosa le dio más pena que el oír roznar al rucio y el ver que Rocinante pugnaba por desatarse, y díjole a su señor. | Aussitôt il sauta dedans, suivi de Sancho, coupa la corde, et le bateau s′éloigna peu à peu de la rive. Lorsque Sancho se vit à deux toises en pleine eau, il se mit à trembler, se croyant perdu ; mais rien ne lui faisait plus de peine que d′entendre braire le grison et de voir que Rossinante se démenait pour se détacher. Il dit à son seigneur : | -El rucio rebuzna, condolido de nuestra ausencia, y Rocinante procura ponerse en libertad para arrojarse tras nosotros. ¡Oh carísimos amigos, quedaos en paz, y la locura que nos aparta de vosotros, convertida en desengaño, nos vuelva a vuestra presencia. | « Le grison gémit, touché de notre absence, et Rossinante veut se mettre en liberté pour se jeter après nous. Ô très-chers amis, demeurez en paix, et puisse la folie qui nous éloigne de vous, se désabusant enfin, nous ramener en votre présence ! » | Y, en esto, comenzó a llorar tan amargamente que don Quijote, mohíno y colérico, le dijo. | À ces mots il se mit à pleurer si amèrement que don Quichotte lui dit, impatienté : | -¿De qué temes, cobarde criatura? ¿De qué lloras, corazón de mantequillas? ¿Quién te persigue, o quién te acosa, ánimo de ratón casero, o qué te falta, menesteroso en la mitad de las entrañas de la abundancia? ¿Por dicha vas caminando a pie y descalzo por las montañas rifeas, sino sentado en una tabla, como un archiduque, por el sesgo curso deste agradable río, de donde en breve espacio saldremos al mar dilatado? Pero ya habemos de haber salido, y caminado, por lo menos, setecientas o ochocientas leguas; y si yo tuviera aquí un astrolabio con que tomar la altura del polo, yo te dijera las que hemos caminado; aunque, o yo sé poco, o ya hemos pasado, o pasaremos presto, por la línea equinocial, que divide y corta los dos contrapuestos polos en igual distancia. | « De quoi donc as-tu peur, poltronne créature ? Pourquoi pleures-tu, cœur de pâte sucrée ? Qui te poursuit, qui te chasse, courage de souris casanière ? Que te manque-t-il, besogneux au milieu de l′abondance ? Est-ce que par hasard tu chemines pieds nus à travers les monts Riphées ? N′es-tu pas assis sur une planche, comme un archiduc, suivant le cours tranquille de ce fleuve charmant, d′où nous entrerons bientôt dans la mer immense ? Mais nous devons y être entrés déjà, et nous avons bien fait sept ou huit cents lieues de chemin. Ah ! si j′avais ici un astrolabe pour prendre la hauteur du pôle, je te dirais les lieues que nous avons faites ; mais en vérité, si je m′y connais un peu, nous avons passé déjà, ou nous allons passer bientôt la ligne équinoxiale, qui sépare et coupe à égale distance les deux pôles opposés. | -Y cuando lleguemos a esa leña que vuestra merced dice -preguntó Sancho-, ¿cuánto habremos caminado. |  Et quand nous serons arrivés à cette ligne que dit Votre Grâce, demanda Sancho, combien aurons-nous fait de chemin ? | -Mucho -replicó don Quijote-, porque de trecientos y sesenta grados que contiene el globo, del agua y de la tierra, según el cómputo de Ptolomeo, que fue el mayor cosmógrafo que se sabe, la mitad habremos caminado, llegando a la línea que he dicho. |  Beaucoup, répliqua don Quichotte ; car de trois cent soixante degrés que contient le globe aqueux et terrestre, selon le comput de Ptolémée, le plus grand cosmographe que l′on connaisse, nous aurons fait juste la moitié, une fois arrivés à cette ligne que j′ai dite. | -Por Dios -dijo Sancho-, que vuesa merced me trae por testigo de lo que dice a una gentil persona, puto y gafo, con la añadidura de meón, o meo, o no sé cómo. |  Pardieu, s′écria Sancho, vous prenez à témoignage une gentille personne ; l′homme qui pue comme quatre , ou quelque chose d′approchant. » | Rióse don Quijote de la interpretación que Sancho había dado al nombre y al cómputo y cuenta del cosmógrafo Ptolomeo, y díjole. | Don Quichotte sourit à l′interprétation que donnait Sancho du comput du cosmographe Ptolémée. Il lui dit : | -Sabrás, Sancho, que los españoles y los que se embarcan en Cádiz para ir a las Indias Orientales, una de las señales que tienen para entender que han pasado la línea equinocial que te he dicho es que a todos los que van en el navío se les mueren los piojos, sin que les quede ninguno, ni en todo el bajel le hallarán, si le pesan a oro; y así, puedes, Sancho, pasear una mano por un muslo, y si topares cosa viva, saldremos desta duda; y si no, pasado habemos. | « Tu sauras, Sancho, que les Espagnols et ceux qui s′embarquent à Cadix pour aller aux Indes orientales regardent comme un des signes qui leur font comprendre qu′ils ont passé la ligne équinoxiale que les poux meurent sur tous ceux qui sont dans le vaisseau, et qu′on n′en trouverait pas un seul sur le bâtiment, le payât-on au poids de l′or. Ainsi donc, Sancho, tu peux promener la main sur une de tes cuisses ; si tu rencontres quelque être vivant, nous sortirons de notre doute ; sinon, c′est que nous aurons passé la ligne. | -Yo no creo nada deso -respondió Sancho-, pero, con todo, haré lo que vuesa merced me manda, aunque no sé para qué hay necesidad de hacer esas experiencias, pues yo veo con mis mismos ojos que no nos habemos apartado de la ribera cinco varas, ni hemos decantado de donde están las alemañas dos varas, porque allí están Rocinante y el rucio en el propio lugar do los dejamos; y tomada la mira, como yo la tomo ahora, voto a tal que no nos movemos ni andamos al paso de una hormiga. |  Je ne crois rien de tout cela, répondit Sancho ; mais je ferai pourtant ce que Votre Grâce m′ordonne, bien que je ne conçoive pas trop la nécessité de faire ces expériences, car je vois de mes propres yeux que nous ne sommes pas à cinq toises du rivage, et que nous n′avons pas descendu deux toises plus bas que ces pauvres bêtes. Voilà Rossinante et le grison dans le même endroit où nous les avons laissés, et, prenant la mesure comme je la prends, je jure Dieu que nous n′avançons point au pas d′une fourmi. | -Haz, Sancho, la averiguación que te he dicho, y no te cures de otra, que tú no sabes qué cosa sean coluros, líneas, paralelos, zodíacos, clíticas, polos, solsticios, equinocios, planetas, signos, puntos, medidas, de que se compone la esfera celeste y terrestre; que si todas estas cosas supieras, o parte dellas, vieras claramente qué de paralelos hemos cortado, qué de signos visto y qué de imágines hemos dejado atrás y vamos dejando ahora. Y tórnote a decir que te tientes y pesques, que yo para mí tengo que estás más limpio que un pliego de papel liso y blanco. |  Fais, Sancho, dit don Quichotte ; fais la vérification que je t′ai dite, et ne t′embarrasse pas d′autre chose. Tu ne sais pas un mot de ce que sont les colures, les lignes, les parallèles, les zodiaques, les écliptiques, les pôles, les solstices, les équinoxes, les planètes, les signes, les degrés, les mesures dont se composent la sphère céleste et la sphère terrestre. Si tu connaissais toutes ces choses, ou même une partie, tu verrais clairement combien de parallèles nous avons coupés, combien de signes nous avons parcourus, combien de constellations nous laissons derrière nous. Mais, je le répète, tâte-toi, cherche partout, car j′imagine que tu es plus propre et plus net à cette heure qu′une feuille de papier blanc. » | Tentóse Sancho, y, llegando con la mano bonitamente y con tiento hacia la corva izquierda, alzó la cabeza y miró a su amo, y dijo. | Sancho se tâta donc, et, baissant tout doucement la main sous le pli du jarret gauche, il releva la tête, regarda son seigneur, et dit : | -O la experiencia es falsa, o no hemos llegado adonde vuesa merced dice, ni con muchas leguas. | « Ou l′expérience est fausse, ou nous ne sommes pas arrivés à l′endroit que dit Votre Grâce, ni même à bien des lieues de là. | -Pues ¿qué? -preguntó don Quijote-, ¿has topado algo? |  Comment donc ! demanda don Quichotte, est-ce que tu as trouvé quelqu′un ? | -¡Y aun algos! -respondió Sancho. |  Et même quelques-uns », répondit Sancho ; | Y, sacudiéndose los dedos, se lavó toda la mano en el río, por el cual sosegadamente se deslizaba el barco por mitad de la corriente, sin que le moviese alguna inteligencia secreta, ni algún encantador escondido, sino el mismo curso del agua, blando entonces y suave. | puis, secouant les doigts, il se lava toute la main dans la rivière, sur laquelle glissait tranquillement la barque au beau milieu du courant, sans être poussée par aucune intelligence secrète ni par aucun enchanteur invisible, mais tout bonnement par le cours de l′eau, qui était alors doux et paisible. | En esto, descubrieron unas grandes aceñas que en la mitad del río estaban; y apenas las hubo visto don Quijote, cuando con voz alta dijo a Sancho. | En ce moment, ils découvrirent un grand moulin qui était construit au milieu du fleuve, et don Quichotte l′eut à peine aperçu, qu′il s′écria d′une voix haute : | -¿Vees? Allí, ¡oh amigo!, se descubre la ciudad, castillo o fortaleza donde debe de estar algún caballero oprimido, o alguna reina, infanta o princesa malparada, para cuyo socorro soy aquí traído. | « Regarde, ami Sancho, voilà qu′on découvre la ville, le château ou la forteresse où doit être quelque chevalier opprimé, quelque reine, infante ou princesse violentée, au secours desquels je suis amené ici. | -¿Qué diablos de ciudad, fortaleza o castillo dice vuesa merced, señor? -dijo Sancho-. ¿No echa de ver que aquéllas son aceñas que están en el río, donde se muele el trigo? |  Quelle diable de ville, de forteresse ou de château dites-vous là, seigneur ? répondit Sancho. Ne voyez-vous pas que c′est un moulin à eau, bâti sur la rivière, un moulin à moudre le blé ? | -Calla, Sancho -dijo don Quijote-; que, aunque parecen aceñas, no lo son; y ya te he dicho que todas las cosas trastruecan y mudan de su ser natural los encantos. No quiero decir que las mudan de en uno en otro ser realmente, sino que lo parece, como lo mostró la experiencia en la transformación de Dulcinea, único refugio de mis esperanzas. |  Tais-toi, Sancho, s′écria don Quichotte ; bien que cela ait l′air d′un moulin, ce n′en est pas un. Ne t′ai-je pas dit déjà que les enchantements transforment les choses, et les font sortir de leur état naturel ? Je ne veux pas dire qu′ils les transforment réellement d′un être en un autre, mais qu′ils les font paraître autres choses, comme l′expérience l′a prouvé dans la transformation de Dulcinée, unique refuge de mes espérances. » | En esto, el barco, entrado en la mitad de la corriente del río, comenzó a caminar no tan lentamente como hasta allí. Los molineros de las aceñas, que vieron venir aquel barco por el río, y que se iba a embocar por el raudal de las ruedas, salieron con presteza muchos dellos con varas largas a detenerle, y, como salían enharinados, y cubiertos los rostros y los vestidos del polvo de la harina, representaban una mala vista. Daban voces grandes, diciendo. | Tandis qu′ils parlaient ainsi, la barque, ayant gagné le milieu du courant de la rivière, commença à descendre avec moins de lenteur qu′auparavant. Les meuniers du moulin, qui virent venir au cours de l′eau cette barque, prête à s′engouffrer sous les roues, sortirent en grand nombre avec de longues perches pour l′arrêter, et, comme ils avaient le visage et les habits couverts de farine, ils ne ressemblaient pas mal à une apparition de fantômes. Ils criaient de toutes leurs forces : | -¡Demonios de hombres! ¿Dónde vais? ¿Venís desesperados? ¿Qué queréis, ahogaros y haceros pedazos en estas ruedas. | « Diables d′hommes, où allez-vous donc ? Êtes-vous désespérés ? voulez-vous vous noyer et vous mettre en pièces sous ces roues ? | -¿No te dije yo, Sancho -dijo a esta sazón don Quijote-, que habíamos llegado donde he de mostrar a dó llega el valor de mi brazo? Mira qué de malandrines y follones me salen al encuentro, mira cuántos vestiglos se me oponen, mira cuántas feas cataduras nos hacen cocos... Pues ¡ahora lo veréis, bellacos. |  Ne te l′ai-je pas dit, Sancho, s′écria don Quichotte, que nous sommes arrivés où je dois montrer jusqu′où peut s′étendre la valeur de mon bras ? Regarde combien de félons et de malandrins sortent à ma rencontre, combien de monstres s′avancent contre moi, combien de spectres viennent nous épouvanter de leurs faces hideuses. Eh bien, vous allez voir, scélérats insignes. » | Y, puesto en pie en el barco, con grandes voces comenzó a amenazar a los molineros, diciéndoles: | Aussitôt il se mit debout dans la barque, et commença de tous ses poumons à menacer les meuniers. | -Canalla malvada y peor aconsejada, dejad en su libertad y libre albedrío a la persona que en esa vuestra fortaleza o prisión tenéis oprimida, alta o baja, de cualquiera suerte o calidad que sea, que yo soy , llamado el Caballero de los Leones por otro nombre, a quien está reservada por orden de los altos cielos el dar fin felice a esta aventura. | « Canaille mal née et plus mal conseillée, leur criait-il, rendez la liberté et le libre arbitre à la personne que vous tenez en prison dans votre forteresse, haute ou basse, de quelque rang et qualité qu′elle soit ; je suis don Quichotte de la Manche, surnommé le chevalier des Lions, à qui il est réservé, par l′ordre souverain des cieux, de donner heureuse issue à cette aventure. » | Y, diciendo esto, echó mano a su espada y comenzó a esgrimirla en el aire contra los molineros; los cuales, oyendo y no entendiendo aquellas sandeces, se pusieron con sus varas a detener el barco, que ya iba entrando en el raudal y canal de las ruedas. | En achevant ces mots, il mit l′épée à la main, et commença d′escrimer dans l′air contre les meuniers, lesquels entendant, mais ne comprenant pas ces extravagances, allongèrent leurs perches pour retenir la barque qui allait entrer dans le biez du moulin. | Púsose Sancho de rodillas, pidiendo devotamente al cielo le librase de tan manifiesto peligro, como lo hizo, por la industria y presteza de los molineros, que, oponiéndose con sus palos al barco, le detuvieron, pero no de manera que dejasen de trastornar el barco y dar con don Quijote y con Sancho al través en el agua; pero vínole bien a don Quijote, que sabía nadar como un ganso, aunque el peso de las armas le llevó al fondo dos veces; y si no fuera por los molineros, que se arrojaron al agua y los sacaron como en peso a entrambos, allí había sido Troya para los dos. | Sancho s′était jeté à genoux, priant dévotement le ciel de le tirer d′un si manifeste péril, comme le firent en effet l′adresse et l′agilité des meuniers, qui arrêtèrent la barque en lui opposant leurs bâtons. Mais pourtant ils ne purent si bien y réussir qu′ils ne fissent chavirer la barque et tomber don Quichotte et Sancho au milieu de la rivière. Bien en prit à don Quichotte de savoir nager comme un canard, quoique le poids de ses armes le fît deux fois aller au fond, et, si les meuniers ne se fussent jetés à l′eau pour les tirer l′un et l′autre, par les pieds, par la tête, on aurait pu dire d′eux : « Ici fut Troie. » | Puestos, pues, en tierra, más mojados que muertos de sed, Sancho, puesto de rodillas, las manos juntas y los ojos clavados al cielo, pidió a Dios con una larga y devota plegaria le librase de allí adelante de los atrevidos deseos y acometimientos de su señor. | Quand ils furent déposés à terre, plus trempés que morts de soif, Sancho se jeta à deux genoux, et les mains jointes, les yeux levés au ciel, il pria Dieu, dans une longue et dévote oraison, de le délivrer désormais des témérités et des entreprises de son seigneur. | Llegaron en esto los pescadores dueños del barco, a quien habían hecho pedazos las ruedas de las aceñas; y, viéndole roto, acometieron a desnudar a Sancho, y a pedir a don Quijote se lo pagase; el cual, con gran sosiego, como si no hubiera pasado nada por él, dijo a los molineros y pescadores que él pagaría el barco de bonísima gana, con condición que le diesen libre y sin cautela a la persona o personas que en aquel su castillo estaban oprimidas. | En ce moment arrivèrent les pêcheurs, maîtres de la barque, que les roues du moulin avaient mise en pièces ; la voyant brisée, ils sautèrent sur Sancho pour le déshabiller, et demandèrent à don Quichotte de payer le dégât. Celui-ci avec un sang-froid, et comme si rien ne lui fût arrivé, dit aux meuniers et aux pêcheurs qu′il payerait très-volontiers la barque, sous la condition qu′on lui remît, en pleine liberté, la personne ou les personnes qui gémissaient opprimées dans ce château. | -¿Qué personas o qué castillo dice -respondió uno de los molineros-, hombre sin juicio? ¿Quiéreste llevar por ventura las que vienen a moler trigo a estas aceñas. | « De quelles personnes et de quel château parles-tu, homme sans cervelle ? demanda l′un des meuniers ; veux-tu, par hasard, emmener les gens qui viennent moudre du blé dans ce moulin ? | -¡Basta! -dijo entre sí don Quijote-. Aquí será predicar en desierto querer reducir a esta canalla a que por ruegos haga virtud alguna. Y en esta aventura se deben de haber encontrado dos valientes encantadores, y el uno estorba lo que el otro intenta: el uno me deparó el barco, y el otro dio conmigo al través. Dios lo remedie, que todo este mundo es máquinas y trazas, contrarias unas de otras. Yo no puedo más. |  Suffit, dit à part soi don Quichotte ; ce serait prêcher dans le désert que de vouloir réduire cette canaille à faire quelque bien sur de simples prières. D′ailleurs, dans cette aventure, il a dû se rencontrer deux puissants enchanteurs, dont l′un empêche ce que l′autre projette. L′un m′a envoyé la barque, l′autre m′a fait faire le plongeon. Que Dieu y porte remède, car le monde n′est que machinations opposées les unes aux autres, je ne puis rien de plus. » | Y, alzando la voz, prosiguió diciendo, y mirando a las aceñas. | Puis, élevant la voix et regardant le moulin, il continua de la sorte : | -Amigos, cualesquiera que seáis, que en esa prisión quedáis encerrados, perdonadme; que, por mi desgracia y por la vuestra, yo no os puedo sacar de vuestra cuita. Para otro caballero debe de estar guardada y reservada esta aventura. | « Amis, qui que vous soyez, qui êtes enfermés dans cette prison, pardonnez-moi ; mon malheur et le vôtre veulent que je ne puisse vous tirer de votre angoisse ; c′est sans doute à un autre chevalier que doit être réservée cette aventure. » | En diciendo esto, se concertó con los pescadores, y pagó por el barco cincuenta reales, que los dio Sancho de muy mala gana, diciendo. | Après cela, il entra en arrangement avec les pêcheurs, et paya pour la barque cinquante réaux, que Sancho déboursa bien à contre-cœur. | -A dos barcadas como éstas, daremos con todo el caudal al fondo. | « Avec deux sauts de carpe comme celui-là, dit-il, nous aurons jeté toute notre fortune au fond de l′eau. » | Los pescadores y molineros estaban admirados, mirando aquellas dos figuras tan fuera del uso, al parecer, de los otros hombres, y no acababan de entender a dó se encaminaban las razones y preguntas que don Quijote les decía; y, teniéndolos por locos, les dejaron y se recogieron a sus aceñas, y los pescadores a sus ranchos. Volvieron a sus bestias, y a ser bestias, don Quijote y Sancho, y este fin tuvo la aventura del encantado barco. | Les pêcheurs et les meuniers considéraient, pleins de surprise, ces deux figures si hors de l′usage commun. Ils ne pouvaient comprendre ce que voulaient dire les questions de don Quichotte et les propos qu′il leur adressait. Les tenant tous deux pour fous, ils les laissèrent, et se retirèrent, les uns dans leur moulin, les autres dans leurs cabanes. Pour don Quichotte et Sancho, ils retournèrent à leurs bêtes, et restèrent bêtes comme devant, et voilà la fin qu′eut l′aventure de la barque enchantée.
| II. Capítulo XXX. De lo que le avino a don Quijote con una bella cazadora. | Chapitre XXX De ce qui arriva à don Quichotte avec une belle chasseresse Asaz melancólicos y de mal talante llegaron a sus animales caballero y escudero, especialmente Sancho, a quien llegaba al alma llegar al caudal del dinero, pareciéndole que todo lo que dél se quitaba era quitárselo a él de las niñas de sus ojos. Finalmente, sin hablarse palabra, se pusieron a caballo y se apartaron del famoso río, don Quijote sepultado en los pensamientos de sus amores, y Sancho en los de su acrecentamiento, que por entonces le parecía que estaba bien lejos de tenerle; porque, maguer era tonto, bien se le alcanzaba que las acciones de su amo, todas o las más, eran disparates, y buscaba ocasión de que, sin entrar en cuentas ni en despedimientos con su señor, un día se desgarrase y se fuese a su casa. Pero la fortuna ordenó las cosas muy al revés de lo que él temía. | Le chevalier et l′écuyer rejoignirent leurs bêtes, tristes, l′oreille basse et de mauvaise humeur, principalement Sancho, pour qui c′était toucher à son âme que de toucher à son argent, car il lui semblait que tout ce qu′il ôtait de la bourse, il se l′ôtait à lui-même de la prunelle des yeux. Finalement, sans se dire un mot, ils montèrent à cheval et s′éloignèrent du célèbre fleuve, don Quichotte enseveli dans les pensées de ses amours, et Sancho dans celles de sa fortune à faire, qu′il voyait plus éloignée que jamais. Tout sot qu′il fût, il s′apercevait bien que, parmi les actions de son maître, la plupart n′étaient que des extravagances. Aussi cherchait-il une occasion de pouvoir, sans entrer en compte et en adieux avec son seigneur, décamper un beau jour et s′en retourner chez lui. Mais la fortune arrangea les choses bien au rebours de ce qu′il craignait. | Sucedió, pues, que otro día, al poner del sol y al salir de una selva, tendió don Quijote la vista por un verde prado, y en lo último dél vio gente, y, llegándose cerca, conoció que eran cazadores de altanería. Llegóse más, y entre ellos vio una gallarda señora sobre un palafrén o hacanea blanquísima, adornada de guarniciones verdes y con un sillón de plata. Venía la señora asimismo vestida de verde, tan bizarra y ricamente que la misma bizarría venía transformada en ella. En la mano izquierda traía un azor, señal que dio a entender a don Quijote ser aquélla alguna gran señora, que debía serlo de todos aquellos cazadores, como era la verdad; y así, dijo a Sancho: | Il arriva donc que le lendemain, au coucher du soleil et au sortir d′un bois, don Quichotte jeta la vue sur une verte prairie, au bout de laquelle il aperçut du monde, et, s′étant approché, il reconnut que c′étaient des chasseurs de haute volerie. Il s′approcha encore davantage, et vit parmi eux une dame élégante, montée sur un palefroi ou haquenée d′une parfaite blancheur, que paraient des harnais verts et une selle à pommeau d′argent. La dame était également habillée de vert, avec tant de goût et de richesse, qu′elle semblait être l′élégance en personne. Elle portait un faucon sur le poing gauche ; ce qui fit comprendre à don Quichotte que c′était quelque grande dame, et qu′elle devait être la maîtresse de tous ces chasseurs, ce qui était vrai. Aussi dit-il à Sancho : | -Corre, hijo Sancho, y di a aquella señora del palafrén y del azor que yo, el Caballero de los Leones, besa las manos a su gran fermosura, y que si su grandeza me da licencia, se las iré a besar, y a servirla en cuanto mis fuerzas pudieren y su alteza me mandare. Y mira, Sancho, cómo hablas, y ten cuenta de no encajar algún refrán de los tuyos en tu embajada. | « Cours, mon fils Sancho, cours, et dis à cette dame du palefroi et du faucon que moi, le Chevalier des Lions, je baise les mains de sa grande beauté, et que, si Sa Grandeur me le permet, j′irai les lui baiser moi-même, et la servir en tout ce que mes forces me permettent de faire, en tout ce que m′ordonnera Son Altesse. Et prends garde, Sancho, à ce que tu vas dire ; ne t′avise pas de coudre quelque proverbe à ta façon dans ton ambassade. | -¡Hallado os le habéis el encajador! -respondió Sancho-. ¡A mí con eso! ¡Sí, que no es ésta la vez primera que he llevado embajadas a altas y crecidas señoras en esta vida. |  Pardieu, vous avez trouvé le couseur ! répondit Sancho ; à quoi bon l′avis ? Est-ce que c′est la première fois en cette vie que je porte des ambassades à de hautes et puissantes dames ? | -Si no fue la que llevaste a la señora Dulcinea -replicó don Quijote-, yo no sé que hayas llevado otra, a lo menos en mi poder. |  Si ce n′est celle que tu as portée à ma dame Dulcinée du Toboso, reprit don Quichotte, je ne sache pas que tu en aies porté d′autres, au moins depuis que tu es à mon service. | -Así es verdad -respondió Sancho-, pero al buen pagador no le duelen prendas, y en casa llena presto se guisa la cena; quiero decir que a mí no hay que decirme ni advertirme de nada, que para todo tengo y de todo se me alcanza un poco. |  C′est vrai, répondit Sancho ; mais du bon payeur les gages sont toujours prêts, et en maison fournie la nappe est bientôt mise. Je veux dire qu′il n′est pas besoin de me donner des avertissements, car je sais un peu de tout, et suis un peu propre à tout. | -Yo lo creo, Sancho -dijo don Quijote-; ve en buena hora, y Dios te guíe. |  Je le crois, Sancho, dit don Quichotte ; va donc, à la bonne heure, et que Dieu te conduise. » | Partió Sancho de carrera, sacando de su paso al rucio, y llegó donde la bella cazadora estaba, y, apeándose, puesto ante ella de hinojos, le dijo. | Sancho partit comme un trait, mettant l′âne au grand trot, et arriva bientôt près de la belle chasseresse. Il descendit de son bât, se mit à deux genoux devant elle, et lui dit : | -Hermosa señora, aquel caballero que allí se parece, llamado el Caballero de los Leones, es mi amo, y yo soy un escudero suyo, a quien llaman en su casa Sancho Panza. Este tal Caballero de los Leones, que no ha mucho que se llamaba el de la Triste Figura, envía por mí a decir a vuestra grandeza sea servida de darle licencia para que, con su propósito y beneplácito y consentimiento, él venga a poner en obra su deseo, que no es otro, según él dice y yo pienso, que de servir a vuestra encumbrada altanería y fermosura; que en dársela vuestra señoría hará cosa que redunde en su pro, y él recibirá señaladísima merced y contento. | « Belle et noble dame, ce chevalier qu′on aperçoit là-bas, appelé le chevalier des Lions, est mon maître, et moi je suis son écuyer, qu′on appelle en sa maison Sancho Panza. Le susdit chevalier des Lions, qu′on appelait, il n′y a pas longtemps, celui de la Triste-Figure, m′envoie demander à Votre Grandeur qu′elle daigne et veuille bien lui permettre que, sous votre bon plaisir et consentement, il vienne mettre en œuvre son désir, qui n′est autre, suivant ce qu′il dit et ce que je pense, que de servir votre haute fauconnerie et incomparable beauté. En lui donnant cette permission, Votre Seigneurie fera une chose qui tournera à son profit, tandis que mon maître en recevra grande faveur et grand contentement. | -Por cierto, buen escudero -respondió la señora-, vos habéis dado la embajada vuestra con todas aquellas circunstancias que las tales embajadas piden. Levantaos del suelo, que escudero de tan gran caballero como es el de la Triste Figura, de quien ya tenemos acá mucha noticia, no es justo que esté de hinojos; levantaos, amigo, y decid a vuestro señor que venga mucho en hora buena a servirse de mí y del duque mi marido, en una casa de placer que aquí tenemos. |  Assurément, bon écuyer, répondit la dame, vous avez rempli votre ambassade avec toutes les formalités qu′exigent de pareils messages. Levez-vous de terre, car il n′est pas juste que l′écuyer d′un aussi grand chevalier que celui de la Triste-Figure, dont nous savons ici beaucoup de nouvelles, reste sur ses genoux. Levez-vous, ami, et dites à votre seigneur qu′il soit le bienvenu, et que nous nous offrons à son service, le duc mon époux et moi, dans une maison de plaisance que nous avons près d′ici. » | Levantóse Sancho admirado, así de la hermosura de la buena señora como de su mucha crianza y cortesía, y más de lo que le había dicho que tenía noticia de su señor el Caballero de la Triste Figura, y que si no le había llamado el de los Leones, debía de ser por habérsele puesto tan nuevamente. Preguntóle la duquesa, cuyo título aún no se sabe. | Sancho se releva, non moins surpris des attraits de la belle dame que de son excessive courtoisie, et surtout de lui avoir entendu dire qu′elle savait des nouvelles de son seigneur le chevalier de la Triste-Figure, qu′elle n′avait point appelé le chevalier des Lions, sans doute parce qu′il s′était donné trop récemment ce nom-là. | -Decidme, hermano escudero: este vuestro señor, ¿no es uno de quien anda impresa una historia que se llama del ingenioso hidalgo don Quijote de la Mancha, que tiene por señora de su alma a una tal Dulcinea del Toboso. | « Dites-moi, frère écuyer, lui demanda la duchesse (dont on n′a jamais su que le titre, mais dont le nom est encore ignoré ), dites-moi, n′est-ce pas de ce chevalier votre maître qu′il circule une histoire imprimée ? N′est-ce pas lui qui s′appelle l′ingénieux hidalgo don Quichotte de la Manche, et n′a-t-il point pour dame de son âme une certaine Dulcinée du Toboso ? | -El mesmo es, señora -respondió Sancho-; y aquel escudero suyo que anda, o debe de andar, en la tal historia, a quien llaman Sancho Panza, soy yo, si no es que me trocaron en la cuna; quiero decir, que me trocaron en la estampa. |  C′est lui-même, madame, répondit Sancho, et ce sien écuyer, qui figure ou doit figurer dans cette histoire, qu′on appelle Sancho Panza, c′est moi, pour vous servir, à moins qu′on ne m′ait changé en nourrice, je veux dire qu′on ne m′ait changé à l′imprimerie. | -De todo eso me huelgo yo mucho -dijo la duquesa-. Id, hermano Panza, y decid a vuestro señor que él sea el bien llegado y el bien venido a mis estados, y que ninguna cosa me pudiera venir que más contento me diera. |  Tout cela me réjouit fort, dit la duchesse. Allez, frère Panza, dites à votre seigneur qu′il soit le bienvenu dans mes terres, et qu′il ne pouvait rien m′arriver qui me donnât plus de satisfaction que sa présence. » | Sancho, con esta tan agradable respuesta, con grandísimo gusto volvió a su amo, a quien contó todo lo que la gran señora le había dicho, levantando con sus rústicos términos a los cielos su mucha fermosura, su gran donaire y cortesía. Don Quijote se gallardeó en la silla, púsose bien en los estribos, acomodóse la visera, arremetió a Rocinante, y con gentil denuedo fue a besar las manos a la duquesa; la cual, haciendo llamar al duque, su marido, le contó, en tanto que don Quijote llegaba, toda la embajada suya; y los dos, por haber leído la primera parte desta historia y haber entendido por ella el disparatado humor de don Quijote, con grandísimo gusto y con deseo de conocerle le atendían, con prosupuesto de seguirle el humor y conceder con él en cuanto les dijese, tratándole como a caballero andante los días que con ellos se detuviese, con todas las ceremonias acostumbradas en los libros de caballerías, que ellos habían leído, y aun les eran muy aficionados. | Avec une aussi agréable réponse, Sancho retourna plein de joie près de son maître, auquel il rapporta tout ce que lui avait dit la grande dame, dont il élevait au ciel, dans ses termes rustiques, la beauté merveilleuse, la grâce et la courtoisie. Don Quichotte se mit gaillardement en selle, s′affermit bien sur ses étriers, arrangea sa visière, donna de l′éperon à Rossinante, et, prenant un air dégagé, alla baiser les mains à la duchesse, laquelle avait fait appeler le duc son mari, et lui racontait, pendant que don Quichotte s′avançait à leur rencontre, l′ambassade qu′elle venait de recevoir. Tous deux avaient lu la première partie de cette histoire, et connaissaient par elle l′extravagante humeur de don Quichotte. Aussi l′attendaient-ils avec une extrême envie de le connaître, dans le dessein de se prêter à son humeur, d′aborder en tout ce qu′il leur dirait, enfin de le traiter en chevalier errant tous les jours qu′il passerait auprès d′eux, avec toutes les cérémonies usitées dans les livres de chevalerie, qu′ils avaient lus en grand nombre, car ils en étaient très-friands. | En esto, llegó don Quijote, alzada la visera; y, dando muestras de apearse, acudió Sancho a tenerle el estribo; pero fue tan desgraciado que, al apearse del rucio, se le asió un pie en una soga del albarda, de tal modo que no fue posible desenredarle, antes quedó colgado dél, con la boca y los pechos en el suelo. Don Quijote, que no tenía en costumbre apearse sin que le tuviesen el estribo, pensando que ya Sancho había llegado a tenérsele, descargó de golpe el cuerpo, y llevóse tras sí la silla de Rocinante, que debía de estar mal cinchado, y la silla y él vinieron al suelo, no sin vergüenza suya y de muchas maldiciones que entre dientes echó al desdichado de Sancho, que aún todavía tenía el pie en la corma. | En ce moment parut don Quichotte, la visière haute, et, comme il fit mine de mettre pied à terre, Sancho se hâta d′aller lui tenir l′étrier. Mais il fut si malchanceux qu′en descendant du grison, il se prit un pied dans la corde du bât, de telle façon qu′il ne lui fut plus possible de s′en dépêtrer, et qu′il y resta pendu, ayant la bouche et la poitrine par terre. Don Quichotte, qui n′avait pas l′habitude de descendre de cheval sans qu′on lui tînt l′étrier, pensant que Sancho était déjà venu le lui prendre, se jeta bas de tout le poids de son corps, emportant avec lui la selle de Rossinante, qui sans doute était mal sanglé, si bien que la selle et lui tombèrent ensemble par terre, non sans grande honte de sa part, et mille malédictions qu′il donnait entre ses dents au pauvre Sancho, qui avait encore le pied dans l′entrave. | El duque mandó a sus cazadores que acudiesen al caballero y al escudero, los cuales levantaron a don Quijote maltrecho de la caída, y, renqueando y como pudo, fue a hincar las rodillas ante los dos señores; pero el duque no lo consintió en ninguna manera, antes, apeándose de su caballo, fue a abrazar a don Quijote, diciéndole. | Le duc envoya ses chasseurs au secours du chevalier et de l′écuyer. Ceux-ci relevèrent don Quichotte, qui, tout maltraité de sa chute, clopinant et comme il put, allait s′agenouiller devant Leurs Seigneuries ; mais le duc ne voulut pas y consentir ; au contraire, il descendit aussi de cheval, et fut embrasser don Quichotte. | -A mí me pesa, señor Caballero de la Triste Figura, que la primera que vuesa merced ha hecho en mi tierra haya sido tan mala como se ha visto; pero descuidos de escuderos suelen ser causa de otros peores sucesos. | « Je regrette, lui dit-il, seigneur chevalier de la Triste-Figure, que la première figure que fasse Votre Grâce sur mes terres soit aussi désagréable qu′on vient de le voir ; mais négligences d′écuyer sont souvent causes de pires événements. | -El que yo he tenido en veros, valeroso príncipe -respondió don Quijote-, es imposible ser malo, aunque mi caída no parara hasta el profundo de los abismos, pues de allí me levantara y me sacara la gloria de haberos visto. Mi escudero, que Dios maldiga, mejor desata la lengua para decir malicias que ata y cincha una silla para que esté firme; pero, comoquiera que yo me halle, caído o levantado, a pie o a caballo, siempre estaré al servicio vuestro y al de mi señora la duquesa, digna consorte vuestra, y digna señora de la hermosura y universal princesa de la cortesía. |  Celui qui me procure l′honneur de vous voir, ô valeureux prince, répondit don Quichotte, ne peut en aucun cas être désagréable, quand même ma chute n′aurait fini qu′au fond des abîmes, car la gloire de vous avoir vu aurait suffi pour m′en tirer et m′en relever. Mon écuyer, maudit soit-il de Dieu ! sait mieux délier la langue pour dire des malices, que lier et sangler une selle pour qu′elle tienne bon. Mais, de quelque manière que je me trouve, tombé ou relevé, à pied ou à cheval, je serai toujours à votre service et à celui de madame la duchesse, votre digne compagne, digne souveraine de la beauté et princesse universelle de la courtoisie. | -¡Pasito, mi señor don Quijote de la Mancha! -dijo el duque-, que adonde está mi señora doña Dulcinea del Toboso no es razón que se alaben otras fermosuras. |  Doucement, doucement, mon seigneur don Quichotte, dit le duc ; là où règne madame doña Dulcinée du Toboso, il n′est pas juste de louer d′autres attraits. » | Ya estaba a esta sazón libre Sancho Panza del lazo, y, hallándose allí cerca, antes que su amo respondiese, dijo. | En ce moment Sancho s′était débarrassé du lacet, et se trouvant près de là, il prit la parole avant que son maître répondît : | -No se puede negar, sino afirmar, que es muy hermosa mi señora Dulcinea del Toboso, pero donde menos se piensa se levanta la liebre; que yo he oído decir que esto que llaman naturaleza es como un alcaller que hace vasos de barro, y el que hace un vaso hermoso también puede hacer dos, y tres y ciento; dígolo porque mi señora la duquesa a fee que no va en zaga a mi ama la señora Dulcinea del Toboso. | « On ne peut nier, dit-il, que madame Dulcinée du Toboso ne soit extrêmement belle, et j′en jurerais par serment ; mais où l′on y pense le moins saute le lièvre, et j′ai ouí¤ire que ce qu′on appelle la nature est comme un potier qui fait des vases de terre. Celui qui fait un beau vase peut bien en faire deux, trois et cent. Si je dis cela, c′est qu′en bonne foi de Dieu madame la duchesse n′a rien à envier à notre maîtresse madame Dulcinée du Toboso. » | Volvióse don Quijote a la duquesa y dijo: | Don Quichotte, se tournant alors vers la duchesse, lui dit : | -Vuestra grandeza imagine que no tuvo caballero andante en el mundo escudero más hablador ni más gracioso del que yo tengo, y él me sacará verdadero si algunos días quisiere vuestra gran celsitud servirse de mí. | « Il faut que Votre Grandeur s′imagine que jamais au monde chevalier errant n′eut un écuyer plus grand parleur et plus agréable plaisant que le mien, et il prouvera la vérité de ce que je dis, si Votre Haute Excellence veut bien me garder quelques jours à son service. » | A lo que respondió la duquesa. | La duchesse répondit : | -De que Sancho el bueno sea gracioso lo estimo yo en mucho, porque es señal que es discreto; que las gracias y los donaires, señor don Quijote, como vuesa merced bien sabe, no asientan sobre ingenios torpes; y, pues el buen Sancho es gracioso y donairoso, desde aquí le confirmo por discreto. | « De ce que le bon Sancho soit plaisant, je l′en estime davantage, car c′est signe qu′il est spirituel. Les bons mots, les saillies, le fin badinage ne sont point, comme Votre Grâce le sait parfaitement, seigneur don Quichotte, le partage des esprits lourds et grossiers ; et, puisque le bon Sancho est rieur et plaisant, je le tiens désormais pour homme d′esprit. | -Y hablador -añadió don Quijote. |  Et bavard, ajouta don Quichotte. | -Tanto que mejor -dijo el duque-, porque muchas gracias no se pueden decir con pocas palabras. Y, porque no se nos vaya el tiempo en ellas, venga el gran Caballero de la Triste Figura. . |  Tant mieux, reprit le duc, car beaucoup de bons mots ne se peuvent dire en peu de paroles. Mais, pour que nous ne perdions pas nous-mêmes le temps à parler, marchons, et que le grand chevalier de la Triste-FigureÂ
| -De los Leones ha de decir vuestra alteza -dijo Sancho-, que ya no hay Triste Figura, ni figuro. | Â Le chevalier des Lions, doit dire Votre Altesse, interrompit Sancho, car il n′y a plus de triste figure. | -Sea el de los Leones- prosiguió el duque-. Digo que venga el señor Caballero de los Leones a un castillo mío que está aquí cerca, donde se le hará el acogimiento que a tan alta persona se debe justamente, y el que yo y la duquesa solemos hacer a todos los caballeros andantes que a él llegan. | L′enseigne est celle des Lions. Â Je dis, poursuivit le duc, que le seigneur chevalier des Lions nous accompagne à un mien château qui est ici près ; il y recevra l′accueil si justement dû à si haute personne, et que la duchesse et moi ne manquons jamais de faire à tous les chevaliers errants qui s′y présentent. » | Ya en esto, Sancho había aderezado y cinchado bien la silla a Rocinante; y, subiendo en él don Quijote, y el duque en un hermoso caballo, pusieron a la duquesa en medio y encaminaron al castillo. Mandó la duquesa a Sancho que fuese junto a ella, porque gustaba infinito de oír sus discreciones. No se hizo de rogar Sancho, y entretejióse entre los tres, y hizo cuarto en la conversación, con gran gusto de la duquesa y del duque, que tuvieron a gran ventura acoger en su castillo tal caballero andante y tal escudero andado. | Sancho, cependant, avait relevé et sanglé la selle de Rossinante. Don Quichotte étant remonté sur son coursier, et le duc sur un cheval magnifique, ils mirent la duchesse entre eux deux, et prirent le chemin du château. La duchesse appela Sancho et le fit marcher à côté d′elle, car elle s′amusait beaucoup d′entendre ses saillies bouffonnes. Sancho ne se fit pas prier, et, se mêlant à travers les trois seigneurs, il se mit de quart dans la conversation, au grand plaisir de la duchesse et de son mari, pour qui c′était une véritable bonne fortune d′héberger dans leur château un tel chevalier errant et un tel écuyer parlant.
| II. Capítulo XXXI. Que trata de muchas y grandes cosas. | Chapitre XI Qui traite d′une foule de grandes choses Suma era la alegría que llevaba consigo Sancho, viéndose, a su parecer, en privanza con la duquesa, porque se le figuraba que había de hallar en su castillo lo que en la casa de don Diego y en la de Basilio, siempre aficionado a la buena vida; y así, tomaba la ocasión por la melena en esto del regalarse cada y cuando que se le ofrecía. | Sancho ne se sentait pas d′aise de se voir ainsi en privauté avec la duchesse, se figurant qu′il allait trouver dans ce château ce qu′il avait déjà trouvé chez don Diego et chez Basile ; et, toujours enclin aux douceurs d′une bonne vie, il prenait par les cheveux, chaque fois qu′elle s′offrait, l′occasion de faire bombance. | Cuenta, pues, la historia, que antes que a la casa de placer o castillo llegasen, se adelantó el duque y dio orden a todos sus criados del modo que habían de tratar a don Quijote; el cual, como llegó con la duquesa a las puertas del castillo, al instante salieron dél dos lacayos o palafreneros, vestidos hasta en pies de unas ropas que llaman de levantar, de finísimo raso carmesí, y, cogiendo a don Quijote en brazos, sin ser oído ni visto, le dijeron. | L′histoire raconte qu′avant qu′ils arrivassent au château ou maison de plaisance, le duc prit les devants, et donna des ordres à tous ses domestiques sur la manière dont ils devaient traiter don Quichotte. Dès que celui-ci parut avec la duchesse aux portes du château, deux laquais ou palefreniers en sortirent, couverts jusqu′aux pieds d′espèces de robes de chambre en satin cramoisi, lesquels, ayant pris don Quichotte entre leurs bras, l′enlevèrent de la selle, et lui dirent : | -Vaya la vuestra grandeza a apear a mi señora la duquesa. | « Que Votre Grandeur aille maintenant descendre de son palefroi madame la duchesse. » | Don Quijote lo hizo, y hubo grandes comedimientos entre los dos sobre el caso; pero, en efecto, venció la porfía de la duquesa, y no quiso decender o bajar del palafrén sino en los brazos del duque, diciendo que no se hallaba digna de dar a tan gran caballero tan inútil carga. En fin, salió el duque a apearla; y al entrar en un gran patio, llegaron dos hermosas doncellas y echaron sobre los hombros a don Quijote un gran manto de finísima escarlata, y en un instante se coronaron todos los corredores del patio de criados y criadas de aquellos señores, diciendo a grandes voces. | Don Quichotte obéit ; mais, après force compliments et cérémonies, après force prières et refus, la duchesse l′emporta dans sa résistance. Elle ne voulut descendre de son palefroi que dans les bras du duc, disant qu′elle ne se trouvait pas digne de charger un si grand chevalier d′un si inutile fardeau. Enfin, le duc vint lui faire mettre pied à terre, et, quand ils entrèrent dans une vaste cour d′honneur, deux jolies damoiselles s′approchèrent et jetèrent sur les épaules de don Quichotte un long manteau de fine écarlate. Aussitôt toutes les galeries de la cour se couronnèrent des valets de la maison qui disaient à grands cris : | -¡Bien sea venido la flor y la nata de los caballeros andantes. | « Bienvenue soit la fleur et la crème des chevaliers errants ! » et qui versaient à l′envi des flacons d′eau de senteur sur don Quichotte et ses illustres hôtes. | Y todos, o los más, derramaban pomos de aguas olorosas sobre don Quijote y sobre los duques, de todo lo cual se admiraba don Quijote; y aquél fue el primer día que de todo en todo conoció y creyó ser caballero andante verdadero, y no fantástico, viéndose tratar del mesmo modo que él había leído se trataban los tales caballeros en los pasados siglos. | Tout cela ravissait don Quichotte, et ce jour fut le premier de sa vie où il se crut et se reconnut chevalier errant véritable et non fantastique, en se voyant traiter de la même manière qu′il avait lu qu′on traitait les chevaliers errants dans les siècles passés. | Sancho, desamparando al rucio, se cosió con la duquesa y se entró en el castillo; y, remordiéndole la conciencia de que dejaba al jumento solo, se llegó a una reverenda dueña, que con otras a recebir a la duquesa había salido, y con voz baja le dijo. | Sancho, laissant là le grison, s′était cousu aux jupons de la duchesse ; et il entra avec elle dans le château. Mais bientôt, se sentant un remords de conscience de laisser son âne tout seul, il s′approcha d′une vénérable duègne, qui était venue avec d′autres recevoir la duchesse, et lui dit à voix basse : | -Señora González, o como es su gracia de vuesa merced... . | « Madame Gonzalez, ou comme on appelle Votre GrâceÂ
| -Doña Rodríguez de Grijalba me llamo -respondió la dueña-. ¿Qué es lo que mandáis, hermano. |  Je m′appelle doña Rodriguez de Grijalva , répondit la duègne ; qu′y a-t-il pour votre service, frère ? | A lo que respondió Sancho. |  Je voudrais, répliqua Sancho, | -Querría que vuesa merced me la hiciese de salir a la puerta del castillo, donde hallará un asno rucio mío; vuesa merced sea servida de mandarle poner, o ponerle, en la caballeriza, porque el pobrecito es un poco medroso, y no se hallará a estar solo en ninguna de las maneras. | que Votre Grâce me fît celle de sortir devant la porte du château, où vous trouverez un âne qui est à moi. Ensuite Votre Grâce aura la bonté de le faire mettre ou de le mettre elle-même dans l′écurie ; car le pauvre petit est un peu timide, et, s′il se voit seul, il ne saura plus que devenir. | -Si tan discreto es el amo como el mozo -respondió la dueña-, ¡medradas estamos! Andad, hermano, mucho de enhoramala para vos y para quien acá os trujo, y tened cuenta con vuestro jumento, que las dueñas desta casa no estamos acostumbradas a semejantes haciendas. |  Si le maître est aussi galant homme que le valet, repartit la duègne, nous avons fait là une belle trouvaille. Allez, frère, à la male heure pour vous et pour qui vous amène, et chargez-vous de votre âne ; nous autres duègnes de cette maison ne sommes pas faites à semblables besognes. | -Pues en verdad -respondió Sancho- que he oído yo decir a mi señor, que es zahorí de las historias, contando aquella de Lanzarote. |  Eh bien, en vérité, répondit Sancho, j′ai ouí¤ire à mon seigneur, qui est au fait des histoires, lorsqu′il racontait celle de Lancelot | cuando de Bretaña vino, que damas curaban dél; y dueñas del su rocino. | quand il vint de Bretagne, que les dames prenaient soin de lui et les duègnes de son bidet , | y que en el particular de mi asno, que no le trocara yo con el rocín del señor Lanzarote. | et certes, pour ce qui est de mon âne, je ne le troquerais pas contre le bidet du seigneur Lancelot. | -Hermano, si sois juglar- replicó la dueña-, guardad vuestras gracias para donde lo parezcan y se os paguen, que de mi no podréis llevar sino una higa. |  Frère, répliqua la duègne, si vous êtes bouffon de votre métier, gardez vos bons mots pour une autre occasion ; attendez qu′ils semblent tels et qu′on vous les paye, car de moi vous ne tirerez rien qu′une figue. | -¡Aun bien -respondió Sancho- que será bien madura, pues no perderá vuesa merced la quínola de sus años por punto menos. |  Elle sera du moins bien mûre, repartit Sancho, pour peu qu′en fait d′années elle gagne le point sur Votre Grâce. | -Hijo de puta -dijo la dueña, toda ya encendida en cólera-, si soy vieja o no, a Dios daré la cuenta, que no a vos, bellaco, harto de ajos. |  Fils de coquine ! s′écria la duègne tout enflammée de colère, si je suis vieille ou non, c′est à Dieu que j′en rendrai compte, et non pas à vous, rustre, manant, mangeur d′ail ! » | Y esto dijo en voz tan alta, que lo oyó la duquesa; y, volviendo y viendo a la dueña tan alborotada y tan encarnizados los ojos, le preguntó con quién las había. | Cela fut dit d′une voix si haute que la duchesse l′entendit ; elle tourna la tête, et, voyant la duègne tout agitée avec les yeux rouges de fureur, elle lui demanda contre qui elle en avait. | -Aquí las he -respondió la dueña- con este buen hombre, que me ha pedido encarecidamente que vaya a poner en la caballeriza a un asno suyo que está a la puerta del castillo, trayéndome por ejemplo que así lo hicieron no sé dónde, que unas damas curaron a un tal Lanzarote, y unas dueñas a su rocino, y, sobre todo, por buen término me ha llamado vieja. | « J′en ai, répondit la duègne, contre ce brave homme, qui m′a demandé très-instamment d′aller mettre à l′écurie un sien âne qui est à la porte du château, me citant pour exemple que cela s′était fait je ne sais où, que des dames pansaient un certain Lancelot et des duègnes son bidet ; puis, pour finir et par-dessus le marché, il m′a appelé vieille. | -Eso tuviera yo por afrenta -respondió la duquesa-, más que cuantas pudieran decirme. |  Oh ! voilà ce que j′aurais pris pour affront, s′écria la duchesse, plus que tout ce qu′on aurait pu me dire. » | Y, hablando con Sancho, le dijo. | Et, se tournant vers Sancho : | -Advertid, Sancho amigo, que doña Rodríguez es muy moza, y que aquellas tocas más las trae por autoridad y por la usanza que por los años. | « Prenez garde, ami Sancho, lui dit-elle, que doña Rodriguez est encore toute jeune, et que ces longues coiffes que vous lui voyez, elle les porte plutôt à cause de l′autorité de sa charge et de l′usage qui le veut ainsi, qu′à cause des années. | -Malos sean los que me quedan por vivir -respondió Sancho-, si lo dije por tanto; sólo lo dije porque es tan grande el cariño que tengo a mi jumento, que me pareció que no podía encomendarle a persona más caritativa que a la señora doña Rodríguez. |  Qu′il ne me reste pas une heure à vivre, répondit Sancho, si je l′ai dit dans cette intention ; oh ! non ; si j′ai parlé de la sorte, c′est que ma tendresse est si grande pour mon âne, que je ne croyais pas pouvoir le recommander à une personne plus charitable que madame doña Rodriguez. » | Don Quijote, que todo lo oía, le dijo. | Don Quichotte, qui entendait tout cela, ne put s′empêcher de dire : | -¿Pláticas son éstas, Sancho, para este lugar. | « Sont-ce là, Sancho, des sujets de conversation pour un lieu tel que celui-ci ? | -Señor -respondió Sancho-, cada uno ha de hablar de su menester dondequiera que estuviere; aquí se me acordó del rucio, y aquí hablé dél; y si en la caballeriza se me acordara, allí hablara. |  Seigneur, répondit Sancho, chacun parle de la nécessité où il se trouve quand il la sent. Ici je me suis souvenu du grison, et ici j′ai parlé de lui ; et si je m′en fusse souvenu à l′écurie, | A lo que dijo el duque. | c′est là que j′en aurais parlé. | -Sancho está muy en lo cierto, y no hay que culparle en nada; al rucio se le dará recado a pedir de boca, y descuide Sancho, que se le tratará como a su mesma persona. |  Sancho est dans le vrai et le certain, ajouta le duc, et je ne vois rien à lui reprocher. Quant au grison, il aura sa ration à bouche que veux-tu ; et que Sancho perde tout souci ; on traitera son âne comme lui-même. » | Con estos razonamientos, gustosos a todos sino a don Quijote, llegaron a lo alto y entraron a don Quijote en una sala adornada de telas riquísimas de oro y de brocado; seis doncellas le desarmaron y sirvieron de pajes, todas industriadas y advertidas del duque y de la duquesa de lo que habían de hacer, y de cómo habían de tratar a don Quijote, para que imaginase y viese que le trataban como caballero andante. Quedó don Quijote, después de desarmado, en sus estrechos greguescos y en su jubón de camuza, seco, alto, tendido, con las quijadas, que por de dentro se besaba la una con la otra; figura que, a no tener cuenta las doncellas que le servían con disimular la risa -que fue una de las precisas órdenes que sus señores les habían dado-, reventaran riendo. | Au milieu de ces propos, qui divertissaient tout le monde, hors don Quichotte, on arriva aux appartements du haut, et l′on fit entrer don Quichotte dans une salle ornée de riches tentures d′or et de brocart. Six demoiselles vinrent le désarmer et lui servir de pages, toutes bien averties par le duc et la duchesse de ce qu′elles devaient faire, et bien instruites sur la manière dont il fallait traiter don Quichotte, pour qu′il s′imaginât et reconnût qu′on le traitait en chevalier errant. Une fois désarmé, don Quichotte resta avec ses étroits hauts-de-chausses et son pourpoint de chamois, sec, maigre, allongé, les mâchoires serrées et les joues si creuses qu′elles se baisaient l′une l′autre dans la bouche ; figure telle que, si les demoiselles qui le servaient n′eussent pas eu grand soin de retenir leur gaieté, suivant les ordres exprès qu′elles en avaient reçus de leurs seigneurs, elles seraient mortes de rire. | Pidiéronle que se dejase desnudar para una camisa, pero nunca lo consintió, diciendo que la honestidad parecía tan bien en los caballeros andantes como la valentía. Con todo, dijo que diesen la camisa a Sancho, y, encerrándose con él en una cuadra donde estaba un rico lecho, se desnudó y vistió la camisa; y, viéndose solo con Sancho, le dijo. | Elles le prièrent de se déshabiller pour qu′on lui passât une chemise ; mais il ne voulut jamais y consentir, disant que la décence ne seyait pas moins que la valeur aux chevaliers errants. Toutefois il demanda qu′on donnât la chemise à Sancho, et, s′étant enfermé avec lui dans une chambre où se trouvait un lit magnifique, il se déshabilla, et passa la chemise. Dès qu′il se vit seul avec Sancho : | -Dime, truhán moderno y majadero antiguo: ¿parécete bien deshonrar y afrentar a una dueña tan veneranda y tan digna de respeto como aquélla? ¿Tiempos eran aquéllos para acordarte del rucio, o señores son éstos para dejar mal pasar a las bestias, tratando tan elegantemente a sus dueños? Por quien Dios es, Sancho, que te reportes, y que no descubras la hilaza de manera que caigan en la cuenta de que eres de villana y grosera tela tejido. Mira, pecador de ti, que en tanto más es tenido el señor cuanto tiene más honrados y bien nacidos criados, y que una de las ventajas mayores que llevan los príncipes a los demás hombres es que se sirven de criados tan buenos como ellos. ¿No adviertes, angustiado de ti, y malaventurado de mí, que si veen que tú eres un grosero villano, o un mentecato gracioso, pensarán que yo soy algún echacuervos, o algún caballero de mohatra? No, no, Sancho amigo, huye, huye destos inconvinientes, que quien tropieza en hablador y en gracioso, al primer puntapié cae y da en truhán desgraciado. Enfrena la lengua, considera y rumia las palabras antes que te salgan de la boca, y advierte que hemos llegado a parte donde, con el favor de Dios y valor de mi brazo, hemos de salir mejorados en tercio y quinto en fama y en hacienda. | « Dis-moi, lui dit-il, bouffon nouveau et imbécile de vieille date, trouves-tu bien d′outrager et de déshonorer une duègne aussi vénérable, aussi digne de respect que l′est celle-là ? Était-ce bien le moment de te souvenir du grison ? ou sont-ce des seigneurs capables de laisser manquer les bêtes, quand ils traitent les maîtres avec tant de magnificence ? Au nom de Dieu, Sancho, corrige-toi, et ne montre pas la corde à ce point qu′on vienne à s′apercevoir que tu n′es tissu que d′une toile rude et grossière. Prends donc garde, pécheur endurci, que le seigneur est tenu d′autant plus en estime qu′il a des serviteurs plus honorables et mieux nés, et qu′un des plus grands avantages qu′ont les princes sur les autres hommes, c′est d′avoir à leur service des gens qui valent autant qu′eux. N′aperçois-tu point, esprit étroit et désespérant, qu′en voyant que tu es un rustre grossier et un méchant diseur de balivernes, on pensera que je suis quelque hobereau de colombier, ou quelque chevalier d′industrie ? Non, non, ami Sancho ; fuis ces écueils, fuis ces dangers ; celui qui se fait beau parleur et mauvais plaisant trébuche au premier choc, et tombe au rôle de misérable bouffon. Retiens ta langue, épluche et rumine tes paroles avant qu′elles te sortent de la bouche, et fais attention que nous sommes arrivés en lieu tel, qu′avec l′aide de Dieu et la valeur de mon bras, nous devons en sortir avantagés, comme on dit, du tiers et du quart, en renommée et en fortune. » | Sancho le prometió con muchas veras de coserse la boca, o morderse la lengua, antes de hablar palabra que no fuese muy a propósito y bien considerada, como él se lo mandaba, y que descuidase acerca de lo tal, que nunca por él se descubriría quién ellos eran. | Sancho promit très-sincèrement à son maître de se coudre la bouche, ou de se mordre la langue plutôt que de dire un mot qui ne fût pas à propos et mûrement considéré, comme il le lui ordonnait. « Vous pouvez, ajouta-t-il, perdre à cet égard tout souci ; ce ne sera jamais par moi qu′on découvrira qui nous sommes. » | Vistióse don Quijote, púsose su tahalí con su espada, echóse el mantón de escarlata a cuestas, púsose una montera de raso verde que las doncellas le dieron, y con este adorno salió a la gran sala, adonde halló a las doncellas puestas en ala, tantas a una parte como a otra, y todas con aderezo de darle aguamanos, la cual le dieron con muchas reverencias y ceremonias. | Don Quichotte, cependant, acheva de s′habiller ; il mit son baudrier et son épée, jeta sur ses épaules le manteau d′écarlate, ajusta sur sa tête une montera de satin vert que lui avaient donnée les demoiselles, et, paré de ce costume, il entra dans la grande salle, où il trouva les mêmes demoiselles, rangées sur deux files, autant d′un côté que de l′autre, et toutes portant des flacons d′eau de senteur, qu′elles lui versèrent sur les mains avec force révérences et cérémonies. | Luego llegaron doce pajes con el maestresala, para llevarle a comer, que ya los señores le aguardaban. Cogiéronle en medio, y, lleno de pompa y majestad, le llevaron a otra sala, donde estaba puesta una rica mesa con solos cuatro servicios. La duquesa y el duque salieron a la puerta de la sala a recebirle, y con ellos un grave eclesiástico, destos que gobiernan las casas de los príncipes; destos que, como no nacen príncipes, no aciertan a enseñar cómo lo han de ser los que lo son; destos que quieren que la grandeza de los grandes se mida con la estrecheza de sus ánimos; destos que, queriendo mostrar a los que ellos gobiernan a ser limitados, les hacen ser miserables; destos tales, digo que debía de ser el grave religioso que con los duques salió a recebir a don Quijote. Hiciéronse mil corteses comedimientos, y, finalmente, cogiendo a don Quijote en medio, se fueron a sentar a la mesa. | Bientôt arrivèrent douze pages, ayant à leur tête le maître d′hôtel, pour le conduire à la table où l′attendaient les maîtres du logis. Ils le prirent au milieu d′eux, et le menèrent, plein de pompe et de majesté, dans une autre salle, où l′on avait dressé une table somptueuse, avec quatre couverts seulement. Le duc et la duchesse s′avancèrent jusqu′à la porte de la salle pour le recevoir ; ils étaient accompagnés d′un grave ecclésiastique, de ceux qui gouvernent les maisons des grands seigneurs ; de ceux qui, n′étant pas nés grands seigneurs, ne sauraient apprendre à ceux qui le sont comment ils doivent l′être ; de ceux qui veulent que la grandeur des grands se mesure à la petitesse de leur esprit ; de ceux enfin qui, voulant instruire ceux qu′ils gouvernent à réduire leurs libéralités, les font paraître mesquins et misérables . De ces gens-là sans doute était le grave religieux qui vint avec le duc et la duchesse à la rencontre de don Quichotte. Ils se firent mille courtoisies mutuelles, et finalement ayant placé don Quichotte entre eux, ils allèrent s′asseoir à la table. | Convidó el duque a don Quijote con la cabecera de la mesa, y aunque él lo rehusó, las importunaciones del duque fueron tantas que la hubo de tomar. El eclesiástico se sentó frontero, y el duque y la duquesa a los dos lados. | Le duc offrit le haut bout à don Quichotte, et, bien que celui-ci le refusât d′abord, les instances du duc furent telles qu′il dut à la fin l′accepter. L′ecclésiastique s′assit en face du chevalier, le duc et la duchesse aux deux côtés de la table. | A todo estaba presente Sancho, embobado y atónito de ver la honra que a su señor aquellos príncipes le hacían; y, viendo las muchas ceremonias y ruegos que pasaron entre el duque y don Quijote para hacerle sentar a la cabecera de la mesa, dijo. | À tout cela Sancho se trouvait présent, stupéfait, ébahi des honneurs que ces princes rendaient à son maître. Quand il vit les cérémonies et les prières qu′adressait le duc à don Quichotte pour le faire asseoir au haut bout de la table, il prit la parole : | -Si sus mercedes me dan licencia, les contaré un cuento que pasó en mi pueblo acerca desto de los asientos. | « Si Vos Grâces, dit-il, veulent bien m′en donner la permission, je leur conterai une histoire qui est arrivée dans mon village à propos des places à table. » | Apenas hubo dicho esto Sancho, cuando don Quijote tembló, creyendo sin duda alguna que había de decir alguna necedad. Miróle Sancho y entendióle, y dijo. | À peine Sancho eut-il ainsi parlé, que don Quichotte trembla de tout son corps, persuadé qu′il allait dire quelque sottise. Sancho le regarda, le comprit, et lui dit : | -No tema vuesa merced, señor mío, que yo me desmande, ni que diga cosa que no venga muy a pelo, que no se me han olvidado los consejos que poco ha vuesa merced me dio sobre el hablar mucho o poco, o bien o mal. | « Ne craignez pas que je m′oublie, mon seigneur, ni que je dise une chose qui ne vienne pas juste à point. Je n′ai pas encore perdu la mémoire des conseils que Votre Grâce me donnait tout à l′heure sur ce qui est de parler peu ou prou, bien ou mal. | -Yo no me acuerdo de nada, Sancho -respondió don Quijote-; di lo que quisieres, como lo digas presto. |  Je ne me souviens de rien, répondit don Quichotte ; dis ce que tu voudras, pourvu que tu le dises vite. | -Pues lo que quiero decir -dijo Sancho- es tan verdad, que mi señor don Quijote, que está presente, no me dejará mentir. |  Ce que je veux dire, reprit Sancho, est si bien la vérité pure, que mon seigneur don Quichotte ici présent ne me laissera pas mentir. | -Por mí -replicó don Quijote-, miente tú, Sancho, cuanto quisieres, que yo no te iré a la mano, pero mira lo que vas a decir. |  Que m′importe ? répliqua don Quichotte ; mens, Sancho, tant qu′il te plaira, ce n′est pas moi qui t′en empêcherai ; seulement prends garde à ce que tu vas dire. | -Tan mirado y remirado lo tengo, que a buen salvo está el que repica, como se verá por la obra. |  J′y ai si bien pris garde et si bien regardé, repartit Sancho, qu′on peut dire cette fois que celui qui sonne les cloches est en sûreté, et c′est ce qu′on va voir à l′œuvre. | -Bien será -dijo don Quijote- que vuestras grandezas manden echar de aquí a este tonto, que dirá mil patochadas. |  Il me semble, interrompit don Quichotte, que Vos Seigneuries feraient bien de faire chasser d′ici cet imbécile, qui dira mille stupidités. | -Por vida del duque -dijo la duquesa-, que no se ha de apartar de mí Sancho un punto: quiérole yo mucho, porque sé que es muy discreto. |  Par la vie du duc, dit la duchesse, Sancho ne me quittera pas d′un pas. Je l′aime beaucoup, car je sais qu′il est très-spirituel. | -Discretos días -dijo Sancho- viva vuestra santidad por el buen crédito que de mí tiene, aunque en mí no lo haya. Y el cuento que quiero decir es éste: « Convidó un hidalgo de mi pueblo, muy rico y principal, porque venía de los Álamos de Medina del Campo, que casó con doña Mencía de Quiñones, que fue hija de don Alonso de Marañón, caballero del hábito de Santiago, que se ahogó en la Herradura, por quien hubo aquella pendencia años ha en nuestro lugar, que, a lo que entiendo, mi señor don Quijote se halló en ella, de donde salió herido Tomasillo el Travieso, el hijo de Balbastro el herrero...» ¿No es verdad todo esto, señor nuestro amo? Dígalo, por su vida, porque estos señores no me tengan por algún hablador mentiroso. |  Spirituels soient aussi les jours de Votre Sainteté ! s′écria Sancho, pour la bonne estime que vous faites de moi, bien que je n′en sois pas digne. Mais voici le conte que je veux conter ; Un jour, il arriva qu′un hidalgo de mon village, très-riche et de grande qualité, car il descendait des Alamos de Medina-del-Campo, lequel avait épousé doña Mencia de Quiñonès, fille de don Alonzo de Marañon, chevalier de l′ordre de Saint-Jacques qui se noya à l′île de la Herradura , pour qui s′éleva cette grande querelle qu′il y eut, il y a quelques années, dans notre village, où se trouva, si je ne me trompe, mon seigneur don Quichotte, et où fut blessé Tomasillo le garnement, fils de Balbastro le maréchalÂ
N′est-ce pas vrai, tout cela, seigneur notre maître ? dites-le, par votre vie, afin que ces seigneurs ne me prennent pas pour quelque menteur bavard. | -Hasta ahora -dijo el eclesiástico-, más os tengo por hablador que por mentiroso, pero de aquí adelante no sé por lo que os tendré. | Â Jusqu′à présent, dit l′ecclésiastique, je vous tiendrai plutôt pour bavard que pour menteur ; plus tard, je ne sais trop ce que je penserai de vous. | -Tú das tantos testigos, Sancho, y tantas señas, que no puedo dejar de decir que debes de decir verdad. Pasa adelante y acorta el cuento, porque llevas camino de no acabar en dos días. | Â Tu prends tant de gens à témoin, Sancho, répondit don Quichotte, et tu cites tant d′enseignes, que je ne puis m′empêcher de convenir que tu dis sans doute la vérité. Mais continue, et abrège l′histoire, car tu prends le chemin de ne pas finir en deux jours. | -No ha de acortar tal -dijo la duquesa-, por hacerme a mí placer; antes, le ha de contar de la manera que le sabe, aunque no le acabe en seis días; que si tantos fuesen, serían para mí los mejores que hubiese llevado en mi vida. | Â Qu′il n′abrège pas, s′écria la duchesse, s′il veut me faire plaisir, mais qu′il conte son histoire comme il la sait, dût-il ne pas finir de six jours, car s′il ne met autant à la conter, ce seront les meilleurs jours que j′aurai passés de ma vie. | -« Digo, pues, señores míos -prosiguió Sancho-, que este tal hidalgo, que yo conozco como a mis manos, porque no hay de mi casa a la suya un tiro de ballesta, convidó un labrador pobre, pero honrado. | Â Je dis donc, mes bons seigneurs, continua Sancho, que cet hidalgo, que je connais comme mes mains, puisqu′il n′y a pas de ma maison à la sienne une portée de mousquet, invita à dîner un laboureur pauvre, mais honnête homme. | -Adelante, hermano -dijo a esta sazón el religioso-, que camino lleváis de no parar con vuestro cuento hasta el otro mundo. | Â Au fait, frère, au fait, s′écria le religieux, vous prenez la route de ne pas arriver au bout de votre histoire d′ici à l′autre monde. | -A menos de la mitad pararé, si Dios fuere servido -respondió Sancho-. « Y así, digo que, llegando el tal labrador a casa del dicho hidalgo convidador, que buen poso haya su ánima, que ya es muerto, y por más señas dicen que hizo una muerte de un ángel, que yo no me hallé presente, que había ido por aquel tiempo a segar a Tembleque. . | Â J′y arriverai bien à mi-chemin, s′il plaît à Dieu, répondit Sancho. Je dis donc que ce laboureur étant arrivé chez cet hidalgo qui l′avait invité, que Dieu veuille avoir recueilli son âme, car il est mort à présent, et à telles enseignes qu′il fit, dit-on, une vraie mort d′ange ; mais je ne m′y trouvai pas présent, car alors j′avais été faire la moisson à Temblèque. | -Por vida vuestra, hijo, que volváis presto de Tembleque, y que, sin enterrar al hidalgo, si no queréis hacer más exequias, acabéis vuestro cuento. | Â Par votre vie, frère, s′écria de nouveau le religieux, revenez vite de Tremblèque, et, sans enterrer votre hidalgo, si vous ne voulez nous enterrer aussi, dépêchez votre histoire. | -« Es, pues, el caso -replicó Sancho- que, estando los dos para asentarse a la mesa, que parece que ahora los veo más que nunca. . | Â Le cas est, reprit Sancho, qu′étant tous deux sur le point de se mettre à table il me semble que je les vois à présent mieux que jamaisÂ
» | Gran gusto recebían los duques del disgusto que mostraba tomar el buen religioso de la dilación y pausas con que Sancho contaba su cuento, y don Quijote se estaba consumiendo en cólera y en rabia. | Le duc et la duchesse prenaient grand plaisir au déplaisir que montrait le bon religieux des pauses et des interruptions que mettait Sancho à conter son histoire, et don Quichotte se consumait dans une rage concentrée. | -« Digo, así -dijo Sancho-, que, estando, como he dicho, los dos para sentarse a la mesa, el labrador porfiaba con el hidalgo que tomase la cabecera de la mesa, y el hidalgo porfiaba también que el labrador la tomase, porque en su casa se había de hacer lo que él mandase; pero el labrador, que presumía de cortés y bien criado, jamás quiso, hasta que el hidalgo, mohíno, poniéndole ambas manos sobre los hombros, le hizo sentar por fuerza, diciéndole: ′′Sentaos, majagranzas, que adondequiera que yo me siente será vuestra cabecera′′. Y éste es el cuento, y en verdad que creo que no ha sido aquí traído fuera de propósito. | « Je dis donc, reprit Sancho, qu′étant tous deux comme j′ai dit, prêts à s′attabler, le laboureur s′opiniâtrait à ce que l′hidalgo prît le haut de la table, et l′hidalgo s′opiniâtrait également à ce que le laboureur le prît, disant qu′il fallait faire chez lui ce qu′il ordonnait. Mais le laboureur, qui se piquait d′être courtois et bien élevé, ne voulut jamais y consentir, jusqu′à ce qu′enfin l′hidalgo, impatienté, lui mettant les deux mains sur les épaules, le fit asseoir par force, en lui disant : « Asseyez-vous, lourdaud ; quelque part que je me place, je tiendrai toujours votre haut bout. » Voilà mon histoire, et je crois, en vérité, qu′elle ne vient pas si mal à propos. » | Púsose don Quijote de mil colores, que sobre lo moreno le jaspeaban y se le parecían; los señores disimularon la risa, porque don Quijote no acabase de correrse, habiendo entendido la malicia de Sancho; y, por mudar de plática y hacer que Sancho no prosiguiese con otros disparates, preguntó la duquesa a don Quijote que qué nuevas tenía de la señora Dulcinea, y que si le había enviado aquellos días algunos presentes de gigantes o malandrines, pues no podía dejar de haber vencido muchos. A lo que don Quijote respondió. | Don Quichotte rougit, pâlit, prit toutes sortes de couleurs, qui sur son teint brun semblaient lui jasper le visage. Le duc et la duchesse continrent leur envie de rire pour que don Quichotte n′achevât point d′éclater, car ils avaient compris la malice de Sancho ; et, pour changer d′entretien, afin que Sancho ne se lançât point dans d′autres sottises, la duchesse demanda à don Quichotte quelles nouvelles il avait de madame Dulcinée, et s′il lui avait envoyé ces jours passés quelque présent de géants ou de malandrins , car il ne pouvait manquer d′en avoir vaincu plusieurs. | -Señora mía, mis desgracias, aunque tuvieron principio, nunca tendrán fin. Gigantes he vencido, y follones y malandrines le he enviado, pero ¿adónde la habían de hallar, si está encantada y vuelta en la más fea labradora que imaginar se puede. | « Madame, répondit don Quichotte, mes disgrâces, bien qu′elles aient eu un commencement, n′auront jamais de fin. Des géants, j′en ai vaincu ; des félons et des malandrins, je lui en ai envoyé ; mais où pouvaient-ils la trouver, puisqu′elle est enchantée et changée en la plus laide paysanne qui se puisse imaginer ? | -No sé -dijo Sancho Panza-, a mí me parece la más hermosa criatura del mundo; a lo menos, en la ligereza y en el brincar bien sé yo que no dará ella la ventaja a un volteador; a buena fe, señora duquesa, así salta desde el suelo sobre una borrica como si fuera un gato. | Â Je n′y comprends rien, interrompit Sancho Panza ; à moi elle me semble la plus belle créature du monde. Au moins, pour la légèreté et la cabriole, je sais bien qu′elle en revendrait à un danseur de corde. En bonne foi de Dieu, madame la duchesse, elle vous saute de terre sur une bourrique, comme le ferait un chat. | -¿Habéisla visto vos encantada, Sancho? -preguntó el duque. | Â L′avez-vous vue enchantée, Sancho ? demanda le duc. | -Y ¡cómo si la he visto! -respondió Sancho-. Pues, ¿quién diablos sino yo fue el primero que cayó en el achaque del encantorio? ¡Tan encantada está como mi padre. | Â Comment, si je l′ai vue ! répondit Sancho ; et qui diable, si ce n′est moi, a donné le premier dans l′histoire de l′enchantement ? elle est, pardieu, aussi enchantée que mon père. » | El eclesiástico, que oyó decir de gigantes, de follones y de encantos, cayó en la cuenta de que aquél debía de ser don Quijote de la Mancha, cuya historia leía el duque de ordinario, y él se lo había reprehendido muchas veces, diciéndole que era disparate leer tales disparates; y, enterándose ser verdad lo que sospechaba, con mucha cólera, hablando con el duque, le dijo. | L′ecclésiastique, qui entendait parler de géants, de malandrins, d′enchantements, finit par se douter que ce nouveau venu pourrait bien être ce don Quichotte de la Manche dont le duc lisait habituellement l′histoire, chose qu′il lui avait plusieurs fois reprochée, disant qu′il était extravagant de lire de telles extravagances. Quand il se fut assuré que ce qu′il soupçonnait était la vérité, il se tourna plein de colère vers le duc : | -Vuestra Excelencia, señor mío, tiene que dar cuenta a Nuestro Señor de lo que hace este buen hombre. Este don Quijote, o don Tonto, o como se llama, imagino yo que no debe de ser tan mentecato como Vuestra Excelencia quiere que sea, dándole ocasiones a la mano para que lleve adelante sus sandeces y vaciedades. | « Votre Excellence, monseigneur, lui dit-il, aura un jour à rendre compte à Notre-Seigneur de ce que fait ce pauvre homme. Ce don Quichotte, ou don Nigaud, ou comme il s′appelle, ne doit pas être, à ce que j′imagine, aussi fou que Votre Excellence veut qu′il le soit, en lui fournissant des occasions de lâcher la bride à ses impertinences et à ses lubies. » | Y, volviendo la plática a don Quijote, le dijo. | Puis, adressant la parole à don Quichotte, il ajouta : | -Y a vos, alma de cántaro, ¿quién os ha encajado en el celebro que sois caballero andante y que vencéis gigantes y prendéis malandrines? Andad en hora buena, y en tal se os diga: volveos a vuestra casa, y criad vuestros hijos, si los tenéis, y curad de vuestra hacienda, y dejad de andar vagando por el mundo, papando viento y dando que reír a cuantos os conocen y no conocen. ¿En dónde, nora tal, habéis vos hallado que hubo ni hay ahora caballeros andantes? ¿Dónde hay gigantes en España, o malandrines en la Mancha, ni Dulcineas encantadas, ni toda la caterva de las simplicidades que de vos se cuentan. | « Et vous, tête à l′envers, qui vous a fourré dans la cervelle que vous êtes chevalier errant, que vous vainquez des géants et arrêtez des malandrins ? Allez, et que Dieu vous conduise ; retournez à votre maison, élevez vos enfants, si vous en avez, prenez soin de votre bien, et cessez de courir le monde comme un vagabond, bayant aux corneilles, et prêtant à rire à tous ceux qui vous connaissent et ne vous connaissent pas. Où diable avez-vous donc trouvé qu′il y eût ou qu′il y ait à cette heure des chevaliers errants ? Où donc y a-t-il des géants en Espagne, ou des malandrins dans la Manche ? Où donc y a-t-il des Dulcinées enchantées, et tout ce ramas de simplicités qu′on raconte de vous ? » | Atento estuvo don Quijote a las razones de aquel venerable varón, y, viendo que ya callaba, sin guardar respeto a los duques, con semblante airado y alborotado rostro, se puso en pie y dijo. . | Don Quichotte avait écouté dans une silencieuse attention les propos de ce vénérable personnage. Mais voyant qu′enfin il se taisait, sans respect pour ses illustres hôtes, l′air menaçant et le visage enflammé de colère, il se leva tout debout, et s′écriaÂ
| Pero esta respuesta capítulo por sí merece. | Mais cette réponse mérite bien un chapitre à part.
| II. Capítulo XXXII. De la respuesta que dio don Quijote a su reprehensor, con otros graves y graciosos sucesos. | Chapitre XXXII De la réponse que fit don Quichotte à son censeur ainsi que d′autres graves et gracieux événement Levantado, pues, en pie don Quijote, temblando de los pies a la cabeza como azogado, con presurosa y turbada lengua, dijo. | S′étant donc levé tout debout et tremblant des pieds à la tête comme un épileptique, don Quichotte s′écria d′une voix émue et précipitée : | -El lugar donde estoy, y la presencia ante quien me hallo y el respeto que siempre tuve y tengo al estado que vuesa merced profesa tienen y atan las manos de mi justo enojo; y, así por lo que he dicho como por saber que saben todos que las armas de los togados son las mesmas que las de la mujer, que son la lengua, entraré con la mía en igual batalla con vuesa merced, de quien se debía esperar antes buenos consejos que infames vituperios. Las reprehensiones santas y bien intencionadas otras circunstancias requieren y otros puntos piden: a lo menos, el haberme reprehendido en público y tan ásperamente ha pasado todos los límites de la buena reprehensión, pues las primeras mejor asientan sobre la blandura que sobre la aspereza, y no es bien que, sin tener conocimiento del pecado que se reprehende, llamar al pecador, sin más ni más, mentecato y tonto. Si no, dígame vuesa merced: ¿por cuál de las mentecaterías que en mí ha visto me condena y vitupera, y me manda que me vaya a mi casa a tener cuenta en el gobierno della y de mi mujer y de mis hijos, sin saber si la tengo o los tengo? ¿No hay más sino a troche moche entrarse por las casas ajenas a gobernar sus dueños, y, habiéndose criado algunos en la estrecheza de algún pupilaje, sin haber visto más mundo que el que puede contenerse en veinte o treinta leguas de distrito, meterse de rondón a dar leyes a la caballería y a juzgar de los caballeros andantes? ¿Por ventura es asumpto vano o es tiempo mal gastado el que se gasta en vagar por el mundo, no buscando los regalos dél, sino las asperezas por donde los buenos suben al asiento de la inmortalidad? Si me tuvieran por tonto los caballeros, los magníficos, los generosos, los altamente nacidos, tuviéralo por afrenta inreparable; pero de que me tengan por sandio los estudiantes, que nunca entraron ni pisaron las sendas de la caballería, no se me da un ardite: caballero soy y caballero he de morir si place al Altísimo. Unos van por el ancho campo de la ambición soberbia; otros, por el de la adulación servil y baja; otros, por el de la hipocresía engañosa, y algunos, por el de la verdadera religión; pero yo, inclinado de mi estrella, voy por la angosta senda de la caballería andante, por cuyo ejercicio desprecio la hacienda, pero no la honra. Yo he satisfecho agravios, enderezado tuertos, castigado insolencias, vencido gigantes y atropellado vestiglos; yo soy enamorado, no más de porque es forzoso que los caballeros andantes lo sean; y, siéndolo, no soy de los enamorados viciosos, sino de los platónicos continentes. Mis intenciones siempre las enderezo a buenos fines, que son de hacer bien a todos y mal a ninguno; si el que esto entiende, si el que esto obra, si el que desto trata merece ser llamado bobo, díganlo vuestras grandezas, duque y duquesa excelentes. | « Le lieu où je suis, la présence des personnages devant qui je me trouve, le respect que j′eus et que j′aurai toujours pour le caractère dont Votre Grâce est revêtue, enchaînent les mains à mon juste ressentiment. Ainsi donc, pour ce que je viens de dire, et pour savoir ce que tout le monde sait, que les armes des gens de robe sont les mêmes que celles de la femme, c′est-à-dire la langue, j′entrerai avec la mienne en combat égal avec Votre Grâce, de qui l′on devait attendre plutôt de bons conseils que des reproches infamants. Les remontrances saintes et bien intentionnées exigent d′autres circonstances, et demandent d′autres formes. Du moins, me reprendre ainsi en public, et avec tant d′aigreur, cela passe toutes les bornes de la juste réprimande, qui sied mieux s′appuyant sur la douceur que sur l′âpreté ; et ce n′est pas bien, n′ayant aucune connaissance du péché que l′on censure, d′appeler le pécheur, sans plus de façon, extravagant et imbécile. Mais dites-moi, pour laquelle des extravagances que vous m′avez vu faire me blâmez-vous, me condamnez-vous, me renvoyez-vous gouverner ma maison, et prendre soin de ma femme et de mes enfants, sans savoir si j′ai des enfants et une femme ? N′y a-t-il autre chose à faire que de s′introduire à tort et à travers dans les maisons d′autrui pour en gouverner les maîtres ? et faut-il, quand on s′est élevé dans l′étroite enceinte de quelque pensionnat, sans avoir jamais vu plus de monde que n′en peuvent contenir vingt ou trente lieues de district, se mêler d′emblée de donner des lois à la chevalerie et de juger les chevaliers errants ? Est-ce, par hasard, une vaine occupation, est-ce un temps mal employé que celui que l′on consacre à courir le monde, non point pour en chercher les douceurs, mais bien les épines, au travers desquelles les gens de bien montent s′asseoir à l′immortalité ? Si j′étais tenu pour imbécile par les gentilshommes, par les gens magnifiques, généreux, de haute naissance, ah ! j′en ressentirais un irréparable affront ; mais que des pédants, qui n′ont jamais foulé les routes de la chevalerie, me tiennent pour insensé, je m′en ris comme d′une obole. Chevalier je suis, et chevalier je mourrai, s′il plaît au Très-Haut. Les uns suivent le large chemin de l′orgueilleuse ambition ; d′autres, celui de l′adulation basse et servile ; d′autres encore, celui de l′hypocrisie trompeuse ; et quelques-uns enfin, celui de la religion sincère. Quant à moi, poussé par mon étoile, je marche dans l′étroit sentier de la chevalerie errante, méprisant, pour exercer cette profession, la fortune, mais non point l′honneur. J′ai vengé des injures, redressé des torts, châtié des insolences, vaincu des géants, affronté des monstres et des fantômes. Je suis amoureux, uniquement parce qu′il est indispensable que les chevaliers errants le soient ; et l′étant, je ne suis pas des amoureux déréglés, mais des amoureux continents et platoniques. Mes intentions sont toujours dirigées à bonne fin, c′est-à-dire à faire du bien à tous, à ne faire du mal à personne. Si celui qui pense ainsi, qui agit ainsi, qui s′efforce de mettre tout cela en pratique, mérite qu′on l′appelle nigaud, je m′en rapporte à Vos Grandeurs, excellents duc et duchesse. | -¡Bien, por Dios! -dijo Sancho-. No diga más vuestra merced, señor y amo mío, en su abono, porque no hay más que decir, ni más que pensar, ni más que perseverar en el mundo. Y más, que, negando este señor, como ha negado, que no ha habido en el mundo, ni los hay, caballeros andantes, ¿qué mucho que no sepa ninguna de las cosas que ha dicho. |  Bien, pardieu, bien ! s′écria Sancho. Ne dites rien de plus pour votre défense, mon seigneur et maître ; car il n′y a rien de plus à dire, rien de plus à penser, rien de plus à soutenir dans le monde. D′ailleurs, puisque ce seigneur a nié, comme il l′a fait, qu′il y ait eu et qu′il y ait des chevaliers errants, qu′y a-t-il d′étonnant qu′il ne sache pas un mot des choses qu′il a dites ? | -¿Por ventura -dijo el eclesiástico- sois vos, hermano, aquel Sancho Panza que dicen, a quien vuestro amo tiene prometida una ínsula. |  Seriez-vous par hasard, frère, demanda l′ecclésiastique, ce Sancho Panza dont on parle, à qui votre maître a promis une île ? | -Sí soy -respondió Sancho-; y soy quien la merece tan bien como otro cualquiera; soy quien "júntate a los buenos y serás uno dellos", y soy yo de aquellos "no con quien naces, sino con quien paces", y de los "quien a buen árbol se arrima, buena sombra le cobija". Yo me he arrimado a buen señor, y ha muchos meses que ando en su compañía, y he de ser otro como él, Dios queriendo; y viva él y viva yo: que ni a él le faltarán imperios que mandar ni a mí ínsulas que gobernar. |  Oui, certes, je le suis, répondit Sancho ; je suis qui la mérite aussi bien que tout autre. Je suis de ceux-là : « Réunis-toi aux bons, et tu deviendras l′un d′eux » et de ceux-là aussi : « Non avec qui tu nais, mais avec qui tu pais » et de ceux-là encore : « Qui s′attache à bon arbre en reçoit bonne ombre. » Je me suis attaché à un bon maître, et il y a bien des mois que je vais en sa compagnie, et je deviendrai un autre lui-même, avec la permission de Dieu. Vive lui et vive moi ! car ni les empires ne lui manqueront à commander, ni à moi les îles à gouverner. | -No, por cierto, Sancho amigo -dijo a esta sazón el duque-, que yo, en nombre del señor don Quijote, os mando el gobierno de una que tengo de nones, de no pequeña calidad. |  Non, assurément, ami Sancho, s′écria le duc ; et moi, au nom du seigneur don Quichotte, je vous donne le gouvernement d′une île que j′ai vacante à présent, et non de médiocre qualité. | -Híncate de rodillas, Sancho -dijo don Quijote-, y besa los pies a Su Excelencia por la merced que te ha hecho. |  Va te mettre à genoux, dit don Quichotte, et baise les pieds à Son Excellence pour la grâce qu′elle te fait. » | Hízolo así Sancho; lo cual visto por el eclesiástico, se levantó de la mesa, mohíno además, diciendo. | Sancho s′empressa d′obéir. À cette vue, l′ecclésiastique se leva de table, plein de dépit et de colère. | -Por el hábito que tengo, que estoy por decir que es tan sandio Vuestra Excelencia como estos pecadores. ¡Mirad si no han de ser ellos locos, pues los cuerdos canonizan sus locuras! Quédese Vuestra Excelencia con ellos; que, en tanto que estuvieren en casa, me estaré yo en la mía, y me escusaré de reprehender lo que no puedo remediar. | « Par l′habit que je porte, s′écria-t-il, je dirais volontiers que Votre Excellence est aussi insensée que ces pécheurs. Comment ne seraient-ils pas fous, quand les sages canonisent leurs folies ? Que Votre Excellence reste avec eux ; tant qu′ils seront dans cette maison, je me tiendrai dans la mienne, et me dispenserai de reprendre ce que je ne puis corriger. » | Y, sin decir más ni comer más, se fue, sin que fuesen parte a detenerle los ruegos de los duques; aunque el duque no le dijo mucho, impedido de la risa que su impertinente cólera le había causado. Acabó de reír y dijo a don Quijote. | Là-dessus, il s′en alla, sans dire ni manger davantage, et sans qu′aucune prière pût le retenir. Il est vrai que le duc ne le pressa pas beaucoup, empêché qu′il était par l′envie de rire que lui avait causée son impertinente colère. Quand il eut ri tout à son aise, il dit à don Quichotte : | -Vuesa merced, señor Caballero de los Leones, ha respondido por sí tan altamente que no le queda cosa por satisfacer deste que, aunque parece agravio, no lo es en ninguna manera; porque, así como no agravian las mujeres, no agravian los eclesiásticos, como vuesa merced mejor sabe. | « Votre Grâce, seigneur chevalier des Lions, a répondu si hautement, si victorieusement, qu′il ne vous reste rien à relever dans cette injure, qui paraît un affront, mais ne l′est en aucune manière ; car, de même que les femmes ne peuvent outrager, les ecclésiastiques, comme Votre Grâce le sait bien, ne le peuvent pas davantage. | -Así es -respondió don Quijote-, y la causa es que el que no puede ser agraviado no puede agraviar a nadie. Las mujeres, los niños y los eclesiásticos, como no pueden defenderse, aunque sean ofendidos, no pueden ser afrentados; porque entre el agravio y la afrenta hay esta diferencia, como mejor Vuestra Excelencia sabe: la afrenta viene de parte de quien la puede hacer, y la hace y la sustenta; el agravio puede venir de cualquier parte, sin que afrente. Sea ejemplo: está uno en la calle descuidado, llegan diez con mano armada, y, dándole de palos, pone mano a la espada y hace su deber, pero la muchedumbre de los contrarios se le opone, y no le deja salir con su intención, que es de vengarse; este tal queda agraviado, pero no afrentado. Y lo mesmo confirmará otro ejemplo: está uno vuelto de espaldas, llega otro y dale de palos, y en dándoselos huye y no espera, y el otro le sigue y no alcanza; este que recibió los palos, recibió agravio, mas no afrenta, porque la afrenta ha de ser sustentada. Si el que le dio los palos, aunque se los dio a hurta cordel, pusiera mano a su espada y se estuviera quedo, haciendo rostro a su enemigo, quedara el apaleado agraviado y afrentado juntamente: agraviado, porque le dieron a traición; afrentado, porque el que le dio sustentó lo que había hecho, sin volver las espaldas y a pie quedo. Y así, según las leyes del maldito duelo, yo puedo estar agraviado, mas no afrentado; porque los niños no sienten, ni las mujeres, ni pueden huir, ni tienen para qué esperar, y lo mesmo los constituidos en la sacra religión, porque estos tres géneros de gente carecen de armas ofensivas y defensivas; y así, aunque naturalmente estén obligados a defenderse, no lo están para ofender a nadie. Y, aunque poco ha dije que yo podía estar agraviado, agora digo que no, en ninguna manera, porque quien no puede recebir afrenta, menos la puede dar; por las cuales razones yo no debo sentir, ni siento, las que aquel buen hombre me ha dicho; sólo quisiera que esperara algún poco, para darle a entender en el error en que está en pensar y decir que no ha habido, ni los hay, caballeros andantes en el mundo; que si lo tal oyera Amadís, o uno de los infinitos de su linaje, yo sé que no le fuera bien a su merced. |  Cela est vrai, répondit don Quichotte, et la cause en est que celui qui ne peut être outragé ne peut outrager personne. Les femmes, les enfants, les prêtres, ne pouvant se défendre même s′ils sont offensés, ne peuvent recevoir d′outrage. Entre l′affront et l′offense il y a, en effet, cette différence-ci, comme Votre Excellence le sait mieux que moi ; l′affront vient de la part de celui qui peut le faire, le fait et le soutient ; l′offense peut venir de la part de quiconque, sans causer d′affront. Par exemple, quelqu′un est dans la rue, ne songeant à rien ; dix hommes viennent à main armée et lui donnent des coups de bâton ; il met l′épée à la main, et fait son devoir ; mais la multitude des ennemis l′empêche de remplir son intention, qui est de se venger. Celui-là a reçu une offense, mais pas un affront. Un autre exemple confirmera cette vérité ; Quelqu′un tourne le dos, un autre arrive par derrière, et le frappe avec un bâton ; mais, après l′avoir frappé, il se sauve sans l′attendre. Le premier le poursuit, et ne peut l′attraper. Celui qui a reçu les coups de bâton a reçu une offense, mais non pas un affront, qui, pour être tel, doit être soutenu. Si celui qui a donné les coups, même à la dérobée, eût mis l′épée à la main et fût resté de pied ferme, faisant tête à son ennemi, le battu serait resté avec une offense et un affront tout à la fois ; avec une offense, parce qu′on l′aurait frappé par trahison ; avec un affront, parce que celui qui l′a frappé aurait soutenu ce qu′il avait fait, sans tourner le dos et de pied ferme. Ainsi, suivant les lois du maudit duel, j′ai pu recevoir une offense, mais non pas un affront. En effet, ni les enfants, ni les femmes ne ressentent un outrage ; ils ne peuvent pas fuir, et n′ont aucune raison d′attendre. Il en est de même des ministres de la sainte religion, parce que ces trois espèces de personnes manquent d′armes offensives et défensives. Ainsi, bien qu′ils soient, par droit naturel, obligés de se défendre, ils ne le sont jamais d′offenser personne. Or donc, bien que j′aie dit tout à l′heure que je pouvais avoir été offensé, je dis maintenant que je n′ai pu l′être en aucune façon ; car, qui ne peut recevoir d′affront, peut encore moins en faire. Par toutes ces raisons je ne dois pas ressentir, et ne ressens pas, en effet, ceux que j′ai reçus de ce brave homme. Seulement, j′aurais voulu qu′il attendît un peu, pour que je lui fisse comprendre l′erreur où il est en pensant et disant qu′il n′y a point eu et qu′il n′y a point de chevaliers errants en ce monde. Si Amadis ou quelque rejeton de son infinie progéniture eût entendu ce blasphème, je crois que Sa Révérence s′en fût mal trouvée. | -Eso juro yo bien -dijo Sancho-: cuchillada le hubieran dado que le abrieran de arriba abajo como una granada, o como a un melón muy maduro. ¡Bonitos eran ellos para sufrir semejantes cosquillas! Para mi santiguada, que tengo por cierto que si Reinaldos de Montalbán hubiera oído estas razones al hombrecito, tapaboca le hubiera dado que no hablara más en tres años. ¡No, sino tomárase con ellos y viera cómo escapaba de sus manos! |  Oh ! je le jure, moi, s′écria Sancho ; ils vous lui eussent appliqué un fendant qui l′aurait ouvert de haut en bas, comme une grenade ou comme un melon bien mûr. C′étaient des gens, ma foi, à souffrir ainsi qu′on leur marchât sur le pied ! Par le signe de la croix, je suis sûr que, si Renaud de Montauban eût entendu le pauvre petit homme tenir ces propos-là, il lui aurait appliqué un tel horion sur la bouche, que l′autre n′en aurait pas parlé de trois ans. Sinon, qu′il se joue avec eux, et il verra s′il se tire de leurs mains. » | Perecía de risa la duquesa en oyendo hablar a Sancho, y en su opinión le tenía por más gracioso y por más loco que a su amo; y muchos hubo en aquel tiempo que fueron deste mismo parecer. Finalmente, don Quijote se sosegó, y la comida se acabó, y, en levantando los manteles, llegaron cuatro doncellas, la una con una fuente de plata, y la otra con un aguamanil, asimismo de plata, y la otra con dos blanquísimas y riquísimas toallas al hombro, y la cuarta descubiertos los brazos hasta la mitad, y en sus blancas manos -que sin duda eran blancas- una redonda pella de jabón napolitano. Llegó la de la fuente, y con gentil donaire y desenvoltura encajó la fuente debajo de la barba de don Quijote; el cual, sin hablar palabra, admirado de semejante ceremonia, creyendo que debía ser usanza de aquella tierra en lugar de las manos lavar las barbas, y así tendió la suya todo cuanto pudo, y al mismo punto comenzó a llover el aguamanil, y la doncella del jabón le manoseó las barbas con mucha priesa, levantando copos de nieve, que no eran menos blancas las jabonaduras, no sólo por las barbas, mas por todo el rostro y por los ojos del obediente caballero, tanto, que se los hicieron cerrar por fuerza. | La duchesse mourait de rire en écoutant parler Sancho ; et, dans son opinion, elle le tenait pour plus plaisant et plus fou que son maître ; et bien des gens dans ce temps-là furent du même avis. Enfin, don Quichotte se calma, et le repas finit paisiblement. Au moment de desservir, quatre demoiselles entrèrent, l′une portant un bassin d′argent, la seconde une aiguière du même métal, la troisième deux riches et blanches serviettes sur l′épaule, et la quatrième ayant les bras nus jusqu′au coude, et dans ses blanches mains (car elles ne pouvaient manquer d′être blanches) une boule de savon napolitain. La première s′approcha, et, d′un air dégagé, vint enchâsser le bassin sous le menton de don Quichotte, lequel, sans dire un mot, mais étonné d′une semblable cérémonie, crut que c′était l′usage du pays, au lieu de laver les mains, de laver les mentons. Il tendit donc le sien aussi loin qu′il put, et, la demoiselle à l′aiguière commençant à verser de l′eau, la demoiselle au savon lui frotta la barbe à tour de bras, couvrant de flocons de neige (car l′écume de savon n′était pas moins blanche), non-seulement le menton, mais tout le visage et jusqu′aux yeux de l′obéissant chevalier, tellement qu′il fut contraint de les fermer bien vite. | El duque y la duquesa, que de nada desto eran sabidores, estaban esperando en qué había de parar tan extraordinario lavatorio. La doncella barbera, cuando le tuvo con un palmo de jabonadura, fingió que se le había acabado el agua, y mandó a la del aguamanil fuese por ella, que el señor don Quijote esperaría. Hízolo así, y quedó don Quijote con la más estraña figura y más para hacer reír que se pudiera imaginar. | Le duc et la duchesse, qui n′étaient prévenus de rien, attendaient avec curiosité comment finirait une si étrange lessive. Quand la demoiselle barbière eut noyé le patient sous un pied d′écume, elle feignit de manquer d′eau, et envoya la demoiselle de l′aiguière en chercher, priant le seigneur don Quichotte d′attendre un moment. L′autre obéit, et don Quichotte resta cependant avec la figure la plus bizarre et la plus faite pour rire qui se puisse imaginer. | Mirábanle todos los que presentes estaban, que eran muchos, y como le veían con media vara de cuello, más que medianamente moreno, los ojos cerrados y las barbas llenas de jabón, fue gran maravilla y mucha discreción poder disimular la risa; las doncellas de la burla tenían los ojos bajos, sin osar mirar a sus señores; a ellos les retozaba la cólera y la risa en el cuerpo, y no sabían a qué acudir: o a castigar el atrevimiento de las muchachas, o darles premio por el gusto que recibían de ver a don Quijote de aquella suerte. | Tous les assistants, et ils étaient nombreux, avaient les regards fixés sur lui ; et, comme ils le voyaient avec un cou d′une aune, plus que médiocrement noir, les yeux fermés et la barbe pleine de savon, ce fut un prodige qu′ils eussent assez de retenue pour ne pas éclater de rire. Les demoiselles de la plaisanterie tenaient les yeux baissés, sans oser regarder leurs seigneurs. Ceux-ci étouffaient de colère et de rire, et ils ne savaient lequel faire, ou châtier l′audace des jeunes filles, ou les récompenser pour le plaisir qu′ils prenaient à voir don Quichotte en cet état. | Finalmente, la doncella del aguamanil vino, y acabaron de lavar a don Quijote, y luego la que traía las toallas le limpió y le enjugó muy reposadamente; y, haciéndole todas cuatro a la par una grande y profunda inclinación y reverencia, se querían ir; pero el duque, porque don Quijote no cayese en la burla, llamó a la doncella de la fuente, diciéndole. | Finalement, la demoiselle à l′aiguière revint, et l′on acheva de bien laver don Quichotte ; puis, celle qui portait les serviettes l′essuya et le sécha très-posément, et toutes quatre, faisant ensemble une profonde révérence, allaient se retirer ; mais le duc, pour que don Quichotte n′aperçût point qu′on lui jouait pièce, appela la demoiselle au bassin : | -Venid y lavadme a mí, y mirad que no se os acabe el agua. | « Venez, lui dit-il, et lavez-moi ; mais prenez garde que l′eau ne vous manque point. » | La muchacha, aguda y diligente, llegó y puso la fuente al duque como a don Quijote, y, dándose prisa, le lavaron y jabonaron muy bien, y, dejándole enjuto y limpio, haciendo reverencias se fueron. Después se supo que había jurado el duque que si a él no le lavaran como a don Quijote, había de castigar su desenvoltura, lo cual habían enmendado discretamente con haberle a él jabonado. | La jeune fille, aussi avisée que diligente, s′empressa de mettre le bassin au duc comme à don Quichotte, et toutes quatre s′étant hâtées de le bien laver, savonner, essuyer et sécher, elles firent leurs révérences et s′en allèrent. On sut ensuite que le duc avait juré que, si elles ne l′eussent pas échaudé comme don Quichotte, il aurait châtié leur effronterie, qu′elles corrigèrent, du reste, fort discrètement, en le savonnant lui-même. | Estaba atento Sancho a las ceremonias de aquel lavatorio, y dijo entre sí. | Sancho était resté très-attentif aux cérémonies de ce savonnage : | -¡Válame Dios! ¿Si será también usanza en esta tierra lavar las barbas a los escuderos como a los caballeros? Porque, en Dios y en mi ánima que lo he bien menester, y aun que si me las rapasen a navaja, lo tendría a más beneficio. | « Sainte Vierge ! se dit-il à lui-même, est-ce que ce serait aussi l′usage en ce pays de laver la barbe aux écuyers comme aux chevaliers ? En bonne foi de Dieu et de mon âme, j′en aurais grand besoin, et, si l′on me l′émondait avec le rasoir, ce serait encore un plus grand service. | -¿Qué decís entre vos, Sancho? -preguntó la duquesa. |  Que dites-vous là tout bas, Sancho ? demanda la duchesse. | -Digo, señora -respondió él-, que en las cortes de los otros príncipes siempre he oído decir que en levantando los manteles dan agua a las manos, pero no lejía a las barbas; y que por eso es bueno vivir mucho, por ver mucho; aunque también dicen que el que larga vida vive mucho mal ha de pasar, puesto que pasar por un lavatorio de éstos antes es gusto que trabajo. |  Je dis, madame, que, dans les cours des autres princes, j′ai toujours ouí¤ire qu′après le dessert on versait de l′eau sur les mains, mais non pas du savon sur les barbes ; qu′ainsi il fait bon vivre beaucoup pour beaucoup voir. On dit bien aussi que celui-là qui vit une longue vie a bien des mauvais moments à passer ; mais passer par un lavage de cette façon, ce doit être plutôt un plaisir qu′une peine. | -No tengáis pena, amigo Sancho -dijo la duquesa-, que yo haré que mis doncellas os laven, y aun os metan en colada, si fuere menester. |  Eh bien ! n′ayez pas de souci, ami Sancho, dit la duchesse, j′ordonnerai à mes demoiselles de vous savonner, et même de vous mettre en lessive, si c′est nécessaire. | -Con las barbas me contento -respondió Sancho-, por ahora a lo menos, que andando el tiempo, Dios dijo lo que será. |  Je me contente de la barbe, reprit Sancho, quant à présent du moins ; car, dans la suite des temps, Dieu a dit ce qui sera. | -Mirad, maestresala -dijo la duquesa-, lo que el buen Sancho pide, y cumplidle su voluntad al pie de la letra. |  Voyez un peu, maître d′hôtel, dit la duchesse, ce que demande le bon Sancho, et exécutez ses volontés au pied de la lettre. » | El maestresala respondió que en todo sería servido el señor Sancho, y con esto se fue a comer, y llevó consigo a Sancho, quedándose a la mesa los duques y don Quijote, hablando en muchas y diversas cosas; pero todas tocantes al ejercicio de las armas y de la andante caballería. | Le maître d′hôtel répondit qu′en toute chose le seigneur Sancho serait servi à souhait. Sur cela, il alla dîner, emmenant avec lui Sancho, tandis que don Quichotte et ses hôtes restaient à table, causant de choses et d′autres, mais qui toutes se rapportaient au métier des armes et à la chevalerie errante. | La duquesa rogó a don Quijote que le delinease y describiese, pues parecía tener felice memoria, la hermosura y facciones de la señora Dulcinea del Toboso; que, según lo que la fama pregonaba de su belleza, tenía por entendido que debía de ser la más bella criatura del orbe, y aun de toda la Mancha. Sospiró don Quijote, oyendo lo que la duquesa le mandaba, y dijo. | La duchesse pria don Quichotte de lui décrire et de lui dépeindre, puisqu′il semblait avoir la mémoire heureuse, la beauté et les traits de madame Dulcinée du Toboso. « Suivant ce que la renommée publie de ses charmes, dit-elle, je dois croire qu′elle est indubitablement la plus belle créature de l′univers, et même de toute la Manche. » Don Quichotte soupira quand il entendit ce que demandait la duchesse, et il répondit : | -Si yo pudiera sacar mi corazón y ponerle ante los ojos de vuestra grandeza, aquí, sobre esta mesa y en un plato, quitara el trabajo a mi lengua de decir lo que apenas se puede pensar, porque Vuestra Excelencia la viera en él toda retratada; pero, ¿para qué es ponerme yo ahora a delinear y describir punto por punto y parte por parte la hermosura de la sin par Dulcinea, siendo carga digna de otros hombros que de los míos, empresa en quien se debían ocupar los pinceles de Parrasio, de Timantes y de Apeles, y los buriles de Lisipo, para pintarla y grabarla en tablas, en mármoles y en bronces, y la retórica ciceroniana y demostina para alabarla. | « Si je pouvais tirer mon cœur de ma poitrine, et le mettre devant les yeux de Votre Grandeur, ici, sur cette table et dans un plat, j′éviterais à ma langue le travail d′exprimer ce qu′on peut penser à peine, car votre excellence y verrait ma dame parfaitement retracée. Mais pourquoi me mettrais-je à présent à dessiner point pour point et à décrire trait pour trait les charmes de la sans pareille Dulcinée ? Oh ! c′est un fardeau digne d′autres épaules que les miennes ; c′est une entreprise où devraient s′employer les pinceaux de Parrhasius, de Timanthe et d′Apelle, pour la peindre sur toile et sur bois ; les burins de Lysippe, pour la graver sur le marbre et l′airain ; la rhétorique cicéronienne et démosthénienne, pour la louer dignement. | -¿Qué quiere decir demostina, señor don Quijote -preguntó la duquesa-, que es vocablo que no le he oído en todos los días de mi vida. |  Que veut dire démosthénienne, seigneur don Quichotte ? demanda la duchesse ; c′est une expression que je n′avais entendue de ma vie. | -Retórica demostina -respondió don Quijote- es lo mismo que decir retórica de Demóstenes, como ciceroniana, de Cicerón, que fueron los dos mayores retóricos del mundo. |  Rhétorique démosthénienne, répondit don Quichotte, est la même chose que rhétorique de Démosthène, comme cicéronienne de Cicéron, car ce furent en effet les deux plus grands rhétoriciens du monde. | -Así es -dijo el duque-, y habéis andado deslumbrada en la tal pregunta. Pero, con todo eso, nos daría gran gusto el señor don Quijote si nos la pintase; que a buen seguro que, aunque sea en rasguño y bosquejo, que ella salga tal, que la tengan invidia las más hermosas. |  C′est cela même, dit le duc, et vous avez fait une telle question bien à l′étourdie. Mais néanmoins le seigneur don Quichotte nous ferait grand plaisir de nous dépeindre sa dame. Ne serait-ce qu′une esquisse, une ébauche, je suis bien sûr qu′elle suffirait encore à donner de l′envie aux plus belles. | -Sí hiciera, por cierto -respondió don Quijote-, si no me la hubiera borrado de la idea la desgracia que poco ha que le sucedió, que es tal, que más estoy para llorarla que para describirla; porque habrán de saber vuestras grandezas que, yendo los días pasados a besarle las manos, y a recebir su bendición, beneplácito y licencia para esta tercera salida, hallé otra de la que buscaba: halléla encantada y convertida de princesa en labradora, de hermosa en fea, de ángel en diablo, de olorosa en pestífera, de bien hablada en rústica, de reposada en brincadora, de luz en tinieblas, y, finalmente, de Dulcinea del Toboso en una villana de Sayago. |  Oh ! je le ferais volontiers, répondit don Quichotte, si le malheur qui lui est arrivé récemment ne me l′avait effacée de la mémoire ; il est tel, que je me sens plus en train de la pleurer que de la dépeindre. Vos Grandeurs sauront qu′étant allé ces jours passés lui baiser les mains, recevoir sa bénédiction, et prendre ses ordres pour cette troisième campagne, je trouvai une autre personne que celle que je cherchais. Je la trouvai enchantée et métamorphosée de princesse en paysanne, de beauté en laideron, d′ange en diable, de parfumée en pestilentielle, de bien apprise en rustre grossière, de grave et modeste en cabrioleuse, de lumière en ténèbres, et finalement de Dulcinée du Toboso en brute stupide et dégoûtante. | -¡Válame Dios! -dando una gran voz, dijo a este instante el duque-. ¿Quién ha sido el que tanto mal ha hecho al mundo? ¿Quién ha quitado dél la belleza que le alegraba, el donaire que le entretenía y la honestidad que le acreditaba? |  Sainte Vierge ! s′écria le duc en poussant un grand cri ; quel est donc le misérable qui a fait un si grand mal au monde ? qui donc lui a ravi la beauté qui faisait sa joie, la grâce d′esprit qui faisait ses délices, la chasteté qui faisait son orgueil ? | -¿Quién? -respondió don Quijote-. ¿Quién puede ser sino algún maligno encantador de los muchos invidiosos que me persiguen? Esta raza maldita, nacida en el mundo para escurecer y aniquilar las hazañas de los buenos, y para dar luz y levantar los fechos de los malos. Perseguido me han encantadores, encantadores me persiguen y encantadores me persiguirán hasta dar conmigo y con mis altas caballerías en el profundo abismo del olvido; y en aquella parte me dañan y hieren donde veen que más lo siento, porque quitarle a un caballero andante su dama es quitarle los ojos con que mira, y el sol con que se alumbra, y el sustento con que se mantiene. Otras muchas veces lo he dicho, y ahora lo vuelvo a decir: que el caballero andante sin dama es como el árbol sin hojas, el edificio sin cimiento y la sombra sin cuerpo de quien se cause. |  Qui ? répondit don Quichotte ; et qui pourrait-ce être, si ce n′est quelque malin enchanteur, de ceux en grand nombre dont l′envie me poursuit ; quelqu′un de cette race maudite, mise au monde pour obscurcir, anéantir les prouesses des bons, et pour donner de l′éclat et de la gloire aux méfaits des méchants ? Des enchanteurs m′ont persécuté, des enchanteurs me persécutent et des enchanteurs me persécuteront jusqu′à ce qu′ils m′aient précipité, moi et mes hauts exploits de chevalerie, dans le profond abîme de l′oubli. S′ils me frappent et me blessent, c′est à l′endroit où ils voient bien que je le ressens davantage ; car ôter à un chevalier errant sa dame, c′est lui ôter les yeux avec lesquels il voit, le soleil qui l′éclaire, et l′aliment qui le nourrit. Je l′ai déjà dit bien des fois, mais je le répète encore, le chevalier errant sans dame est comme l′arbre sans feuilles, l′édifice sans fondement, l′ombre sans le corps qui la produit. | -No hay más que decir -dijo la duquesa-; pero si, con todo eso, hemos de dar crédito a la historia que del señor don Quijote de pocos días a esta parte ha salido a la luz del mundo, con general aplauso de las gentes, della se colige, si mal no me acuerdo, que nunca vuesa merced ha visto a la señora Dulcinea, y que esta tal señora no es en el mundo, sino que es dama fantástica, que vuesa merced la engendró y parió en su entendimiento, y la pintó con todas aquellas gracias y perfeciones que quiso. |  Il n′y a rien de plus à dire, interrompit la duchesse ; cependant, si nous donnons créance à l′histoire du seigneur don Quichotte, telle qu′elle a paru, il y a peu de jours, à la lumière du monde< , aux applaudissements universels, il faut en inférer, si j′ai bonne mémoire, que Votre Grâce n′a jamais vu madame Dulcinée ; que cette dame n′est pas de ce monde ; que c′est une dame fantastique que Votre Grâce a engendrée et mise au jour dans son imagination, en l′ornant de tous les appas et de toutes les perfections qu′il vous a plu de lui donner. | -En eso hay mucho que decir -respondió don Quijote-. Dios sabe si hay Dulcinea o no en el mundo, o si es fantástica o no es fantástica; y éstas no son de las cosas cuya averiguación se ha de llevar hasta el cabo. Ni yo engendré ni parí a mi señora, puesto que la contemplo como conviene que sea una dama que contenga en sí las partes que puedan hacerla famosa en todas las del mundo, como son: hermosa, sin tacha, grave sin soberbia, amorosa con honestidad, agradecida por cortés, cortés por bien criada, y, finalmente, alta por linaje, a causa que sobre la buena sangre resplandece y campea la hermosura con más grados de perfeción que en las hermosas humildemente nacidas. |  Sur cela il a beaucoup à dire, répondit don Quichotte ; Dieu sait s′il y a ou s′il n′y a pas une Dulcinée en ce monde, si elle est fantastique ou réelle, et ce sont de ces choses dont la vérification ne doit pas être portée jusqu′à ses extrêmes limites. Je n′ai ni engendré ni mis au jour ma dame ; mais je la vois et la contemple telle qu′il convient que soit une dame pour réunir en elle toutes les qualités qui puissent la rendre fameuse parmi toutes celles du monde, comme d′être belle sans souillure, grave sans orgueil, amoureuse avec pudeur, reconnaissante par courtoisie, et courtoise par bons sentiments ; enfin de haute noblesse, car sur un sang illustre la beauté brille et resplendit avec plus d′éclat que sur une humble naissance. | -Así es -dijo el duque-; pero hame de dar licencia el señor don Quijote para que diga lo que me fuerza a decir la historia que de sus hazañas he leído, de donde se infiere que, puesto que se conceda que hay Dulcinea, en el Toboso o fuera dél, y que sea hermosa en el sumo grado que vuesa merced nos la pinta, en lo de la alteza del linaje no corre parejas con las Orianas, con las Alastrajareas, con las Madásimas, ni con otras deste jaez, de quien están llenas las historias que vuesa merced bien sabe. |  Cela est vrai, dit le duc ; mais le seigneur don Quichotte me permettra de lui dire ce que me force à penser l′histoire que j′ai lue de ses prouesses. Il faut en inférer, tout en concédant qu′il y ait une Dulcinée dans le Toboso, ou hors du Toboso, et qu′elle soit belle à l′extrême degré où nous la dépeint Votre Grâce ; il faut inférer, dis-je, que, pour la hauteur de la naissance, elle ne peut entrer en comparaison avec les Oriane, les Alastrajarée, les Madasime , et cent autres de même espèce, dont sont remplies les histoires que Votre Grâce connaît bien. | -A eso puedo decir -respondió don Quijote- que Dulcinea es hija de sus obras, y que las virtudes adoban la sangre, y que en más se ha de estimar y tener un humilde virtuoso que un vicioso levantado; cuanto más, que Dulcinea tiene un jirón que la puede llevar a ser reina de corona y ceptro; que el merecimiento de una mujer hermosa y virtuosa a hacer mayores milagros se estiende, y, aunque no formalmente, virtualmente tiene en sí encerradas mayores venturas. |  À cela, répliqua don Quichotte, je puis répondre que Dulcinée est fille de ses œuvres, que les vertus corrigent la naissance ; et qu′il faut estimer davantage un vertueux d′humble sang qu′un vicieux de sang illustre. Dulcinée, d′ailleurs, possède certaines qualités qui peuvent la mener à devenir reine avec sceptre et couronne ; car le mérite d′une femme belle et vertueuse peut aller jusqu′à faire de plus grands miracles, et, sinon formellement, au moins virtuellement, elle enferme en elle de plus hautes destinées. | -Digo, señor don Quijote -dijo la duquesa-, que en todo cuanto vuestra merced dice va con pie de plomo, y, como suele decirse, con la sonda en la mano; y que yo desde aquí adelante creeré y haré creer a todos los de mi casa, y aun al duque mi señor, si fuere menester, que hay Dulcinea en el Toboso, y que vive hoy día, y es hermosa, y principalmente nacida y merecedora que un tal caballero como es el señor don Quijote la sirva; que es lo más que puedo ni sé encarecer. Pero no puedo dejar de formar un escrúpulo, y tener algún no sé qué de ojeriza contra Sancho Panza: el escrúpulo es que dice la historia referida que el tal Sancho Panza halló a la tal señora Dulcinea, cuando de parte de vuestra merced le llevó una epístola, ahechando un costal de trigo, y, por más señas, dice que era rubión: cosa que me hace dudar en la alteza de su linaje. |  Je vous assure, seigneur don Quichotte, reprit la duchesse, qu′en tout ce que dit Votre Grâce, vous allez, comme on dit, avec le pied de plomb et la sonde à la main. Aussi je croirai désormais, et ferai croire à tous les gens de ma maison, et même au duc mon seigneur, si c′est nécessaire, qu′il y a une Dulcinée au Toboso, qu′elle existe au jour d′aujourd′hui, qu′elle est belle et hautement née, et qu′elle mérite d′être servie par un chevalier tel que le Seigneur don Quichotte, ce qui est tout ce que je puis dire de plus fort à sa louange. Néanmoins je ne puis m′empêcher de sentir un scrupule, et d′en vouloir un petit brin à Sancho Panza. Mon scrupule est, si l′on en croit l′histoire déjà mentionnée, que ledit Sancho Panza trouva ladite Dulcinée, quand il lui porta de votre part une épître, vannant un sac de blé, à telles enseignes que c′était du seigle, dit-on, chose qui me fait douter de la hauteur de sa noblesse. | A lo que respondió don Quijote. |  Madame, répondit don Quichotte, | -Señora mía, sabrá la vuestra grandeza que todas o las más cosas que a mí me suceden van fuera de los términos ordinarios de las que a los otros caballeros andantes acontecen, o ya sean encaminadas por el querer inescrutable de los hados, o ya vengan encaminadas por la malicia de algún encantador invidioso; y, como es cosa ya averiguada que todos o los más caballeros andantes y famosos, uno tenga gracia de no poder ser encantado, otro de ser de tan impenetrables carnes que no pueda ser herido, como lo fue el famoso Roldán, uno de los doce Pares de Francia, de quien se cuenta que no podía ser ferido sino por la planta del pie izquierdo, y que esto había de ser con la punta de un alfiler gordo, y no con otra suerte de arma alguna; y así, cuando Bernardo del Carpio le mató en Roncesvalles, viendo que no le podía llagar con fierro, le levantó del suelo entre los brazos y le ahogó, acordándose entonces de la muerte que dio Hércules a Anteón, aquel feroz gigante que decían ser hijo de la Tierra. Quiero inferir de lo dicho, que podría ser que yo tuviese alguna gracia déstas, no del no poder ser ferido, porque muchas veces la experiencia me ha mostrado que soy de carnes blandas y no nada impenetrables, ni la de no poder ser encantado, que ya me he visto metido en una jaula, donde todo el mundo no fuera poderoso a encerrarme, si no fuera a fuerzas de encantamentos; pero, pues de aquél me libré, quiero creer que no ha de haber otro alguno que me empezca; y así, viendo estos encantadores que con mi persona no pueden usar de sus malas mañas, vénganse en las cosas que más quiero, y quieren quitarme la vida maltratando la de Dulcinea, por quien yo vivo; y así, creo que, cuando mi escudero le llevó mi embajada, se la convirtieron en villana y ocupada en tan bajo ejercicio como es el de ahechar trigo; pero ya tengo yo dicho que aquel trigo ni era rubión ni trigo, sino granos de perlas orientales; y para prueba desta verdad quiero decir a vuestras magnitudes cómo, viniendo poco ha por el Toboso, jamás pude hallar los palacios de Dulcinea; y que otro día, habiéndola visto Sancho, mi escudero, en su mesma figura, que es la más bella del orbe, a mí me pareció una labradora tosca y fea, y no nada bien razonada, siendo la discreción del mundo; y, pues yo no estoy encantado, ni lo puedo estar, según buen discurso, ella es la encantada, la ofendida y la mudada, trocada y trastrocada, y en ella se han vengado de mí mis enemigos, y por ella viviré yo en perpetuas lágrimas, hasta verla en su prístino estado. Todo esto he dicho para que nadie repare en lo que Sancho dijo del cernido ni del ahecho de Dulcinea; que, pues a mí me la mudaron, no es maravilla que a él se la cambiasen. Dulcinea es principal y bien nacida, y de los hidalgos linajes que hay en el Toboso, que son muchos, antiguos y muy buenos, a buen seguro que no le cabe poca parte a la sin par Dulcinea, por quien su lugar será famoso y nombrado en los venideros siglos, como lo ha sido Troya por Elena, y España por la Cava, aunque con mejor título y fama. Por otra parte, quiero que entiendan vuestras señorías que Sancho Panza es uno de los más graciosos escuderos que jamás sirvió a caballero andante; tiene a veces unas simplicidades tan agudas, que el pensar si es simple o agudo causa no pequeño contento; tiene malicias que le condenan por bellaco, y descuidos que le confirman por bobo; duda de todo y créelo todo; cuando pienso que se va a despeñar de tonto, sale con unas discreciones, que le levantan al cielo. Finalmente, yo no le trocaría con otro escudero, aunque me diesen de añadidura una ciudad; y así, estoy en duda si será bien enviarle al gobierno de quien vuestra grandeza le ha hecho merced; aunque veo en él una cierta aptitud para esto de gobernar, que atusándole tantico el entendimiento, se saldría con cualquiera gobierno, como el rey con sus alcabalas; y más, que ya por muchas experiencias sabemos que no es menester ni mucha habilidad ni muchas letras para ser uno gobernador, pues hay por ahí ciento que apenas saber leer, y gobiernan como unos girifaltes; el toque está en que tengan buena intención y deseen acertar en todo; que nunca les faltará quien les aconseje y encamine en lo que han de hacer, como los gobernadores caballeros y no letrados, que sentencian con asesor. Aconsejaríale yo que ni tome cohecho, ni pierda derecho, y otras cosillas que me quedan en el estómago, que saldrán a su tiempo, para utilidad de Sancho y provecho de la ínsula que gobernare. | Votre Grandeur saura que toutes, ou du moins la plupart des choses qui m′arrivent, ne se passent point dans les termes ordinaires, comme celles qui arrivent aux autres chevaliers errants, soit que l′impulsion leur vienne du vouloir impénétrable des destins, soit qu′elles se trouvent conduites par la malice de quelque enchanteur jaloux. C′est une chose vérifiée et reconnue, que la plupart des chevaliers errants fameux avaient quelque vertu particulière ; l′un ne voulait être enchanté, l′autre était formé de chairs si impénétrables qu′on ne pouvait lui faire de blessure, comme fut le célèbre Roland, l′un des douze pairs de France, duquel on raconte qu′il ne pouvait être blessé, si ce n′est sous la plante du pied gauche, et seulement avec la pointe d′une grosse épingle, mais avec aucune autre espèce d′armes. Aussi, quand Bernard del Carpio le tua dans la gorge de Roncevaux, voyant qu′il ne pouvait le percer avec le fer, il le prit dans ses bras, l′enleva de terre et l′étouffa, se souvenant alors de quelle manière Hercule mit à mort Antée, ce féroce géant qu′on disait fils de la Terre. De ce que je viens de dire, je veux conclure qu′il serait possible que j′eusse aussi quelqu′une de ces vertus ; non pas celle de n′être point blessé, car l′expérience m′a bien des fois prouvé que je suis de chairs tendres et nullement impénétrables ; ni celle de ne pouvoir être enchanté, car je me suis déjà vu mettre dans une cage, où le monde entier n′aurait pas été capable de m′enfermer, si ce n′est par la force des enchantements. Mais enfin, puisque je me suis tiré de celui-là, je veux croire qu′aucun autre ne saurait m′arrêter. Aussi ces enchanteurs, voyant qu′ils ne peuvent sur ma personne user de leurs maléfices, se vengent sur les choses que j′aime le plus, et veulent m′ôter la vie en empoisonnant celle de Dulcinée, par qui et pour qui je vis moi-même. Aussi je crois bien que, lorsque mon écuyer lui porta mon message, ils la changèrent en une villageoise, occupée à un aussi vil exercice qu′est celui de vanner du blé. Au reste, j′ai déjà dit que ce blé n′était ni seigle ni froment, mais des grains de perles orientales. Pour preuve de cette vérité, je veux dire à Vos Excellences comment, passant, il y a peu de jours, par le Toboso, je ne pus jamais trouver les palais de Dulcinée ; et que le lendemain, tandis que Sancho, mon écuyer, la voyait sous sa propre figure, qui est la plus belle de l′univers, elle me parut, à moi, une paysanne laide et sale, et de plus fort mal embouchée, elle, la discrétion même. Or donc, puisque je ne suis pas enchanté, et que je ne puis pas l′être, suivant toute raison, c′est elle qui est l′enchantée, l′offensée, la changée et la transformée ; c′est sur elle que se sont vengés de moi mes ennemis, et pour elle je vivrai dans de perpétuelles larmes, jusqu′à ce que je la voie rendue à son premier état. J′ai dit tout cela pour que personne ne fasse attention à ce qu′a rapporté Sancho du van et du blutoir ; car si pour moi l′on a transformé Dulcinée, il n′est pas étonnant qu′on l′ait changée pour lui. Dulcinée est de bonne naissance et femme de qualité ; elle tient aux nobles familles du Toboso, où ces familles sont nombreuses, anciennes et de bon aloi. Il est vrai qu′il ne revient pas une petite part de cette illustration à la sans pareille Dulcinée, par qui son village sera fameux et renommé dans les siècles à venir, comme Troie le fut par Hélène, et l′Espagne par la Cava , bien qu′à meilleur titre et à meilleur renom. D′une autre part, je veux que Vos Seigneuries soient bien convaincues que Sancho Panza est un des plus gracieux écuyers qui aient jamais servi chevalier errant. Il a quelquefois des simplicités si piquantes qu′on trouve un vrai plaisir à se demander s′il est simple ou subtil ; il a des malices qui le feraient passer pour un rusé drôle, puis des laisser-aller qui le font tenir décidément pour un nigaud ; il doute de tout, et croit à tout cependant ; et, quand je pense qu′il va s′abîmer dans sa sottise, il lâche des saillies qui le remontent au ciel. Finalement, je ne le changerais pas contre un autre écuyer, me donnât-on de retour une ville tout entière. Aussi suis-je en doute si je ferai bien de l′envoyer au gouvernement dont Votre Grandeur lui a fait merci ; cependant, je vois en lui une certaine aptitude pour ce qui est de gouverner, et je crois qu′en lui aiguisant quelque peu l′intelligence, il saura tirer parti de toute espèce de gouvernement, aussi bien que le roi de ses tributs. D′ailleurs, nous savons déjà, par une foule d′expériences, qu′il ne faut ni beaucoup de talent, ni beaucoup d′instruction, pour être gouverneur, car il y en a par centaines ici autour qui savent à peine lire, et qui gouvernent comme des aigles. Toute la question, c′est qu′ils aient l′intention droite et le désir de bien faire en toute chose. Ils ne manqueront pas de gens pour les conseiller et les diriger en ce qu′ils doivent faire, comme les gouverneurs gentilshommes et non jurisconsultes, qui rendent la justice par assesseurs. Moi, je lui conseillerais de ne commettre aucune exaction, mais de ne perdre aucun de ses droits ; et j′ajouterais d′autres petites choses qui me restent dans l′estomac, mais qui en sortiront à leur temps pour l′utilité de Sancho et le bien de l′île qu′il gouvernera. » | A este punto llegaban de su coloquio el duque, la duquesa y don Quijote, cuando oyeron muchas voces y gran rumor de gente en el palacio; y a deshora entró Sancho en la sala, todo asustado, con un cernadero por babador, y tras él muchos mozos, o, por mejor decir, pícaros de cocina y otra gente menuda, y uno venía con un artesoncillo de agua, que en la color y poca limpieza mostraba ser de fregar; seguíale y perseguíale el de la artesa, y procuraba con toda solicitud ponérsela y encajársela debajo de las barbas, y otro pícaro mostraba querérselas lavar. | L′entretien en était là entre le duc, la duchesse et don Quichotte, quand ils entendirent de grands cris et un grand bruit de monde en mouvement dans le palais ; tout à coup Sancho entra dans la salle, tout effaré, ayant au cou un torchon pour la bavette, et derrière lui plusieurs garçons, ou, pour mieux dire, plusieurs vauriens de cuisine, dont l′un portait une écuelle d′eau que sa couleur et son odeur faisaient reconnaître pour de l′eau de vaisselle. Ce marmiton suivait et poursuivait Sancho, et voulait à toute force lui enchâsser l′écuelle sous le menton, tandis qu′un autre faisait mine de vouloir le laver. | -¿Qué es esto, hermanos? -preguntó la duquesa-. ¿Qué es esto? ¿Qué queréis a ese buen hombre? ¿Cómo y no consideráis que está electo gobernador. | « Qu′est-ce que cela, frères ? demanda la duchesse ; qu′est-ce que cela, et que voulez-vous faire à ce brave homme ? Comment donc, ne faites-vous pas attention qu′il est élu gouverneur ? » | A lo que respondió el pícaro barbero. | Le marmiton barbier répondit : | -No quiere este señor dejarse lavar, como es usanza, y como se la lavó el duque mi señor y el señor su amo. | « Ce seigneur ne veut pas se laisser laver, comme c′est l′usage, et comme se sont lavés le duc, mon seigneur, et le seigneur son maître. | -Sí quiero -respondió Sancho con mucha cólera-, pero querría que fuese con toallas más limpias, con lejía mas clara y con manos no tan sucias; que no hay tanta diferencia de mí a mi amo, que a él le laven con agua de ángeles y a mí con lejía de diablos. Las usanzas de las tierras y de los palacios de los príncipes tanto son buenas cuanto no dan pesadumbre, pero la costumbre del lavatorio que aquí se usa peor es que de diciplinantes. Yo estoy limpio de barbas y no tengo necesidad de semejantes refrigerios; y el que se llegare a lavarme ni a tocarme a un pelo de la cabeza, digo, de mi barba, hablando con el debido acatamiento, le daré tal puñada que le deje el puño engastado en los cascos; que estas tales ceremonias y jabonaduras más parecen burlas que gasajos de huéspedes. |  Si, je le veux bien, répondit Sancho étouffant de colère, mais je voudrais que ce fût avec des serviettes plus propres, avec une lessive plus claire et des mains moins sales. Il n′y a pas si grande différence entre mon maître et moi, pour qu′on le lave avec l′eau des anges , et moi avec la lessive du diable. Les usages des pays et des palais de princes sont d′autant meilleurs qu′ils ne causent point de déplaisir ; mais la coutume du lavage qui se pratique ici est pire que la discipline des pénitents. J′ai la barbe propre, et n′ai pas besoin de semblables rafraîchissements. Quiconque viendra pour me laver ou pour me toucher un poil de la tête, je veux dire du menton, parlant par respect, je lui donnerai telle taloche que le poing restera enfoncé dans le crâne ; car de semblables savonnages et cirimonies ressemblent plutôt à de méchantes farces qu′à des prévenances envers les hôtes. » | Perecida de risa estaba la duquesa, viendo la cólera y oyendo las razones de Sancho, pero no dio mucho gusto a don Quijote verle tan mal adeliñado con la jaspeada toalla, y tan rodeado de tantos entretenidos de cocina; y así, haciendo una profunda reverencia a los duques, como que les pedía licencia para hablar, con voz reposada dijo a la canalla. | La duchesse mourait de rire en voyant la colère et en écoutant les propos de Sancho. Pour don Quichotte, il n′était pas fort ravi de voir son écuyer si mal accoutré avec le torchon barbouillé de graisse, et entouré de tous ces fainéants de cuisine. Aussi, faisant une profonde révérence au duc et à la duchesse, comme pour leur demander la permission de parler, il se tourna vers la canaille, et lui dit d′une voix magistrale : | -¡Hola, señores caballeros! Vuesas mercedes dejen al mancebo, y vuélvanse por donde vinieron, o por otra parte si se les antojare, que mi escudero es limpio tanto como otro, y esas artesillas son para él estrechas y penantes búcaros. Tomen mi consejo y déjenle, porque ni él ni yo sabemos de achaque de burlas. | « Holà, seigneurs gentilshommes, que Vos Grâces veuillent bien laisser ce garçon, et s′en retourner par où elles sont venues, ou par un autre côté, s′il leur plaît davantage. Mon écuyer est tout aussi propre qu′un autre, et ces écuelles ne sont pas faites pour sa gorge. Suivez mon conseil, et laissez-le, car ni lui ni moi n′entendons raillerie. » | Cogióle la razón de la boca Sancho, y prosiguió diciendo. | Sancho lui prit, comme on dit, le propos de la bouche, et continua sur-le-champ : | -¡No, sino lléguense a hacer burla del mostrenco, que así lo sufriré como ahora es de noche! Traigan aquí un peine, o lo que quisieren, y almohácenme estas barbas, y si sacaren dellas cosa que ofenda a la limpieza, que me trasquilen a cruces. | « Sinon, qu′ils viennent se frotter au lourdaud ; je le souffrirai comme il fait nuit maintenant. Qu′on apporte un peigne ou tout ce qu′on voudra, et qu′on me racle cette barbe, et, si l′on en tire quelque chose qui offense la propreté, je veux qu′on me tonde à rebrousse-poil. » | A esta sazón, sin dejar la risa, dijo la duquesa: | En ce moment, et sans cesser de rire, la duchesse prit la parole : | -Sancho Panza tiene razón en todo cuanto ha dicho, y la tendrá en todo cuanto dijere: él es limpio, y, como él dice, no tiene necesidad de lavarse; y si nuestra usanza no le contenta, su alma en su palma, cuanto más, que vosotros, ministros de la limpieza, habéis andado demasiadamente de remisos y descuidados, y no sé si diga atrevidos, a traer a tal personaje y a tales barbas, en lugar de fuentes y aguamaniles de oro puro y de alemanas toallas, artesillas y dornajos de palo y rodillas de aparadores. Pero, en fin, sois malos y mal nacidos, y no podéis dejar, como malandrines que sois, de mostrar la ojeriza que tenéis con los escuderos de los andantes caballeros. | « Sancho Panza, dit-elle, a raison en tout ce qu′il vient de dire, et l′aura en tout ce qu′il dira. Il est propre assurément, et n′a nul besoin de se laver ; et, si notre usage ne lui convient pas, il a son âme dans sa main. Vous, d′ailleurs, ministres de la propreté, vous avez été un peu trop paresseux et négligents, et je ne sais si je dois dire un peu trop hardis, d′apporter pour la barbe de tel personnage, au lieu d′aiguières d′or pur et de serviettes de Hollande, des écuelles de bois et des torchons de buffet. Mais enfin, vous êtes de méchantes gens, mal nés, mal-appris, et vous ne pouvez manquer, comme des malandrins que vous êtes, de montrer la rancune que vous portez aux écuyers des chevaliers errants. » | Creyeron los apicarados ministros, y aun el maestresala, que venía con ellos, que la duquesa hablaba de veras; y así, quitaron el cernadero del pecho de Sancho, y todos confusos y casi corridos se fueron y le dejaron; el cual, viéndose fuera de aquel, a su parecer, sumo peligro, se fue a hincar de rodillas ante la duquesa y dijo. | Les marmitons ameutés, et même le maître d′hôtel qui les conduisait, crurent que la duchesse parlait sérieusement. Ils se hâtèrent d′ôter le torchon du cou de Sancho, et tout honteux, tout confus, ils le laissèrent et disparurent. Quand Sancho se vit hors de ce péril, effroyable à son avis, il alla se jeter à deux genoux devant la duchesse, et lui dit : | -De grandes señoras, grandes mercedes se esperan; esta que la vuestra merced hoy me ha fecho no puede pagarse con menos, si no es con desear verme armado caballero andante, para ocuparme todos los días de mi vida en servir a tan alta señora. Labrador soy, Sancho Panza me llamo, casado soy, hijos tengo y de escudero sirvo: si con alguna destas cosas puedo servir a vuestra grandeza, menos tardaré yo en obedecer que vuestra señoría en mandar. | « De grandes dames, grandes faveurs s′attendent. Celle que Votre Grâce vient de me faire ne se peut moins payer que par le désir de me voir armé chevalier errant, pour m′occuper tous les jours de ma vie au service d′une si haute princesse. Je suis laboureur, je m′appelle Sancho Panza, je suis marié, j′ai des enfants, et je fais le métier d′écuyer. Si en quelqu′une de ces choses il m′est possible de servir Votre Grandeur, je tarderai moins à obéir que Votre Seigneurie à commander. | -Bien parece, Sancho -respondió la duquesa-, que habéis aprendido a ser cortés en la escuela de la misma cortesía; bien parece, quiero decir, que os habéis criado a los pechos del señor don Quijote, que debe de ser la nata de los comedimientos y la flor de las ceremonias, o cirimonias, como vos decís. Bien haya tal señor y tal criado: el uno, por norte de la andante caballería; y el otro, por estrella de la escuderil fidelidad. Levantaos, Sancho amigo, que yo satisfaré vuestras cortesías con hacer que el duque mi señor, lo más presto que pudiere, os cumpla la merced prometida del gobierno. |  On voit bien, Sancho, répondit la duchesse, que vous avez appris à être courtois à l′école de la courtoisie même ; on voit bien, veux-je dire, que vous avez été élevé dans le giron du seigneur don Quichotte, qui doit être la crème des civilités et la fleur des cérémonies, ou cirimonies, comme vous dites. Dieu garde tel maître et tel valet ; l′un, pour boussole de l′errante chevalerie ; l′autre, pour étoile de l′écuyère fidélité. Levez-vous, ami Sancho, et, pour reconnaître vos politesses, je ferai en sorte que le duc, mon seigneur, accomplisse aussitôt que possible la promesse qu′il vous a faite du gouvernement en question. » | Con esto cesó la plática, y don Quijote se fue a reposar la siesta, y la duquesa pidió a Sancho que, si no tenía mucha gana de dormir, viniese a pasar la tarde con ella y con sus doncellas en una muy fresca sala. Sancho respondió que, aunque era verdad que tenía por costumbre dormir cuatro o cinco horas las siestas del verano, que, por servir a su bondad, él procuraría con todas sus fuerzas no dormir aquel día ninguna, y vendría obediente a su mandado, y fuese. El duque dio nuevas órdenes como se tratase a don Quijote como a caballero andante, sin salir un punto del estilo como cuentan que se trataban los antiguos caballeros. | Là cessa l′entretien, et don Quichotte alla faire la sieste. La duchesse demanda à Sancho, s′il n′avait pas trop envie de dormir, de venir passer le tantôt avec elle et ses femmes dans une salle bien fraîche. Sancho répondit qu′il avait, il est vrai, l′habitude de dormir quatre ou cinq heures pendant les siestes de l′été ; mais que, pour servir la bonté de Sa Seigneurie, il ferait tous ses efforts pour ne pas dormir un seul instant ce jour-là, et se conformerait avec obéissance à ses ordres ; cela dit, il s′en fut. Le duc donna de nouvelles instructions sur la manière de traiter don Quichotte comme chevalier errant, sans s′écarter jamais du style et de la façon dont les histoires rapportent qu′on traitait les anciens chevaliers.
| II. Capítulo XXXIII. De la sabrosa plática que la duquesa y sus doncellas pasaron con Sancho Panza, digna de que se lea y de que se note. | Chapitre XXXIII De la savoureuse conversation qu′eurent la duchesse et ses femmes avec Sancho Panza, digne d′être lue et d′être notée Cuenta, pues, la historia, que Sancho no durmió aquella siesta, sino que, por cumplir su palabra, vino en comiendo a ver a la duquesa; la cual, con el gusto que tenía de oírle, le hizo sentar junto a sí en una silla baja, aunque Sancho, de puro bien criado, no quería sentarse; pero la duquesa le dijo que se sentase como gobernador y hablase como escudero, puesto que por entrambas cosas merecía el mismo escaño del Cid Ruy Díaz Campeador. | L′histoire raconte donc que Sancho ne dormit point cette sieste, mais qu′au contraire, pour tenir sa parole, il alla, dès qu′il eut dîné, rendre visite à la duchesse, laquelle, pour le plaisir qu′elle avait à l′entendre parler, le fit asseoir auprès d′elle sur un tabouret, bien que Sancho, par pure courtoisie, se défendît de s′asseoir en sa présence. Mais la duchesse lui dit de s′asseoir comme gouverneur, et de parler comme écuyer, puisqu′il méritait, en ces deux qualités, le fauteuil même du Cid Ruy Diaz le Campéador . | Encogió Sancho los hombros, obedeció y sentóse, y todas las doncellas y dueñas de la duquesa la rodearon, atentas, con grandísimo silencio, a escuchar lo que diría; pero la duquesa fue la que habló primero, diciendo. | Sancho courba les épaules, obéit et s′assit. Toutes les femmes et toutes les duègnes de la duchesse l′entourèrent dans un grand silence, attentives à écouter ce qu′il allait dire. Mais ce fut la duchesse qui parla la première. | -Ahora que estamos solos, y que aquí no nos oye nadie, querría yo que el señor gobernador me asolviese ciertas dudas que tengo, nacidas de la historia que del gran don Quijote anda ya impresa; una de las cuales dudas es que, pues el buen Sancho nunca vio a Dulcinea, digo, a la señora Dulcinea del Toboso, ni le llevó la carta del señor don Quijote, porque se quedó en el libro de memoria en Sierra Morena, cómo se atrevió a fingir la respuesta, y aquello de que la halló ahechando trigo, siendo todo burla y mentira, y tan en daño de la buena opinión de la sin par Dulcinea, y todas que no vienen bien con la calidad y fidelidad de los buenos escuderos. | « À présent, dit-elle, que nous sommes seuls et que personne ne nous écoute, je voudrais que le seigneur gouverneur m′éclaircît certains doutes qui me sont venus dans l′esprit à la lecture de l′histoire déjà imprimée du grand don Quichotte. Voici d′abord l′un de ces doutes ; puisque le bon Sancho n′a jamais vu Dulcinée, je veux dire madame Dulcinée du Toboso, et puisqu′il ne lui a point porté la lettre du seigneur don Quichotte, laquelle était restée sur le livre de poche dans la Sierra-Moréna, comment a-t-il osé inventer une réponse et supposer qu′il avait vu la dame vannant du blé, tandis que tout cela n′était que mensonges et moqueries, si préjudiciables au beau renom de la sans pareille Dulcinée et si contraires aux devoirs des bons et fidèles écuyers ? » | A estas razones, sin responder con alguna, se levantó Sancho de la silla, y, con pasos quedos, el cuerpo agobiado y el dedo puesto sobre los labios, anduvo por toda la sala levantando los doseles; y luego, esto hecho, se volvió a sentar y dijo. | À ces mots, et sans en répondre un seul, Sancho se leva de son siège, puis, à pas de loup, le corps plié et le doigt sur les lèvres, il parcourut toute la salle, soulevant avec soin les tapisseries. Cela fait, il revint à sa place et dit : | -Ahora, señora mía, que he visto que no nos escucha nadie de solapa, fuera de los circunstantes, sin temor ni sobresalto responderé a lo que se me ha preguntado, y a todo aquello que se me preguntare; y lo primero que digo es que yo tengo a mi señor don Quijote por loco rematado, puesto que algunas veces dice cosas que, a mi parecer, y aun de todos aquellos que le escuchan, son tan discretas y por tan buen carril encaminadas, que el mesmo Satanás no las podría decir mejores; pero, con todo esto, verdaderamente y sin escrúpulo, a mí se me ha asentado que es un mentecato. Pues, como yo tengo esto en el magín, me atrevo a hacerle creer lo que no lleva pies ni cabeza, como fue aquello de la respuesta de la carta, y lo de habrá seis o ocho días, que aún no está en historia; conviene a saber: lo del encanto de mi señora doña Dulcinea, que le he dado a entender que está encantada, no siendo más verdad que por los cerros de Úbeda. | « Maintenant, madame, que j′ai vu que personne ne nous écoute en cachette, hormis les assistants, je vais répondre sans crainte et sans alarme à ce que vous m′avez demandé, et à tout ce qu′il vous plaira de me demander encore. La première chose que j′aie à vous dire, c′est que je tiens mon seigneur don Quichotte pour fou achevé, accompli, pour fou sans ressource, bien que parfois il dise des choses qui sont, à mon avis et à celui de tous ceux qui l′écoutent, si discrètes, si raisonnables, si bien enfilées dans le droit chemin, que Satan lui-même n′en pourrait pas dire de meilleures. Mais néanmoins, en vérité et sans scrupule, je me suis imaginé que c′est un fou ; et, puisque j′ai cela dans la cervelle, je me hasarde à lui faire croire des choses qui n′ont ni pieds ni tête, comme fut la réponse de la lettre, comme fut aussi ce que j′ai fait, il y a sept ou huit jours, et qui n′est pas encore écrit en histoire, je veux dire l′enchantement de madame Dulcinée du Toboso ; car je lui ai fait accroire qu′elle est enchantée, quand ce n′est pas plus vrai que dans la lune. » | Rogóle la duquesa que le contase aquel encantamento o burla, y Sancho se lo contó todo del mesmo modo que había pasado, de que no poco gusto recibieron los oyentes; y, prosiguiendo en su plática, dijo la duquesa. | La duchesse le pria de lui conter cet enchantement ou mystification, et Sancho raconta toute la chose comme elle s′était passée, ce qui ne divertit pas médiocrement les auditeurs. Alors la duchesse, reprenant l′entretien : | -De lo que el buen Sancho me ha contado me anda brincando un escrúpulo en el alma y un cierto susurro llega a mis oídos, que me dice: ′′Pues don Quijote de la Mancha es loco, menguado y mentecato, y Sancho Panza su escudero lo conoce, y, con todo eso, le sirve y le sigue y va atenido a las vanas promesas suyas, sin duda alguna debe de ser él más loco y tonto que su amo; y, siendo esto así, como lo es, mal contado te será, señora duquesa, si al tal Sancho Panza le das ínsula que gobierne, porque el que no sabe gobernarse a sí, ¿cómo sabrá gobernar a otros?′. | « De tout ce que le bon Sancho vient de me conter, dit-elle, je sens un scrupule qui me galope dans l′âme, et un certain murmure qui me dit à l′oreille : Puisque don Quichotte de la Manche est fou, timbré, extravagant, et que Sancho Panza, son écuyer, le connaît bien, mais que cependant il le sert et l′accompagne, et donne en plein dans ses vaines promesses, il doit sans aucun doute être plus fou et plus sot que son maître. S′il en est ainsi, tu rendras compte à Dieu, madame la duchesse, de donner à ce Sancho Panza une île à gouverner ; car celui qui ne sait pas se gouverner lui-même, comment saura-t-il gouverner les autres ? | -Par Dios, señora -dijo Sancho-, que ese escrúpulo viene con parto derecho; pero dígale vuesa merced que hable claro, o como quisiere, que yo conozco que dice verdad: que si yo fuera discreto, días ha que había de haber dejado a mi amo. Pero ésta fue mi suerte, y ésta mi malandanza; no puedo más, seguirle tengo: somos de un mismo lugar, he comido su pan, quiérole bien, es agradecido, diome sus pollinos, y, sobre todo, yo soy fiel; y así, es imposible que nos pueda apartar otro suceso que el de la pala y azadón. Y si vuestra altanería no quisiere que se me dé el prometido gobierno, de menos me hizo Dios, y podría ser que el no dármele redundase en pro de mi conciencia; que, maguera tonto, se me entiende aquel refrán de ′′por su mal le nacieron alas a la hormiga′′; y aun podría ser que se fuese más aína Sancho escudero al cielo, que no Sancho gobernador. Tan buen pan hacen aquí como en Francia; y de noche todos los gatos son pardos, y asaz de desdichada es la persona que a las dos de la tarde no se ha desayunado; y no hay estómago que sea un palmo mayor que otro, el cual se puede llenar, como suele decirse, de paja y de heno; y las avecitas del campo tienen a Dios por su proveedor y despensero; y más calientan cuatro varas de paño de Cuenca que otras cuatro de límiste de Segovia; y al dejar este mundo y meternos la tierra adentro, por tan estrecha senda va el príncipe como el jornalero, y no ocupa más pies de tierra el cuerpo del Papa que el del sacristán, aunque sea más alto el uno que el otro; que al entrar en el hoyo todos nos ajustamos y encogemos, o nos hacen ajustar y encoger, mal que nos pese y a buenas noches. Y torno a decir que si vuestra señoría no me quisiere dar la ínsula por tonto, yo sabré no dárseme nada por discreto; y yo he oído decir que detrás de la cruz está el diablo, y que no es oro todo lo que reluce, y que de entre los bueyes, arados y coyundas sacaron al labrador Wamba para ser rey de España, y de entre los brocados, pasatiempos y riquezas sacaron a Rodrigo para ser comido de culebras, si es que las trovas de los romances antiguos no mienten. |  Pardieu ! madame, s′écria Sancho, ce scrupule vient à point nommé. Mais dites-lui de ma part qu′il peut parler clairement et comme il lui plaira, car je reconnais qu′il dit la vérité, et que, si j′avais deux onces de bon sens, il y a longtemps que j′aurais planté là mon maître. Mais ainsi le veulent mon sort et mon malheur. Je dois le suivre, il n′y a pas à dire ; nous sommes du même pays, j′ai mangé son pain, je l′aime beaucoup, il est reconnaissant, il m′a donné ses ânons, et par-dessus tout je suis fidèle. Il est donc impossible qu′aucun événement nous sépare, si ce n′est quand la pioche et la pelle nous feront un lit. Si Votre Hautesse ne veut pas me donner le gouvernement promis, eh bien ! Dieu m′a fait de moins, et il pourrait arriver que me le refuser maintenant tournât au profit de mon salut. Tout sot que je suis, j′ai compris le proverbe qui dit : « Pour son mal les ailes sont venues à la fourmi. » Il se pourrait bien que Sancho écuyer montât plus vite au ciel que Sancho gouverneur ; on fait d′aussi bon pain ici qu′en France, et la nuit tous les chats sont gris ; celui-là est assez malheureux, qui n′a pas déjeuné à deux heures du soir ; il n′y a pas d′estomac qui ait un palme de plus long qu′un autre, et qu′on ne puisse remplir, comme on dit, de paille et de foin ; les petits oiseaux des champs ont Dieu pour pourvoyeur et pour maître d′hôtel, et quatre aunes de gros drap de Cuenca tiennent plus chaud que quatre aunes de drap fin de Ségovie ; au sortir du monde, et quand on nous met sous la terre, le prince s′en va par un chemin aussi étroit que le journalier, et le corps du pape ne prend pas plus de pieds de terre que celui du sacristain, bien que l′un soit plus grand que l′autre ; car, pour entrer dans la fosse, nous nous serrons, nous pressons et nous rapetissons, ou plutôt on nous fait serrer, presser et rapetisser, quelque dépit que nous en ayons, et au revoir, bonsoir. Je reviens donc à dire que, si Votre Seigneurie ne veut pas me donner l′île, comme trop bête, je saurai en prendre mon parti, comme assez sage. J′ai ouí¤ire que derrière la croix se tient le diable, et que tout ce qui reluit n′est pas or ; j′ai ouí¤ire aussi qu′on tira d′entre les bœufs et la charrue le laboureur Wamba pour le faire roi d′Espagne, et qu′on tira d′entre les brocarts, les plaisirs et les richesses, le roi Rodrigue pour le faire manger aux couleuvres, si toutefois les couplets des anciens romances ne mentent point. | -Y ¡cómo que no mienten! -dijo a esta sazón doña Rodríguez la dueña, que era una de las escuchantes-: que un romance hay que dice que metieron al rey Rodrigo, vivo vivo, en una tumba llena de sapos, culebras y lagartos, y que de allí a dos días dijo el rey desde dentro de la tumba, con voz doliente y baja. |  Comment donc, s′ils ne mentent point ! s′écria en ce moment doña Rodriguez la duègne, qui était une des écoutantes ; il y a un romance qui dit qu′on mit le roi Rodrigue tout vivant dans une fosse pleine de crapauds, de serpents et de lézards, et qu′au bout de deux jours, le roi dit du fond de la tombe, avec une voix basse et dolente : | Ya me comen, ya me comen por do más pecado había. | « Ils me mangent, ils me dévorent, par où j′avais le plus péché. » | y, según esto, mucha razón tiene este señor en decir que quiere más ser más labrador que rey, si le han de comer sabandijas. | D′après cela, ce seigneur a bien raison de dire qu′il aime mieux être laboureur que roi, s′il doit être mangé par ces vilaines bêtes. » | No pudo la duquesa tener la risa, oyendo la simplicidad de su dueña, ni dejó de admirarse en oír las razones y refranes de Sancho, a quien dijo: | La duchesse ne put s′empêcher de rire à la simplicité de sa duègne, et, toute surprise des propos et des proverbes de Sancho, elle lui dit : | -Ya sabe el buen Sancho que lo que una vez promete un caballero procura cumplirlo, aunque le cueste la vida. El duque, mi señor y marido, aunque no es de los andantes, no por eso deja de ser caballero, y así, cumplirá la palabra de la prometida ínsula, a pesar de la invidia y de la malicia del mundo. Esté Sancho de buen ánimo, que cuando menos lo piense se verá sentado en la silla de su ínsula y en la de su estado, y empuñará su gobierno, que con otro de brocado de tres altos lo deseche. Lo que yo le encargo es que mire cómo gobierna sus vasallos, advirtiendo que todos son leales y bien nacidos. | « Le bon Sancho doit savoir déjà que ce qu′un chevalier promet une fois, il s′efforce de le tenir, dût-il lui en coûter la vie. Le duc, mon mari et mon seigneur, bien qu′il ne soit pas des errants, ne laisse pas néanmoins d′être chevalier. Ainsi il remplira sa promesse de l′île, en dépit de l′envie et de la malice du monde. Que Sancho prenne donc courage ; quand il y pensera le moins, il se verra gravement assis sur le siège de son île et de son gouvernement, sauf à la laisser pour une autre plus riche. Ce que je lui recommande, c′est de faire attention à la manière de gouverner ses vassaux, car je l′avertis qu′ils sont tous loyaux et bien nés. | -Eso de gobernarlos bien -respondió Sancho- no hay para qué encargármelo, porque yo soy caritativo de mío y tengo compasión de los pobres; y a quien cuece y amasa, no le hurtes hogaza; y para mi santiguada que no me han de echar dado falso; soy perro viejo, y entiendo todo tus, tus, y sé despabilarme a sus tiempos, y no consiento que me anden musarañas ante los ojos, porque sé dónde me aprieta el zapato: dígolo porque los buenos tendrán conmigo mano y concavidad, y los malos, ni pie ni entrada. Y paréceme a mí que en esto de los gobiernos todo es comenzar, y podría ser que a quince días de gobernador me comiese las manos tras el oficio y supiese más dél que de la labor del campo, en que me he criado. |  Pour ce qui est de bien gouverner, répondit Sancho, il n′y a pas de recommandations à me faire, car je suis charitable de ma nature, et j′ai compassion des pauvres gens. À qui pétrit le pain, ne vole pas le levain. Mais, par le nom de mon saint patron, ils ne me tricheront pas avec de faux dés ! je suis vieux chien, et m′entends en niaf, niaf ; je sais me frotter à temps les yeux, et ne me laisse pas venir des brouillards devant la vue, car je sais bien où le soulier me blesse. C′est pour dire que les bons auront avec moi la main et la porte ouvertes ; mais les méchants, ni pied ni accès. Il me semble, à moi, qu′en fait de gouvernements, le tout est de commencer, et il se pourrait bien faire qu′au bout de quinze jours j′en susse plus long sur le métier de gouverneur que sur le travail des champs, dans lequel je suis né et nourri. | -Vos tenéis razón razón, Sancho -dijo la duquesa-, que nadie nace enseñado, y de los hombres se hacen los obispos, que no de las piedras. Pero, volviendo a la plática que poco ha tratábamos del encanto de la señora Dulcinea, tengo por cosa cierta y más que averiguada que aquella imaginación que Sancho tuvo de burlar a su señor y darle a entender que la labradora era Dulcinea, y que si su señor no la conocía debía de ser por estar encantada, toda fue invención de alguno de los encantadores que al señor don Quijote persiguen; porque real y verdaderamente yo sé de buena parte que la villana que dio el brinco sobre la pollina era y es Dulcinea del Toboso, y que el buen Sancho, pensando ser el engañador, es el engañado; y no hay poner más duda en esta verdad que en las cosas que nunca vimos; y sepa el señor Sancho Panza que también tenemos acá encantadores que nos quieren bien, y nos dicen lo que pasa por el mundo, pura y sencillamente, sin enredos ni máquinas; y créame Sancho que la villana brincadora era y es Dulcinea del Toboso, que está encantada como la madre que la parió; y cuando menos nos pensemos, la habemos de ver en su propia figura, y entonces saldrá Sancho del engaño en que vive. |  Vous avez raison, Sancho, dit la duchesse ; personne ne naît tout appris, et c′est avec des hommes qu′on fait les évêques, et non pas avec des pierres. Mais revenant à la conversation que nous avions tout à l′heure sur l′enchantement de madame Dulcinée, je tiens pour chose certaine et dûment reconnue que cette idée qui vint à Sancho de mystifier son seigneur, en lui faisant accroire que la paysanne était Dulcinée du Toboso, et que, si son seigneur ne la reconnaissait point, c′était parce qu′elle était enchantée ; je tiens, dis-je, pour certain que ce fut une invention des enchanteurs qui poursuivent le seigneur don Quichotte. En effet, je sais de très-bonne part que la villageoise qui sauta si lestement sur la bourrique était réellement Dulcinée du Toboso, et que le bon Sancho, pensant être le trompeur, a été le trompé. C′est une vérité qu′on ne doit pas plus mettre en doute que les choses que nous n′avons jamais vues. Il faut que le seigneur Sancho Panza apprenne ceci ; c′est que nous avons aussi, par ici autour, des enchanteurs qui nous veulent du bien, et qui nous racontent ce qui se passe dans le monde, purement et simplement, sans détour ni supercheries. Que Sancho m′en croie ; la paysanne sauteuse était Dulcinée du Toboso, laquelle est enchantée comme la mère qui l′a mise au monde ; quand nous y penserons le moins, nous la verrons tout à coup sous sa propre figure, et alors Sancho sortira de l′erreur où il vit. | -Bien puede ser todo eso -dijo Sancho Panza-; y agora quiero creer lo que mi amo cuenta de lo que vio en la cueva de Montesinos, donde dice que vio a la señora Dulcinea del Toboso en el mesmo traje y hábito que yo dije que la había visto cuando la encanté por solo mi gusto; y todo debió de ser al revés, como vuesa merced, señora mía, dice, porque de mi ruin ingenio no se puede ni debe presumir que fabricase en un instante tan agudo embuste, ni creo yo que mi amo es tan loco que con tan flaca y magra persuasión como la mía creyese una cosa tan fuera de todo término. Pero, señora, no por esto será bien que vuestra bondad me tenga por malévolo, pues no está obligado un porro como yo a taladrar los pensamientos y malicias de los pésimos encantadores: yo fingí aquello por escaparme de las riñas de mi señor don Quijote, y no con intención de ofenderle; y si ha salido al revés, Dios está en el cielo, que juzga los corazones. |  Tout cela peut bien être, s′écria Sancho ; et maintenant je veux croire ce que mon maître raconte qu′il a vu dans la caverne de Montésinos, où il a vu, dit-il, madame Dulcinée dans le même équipage et dans le même costume où je lui dis que je l′avais vue quand je l′enchantai seulement pour mon bon plaisir. Tout dut être au rebours, comme le dit Votre Grâce, ma chère bonne dame ; car de mon chétif esprit on ne pouvait attendre qu′il fabriquât en un instant une si subtile fourberie, et je ne crois pas non plus mon maître assez fou pour qu′une aussi maigre persuasion que la mienne lui fît accroire une chose si hors de tout sens commun. Cependant, madame, il ne faudrait pas que votre bonté me tînt pour malveillant, car un benêt comme moi n′est pas obligé de pénétrer dans les pensées et les malices des scélérats d′enchanteurs. J′ai inventé ce tour pour échapper aux reproches de mon seigneur don Quichotte, mais non dans l′intention de l′offenser ; s′il a tourné tout au rebours, Dieu est dans le ciel, qui juge les cœurs. | -Así es la verdad -dijo la duquesa-; pero dígame agora, Sancho, qué es esto que dice de la cueva de Montesinos, que gustaría saberlo. |  Rien de plus vrai, reprit la duchesse ; mais dites-moi, maintenant, Sancho, que parlez-vous de la caverne de Montésinos ? qu′est-ce que cela ? j′aurais grande envie de le savoir. » | Entonces Sancho Panza le contó punto por punto lo que queda dicho acerca de la tal aventura. Oyendo lo cual la duquesa, dijo. | Aussitôt Sancho lui raconta point sur point ce qui a été dit au sujet de cette aventure. Quand la duchesse eut entendu son récit : | -Deste suceso se puede inferir que, pues el gran don Quijote dice que vio allí a la mesma labradora que Sancho vio a la salida del Toboso, sin duda es Dulcinea, y que andan por aquí los encantadores muy listos y demasiadamente curiosos. | « On peut, dit-elle, conclure de cet événement que, puisque le grand don Quichotte dit qu′il a vu là-bas cette même personne que Sancho vit à la sortie du Toboso, c′est Dulcinée sans aucun doute, et que nos enchanteurs de par ici se montrent fort exacts, bien qu′un peu trop curieux. | -Eso digo yo -dijo Sancho Panza-, que si mi señora Dulcinea del Toboso está encantada, su daño; que yo no me tengo de tomar, yo, con los enemigos de mi amo, que deben de ser muchos y malos. Verdad sea que la que yo vi fue una labradora, y por labradora la tuve, y por tal labradora la juzgué; y si aquélla era Dulcinea, no ha de estar a mi cuenta, ni ha de correr por mí, o sobre ello, morena. No, sino ándense a cada triquete conmigo a dime y direte, "Sancho lo dijo, Sancho lo hizo, Sancho tornó y Sancho volvió", como si Sancho fuese algún quienquiera, y no fuese el mismo Sancho Panza, el que anda ya en libros por ese mundo adelante, según me dijo Sansón Carrasco, que, por lo menos, es persona bachillerada por Salamanca, y los tales no pueden mentir si no es cuando se les antoja o les viene muy a cuento; así que, no hay para qué nadie se tome conmigo, y pues que tengo buena fama, y, según oí decir a mi señor, que más vale el buen nombre que las muchas riquezas, encájenme ese gobierno y verán maravillas; que quien ha sido buen escudero será buen gobernador. |  Quant à moi, reprit Sancho, je dis que, si madame Dulcinée du Toboso est enchantée, tant pis pour elle ; je n′ai pas envie de me faire des querelles avec les ennemis de mon maître, qui doivent être nombreux et méchants. En bonne vérité, celle que j′ai vue était une paysanne ; pour paysanne je la pris, et pour paysanne je la tiens, et si celle-là était Dulcinée, ma foi, ce n′est pas à moi qu′il en faut demander compte, ou nous verrions beau jeu. Autrement, on viendrait à tout bout de champ me chercher noise ; Sancho l′a dit, Sancho l′a fait, Sancho tourne, Sancho vire, comme si Sancho était un je ne sais qui, et ne fût plus le même Sancho Panza qui court à travers le monde, imprimé en livres, à ce que m′a dit Samson Carrasco, qui est pour le moins une personne graduée de bachelier par Salamanque ; et ces gens-là ne peuvent mentir, si ce n′est quand il leur en prend fantaisie, ou qu′ils y trouvent leur profit. Ainsi donc, il n′y a pas de quoi me chercher chicane ; et puisque j′ai ouí¤ire à mon seigneur : « Bonne renommée vaut mieux que ceinture dorée » qu′on me plante ce gouvernement sur la tête, et l′on verra des merveilles ; car qui a été bon écuyer sera bon gouverneur. | -Todo cuanto aquí ha dicho el buen Sancho -dijo la duquesa- son sentencias catonianas, o, por lo menos, sacadas de las mesmas entrañas del mismo Micael Verino, florentibus occidit annis. En fin, en fin, hablando a su modo, debajo de mala capa suele haber buen bebedor. |  Tout ce qu′a dit jusqu′à présent le bon Sancho, répondit la duchesse, ce sont autant de sentences de Caton, ou tirées pour le moins des entrailles mêmes de Michel Vérino, florentibus occidit annis.< Enfin, enfin, pour parler à sa manière, sous un mauvais manteau se trouve souvent un bon buveur. | -En verdad, señora -respondió Sancho-, que en mi vida he bebido de malicia; con sed bien podría ser, porque no tengo nada de hipócrita: bebo cuando tengo gana, y cuando no la tengo y cuando me lo dan, por no parecer o melindroso o malcriado; que a un brindis de un amigo, ¿qué corazón ha de haber tan de mármol que no haga la razón? Pero, aunque las calzo, no las ensucio; cuanto más, que los escuderos de los caballeros andantes, casi de ordinario beben agua, porque siempre andan por florestas, selvas y prados, montañas y riscos, sin hallar una misericordia de vino, si dan por ella un ojo. |  En vérité, madame, répliqua Sancho, de ma vie je n′ai bu par malice ; avec soif, cela pourrait bien être, car je n′ai rien d′hypocrite. Je bois quand j′en ai l′envie, et, si je ne l′ai pas, quand on me donne à boire, pour ne point faire le délicat, ni paraître mal élevé. À une santé portée par un ami, quel cœur pourrait être assez de marbre pour ne pas rendre raison ? Mais, quoique je mette des chausses, je ne les salis pas. D′ailleurs, les écuyers des chevaliers errants ne boivent guère que de l′eau, puisqu′ils sont toujours au milieu des forêts, des prairies, des montagnes et des rochers, sans trouver une pauvre charité de vin, quand même ils donneraient un œil pour la payer. | -Yo lo creo así -respondió la duquesa-. Y por ahora, váyase Sancho a reposar, que después hablaremos más largo y daremos orden como vaya presto a encajarse, como él dice, aquel gobierno. |  Je le crois bien, répondit la duchesse ; mais, quant à présent, Sancho peut aller reposer. Ensuite nous causerons plus au long, et nous mettrons ordre à ce qu′il aille bientôt se planter, comme il dit, ce gouvernement sur la tête. » | De nuevo le besó las manos Sancho a la duquesa, y le suplicó le hiciese merced de que se tuviese buena cuenta con su rucio, porque era la lumbre de sus ojos. | Sancho baisa de nouveau les mains à la duchesse, et la supplia de lui faire la grâce de veiller à ce qu′on eût grand soin de son grison, qui était la lumière de ses yeux. | -¿Qué rucio es éste? -preguntó la duquesa. | « Qu′est-ce que cela, le grison ? demanda la duchesse. | -Mi asno -respondió Sancho-, que por no nombrarle con este nombre, le suelo llamar el rucio; y a esta señora dueña le rogué, cuando entré en este castillo, tuviese cuenta con él, y azoróse de manera como si la hubiera dicho que era fea o vieja, debiendo ser más propio y natural de las dueñas pensar jumentos que autorizar las salas. ¡Oh, válame Dios, y cuán mal estaba con estas señoras un hidalgo de mi lugar! . -Sería algún villano -dijo doña Rodríguez, la dueña-, que si él fuera hidalgo y bien nacido, él las pusiera sobre el cuerno de la luna. |  C′est mon âne, répondit Sancho, que, pour ne pas lui donner ce nom-là, j′ai coutume d′appeler le grison. J′avais prié cette madame la duègne, quand j′entrai dans le château, de prendre soin de lui ; mais elle se fâcha tout rouge, comme si je lui eusse dit qu′elle était laide ou vieille ; et pourtant ce devrait être plutôt l′affaire des duègnes de panser les ânes que de faire parade au salon. Ô sainte Vierge ! quelle dent avait contre ces dames-là un hidalgo de mon pays !  C′était quelque manant comme vous, s′écria doña Rodriguez la duègne ; car, s′il eût été gentilhomme et de bonne souche, il les aurait élevées au-dessus des cornes de la lune. | -Agora bien -dijo la duquesa-, no haya más: calle doña Rodríguez y sosiéguese el señor Panza, y quédese a mi cargo el regalo del rucio; que, por ser alhaja de Sancho, le pondré yo sobre las niñas de mis ojos. |  C′est bon, c′est bon, dit la duchesse, en voilà bien assez ; que doña Rodriguez se taise et que le seigneur Panza se calme. C′est à ma charge que restera le soin du grison, et, puisqu′il est l′enfant chéri de Sancho, je le mettrai dans mon giron. | -En la caballeriza basta que esté -respondió Sancho-, que sobre las niñas de los ojos de vuestra grandeza ni él ni yo somos dignos de estar sólo un momento, y así lo consintiría yo como darme de puñaladas; que, aunque dice mi señor que en las cortesías antes se ha de perder por carta de más que de menos, en las jumentiles y así niñas se ha de ir con el compás en la mano y con medido término. |  Il suffit qu′il soit à l′écurie, répondit Sancho, car dans le giron de Votre Grandeur ni lui ni moi sommes dignes d′être reçus un seul instant ; j′y consentirais tout comme à me donner des coups de couteau. Quoi qu′en dise mon seigneur, qu′en fait de politesse il vaut mieux donner trop que pas assez, dans les politesses faites aux ânes, on doit aller avec mesure et le compas à la main.< | -Llévele -dijo la duquesa- Sancho al gobierno, y allá le podrá regalar como quisiere, y aun jubilarle del trabajo. |  Eh bien, dit la duchesse, que Sancho mène le sien au gouvernement ; il pourra l′y régaler tout à son aise, et même lui donner les invalides. | -No piense vuesa merced, señora duquesa, que ha dicho mucho -dijo Sancho-; que yo he visto ir más de dos asnos a los gobiernos, y que llevase yo el mío no sería cosa nueva. |  Ne pensez pas railler, madame la duchesse, répondit Sancho ; j′ai vu plus de deux ânes aller aux gouvernements, et quand j′y emmènerais le mien, ce ne serait pas chose nouvelle. » | Las razones de Sancho renovaron en la duquesa la risa y el contento; y, enviándole a reposar, ella fue a dar cuenta al duque de lo que con él había pasado, y entre los dos dieron traza y orden de hacer una burla a don Quijote que fuese famosa y viniese bien con el estilo caballeresco, en el cual le hicieron muchas, tan propias y discretas, que son las mejores aventuras que en esta grande historia se contienen. | Ces propos de Sancho ramenèrent chez la duchesse le rire et la gaieté. Enfin elle l′envoya prendre du repos, et fut rendre compte au duc de l′entretien qu′elle venait d′avoir avec lui. Puis ils conférèrent ensemble sur la manière de jouer à don Quichotte quelque fameux tour, qui s′accommodât parfaitement au style chevaleresque, et, dans ce genre, ils lui en jouèrent plusieurs, si bien appropriés et si bien conçus, que ce sont assurément les meilleures aventures que renferme cette grande histoire.
| II. Capítulo XXXIV. Que cuenta de la noticia que se tuvo de cómo se había de desencantar la sin par Dulcinea del Toboso, que es una de las aventuras más famosas deste libro. | Chapitre XXXIV Qui raconte la découverte que l′on fit de la manière dont il fallait désenchanter la sans pareille Dulcinée, ce qui est une des plus fameuses aventures de ce livre Grande era el gusto que recebían el duque y la duquesa de la conversación de don Quijote y de la de Sancho Panza; y, confirmándose en la intención que tenían de hacerles algunas burlas que llevasen vislumbres y apariencias de aventuras, tomaron motivo de la que don Quijote ya les había contado de la cueva de Montesinos, para hacerle una que fuese famosa (pero de lo que más la duquesa se admiraba era que la simplicidad de Sancho fuese tanta que hubiese venido a creer ser verdad infalible que Dulcinea del Toboso estuviese encantada, habiendo sido él mesmo el encantador y el embustero de aquel negocio); y así, habiendo dado orden a sus criados de todo lo que habían de hacer, de allí a seis días le llevaron a caza de montería, con tanto aparato de monteros y cazadores como pudiera llevar un rey coronado. Diéronle a don Quijote un vestido de monte y a Sancho otro verde, de finísimo paño; pero don Quijote no se le quiso poner, diciendo que otro día había de volver al duro ejercicio de las armas y que no podía llevar consigo guardarropas ni reposterías. Sancho sí tomó el que le dieron, con intención de venderle en la primera ocasión que pudiese. | Extrême était le plaisir que le duc et la duchesse trouvaient à la conversation de don Quichotte et à celle de Sancho. Mais ce qui étonnait le plus la duchesse, c′était que la simplicité de Sancho fût telle qu′il arrivât à croire comme une vérité infaillible que Dulcinée du Toboso était enchantée, tandis qu′il avait été lui-même l′enchanteur et le machinateur de toute l′affaire. Enfin, s′affermissant dans l′intention qu′ils avaient de jouer à leurs hôtes quelques tours qui sentissent les aventures, ils prirent occasion de celle que leur avait contée don Quichotte de la caverne de Montésinos pour en préparer une fameuse.<< Après avoir donné des ordres et des instructions à leurs gens sur ce qu′ils avaient à faire, au bout de six jours ils conduisirent le chevalier à la chasse de la grosse bête, avec un équipage de piqueurs et de chiens, tel que l′aurait pu mener un roi couronné. On donna à don Quichotte un habit de chasse, et un autre à Sancho, en drap vert de la plus grande finesse. Don Quichotte ne voulut point accepter ni mettre le sien, disant qu′il aurait bientôt à reprendre le dur exercice des armes, et qu′il ne pouvait porter une garde-robe avec lui. Quant à Sancho, il prit celui qu′on lui donna, dans l′intention de le vendre à la première occasion qui s′offrirait. | Llegado, pues, el esperado día, armóse don Quijote, vistióse Sancho, y, encima de su rucio, que no le quiso dejar aunque le daban un caballo, se metió entre la tropa de los monteros. La duquesa salió bizarramente aderezada, y don Quijote, de puro cortés y comedido, tomó la rienda de su palafrén, aunque el duque no quería consentirlo, y, finalmente, llegaron a un bosque que entre dos altísimas montañas estaba, donde, tomados los puestos, paranzas y veredas, y repartida la gente por diferentes puestos, se comenzó la caza con grande estruendo, grita y vocería, de manera que unos a otros no podían oírse, así por el ladrido de los perros como por el son de las bocinas. | Le jour venu, don Quichotte s′arma de toutes pièces ; Sancho mit son habit de chasse, et, monté sur le grison, qu′il ne voulut point abandonner, quoiqu′on lui offrît un cheval, il se mêla dans la foule des chasseurs. La duchesse se présenta élégamment parée, et don Quichotte, toujours courtois et galant, prit la bride de son palefroi< , quoique le duc voulût s′y opposer. Finalement, ils arrivèrent à un bois situé entre deux hautes montagnes ; puis, les postes étant pris, les sentiers occupés, et toute la troupe répartie dans les différents passages, on commença la chasse à cor et à cri, tellement qu′on ne pouvait s′entendre les uns les autres, tant à cause des aboiements des chiens que du bruit des cors de chasse. La duchesse mit pied à terre, et, prenant à la main un épieu aigu< , elle se plaça dans un poste où elle savait que les sangliers avaient coutume de venir passer. Le duc et don Quichotte descendirent également de leurs montures, et se placèrent à ses côtés. Pour Sancho, il se mit derrière tout le monde, sans descendre du grison, qu′il n′osait point abandonner, crainte de quelque mésaventure. | Apeóse la duquesa, y, con un agudo venablo en las manos, se puso en un puesto por donde ella sabía que solían venir algunos jabalíes. Apeóse asimismo el duque y don Quijote, y pusiéronse a sus lados; Sancho se puso detrás de todos, sin apearse del rucio, a quien no osara desamparar, porque no le sucediese algún desmán. Y, apenas habían sentado el pie y puesto en ala con otros muchos criados suyos, cuando, acosado de los perros y seguido de los cazadores, vieron que hacia ellos venía un desmesurado jabalí, crujiendo dientes y colmillos y arrojando espuma por la boca; y en viéndole, embrazando su escudo y puesta mano a su espada, se adelantó a recebirle don Quijote. Lo mesmo hizo el duque con su venablo; pero a todos se adelantara la duquesa, si el duque no se lo estorbara. Sólo Sancho, en viendo al valiente animal, desamparó al rucio y dio a correr cuanto pudo, y, procurando subirse sobre una alta encina, no fue posible; antes, estando ya a la mitad dél, asido de una rama, pugnando subir a la cima, fue tan corto de ventura y tan desgraciado, que se desgajó la rama, y, al venir al suelo, se quedó en el aire, asido de un gancho de la encina, sin poder llegar al suelo. Y, viéndose así, y que el sayo verde se le rasgaba, y pareciéndole que si aquel fiero animal allí allegaba le podía alcanzar, comenzó a dar tantos gritos y a pedir socorro con tanto ahínco, que todos los que le oían y no le veían creyeron que estaba entre los dientes de alguna fiera. | À peine occupaient-ils leur poste, après avoir rangé sur les ailes un grand nombre de leurs gens, qu′ils virent accourir sur eux, poursuivi par les chasseurs et harcelé par les chiens, un énorme sanglier qui faisait craquer ses dents et ses défenses, et jetait l′écume par la bouche. Aussitôt que don Quichotte l′aperçut, mettant l′épée à la main et embrassant son écu, il s′avança bravement à sa rencontre. Le duc fit de même avec son épieu, et la duchesse les aurait devancés tous, si le duc ne l′en eût empêchée. Le seul Sancho, à la vue du terrible animal, lâcha le grison et se mit à courir de toutes ses forces ; puis il essaya de grimper sur un grand chêne ; mais ce fut en vain ; car étant parvenu à la moitié du tronc, et saisissant une branche pour gagner la cime, il fut si mal chanceux que la branche rompit, et qu′en tombant par terre il resta suspendu à un tronçon, sans pouvoir arriver jusqu′en bas. Quant il se vit accroché de la sorte, quand il s′aperçut que son pourpoint vert se déchirait, et qu′en passant, le formidable animal pourrait bien l′atteindre, il se mit à jeter de tels cris, et à demander du secours avec tant d′instance, que tous ceux qui l′entendaient et ne le voyaient pas crurent qu′il était sous la dent de quelque bête féroce. | Finalmente, el colmilludo jabalí quedó atravesado de las cuchillas de muchos venablos que se le pusieron delante; y, volviendo la cabeza don Quijote a los gritos de Sancho, que ya por ellos le había conocido, viole pendiente de la encina y la cabeza abajo, y al rucio junto a él, que no le desamparó en su calamidad; y dice Cide Hamete que pocas veces vio a Sancho Panza sin ver al rucio, ni al rucio sin ver a Sancho: tal era la amistad y buena fe que entre los dos se guardaban. | Finalement, le sanglier aux longues défenses tomba sous le fer d′une foule d′épieux qu′on lui opposa, et don Quichotte, tournant alors la tête aux cris de Sancho (car il avait reconnu sa voix), le vit pendu au chêne, la tête en bas, et près de lui le grison, qui ne l′avait point abandonné dans sa détresse. Et Cid Hamet dit à ce propos qu′il a vu bien rarement Sancho Panza sans voir le grison, ni le grison sans voir Sancho ; tant grande était l′amitié qu′ils avaient l′un pour l′autre, et la fidélité qu′ils se gardaient. | Llegó don Quijote y descolgó a Sancho; el cual, viéndose libre y en el suelo, miró lo desgarrado del sayo de monte, y pesóle en el alma; que pensó que tenía en el vestido un mayorazgo. En esto, atravesaron al jabalí poderoso sobre una acémila, y, cubriéndole con matas de romero y con ramas de mirto, le llevaron, como en señal de vitoriosos despojos, a unas grandes tiendas de campaña que en la mitad del bosque estaban puestas, donde hallaron las mesas en orden y la comida aderezada, tan sumptuosa y grande, que se echaba bien de ver en ella la grandeza y magnificencia de quien la daba. Sancho, mostrando las llagas a la duquesa de su roto vestido, dijo. | Don Quichotte arriva et décrocha Sancho, lequel, dès qu′il se vit libre et les pieds sur la terre, examina la déchirure de son habit de chasse, qu′il ressentit au fond de l′âme, car il croyait avoir un majorat dans cet habit. Enfin, on posa l′énorme sanglier sur le dos d′un mulet de bât ; et l′ayant couvert avec des branches de romarin et des bouquets de myrte, les chasseurs triomphants le conduisirent, comme dépouille opime, à de grandes tentes de campagne qu′on avait dressées au milieu du bois. Là on trouva la table mise et le repas servi, si abondant, si somptueux, qu′on y reconnaissait bien la grandeur et la magnificence de ceux qui le donnaient. Sancho, montrant à la duchesse les plaies de son habit déchiré : | -Si esta caza fuera de liebres o de pajarillos, seguro estuviera mi sayo de verse en este estremo. Yo no sé qué gusto se recibe de esperar a un animal que, si os alcanza con un colmillo, os puede quitar la vida; yo me acuerdo haber oído cantar un romance antiguo que dice. | « Si cette chasse, dit-il, eût été aux lièvres ou aux petits oiseaux, mon pourpoint ne serait pas en cet état. Je ne sais vraiment pas quel plaisir on trouve à attendre un animal qui, s′il vous attrape avec ses crochets, peut vous ôter la vie. Je me rappelle avoir entendu chanter un vieux romance qui dit : | De los osos seas comido. como Favila el nombrado. | « Sois-tu mangé des ours comme Favila le Renommé ! » | -Ése fue un rey godo -dijo don Quijote-, que, yendo a caza de montería, le comió un oso. | Â Ce fut un roi goth< , dit don Quichotte, qui, étant allé à la chasse aux montagnes, fut mangé par un ours. | -Eso es lo que yo digo -respondió Sancho-: que no querría yo que los príncipes y los reyes se pusiesen en semejantes peligros, a trueco de un gusto que parece que no le había de ser, pues consiste en matar a un animal que no ha cometido delito alguno. | Â C′est justement ce que je dis, reprit Sancho ; je ne voudrais pas que les rois et les princes se missent en semblable danger, pour chercher un plaisir qui ne devrait pas, ce semble, en être un, puisqu′il consiste à tuer un animal qui n′a commis aucun méfait. | -Antes os engañáis, Sancho -respondió el duque-, porque el ejercicio de la caza de monte es el más conveniente y necesario para los reyes y príncipes que otro alguno. La caza es una imagen de la guerra: hay en ella estratagemas, astucias, insidias para vencer a su salvo al enemigo; padécense en ella fríos grandísimos y calores intolerables; menoscábase el ocio y el sueño, corrobóranse las fuerzas, agilítanse los miembros del que la usa, y, en resolución, es ejercicio que se puede hacer sin perjuicio de nadie y con gusto de muchos; y lo mejor que él tiene es que no es para todos, como lo es el de los otros géneros de caza, excepto el de la volatería, que también es sólo para reyes y grandes señores. Así que, ¡oh Sancho!, mudad de opinión, y, cuando seáis gobernador, ocupaos en la caza y veréis como os vale un pan por ciento. | Â Au contraire, Sancho, répondit le duc, vous vous trompez beaucoup ; car l′exercice de la chasse à la grande bête est plus convenable, plus nécessaire aux rois et aux princes qu′aucun autre. Cette chasse est une image de la guerre ; on y emploie des stratagèmes, des ruses, des embûches, pour vaincre sans risque l′ennemi ; on y souffre des froids excessifs et d′intolérables chaleurs ; on y oublie le sommeil et l′oisiveté ; on s′y rend le corps plus robuste, les membres plus agiles ; enfin, c′est un exercice qu′on peut prendre en faisant plaisir à plusieurs et sans nuire à personne. D′ailleurs, ce qu′il y a de mieux, c′est qu′il n′est pas fait pour tout le monde, comme les autres espèces de chasse, hormis celle du haut vol, qui n′appartient aussi qu′aux rois et aux grands seigneurs. Ainsi donc, ô Sancho, changez d′opinion, et, quand vous serez gouverneur, adonnez-vous à la chasse ; vous verrez comme vous vous en trouverez bien. | -Eso no -respondió Sancho-: el buen gobernador, la pierna quebrada y en casa. ¡Bueno sería que viniesen los negociantes a buscarle fatigados y él estuviese en el monte holgándose! ¡Así enhoramala andaría el gobierno! Mía fe, señor, la caza y los pasatiempos más han de ser para los holgazanes que para los gobernadores. En lo que yo pienso entretenerme es en jugar al triunfo envidado las pascuas, y a los bolos los domingos y fiestas; que esas cazas ni cazos no dicen con mi condición ni hacen con mi conciencia. | Â Oh ! pour cela non, répondit Sancho ; le bon gouverneur, comme la bonne femme, jambe cassée et à la maison. Il serait beau, vraiment que les gens affairés vinssent le chercher de loin, et qu′il fût au bois à se divertir ! Le gouvernement irait tout de travers. Par ma foi, seigneur, la chasse et les divertissements sont plus faits pour les fainéants que pour les gouverneurs. Ce à quoi je pense m′amuser, c′est à jouer à la triomphe les quatre jours de Pâques< , et aux boules les dimanches et fêtes. Toutes ces chasses-là ne vont guère à mon humeur, et ne s′accommodent pas à ma conscience. | -Plega a Dios, Sancho, que así sea, porque del dicho al hecho hay gran trecho. | Â Plaise à Dieu, Sancho, qu′il en soit ainsi, reprit le duc, car du dire au faire la distance est grande. | -Haya lo que hubiere -replicó Sancho-, que al buen pagador no le duelen prendas, y más vale al que Dios ayuda que al que mucho madruga, y tripas llevan pies, que no pies a tripas; quiero decir que si Dios me ayuda, y yo hago lo que debo con buena intención, sin duda que gobernaré mejor que un gerifalte. ¡No, sino pónganme el dedo en la boca y verán si aprieto o no. | Â Qu′il y ait le chemin qu′on voudra, répliqua Sancho ; au bon payeur il ne coûte rien de donner des gages ; et mieux vaut celui que Dieu assiste que celui qui se lève grand matin, et ce sont les tripes qui portent les pieds, non les pieds les tripes ; je veux dire que si Dieu m′assiste, et si je fais ce que je dois avec bonne intention, sans aucun doute je gouvernerai mieux qu′un aigle royal ; sinon, qu′on me mette le doigt dans la bouche, et l′on verra si je serre ou non les dents. | -¡Maldito seas de Dios y de todos sus santos, Sancho maldito -dijo don Quijote-, y cuándo será el día, como otras muchas veces he dicho, donde yo te vea hablar sin refranes una razón corriente y concertada! Vuestras grandezas dejen a este tonto, señores míos, que les molerá las almas, no sólo puestas entre dos, sino entre dos mil refranes, traídos tan a sazón y tan a tiempo cuanto le dé Dios a él la salud, o a mí si los querría escuchar. | Â Maudit sois-tu de Dieu et de tous ses saints, Sancho maudit ! s′écria don Quichotte. Quand donc viendra le jour, comme je te l′ai dit maintes fois, où je te verrai parler sans proverbes, et tenir des propos suivis et sensés ? Que Vos Grandeurs laissent là cet imbécile, mes seigneurs ; il vous moudra l′âme, non pas entre deux, mais entre deux mille proverbes, amenés si à point, si à propos, que Dieu veille à son salut, ou au mien si je voulais les écouter. | -Los refranes de Sancho Panza -dijo la duquesa-, puesto que son más que los del Comendador Griego, no por eso son en menos de estimar, por la brevedad de las sentencias. De mí sé decir que me dan más gusto que otros, aunque sean mejor traídos y con más sazón acomodados. | Â Les proverbes de Sancho Panza, dit la duchesse, bien qu′ils soient plus nombreux que ceux du commentateur grec< , n′en doivent pas moins être estimés, à cause de la brièveté des sentences. Quant à moi, je puis dire qu′ils me font plus de plaisir que d′autres, ceux-ci fussent-ils mieux amenés et ajustés plus à propos. » | Con estos y otros entretenidos razonamientos, salieron de la tienda al bosque, y en requerir algunas paranzas, y presto, se les pasó el día y se les vino la noche, y no tan clara ni tan sesga como la sazón del tiempo pedía, que era en la mitad del verano; pero un cierto claroescuro que trujo consigo ayudó mucho a la intención de los duques; y, así como comenzó a anochecer, un poco más adelante del crepúsculo, a deshora pareció que todo el bosque por todas cuatro partes se ardía, y luego se oyeron por aquí y por allí, y por acá y por acullá, infinitas cornetas y otros instrumentos de guerra, como de muchas tropas de caballería que por el bosque pasaba. La luz del fuego, el son de los bélicos instrumentos, casi cegaron y atronaron los ojos y los oídos de los circunstantes, y aun de todos los que en el bosque estaban. Luego se oyeron infinitos lelilíes, al uso de moros cuando entran en las batallas, sonaron trompetas y clarines, retumbaron tambores, resonaron pífaros, casi todos a un tiempo, tan contino y tan apriesa, que no tuviera sentido el que no quedara sin él al son confuso de tantos intrumentos. Pasmóse el duque, suspendióse la duquesa, admiróse don Quijote, tembló Sancho Panza, y, finalmente, aun hasta los mesmos sabidores de la causa se espantaron. Con el temor les cogió el silencio, y un postillón que en traje de demonio les pasó por delante, tocando en voz de corneta un hueco y desmesurado cuerno, que un ronco y espantoso son despedía. | Au milieu de cet entretien, et d′autres non moins divertissants, ils sortirent des tentes pour rentrer dans le bois, où le reste du jour se passa à chercher des postes et préparer des affûts. La nuit vint, non pas aussi claire et sereine que semblait le promettre la saison, puisqu′on était au milieu de l′été ; mais un certain clair-obscur, qu′elle amena et répandit avec elle, aida singulièrement aux projets des hôtes de don Quichotte. Dès que la nuit fut tombée, et un peu après le crépuscule, il sembla tout à coup que les quatre coins du bois prenaient feu. Ensuite on entendit par ci, par là, devant, derrière, et de tous côtés, une infinité de trompettes et d′autres instruments de guerre, ainsi que le pas de nombreuses troupes de cavalerie qui traversaient la forêt en tous sens. La lumière du feu et le son des instruments guerriers aveuglaient presque et assourdissaient les assistants, ainsi que tous ceux qui se trouvaient dans le bois. Bientôt on entendit une infinité de hélélis, de ces cris à l′usage des Mores quand ils engagent la bataille.< Les tambours battaient ; les trompettes, les clairons, les fifres résonnaient tous à la fois, si continuellement et si fort, que celui-là n′aurait pas eu de sens qui eût conservé le sien au bruit confus de tant d′instruments. Le duc pâlit, la duchesse frissonna, don Quichotte se sentit troubler, Sancho Panza trembla de tous ses membres, et ceux même qui connaissaient la vérité s′épouvantèrent. Le silence les saisit avec la peur, et, dans ce moment, un postillon passa devant eux, en équipage de démon, sonnant, au lieu de trompette, d′une corne démesurée, dont il tirait un bruit rauque et effroyable. | -¡Hola, hermano correo! -dijo el duque-, ¿quién sois, adónde vais, y qué gente de guerra es la que por este bosque parece que atraviesa. | « Holà ! frère courrier, s′écria le duc, qui êtes-vous ? où allez-vous ? quels gens de guerre sont ceux qui traversent ce bois ? » | A lo que respondió el correo con voz horrísona y desenfadada. | Le courrier répondit avec une voix brusque et farouche : | -Yo soy el Diablo; voy a buscar a don Quijote de la Mancha; la gente que por aquí viene son seis tropas de encantadores, que sobre un carro triunfante traen a la sin par Dulcinea del Toboso. Encantada viene con el gallardo francés Montesinos, a dar orden a don Quijote de cómo ha de ser desencantada la tal señora. | « Je suis le diable ; je vais chercher don Quichotte de la Manche ; les gens qui viennent par ici sont six troupes d′enchanteurs, qui amènent sur un char de triomphe la sans pareille Dulcinée du Toboso ; elle vient, enchantée avec le brillant Français Montésinos, apprendre à don Quichotte comment peut être désenchantée la pauvre dame. | -Si vos fuérades diablo, como decís y como vuestra figura muestra, ya hubiérades conocido al tal caballero don Quijote de la Mancha, pues le tenéis delante. | Â Si vous étiez le diable, comme vous le dites, et comme le montre votre aspect, reprit le duc, vous auriez déjà reconnu le chevalier don Quichotte de la Manche, car le voilà devant vous. | -En Dios y en mi conciencia -respondió el Diablo- que no miraba en ello, porque traigo en tantas cosas divertidos los pensamientos, que de la principal a que venía se me olvidaba. | Â En mon âme et conscience, répondit le diable, je n′y avais pas fait attention ; j′ai l′esprit occupé de tant de choses que j′oubliais la principale, celle pour laquelle je venais justement. | -Sin duda -dijo Sancho- que este demonio debe de ser hombre de bien y buen cristiano, porque, a no serlo, no jurara en Dios y en mi conciencia. Ahora yo tengo para mí que aun en el mesmo infierno debe de haber buena gente. | Â Sans doute, s′écria Sancho, que ce démon est honnête homme et bon chrétien ; car, s′il ne l′était pas, il ne jurerait point en son âme et conscience. Maintenant je croirai que, jusque dans l′enfer, il doit y avoir de braves gens. » | Luego el Demonio, sin apearse, encaminando la vista a don Quijote, dijo. | Aussitôt le démon, sans mettre pied à terre, et tournant les yeux sur don Quichotte, lui dit : | -A ti, el Caballero de los Leones (que entre las garras dellos te vea yo), me envía el desgraciado pero valiente caballero Montesinos, mandándome que de su parte te diga que le esperes en el mismo lugar que te topare, a causa que trae consigo a la que llaman Dulcinea del Toboso, con orden de darte la que es menester para desencantarla. Y, por no ser para más mi venida, no ha de ser más mi estada: los demonios como yo queden contigo, y los ángeles buenos con estos señores. | « À toi, le chevalier des Lions (que ne puis-je te voir entre leurs griffes !), m′envoie le malheureux, mais vaillant chevalier Montésinos, pour te dire de sa part que tu l′attendes à l′endroit même où je te rencontrerai, parce qu′il amène avec lui celle qu′on nomme Dulcinée du Toboso, dans le désir de te faire connaître le moyen à prendre pour la désenchanter. Ma venue n′étant à autre fin, ce doit être la fin de mon séjour. Que les démons de mon espèce restent avec toi, et les bons anges avec ces seigneurs. » | Y, en diciendo esto, tocó el desaforado cuerno, y volvió las espaldas y fuese, sin esperar respuesta de ninguno. | À ces mots, il se remit à souffler dans son énorme cornet, tourna le dos, et s′en fut, sans attendre une réponse de personne. | Renovóse la admiración en todos, especialmente en Sancho y don Quijote: en Sancho, en ver que, a despecho de la verdad, querían que estuviese encantada Dulcinea; en don Quijote, por no poder asegurarse si era verdad o no lo que le había pasado en la cueva de Montesinos. Y, estando elevado en estos pensamientos, el duque le dijo. | La surprise s′accrut pour tout le monde, surtout pour Sancho, quand il vit qu′on voulait à toute force, et en dépit de la vérité, que Dulcinée fût enchantée réellement ; pour don Quichotte, parce qu′il ne pouvait toujours pas démêler si ce qui lui était arrivé dans la caverne de Montésinos était vrai ou faux. Tandis qu′il s′abîmait dans ces pensées, le duc lui demanda : | -¿Piensa vuestra merced esperar, señor don Quijote? | « Est-ce que Votre Grâce pense attendre cette visite, seigneur don Quichotte ? | -Pues ¿no? -respondió él-. Aquí esperaré intrépido y fuerte, si me viniese a embestir todo el infierno. | Â Pourquoi non ? répondit-il ; j′attendrai de pied ferme et de cœur intrépide, dût m′assaillir l′enfer tout entier. | -Pues si yo veo otro diablo y oigo otro cuerno como el pasado, así esperaré yo aquí como en Flandes -dijo Sancho. | Â Eh bien ! moi, s′écria Sancho, si je vois un autre diable comme le dernier, et si j′entends un autre cornet à bouquin, j′attendrai ici comme je suis en Flandre. » | En esto, se cerró más la noche, y comenzaron a discurrir muchas luces por el bosque, bien así como discurren por el cielo las exhalaciones secas de la tierra, que parecen a nuestra vista estrellas que corren. Oyóse asimismo un espantoso ruido, al modo de aquel que se causa de las ruedas macizas que suelen traer los carros de bueyes, de cuyo chirrío áspero y continuado se dice que huyen los lobos y los osos, si los hay por donde pasan. Añadióse a toda esta tempestad otra que las aumentó todas, que fue que parecía verdaderamente que a las cuatro partes del bosque se estaban dando a un mismo tiempo cuatro rencuentros o batallas, porque allí sonaba el duro estruendo de espantosa artillería, acullá se disparaban infinitas escopetas, cerca casi sonaban las voces de los combatientes, lejos se reiteraban los lililíes agarenos. | La nuit, en ce moment, achevait de se fermer, et l′on commença à voir courir çà et là des lumières à travers le bois, comme se répandent par le ciel les exhalaisons sèches de la terre, lesquelles paraissent à notre vue autant d′étoiles qui filent. On entendit en même temps un bruit épouvantable, dans le genre de celui que produisent les roues massives des charrettes à bœufs, bruit aigu, criard, continuel, qui fait, dit-on, fuir les loups et les ours, s′il y en a sur leur passage. À toutes ces tempêtes s′en ajouta une autre, qui les accrut encore ; il semblait véritablement qu′aux quatre coins du bois on livrât en même temps quatre batailles. Là, résonnait le bruit sourd et effroyable de l′artillerie ; ici, partaient une infinité d′arquebuses ; tout près, on entendait les cris des combattants ; plus loin, les hélélis sarrasins. | Finalmente, las cornetas, los cuernos, las bocinas, los clarines, las trompetas, los tambores, la artillería, los arcabuces, y, sobre todo, el temeroso ruido de los carros, formaban todos juntos un son tan confuso y tan horrendo, que fue menester que don Quijote se valiese de todo su corazón para sufrirle; pero el de Sancho vino a tierra, y dio con él desmayado en las faldas de la duquesa, la cual le recibió en ellas, y a gran priesa mandó que le echasen agua en el rostro. Hízose así, y él volvió en su acuerdo, a tiempo que ya un carro de las rechinantes ruedas llegaba a aquel puesto. | Finalement, les cornets, les cors de chasse, les clairons, les trompettes, les tambours, l′artillerie, les coups d′arquebuse, et par-dessus tout l′épouvantable cliquetis des charrettes, tout cela formait à la fois un bruit si confus, si horrible, que don Quichotte eut besoin de rassembler tout son courage pour l′entendre sans effroi. Quant à Sancho, le sien fut bientôt abattu ; il tomba évanoui aux pieds de la duchesse, qui le reçut dans le pan de sa robe, et s′empressa de lui faire jeter de l′eau sur le visage. L′aspersion faite, il revint à lui dans le moment où un char aux roues criardes arrivait en cet endroit. | Tirábanle cuatro perezosos bueyes, todos cubiertos de paramentos negros; en cada cuerno traían atada y encendida una grande hacha de cera, y encima del carro venía hecho un asiento alto, sobre el cual venía sentado un venerable viejo, con una barba más blanca que la mesma nieve, y tan luenga que le pasaba de la cintura; su vestidura era una ropa larga de negro bocací, que, por venir el carro lleno de infinitas luces, se podía bien divisar y discernir todo lo que en él venía. Guiábanle dos feos demonios vestidos del mesmo bocací, con tan feos rostros, que Sancho, habiéndolos visto una vez, cerró los ojos por no verlos otra. Llegando, pues, el carro a igualar al puesto, se levantó de su alto asiento el viejo venerable, y, puesto en pie, dando una gran voz, dijo. | Quatre bœufs tardifs le traînaient, tout couverts de housses noires, et portant, attachée à chaque corne, une grande torche allumée. Sur le chariot était élevé une espèce de trône, et sur ce trône était assis un vieillard vénérable, avec une barbe plus blanche que la neige, et si longue qu′elle lui tombait au-dessous de la ceinture. Son vêtement était une ample robe de boucassin noir ; et, comme le chariot portait une infinité de lumières, on pouvait aisément y distinguer tous les objets. Il était conduit par deux laids démons, habillés de la même étoffe, et de si hideux visage, qu′après les avoir vus une fois, Sancho ferma les yeux, pour ne pas les voir une seconde. Quand le char fut arrivé en face du poste où se trouvait la compagnie, le vénérable vieillard se leva de son siège élevé, et, dès qu′il fut debout, il dit d′une voix haute : | -Yo soy el sabio Lirgandeo. | « Je suis le sage Lirgandée ; » | Y pasó el carro adelante, sin hablar más palabra. Tras éste pasó otro carro de la misma manera, con otro viejo entronizado; el cual, haciendo que el carro se detuviese, con voz no menos grave que el otro, dijo. | et le char passa outre, sans qu′il ajoutât un seul mot. Derrière ce chariot en vint un autre tout pareil, avec un autre vieillard intronisé, lequel, faisant arrêter son attelage, dit d′une voix non moins grave que le premier : | -Yo soy el sabio Alquife, el grande amigo de Urganda la Desconocida. | « Je suis le sage Alquife, grand ami d′Urgande la Déconnue ; » | Y pasó adelante. | et il passa outre. | Luego, por el mismo continente, llegó otro carro; pero el que venía sentado en el trono no era viejo como los demás, sino hombrón robusto y de mala catadura, el cual, al llegar, levantándose en pie, como los otros, dijo con voz más ronca y más endiablada. | Bientôt, et de la même façon, arriva un troisième chariot. Mais celui qui occupait le trône n′était pas un vieillard comme les deux premiers ; c′était un homme large et robuste, et de mine rébarbative. En arrivant, il se leva debout comme les autres, et dit d′une voix encore plus rauque et plus diabolique : | -Yo soy Arcaláus el encantador, enemigo mortal de Amadís de Gaula y de toda su parentela. | « Je suis Arcalaüs l′enchanteur, ennemi mortel d′Amadis de Gaule et de toute sa lignée ; » et il passa outre. | Y pasó adelante. Poco desviados de allí hicieron alto estos tres carros, y cesó el enfadoso ruido de sus ruedas, y luego se oyó otro, no ruido, sino un son de una suave y concertada música formado, con que Sancho se alegró, y lo tuvo a buena señal; y así, dijo a la duquesa, de quien un punto ni un paso se apartaba. | À quelque distance de là, les trois chariots firent halte, et alors cessa l′insupportable criaillement des roues. Bientôt on n′entendit d′autre bruit que le son d′une musique douce et concertante. Sancho s′en réjouit fort, et en tira bon présage. | -Señora, donde hay música no puede haber cosa mala. | « Madame, dit-il à la duchesse, dont il ne s′écartait ni d′un pas ni d′un instant, où il y a de la musique, il ne peut rien y avoir de mauvais. | -Tampoco donde hay luces y claridad -respondió la duquesa. | Â Pas davantage où il y a des lumières et de la clarté, répondit la duchesse. | A lo que replicó Sancho. | Â Oh ! reprit Sancho, | -Luz da el fuego y claridad las hogueras, como lo vemos en las que nos cercan, y bien podría ser que nos abrasasen, pero la música siempre es indicio de regocijos y de fiestas. | le feu donne de la lumière et les fournaises de la clarté, comme nous pouvons le voir à celles qui nous entourent, et qui pourraient bien pourtant nous embraser ; au lieu que la musique est toujours un signe de réjouissance et de fêtes. | -Ello dirá -dijo don Quijote, que todo lo escuchaba. | Â C′est ce qu′on va voir », dit don Quichotte, qui écoutait leur entretien ; | Y dijo bien, como se muestra en el capítulo siguiente. | et il avait raison, ainsi que le prouve le chapitre suivant.
| II. Capítulo XXXV. Donde se prosigue la noticia que tuvo don Quijote del desencanto de Dulcinea, con otros admirables sucesos. | Chapitre XXXV Où se continue la nouvelle que reçut don Quichotte du désenchantement de Dulcinée, avec d′autres événements dignes d′admiration Al compás de la agradable música vieron que hacia ellos venía un carro de los que llaman triunfales tirado de seis mulas pardas, encubertadas, empero, de lienzo blanco, y sobre cada una venía un diciplinante de luz, asimesmo vestido de blanco, con una hacha de cera grande encendida en la mano. Era el carro dos veces, y aun tres, mayor que los pasados, y los lados, y encima dél, ocupaban doce otros diciplinantes albos como la nieve, todos con sus hachas encendidas, vista que admiraba y espantaba juntamente; y en un levantado trono venía sentada una ninfa, vestida de mil velos de tela de plata, brillando por todos ellos infinitas hojas de argentería de oro, que la hacían, si no rica, a lo menos vistosamente vestida. Traía el rostro cubierto con un transparente y delicado cendal, de modo que, sin impedirlo sus lizos, por entre ellos se descubría un hermosísimo rostro de doncella, y las muchas luces daban lugar para distinguir la belleza y los años, que, al parecer, no llegaban a veinte ni bajaban de diez y siete. | Ils virent alors s′approcher d′eux, à la mesure de cette agréable musique, un char de ceux qu′on appelle char de triomphe, traîné par six mules brunes caparaçonnées de toile blanche, sur chacune desquelles était monté un pénitent, à la manière de ceux qui font amende honorable, également vêtu de blanc, avec une grosse torche de cire à la main. Ce char était deux fois, et même trois fois plus grand que les autres. Les côtés et les bords en étaient chargés de douze autres pénitents, blancs comme la neige, et tenant chacun une torche allumée ; spectacle fait pour surprendre et pour épouvanter tout à la fois. Sur un trône élevé au centre du char, était assise une nymphe couverte de mille voiles de gaze d′argent, sur lesquels brillaient une infinité de paillettes d′or, qui lui faisaient, sinon une riche, au moins une élégante parure. Elle avait la figure cachée sous une gaze de soie transparente et délicate, dont le tissu ne pouvait empêcher de découvrir un charmant visage de jeune fille. Les nombreuses lumières permettaient de distinguer ses traits et son âge, qui semblait ne point avoir atteint vingt ans, ni être resté au-dessous de dix-sept. | Junto a ella venía una figura vestida de una ropa de las que llaman rozagantes, hasta los pies, cubierta la cabeza con un velo negro; pero, al punto que llegó el carro a estar frente a frente de los duques y de don Quijote, cesó la música de las chirimías, y luego la de las arpas y laúdes que en el carro sonaban; y, levantándose en pie la figura de la ropa, la apartó a entrambos lados, y, quitándose el velo del rostro, descubrió patentemente ser la mesma figura de la muerte, descarnada y fea, de que don Quijote recibió pesadumbre y Sancho miedo, y los duques hicieron algún sentimiento temeroso. Alzada y puesta en pie esta muerte viva, con voz algo dormida y con lengua no muy despierta, comenzó a decir desta manera | Près d′elle était un personnage enveloppé jusqu′aux pieds d′une robe de velours à longue queue, et la tête couverte d′un voile noir. Au moment où le char arriva juste en face du duc et de don Quichotte, la musique des clairons cessa, et, bientôt après, celle des harpes et des luths dont on jouait sur le char même. Alors, se levant tout debout, le personnage à la longue robe l′écarta des deux côtés, et, soulevant le voile qui lui cachait le visage, il découvrit à tous les regards la figure même de la mort, hideuse et décharnée. Don Quichotte en pâlit, Sancho trembla de peur, le duc et la duchesse firent un mouvement d′effroi. Cette Mort vivante, s′étant levée sur les pieds, commença, d′une voix endormie et d′une langue peu éveillée, à parler de la sorte : | -Yo soy Merlín, aquel que las historias dicen que tuve por mi padre al diablo (mentira autorizada de los tiempos) , príncipe de la Mágica y monarca y archivo de la ciencia zoroástrica, émulo a las edades y a los siglos que solapar pretenden las hazañas de los andantes bravos caballeros a quien yo tuve y tengo gran cariño. Y, puesto que es de los encantadores, de los magos o mágicos contino dura la condición, áspera y fuerte, la mía es tierna, blanda y amorosa, y amiga de hacer bien a todas gentes. En las cavernas lóbregas de Dite, donde estaba mi alma entretenida en formar ciertos rombos y caráteres, llegó la voz doliente de la bella y sin par Dulcinea del Toboso. Supe su encantamento y su desgracia, y su trasformación de gentil dama en rústica aldeana; condolíme, y, encerrando mi espíritu en el hueco desta espantosa y fiera notomía, después de haber revuelto cien mil libros desta mi ciencia endemoniada y torpe, vengo a dar el remedio que conviene a tamaño dolor, a mal tamaño. ¡Oh tú, gloria y honor de cuantos visten las túnicas de acero y de diamante, luz y farol, sendero, norte y guía de aquellos que, dejando el torpe sueño y las ociosas plumas, se acomodan a usar el ejercicio intolerable de las sangrientas y pesadas armas! A ti digo ¡oh varón, como se debe por jamás alabado!, a ti, valiente juntamente y discreto don Quijote, de la Mancha esplendor, de España estrella, que para recobrar su estado primo la sin par Dulcinea del Toboso, es menester que Sancho, tu escudero, se dé tres mil azotes y trecientos en ambas sus valientes posaderas, al aire descubiertas, y de modo que le escuezan, le amarguen y le enfaden. Y en esto se resuelven todos cuantos de su desgracia han sido los autores, y a esto es mi venida, mis señores. | « Je suis Merlin, celui que les histoires disent avoir eu le diable pour père (mensonge accrédité par le temps), prince de la magie, monarque et archive de la science zoroastrique, émule des âges et des siècles, qui prétendent engloutir les exploits des braves chevaliers errants, à qui j′ai toujours porté et porte encore une grande affection. « Et, bien que l′humeur des enchanteurs, des mages et des magiciens soit toujours dure, âpre et farouche, la mienne est douce, tendre, amoureuse, aimant à faire bien à toutes sortes de gens. « Dans les obscures cavernes du Destin, où mon âme s′occupait à former des caractères et des figures magiques, est venue jusqu′à moi la voix dolente de la belle et sans pareille Dulcinée du Toboso. « Je sus son enchantement et sa disgrâce, sa transformation de gentille dame en grossière villageoise ; je fus ému de pitié, et, enfermant mon esprit dans le creux de cet horrible squelette, après avoir feuilleté cent mille volumes de ma science diabolique et vaine, je viens donner le remède qui convient à un si grand mal, à une douleur si grande. « Ô toi, honneur et gloire de tous ceux que revêtent les tuniques d′acier et de diamant, lumière, fanal, guide et boussole de ceux qui laissant le lourd sommeil et la plume oisive, consentent à prendre l′intolérable métier des pesantes et sanglantes armes. « À toi je dis, ô héros jamais dignement loué, vaillant tout à la fois et spirituel don Quichotte, splendeur de la Manche, astre de l′Espagne, que, pour rendre à son premier état la sans pareille Dulcinée du Toboso, il faut que Sancho, ton écuyer, se donne trois mille trois cents coups de fouet sur ses deux larges fesses, découvertes à l′air, de façon qu′il lui en cuise et qu′il lui en reste des marques. C′est à cela que se résolvent tous ceux qui ont été les auteurs de sa disgrâce ; et c′est pour cela que je suis venu, mes seigneurs. | -¡Voto a tal! -dijo a esta sazón Sancho-. No digo yo tres mil azotes, pero así me daré yo tres como tres puñaladas. ¡Válate el diablo por modo de desencantar! ¡Yo no sé qué tienen que ver mis posas con los encantos! ¡Par Dios que si el señor Merlín no ha hallado otra manera como desencantar a la señora Dulcinea del Toboso, encantada se podrá ir a la sepultura! | Â Ah bien, ma foi, s′écria Sancho, je me donnerai, non pas trois mille, mais trois coups de fouet, comme trois coups de couteau. Au diable soit la manière de désenchanter ! Et qu′est-ce qu′ont à voir mes fesses avec les enchantements ? Pardieu ! si le seigneur Merlin n′a pas trouvé d′autre moyen de désenchanter madame Dulcinée du Toboso, elle pourra bien s′en aller tout enchantée à la sépulture. | -Tomaros he yo -dijo don Quijote-, don villano, harto de ajos@, y amarraros he a un árbol, desnudo como vuestra madre os parió; y no digo yo tres mil y trecientos, sino seis mil y seiscientos azotes os daré, tan bien pegados que no se os caigan a tres mil y trecientos tirones. Y no me repliquéis palabra, que os arrancaré el alma. | Â Et moi je vais vous prendre, s′écria don Quichotte, don manant repu d′ail, et vous attacher à un arbre, nu comme votre mère vous a mis au monde, et je vous donnerai, non pas trois mille trois cents, mais six mille six cents coups de fouet, et si bien appliqués que vous ne puissiez vous en débarrasser en trois mille trois cents tours de reins. Et ne répliquez pas un mot, ou je vous arrache l′âme. » | Oyendo lo cual Merlín, dijo. | Quand Merlin entendit cela : | -No ha de ser así, porque los azotes que ha de recebir el buen Sancho han de ser por su voluntad, y no por fuerza, y en el tiempo que él quisiere; que no se le pone término señalado; pero permítesele que si él quisiere redemir su vejación por la mitad de este vapulamiento, puede dejar que se los dé ajena mano, aunque sea algo pesada. | « Non, reprit-il, ce ne doit pas être ainsi ; il faut que les coups de fouet que recevra le bon Sancho lui soient donnés de sa propre volonté, et non par force, et dans les moments qu′il lui plaira de choisir, car on ne fixe aucun terme. Cependant, s′il veut racheter son tourment pour la moitié de cette somme de coups de fouet, il lui est permis de se les laisser donner par une main étrangère, fût-elle même un peu pesante. | -Ni ajena, ni propia, ni pesada, ni por pesar -replicó Sancho- a mí no me ha de tocar alguna mano. ¿Parí yo, por ventura, a la señora Dulcinea del Toboso, para que paguen mis posas lo que pecaron sus ojos? El señor mi amo sí, que es parte suya, pues la llama a cada paso mi vida, mi alma, sustento y arrimo suyo, se puede y debe azotar por ella y hacer todas las diligencias necesarias para su desencanto; pero, ¿azotarme yo...? ¡Abernuncio. | Â Ni étrangère ni propre, ni pesante ni à peser, répliqua Sancho, aucune main ne me touchera. Est-ce que j′ai, par hasard, mis au monde madame Dulcinée du Toboso, pour que mes fesses payent le péché qu′ont fait ses beaux yeux ? C′est bon pour le seigneur mon maître, qui est une partie d′elle-même, puisqu′il l′appelle à chaque pas ma vie, mon âme, mon soutien. Il peut et doit se fouetter pour elle, et faire toutes les démarches nécessaires à son désenchantement ; mais me fouetter, moi ? abernuncio. » | Apenas acabó de decir esto Sancho, cuando, levantándose en pie la argentada ninfa que junto al espíritu de Merlín venía, quitándose el sutil velo del rostro, le descubrió tal, que a todos pareció mas que demasiadamente hermoso, y, con un desenfado varonil y con una voz no muy adamada, hablando derechamente con Sancho Panza, dijo. | À peine Sancho achevait-il de dire ces paroles, que la nymphe argentée qui se tenait près de l′esprit de Merlin, se leva tout debout, et, détournant son léger voile, elle découvrit un visage qui parut à tous les yeux plus que démesurément beau ; puis, avec un geste mâle et une voix fort peu féminine, elle s′adressa directement à Sancho Panza : | -¡Oh malaventurado escudero, alma de cántaro, corazón de alcornoque, de entrañas guijeñas y apedernaladas! Si te mandaran, ladrón desuellacaras, que te arrojaras de una alta torre al suelo; si te pidieran, enemigo del género humano, que te comieras una docena de sapos, dos de lagartos y tres de culebras; si te persuadieran a que mataras a tu mujer y a tus hijos con algún truculento y agudo alfanje, no fuera maravilla que te mostraras melindroso y esquivo; pero hacer caso de tres mil y trecientos azotes, que no hay niño de la doctrina, por ruin que sea, que no se los lleve cada mes, admira, adarva, espanta a todas las entrañas piadosas de los que lo escuchan, y aun las de todos aquellos que lo vinieren a saber con el discurso del tiempo. Pon, ¡oh miserable y endurecido animal!, pon, digo, esos tus ojos de machuelo espantadizo en las niñas destos míos, comparados a rutilantes estrellas, y veráslos llorar hilo a hilo y madeja a madeja, haciendo surcos, carreras y sendas por los hermosos campos de mis mejillas. Muévate, socarrón y malintencionado monstro, que la edad tan florida mía, que aún se está todavía en el diez y... de los años, pues tengo diez y nueve y no llego a veinte, se consume y marchita debajo de la corteza de una rústica labradora; y si ahora no lo parezco, es merced particular que me ha hecho el señor Merlín, que está presente, sólo porque te enternezca mi belleza; que las lágrimas de una afligida hermosura vuelven en algodón los riscos, y los tigres en ovejas. Date, date en esas carnazas, bestión indómito, y saca de harón ese brío, que a sólo comer y más comer te inclina, y pon en libertad la lisura de mis carnes, la mansedumbre de mi condición y la belleza de mi faz; y si por mí no quieres ablandarte ni reducirte a algún razonable término, hazlo por ese pobre caballero que a tu lado tienes; por tu amo, digo, de quien estoy viendo el alma, que la tiene atravesada en la garganta, no diez dedos de los labios, que no espera sino tu rígida o blanda repuesta, o para salirse por la boca, o para volverse al estómago. | « Ô malencontreux écuyer, dit-elle, cœur de poule, âme de bronze, entrailles de cailloux, si l′on t′ordonnait, effronté larron, de te jeter d′une haute tour en bas ; si l′on te demandait, ennemi du genre humain, de manger une douzaine de crapauds, deux douzaines de lézards et trois douzaines de couleuvres ; si l′on te persuadait de tuer ta femme et tes enfants avec le tranchant aigu d′un atroce cimeterre, il ne serait pas étonnant que tu te montrasses malgracieux, et que tu fisses la petite bouche. Mais faire cas de trois mille trois cents coups de fouet, quand il n′y a pas d′écolier des frères de la doctrine, si mauvais sujet qu′il soit, qui n′en attrape chaque mois autant, en vérité, cela surprend, étourdit, stupéfie les entrailles pitoyables de tous ceux qui écoutent une semblable réponse, et même de tous ceux qui viendront à l′apprendre avec le cours du temps. Jette, ô animal misérable et endurci, jette, dis-je, tes yeux de mulet ombrageux sur la prunelle des miens, brillants comme de scintillantes étoiles, et tu les verras pleurer goutte à goutte, ruisseau à ruisseau, traçant des sillons, des sentiers et des routes, à travers les belles campagnes de mes joues. Prends pitié, monstre sournois et malintentionné, prends pitié à voir que mon jeune âge, qui ne passe pas encore la seconde dizaine, puisque j′ai dix-neuf ans, et pas tout à fait vingt, se consume et se flétrit sous l′écorce d′une grossière paysanne. Si maintenant je n′en ai pas l′air, c′est une faveur particulière que m′a faite le seigneur Merlin, ici présent, uniquement pour que mes attraits t′attendrissent, car les larmes d′une beauté affligée changent les rochers en coton et les tigres en brebis. Frappe-toi, frappe-toi sur ces viandes épaisses, bête féroce indomptée, et ranime ce courage que tu ne sais employer qu′à te remplir la bouche et le ventre ; remets en liberté la délicatesse de ma peau, la douceur de mon caractère et la beauté de ma face. Mais, si pour moi tu ne veux pas t′adoucir ni te rendre à la raison, fais-le pour ce pauvre chevalier, qui est debout à tes côtés ; pour ton maître, dis-je, dont je vois l′âme en ce moment, à telles enseignes qu′il la tient au travers de la gorge, à cinq ou six doigts des lèvres, car elle n′attend plus que ta réponse brutale ou tendre, ou pour lui sortir par la bouche, ou pour lui rentrer dans l′estomac. » | Tentóse, oyendo esto, la garganta don Quijote y dijo, volviéndose al duque. | À ces mots, don Quichotte se tâta la gorge, et se tournant vers le duc : | -Por Dios, señor, que Dulcinea ha dicho la verdad, que aquí tengo el alma atravesada en la garganta, como una nuez de ballesta. | « Pardieu ! seigneur, s′écria-t-il, Dulcinée a dit vrai ; car voici que j′ai l′âme arrêtée au milieu de la gorge, comme une noix d′arbalète. | -¿Qué decís vos a esto, Sancho? -preguntó la duquesa. | Â Que dites-vous à cela, Sancho ? demanda la duchesse. | -Digo, señora -respondió Sancho-, lo que tengo dicho que de los azotes, abernuncio. | Â Je dis, madame, répondit Sancho, ce que j′ai dit, quant aux coups de fouet : abernuncio. | -Abrenuncio habéis de decir, Sancho, y no como decís -dijo el duque. | Â C′est abrenuncio< qu′il faut dire, Sancho, reprit le duc, et non comme vous dites. | -Déjeme vuestra grandeza -respondió Sancho-, que no estoy agora para mirar en sotilezas ni en letras más a menos; porque me tienen tan turbado estos azotes que me han de dar, o me tengo de dar, que no sé lo que me digo, ni lo que me hago. Pero querría yo saber de la señora mi señora doña Dulcina del Toboso adónde aprendió el modo de rogar que tiene viene a pedirme que me abra las carnes a azotes, y llámame alma de cántaro y bestión indómito, con una tiramira de malos nombres, que el diablo los sufra. ¿Por ventura son mis carnes de bronce, o vame a mí algo en que se desencante o no? ¿Qué canasta de ropa blanca, de camisas, de tocadores y de escarpines, anque no los gasto, trae delante de sí para ablandarme, sino un vituperio y otro, sabiendo aquel refrán que dicen por ahí, que un asno cargado de oro sube ligero por una montaña, y que dádivas quebrantan peñas, y a Dios rogando y con el mazo dando, y que más vale un "toma" que dos "te daré"? Pues el señor mi amo, que había de traerme la mano por el cerro y halagarme para que yo me hiciese de lana y de algodón cardado, dice que si me coge me amarrará desnudo a un árbol y me doblará la parada de los azotes; y habían de considerar estos lastimados señores que no solamente piden que se azote un escudero, sino un gobernador; como quien dice "bebe con guindas". Aprendan, aprendan mucho de enhoramala a saber rogar, y a saber pedir, y a tener crianza, que no son todos los tiempos unos, ni están los hombres siempre de un buen humor. Estoy yo ahora reventando de pena por ver mi sayo verde roto, y vienen a pedirme que me azote de mi voluntad, estando ella tan ajena dello como de volverme cacique. | Â Oh ! que Votre Grandeur me laisse tranquille, répliqua Sancho ; je ne suis pas en état maintenant de regarder aux finesses et à une lettre de plus ou de moins, car ces maudits coups de fouet, qu′il faut qu′on me donne ou que je me donne, me tiennent si troublé, que je ne sais ni ce que je dis ni ce que je fais. Mais je voudrais bien savoir de Sa Seigneurie madame doña Dulcinée du Toboso, où elle a appris la manière qu′elle emploie pour prier les gens. Elle vient me demander de m′ouvrir les chairs à coups de fouet, et elle m′appelle cœur de poule, bête féroce indomptée, avec une kyrielle d′autres injures que le diable ne supporterait pas. Est-ce que, par hasard, mes chairs sont de bronze ? est-ce qu′il m′importe en rien qu′elle soit ou non désenchantée ? quelle corbeille de linge blanc, de chemises, de mouchoirs, d′escarpins (bien que je n′en mette pas) a-t-elle envoyée en avant pour me toucher le cœur ? Au lieu de cela, une injure sur l′autre, quoiqu′elle sache le proverbe qui court par ici, qu′un âne chargé d′or monte légèrement la montagne, et que les présents brisent les rochers, et qu′en priant Dieu tu dois donner du maillet, et qu′un bon Tiens vaut mieux que deux Tu l′auras. Et le seigneur mon maître, qui aurait dû me passer la main sur le cou, me flatter et me caresser, pour que je me fisse de laine et de coton cardé, ne dit-il pas que, s′il me prend, il m′attachera tout nu à un arbre, et me doublera la pitance des coups de fouet ? Est-ce que ces bonnes âmes compatissantes n′auraient pas dû considérer qu′ils ne demandent pas seulement qu′un écuyer se fouette, mais bien un gouverneur ? comme qui dirait : « Mange du miel sur tes cerises. » Qu′ils apprennent, à la male heure, qu′ils apprennent à savoir prier et demander, à savoir être polis ; car tous les temps ne sont pas pareils, ni tous les hommes toujours de bonne humeur. Je suis maintenant percé de douleur en voyant les déchirures de mon pourpoint vert, et voilà qu′on vient me demander que je me fouette de bonne volonté, quand je n′en ai pas plus envie que de me faire cacique. | -Pues en verdad, amigo Sancho -dijo el duque-, que si no os ablandáis más que una breva madura, que no habéis de empuñar el gobierno. ¡Bueno sería que yo enviase a mis insulanos un gobernador cruel, de entrañas pedernalinas, que no se doblega a las lágrimas de las afligidas doncellas, ni a los ruegos de discretos, imperiosos y antiguos encantadores y sabios! En resolución, Sancho, o vos habéis de ser azotado, o os han de azotar, o no habéis de ser gobernador. | Â Eh bien ! en vérité, ami Sancho, dit le duc, si vous ne vous adoucissez pas autant qu′une poire molle, vous n′obtiendrez pas le gouvernement. Il ferait beau, vraiment, que j′envoyasse à mes insulaires un gouverneur cruel, aux entrailles de pierre, qui ne se rend point aux larmes des demoiselles affligées, aux prières de discrets enchanteurs, à l′empire d′anciens sages ! Enfin, Sancho, ou vous vous fouetterez, ou l′on vous fouettera, ou vous ne serez pas gouverneur. | -Señor -respondió Sancho-, ¿no se me darían dos días de término para pensar lo que me está mejor? | Â Seigneur, répondit Sancho, ne me donnera-t-on pas deux jours de répit pour penser à ce qui me conviendra le mieux ? | -No, en ninguna manera -dijo Merlín-; aquí, en este instante y en este lugar, ha de quedar asentado lo que ha de ser deste negocio, o Dulcinea volverá a la cueva de Montesinos y a su prístino estado de labradora, o ya, en el ser que está, será llevada a los Elíseos Campos, donde estará esperando se cumpla el número del vápulo. | Â Non en aucune manière, interrompit Merlin ; c′est ici, dans ce lieu, et dans cet instant même, que l′affaire doit être résolue. Ou Dulcinée retournera à la caverne de Montésinos, rendue à son état de paysanne, ou bien, dans l′état où elle est, elle sera conduite aux Champs-Élysées, pour y attendre l′accomplissement total de la flagellation. | -Ea, buen Sancho -dijo la duquesa-, buen ánimo y buena correspondencia al pan que habéis comido del señor don Quijote, a quien todos debemos servir y agradar, por su buena condición y por sus altas caballerías. Dad el sí, hijo, desta azotaina, y váyase el diablo para diablo y el temor para mezquino; que un buen corazón quebranta mala ventura, como vos bien sabéis. | Â Allons, bon Sancho, s′écria la duchesse, ayez bon courage, et répondez dignement au pain que vous avez mangé chez le seigneur don Quichotte, que nous devons tous servir et chérir à cause de son excellent caractère et de ses hauts exploits de chevalerie. Dites oui, mon fils ; consentez à cette pénitence, et que le diable soit pour le diable, et la crainte pour le poltron, car la mauvaise fortune se brise contre le bon cœur, comme vous savez aussi bien que moi. » | A estas razones respondió con éstas disparatadas Sancho, que, hablando con Merlín, le preguntó. | Au lieu de répondre à ces propos, Sancho, perdant la tête, se tourna vers Merlin : | -Dígame vuesa merced, señor Merlín cuando llegó aquí el diablo correo y dio a mi amo un recado del señor Montesinos, mandándole de su parte que le esperase aquí, porque venía a dar orden de que la señora doña Dulcinea del Toboso se desencantase, y hasta agora no hemos visto a Montesinos, ni a sus semejas. | « Dites-moi, seigneur Merlin, lui dit-il, quand le diable courrier est arrivé près de nous, il apportait à mon maître un message du seigneur Montésinos, qui lui recommandait de l′attendre ici, parce qu′il venait lui apprendre la façon de désenchanter madame doña Dulcinée du Toboso ; mais jusqu′à présent nous n′avons vu ni Montésinos, ni rien de pareil. | A lo cual respondió Merlín. | Â Le diable, ami Sancho, répondit Merlin, | -El Diablo, amigo Sancho, es un ignorante y un grandísimo bellaco yo le envié en busca de vuestro amo, pero no con recado de Montesinos, sino mío, porque Montesinos se está en su cueva entendiendo, o, por mejor decir, esperando su desencanto, que aún le falta la cola por desollar. Si os debe algo, o tenéis alguna cosa que negociar con él, yo os lo traeré y pondré donde vos más quisiéredes. Y, por agora, acabad de dar el sí desta diciplina, y creedme que os será de mucho provecho, así para el alma como para el cuerpo para el alma, por la caridad con que la haréis; para el cuerpo, porque yo sé que sois de complexión sanguínea, y no os podrá hacer daño sacaros un poco de sangre. | est un ignorant et un grandissime vaurien. C′est moi qui l′ai envoyé à la recherche de votre maître, non pas avec un message de Montésinos, mais de moi, car Montésinos est dans sa caverne, attendant son désenchantement, auquel il reste encore la queue à écorcher. S′il vous doit quelque chose, ou si vous avez quelque affaire à traiter avec lui, je vous l′amènerai, et vous le livrerai où il vous plaira. Mais, quant à présent, consentez à cette discipline ; elle vous sera, croyez-m′en, d′un grand profit pour l′âme et pour le corps ; pour l′âme, en exerçant votre charité chrétienne ; pour le corps, parce que je sais que vous êtes de complexion sanguine, et qu′il n′y aura pas de mal de vous tirer un peu de sang. | -Muchos médicos hay en el mundo hasta los encantadores son médicos -replicó Sancho-; pero, pues todos me lo dicen, aunque yo no me lo veo, digo que soy contento de darme los tres mil y trecientos azotes, con condición que me los tengo de dar cada y cuando que yo quisiere, sin que se me ponga tasa en los días ni en el tiempo; y yo procuraré salir de la deuda lo más presto que sea posible, porque goce el mundo de la hermosura de la señora doña Dulcinea del Toboso, pues, según parece, al revés de lo que yo pensaba, en efecto es hermosa. Ha de ser también condición que no he de estar obligado a sacarme sangre con la diciplina, y que si algunos azotes fueren de mosqueo, se me han de tomar en cuenta. Iten, que si me errare en el número, el señor Merlín, pues lo sabe todo, ha de tener cuidado de contarlos y de avisarme los que me faltan o los que me sobran. | Â Il y a bien des médecins dans ce monde, répliqua Sancho, jusqu′aux enchanteurs qui se mêlent aussi d′exercer la médecine. Mais, puisque tout le monde me le dit, bien que je n′en voie rien, je réponds donc que je consens à me donner les trois mille trois cents coups de fouet, à la condition que je me les donnerai quand et comme il me plaira, sans qu′on me fixe les jours ni le temps ; mais je tâcherai d′acquitter la dette le plus tôt possible, afin que le monde jouisse de la beauté de madame doña Dulcinée du Toboso, puisqu′il paraît, tout au rebours de ce que je pensais, qu′elle est effectivement fort belle. Une autre condition du marché, c′est que je ne serai pas tenu de me tirer du sang avec la discipline, et que si quelques coups ne font que chasser les mouches, ils entreront toujours en ligne de compte. Item, que si je me trompe sur le nombre, le seigneur Merlin, qui sait tout, aura soin de les compter, et de me faire savoir ceux qui manquent ou ceux qui sont de trop. | -De las sobras no habrá que avisar -respondió Merlín-, porque, llegando al cabal número, luego quedará de improviso desencantada la señora Dulcinea, y vendrá a buscar, como agradecida, al buen Sancho, y a darle gracias, y aun premios, por la buena obra. Así que no hay de qué tener escrúpulo de las sobras ni de las faltas, ni el cielo permita que yo engañe a nadie, aunque sea en un pelo de la cabeza. | Â Des coups de trop, répondit Merlin, il ne sera pas nécessaire d′en donner avis ; car, en atteignant juste le nombre voulu, madame Dulcinée sera désenchantée à l′instant même, et, en femme reconnaissante, elle viendra chercher le bon Sancho pour lui rendre grâce et le récompenser de sa bonne œuvre. Il ne faut donc avoir aucun scrupule du trop ou du trop peu, et que le ciel me préserve de tromper personne, ne serait-ce que d′un cheveu de la tête ! | -¡Ea, pues, a la mano de Dios! -dijo Sancho-. Yo consiento en mi mala ventura; digo que yo acepto la penitencia con las condiciones apuntadas. | Â Allons donc, à la grâce de Dieu ! s′écria Sancho ; je consens à mon supplice, c′est-à-dire que j′accepte la pénitence, avec les conditions convenues. » | Apenas dijo estas últimas palabras Sancho, cuando volvió a sonar la música de las chirimías y se volvieron a disparar infinitos arcabuces, y don Quijote se colgó del cuello de Sancho, dándole mil besos en la frente y en las mejillas. La duquesa y el duque y todos los circunstantes dieron muestras de haber recebido grandísimo contento, y el carro comenzó a caminar; y, al pasar, la hermosa Dulcinea inclinó la cabeza a los duques y hizo una gran reverencia a Sancho. | À peine Sancho eut-il dit ces dernières paroles, que la musique se fit entendre de nouveau, et que recommencèrent les décharges de mousqueterie. Don Quichotte alla se pendre au cou de son écuyer, et lui donna mille baisers sur le front et sur les joues. Le duc, la duchesse et tous les assistants témoignèrent qu′ils ressentaient une joie extrême de cet heureux dénoûment. Enfin, le char se remit en marche, et, en passant, la belle Dulcinée inclina la tête devant le duc et la duchesse, et fit une grande révérence à Sancho. | Y ya, en esto, se venía a más andar el alba, alegre y risueña las florecillas de los campos se descollaban y erguían, y los líquidos cristales de los arroyuelos, murmurando por entre blancas y pardas guijas, iban a dar tributo a los ríos que los esperaban. La tierra alegre, el cielo claro, el aire limpio, la luz serena, cada uno por sí y todos juntos, daban manifiestas señales que el día, que al aurora venía pisando las faldas, había de ser sereno y claro. Y, satisfechos los duques de la caza y de haber conseguido su intención tan discreta y felicemente, se volvieron a su castillo, con prosupuesto de segundar en sus burlas, que para ellos no había veras que más gusto les diesen. | En ce moment commençait à poindre l′aube riante et vermeille. Les fleurs des champs se relevaient et dressaient leurs tiges ; les ruisseaux au liquide cristal, murmurant à travers les cailloux blancs et gris, allaient porter aux rivières le tribut qu′elles attendaient. La terre joyeuse, le ciel clair, l′air serein, la lumière pure, tout annonçait que le jour, qui marchait déjà sur le pan de la robe de l′aurore, allait être tranquille et beau. Satisfaits de la chasse et d′avoir atteint leur but avec tant d′habilité et de bonheur, le duc et la duchesse regagnèrent leur château, dans le dessein de continuer des plaisanteries qui les amusaient plus que tout autre divertissement.
| XXXVI. Donde se cuenta la estraña y jamás imaginada aventura de la dueña Dolorida, alias de la condesa Trifaldi, con una carta que Sancho Panza escribió a su mujer Teresa Panza. | Chapitre XXXVI Où l′on raconte l′aventure étrange et jamais imaginée de la duègne Doloride, autrement dite comtesse Trifaldi, avec une lettre que Sancho Panza écrivit à sa femme Thérèse Panza Tenía un mayordomo el duque de muy burlesco y desenfadado ingenio, el cual hizo la figura de Merlín y acomodó todo el aparato de la aventura pasada, compuso los versos y hizo que un paje hiciese a Dulcinea. Finalmente, con intervención de sus señores, ordenó otra del más gracioso y estraño artificio que puede imaginarse. | Le duc avait un majordome d′esprit jovial et éveillé. C′est lui qui avait représenté la figure de Merlin, qui avait disposé tout l′appareil de la précédente aventure, composé les vers, et fait remplir par un page le personnage de Dulcinée. À la demande de ses maîtres, il prépara sur-le-champ une autre aventure, de la plus gracieuse et étrange invention qui se pût imaginer. | Preguntó la duquesa a Sancho otro día si había comenzado la tarea de la penitencia que había de hacer por el desencanto de Dulcinea. Dijo que sí, y que aquella noche se había dado cinco azotes. Preguntóle la duquesa que con qué se los había dado. Respondió que con la mano. | Le lendemain, la duchesse demanda à Sancho s′il avait commencé la pénitence dont la tâche lui était prescrite pour le désenchantement de Dulcinée. « Vraiment oui, répondit-il ; je me suis déjà donné, cette nuit, cinq coups de fouet.  Avec quoi vous les êtes-vous donnés ? reprit la duchesse.  Avec la main, répondit-il. | -Eso -replicó la duquesa- más es darse de palmadas que de azotes. Yo tengo para mí que el sabio Merlín no estará contento con tanta blandura; menester será que el buen Sancho haga alguna diciplina de abrojos, o de las de canelones, que se dejen sentir; porque la letra con sangre entra, y no se ha de dar tan barata la libertad de una tan gran señora como lo es Dulcinea por tan poco precio; y advierta Sancho que las obras de caridad que se hacen tibia y flojamente no tienen mérito ni valen nada. |  Oh ! répliqua-t-elle, c′est plutôt se donner des claquettes que des coups de fouet. J′imagine que le sage Merlin ne sera pas satisfait de tant de mollesse. Il faut que le bon Sancho se fasse quelque bonne discipline avec des cordelettes et des nœuds de fer qui se laissent bien sentir. C′est, comme on dit, avec le sang qu′entre la science, et l′on ne pourrait donner à si bas prix la délivrance d′une aussi grande dame que Dulcinée. | A lo que respondió Sancho. |  Eh bien, répondit Sancho, | -Déme vuestra señoría alguna diciplina o ramal conveniente, que yo me daré con él como no me duela demasiado, porque hago saber a vuesa merced que, aunque soy rústico, mis carnes tienen más de algodón que de esparto, y no será bien que yo me descríe por el provecho ajeno. | que Votre Seigneurie me fournisse quelque discipline ou quelques bouts de corde convenables ; c′est avec cela que je me fustigerai, pourvu toutefois qu′il ne m′en cuise pas trop, car je dois apprendre à Votre Grâce que, quoique rustique, mes chairs tiennent plus de la nature du coton que de celle du jonc à cordage, et il ne serait pas juste que je me misse en lambeaux pour le service d′autrui. | -Sea en buena hora -respondió la duquesa-: yo os daré mañana una diciplina que os venga muy al justo y se acomode con la ternura de vuestras carnes, como si fueran sus hermanas propias. |  À la bonne heure, répliqua la duchesse ; demain je vous donnerai une discipline qui aille à votre mesure, et qui s′accommode à la tendreté de vos chairs comme si elles étaient ses propres sœurs. | A lo que dijo Sancho. |  À propos, dit Sancho, | -Sepa vuestra alteza, señora mía de mi ánima, que yo tengo escrita una carta a mi mujer Teresa Panza, dándole cuenta de todo lo que me ha sucedido después que me aparté della; aquí la tengo en el seno, que no le falta más de ponerle el sobreescrito; querría que vuestra discreción la leyese, porque me parece que va conforme a lo de gobernador, digo, al modo que deben de escribir los gobernadores. | il faut que Votre Altesse apprenne, chère dame de mon âme, que j′ai écrit une lettre à ma femme Thérèse Panza, pour lui rendre compte de tout ce qui m′est arrivé depuis que je me suis séparé d′elle. Je l′ai là, dans le sein, et il ne manque plus que d′y mettre l′adresse. Je voudrais que Votre Discrétion prît la peine de la lire, car il me semble qu′elle est tournée de la façon que doivent écrire les gouverneurs. | -¿Y quién la notó? -preguntó la duquesa. |  Qui l′a composée ? demanda la duchesse. | -¿Quién la había de notar sino yo, pecador de mí? -respondió Sancho. |  Eh ! qui pouvait la composer, si ce n′est moi, pécheur que je suis ? répondit Sancho. | -¿Y escribístesla vos? -dijo la duquesa. |  Et c′est vous aussi qui l′avez écrite ? reprit la duchesse. | -Ni por pienso -respondió Sancho-, porque yo no sé leer ni escribir, puesto que sé firmar. |  Pour cela non, répliqua Sancho ; car je ne sais ni lire ni écrire, bien que je sache signer. | -Veámosla -dijo la duquesa-, que a buen seguro que vos mostréis en ella la calidad y suficiencia de vuestro ingenio. |  Voyons-la donc, dit la duchesse ; car, à coup sûr, vous devez y montrer la qualité et la suffisance de votre esprit. » | Sacó Sancho una carta abierta del seno, y, tomándola la duquesa, vio que decía desta manera. | Sancho tira de son sein une lettre ouverte, et la duchesse, l′ayant prise, vit qu′elle était ainsi conçue : | Carta de Sancho Panza a Teresa Panza, su mujer. | Lettre de Sancho Panza à Thérèse Panza, sa femme | Si buenos azotes me daban, bien caballero me iba; si buen gobierno me tengo, buenos azotes me cuesta. Esto no lo entenderás tú, Teresa mía, por ahora; otra vez lo sabrás. Has de saber, Teresa, que tengo determinado que andes en coche, que es lo que hace al caso, porque todo otro andar es andar a gatas. Mujer de un gobernador eres, ¡mira si te roerá nadie los zancajos! Ahí te envío un vestido verde de cazador, que me dio mi señora la duquesa; acomódale en modo que sirva de saya y cuerpos a nuestra hija. Don Quijote, mi amo, según he oído decir en esta tierra, es un loco cuerdo y un mentecato gracioso, y que yo no le voy en zaga. Hemos estado en la cueva de Montesinos, y el sabio Merlín ha echado mano de mí para el desencanto de Dulcinea del Toboso, que por allá se llama Aldonza Lorenzo: con tres mil y trecientos azotes, menos cinco, que me he de dar, quedará desencantada como la madre que la parió. No dirás desto nada a nadie, porque pon lo tuyo en concejo, y unos dirán que es blanco y otros que es negro. De aquí a pocos días me partiré al gobierno, adonde voy con grandísimo deseo de hacer dineros, porque me han dicho que todos los gobernadores nuevos van con este mesmo deseo; tomaréle el pulso, y avisaréte si has de venir a estar conmigo o no. El rucio está bueno, y se te encomienda mucho; y no le pienso dejar, aunque me llevaran a ser Gran Turco. La duquesa mi señora te besa mil veces las manos; vuélvele el retorno con dos mil, que no hay cosa que menos cueste ni valga más barata, según dice mi amo, que los buenos comedimientos. No ha sido Dios servido de depararme otra maleta con otros cien escudos, como la de marras, pero no te dé pena, Teresa mía, que en salvo está el que repica, y todo saldrá en la colada del gobierno; sino que me ha dado gran pena que me dicen que si una vez le pruebo, que me tengo de comer las manos tras él; y si así fuese, no me costaría muy barato, aunque los estropeados y mancos ya se tienen su calonjía en la limosna que piden; así que, por una vía o por otra, tú has de ser rica, de buena ventura. Dios te la dé, como puede, y a mí me guarde para servirte. Deste castillo, a veinte de julio de 1614. | « Si l′on me donnait de bons coups de fouet, j′étais bien d′aplomb sur ma monture< ; si j′ai un bon gouvernement, il me coûte de bons coups de fouet. À cela, ma chère Thérèse, tu ne comprendras rien du tout, quant à présent ; une autre fois, tu le sauras. Sache donc, Thérèse, que j′ai résolu une chose ; c′est que tu ailles en carrosse. Voilà l′important aujourd′hui, car toute autre façon d′aller serait marcher à quatre pattes.< Tu es femme d′un gouverneur ; vois si personne te montera jusqu′à la cheville. Je t′envoie ci-joint un habit vert de chasseur que m′a donné madame la duchesse ; arrange-le de façon qu′il serve de jupe et de corsage à notre fille. Don Quichotte, mon maître, à ce que j′ai ouí¤ire en ce pays, est un fou sage et un imbécile divertissant ; on ajoute que je suis de la même force. Nous sommes entrés dans la caverne de Montésinos, et le sage Merlin fait usage de moi pour le désenchantement de Dulcinée du Toboso, qui s′appelle là-bas Aldonza Lorenzo. Avec trois mille trois cents coups de fouet, moins cinq, que j′ai à me donner, elle deviendra aussi désenchantée que la mère qui l′a mise au monde. Ne dis rien de cela à personne, car tu sais le proverbe ; si tu soumets ton affaire à la chambrée, les uns diront que c′est blanc, les autres que c′est noir. D′ici à peu de jours, je partirai pour le gouvernement, où je vais avec un grand désir de ramasser de l′argent, car on m′a dit que tous les nouveaux gouverneurs s′en allaient avec le même désir. Je lui tâterai le pouls, et t′aviserai si tu dois ou non venir me rejoindre. Le grison se porte bien et se recommande beaucoup à toi ; je ne pense pas le laisser, quand même on me mènerait pour être Grand Turc. Madame la duchesse te baise mille fois les mains ; baise-les-lui en retour deux mille fois, car, à ce que dit mon maître, il n′y a rien qui coûte moins et qui vaille meilleur marché que les politesses. Dieu n′a pas consenti à m′envoyer une autre valise comme celle des cent écus de la fois passée ; mais n′en sois pas en peine, ma chère Thérèse ; celui qui sonne les cloches est en sûreté ; et tout s′en ira dans la lessive du gouvernement. Seulement j′ai une grande peine d′entendre dire que j′y prendrai tant de goût que je m′y mangerai les doigts. Dans ce cas-là, il ne me coûterait pas bon marché, bien que les estropiés et les manchots aient un canonicat dans les aumônes qu′ils mendient. Ainsi, d′une façon ou de l′autre, tu deviendras riche, et tu auras bonne aventure. Que Dieu te la donne comme il peut, et me garde pour te servir. De ce château, le 20 juillet 1614. | Tu marido el gobernador, Sancho Panza. | « Ton mari, le gouverneur. « SANCHO PANZA. » | En acabando la duquesa de leer la carta, dijo a Sancho. | Quand la duchesse eut achevé de lire la lettre, elle dit à Sancho : | -En dos cosas anda un poco descaminado el buen gobernador: la una, en decir o dar a entender que este gobierno se le han dado por los azotes que se ha de dar, sabiendo él, que no lo puede negar, que cuando el duque, mi señor, se le prometió, no se soñaba haber azotes en el mundo; la otra es que se muestra en ella muy codicioso, y no querría que orégano fuese, porque la codicia rompe el saco, y el gobernador codicioso hace la justicia desgobernada. | « En deux choses le bon gouverneur sort un peu du droit chemin. La première, c′est qu′il dit ou fait entendre qu′on lui a donné ce gouvernement pour les coups de fouet qu′il doit s′appliquer, tandis qu′il sait fort bien et ne peut nullement nier que, lorsque le duc mon seigneur lui en fit la promesse, on ne songeait pas seulement qu′il y eût des coups de fouet au monde. La seconde, c′est qu′il s′y montre un peu trop intéressé, et je ne voudrais pas qu′il eût montré le bout de l′oreille, car la convoitise rompt le sac, et le gouverneur avaricieux vend et ne rend pas la justice. | -Yo no lo digo por tanto, señora -respondió Sancho-; y si a vuesa merced le parece que la tal carta no va como ha de ir, no hay sino rasgarla y hacer otra nueva, y podría ser que fuese peor si me lo dejan a mi caletre. |  Oh ! ce n′est pas ce que je voulais dire, madame, répondit Sancho ; si Votre Grâce trouve que la lettre n′est pas tournée comme elle devrait l′être, il n′y a rien qu′à la déchirer, et à en écrire une autre ; et il pourrait se faire que la nouvelle fût pire encore, si l′on s′en remet à ma judiciaire. | -No, no -replicó la duquesa-, buena está ésta, y quiero que el duque la vea. |  Non, non, répliqua la duchesse ; celle-ci est bonne, et je veux la faire voir au duc. » | Con esto se fueron a un jardín, donde habían de comer aquel día. Mostró la duquesa la carta de Sancho al duque, de que recibió grandísimo contento. Comieron, y después de alzado los manteles, y después de haberse entretenido un buen espacio con la sabrosa conversación de Sancho, a deshora se oyó el son tristísimo de un pífaro y el de un ronco y destemplado tambor. Todos mostraron alborotarse con la confusa, marcial y triste armonía, especialmente don Quijote, que no cabía en su asiento de puro alborotado; de Sancho no hay que decir sino que el miedo le llevó a su acostumbrado refugio, que era el lado o faldas de la duquesa, porque real y verdaderamente el son que se escuchaba era tristísimo y malencólico. | Cela dit, ils s′en furent à un jardin où l′on devait dîner ce jour-là. La duchesse montra la lettre de Sancho au duc, qui s′en amusa beaucoup. On dîna, et, quand la table eut été desservie, quand on se fut diverti quelque temps de l′exquise conversation de Sancho, tout à coup le son aigu d′un fifre se fit entendre, mêlé au bruit sourd d′un tambour discordant. Tout le monde parut se troubler à cette martiale et triste harmonie, principalement don Quichotte, qui ne tenait pas sur sa chaise, tant son trouble était grand. De Sancho, il n′y a rien à dire, sinon que la peur le conduisit à son refuge ordinaire, qui était le pan de la robe de la duchesse ; car véritablement la musique qu′on entendait était triste et mélancolique au dernier point. | Y, estando todos así suspensos, vieron entrar por el jardín adelante dos hombres vestidos de luto, tan luego y tendido que les arrastraba por el suelo; éstos venían tocando dos grandes tambores, asimismo cubiertos de negro. A su lado venía el pífaro, negro y pizmiento como los demás. Seguía a los tres un personaje de cuerpo agigantado, amantado, no que vestido, con una negrísima loba, cuya falda era asimismo desaforada de grande. Por encima de la loba le ceñía y atravesaba un ancho tahelí, también negro, de quien pendía un desmesurado alfanje de guarniciones y vaina negra. Venía cubierto el rostro con un trasparente velo negro, por quien se entreparecía una longísima barba, blanca como la nieve. Movía el paso al son de los tambores con mucha gravedad y reposo. En fin, su grandeza, su contoneo, su negrura y su acompañamiento pudiera y pudo suspender a todos aquellos que sin conocerle le miraron. | Au milieu de la surprise générale et du silence que gardait tout le monde, on vit entrer et s′avancer dans le jardin deux hommes portant des robes de deuil, si longues qu′elles balayaient la terre. Chacun d′eux frappait sur un grand tambour, également couvert de drap noir. À leur côté marchait le joueur de fifre, noir et lugubre comme les deux autres. Les trois musiciens étaient suivis d′un personnage au corps de géant, non pas vêtu, mais chargé d′une ample soutane noire, dont la queue démesurée traînait au loin derrière lui. Par-dessus la soutane, un large baudrier lui ceignait les reins, noir également, et duquel pendait un énorme cimeterre dont la poignée était noire, ainsi que le fourreau. Il avait le visage couvert d′un voile noir transparent, à travers lequel on entrevoyait une longue barbe, blanche comme la neige. Il marchait à pas mesurés, au son des tambours, avec beaucoup de calme et de gravité. Enfin, sa grandeur, sa noirceur, sa démarche, son cortège étaient bien faits pour étonner tous ceux qui le regardaient sans le connaître. | Llegó, pues, con el espacio y prosopopeya referida a hincarse de rodillas ante el duque, que en pie, con los demás que allí estaban, le atendía; pero el duque en ninguna manera le consintió hablar hasta que se levantase. Hízolo así el espantajo prodigioso, y, puesto en pie, alzó el antifaz del rostro y hizo patente la más horrenda, la más larga, la más blanca y más poblada barba que hasta entonces humanos ojos habían visto, y luego desencajó y arrancó del ancho y dilatado pecho una voz grave y sonora, y, poniendo los ojos en el duque, dijo. | Il vint donc, avec cette lenteur et cette solennité, se mettre à genoux devant le duc, qui l′attendait debout au milieu des autres assistants. Mais le duc ne voulut permettre en aucune façon qu′il parlât avant de s′être relevé. Le prodigieux épouvantail fut contraint de céder, et, dès qu′il fut debout, il leva le voile qui cachait son visage. Alors il découvrit la plus horrible, la plus longue, la plus blanche et la plus épaisse barbe qu′yeux humains eussent vue jusqu′alors. Bientôt il tira et arracha du fond de sa large poitrine une voix grave et sonore, et, fixant ses regards sur le duc, il lui dit : | -Altísimo y poderoso señor, a mí me llaman Trifaldín el de la Barba Blanca; soy escudero de la condesa Trifaldi, por otro nombre llamada la Dueña Dolorida, de parte de la cual traigo a vuestra grandeza una embajada, y es que la vuestra magnificencia sea servida de darla facultad y licencia para entrar a decirle su cuita, que es una de las más nuevas y más admirables que el más cuitado pensamiento del orbe pueda haber pensado. Y primero quiere saber si está en este vuestro castillo el valeroso y jamás vencido caballero don Quijote de la Mancha, en cuya busca viene a pie y sin desayunarse desde el reino de Candaya hasta este vuestro estado, cosa que se puede y debe tener a milagro o a fuerza de encantamento. Ella queda a la puerta desta fortaleza o casa de campo, y no aguarda para entrar sino vuestro beneplácito. Dije. | « Très-haut et très-puissant seigneur, on m′appelle Trifaldin de la barbe blanche ; je suis écuyer de la comtesse Trifaldi, autrement appelée la Duègne Doloride, qui m′envoie en ambassade auprès de Votre Grandeur, pour demander à Votre Magnificence qu′elle daigne lui donner licence et permission de venir vous conter sa peine, qui est bien l′une des plus nouvelles et des plus admirables que la plus pénible imagination de l′univers puisse jamais avoir imaginée. Mais d′abord elle veut savoir si, dans votre château, se trouve le valeureux et jamais vaincu chevalier don Quichotte de la Manche, à la recherche duquel elle vient à pied, et sans rompre le jeûne, depuis le royaume de Candaya jusqu′à Votre Seigneurie, chose qu′il faut tenir à miracle ou à force d′enchantement. Elle est à la porte de cette forteresse ou maison de plaisance, et n′attend pour rentrer que votre bon plaisir. J′ai dit. » | Y tosió luego y manoseóse la barba de arriba abajo con entrambas manos, y con mucho sosiego estuvo atendiendo la respuesta del duque, que fue. | Aussitôt il se mit à tousser, et, maniant sa barbe du haut en bas avec les deux mains, il attendit dans un grand calme que le duc lui fît une réponse. | -Ya, buen escudero Trifaldín de la Blanca Barba, ha muchos días que tenemos noticia de la desgracia de mi señora la condesa Trifaldi, a quien los encantadores la hacen llamar la Dueña Dolorida; bien podéis, estupendo escudero, decirle que entre y que aquí está el valiente caballero don Quijote de la Mancha, de cuya condición generosa puede prometerse con seguridad todo amparo y toda ayuda; y asimismo le podréis decir de mi parte que si mi favor le fuere necesario, no le ha de faltar, pues ya me tiene obligado a dársele el ser caballero, a quien es anejo y concerniente favorecer a toda suerte de mujeres, en especial a las dueñas viudas, menoscabadas y doloridas, cual lo debe estar su señoría. | « Il y a déjà bien des jours, dit le duc, bon écuyer Trifaldin de la blanche barbe, que nous avons connaissance de la disgrâce arrivée à madame la comtesse Trifaldi, que les enchanteurs obligent à s′appeler la duègne Doloride. Vous pouvez, étonnant écuyer, lui dire qu′elle entre, qu′ici se trouve le vaillant chevalier don Quichotte de la Manche, et que, de son cœur généreux, elle peut se promettre avec assurance toute espèce de secours et d′appui. Vous pouvez également lui dire de ma part que, si ma faveur lui est nécessaire, elle ne lui manquera point ; car je suis tenu de la lui offrir par ma qualité de chevalier, laquelle oblige à favoriser toute espèce de femmes, surtout les duègnes veuves, déchues et douloureuses, comme le doit être Sa Seigneurie. » | Oyendo lo cual Trifaldín, inclinó la rodilla hasta el suelo, y, haciendo al pífaro y tambores señal que tocasen, al mismo son y al mismo paso que había entrado, se volvió a salir del jardín, dejando a todos admirados de su presencia y compostura. Y, volviéndose el duque a don Quijote, le dijo. | À ces mots, Trifaldin plia le genou jusqu′à terre, et, faisant signe de jouer au fifre et aux tambours, il sortit du jardin au même son et du même pas qu′il y était entré, laissant tout le monde dans la surprise de son aspect et de son accoutrement. Alors le duc se tournant vers don Quichotte : | -En fin, famoso caballero, no pueden las tinieblas de malicia ni de la ignorancia encubrir y escurecer la luz del valor y de la virtud. Digo esto porque apenas ha seis días que la vuestra bondad está en este castillo, cuando ya os vienen a buscar de lueñas y apartadas tierras, y no en carrozas ni en dromedarios, sino a pie y en ayunas; los tristes, los afligidos, confiados que han de hallar en ese fortísimo brazo el remedio de sus cuitas y trabajos, merced a vuestras grandes hazañas, que corren y rodean todo lo descubierto de la tierra. | « Enfin, lui dit-il, célèbre chevalier, les ténèbres de la malice et de l′ignorance ne peuvent cacher ni obscurcir la lumière de la valeur et de la vertu. Je dis cela, parce qu′il y a six jours à peine que Votre Bonté habite ce château, et déjà viennent vous y chercher de pays lointains et inconnus, non pas en carrosse, ni sur des dromadaires, mais à pied et à jeun, les malheureux, les affligés, dans la confiance qu′ils trouveront en ce bras formidable le remède à leurs peines et à leurs souffrances, grâce à vos brillantes prouesses, dont le bruit court et s′étend sur la face de la terre entière. | -Quisiera yo, señor duque -respondió don Quijote-, que estuviera aquí presente aquel bendito religioso que a la mesa el otro día mostró tener tan mal talante y tan mala ojeriza contra los caballeros andantes, para que viera por vista de ojos si los tales caballeros son necesarios en el mundo: tocara, por lo menos, con la mano que los extraordinariamente afligidos y desconsolados, en casos grandes y en desdichas inormes no van a buscar su remedio a las casas de los letrados, ni a la de los sacristanes de las aldeas, ni al caballero que nunca ha acertado a salir de los términos de su lugar, ni al perezoso cortesano que antes busca nuevas para referirlas y contarlas, que procura hacer obras y hazañas para que otros las cuenten y las escriban; el remedio de las cuitas, el socorro de las necesidades, el amparo de las doncellas, el consuelo de las viudas, en ninguna suerte de personas se halla mejor que en los caballeros andantes, y de serlo yo doy infinitas gracias al cielo, y doy por muy bien empleado cualquier desmán y trabajo que en este tan honroso ejercicio pueda sucederme. Venga esta dueña y pida lo que quisiere, que yo le libraré su remedio en la fuerza de mi brazo y en la intrépida resolución de mi animoso espíritu. |  Je voudrais bien, seigneur duc, répondit don Quichotte, tenir ici présent ce bon religieux qui, l′autre jour, à table, montra tant de rancune et de mauvais vouloir contre les chevaliers errants, pour qu′il vît de ses propres yeux si ces chevaliers sont nécessaires au monde. Il pourrait du moins toucher de la main une vérité ; c′est que les gens extraordinairement affligés et inconsolables ne vont pas, dans les cas extrêmes et les malheurs énormes, chercher remède à leurs maux chez les hommes de robe, ni chez les sacristains de village, ni chez le gentilhomme qui n′est jamais sorti des limites de sa paroisse, ni chez le citadin paresseux qui cherche plutôt des nouvelles à raconter qu′il ne s′efforce à faire des prouesses que d′autres racontent et mettent par écrit. Le remède aux peines, le secours aux nécessités, la protection aux jeunes filles, la consolation des veuves, ne se trouvent en aucune sorte de personnes mieux qu′en les chevaliers errants. Aussi, de ce que j′ai l′honneur de l′être, je rends au ciel des grâces infinies, et je tiens pour bien employé tout ce qui peut m′arriver d′accidents et de travaux dans l′exercice d′une si honorable profession. Que cette duègne vienne donc, et qu′elle demande ce qu′elle voudra ; le remède à son mal sera bientôt expédié par la force de mon bras et l′intrépide résolution du cœur qui le conduit. »
| II. Capítulo XXXVII. Donde se prosigue la famosa aventura de la dueña Dolorida. | Chapitre XXXVII Où se continue la fameuse aventure de la duègne Doloride En estremo se holgaron el duque y la duquesa de ver cuán bien iba respondiendo a su intención don Quijote, y a esta sazón dijo Sancho. | Le duc et la duchesse furent enchantés de voir que don Quichotte répondît si bien à leur intention. En ce moment Sancho se mit de la partie. | -No querría yo que esta señora dueña pusiese algún tropiezo a la promesa de mi gobierno, porque yo he oído decir a un boticario toledano que hablaba como un silguero que donde interviniesen dueñas no podía suceder cosa buena. ¡Válame Dios, y qué mal estaba con ellas el tal boticario! De lo que yo saco que, pues todas las dueñas son enfadosas e impertinentes, de cualquiera calidad y condición que sean, ¿qué serán las que son doloridas, como han dicho que es esta condesa Tres Faldas, o Tres Colas?; que en mi tierra faldas y colas, colas y faldas, todo es uno. | « Je ne voudrais pas, dit-il, que cette madame la duègne vînt jeter quelque bâton dans les roues de mon gouvernement ; car j′ai ouí¤ire à un apothicaire de Tolède, qui parlait comme un chardonneret, que partout où intervenaient des duègnes, il ne pouvait rien arriver de bon. Sainte Vierge ! combien il leur en voulait, cet apothicaire ! De là je conclus que si toutes les duègnes sont ennuyeuses et impertinentes, de quelque humeur et condition qu′elles soient, que sera-ce des dolentes, ou douloureuses, ou endolories<< , comme on dit qu′est cette comtesse trois basques ou trois queues< ; car, dans mon pays, basque ou queue, queue ou basque, c′est absolument la même chose. | -Calla, Sancho amigo -dijo don Quijote-, que, pues esta señora dueña de tan lueñes tierras viene a buscarme, no debe ser de aquellas que el boticario tenía en su número, cuanto más que ésta es condesa, y cuando las condesas sirven de dueñas, será sirviendo a reinas y a emperatrices, que en sus casas son señorísimas que se sirven de otras dueñas. |  Tais-toi, ami Sancho, dit don Quichotte ; puisque cette dame duègne vient me chercher de si lointains climats, elle ne doit pas être de celles que l′apothicaire portait sur son calepin. D′ailleurs, celle-là est comtesse, et, quand les comtesses servent en qualité de duègnes, c′est au service de reines ou d′impératrices ; elles sont dames et maîtresses dans leurs maisons, et s′y servent d′autres duègnes à leur tour. » | A esto respondió doña Rodríguez, que se halló presente. | À cela, doña Rodriguez, qui se trouvait présente, ajouta bien vite : | -Dueñas tiene mi señora la duquesa en su servicio, que pudieran ser condesas si la fortuna quisiera, pero allá van leyes do quieren reyes; y nadie diga mal de las dueñas, y más de las antiguas y doncellas; que, aunque yo no lo soy, bien se me alcanza y se me trasluce la ventaja que hace una dueña doncella a una dueña viuda; y quien a nosotras trasquiló, las tijeras le quedaron en la mano. | « Des duègnes sont ici au service de madame la duchesse, qui pourraient être comtesses si la fortune l′eût voulu. Mais ainsi vont les lois comme le veulent les rois. Cependant qu′on ne dise pas de mal des duègnes, surtout des vieilles et des filles, car, bien que je ne le sois pas, j′entrevois et comprends fort bien l′avantage d′une duègne fille sur une duègne veuve ; et, comme on dit, celui qui nous a tondues a gardé les ciseaux dans la main. | -Con todo eso -replicó Sancho-, hay tanto que trasquilar en las dueñas, según mi barbero, cuanto será mejor no menear el arroz, aunque se pegue. |  Avec tout cela, répliqua Sancho, il y a tellement à tondre chez les duègnes, toujours d′après mon apothicaire, qu′il vaut mieux ne pas remuer le riz, dût-il prendre au fond du pot. | -Siempre los escuderos -respondió doña Rodríguez- son enemigos nuestros; que, como son duendes de las antesalas y nos veen a cada paso, los ratos que no rezan, que son muchos, los gastan en murmurar de nosotras, desenterrándonos los huesos y enterrándonos la fama. Pues mándoles yo a los leños movibles, que, mal que les pese, hemos de vivir en el mundo, y en las casas principales, aunque muramos de hambre y cubramos con un negro monjil nuestras delicadas o no delicadas carnes, como quien cubre o tapa un muladar con un tapiz en día de procesión. A fe que si me fuera dado, y el tiempo lo pidiera, que yo diera a entender, no sólo a los presentes, sino a todo el mundo, cómo no hay virtud que no se encierre en una dueña. |  Les écuyers sont toujours nos ennemis, reprit doña Rodriguez ; comme ce sont des piliers d′antichambre, et qu′ils nous voient à tout propos ; les moments où ils ne prient pas Dieu, qui sont en grand nombre, ils les emploient à médire de nous, à nous déterrer les os, et à nous enterrer la bonne renommée. Eh bien, moi, je leur dis, à ces bûches ambulantes, qu′en dépit d′eux, nous continuerons à vivre dans le monde et dans les maisons des gens de qualité, bien qu′on nous y laisse mourir de faim, et qu′on y couvre avec une maigre jupe noire nos chairs délicates ou non délicates, comme on couvre un fumier avec une tapisserie le jour de la procession. Par ma foi, si cela m′était permis et que j′en eusse le temps, je ferais bien entendre, non-seulement à ceux qui m′écoutent, mais au monde entier, qu′il n′y a point de vertu qui ne se trouve en une duègne. | -Yo creo -dijo la duquesa- que mi buena doña Rodríguez tiene razón, y muy grande; pero conviene que aguarde tiempo para volver por sí y por las demás dueñas, para confundir la mala opinión de aquel mal boticario, y desarraigar la que tiene en su pecho el gran Sancho Panza. |  Je crois, dit alors la duchesse, que ma bonne doña Rodriguez a grandement raison ; mais il convient qu′elle attende un moment plus opportun pour prendre sa défense et celle des autres duègnes, pour confondre la méchante opinion de ce méchant apothicaire, et pour déraciner celle que nourrit en son cœur le grand Sancho Panza. | A lo que Sancho respondió. |  Ma foi, reprit Sancho, | -Después que tengo humos de gobernador se me han quitado los váguidos de escudero, y no se me da por cuantas dueñas hay un cabrahígo. | depuis que les fumées de gouverneur me sont montées à la tête, elles m′ont ôté les vertiges d′écuyer, et je me moque de toutes les duègnes du monde comme d′une figue sauvage. » | Adelante pasaran con el coloquio dueñesco, si no oyeran que el pífaro y los tambores volvían a sonar, por donde entendieron que la dueña Dolorida entraba. Preguntó la duquesa al duque si sería bien ir a recebirla, pues era condesa y persona principal. | L′entretien sur le compte des duègnes aurait encore continué, si l′on n′eût entendu de nouveau sonner le fifre et battre les tambours, d′où l′on comprit que la duègne Doloride faisait son entrée. La duchesse demanda au duc s′il ne serait pas convenable d′aller à sa rencontre, puisqu′elle était comtesse et femme de qualité. | -Por lo que tiene de condesa -respondió Sancho, antes que el duque respondiese-, bien estoy en que vuestras grandezas salgan a recebirla; pero por lo de dueña, soy de parecer que no se muevan un paso. | « Pour ce qu′elle a de comtesse, répondit Sancho, avant que le duc ouvrît la bouche, je consens à ce que Vos Grandeurs aillent la recevoir ; mais, pour ce qu′elle a de duègne, je suis d′avis que vous ne bougiez pas d′un seul pas. | -¿Quién te mete a ti en esto, Sancho? -dijo don Quijote. |  Qui te prie de te mêler de cela, Sancho ? dit don Quichotte. | -¿Quién, señor? -respondió Sancho-. Yo me meto, que puedo meterme, como escudero que ha aprendido los términos de la cortesía en la escuela de vuesa merced, que es el más cortés y bien criado caballero que hay en toda la cortesanía; y en estas cosas, según he oído decir a vuesa merced, tanto se pierde por carta de más como por carta de menos; y al buen entendedor, pocas palabras. |  Qui, seigneur ? répondit Sancho ; moi, je m′en mêle, et je puis bien m′en mêler, comme écuyer ayant appris les devoirs de la courtoisie à l′école de Votre Grâce, qui est le plus courtois chevalier et le mieux élevé qu′il y ait dans toute la courtoiserie. En ces choses-là, à ce que j′ai ouí¤ire à Votre Grâce, on perd autant par le trop que par le trop peu et au bon entendeur demi-mot. | -Así es, como Sancho dice -dijo el duque-: veremos el talle de la condesa, y por él tantearemos la cortesía que se le debe. |  C′est précisément comme le dit Sancho, reprit le duc ; nous allons voir la mine de cette comtesse, et, sur elle, nous mesurerons la courtoisie qui lui est due. » | En esto, entraron los tambores y el pífaro, como la vez primera. | En ce moment entrèrent le fifre et les tambours, comme la première fois ; | Y aquí, con este breve capítulo, dio fin el autor, y comenzó el otro, siguiendo la mesma aventura, que es una de las más notables de la historia. | et l′auteur termine ici ce court chapitre, pour commencer l′autre, où il continue la même aventure, qui est une des plus notables de toute l′histoire.
| II. Capítulo XXXVIII. Donde se cuenta la que dio de su mala andanza la dueña Dolorida. | Chapitre XXXVIII Où l′on rend compte du compte que rendit de sa triste fortune la duègne Doloride Detrás de los tristes músicos comenzaron a entrar por el jardín adelante hasta cantidad de doce dueñas, repartidas en dos hileras, todas vestidas de unos monjiles anchos, al parecer, de anascote batanado, con unas tocas blancas de delgado canequí, tan luengas que sólo el ribete del monjil descubrían. Tras ellas venía la condesa Trifaldi, a quien traía de la mano el escudero Trifaldín de la Blanca Barba, vestida de finísima y negra bayeta por frisar, que, a venir frisada, descubriera cada grano del grandor de un garbanzo de los buenos de Martos. La cola, o falda, o como llamarla quisieren, era de tres puntas, las cuales se sustentaban en las manos de tres pajes, asimesmo vestidos de luto, haciendo una vistosa y matemática figura con aquellos tres ángulos acutosque las tres puntas formaban, por lo cual cayeron todos los que la falda puntiaguda miraron que por ella se debía llamar la condesa Trifaldi, como si dijésemos la condesa de las Tres Faldas; y así dice Benengeli que fue verdad, y que de su propio apellido se llama la condesa Lobuna, a causa que se criaban en su condado muchos lobos, y que si como eran lobos fueran zorras, la llamaran la condesa Zorruna, por ser costumbre en aquellas partes tomar los señores la denominación de sus nombres de la cosa o cosas en que más sus estados abundan; empero esta condesa, por favorecer la novedad de su falda, dejó el Lobuna y tomó el Trifaldi. | Derrière les joueurs de cette triste musique, commencèrent à pénétrer dans le jardin jusqu′à douze duègnes, rangées sur deux files, toutes vêtues de larges robes à la religieuse, en serge foulée, avec des coiffes et des voiles de mousseline blanche, si longs qu′ils ne laissaient apercevoir que le bord des robes. Derrière elles venait la comtesse Trifaldi, que menait par la main l′écuyer Trifaldin de la barbe blanche. Elle était vêtue de fine bayette noire non apprêtée ; car, si le poil en eût été frisé, chaque brin de laine aurait fait un grain de la grosseur d′un pois chiche. La queue, ou basque, ou pan, ou comme on voudra l′appeler, était divisée en trois pointes, que soutenaient à la main trois pages, également vêtus de noir, lesquels présentaient une agréable figure mathématique, avec les trois angles aigus que formaient les trois pointes de la queue ; et tous ceux qui virent cette queue à trois pointes comprirent que c′était d′elle que lui venait le nom de comtesse Trifaldi, comme si l′on disait comtesse aux trois queues. Ben-Engéli dit qu′en effet c′était la vérité, et que de son nom propre la duègne s′appelait comtesse Loupine, parce qu′il y avait beaucoup de loups dans son comté, et que, si ces loups eussent été des renards, on l′aurait appelée comtesse Renardine, parce que, dans ces pays, les seigneurs ont coutume de prendre le nom de la chose ou des choses qui abondent le plus dans leurs seigneuries. Mais enfin cette comtesse, à la faveur de la nouveauté de sa queue, laissa le Loupine pour prendre le Trifaldi. | Venían las doce dueñas y la señora a paso de procesión, cubiertos los rostros con unos velos negros y no trasparentes como el de Trifaldín, sino tan apretados que ninguna cosa se traslucían. | Les douze duègnes et la dame marchaient au pas de procession, les visages couverts de voiles noirs, non pas transparents comme celui de Trifaldin, mais si serrés, au contraire, que rien ne se laissait apercevoir par-dessous. | Así como acabó de parecer el dueñesco escuadrón, el duque, la duquesa y don Quijote se pusieron en pie, y todos aquellos que la espaciosa procesión miraban. Pararon las doce dueñas y hicieron calle, por medio de la cual la Dolorida se adelantó, sin dejarla de la mano Trifaldín, viendo lo cual el duque, la duquesa y don Quijote, se adelantaron obra de doce pasos a recebirla. Ella, puesta las rodillas en el suelo, con voz antes basta y ronca que sutil y dilicada, dijo. | Aussitôt que parut ainsi formé l′escadron de duègnes, le duc, la duchesse et don Quichotte se levèrent, ainsi que tous ceux qui regardaient la longue procession. Les douze duègnes s′arrêtèrent et firent une haie, au milieu de laquelle passa la Doloride, sans quitter le bras de Trifaldin. À cette vue, le duc, la duchesse et don Quichotte s′avancèrent d′une douzaine de pas à sa rencontre. Elle alors, mettant les deux genoux en terre, dit d′une voix plutôt rauque et forte que flûtée et délicate : | -Vuestras grandezas sean servidas de no hacer tanta cortesía a este su criado; digo, a esta su criada, porque, según soy de dolorida, no acertaré a responder a lo que debo, a causa que mi estraña y jamás vista desdicha me ha llevado el entendimiento no sé adónde, y debe de ser muy lejos, pues cuanto más le busco menos le hallo. | « Que Vos Grandeurs veuillent bien ne pas faire tant de courtoisies à leur humble serviteur, je veux dire à leur humble servante, car je suis tellement endolorie que je ne pourrai jamais réussir à y répondre comme je le dois. En effet, ma disgrâce étrange, inou m′a emporté l′esprit je ne sais où, et ce doit être fort loin, car plus je le cherche, moins je le trouve. | -Sin él estaría -respondió el duque-, señora condesa, el que no descubriese por vuestra persona vuestro valor, el cual, sin más ver, es merecedor de toda la nata de la cortesía y de toda la flor de las bien criadas ceremonias. |  Celui-là en serait tout à fait dépourvu, madame la comtesse, répondit le duc, qui ne découvrirait pas dans votre personne votre mérite, lequel, sans qu′on en voie davantage, est digne de toute la crème de la courtoisie, de toute la fleur des plus civiles politesses. » | Y, levantándola de la mano, la llevó a asentar en una silla junto a la duquesa, la cual la recibió asimismo con mucho comedimiento. | Et, la relevant de la main, il la fit asseoir sur un siège près de la duchesse, qui lui fit aussi l′accueil le plus bienveillant. | Don Quijote callaba, y Sancho andaba muerto por ver el rostro de la Trifaldi y de alguna de sus muchas dueñas, pero no fue posible hasta que ellas de su grado y voluntad se descubrieron. | Don Quichotte gardait le silence, et Sancho mourait d′envie de voir le visage de la Trifaldi ou de quelqu′une de ses nombreuses duègnes ; mais ce fut impossible, jusqu′à ce qu′elles-mêmes le découvrissent de bon gré. | Sosegados todos y puestos en silencio, estaban esperando quién le había de romper, y fue la dueña Dolorida con estas palabras. | Tout le monde immobile et faisant silence, chacun attendait qui le romprait le premier. Ce fut la duègne Doloride, en prononçant les paroles suivantes : | -Confiada estoy, señor poderosísimo, hermosísima señora y discretísimos circunstantes, que ha de hallar mi cuitísima en vuestros valerosísimos pechos acogimiento no menos plácido que generoso y doloroso, porque ella es tal, que es bastante a enternecer los mármoles, y a ablandar los diamantes, y a molificar los aceros de los más endurecidos corazones del mundo; pero, antes que salga a la plaza de vuestros oídos, por no decir orejas, quisiera que me hicieran sabidora si está en este gremio, corro y compañía el acendradísimo caballero don Quijote de la Manchísima y su escuderísimo Panza. | « J′ai la confiance, puissantissime seigneur, bellissime dame et discrétissimes auditeurs, que ma douleurissime trouvera dans vos cœurs vaillantissimes un accueil non moins affable que généreux et douloureux ; car elle est telle qu′elle doit suffire pour attendrir le marbre, amollir le diamant, et assouplir l′acier des cœurs les plus endurcis du monde. Mais, avant de la publier à vos ou (pour ne pas dire à vos oreilles), je voudrais que vous me fissiez savoir si, dans le sein de cette illustre compagnie, se trouve le purissime chevalier don Quichotte de la Manchissime, et son écuyérissime Panza. | -El Panza -antes que otro respondiese, dijo Sancho- aquí esta, y el don Quijotísimo asimismo; y así, podréis, dolorosísima dueñísima, decir lo que quisieridísimis, que todos estamos prontos y aparejadísimos a ser vuestros servidorísimos. |  Le Panza, s′écria Sancho, avant que personne répondît, le voilà ; et le don Quichottissime également. Ainsi vous pouvez bien, Doloridissime duégnissime, dire tout ce qui vous plairissime, car nous sommes prêts et préparissimes à être vos serviteurissimes. » | En esto se levantó don Quijote, y, encaminando sus razones a la Dolorida dueña, dijo. | En ce moment don Quichotte se leva, et adressant la parole à la duègne Doloride, il lui dit : | -Si vuestras cuitas, angustiada señora, se pueden prometer alguna esperanza de remedio por algún valor o fuerzas de algún andante caballero, aquí están las mías, que, aunque flacas y breves, todas se emplearán en vuestro servicio. Yo soy don Quijote de la Mancha, cuyo asumpto es acudir a toda suerte de menesterosos, y, siendo esto así, como lo es, no habéis menester, señora, captar benevolencias ni buscar preámbulos, sino, a la llana y sin rodeos, decir vuestros males, que oídos os escuchan que sabrán, si no remediarlos, dolerse dellos. | « Si vos angoisses, ô dame affligée, peuvent se promettre quelque espoir de remède par quelque valeur ou quelque force de quelque chevalier errant, voici les miennes, qui, toutes faibles et toutes courtes qu′elles sont, s′emploieront tout entières à votre service. Je suis don Quichotte de la Manche, dont le métier est de secourir toutes sortes de nécessiteux. Cela étant, vous n′avez nul besoin, madame, de capter des bienveillances ni de chercher des préambules ; mais vous pouvez, tout bonnement et sans détours, raconter vos peines. Des oreilles vous écoutent, qui sauront, sinon y porter remède, au moins y compatir. » | Oyendo lo cual, la Dolorida dueña hizo señal de querer arrojarse a los pies de don Quijote, y aun se arrojó, y, pugnando por abrazárselos, decía: | Quand la duègne Doloride entendit cela, elle fit mine de vouloir se jeter aux pieds de don Quichotte, et même elle s′y jeta, et faisant tous ses efforts pour les embrasser, elle disait : | -Ante estos pies y piernas me arrojo, ¡oh caballero invicto!, por ser los que son basas y colunas de la andante caballería; estos pies quiero besar, de cuyos pasos pende y cuelga todo el remedio de mi desgracia, ¡oh valeroso andante, cuyas verdaderas fazañas dejan atrás y escurecen las fabulosas de los Amadises, Esplandianes y Belianises! | « Devant ces pieds et devant ces jambes je me jette, ô invincible chevalier, parce qu′ils sont les bases et les colonnes de la chevalerie errante. Je veux baiser ces pieds, du pas desquels pend et dépend le remède à mes malheurs, ô valeureux errant, dont les exploits véritables laissent loin derrière eux et obscurcissent les fabuleuses prouesses des Amadis, des Bélianis et des Esplandian ! » | Y, dejando a don Quijote, se volvió a Sancho Panza, y, asiéndole de las manos, le dijo. | Puis, laissant don Quichotte, et se tournant vers Sancho Panza, elle lui prit la main et lui dit : | -¡Oh tú, el más leal escudero que jamás sirvió a caballero andante en los presentes ni en los pasados siglos, más luengo en bondad que la barba de Trifaldín, mi acompañador, que está presente!, bien puedes preciarte que en servir al gran don Quijote sirves en cifra a toda la caterva de caballeros que han tratado las armas en el mundo. Conjúrote, por lo que debes a tu bondad fidelísima, me seas buen intercesor con tu dueño, para que luego favorezca a esta humilísima y desdichadísima condesa. | « Ô toi, le plus loyal écuyer qui ait servi jamais chevalier errant, dans les siècles présents et passés, plus long en bonté que la barbe de Trifaldin, mon homme de compagnie, ici présent ! tu peux bien te vanter qu′en servant le grand don Quichotte, tu sers en raccourci toute la multitude de chevaliers qui ont manié les armes dans le monde. Je te conjure, par ce que tu dois à ta bonté fidélissime, d′être mon intercesseur auprès de ton maître, pour qu′il favorise sans plus tarder cette humilissime et malheureusissime comtesse. » | A lo que respondió Sancho. | Sancho répondit : | -De que sea mi bondad, señoría mía, tan larga y grande como la barba de vuestro escudero, a mí me hace muy poco al caso; barbada y con bigotes tenga yo mi alma cuando desta vida vaya, que es lo que importa, que de las barbas de acá poco o nada me curo; pero, sin esas socaliñas ni plegarias, yo rogaré a mi amo, que sé que me quiere bien, y más agora que me ha menester para cierto negocio, que favorezca y ayude a vuesa merced en todo lo que pudiere. Vuesa merced desembaúle su cuita y cuéntenosla, y deje hacer, que todos nos entenderemos. | « Que ma bonté, ma chère dame, soit aussi grande et aussi longue que la barbe de votre écuyer, cela ne fait pas grand′chose à l′affaire. Mais que j′aie mon âme avec barbe et moustaches au sortir de cette vie, voilà ce qui m′importe, car des barbes d′ici-bas je ne me soucie guère. Au surplus, sans toutes ces prières ni ces cajoleries, je prierai mon maître (et je sais qu′il m′aime bien, surtout maintenant qu′il a besoin de moi pour une certaine affaire) d′aider Votre Grâce en tout ce qu′il pourra. Mais déboutonnez-vous, contez-nous votre peine, et laissez faire, nous serons tous d′accord. » | Reventaban de risa con estas cosas los duques, como aquellos que habían tomado el pulso a la tal aventura, y alababan entre sí la agudeza y disimulación de la Trifaldi, la cual, volviéndose a sentar, dijo. | Le duc et la duchesse mouraient de rire à tous ces propos, comme gens qui avaient fabriqué l′aventure, s′applaudissant de la finesse et de la dissimulation que montrait la Trifaldi. Celle-ci, s′étant rassise, prit de nouveau la parole et dit : | -« Del famoso reino de Candaya, que cae entre la gran Trapobana y el mar del Sur, dos leguas más allá del cabo Comorín, fue señora la reina doña Maguncia, viuda del rey Archipiela, su señor y marido, de cuyo matrimonio tuvieron y procrearon a la infanta Antonomasia, heredera del reino, la cual dicha infanta Antonomasia se crió y creció debajo de mi tutela y doctrina, por ser yo la más antigua y la más principal dueña de su madre. Sucedió, pues, que, yendo días y viniendo días, la niña Antonomasia llegó a edad de catorce años, con tan gran perfeción de hermosura, que no la pudo subir más de punto la naturaleza. ¡Pues digamos agora que la discreción era mocosa! . Así era discreta como bella, y era la más bella del mundo, y lo es, si ya los hados invidiosos y las parcas endurecidas no la han cortado la estambre de la vida. Pero no habrán, que no han de permitir los cielos que se haga tanto mal a la tierra como sería llevarse en agraz el racimo del más hermoso veduño del suelo. De esta hermosura, y no como se debe encarecida de mi torpe lengua, se enamoró un número infinito de príncipes, así naturales como estranjeros, entre los cuales osó levantar los pensamientos al cielo de tanta belleza un caballero particular que en la corte estaba, confiado en su mocedad y en su bizarría, y en sus muchas habilidades y gracias, y facilidad y felicidad de ingenio; porque hago saber a vuestras grandezas, si no lo tienen por enojo, que tocaba una guitarra que la hacía hablar, y más que era poeta y gran bailarín, y sabía hacer una jaula de pájaros, que solamente a hacerlas pudiera ganar la vida cuando se viera en estrema necesidad, que todas estas partes y gracias son bastantes a derribar una montaña, no que una delicada doncella. Pero toda su gentileza y buen donaire y todas sus gracias y habilidades fueran poca o ninguna parte para rendir la fortaleza de mi niña, si el ladrón desuellacaras no usara del remedio de rendirme a mí primero. Primero quiso el malandrín y desalmado vagamundo granjearme la voluntad y cohecharme el gusto, para que yo, mal alcaide, le entregase las llaves de la fortaleza que guardaba. En resolución: él me aduló el entendimiento y me rindió la voluntad con no sé qué dijes y brincos que me dio, pero lo que más me hizo postrar y dar conmigo por el suelo fueron unas coplas que le oí cantar una noche desde una reja que caía a una callejuela donde él estaba, que, si mal no me acuerdo, decían: | « Sur le fameux royaume de Candaya, qui gît entre la grande Trapobane et la mer du Sud, deux lieues par delà le cap Comorin, régna la reine doña Magoncia, veuve du roi Archipiel, son époux et seigneur. De leur mariage fut créée et mise au monde l′infante Antonomasie, héritière du royaume, laquelle infante Antonomasie grandit et s′éleva sous ma tutelle et ma doctrine, parce que j′étais la plus ancienne et la plus noble duègne de sa mère. « Or, il arriva que, les jours venant et passant, la petite Antonomasie atteignit l′âge de quatorze ans, avec une si grande perfection de beauté, que la nature n′aurait pu lui en donner un degré de plus. Dirons-nous que, pour l′esprit, c′était encore une morveuse ? Non, vraiment, elle était discrète autant que belle, et c′était la plus belle personne du monde, ou plutôt elle l′est encore, si les destins jaloux et les Parques impitoyables n′ont pas tranché le fil de sa vie. Et certes, ils ne l′ont pas fait, car les cieux ne sauraient permettre qu′on fasse à la terre un aussi grand mal que serait celui de cueillir en verjus la grappe de raisin du plus beau cep de ce monde. « De cette beauté, que ma langue pesante et maladroite ne sait point vanter comme elle le mérite, s′éprirent une infinité de princes, tant nationaux qu′étrangers. Parmi eux, un simple chevalier, qui se trouvait à la cour, osa élever ses pensées jusqu′au ciel de cette beauté miraculeuse. Ce qui lui donna tant de présomption, c′étaient sa jeunesse, sa bonne mine, ses grâces, ses nombreux talents, la facilité et la félicité de son esprit. Car il faut que Vos Grandeurs sachent, si cela ne leur cause point d′ennui, qu′il jouait d′une guitare à la faire parler ; de plus, qu′il était poëte et grand danseur, et qu′enfin il savait faire une cage d′oiseaux si bien, qu′il aurait pu gagner sa vie rien qu′à cela, s′il se fût trouvé dans quelque extrême besoin. Et toutes ces qualités, tous ces mérites sont plutôt capables de renverser une montagne que non-seulement une faible jeune fille. Cependant toute sa gentillesse, toutes ses grâces, tous ses talents n′auraient pu suffire à faire capituler la forteresse de mon élève, si le voleur effronté n′eût employé l′artifice de me faire d′abord capituler moi-même. Ce vagabond dénaturé voulut d′abord amorcer mon goût et acquérir mes bonnes grâces, pour que moi, châtelain infidèle, je lui livrasse les clefs de la forteresse dont la garde m′était confiée. Finalement, il me flatta l′intelligence et me dompta la volonté par je ne sais quelles amulettes qu′il me donna. Mais ce qui me fit surtout broncher et tomber par terre, ce furent certains couplets que je l′entendis chanter une nuit, d′une fenêtre grillée donnant sur une petite ruelle où il se promenait, lesquels couplets, si j′ai bonne mémoire, s′exprimaient ainsi : | De la dulce mi enemiga. nace un mal que al alma hiere, y, por más tormento, quiere que se sienta y no se diga. | « De ma douce ennemie, naît un mal qui perce l′âme, et, pour plus de tourment, elle exige qu′on le ressente et qu′on ne le dise pas. » | Parecióme la trova de perlas, y su voz de almíbar, y después acá, digo, desde entonces, viendo el mal en que caí por estos y otros semejantes versos, he considerado que de las buenas y concertadas repúblicas se habían de desterrar los poetas, como aconsejaba Platón, a lo menos, los lascivos, porque escriben unas coplas, no como las del marqués de Mantua, que entretienen y hacen llorar los niños y a las mujeres, sino unas agudezas que, a modo de blandas espinas, os atraviesan el alma, y como rayos os hieren en ella, dejando sano el vestido. Y otra vez cantó:. | « La strophe me sembla d′or, et sa voix de miel ; et depuis lors, en voyant le malheur où m′ont fait tomber ces vers et d′autres semblables, j′ai considéré qu′on devrait, comme le conseillait Platon, exiler les poëtes des républiques bien organisées, du moins les poëtes érotiques ; car ils écrivent des couplets, non pas comme ceux de la complainte du marquis de Mantoue, qui amusent les femmes et font pleurer les enfants, mais des pointes d′esprit qui vous traversent l′âme comme de douces épines, et vous la brûlent comme la foudre, sans toucher aux habits. Une autre fois, il chanta : | Ven, muerte, tan escondida que no te sienta venir, porque el placer del morir no me torne a dar la vida. | « Viens. Mort, mais si cachée que je ne te sente pas venir, pour que le plaisir de mourir ne me rende pas à la vie », | Y deste jaez otras coplitas y estrambotes, que cantados encantan y escritos suspenden. Pues, ¿qué cuando se humillan a componer un género de verso que en Candaya se usaba entonces, a quien ellos llamaban seguidillas? Allí era el brincar de las almas, el retozar de la risa, el desasosiego de los cuerpos y, finalmente, el azogue de todos los sentidos. Y así, digo, señores míos, que los tales trovadores con justo título los debían desterrar a las islas de los Lagartos. Pero no tienen ellos la culpa, sino los simples que los alaban y las bobas que los creen; y si yo fuera la buena dueña que debía, no me habían de mover sus trasnochados conceptos, ni había de creer ser verdad aquel decir: "Vivo muriendo, ardo en el yelo, tiemblo en el fuego, espero sin esperanza, pártome y quédome", con otros imposibles desta ralea, de que están sus escritos llenos. Pues, ¿qué cuando prometen el fénix de Arabia, la corona de Aridiana, los caballos del Sol, del Sur las perlas, de Tíbar el oro y de Pancaya el bálsamo? Aquí es donde ellos alargan más la pluma, como les cuesta poco prometer lo que jamás piensan ni pueden cumplir. Pero, ¿dónde me divierto?. ¡Ay de mí, desdichada! ¿Qué locura o qué desatino me lleva a contar las ajenas faltas, teniendo tanto que decir de las mías? ¡Ay de mí, otra vez, sin ventura!, que no me rindieron los versos, sino mi simplicidad; no me ablandaron las músicas, sino mi liviandad: mi mucha ignorancia y mi poco advertimiento abrieron el camino y desembarazaron la senda a los pasos de don Clavijo, que éste es el nombre del referido caballero; y así, siendo yo la medianera, él se halló una y muy muchas veces en la estancia de la por mí, y no por él, engañada Antonomasia, debajo del título de verdadero esposo; que, aunque pecadora, no consintiera que sin ser su marido la llegara a la vira de la suela de sus zapatillas. ¡No, no, eso no: el matrimonio ha de ir adelante en cualquier negocio destos que por mí se tratare! Solamente hubo un daño en este negocio, que fue el de la desigualdad, por ser don Clavijo un caballero particular, y la infanta Antonomasia heredera, como ya he dicho, del reino. Algunos días estuvo encubierta y solapada en la sagacidad de mi recato esta maraña, hasta que me pareció que la iba descubriendo a más andar no sé qué hinchazón del vientre de Antonomasia, cuyo temor nos hizo entrar en bureo a los tres, y salió dél que, antes que se saliese a luz el mal recado, don Clavijo pidiese ante el vicario por su mujer a Antonomasia, en fe de una cédula que de ser su esposa la infanta le había hecho, notada por mi ingenio, con tanta fuerza, que las de Sansón no pudieran romperla. Hiciéronse las diligencias, vio el vicario la cédula, tomó el tal vicario la confesión a la señora, confesó de plano, mandóla depositar en casa de un alguacil de corte muy honrado. . | ainsi que d′autres strophes et couplets qui, chantés, enchantent, et, écrits, ravissent. « Mais qu′est-ce, bon Dieu, quand ces poëtes se ravalent à composer une espèce de poésie fort à la mode alors à Candaya, et qu′ils appelaient des seguidillas< ? Alors, c′était la danse des âmes, l′agitation des corps, le transport du rire, et finalement le ravissement de tous les sens. Aussi, dis-je, mes seigneurs, qu′on devrait à juste titre déporter ces poëtes et troubadours aux îles des Lézards< . Mais la faute n′est pas à eux ; elle est aux simples qui les louent, et aux niaises qui les croient. « Si j′avais été aussi bonne duègne que je le devais, certes, je ne me serais point émue à leurs bons mots fanés, et n′aurais point pris pour des vérités ces belles tournures, je vis en mourant, je brûle dans la glace, je tremble dans le feu, j′espère sans espoir, je pars et je reste, ainsi que d′autres impossibilités de cette espèce, dont leurs écrits sont tout pleins. Et qu′arrive-t-il, lorsqu′ils promettent le phénix d′Arabie, la couronne d′Ariane, les chevaux du Soleil, les perles de la mer du Sud, l′or du Pactole et le baume de Pancaya< ? C′est alors qu′ils font plus que jamais courir la plume, car rien ne leur coûte moins que de promettre ce qu′ils ne pourront jamais tenir. « Mais que fais-je ? à quoi vais-je m′amuser, ô malheureuse ? quelle folie, quelle déraison me fait conter les péchés d′autrui, quand j′ai tant à raconter des miens ? Malheur à moi ! ce ne sont pas les vers qui m′ont vaincue, mais ma simplicité ; ce ne sont pas les sérénades qui m′ont adoucie, mais mon imprudence coupable. « Ma grande ignorance et ma faible circonspection ouvrirent le chemin et préparèrent les voies aux désirs de don Clavijo (ainsi se nomme le chevalier en question). Sous mon patronage et ma médiation, il entra, non pas une, mais bien des fois, dans la chambre à coucher d′Antonomasie, non par lui, mais par moi trompée, et cela, sous le titre de légitime époux ; car, bien que pécheresse, je n′aurais jamais permis que, sans être son mari, il l′eût touchée aux bords de la semelle de ses pantoufles. Non, non, pour cela, non ! le mariage doit aller en avant dans toute affaire de ce genre où je mets les mains. Il n′y avait qu′un mal dans celle-ci, l′inégalité des conditions, don Clavijo n′étant qu′un simple chevalier, tandis que l′infante Antonomasie était, comme on l′a dit, héritière du royaume. « Durant quelques jours, l′intrigue fut cachée et dissimulée par la sagacité de mes précautions ; mais bientôt il me parut qu′elle allait être découverte par je ne sais quelle enflure de l′estomac d′Antonomasie. Cette crainte nous fit entrer tous trois en conciliabule, et l′avis unanime fut qu′avant que le méchant tour vînt à éclater, don Clavijo (Georg., lib. II.) demandât devant le grand vicaire Antonomasie pour femme, en vertu d′une promesse écrite qu′elle lui avait donnée d′être son épouse, promesse formulée par mon esprit, et avec tant de force, que celle de Samson n′aurait pu la rompre. On fit les démarches nécessaires ; le vicaire fit la cédule, et reçut la confession de la dame, qui avoua tout sans autre formalité ; alors il la fit déposer chez un honnête alguazil de cour. | A esta sazón, dijo Sancho. |  Comment ! s′écria Sancho, | -También en Candaya hay alguaciles de corte, poetas y seguidillas, por lo que puedo jurar que imagino que todo el mundo es uno. Pero dése vuesa merced priesa, señora Trifaldi, que es tarde y ya me muero por saber el fin desta tan larga historia. | il y a donc aussi à Candaya des alguazils, des poëtes et des seguidillas ? Par tous les serments que je puis faire, j′imagine que le monde est tout un. Mais que Votre Grâce se dépêche un peu, madame Trifaldi ; il se fait tard, et je meurs d′envie de savoir la fin d′une si longue histoire. | -Sí haré -respondió la condesa. |  C′est ce que vais faire », répondit la comtesse.
| II. Capítulo XIX. Donde la Trifaldi prosigue su estupenda y memorable historia. | Chapitre XXXIX Où la Trifaldi continue sa surprenante et mémorable histoire De cualquiera palabra que Sancho decía, la duquesa gustaba tanto como se desesperaba don Quijote; y, mandándole que callase, la Dolorida prosiguió diciendo. | De chaque parole que disait Sancho, la duchesse raffolait, autant que s′en désespérait don Quichotte, qui lui ordonna de se taire. Alors la Doloride continua de la sorte : | -« En fin, al cabo de muchas demandas y respuestas, como la infanta se estaba siempre en sus trece, sin salir ni variar de la primera declaración, el vicario sentenció en favor de don Clavijo, y se la entregó por su legítima esposa, de lo que recibió tanto enojo la reina doña Maguncia, madre de la infanta Antonomasia, que dentro de tres días la enterramos. | « Enfin, après bien des interrogatoires, des demandes et des réponses, comme l′infante tenait toujours bon, sans rétracter ni changer sa première déclaration, le grand vicaire jugea en faveur de don Clavijo, et la lui remit pour légitime épouse ; ce qui causa tant de chagrin à la reine doña Magoncia, mère de l′infante Antonomasie, qu′au bout de trois jours nous l′enterrâmes. | -Debió de morir, sin duda -dijo Sancho. |  Elle était morte, sans doute ? demanda Sancho. | -¡Claro está! -respondió Trifaldín-, que en Candaya no se entierran las personas vivas, sino las muertas. |  C′est clair, répondit Trifaldin ; car, à Candaya, on n′enterre pas les personnes vivantes, mais mortes. | -Ya se ha visto, señor escudero -replicó Sancho-, enterrar un desmayado creyendo ser muerto, y parecíame a mí que estaba la reina Maguncia obligada a desmayarse antes que a morirse; que con la vida muchas cosas se remedian, y no fue tan grande el disparate de la infanta que obligase a sentirle tanto. Cuando se hubiera casado esa señora con algún paje suyo, o con otro criado de su casa, como han hecho otras muchas, según he oído decir, fuera el daño sin remedio; pero el haberse casado con un caballero tan gentilhombre y tan entendido como aquí nos le han pintado, en verdad en verdad que, aunque fue necedad, no fue tan grande como se piensa; porque, según las reglas de mi señor, que está presente y no me dejará mentir, así como se hacen de los hombres letrados los obispos, se pueden hacer de los caballeros, y más si son andantes, los reyes y los emperadores. |  On a déjà vu, seigneur écuyer, répliqua Sancho, enterrer un homme évanoui, le croyant mort, et il me semblait, à moi, que la reine Magoncia aurait bien fait de s′évanouir au lieu de mourir ; car, avec la vie, il y a remède à bien des choses. D′ailleurs, la faute de l′infante n′était pas si énorme qu′elle fût obligée d′en avoir tant de regret. Si cette demoiselle se fût mariée avec un page ou quelque autre domestique de sa maison, comme ont fait bien d′autres, à ce que j′ai ouí¤ire, le mal aurait été sans ressource ; mais avoir épousé un chevalier aussi gentilhomme et aussi entendu qu′on nous le dépeint, en vérité, si ce fut une sottise, elle n′est pas si grande qu′on le pense. Car enfin, suivant les règles de mon seigneur, qui est ici présent et ne me laissera pas accuser de mensonge, de même qu′on fait avec des hommes de robe les évêques, de même on peut faire avec des chevaliers, surtout s′ils sont errants, les rois et les empereurs. | -Razón tienes, Sancho -dijo don Quijote-, porque un caballero andante, como tenga dos dedos de ventura, está en potencia propincua de ser el mayor señor del mundo. Pero, pase adelante la señora Dolorida, que a mí se me trasluce que le falta por contar lo amargo desta hasta aquí dulce historia. |  Tu as raison, Sancho, dit don Quichotte ; car un chevalier errant, pourvu qu′il ait deux doigts de bonne chance, est en passe et en proche puissance d′être le plus grand seigneur du monde. Mais continuez, dame Doloride, car il me semble qu′il vous reste à compter l′amer de cette jusqu′à présent douce histoire. | -Y ¡cómo si queda lo amargo! -respondió la condesa-, y tan amargo que en su comparación son dulces las tueras y sabrosas las adelfas. « Muerta, pues, la reina, y no desmayada, la enterramos; y, apenas la cubrimos con la tierra y apenas le dimos el último vale, cuando. |  Comment, s′il reste l′amer ! reprit la comtesse. Oh ! oui ; et si amer, qu′en comparaison la coloquinte est douce et le laurier savoureux. « La reine donc étant morte et non évanouie, nous l′enterrâmes ; mais à peine l′avions-nous couverte de terre, à peine lui avions-nous dit le dernier adieu, que tout à coup, | quis talia fando temperet a lachrymis?. | quis talia temperet a lacrymis< ? | puesto sobre un caballo de madera, pareció encima de la sepultura de la reina el gigante Malambruno, primo cormano de Maguncia, que junto con ser cruel era encantador, el cual con sus artes, en venganza de la muerte de su cormana, y por castigo del atrevimiento de don Clavijo, y por despecho de la demasía de Antonomasia, los dejó encantados sobre la mesma sepultura: a ella, convertida en una jimia de bronce, y a él, en un espantoso cocodrilo de un metal no conocido, y entre los dos está un padrón, asimismo de metal, y en él escritas en lengua siríaca unas letras que, habiéndose declarado en la candayesca, y ahora en la castellana, encierran esta sentencia:  No cobrarán su primera forma estos dos atrevidos amantes hasta que el valeroso manchego venga conmigo a las manos en singular batalla, que para solo su gran valor guardan los hados esta nunca vista aventura". Hecho esto, sacó de la vaina un ancho y desmesurado alfanje, y, asiéndome a mí por los cabellos, hizo finta de querer segarme la gola y cortarme cercen la cabeza. Turbéme, pegóseme la voz a la garganta, quedé mohína en todo estremo, pero, con todo, me esforcé lo más que pude, y, con voz tembladora y doliente, le dije tantas y tales cosas, que le hicieron suspender la ejecución de tan riguroso castigo. Finalmente, hizo traer ante sí todas las dueñas de palacio, que fueron estas que están presentes, y, después de haber exagerado nuestra culpa y vituperado las condiciones de las dueñas, sus malas mañas y peores trazas, y cargando a todas la culpa que yo sola tenía, dijo que no quería con pena capital castigarnos, sino con otras penas dilatadas, que nos diesen una muerte civil y continua; y, en aquel mismo momento y punto que acabó de decir esto, sentimos todas que se nos abrían los poros de la cara, y que por toda ella nos punzaban como con puntas de agujas. Acudimos luego con las manos a los rostros, y hallámonos de la manera que ahora veréis. | parut au-dessus de la fosse de la reine, monté sur un cheval de bois, le géant Malambruno, cousin germain de Magoncia ; lequel, outre qu′il est cruel, est de plus enchanteur. Pour venger la mort de sa cousine germaine, pour châtier l′audace de don Clavijo et la faiblesse d′Antonomasie, il employa son art maudit, et laissa les deux amants enchantés sur la fosse même ; elle, convertie en une guenon de bronze, et lui, en un épouvantable crocodile d′un métal inconnu. Au milieu d′eux s′éleva une colonne également de métal, portant un écriteau en langue syriaque, qui, traduit en langue candayesque, et maintenant en langue castillane, renferme la sentence suivante : Les deux audacieux amants ne recouvreront point leur forme première, jusqu′à ce que le vaillant Manchois en vienne aux mains avec moi en combat singulier, car c′est seulement à sa haute valeur que les destins conservent cette aventure inou Cela fait, il tira du fourreau un large et démesuré cimeterre, et, me prenant par les cheveux, il fit mine de vouloir m′ouvrir la gorge et de me trancher la tête à rasibus des épaules. Je me troublai, ma voix s′éteignit, je me sentis fort mal à l′aise ; mais cependant je fis effort, et, d′une voix tremblante, je lui dis tant et tant de choses qu′elles le firent suspendre l′exécution de son rigoureux châtiment. Finalement, il fit amener devant lui toutes les duègnes du palais, qui sont celles que voilà présentes, et, après nous avoir reproché notre faute, après avoir amèrement blâmé les habitudes des duègnes, leurs mauvaises ruses et leurs pires intrigues, chargeant toutes les autres de la faute que j′avais seule commise, il dit qu′il ne voulait pas nous punir de la peine capitale, mais d′autres peines plus durables, qui nous donnassent une mort civile et perpétuelle. Au moment où il achevait de dire ces mots, nous sentîmes toutes s′ouvrir les pores de notre visage, et qu′on nous y piquait partout comme avec des pointes d′aiguille. Nous portâmes aussitôt nos mains à la figure, et nous nous trouvâmes dans l′état que vous allez voir. » | Y luego la Dolorida y las demás dueñas alzaron los antifaces con que cubiertas venían, y descubrieron los rostros, todos poblados de barbas, cuáles rubias, cuáles negras, cuáles blancas y cuáles albarrazadas, de cuya vista mostraron quedar admirados el duque y la duquesa, pasmados don Quijote y Sancho, y atónitos todos los presentes. | Aussitôt la Doloride et les autres duègnes levèrent les voiles dont elles étaient couvertes, et montrèrent des visages tout peuplés de barbes, les unes blondes, les autres brunes, celles-ci blanches, celles-là grisonnantes. À cette vue, le duc et la duchesse semblèrent frappés de surprise, don Quichotte et Sancho de stupeur, et tout le reste des assistants d′épouvante. | Y la Trifaldi prosiguió. | La Trifaldi continua de la sorte : | -« Desta manera nos castigó aquel follón y malintencionado de Malambruno, cubriendo la blandura y morbidez de nuestros rostros con la aspereza destas cerdas, que pluguiera al cielo que antes con su desmesurado alfanje nos hubiera derribado las testas, que no que nos asombrara la luz de nuestras caras con esta borra que nos cubre; porque si entramos en cuenta, señores míos (y esto que voy a decir agora lo quisiera decir hechos mis ojos fuentes, pero la consideración de nuestra desgracia, y los mares que hasta aquí han llovido, los tienen sin humor y secos como aristas, y así, lo diré sin lágrimas), digo, pues, que ¿adónde podrá ir una dueña con barbas? ¿Qué padre o qué madre se dolerá della? ¿Quién la dará ayuda? Pues, aun cuando tiene la tez lisa y el rostro martirizado con mil suertes de menjurjes y mudas, apenas halla quien bien la quiera, ¿qué hará cuando descubra hecho un bosque su rostro? ¡Oh dueñas y compañeras mías, en desdichado punto nacimos, en hora menguada nuestros padres nos engendraron!. | « Voilà de quelle manière nous châtia ce brutal et malintentionné de Malambruno. Il couvrit la blancheur et la pâleur de nos visages avec l′aspérité de ces soies, et plût au ciel qu′il eût fait rouler nos têtes sous le fil de son énorme cimeterre, plutôt que d′assombrir la lumière de nos figures avec cette bourre épaisse qui nous couvre ! car enfin, si nous entrons en compte, mes seigneursÂ
, et ce que je vais dire, je voudrais le dire avec des yeux coulants comme des fontaines ; mais les mers de pleurs que leur a fait verser la perpétuelle considération de notre disgrâce les ont réduits à être secs comme du jonc ; ainsi je parlerai sans larmes. Je dis donc : où peut aller une duègne barbue ? quel père ou quelle mère aura pitié d′elle ? qui la secourra ? car enfin si, quand elle a la peau bien lisse et le visage martyrisé par mille sortes d′ingrédients et de cosmétiques, elle a beaucoup de peine à trouver quelqu′un qui veuille d′elle, que sera-ce quand elle montrera un visage comme une forêt ? Ô duègnes, mes compagnes, nous sommes nées sous une triste étoile, et c′est sous une fatale influence que nos pères nous ont engendrées ! » | Y, diciendo esto, dio muestras de desmayarse. | En disant ces mots, la Trifaldi fit mine de tomber évanouie.
| II. Capítulo XL. De cosas que atañen y tocan a esta aventura y a esta memorable historia. | Chapitre XL Des choses relatives à cette mémorable histoire Real y verdaderamente, todos los que gustan de semejantes historias como ésta deben de mostrarse agradecidos a Cide Hamete, su autor primero, por la curiosidad que tuvo en contarnos las semínimas della, sin dejar cosa, por menuda que fuese, que no la sacase a luz distintamente: pinta los pensamientos, descubre las imaginaciones, responde a las tácitas, aclara las dudas, resuelve los argumentos; finalmente, los átomos del más curioso deseo manifiesta. ¡Oh autor celebérrimo! ¡Oh don Quijote dichoso! ¡Oh Dulcinea famosa! ¡Oh Sancho Panza gracioso! Todos juntos y cada uno de por sí viváis siglos infinitos, para gusto y general pasatiempo de los vivientes. | Véritablement tous ceux qui aiment les histoires comme celle-ci doivent se montrer reconnaissants envers Cid Hamet, son auteur primitif, pour le soin curieux qu′il a pris de nous en conter les plus petits détails, et de n′en pas laisser la moindre parcelle sans la mettre distinctement au jour. Il peint les pensées, découvre les imaginations, répond aux questions tacites, éclaircit les doutes, résout les difficultés proposées, et finalement manifeste jusqu′à ses derniers atomes la plus diligente passion de savoir et d′apprendre. Ô célèbre auteur ! ô fortuné don Quichotte ! ô fameuse Dulcinée ! ô gracieux Sancho Panza ! tous ensemble, et chacun en particulier, vivez des siècles infinis, pour le plaisir et l′amusement universel des vivants ! | Dice, pues, la historia que, así como Sancho vio desmayada a la Dolorida, dijo. | L′histoire dit donc qu′en voyant la Doloride évanouie, Sancho s′écria : | -Por la fe de hombre de bien, juro, y por el siglo de todos mis pasados los Panzas, que jamás he oído ni visto, ni mi amo me ha contado, ni en su pensamiento ha cabido, semejante aventura como ésta. Válgate mil satanases, por no maldecirte por encantador y gigante, Malambruno; y ¿no hallaste otro género de castigo que dar a estas pecadoras sino el de barbarlas? ¿Cómo y no fuera mejor, y a ellas les estuviera más a cuento, quitarles la mitad de las narices de medio arriba, aunque hablaran gangoso, que no ponerles barbas? Apostaré yo que no tienen hacienda para pagar a quien las rape. | « Je jure, foi d′homme de bien, et par le salut de tous mes ax les Panzas, que jamais je n′ai ouí®i vu, et que jamais mon maître n′a conté ni pu imaginer dans sa fantaisie une aventure comme celle-ci. Que mille Satans te maudissent, enchanteur et géant Malambruno ! ne pouvais-tu trouver d′autre espèce de punition pour ces pécheresses que de leur donner des museaux de barbets ? Comment ! ne valait-il pas mieux, et n′était-il pas plus à leur convenance de leur fendre les narines du haut en bas, eussent-elles ensuite parlé du nez, que de leur faire pousser des barbes ? Je gagerais qu′elles n′ont pas de quoi se faire raser. | -Así es la verdad, señor -respondió una de las doce-, que no tenemos hacienda para mondarnos; y así, hemos tomado algunas de nosotras por remedio ahorrativo de usar de unos pegotes o parches pegajosos, y aplicándolos a los rostros, y tirando de golpe, quedamos rasas y lisas como fondo de mortero de piedra; que, puesto que hay en Candaya mujeres que andan de casa en casa a quitar el vello y a pulir las cejas y hacer otros menjurjes tocantes a mujeres, nosotras las dueñas de mi señora por jamás quisimos admitirlas, porque las más oliscan a terceras, habiendo dejado de ser primas; y si por el señor don Quijote no somos remediadas, con barbas nos llevarán a la sepultura. |  Oh ! c′est vrai, seigneur, répondit une des douze ; nous ne sommes pas en état de payer un barbier ; aussi quelques-unes de nous ont pris, pour remède économique, l′usage de certains emplâtres de poix. Nous nous les appliquons sur le visage, et, en tirant un bon coup, nos mentons demeurent ras et lisses comme le fond d′un mortier de pierre. Il y a bien à Candaya des femmes qui vont de maison en maison épiler les dames, leur polir les sourcils, et préparer toutes sortes d′ingrédients<< ; mais nous autres duègnes de madame, nous n′avons jamais voulu accepter leurs services, parce que la plupart sentent l′entremetteuse ; et si le seigneur don Quichotte ne nous porte secours, avec nos barbes on nous portera dans le tombeau. | -Yo me pelaría las mías -dijo don Quijote- en tierra de moros, si no remediase las vuestras. |  Je m′arracherais plutôt la mienne en pays de Mores, s′écria don Quichotte, que de ne pas vous débarrasser des vôtres ! » | A este punto, volvió de su desmayo la Trifaldi y dijo. | En ce moment, la Trifaldi revint de sa pâmoison. | -El retintín desa promesa, valeroso caballero, en medio de mi desmayo llegó a mis oídos, y ha sido parte para que yo dél vuelva y cobre todos mis sentidos; y así, de nuevo os suplico, andante ínclito y señor indomable, vuestra graciosa promesa se convierta en obra. | « L′agréable tintement de cette promesse, dit-elle, ô valeureux chevalier, a frappé mes oreilles au milieu de mon évanouissement, et il a suffi pour me faire recouvrer tous mes sens. Ainsi, je vous en supplie de nouveau, errant, illustre et indomptable seigneur, convertissez en œuvre votre gracieuse promesse. | -Por mí no quedará -respondió don Quijote-: ved, señora, qué es lo que tengo de hacer, que el ánimo está muy pronto para serviros. |  Il ne tiendra pas à moi qu′elle reste inaccomplie, répondit don Quichotte. Allons, madame, dites ce que je dois faire ; mon courage est prêt à se mettre à votre service. | -Es el caso -respondió la Dolorida -que desde aquí al reino de Candaya, si se va por tierra, hay cinco mil leguas, dos más a menos; pero si se va por el aire y por la línea recta, hay tres mil y docientas y veinte y siete. Es también de saber que Malambruno me dijo que cuando la suerte me deparase al caballero nuestro libertador, que él le enviaría una cabalgadura harto mejor y con menos malicias que las que son de retorno, porque ha de ser aquel mesmo caballo de madera sobre quien llevó el valeroso Pierres robada a la linda Magalona, el cual caballo se rige por una clavija que tiene en la frente, que le sirve de freno, y vuela por el aire con tanta ligereza que parece que los mesmos diablos le llevan. Este tal caballo, según es tradición antigua, fue compuesto por aquel sabio Merlín; prestósele a Pierres, que era su amigo, con el cual hizo grandes viajes, y robó, como se ha dicho, a la linda Magalona, llevándola a las ancas por el aire, dejando embobados a cuantos desde la tierra los miraban; y no le prestaba sino a quien él quería, o mejor se lo pagaba; y desde el gran Pierres hasta ahora no sabemos que haya subido alguno en él. De allí le ha sacado Malambruno con sus artes, y le tiene en su poder, y se sirve dél en sus viajes, que los hace por momentos, por diversas partes del mundo, y hoy está aquí y mañana en Francia y otro día en Potosí; y es lo bueno que el tal caballo ni come, ni duerme ni gasta herraduras, y lleva un portante por los aires, sin tener alas, que el que lleva encima puede llevar una taza llena de agua en la mano sin que se le derrame gota, según camina llano y reposado; por lo cual la linda Magalona se holgaba mucho de andar caballera en él. |  Le cas est, reprit la Doloride, que, d′ici au royaume de Candaya, si l′on va par terre, il y a cinq mille lieues, à deux lieues de plus ou de moins. Mais, si l′on va par les airs, et en ligne droite, il n′y en a que trois mille deux cent vingt-sept. Il faut savoir également que Malambruno me dit qu′à l′instant où le sort me ferait rencontrer le chevalier notre libérateur, il lui enverrait une monture un peu meilleure et moins rétive que les bêtes de retour, car ce doit être ce même cheval de bois sur lequel le vaillant Pierre de Provence enleva la jolie Magalone.<< Ce cheval se dirige au moyen d′une cheville qu′il a dans le front et qui lui sert de mors, et il vole à travers les airs avec une telle rapidité, qu′on dirait que les diables l′emportent. Ce dit cheval, suivant l′antique tradition, fut fabriqué par le sage Merlin. Il le prêta au comte Pierre, qui était son ami, et qui fit avec lui de grands voyages ; entre autres, il enleva, comme on l′a dit, la jolie Magalone, la menant en croupe par les airs, et laissant ébahis tous ceux qui, de la terre, les regardaient passer. Merlin ne le prêtait qu′à ceux qu′il aimait bien, ou qui le payaient mieux ; et, depuis le fameux Pierre jusqu′à nos jours, nous ne sachions pas que personne l′eût monté. Malambruno l′a tiré de là par la puissance de son art magique, et il le tient en son pouvoir. C′est de lui qu′il se sert pour les voyages qu′il fait à chaque instant en diverses parties du monde. Aujourd′hui il est ici, demain en France, et vingt-quatre heures après au Potosi. Ce qu′il y a de bon, c′est que ce cheval ne mange pas, ne dort pas, n′use point de fers, et qu′il marche l′amble au milieu des airs, sans avoir d′ailes ; au point que celui qu′il porte peut tenir à la main un verre plein d′eau, sans en répandre une goutte, tant il chemine doucement et posément ; c′est pour cela que la jolie Magalone se réjouissait tant d′aller à cheval sur son dos. | A esto dijo Sancho. |  Par ma foi, interrompit Sancho, | -Para andar reposado y llano, mi rucio, puesto que no anda por los aires; pero por la tierra, yo le cutiré con cuantos portantes hay en el mundo. | pour aller un pas doux et posé, rien de tel que mon âne. Il est vrai qu′il ne marche pas dans l′air ; mais, sur la terre, je défie avec lui tous les ambles du monde. » | Riéronse todos, y la Dolorida prosiguió: | Chacun se mit à rire, et la Doloride continua : | -Y este tal caballo, si es que Malambruno quiere dar fin a nuestra desgracia, antes que sea media hora entrada la noche, estará en nuestra presencia, porque él me significó que la señal que me daría por donde yo entendiese que había hallado el caballero que buscaba, sería enviarme el caballo, donde fuese con comodidad y presteza. | « Eh bien, ce cheval, si Malambruno veut mettre fin à notre disgrâce, sera là devant nous, une demi-heure au plus après la tombée de la nuit ; car il m′a signifié que le signe qu′il me donnerait pour me faire entendre que j′avais trouvé le chevalier objet de mes recherches, ce serait de m′envoyer le cheval, où que ce fût, avec promptitude et commodité. | -Y ¿cuántos caben en ese caballo? -preguntó Sancho. |  Et combien tient-il de personnes sur ce cheval ? demanda Sancho. | La Dolorida respondió. |  Deux, répondit la Doloride, | -Dos personas: la una en la silla y la otra en las ancas; y, por la mayor parte, estas tales dos personas son caballero y escudero, cuando falta alguna robada doncella. | l′un sur la selle, l′autre sur la croupe ; et généralement ces deux personnes sont le chevalier et l′écuyer, à défaut de quelque demoiselle enlevée. | -Querría yo saber, señora Dolorida -dijo Sancho-, qué nombre tiene ese caballo. |  Je voudrais maintenant savoir, madame Doloride, dit Sancho, quel nom porte ce cheval. | -El nombre -respondió la Dolorida- no es como el caballo de Belorofonte, que se llamaba Pegaso, ni como el del Magno Alejandro, llamado Bucéfalo, ni como el del furioso Orlando, cuyo nombre fue Brilladoro, ni menos Bayarte, que fue el de Reinaldos de Montalbán, ni Frontino, como el de Rugero, ni Bootes ni Peritoa, como dicen que se llaman los del Sol, ni tampoco se llama Orelia, como el caballo en que el desdichado Rodrigo, último rey de los godos, entró en la batalla donde perdió la vida y el reino. |  Son nom, répondit la Doloride, n′est pas comme celui du cheval de Bellérophon, qui s′appelait Pégase, ni comme celui d′Alexandre le Grand, qui s′appelait Bucéphale. Il ne se nomme point Brillador, comme celui de Roland Furieux, ni Bayart, comme celui de Renaud de Montauban, ni Frontin, comme celui de Roger, ni Bootès ou Péritoa, comme on dit que s′appelaient les chevaux du Soleil<<< , ni même Orélia, comme le cheval sur lequel l′infortuné Rodéric, dernier roi des Goths, entra dans la bataille où il perdit la vie et le royaume. | -Yo apostaré -dijo Sancho- que, pues no le han dado ninguno desos famosos nombres de caballos tan conocidos, que tampoco le habrán dado el de mi amo, Rocinante, que en ser propio excede a todos los que se han nombrado. |  Je gagerais, s′écria Sancho, que, puisqu′on ne lui a donné aucun de ces fameux noms de chevaux si connus, on ne lui aura pas davantage donné celui du cheval de mon maître, Rossinante, qui, en fait d′être ajusté comme il faut, surpasse tous ceux que l′on a cités. | -Así es -respondió la barbada condesa-, pero todavía le cuadra mucho, porque se llama Clavileño el Alígero, cuyo nombre conviene con el ser de leño, y con la clavija que trae en la frente, y con la ligereza con que camina; y así, en cuanto al nombre, bien puede competir con el famoso Rocinante. |  Cela est vrai, répondit la comtesse barbue ; mais cependant le nom de l′autre lui va bien aussi, car il s′appelle Clavilègne le Véloce<< , ce qui exprime qu′il est de bois, qu′il a une cheville au front, et qu′il chemine avec une prodigieuse célérité. Ainsi, quant au nom, il peut bien le disputer au fameux Rossinante. | -No me descontenta el nombre -replicó Sancho-, pero ¿con qué freno o con qué jáquima se gobierna. |  En effet, le nom ne me déplaît pas, répliqua Sancho ; mais avec quel frein ou quel harnais se gouverne-t-il ? | -Ya he dicho -respondió la Trifaldi- que con la clavija, que, volviéndola a una parte o a otra, el caballero que va encima le hace caminar como quiere, o ya por los aires, o ya rastreando y casi barriendo la tierra, o por el medio, que es el que se busca y se ha de tener en todas las acciones bien ordenadas. |  Je viens de dire, répondit la Trifaldi, que c′est avec la cheville. En la tournant d′un côté ou de l′autre, le chevalier qui est dessus le fait cheminer comme il veut, tantôt au plus haut des airs, tantôt effleurant et presque balayant le sol, tantôt au juste milieu, qu′il faut toujours chercher dans toutes les actions bien ordonnées. | -Ya lo querría ver -respondió Sancho-, pero pensar que tengo de subir en él, ni en la silla ni en las ancas, es pedir peras al olmo. ¡Bueno es que apenas puedo tenerme en mi rucio, y sobre un albarda más blanda que la mesma seda, y querrían ahora que me tuviese en unas ancas de tabla, sin cojín ni almohada alguna! Pardiez, yo no me pienso moler por quitar las barbas a nadie: cada cual se rape como más le viniere a cuento, que yo no pienso acompañar a mi señor en tan largo viaje. Cuanto más, que yo no debo de hacer al caso para el rapamiento destas barbas como lo soy para el desencanto de mi señora Dulcinea. |  Je voudrais le voir, reprit Sancho ; mais penser que je monte dessus, soit en selle, soit en croupe, c′est demander des poires à l′ormeau. À peine puis-je me tenir sur mon grison, assis dans le creux d′un bât plus douillet que la soie même ; et l′on voudrait maintenant que je me tinsse sur une croupe de bois, sans coussin, ni tapis ! Pardine, je n′ai pas envie de me moudre pour ôter la barbe à personne. Que ceux qui en ont de trop se la rasent ; mais pour moi, je ne pense pas accompagner mon maître dans un si long voyage. D′ailleurs, je n′ai pas sans doute à servir pour la tonte de ces barbes, comme pour le désenchantement de madame Dulcinée. | -Sí sois, amigo -respondió la Trifaldi-, y tanto, que, sin vuestra presencia, entiendo que no haremos nada. |  Si vraiment, ami, répondit Doloride ; et tellement que sans votre présence nous ne ferons rien de bon. | -¡Aquí del rey! -dijo Sancho-: ¿qué tienen que ver los escuderos con las aventuras de sus señores? ¿Hanse de llevar ellos la fama de las que acaban, y hemos de llevar nosotros el trabajo? ¡Cuerpo de mí! Aun si dijesen los historiadores: "El tal caballero acabó la tal y tal aventura, pero con ayuda de fulano, su escudero, sin el cual fuera imposible el acabarla". Pero, ¡que escriban a secas: "Don Paralipomenón de las Tres Estrellas acabó la aventura de los seis vestiglos", sin nombrar la persona de su escudero, que se halló presente a todo, como si no fuera en el mundo! Ahora, señores, vuelvo a decir que mi señor se puede ir solo, y buen provecho le haga, que yo me quedaré aquí, en compañía de la duquesa mi señora, y podría ser que cuando volviese hallase mejorada la causa de la señora Dulcinea en tercio y quinto; porque pienso, en los ratos ociosos y desocupados, darme una tanda de azotes que no me la cubra pelo. |  En voici bien d′une autre ! s′écria Sancho ; et qu′ont à voir les écuyers dans les aventures de leurs seigneurs ? Ceux-ci doivent-ils emporter la gloire de celles qu′ils mettent à fin, et nous, supporter le travail ? Mort de ma vie ! si du moins les historiens disaient : « Un tel chevalier a mis à fin telle et telle aventure, mais avec l′aide d′un tel, son écuyer, sans lequel il était impossible de la conclureÂ
» à la bonne heure ; mais qu′ils écrivent tout sec : « Don Paralipoménon des Trois Étoiles a conclu l′aventure des six Vampires » et cela, sans nommer la personne de son écuyer, qui s′était trouvé présent à tout, pas plus que s′il ne fût pas dans le monde ! c′est intolérable. Maintenant, seigneurs, je le répète, mon maître peut s′en aller tout seul, et grand bien lui fasse ! Moi, je resterai ici, en compagnie de madame la duchesse. Il pourrait arriver qu′à son retour il trouvât l′affaire de madame Dulcinée aux trois quarts faite ; car, dans les moments perdus, je pense me donner une volée de coups de fouet à m′en ouvrir la peau. | -Con todo eso, le habéis de acompañar si fuere necesario, buen Sancho, porque os lo rogarán buenos; que no han de quedar por vuestro inútil temor tan poblados los rostros destas señoras; que, cierto, sería mal caso. | Â Cependant, interrompit la duchesse, il faut accompagner votre maître, si c′est nécessaire, bon Sancho, puisque ce sont des bons comme vous qui vous en font la prière. Il ne sera pas dit que, pour votre vaine frayeur, les mentons de ces dames restent avec leurs toisons ; ce serait un cas de conscience. | -¡Aquí del rey otra vez! -replicó Sancho-. Cuando esta caridad se hiciera por algunas doncellas recogidas, o por algunas niñas de la doctrina, pudiera el hombre aventurarse a cualquier trabajo, pero que lo sufra por quitar las barbas a dueñas, ¡mal año! , Mas que las viese yo a todas con barbas, desde la mayor hasta la menor, y de la más melindrosa hasta la más repulgada. | Â En voici d′une autre encore un coup ! répliqua Sancho. Si cette charité se faisait pour quelques demoiselles recluses, ou pour quelques petites filles de la doctrine chrétienne, encore passe ; on pourrait s′aventurer à quelque fatigue. Mais pour ôter la barbe à ces duègnes ! malepeste ! j′aimerais mieux les voir toutes barbues, depuis la plus grande jusqu′à la plus petite, depuis la plus mijaurée jusqu′à la plus pimpante. | -Mal estáis con las dueñas, Sancho amigo -dijo la duquesa-: mucho os vais tras la opinión del boticario toledano. Pues a fe que no tenéis razón; que dueñas hay en mi casa que pueden ser ejemplo de dueñas, que aquí está mi doña Rodríguez, que no me dejará decir otra cosa. | Â Vous en voulez bien aux duègnes, ami Sancho, dit la duchesse, et vous suivez de près l′opinion de l′apothicaire de Tolède. Eh bien ! vous n′avez pas raison. Il y a des duègnes chez moi qui pourraient servir de modèle à des maîtresses de maison, et voilà ma bonne doña Rodriguez qui ne me laissera pas dire autre chose. | -Mas que la diga vuestra excelencia -dijo Rodríguez-, que Dios sabe la verdad de todo, y buenas o malas, barbadas o lampiñas que seamos las dueñas, también nos parió nuestra madre como a las otras mujeres; y, pues Dios nos echó en el mundo, Él sabe para qué, y a su misericordia me atengo, y no a las barbas de nadie. | Â C′est assez que Votre Excellence le dise, reprit la Rodriguez, et Dieu sait la vérité. Que nous soyons, nous autres duègnes, bonnes ou mauvaises, barbues ou imberbes, enfin nos mères nous ont enfantées comme les autres femmes, et, puisque Dieu nous a mises au monde, il sait bien pourquoi. Aussi, c′est à sa miséricorde que je m′attends, et non à la barbe de personne. | -Ahora bien, señora Rodríguez -dijo don Quijote-, y señora Trifaldi y compañía, yo espero en el cielo que mirará con buenos ojos vuestras cuitas, que Sancho hará lo que yo le mandare, ya viniese Clavileño y ya me viese con Malambruno; que yo sé que no habría navaja que con más facilidad rapase a vuestras mercedes como mi espada raparía de los hombros la cabeza de Malambruno; que Dios sufre a los malos, pero no para siempre. | Â Voilà qui est bien, madame Rodriguez, dit don Quichotte ; et vous, madame Trifaldi et compagnie, j′espère que le ciel jettera sur votre affliction un regard favorable, et que Sancho fera ce que je lui ordonnerai, soit que Clavilègne arrive, soit que je me voie aux prises avec Malambruno. Ce que je sais, c′est qu′aucun rasoir ne raserait plus aisément le poil de Vos Grâces, que mon épée ne raserait sur ses épaules la tête de Malambruno. Dieu souffre les méchants, mais ce n′est pas pour toujours. | -¡Ay! -dijo a esta sazón la Dolorida-, con benignos ojos miren a vuestra grandeza, valeroso caballero, todas las estrellas de las regiones celestes, e infundan en vuestro ánimo toda prosperidad y valentía para ser escudo y amparo del vituperoso y abatido género dueñesco, abominado de boticarios, murmurado de escuderos y socaliñado de pajes; que mal haya la bellaca que en la flor de su edad no se metió primero a ser monja que a dueña. ¡Desdichadas de nosotras las dueñas, que, aunque vengamos por línea recta, de varón en varón, del mismo Héctor el troyano, no dejaran de echaros un vos nuestras señoras, si pensasen por ello ser reinas! ¡Oh gigante Malambruno, que, aunque eres encantador, eres certísimo en tus promesas!, envíanos ya al sin par Clavileño, para que nuestra desdicha se acabe, que si entra el calor y estas nuestras barbas duran, ¡guay de nuestra ventura. | Â Ah ! s′écria la Doloride, que toutes les étoiles des régions célestes regardent Votre Grandeur avec des yeux bénins, ô valeureux chevalier ! qu′elles versent sur votre cœur magnanime toute vaillance et toute prospérité, pour que vous deveniez le bouclier et le soutien de la triste et injurieuse engeance des duègnes, détestée des apothicaires, mordue des écuyers et escroquée des pages ! Maudite soit la coquine, qui, à la fleur de son âge, ne s′est pas faite plutôt religieuse que duègne ! Malheur à nous autres duègnes, à qui nos maîtresses jetteraient un toi par la figure, si elles croyaient pour cela devenir reines, vinssions-nous en ligne droite et de mâle en mâle d′Hector le Troyen ! Ô géant Malambruno ! qui, bien qu′enchanteur, es fidèle en tes promesses, envoie-nous vite le sans pareil Clavilègne, pour que notre malheur finisse ; car, si la chaleur vient et que nos barbes restent, hélas ! c′en est fait de nous. » | Dijo esto con tanto sentimiento la Trifaldi, que sacó las lágrimas de los ojos de todos los circunstantes, y aun arrasó los de Sancho, y propuso en su corazón de acompañar a su señor hasta las últimas partes del mundo, si es que en ello consistiese quitar la lana de aquellos venerables rostros. | La Trifaldi prononça ces paroles avec un accent si déchirant, qu′elle tira les larmes des yeux de tous les spectateurs, Sancho lui-même sentit les siens se mouiller, et il résolut au fond de son cœur d′accompagner son maître jusqu′au bout du monde, si c′était en cela que consistait le moyen d′ôter la laine de ces vénérables visages.
| II. Capítulo XLI. De la venida de Clavileño, con el fin desta dilatada aventura. | Chapitre XLI De l′arrivée de Clavilègne, avec la fin de cette longue et prolixe aventure Llegó en esto la noche, y con ella el punto determinado en que el famoso caballo Clavileño viniese, cuya tardanza fatigaba ya a don Quijote, pareciéndole que, pues Malambruno se detenía en enviarle, o que él no era el caballero para quien estaba guardada aquella aventura, o que Malambruno no osaba venir con él a singular batalla. Pero veis aquí cuando a deshora entraron por el jardín cuatro salvajes, vestidos todos de verde yedra, que sobre sus hombros traían un gran caballo de madera. Pusiéronle de pies en el suelo, y uno de los salvajes dijo. | La nuit vint sur ces entrefaites, et avec elle l′heure indiquée pour la venue du fameux cheval Clavilègne. Son retard commençait à tourmenter don Quichotte, lequel concluait, de ce que Malambruno tardait à l′envoyer, ou qu′il n′était pas le chevalier pour qui était réservée cette aventure, ou que Malambruno n′osait point en venir aux mains avec lui en combat singulier. Mais voilà que tout à coup apparaissent dans le jardin quatre sauvages, habillés de feuilles de lierre, et portant sur leurs épaules un grand cheval de bois. Ils le posèrent à terre, sur ses pieds, et l′un des sauvages dit : | -Suba sobre esta máquina el que tuviere ánimo para ello. | « Que le chevalier qui en aura le courage monte sur cette machineÂ
| -Aquí -dijo Sancho- yo no subo, porque ni tengo ánimo ni soy caballero. |  Alors, interrompit Sancho, je n′y monte pas, car je n′ai point de courage, et ne suis pas chevalier. » | Y el salvaje prosiguió diciendo. | Le sauvage continua : | -Y ocupe las ancas el escudero, si es que lo tiene, y fíese del valeroso Malambruno, que si no fuere de su espada, de ninguna otra, ni de otra malicia, será ofendido; y no hay más que torcer esta clavija que sobre el cuello trae puesta, que él los llevará por los aires adonde los atiende Malambruno; pero, porque la alteza y sublimidad del camino no les cause váguidos, se han de cubrir los ojos hasta que el caballo relinche, que será señal de haber dado fin a su viaje. | « Et que son écuyer, s′il en a un, monte en croupe. Il peut avoir confiance au valeureux Malambruno, certain de n′avoir à craindre que son épée, mais nulle autre, ni nulle autre embûche. Il n′y a qu′à tourner cette cheville que le cheval a sur le cou, et il emportera le chevalier et l′écuyer par les airs aux lieux où les attend Malambruno. Mais, pour que la hauteur et la sublimité du chemin ne leur cause pas d′étourdissements, il faut qu′ils se couvrent les yeux jusqu′à ce que le cheval hennisse. Ce sera le signe qu′ils ont achevé leur voyage. » | Esto dicho, dejando a Clavileño, con gentil continente se volvieron por donde habían venido. La Dolorida, así como vio al caballo, casi con lágrimas dijo a don Quijote. | Cela dit, et laissant là Clavilègne, les quatre sauvages s′en retournèrent à pas comptés par où ils étaient venus. Dès que la Doloride vit le cheval, elle dit à don Quichotte, les larmes aux yeux : | -Valeroso caballero, las promesas de Malambruno han sido ciertas: el caballo está en casa, nuestras barbas crecen, y cada una de nosotras y con cada pelo dellas te suplicamos nos rapes y tundas, pues no está en más sino en que subas en él con tu escudero y des felice principio a vuestro nuevo viaje. | « Valeureux chevalier, les promesses de Malambruno sont accomplies, le cheval est chez nous, et nos barbes poussent ; chacune de nous, et par chaque poil de nos mentons, nous te supplions de nous raser et de nous tondre, puisque cela ne tient plus qu′à ce que tu montes sur cette bête avec ton écuyer, et à ce que vous donniez tous deux un heureux début à votre voyage de nouvelle espèce. | -Eso haré yo, señora condesa Trifaldi, de muy buen grado y de mejor talante, sin ponerme a tomar cojín, ni calzarme espuelas, por no detenerme: tanta es la gana que tengo de veros a vos, señora, y a todas estas dueñas rasas y mondas. |  C′est ce que je ferai, madame la comtesse Trifaldi, répondit don Quichotte, de bien bon cœur et de bien bonne volonté, sans prendre un coussin et sans chausser d′éperons, pour ne pas perdre un moment, tant j′ai grande envie de vous voir, madame, ainsi que toutes ces duègnes, tondues et rasées. | -Eso no haré yo -dijo Sancho-, ni de malo ni de buen talante, en ninguna manera; y si es que este rapamiento no se puede hacer sin que yo suba a las ancas, bien puede buscar mi señor otro escudero que le acompañe, y estas señoras otro modo de alisarse los rostros; que yo no soy brujo, para gustar de andar por los aires. Y ¿qué dirán mis insulanos cuando sepan que su gobernador se anda paseando por los vientos? Y otra cosa más: que habiendo tres mil y tantas leguas de aquí a Candaya, si el caballo se cansa o el gigante se enoja, tardaremos en dar la vuelta media docena de años, y ya ni habrá ínsula ni ínsulos en el mundo que me conozan; y, pues se dice comúnmente que en la tardanza va el peligro, y que cuando te dieren la vaquilla acudas con la soguilla, perdónenme las barbas destas señoras, que bien se está San Pedro en Roma; quiero decir que bien me estoy en esta casa, donde tanta merced se me hace y de cuyo dueño tan gran bien espero como es verme gobernador. |  Et moi, c′est ce que je ne ferai pas, dit Sancho, ni de bonne ni de mauvaise volonté. Si cette tonsure ne peut se faire sans que je monte en croupe, mon seigneur peut bien chercher un autre écuyer qui l′accompagne, et ces dames un autre moyen de se polir le menton, car je ne suis pas un sorcier pour prendre plaisir à courir les airs. Et que diraient mes insulaires en apprenant que leur gouverneur est à se promener parmi les vents ? D′ailleurs, puisqu′il y a trois mille et tant de lieues d′ici à Candaya, si le cheval se fatigue ou si le géant se fâche, nous mettrons à revenir une demi-douzaine d′années, et alors il n′y aura plus d′îles ni d′îlots dans le monde qui me reconnaissent ; et, puisqu′on dit d′habitude que c′est dans le retard qu′est le péril, et que, si l′on te donne la génisse, mets-lui la corde au cou, j′en demande pardon aux barbes de ces dames, mais saint Pierre est fort bien à Rome ; je veux dire que je suis fort bien dans cette maison, où l′on me traite avec tant de bonté, et du maître de laquelle j′attends la faveur insigne de me voir gouverneur. | A lo que el duque dijo. |  Ami Sancho, répondit le duc, | -Sancho amigo, la ínsula que yo os he prometido no es movible ni fugitiva: raíces tiene tan hondas, echadas en los abismos de la tierra, que no la arrancarán ni mudarán de donde está a tres tirones; y, pues vos sabéis que sé yo que no hay ninguno género de oficio destos de mayor cantía que no se granjee con alguna suerte de cohecho, cuál más, cuál menos, el que yo quiero llevar por este gobierno es que vais con vuestro señor don Quijote a dar cima y cabo a esta memorable aventura; que ahora volváis sobre Clavileño con la brevedad que su ligereza promete, ora la contraria fortuna os traiga y vuelva a pie, hecho romero, de mesón en mesón y de venta en venta, siempre que volviéredes hallaréis vuestra ínsula donde la dejáis, y a vuestros insulanos con el mesmo deseo de recebiros por su gobernador que siempre han tenido, y mi voluntad será la mesma; y no pongáis duda en esta verdad, señor Sancho, que sería hacer notorio agravio al deseo que de serviros tengo. | l′île que je vous ai promise n′est ni mobile ni fugitive. Elle a des racines si profondes, enfoncées dans les abîmes de la terre, qu′on ne pourrait ni l′arracher, ni la changer de place en trois tours de reins. Et puisque nous savons tous deux, vous et moi, qu′il n′y a aucune sorte d′emploi, j′entends de ceux de haute volée, qui ne s′obtienne par quelque espèce de pot-de-vin, l′un plus gros, l′autre plus petit<< , celui que je veux recevoir pour ce gouvernement, c′est que vous alliez avec votre seigneur don Quichotte mettre fin à cette mémorable aventure. Soit que vous reveniez sur Clavilègne dans le peu de temps que promet sa célérité, soit que la fortune contraire vous ramène à pied, comme un pauvre pèlerin, de village en village et d′auberge en auberge, dès que vous reviendrez, vous trouverez votre île où vous l′aurez laissée, et vos insulaires avec le même désir qu′ils ont toujours eu de vous avoir pour gouverneur. Ma volonté sera la même ; et ne mettez aucun doute à cette vérité, seigneur Sancho, car ce serait faire un notable outrage à l′envie que j′ai de vous servir. | -No más, señor -dijo Sancho-: yo soy un pobre escudero y no puedo llevar a cuestas tantas cortesías; suba mi amo, tápenme estos ojos y encomiéndenme a Dios, y avísenme si cuando vamos por esas altanerías podré encomendarme a Nuestro Señor o invocar los ángeles que me favorezcan. |  Assez, assez, seigneur, s′écria Sancho ; je ne suis qu′un pauvre écuyer, et ne puis porter tant de courtoisies sur les bras. Que mon maître monte, qu′on me bande les yeux, et qu′on me recommande à Dieu. Il faut aussi m′informer si, quand nous passerons par ces hauteurs, je pourrai recommander mon âme au Seigneur, ou invoquer la protection des anges. | A lo que respondió Trifaldi. |  Vous pouvez très-bien, | -Sancho, bien podéis encomendaros a Dios o a quien quisiéredes, que Malambruno, aunque es encantador, es cristiano, y hace sus encantamentos con mucha sagacidad y con mucho tiento, sin meterse con nadie. | Sancho, répondit la Doloride, recommander votre âme à Dieu, ou à qui vous plaira ; car, bien qu′enchanteur, Malambruno est chrétien ; il fait ses enchantements avec beaucoup de tact et de prudence, et sans se mettre mal avec personne. | -¡Ea, pues -dijo Sancho-, Dios me ayude y la Santísima Trinidad de Gaeta!. |  Allons donc, dit Sancho ; que Dieu m′assiste, et la très-sainte Trinité de Gaëte ! | -Desde la memorable aventura de los batanes -dijo don Quijote-, nunca he visto a Sancho con tanto temor como ahora, y si yo fuera tan agorero como otros, su pusilanimidad me hiciera algunas cosquillas en el ánimo. Pero llegaos aquí, Sancho, que con licencia destos señores os quiero hablar aparte dos palabras. |  Depuis la mémorable aventure des foulons, dit don Quichotte, je n′ai jamais vu Sancho avoir aussi peur qu′à présent. Si je croyais aux augures, comme tant d′autres, je sentirais bien un peu de chair de poule à mon courage. Mais venez ici, Sancho ; avec la permission du seigneur et de madame, je veux vous dire deux mots en particulier. » | Y, apartando a Sancho entre unos árboles del jardín y asiéndole ambas las manos, le dijo. | Emmenant alors Sancho sous un groupe d′arbres, il lui prit les deux mains et lui dit : | -Ya vees, Sancho hermano, el largo viaje que nos espera, y que sabe Dios cuándo volveremos dél, ni la comodidad y espacio que nos darán los negocios; así, querría que ahora te retirases en tu aposento, como que vas a buscar alguna cosa necesaria para el camino, y, en un daca las pajas, te dieses, a buena cuenta de los tres mil y trecientos azotes a que estás obligado, siquiera quinientos, que dados te los tendrás, que el comenzar las cosas es tenerlas medio acabadas. | « Tu vois, mon frère Sancho, le long voyage qui nous attend. Dieu sait quand nous reviendrons, et quel loisir, quelle commodité nous laisseront les affaires. Je voudrais donc que tu te retirasses à présent dans ta chambre, comme si tu allais chercher quelque chose de nécessaire au départ, et qu′en un tour de main tu te donnasses, en à-compte sur les trois mille trois cents coups de fouet auxquels tu t′es obligé, ne serait-ce que cinq ou six cents. Quand ils seront donnés, ce sera autant de fait ; car commencer les choses, c′est les avoir à moitié finies. | -¡Par Dios -dijo Sancho-, que vuestra merced debe de ser menguado! Esto es como aquello que dicen: "¡en priesa me vees y doncellez me demandas!" ¿Ahora que tengo de ir sentado en una tabla rasa, quiere vuestra merced que me lastime las posas? En verdad en verdad que no tiene vuestra merced razón. Vamos ahora a rapar estas dueñas, que a la vuelta yo le prometo a vuestra merced, como quien soy, de darme tanta priesa a salir de mi obligación, que vuestra merced se contente, y no le digo más. |  Par Dieu ! s′écria Sancho. Votre Grâce doit avoir perdu l′esprit. C′est comme ceux qui disent : « Tu me vois pressé et tu me demandes ma fille en mariage. » Comment donc ! maintenant qu′il s′agit d′aller à cheval sur une table rase, vous voulez que je me déchire le derrière ? En vérité, ce n′est pas raisonnable. Allons d′abord barbifier ces duègnes, et au retour je vous promets, foi de qui je suis, que je me dépêcherai tellement de remplir mon obligation, que Votre Grâce sera pleinement satisfaite ; et ne disons rien de plus. | Y don Quijote respondió. |  Cette promesse, bon Sancho, reprit don Quichotte, | -Pues con esa promesa, buen Sancho, voy consolado, y creo que la cumplirás, porque, en efecto, aunque tonto, eres hombre verídico. | suffit pour me consoler ; et je crois fermement que tu l′accompliras, car, tout sot que tu es, tu es homme véridique. | -No soy verde, sino moreno -dijo Sancho-, pero aunque fuera de mezcla, cumpliera mi palabra. |  Je ne suis pas vert, mais brun, dit Sancho, et, quand même je serais bariolé, je tiendrais ma parole. » | Y con esto se volvieron a subir en Clavileño, y al subir dijo don Quijote. | Après cela, ils revinrent pour monter sur Clavilègne. Et, au moment d′y mettre le pied, don Quichotte dit à Sancho : | -Tapaos, Sancho, y subid, Sancho, que quien de tan lueñes tierras envía por nosotros no será para engañarnos, por la poca gloria que le puede redundar de engañar a quien dél se fía; y, puesto que todo sucediese al revés de lo que imagino, la gloria de haber emprendido esta hazaña no la podrá escurecer malicia alguna. | « Allons, Sancho, bandez-vous les yeux, car celui qui nous envoie chercher de si lointains climats n′est pas capable de nous tromper. Quelle gloire pourrait-il gagner à tromper des gens qui se fient à lui ? Mais quand même tout arriverait au rebours de ce que j′imagine, aucune malice ne pourra du moins obscurcir la gloire d′avoir entrepris cette prouesse. | -Vamos, señor -dijo Sancho-, que las barbas y lágrimas destas señoras las tengo clavadas en el corazón, y no comeré bocado que bien me sepa hasta verlas en su primera lisura. Suba vuesa merced y tápese primero, que si yo tengo de ir a las ancas, claro está que primero sube el de la silla. |  Allons, seigneur, dit Sancho ; les barbes et les larmes de ces dames, je les ai clouées dans le cœur, et je ne mangerai pas morceau qui me profite avant que j′aie vu leur menton dans son premier poli. Que Votre Grâce monte, et se bouche d′abord les yeux ; car, si je dois aller en croupe, il est clair que je ne dois monter qu′après celui qui va sur la selle. | -Así es la verdad -replicó don Quijote. |  Tu as raison », répliqua don Quichotte. | Y, sacando un pañuelo de la faldriquera, pidió a la Dolorida que le cubriese muy bien los ojos, y, habiéndoselos cubierto, se volvió a descubrir y dijo. | Et, tirant de sa poche un mouchoir, il pria la Doloride de lui en couvrir les yeux. Quand ce fut fait, il ôta son bandeau et dit : | -Si mal no me acuerdo, yo he leído en Virgilio aquello del Paladión de Troya, que fue un caballo de madera que los griegos presentaron a la diosa Palas, el cual iba preñado de caballeros armados, que después fueron la total ruina de Troya; y así, será bien ver primero lo que Clavileño trae en su estómago. | « Je me souviens, si j′ai bonne mémoire, d′avoir lu dans Virgile l′histoire du Palladium de Troie ; ce fut un cheval de bois que les Grecs présentèrent à la déesse Pallas, et qui avait le ventre plein de chevaliers armés, par lesquels la ruine de Troie fut consommée. Il serait donc bon de voir d′abord ce que Clavilègne porte dans ses entrailles. | -No hay para qué -dijo la Dolorida-, que yo le fío y sé que Malambruno no tiene nada de malicioso ni de traidor; vuesa merced, señor don Quijote, suba sin pavor alguno, y a mi daño si alguno le sucediere. |  C′est inutile, s′écria la Doloride, je m′en rends caution, et je sais que Malambruno n′est capable ni d′une trahison ni d′un méchant tour. Que Votre Grâce, seigneur don Quichotte, monte sans aucune crainte, et le mal qui arrivera, je le prends à mon compte. » | Parecióle a don Quijote que cualquiera cosa que replicase acerca de su seguridad sería poner en detrimento su valentía; y así, sin más altercar, subió sobre Clavileño y le tentó la clavija, que fácilmente se rodeaba; y, como no tenía estribos y le colgaban las piernas, no parecía sino figura de tapiz flamenco pintada o tejida en algún romano triunfo. De mal talante y poco a poco llegó a subir Sancho, y, acomodándose lo mejor que pudo en las ancas, las halló algo duras y no nada blandas, y pidió al duque que, si fuese posible, le acomodasen de algún cojín o de alguna almohada, aunque fuese del estrado de su señora la duquesa, o del lecho de algún paje, porque las ancas de aquel caballo más parecían de mármol que de leño. | Il parut à don Quichotte que tout ce qu′il pourrait répliquer au sujet de sa sûreté personnelle serait une injure à sa vaillance, et, sans plus d′altercation, il monta sur Clavilègne, et essaya la cheville qui tournait aisément. Comme il n′avait point d′étriers, et que ses jambes pendaient tout de leur long, il ressemblait à ces figures de tapisserie de Flandres, peintes, ou plutôt tissues, dans un triomphe d′empereur romain. De mauvais gré, et en se faisant tirer l′oreille. Sancho vint monter à son tour. Il s′arrangea du mieux qu′il put sur la croupe, qu′il trouva fort dure et nullement mollette. Alors il demanda au duc de lui prêter, s′il était possible, quelque coussin ou quelque oreiller, fût-ce de l′estrade de madame la duchesse ou du lit d′un page, car la croupe de ce cheval lui semblait plutôt de marbre que de bois. | A esto dijo la Trifaldi que ningún jaez ni ningún género de adorno sufría sobre sí Clavileño; que lo que podía hacer era ponerse a mujeriegas, y que así no sentiría tanto la dureza. Hízolo así Sancho, y, diciendo ′′a Dios′′, se dejó vendar los ojos, y, ya después de vendados, se volvió a descubrir, y, mirando a todos los del jardín tiernamente y con lágrimas, dijo que le ayudasen en aquel trance con sendos paternostres y sendas avemarías, porque Dios deparase quien por ellos los dijese cuando en semejantes trances se viesen. A lo que dijo don Quijote. | Mais la Trifaldi fit observer que Clavilègne ne souffrait sur son dos aucune espèce de harnais ni d′ornement ; que ce qu′il y avait à faire, c′était que Sancho s′assît à la manière des femmes, et qu′ainsi il sentirait moins la dureté de la monture. C′est ce que fit Sancho ; et, disant adieu, il se laissa bander les yeux. Mais, quand il les eut bandés, il les découvrit encore, et, jetant des regards tendres et suppliants sur tous ceux qui se trouvaient dans le jardin, il les conjura, les larmes aux yeux, de l′aider en ce moment critique avec force Pater Noster et force Ave Maria, afin que Dieu leur envoyât aussi des gens pour leur en dire quand ils se trouveraient en semblable passe. | -Ladrón, ¿estás puesto en la horca por ventura, o en el último término de la vida, para usar de semejantes plegarias? ¿No estás, desalmada y cobarde criatura, en el mismo lugar que ocupó la linda Magalona, del cual decendió, no a la sepultura, sino a ser reina de Francia, si no mienten las historias? Y yo, que voy a tu lado, ¿no puedo ponerme al del valeroso Pierres, que oprimió este mismo lugar que yo ahora oprimo? Cúbrete, cúbrete, animal descorazonado, y no te salga a la boca el temor que tienes, a lo menos en presencia mía. | « Larron ! s′écria don Quichotte, es-tu par hasard attaché à la potence ? es-tu au dernier jour de ta vie pour user de telles supplications ? N′es-tu point, lâche et dénaturée créature, assis au même endroit qu′occupa la jolie Magalone, et dont elle descendit, non dans la sépulture, mais sur le trône de France, si les histoires ne mentent pas ? Et moi, qui vais à tes côtés, ne puis-je pas me mettre au niveau du valeureux Pierre, qui étreignit l′endroit même que j′étreins à présent ? Bande-toi, bande-toi les yeux, animal sans cœur, et que la peur qui te travaille ne te sorte plus par la bouche, au moins en ma présence. | -Tápenme -respondió Sancho-; y, pues no quieren que me encomiende a Dios ni que sea encomendado, ¿qué mucho que tema no ande por aquí alguna región de diablos que den con nosotros en Peralvillo?. |  Eh bien, qu′on me bouche donc, répondit Sancho ; mais, puisqu′on ne veut pas que je me recommande à Dieu, ni que je lui sois recommandé, est-il étonnant que j′aie peur qu′il n′y ait par ici quelque légion de diables qui nous emporte à Péralvillo<< ? » | Cubriéronse, y, sintiendo don Quijote que estaba como había de estar, tentó la clavija, y, apenas hubo puesto los dedos en ella, cuando todas las dueñas y cuantos estaban presentes levantaron las voces, diciendo. | Enfin on leur banda les yeux, et don Quichotte, se trouvant placé comme il devait l′être, tourna la cheville. À peine y eut-il porté la main, que toutes les duègnes et le reste des assistants élevèrent la voix pour lui crier tous ensemble : | -¡Dios te guíe, valeroso caballero. | « Dieu te conduise, valeureux chevalier ; | -¡Dios sea contigo, escudero intrépido. | Dieu t′assiste, écuyer intrépide. | -¡Ya, ya vais por esos aires, rompiéndolos con más velocidad que una saeta! | T-@Voilà que vous vous élevez dans les airs en les traversant avec plus de rapidité qu′une flèche ; | -¡Ya comenzáis a suspender y admirar a cuantos desde la tierra os están mirando. | {T@voilà que vous commencez à surprendre et à émerveiller tous ceux qui vous regardent de la terre. | -¡Tente, valeroso Sancho, que te bamboleas! ¡Mira no cayas, que será peor tu caída que la del atrevido mozo que quiso regir el carro del Sol, su padre. | Tiens-toi, valeureux Sancho, ne te dandine pas, prends garde de tomber ; ta chute serait plus terrible que celle du jeune étourdi qui voulut conduire le char du Soleil son père. » | Oyó Sancho las voces, y, apretándose con su amo y ciñiéndole con los brazos, le dijo. | Sancho entendit ces avertissements, et, se serrant près de son maître qu′il étreignait dans ses bras, il lui dit : | -Señor, ¿cómo dicen éstos que vamos tan altos, si alcanzan acá sus voces, y no parecen sino que están aquí hablando junto a nosotros. | « Seigneur, comment ces gens-là disent-ils que nous volons si haut, puisque leurs paroles viennent jusqu′ici, et qu′on dirait qu′ils parlent tout à côté de nous ? | -No repares en eso, Sancho, que, como estas cosas y estas volaterías van fuera de los cursos ordinarios, de mil leguas verás y oirás lo que quisieres. Y no me aprietes tanto, que me derribas; y en verdad que no sé de qué te turbas ni te espantas, que osaré jurar que en todos los días de mi vida he subido en cabalgadura de paso más llano: no parece sino que no nos movemos de un lugar. Destierra, amigo, el miedo, que, en efecto, la cosa va como ha de ir y el viento llevamos en popa. |  Ne fais pas attention à cela, Sancho, répondit don Quichotte ; comme ces aventures et ces voyages à la volée sortent du cours des choses ordinaires, tu verras et tu entendras de mille lieues tout ce qu′il te plaira. Mais ne me serre pas tant, car tu m′étouffes ; et vraiment je ne sais ce qui peut te troubler, ni te faire peur ; pour moi, j′oserais jurer que de ma vie je n′ai monté une monture d′une allure plus douce. On dirait que nous ne bougeons pas de place. Allons, ami, chasse ta frayeur ; les choses vont en effet comme elles doivent aller, et nous avons le vent en poupe. | -Así es la verdad -respondió Sancho-, que por este lado me da un viento tan recio, que parece que con mil fuelles me están soplando. |  C′est pardieu bien la vérité ! répliqua Sancho ; car, de ce côté-là, il me vient un vent si violent qu′on dirait que mille soufflets me soufflent dessus. » | Y así era ello, que unos grandes fuelles le estaban haciendo aire: tan bien trazada estaba la tal aventura por el duque y la duquesa y su mayordomo, que no le faltó requisito que la dejase de hacer perfecta. | Sancho disait vrai ; de grands soufflets servaient à lui donner de l′air. L′aventure avait été si bien disposée par le duc, la duchesse et le majordome, que nulle condition requise ne lui manqua pour être parfaite. | Sintiéndose, pues, soplar don Quijote, dijo: | Quand don Quichotte se sentit éventer : | -Sin duda alguna, Sancho, que ya debemos de llegar a la segunda región del aire, adonde se engendra el granizo, las nieves; los truenos, los relámpagos y los rayos se engendran en la tercera región, y si es que desta manera vamos subiendo, presto daremos en la región del fuego, y no sé yo cómo templar esta clavija para que no subamos donde nos abrasemos. | « Sans aucun doute, Sancho, dit-il, nous devons être arrivés à la seconde région de l′air, où s′engendrent la grêle et la neige. C′est dans la troisième région que s′engendrent les éclairs et les tonnerres, et, si nous continuons à monter de la même façon, nous arriverons bientôt à la région du feu. En vérité, je ne sais comment retenir cette cheville, pour que nous ne montions pas jusqu′où nous soyons embrasés. » | En esto, con unas estopas ligeras de encenderse y apagarse, desde lejos, pendientes de una caña, les calentaban los rostros. Sancho, que sintió el calor, dijo. | En ce moment, on leur chauffait la figure avec des étoupes faciles à enflammer et à éteindre, qu′on leur présentait de loin au bout d′un long roseau. Sancho ressentit le premier la chaleur. | -Que me maten si no estamos ya en el lugar del fuego, o bien cerca, porque una gran parte de mi barba se me ha chamuscado, y estoy, señor, por descubrirme y ver en qué parte estamos. | « Que je sois pendu, s′écria-t-il, si nous ne sommes arrivés dans le pays du feu, ou du moins bien près, car une partie de ma barbe est déjà roussie ; et j′ai bien envie, seigneur, de me découvrir les yeux pour voir où nous sommes. | -No hagas tal -respondió don Quijote-, y acuérdate del verdadero cuento del licenciado Torralba, a quien llevaron los diablos en volandas por el aire, caballero en una caña, cerrados los ojos, y en doce horas llegó a Roma, y se apeó en Torre de Nona, que es una calle de la ciudad, y vio todo el fracaso y asalto y muerte de Borbón, y por la mañana ya estaba de vuelta en Madrid, donde dio cuenta de todo lo que había visto; el cual asimismo dijo que cuando iba por el aire le mandó el diablo que abriese los ojos, y los abrió, y se vio tan cerca, a su parecer, del cuerpo de la luna, que la pudiera asir con la mano, y que no osó mirar a la tierra por no desvanecerse. Así que, Sancho, no hay para qué descubrirnos; que, el que nos lleva a cargo, él dará cuenta de nosotros, y quizá vamos tomando puntas y subiendo en alto para dejarnos caer de una sobre el reino de Candaya, como hace el sacre o neblí sobre la garza para cogerla, por más que se remonte; y, aunque nos parece que no ha media hora que nos partimos del jardín, creéme que debemos de haber hecho gran camino. |  N′en fais rien, répondit don Quichotte, et rappelle-toi la véritable histoire du licencié Torralva, que les diables emportèrent à toute volée au milieu des airs, à cheval sur un bâton et les yeux fermés. En douze heures, il arriva à Rome, descendit à la tour de Nona, qui est une rue de la ville, assista à l′assaut, vit tout le désastre et la mort du connétable de Bourbon ; puis, le lendemain matin, il était de retour à Madrid, où il rendit compte de tout ce qu′il avait vu. Ce Torralva raconta aussi que, pendant qu′il traversait les airs, le diable lui ordonna d′ouvrir les yeux, qu′il les ouvrit et se trouva si près, à ce qu′il lui sembla, du corps de la lune, qu′il aurait pu la prendre avec la main, mais qu′il n′osa pas regarder la terre, de crainte que la tête ne lui tournât<< . Ainsi donc, Sancho, il ne faut pas nous débander les yeux ; celui qui a pris l′engagement de nous conduire rendra compte de nous, et peut-être faisons-nous ces pointes en l′air pour nous laisser tomber tout d′un coup sur le royaume de Candaya, comme fait le faucon de chasse sur le héron, afin de le prendre de haut, quelque effort que celui-ci fasse pour s′élever. Bien qu′en apparence il n′y ait pas une demi-heure que nous ayons quitté le jardin, crois-moi, nous devons avoir fait un fameux morceau de chemin. | -No sé lo que es -respondió Sancho Panza-, sólo sé decir que si la señora Magallanes o Magalona se contentó destas ancas, que no debía de ser muy tierna de carnes. |  Je ne sais ce qu′il en est, répondit Sancho ; tout ce que je peux dire, c′est que, si madame Madeleine ou Magalone s′est contentée de cette croupe, elle ne devait pas avoir la peau bien douillette. » | Todas estas pláticas de los dos valientes oían el duque y la duquesa y los del jardín, de que recibían estraordinario contento; y, queriendo dar remate a la estraña y bien fabricada aventura, por la cola de Clavileño le pegaron fuego con unas estopas, y al punto, por estar el caballo lleno de cohetes tronadores, voló por los aires, con estraño ruido, y dio con don Quijote y con Sancho Panza en el suelo, medio chamuscados. | Toute cette conversation des deux braves, le duc, la duchesse et les gens du jardin n′en perdaient pas un mot, et s′en divertissaient prodigieusement. Enfin, pour donner une digne issue à cette aventure étrange et bien fabriquée, on mit le feu avec des étoupes à la queue de Clavilègne ; et, à l′instant, comme le cheval était plein de fusées et de pétards, il sauta en l′air avec un bruit épouvantable, jetant sur l′herbe don Quichotte et Sancho, tous deux à demi roussis. | En este tiempo ya se habían desparecido del jardín todo el barbado escuadrón de las dueñas y la Trifaldi y todo, y los del jardín quedaron como desmayados, tendidos por el suelo. Don Quijote y Sancho se levantaron maltrechos, y, mirando a todas partes, quedaron atónitos de verse en el mesmo jardín de donde habían partido y de ver tendido por tierra tanto número de gente; y creció más su admiración cuando a un lado del jardín vieron hincada una gran lanza en el suelo y pendiente della y de dos cordones de seda verde un pergamino liso y blanco, en el cual, con grandes letras de oro, estaba escrito lo siguiente. | Un peu auparavant, l′escadron barbu des duègnes avait disparu du jardin avec la Trifaldi et toute sa suite ; et les gens demeurés au jardin restèrent comme évanouis, étendus par terre. Don Quichotte et Sancho se relevèrent, un peu maltraités ; et, regardant de toutes parts, ils furent stupéfaits de se voir dans le même jardin d′où ils étaient partis, et d′y trouver tant de gens étendus à terre sans mouvement. Mais leur surprise s′accrut encore quand, à un bout du jardin, ils aperçurent une lance fichée dans le sol, d′où pendait, à deux cordons de soie verte, un parchemin uni et blanc sur lequel était écrit en grosses lettres d′or : | El ínclito caballero don Quijote de la Mancha feneció y acabó la aventura de la condesa Trifaldi, por otro nombre llamada la dueña Dolorida, y compañía, con sólo intentarla. | « L′insigne chevalier don Quichotte de la Manche a terminé et mis à fin l′aventure de la comtesse Trifaldi, autrement dite la duègne Doloride et compagnie, pour l′avoir seulement entreprise ; | Malambruno se da por contento y satisfecho a toda su voluntad, y las barbas de las dueñas ya quedan lisas y mondas, y los reyes don Clavijo y Antonomasia en su prístino estado. Y, cuando se cumpliere el escuderil vápulo, la blanca paloma se verá libre de los pestíferos girifaltes que la persiguen, y en brazos de su querido arrullador; que así está ordenado por el sabio Merlín, protoencantador de los encantadores. | Malambruno se donne pour pleinement content et satisfait. Les mentons des duègnes sont rasés et ras ; le roi don Clavijo et la reine Antonomasie sont revenus à leur ancien état. Aussitôt que sera accomplie l′écuyère flagellation, la blanche colombe se verra hors des griffes pestiférées des vautours qui la persécutent, et dans les bras de son tourtereau chéri. Ainsi l′ordonne le sage Merlin, protoenchanteur des enchanteurs. » | Habiendo, pues, don Quijote leído las letras del pergamino, claro entendió que del desencanto de Dulcinea hablaban; y, dando muchas gracias al cielo de que con tan poco peligro hubiese acabado tan gran fecho, reduciendo a su pasada tez los rostros de las venerables dueñas, que ya no parecían, se fue adonde el duque y la duquesa aún no habían vuelto en sí, y, trabando de la mano al duque, le dijo. | Aussitôt que don Quichotte eut déchiffré les lettres du parchemin, il comprit clairement qu′il s′agissait du désenchantement de Dulcinée. Rendant grâce au ciel de ce qu′il eût, à si peu de risques, accompli un si grand exploit, et rendu leur ancien poli aux visages des vénérables duègnes, qui avaient disparu, il s′approcha de l′endroit où le duc et la duchesse étaient encore frappés d′engourdissement. Secouant alors le duc par la main, il lui dit : | -¡Ea, buen señor, buen ánimo; buen ánimo, que todo es nada! La aventura es ya acabada sin daño de barras, como lo muestra claro el escrito que en aquel padrón está puesto. | « Allons, bon seigneur, bon courage, tout n′est rien ; l′aventure est finie, sans danger de l′âme ni du corps, comme le prouve clairement l′écriteau que voilà. » | El duque, poco a poco, y como quien de un pesado sueño recuerda, fue volviendo en sí, y por el mismo tenor la duquesa y todos los que por el jardín estaban caídos, con tales muestras de maravilla y espanto, que casi se podían dar a entender haberles acontecido de veras lo que tan bien sabían fingir de burlas. Leyó el duque el cartel con los ojos medio cerrados, y luego, con los brazos abiertos, fue a abrazar a don Quijote, diciéndole ser el más buen caballero que en ningún siglo se hubiese visto. | Peu à peu, et comme un homme qui sort d′un pesant sommeil, le duc revint à lui. La duchesse fit de même, ainsi que tous ceux qui étaient étendus dans le jardin, donnant de telles marques de surprise et d′admiration, qu′on aurait fort bien pu croire qu′il leur était arrivé réellement et tout de bon ce qu′ils savaient si bien feindre pour rire. Le duc lut l′écriteau, les yeux à demi fermés, puis, les bras ouverts, il alla embrasser don Quichotte, en lui disant qu′il était le meilleur chevalier qu′aucun siècle eût jamais vu. | Sancho andaba mirando por la Dolorida, por ver qué rostro tenía sin las barbas, y si era tan hermosa sin ellas como su gallarda disposición prometía, pero dijéronle que, así como Clavileño bajó ardiendo por los aires y dio en el suelo, todo el escuadrón de las dueñas, con la Trifaldi, había desaparecido, y que ya iban rapadas y sin cañones. Preguntó la duquesa a Sancho que cómo le había ido en aquel largo viaje. A lo cual Sancho respondió. | Sancho cherchait des yeux la Doloride, pour voir quelle figure elle avait sans barbe, et si elle était aussi belle, avec le menton dégarni, que le promettait sa bonne mine. Mais on lui dit qu′au moment où Clavilègne descendit en brûlant du haut des airs, et tomba par terre en éclats, tout l′escadron des duègnes avait disparu avec la Trifaldi, et qu′elles étaient rasées et sans une racine de poil. La duchesse demanda à Sancho comment il s′était trouvé d′un si long voyage, et ce qui lui était arrivé. Sancho répondit : | -Yo, señora, sentí que íbamos, según mi señor me dijo, volando por la región del fuego, y quise descubrirme un poco los ojos, pero mi amo, a quien pedí licencia para descubrirme, no la consintió; mas yo, que tengo no sé qué briznas de curioso y de desear saber lo que se me estorba y impide, bonitamente y sin que nadie lo viese, por junto a las narices aparté tanto cuanto el pañizuelo que me tapaba los ojos, y por allí miré hacia la tierra, y parecióme que toda ella no era mayor que un grano de mostaza, y los hombres que andaban sobre ella, poco mayores que avellanas; porque se vea cuán altos debíamos de ir entonces. | « Moi, madame, j′ai senti que nous volions, suivant ce que disait mon maître, dans la région du feu, et j′ai voulu me découvrir les yeux un petit brin. Mais mon maître, à qui je demandai permission de me déboucher, ne voulut pas y consentir. Alors moi, qui ai je ne sais quel grain de curiosité et quelle démangeaison de connaître ce qu′on veut m′empêcher de savoir, tout bonnement et sans que personne le vît, j′écartai un tantinet, à côté du nez, le mouchoir qui me couvrait les yeux. Par là je regardai du côté de la terre, et il me sembla qu′elle n′était pas plus grosse tout entière qu′un grain de moutarde, et que les hommes qui marchaient dessus ne l′étaient guère plus que des noisettes ; jugez par là combien nous devions être haut dans ce moment. | A esto dijo la duquesa. |  Mais, ami Sancho, interrompit la duchesse, | -Sancho amigo, mirad lo que decís, que, a lo que parece, vos no vistes la tierra, sino los hombres que andaban sobre ella; y está claro que si la tierra os pareció como un grano de mostaza, y cada hombre como una avellana, un hombre solo había de cubrir toda la tierra. | prenez garde à ce que vous dites. À ce qu′il paraît, vous n′avez pas vu la terre, mais les hommes qui marchaient dessus ; car si la terre vous parut comme un grain de moutarde, et chaque homme comme une noisette, il est clair qu′un seul homme aurait couvert toute la terre. | -Así es verdad -respondió Sancho-, pero, con todo eso, la descubrí por un ladito, y la vi toda. |  C′est vrai, répondit Sancho ; mais, avec tout cela, je l′ai aperçue par un petit coin, et je l′ai vue tout entière. | -Mirad, Sancho -dijo la duquesa-, que por un ladito no se vee el todo de lo que se mira. |  Prenez garde, Sancho, reprit la duchesse, que par un petit coin, on ne peut voir l′ensemble de la chose qu′on regarde. | -Yo no sé esas miradas -replicó Sancho-: sólo sé que será bien que vuestra señoría entienda que, pues volábamos por encantamento, por encantamento podía yo ver toda la tierra y todos los hombres por doquiera que los mirara; y si esto no se me cree, tampoco creerá vuestra merced cómo, descubriéndome por junto a las cejas, me vi tan junto al cielo que no había de mí a él palmo y medio, y por lo que puedo jurar, señora mía, que es muy grande además. Y sucedió que íbamos por parte donde están las siete cabrillas; y en Dios y en mi ánima que, como yo en mi niñez fui en mi tierra cabrerizo, que así como las vi, ¡me dio una gana de entretenerme con ellas un rato...! Y si no le cumpliera me parece que reventara. Vengo, pues, y tomo, y ¿qué hago?, Sin decir nada a nadie, ni a mi señor tampoco, bonita y pasitamente me apeé de Clavileño, y me entretuve con las cabrillas, que son como unos alhelíes y como unas flores, casi tres cuartos de hora, y Clavileño no se movió de un lugar, ni pasó adelante. |  Je n′entends rien à ces finesses-là, répliqua Sancho, Tout ce que je sais, c′est que Votre Grâce doit comprendre que, puisque nous volions par enchantement, par enchantement aussi j′ai pu voir toute la terre et tous les hommes, de quelque façon que je les eusse regardés ; si vous ne croyez pas cela, Votre Grâce ne croira pas davantage qu′en me découvrant les yeux du côté des sourcils, je me vis si près du ciel, qu′il n′y avait pas de lui à moi plus d′un palme et demi, et, ce que je puis vous jurer, madame, c′est qu′il est furieusement grand. Il arriva que nous allions du côté où sont les sept chèvres<< , et comme, étant enfant, j′ai été chevrier dans mon pays, je jure Dieu et mon âme que, dès que je les vis, je sentis une si grande envie de causer avec elles un instant, que, si je ne me fusse passé cette fantaisie, je crois que j′en serais crevé. J′arrive donc près d′elles, et qu′est-ce que je fais ? sans rien dire à personne, pas même à mon seigneur, je descends tout bonnement de Clavilègne, et me mets à causer avec les chèvres, qui sont, en vérité, gentilles comme des giroflées et douces comme des fleurs, trois quarts d′heure au moins ; et Clavilègne, tout ce temps, ne bougea pas de place. | -Y, en tanto que el buen Sancho se entretenía con las cabras -preguntó el duque-, ¿en qué se entretenía el señor don Quijote?. |  Mais, pendant que le bon Sancho s′entretenait avec les chèvres, demanda le duc, à quoi s′entretenait le seigneur don Quichotte ? » | A lo que don Quijote respondió. | Don Quichotte répondit : | -Como todas estas cosas y estos tales sucesos van fuera del orden natural, no es mucho que Sancho diga lo que dice. De mí sé decir que ni me descubrí por alto ni por bajo, ni vi el cielo ni la tierra, ni la mar ni las arenas. Bien es verdad que sentí que pasaba por la región del aire, y aun que tocaba a la del fuego; pero que pasásemos de allí no lo puedo creer, pues, estando la región del fuego entre el cielo de la luna y la última región del aire, no podíamos llegar al cielo donde están las siete cabrillas que Sancho dice, sin abrasarnos; y, pues no nos asuramos, o Sancho miente o Sancho sueña. | « Comme tous ces événements se passent hors de l′ordre naturel des choses, il n′est pas étonnant que Sancho dise ce qu′il dit. Quant à moi, je puis dire que je ne me découvris les yeux ni par en haut ni par en bas, et que je ne vis ni le ciel, ni la terre, ni la mer, ni les déserts de sable. J′ai bien senti, il est vrai, que je passais par la région de l′air, et que même je touchais à celle du feu ; mais que nous fussions allés plus loin, je ne le crois pas. En effet, la région du feu étant entre le ciel de la lune et la dernière région de l′air, nous ne pouvions arriver au ciel où sont les sept chèvres dont parle Sancho, sans nous consumer, et, puisque nous ne sommes pas rôtis, ou Sancho ment, ou Sancho rêve. | -Ni miento ni sueño -respondió Sancho-: si no, pregúntenme las señas de las tales cabras, y por ellas verán si digo verdad o no. |  Je ne rêve ni ne mens, reprit Sancho ; sinon, qu′on me demande le signalement de ces chèvres, et l′on verra bien si je dis ou non la vérité. | -Dígalas, pues, Sancho -dijo la duquesa. |  Eh bien ! comment sont-elles faites, Sancho ? demanda la duchesse. | -Son -respondió Sancho- las dos verdes, las dos encarnadas, las dos azules, y la una de mezcla. |  Le voici, répondit Sancho ; deux sont vertes, deux rouges, deux bleues, et la dernière bariolée. | -Nueva manera de cabras es ésa -dijo el duque-, y por esta nuestra región del suelo no se usan tales colores; digo, cabras de tales colores. |  C′est une nouvelle espèce de chèvres, dit le duc, et, dans cette région de notre sol, on ne voit pas de semblables couleurs, je veux dire des chèvres de semblables couleurs. | -Bien claro está eso -dijo Sancho-; sí, que diferencia ha de haber de las cabras del cielo a las del suelo. |  Oh ! c′est clair, s′écria Sancho. Pensez donc quelle différence il doit y avoir entre les chèvres du ciel et celles de la terre ! | -Decidme, Sancho -preguntó el duque-: ¿vistes allá en entre esas cabras algún cabrón. |  Dites-moi, Sancho, reprit le duc, parmi ces chèvres avez-vous vu quelque bouc ? | -No, señor -respondió Sancho-, pero oí decir que ninguno pasaba de los cuernos de la luna. |  Non, seigneur, répondit Sancho ; mais j′ai ouí¤ire qu′aucun animal à cornes ne passait les cornes de la lune. » | No quisieron preguntarle más de su viaje, porque les pareció que llevaba Sancho hilo de pasearse por todos los cielos, y dar nuevas de cuanto allá pasaba, sin haberse movido del jardín. | Le duc et la duchesse ne voulurent pas en demander plus long à Sancho sur son voyage, car il leur parut en train de se promener à travers les sept cieux, et de leur donner des nouvelles de tout ce qui s′y passait, sans avoir bougé du jardin. | En resolución, éste fue el fin de la aventura de la dueña Dolorida, que dio que reír a los duques, no sólo aquel tiempo, sino el de toda su vida, y que contar a Sancho siglos, si los viviera; y, llegándose don Quijote a Sancho, al oído le dijo. | Finalement, voilà comment finit l′aventure de la duègne Doloride, qui leur donna de quoi rire, non-seulement le temps qu′elle dura, mais celui de toute leur vie, et à Sancho de quoi conter, eût-il vécu des siècles. Don Quichotte, s′approchant de son écuyer, lui dit à l′oreille : | -Sancho, pues vos queréis que se os crea lo que habéis visto en el cielo, yo quiero que vos me creáis a mí lo que vi en la cueva de Montesinos; y no os digo más. | « Sancho, puisque vous voulez qu′on croie à ce que vous avez vu dans le ciel, je veux à mon tour que vous croyiez à ce que j′ai vu dans la caverne de Montésinos ; je ne vous en dis pas davantage. »
| II. Capítulo XLII. De los consejos que dio don Quijote a Sancho Panza antes que fuese a gobernar la ínsula, con otras cosas bien consideradas. | Chapitre XLII Des conseils que donna don Quichotte à Sancho Panza avant que celui-ci allât gouverner son île, avec d′autres choses fort bien entendues Con el felice y gracioso suceso de la aventura de la Dolorida, quedaron tan contentos los duques, que determinaron pasar con las burlas adelante, viendo el acomodado sujeto que tenían para que se tuviesen por veras; y así, habiendo dado la traza y órdenes que sus criados y sus vasallos habían de guardar con Sancho en el gobierno de la ínsula prometida, otro día, que fue el que sucedió al vuelo de Clavileño, dijo el duque a Sancho que se adeliñase y compusiese para ir a ser gobernador, que ya sus insulanos le estaban esperando como el agua de mayo. Sancho se le humilló y le dijo: | L′heureuse et divertissante issue de l′aventure de la Doloride donna tant de satisfaction au duc et à la duchesse, qu′ils résolurent de continuer ces plaisanteries, voyant quel impayable sujet ils avaient sous la main pour les prendre au sérieux. Ayant donc préparé leur plan, et donné des ordres à leurs gens et à leurs vassaux sur la manière d′en agir avec Sancho dans le gouvernement de l′île promise, le jour qui suivit le vol de Clavilègne, le duc dit à Sancho de faire ses préparatifs et de se parer pour aller être gouverneur, ajoutant que ses insulaires l′attendaient comme la pluie de mai. Sancho s′inclina jusqu′à terre et lui dit : | -Después que bajé del cielo, y después que desde su alta cumbre miré la tierra y la vi tan pequeña, se templó en parte en mí la gana que tenía tan grande de ser gobernador; porque, ¿qué grandeza es mandar en un grano de mostaza, o qué dignidad o imperio el gobernar a media docena de hombres tamaños como avellanas, que, a mi parecer, no había más en toda la tierra? Si vuestra señoría fuese servido de darme una tantica parte del cielo, aunque no fuese más de media legua, la tomaría de mejor gana que la mayor ínsula del mundo. | « Depuis que je suis descendu du ciel ; depuis que, de ses hauteurs infinies, j′ai regardé la terre et l′ai vue si petite, j′ai senti se calmer à moitié l′envie si grande que j′avais d′être gouverneur. En effet, quelle grandeur est-ce là de commander sur un grain de moutarde ? quelle dignité, quel empire de gouverner une demi-douzaine d′hommes gros comme des noisettes ? car il me semble qu′il n′y en avait pas plus sur toute la terre. Si Votre Seigneurie voulait bien me donner une toute petite partie du ciel, ne serait-ce qu′une demi-lieue, je la prendrais bien plus volontiers que la plus grande île du monde. | -Mirad, amigo Sancho -respondió el duque-: yo no puedo dar parte del cielo a nadie, aunque no sea mayor que una uña, que a solo Dios están reservadas esas mercedes y gracias. Lo que puedo dar os doy, que es una ínsula hecha y derecha, redonda y bien proporcionada, y sobremanera fértil y abundosa, donde si vos os sabéis dar maña, podéis con las riquezas de la tierra granjear las del cielo. | Â Faites attention, ami Sancho, répondit le duc, que je ne puis donner à personne une partie du ciel, ne fût-elle pas plus large que l′ongle ; car c′est à Dieu seul que sont réservées ces faveurs et ces grâces. Ce que je puis vous donner, je vous le donne, une île faite et parfaite, ronde, bien proportionnée, extrêmement fertile et abondante, où vous pourrez, si vous savez bien vous y prendre, acquérir avec les richesses de la terre les richesses du ciel. | -Ahora bien -respondió Sancho-, venga esa ínsula, que yo pugnaré por ser tal gobernador que, a pesar de bellacos, me vaya al cielo; y esto no es por codicia que yo tenga de salir de mis casillas ni de levantarme a mayores, sino por el deseo que tengo de probar a qué sabe el ser gobernador. | Â Eh bien ! c′est bon, répondit Sancho ; vienne cette île, et je ferai en sorte d′être un tel gouverneur, qu′en dépit des mauvais sujets, je m′en aille droit au ciel. Et ce n′est point par l′ambition que j′ai de sortir de ma cabane, ni de m′élever à perte de vue ; mais parce que je désire essayer quel goût a le gouvernement. | -Si una vez lo probáis, Sancho -dijo el duque-, comeros heis las manos tras el gobierno, por ser dulcísima cosa el mandar y ser obedecido. A buen seguro que cuando vuestro dueño llegue a ser emperador, que lo será sin duda, según van encaminadas sus cosas, que no se lo arranquen comoquiera, y que le duela y le pese en la mitad del alma del tiempo que hubiere dejado de serlo. | Â Si vous en goûtez une fois, Sancho, dit le duc, vous vous mangerez les doigts après, car c′est bien une douce chose que de commander et d′être obéi. À coup sûr, quand votre maître sera devenu empereur (et il le sera sans doute, à voir la tournure que prennent ses affaires), on ne l′arrachera pas facilement de là, et vous verrez qu′il regrettera dans le fond de l′âme tout le temps qu′il aura passé sans l′être. | -Señor -replicó Sancho-, yo imagino que es bueno mandar, aunque sea a un hato de ganado. | Â Seigneur, répliqua Sancho, moi j′imagine qu′il est bon de commander, quand ce ne serait qu′à un troupeau de moutons. | -Con vos me entierren, Sancho, que sabéis de todo -respondió el duque-, y yo espero que seréis tal gobernador como vuestro juicio promete, y quédese esto aquí y advertid que mañana en ese mesmo día habéis de ir al gobierno de la ínsula, y esta tarde os acomodarán del traje conveniente que habéis de llevar y de todas las cosas necesarias a vuestra partida. | Â Qu′on m′enterre avec vous, Sancho, reprit le duc, si vous n′êtes savant en toutes choses, et j′espère que vous ferez un aussi bon gouverneur que le promet votre bon jugement. Mais restons-en là, et faites attention que demain vous irez prendre possession du gouvernement de l′île. Ce soir, on vous pourvoira du costume analogue que vous devez porter et de toutes les choses nécessaires à votre départ. | -Vístanme -dijo Sancho- como quisieren, que de cualquier manera que vaya vestido seré Sancho Panza. | Â Qu′on m′habille comme on voudra, dit Sancho. De quelque façon que je sois habillé, je serai toujours Sancho Panza. | -Así es verdad -dijo el duque-, pero los trajes se han de acomodar con el oficio o dignidad que se profesa, que no sería bien que un jurisperito se vistiese como soldado, ni un soldado como un sacerdote. Vos, Sancho, iréis vestido parte de letrado y parte de capitán, porque en la ínsula que os doy tanto son menester las armas como las letras, y las letras como las armas. | Â Cela est vrai, reprit le duc ; mais pourtant les costumes doivent être accommodés à l′état qu′on professe ou à la dignité dont on est revêtu. Il ne serait pas convenable qu′un jurisconsulte s′habillât comme un militaire, ni un militaire comme un prêtre. Vous, Sancho, vous serez habillé moitié en lettré, moitié en capitaine ; car, dans l′île que je vous donne, les armes sont aussi nécessaires que les lettres, et les lettres que les armes. | -Letras -respondió Sancho-, pocas tengo, porque aún no sé el A, B, C; pero bástame tener el Christus en la memoria para ser buen gobernador. De las armas manejaré las que me dieren, hasta caer, y Dios delante. | Â Des lettres, reprit Sancho, je n′en suis guère pourvu, car je ne sais pas même l′A B C ; mais il me suffit de savoir par cœur le Christus pour être un excellent gouverneur. Quant aux armes, je manierai celles qu′on me donnera jusqu′à ce que je tombe, et à la grâce de Dieu. | -Con tan buena memoria -dijo el duque-, no podrá Sancho errar en nada. | Â Avec une si bonne mémoire, dit le duc, Sancho ne pourra se tromper en rien. » | En esto llegó don Quijote, y, sabiendo lo que pasaba y la celeridad con que Sancho se había de partir a su gobierno, con licencia del duque le tomó por la mano y se fue con él a su estancia, con intención de aconsejarle cómo se había de haber en su oficio. | Sur ces entrefaites arriva don Quichotte. Quand il apprit ce qui se passait, quand il sut en quelle hâte Sancho devait se rendre à son gouvernement, avec la permission du duc, il le prit par la main, et le conduisit à sa chambre dans l′intention de lui donner des conseils sur la manière dont il devait remplir son emploi. | Entrados, pues, en su aposento, cerró tras sí la puerta, y hizo casi por fuerza que Sancho se sentase junto a él, y con reposada voz le dijo. | Arrivés dans sa chambre, il ferma la porte, fit, presque de force, asseoir Sancho à son côté, et lui dit d′une voix lente et posée : | -Infinitas gracias doy al cielo, Sancho amigo, de que, antes y primero que yo haya encontrado con alguna buena dicha, te haya salido a ti a recebir y a encontrar la buena ventura. Yo, que en mi buena suerte te tenía librada la paga de tus servicios, me veo en los principios de aventajarme, y tú, antes de tiempo, contra la ley del razonable discurso, te vees premiado de tus deseos. Otros cohechan, importunan, solicitan, madrugan, ruegan, porfían, y no alcanzan lo que pretenden; y llega otro, y sin saber cómo ni cómo no, se halla con el cargo y oficio que otros muchos pretendieron; y aquí entra y encaja bien el decir que hay buena y mala fortuna en las pretensiones. Tú, que para mí, sin duda alguna, eres un porro, sin madrugar ni trasnochar y sin hacer diligencia alguna, con solo el aliento que te ha tocado de la andante caballería, sin más ni más te vees gobernador de una ínsula, como quien no dice nada. Todo esto digo, ¡oh Sancho!, para que no atribuyas a tus merecimientos la merced recebida, sino que des gracias al cielo, que dispone suavemente las cosas, y después las darás a la grandeza que en sí encierra la profesión de la caballería andante. Dispuesto, pues, el corazón a creer lo que te he dicho, está, ¡oh hijo!, atento a este tu Catón, que quiere aconsejarte y ser norte y guía que te encamine y saque a seguro puerto deste mar proceloso donde vas a engolfarte; que los oficios y grandes cargos no son otra cosa sino un golfo profundo de confusiones. Primeramente, ¡oh hijo!, has de temer a Dios, porque en el temerle está la sabiduría, y siendo sabio no podrás errar en nada. Lo segundo, has de poner los ojos en quien eres, procurando conocerte a ti mismo, que es el más difícil conocimiento que puede imaginarse. Del conocerte saldrá el no hincharte como la rana que quiso igualarse con el buey, que si esto haces, vendrá a ser feos pies de la rueda de tu locura la consideración de haber guardado puercos en tu tierra. | « Je rends au ciel des grâces infinies, ami Sancho, de ce qu′avant que j′eusse rencontré aucune bonne chance, la fortune soit allée à ta rencontre te prendre par la main. Moi, qui pensais trouver, dans les faveurs que m′accorderait le sort, de quoi payer tes services, je me vois encore au début de mon chemin ; et toi, avant le temps, contre la loi de tout raisonnable calcul, tu vois tes désirs comblés. Les uns répandent les cadeaux et les largesses, sollicitent, importunent, se lèvent matin, prient, supplient, s′opiniâtrent, et n′obtiennent pas ce qu′ils demandent. Un autre arrive, et, sans savoir ni comment ni pourquoi, il se trouve gratifié de l′emploi que sollicitaient une foule de prétendants. C′est bien le cas de dire que, dans la poursuite des places, il n′y a qu′heur et malheur. Toi, qui n′es à mes yeux qu′une grosse bête, sans te lever matin ni passer les nuits, sans faire aucune diligence, et seulement parce que la chevalerie errante t′a touché de son souffle, te voilà, ni plus ni moins, gouverneur d′une île. Je te dis tout cela, ô Sancho, pour que tu n′attribues pas à tes mérites la faveur qui t′est faite, mais pour que tu rendes grâces, d′abord au ciel, qui a disposé les choses avec bienveillance, puis à la grandeur que renferme en soi la profession de chevalier errant. Maintenant que ton cœur est disposé à croire ce que je t′ai dit, sois, ô mon fils, attentif à ce nouveau Caton<< qui veut te donner des conseils, qui veut être ta boussole et ton guide pour t′acheminer au port du salut sur cette mer orageuse où tu vas te lancer, les hauts emplois n′étant autre chose qu′un profond abîme, couvert d′obscurité et garni d′écueils. « Premièrement, ô mon fils, garde la crainte de Dieu ; car dans cette crainte est la sagesse, et, si tu es sage, tu ne tomberas jamais dans l′erreur. « Secondement, porte toujours les yeux sur qui tu es, et fais tous les efforts possibles pour te connaître toi-même ; c′est là la plus difficile connaissance qui se puisse acquérir. De te connaître, il résultera que tu ne t′enfleras point comme la grenouille qui voulut s′égaler au bœuf. En ce cas, quand ta vanité fera la roue, une considération remplacera pour toi la laideur des pieds<< ; c′est le souvenir que tu as gardé les cochons dans ton pays. | -Así es la verdad -respondió Sancho-, pero fue cuando muchacho; pero después, algo hombrecillo, gansos fueron los que guardé, que no puercos; pero esto paréceme a mí que no hace al caso, que no todos los que gobiernan vienen de casta de reyes. | Â Je ne puis le nier, interrompit Sancho ; mais c′est quand j′étais petit garçon. Plus tard, et devenu un petit homme, ce sont des oies que j′ai gardées, et non pas des cochons. Mais il me semble que cela ne fait rien à l′affaire, car tous ceux qui gouvernent ne viennent pas de souches de rois. | -Así es verdad -replicó don Quijote-, por lo cual los no de principios nobles deben acompañar la gravedad del cargo que ejercitan con una blanda suavidad que, guiada por la prudencia, los libre de la murmuración maliciosa, de quien no hay estado que se escape. Haz gala, Sancho, de la humildad de tu linaje, y no te desprecies de decir que vienes de labradores; porque, viendo que no te corres, ninguno se pondrá a correrte; y préciate más de ser humilde virtuoso que pecador soberbio. Inumerables son aquellos que, de baja estirpe nacidos, han subido a la suma dignidad pontificia e imperatoria; y desta verdad te pudiera traer tantos ejemplos, que te cansaran. Mira, Sancho: si tomas por medio a la virtud, y te precias de hacer hechos virtuosos, no hay para qué tener envidia a los que los tienen de príncipes y señores, porque la sangre se hereda y la virtud se aquista, y la virtud vale por sí sola lo que la sangre no vale. Siendo esto así, como lo es, que si acaso viniere a verte cuando estés en tu ínsula alguno de tus parientes, no le deseches ni le afrentes; antes le has de acoger, agasajar y regalar, que con esto satisfarás al cielo, que gusta que nadie se desprecie de lo que él hizo, y corresponderás a lo que debes a la naturaleza bien concertada. Si trujeres a tu mujer contigo (porque no es bien que los que asisten a gobiernos de mucho tiempo estén sin las propias), enséñala, doctrínala y desbástala de su natural rudeza, porque todo lo que suele adquirir un gobernador discreto suele perder y derramar una mujer rústica y tonta. Si acaso enviudares, cosa que puede suceder, y con el cargo mejorares de consorte, no la tomes tal, que te sirva de anzuelo y de caña de pescar, y del no quiero de tu capilla, porque en verdad te digo que de todo aquello que la mujer del juez recibiere ha de dar cuenta el marido en la residencia universal, donde pagará con el cuatro tanto en la muerte las partidas de que no se hubiere hecho cargo en la vida. Nunca te guíes por la ley del encaje, que suele tener mucha cabida con los ignorantes que presumen de agudos. Hallen en ti más compasión las lágrimas del pobre, pero no más justicia, que las informaciones del rico. Procura descubrir la verdad por entre las promesas y dádivas del rico, como por entre los sollozos e importunidades del pobre. Cuando pudiere y debiere tener lugar la equidad, no cargues todo el rigor de la ley al delincuente, que no es mejor la fama del juez riguroso que la del compasivo. Si acaso doblares la vara de la justicia, no sea con el peso de la dádiva, sino con el de la misericordia. Cuando te sucediere juzgar algún pleito de algún tu enemigo, aparta las mientes de tu injuria y ponlas en la verdad del caso. No te ciegue la pasión propia en la causa ajena, que los yerros que en ella hicieres, las más veces, serán sin remedio; y si le tuvieren, será a costa de tu crédito, y aun de tu hacienda. Si alguna mujer hermosa veniere a pedirte justicia, quita los ojos de sus lágrimas y tus oídos de sus gemidos, y considera de espacio la sustancia de lo que pide, si no quieres que se anegue tu razón en su llanto y tu bondad en sus suspiros. Al que has de castigar con obras no trates mal con palabras, pues le basta al desdichado la pena del suplicio, sin la añadidura de las malas razones. Al culpado que cayere debajo de tu juridición considérale hombre miserable, sujeto a las condiciones de la depravada naturaleza nuestra, y en todo cuanto fuere de tu parte, sin hacer agravio a la contraria, muéstratele piadoso y clemente, porque, aunque los atributos de Dios todos son iguales, más resplandece y campea a nuestro ver el de la misericordia que el de la justicia. Si estos preceptos y estas reglas sigues, Sancho, serán luengos tus días, tu fama será eterna, tus premios colmados, tu felicidad indecible, casarás tus hijos como quisieres, títulos tendrán ellos y tus nietos, vivirás en paz y beneplácito de las gentes, y en los últimos pasos de la vida te alcanzará el de la muerte, en vejez suave y madura, y cerrarán tus ojos las tiernas y delicadas manos de tus terceros netezuelos. Esto que hasta aquí te he dicho son documentos que han de adornar tu alma; escucha ahora los que han de servir para adorno del cuerpo. | Â Cela est vrai, répliqua don Quichotte ; aussi ceux qui n′ont pas une noble origine doivent-ils allier à la gravité de l′emploi qu′ils exercent une douceur affable, qui, bien dirigée par la prudence, les préserve des morsures de la médisance, auxquelles nul état ne saurait échapper. « Fais gloire, Sancho, de l′humilité de ta naissance, et n′aie pas honte de dire que tu descends d′une famille de laboureurs. Voyant que tu n′en rougis pas, personne ne t′en fera rougir ; et pique-toi plutôt d′être humble vertueux que pécheur superbe. Ceux-là sont innombrables qui, nés de basse condition, se sont élevés jusqu′à la suprême dignité de la tiare ou de la couronne, et je pourrais t′en citer des exemples jusqu′à te fatiguer. « Fais bien attention, Sancho, que, si tu prends la vertu pour guide, si tu te piques de faire des actions vertueuses, tu ne dois porter nulle envie à ceux qui ont pour ancêtres des princes et des grands seigneurs ; car le sang s′hérite et la vertu s′acquiert, et la vertu vaut par elle seule ce que le sang ne peut valoir. « Cela étant, si, quand tu seras dans ton île, quelqu′un de tes parents vient te voir, ne le renvoie pas et ne lui fais point d′affront ; au contraire, il faut l′accueillir, le caresser, le fêter. De cette manière, tu satisferas à tes devoirs envers le ciel, qui n′aime pas que personne dédaigne ce qu′il a fait, et à tes devoirs envers la nature. « Si tu conduis ta femme avec toi (et il ne convient pas que ceux qui résident dans les gouvernements soient longtemps sans leurs propres femmes), aie soin de l′endoctriner, de la dégrossir, de la tirer de sa rudesse naturelle ; car tout ce que peut gagner un gouverneur discret se perd et se répand par une femme sotte et grossière. « Si par hasard tu devenais veuf, chose qui peut arriver, et si l′emploi te faisait trouver une seconde femme de plus haute condition, ne la prends pas telle qu′elle te serve d′amorce et de ligne à pêcher, et de capuchon pour dire : Je ne veux pas.< Je te le dis en vérité, tout ce que reçoit la femme du juge, c′est le mari qui en rendra compte au jugement universel, et il payera au quadruple, après la mort, les articles de compte dont il ne sera pas chargé pendant sa vie. « Ne te guide jamais par la loi du bon plaisir< , si en faveur auprès des ignorants, qui se piquent de finesse et de pénétration. « Que les larmes du pauvre trouvent chez toi plus de compassion, mais non plus de justice que les requêtes du riche. « Tâche de découvrir la vérité, à travers les promesses et les cadeaux du riche, comme à travers les sanglots et les importunités du pauvre. « Quand l′équité peut et doit être écoutée, ne fais pas tomber sur le coupable toute la rigueur de la loi ; car la réputation de juge impitoyable ne vaut certes pas mieux que celle de juge compatissant. « Si tu laisses quelquefois plier la verge de justice, que ce ne soit pas sous le poids des cadeaux, mais sous celui de la miséricorde. « S′il t′arrive de juger un procès où soit partie quelqu′un de tes ennemis, éloigne ta pensée du souvenir de ton injure, et fixe-la sur la vérité du fait. « Que la passion personnelle ne t′aveugle jamais dans la cause d′autrui. Les fautes que tu commettrais ainsi seraient irrémédiables la plupart du temps, et, si elles avaient un remède, ce ne serait qu′aux dépens de ton crédit et même de ta bourse. « Si quelque jolie femme vient te demander justice, détourne les yeux de ses larmes, et ne prête point l′oreille à ses gémissements ; mais considère avec calme et lenteur la substance de ce qu′elle demande, si tu ne veux que ta raison se noie dans ses larmes, et que ta vertu soit étouffée par ses soupirs. « Celui que tu dois châtier en action, ne le maltraite pas en paroles ; la peine du supplice suffit aux malheureux, sans qu′on y ajoute les mauvais propos. « Le coupable qui tombera sous ta juridiction, considère-le comme un homme faible et misérable, sujet aux infirmités de notre nature dépravée. En tout ce qui dépendra de toi, sans faire injustice à la partie contraire, montre-toi à son égard pitoyable et clément ; car, bien que les attributs de Dieu soient tous égaux, cependant celui de la miséricorde brille et resplendit à nos yeux avec plus d′éclat encore que celui de la justice. « Si tu suis, ô Sancho, ces règles et ces maximes, tu auras de longs jours, ta renommée sera éternelle, tes désirs comblés, ta félicité ineffable. Tu marieras tes enfants comme tu voudras ; ils auront des titres de noblesse, eux et tes petits-enfants ; tu vivras dans la paix et avec les bénédictions des gens ; au terme de ta vie, la mort t′atteindra dans une douce et mûre vieillesse, et tes yeux se fermeront sous les tendres et délicates mains de tes arrière-neveux. Ce que je t′ai dit jusqu′à présent, ce sont des avis propres à orner ton âme. Écoute maintenant ceux qui doivent servir à la parure de ton corps. »
| II. Capítulo XLIII. De los consejos segundos que dio don Quijote a Sancho Panza. | Chapitre XLIII Des seconds conseils que donna don Quichotte à Sancho Panza ¿Quién oyera el pasado razonamiento de don Quijote que no le tuviera por persona muy cuerda y mejor intencionada? Pero, como muchas veces en el progreso desta grande historia queda dicho, solamente disparaba en tocándole en la caballería, y en los demás discursos mostraba tener claro y desenfadado entendimiento, de manera que a cada paso desacreditaban sus obras su juicio, y su juicio sus obras; pero en ésta destos segundos documentos que dio a Sancho, mostró tener gran donaire, y puso su discreción y su locura en un levantado punto. | Qui aurait entendu les précédents propos de don Quichotte sans le prendre pour un homme très-sage et non moins bien intentionné ? Mais, comme on l′a dit mainte et mainte fois dans le cours de cette histoire, il ne perdait la tête que lorsqu′on touchait à la chevalerie, montrant sur tous les autres sujets une intelligence claire et facile, de manière qu′à chaque pas ses œuvres discréditaient son jugement, et son jugement démentait ses œuvres. Mais, dans les seconds avis qu′il donna à Sancho, il montra une grâce parfaite, et porta au plus haut degré son esprit et sa folie. | Atentísimamente le escuchaba Sancho, y procuraba conservar en la memoria sus consejos, como quien pensaba guardarlos y salir por ellos a buen parto de la preñez de su gobierno. Prosiguió, pues, don Quijote, y dijo. | Sancho l′écoutait avec une extrême attention, et faisait tous ses efforts pour conserver de tels conseils dans sa mémoire, comme un homme bien résolu à les suivre, et à mener à bon terme, par leur moyen, l′enfantement de son gouvernement. Don Quichotte poursuivit de la sorte : | -En lo que toca a cómo has de gobernar tu persona y casa, Sancho, lo primero que te encargo es que seas limpio, y que te cortes las uñas, sin dejarlas crecer, como algunos hacen, a quien su ignorancia les ha dado a entender que las uñas largas les hermosean las manos, como si aquel escremento y añadidura que se dejan de cortar fuese uña, siendo antes garras de cernícalo lagartijero: puerco y extraordinario abuso. No andes, Sancho, desceñido y flojo, que el vestido descompuesto da indicios de ánimo desmazalado, si ya la descompostura y flojedad no cae debajo de socarronería, como se juzgó en la de Julio César. Toma con discreción el pulso a lo que pudiere valer tu oficio, y si sufriere que des librea a tus criados, dásela honesta y provechosa más que vistosa y bizarra, y repártela entre tus criados y los pobres: quiero decir que si has de vestir seis pajes, viste tres y otros tres pobres, y así tendrás pajes para el cielo y para el suelo; y este nuevo modo de dar librea no la alcanzan los vanagloriosos. No comas ajos ni cebollas, porque no saquen por el olor tu villanería. Anda despacio; habla con reposo, pero no de manera que parezca que te escuchas a ti mismo, que toda afectación es mala. Come poco y cena más poco, que la salud de todo el cuerpo se fragua en la oficina del estómago. Sé templado en el beber, considerando que el vino demasiado ni guarda secreto ni cumple palabra. Ten cuenta, Sancho, de no mascar a dos carrillos, ni de erutar delante de nadie. | « En ce qui touche la manière dont tu dois gouverner ta personne et ta maison, Sancho, la première chose que je te recommande, c′est d′être propre, et de te couper les ongles, au lieu de les laisser pousser ainsi que certaines personnes qui s′imaginent, dans leur ignorance, que de grands ongles embellissent les mains ; comme si cette allonge qu′ils se gardent bien de couper pouvait s′appeler ongles, tandis que ce sont des griffes d′éperviers mangeurs de lézards ; sale et révoltant abus. « Ne parais jamais, Sancho, avec les vêtements débraillés et en désordre ; c′est le signe d′un esprit lâche et fainéant, à moins toutefois que cette négligence dans le vêtement ne cache une fourberie calculée, comme on le pensa de Jules César.<< « Tâte avec discrétion le pouls à ton office, pour savoir ce qu′il peut rendre ; et, s′il te permet de pouvoir donner des livrées à tes domestiques, donne-leur-en une propre et commode, plutôt que bizarre et brillante. Surtout partage-la entre tes valets et les pauvres ; je veux dire que, si tu dois habiller six pages, tu en habilles trois, et trois pauvres. De cette façon, tu auras des pages pour la terre et pour le ciel ; c′est une nouvelle manière de donner des livrées que ne connaissent point les glorieux. « Ne mange point d′ail ni d′oignon, crainte qu′on ne découvre à l′odeur ta naissance de vilain. Marche posément, parle avec lenteur, mais non cependant de manière que tu paraisses t′écouter toi-même, car toute affectation est vicieuse. « Dîne peu et soupe moins encore ; la santé du corps tout entier se manipule dans le laboratoire de l′estomac. « Sois tempérant dans le boire, en considérant que trop de vin ne sait ni garder un secret ni tenir une parole. « Fais attention, Sancho, à ne point mâcher des deux mâchoires et à n′éructer devant personne. | -Eso de erutar no entiendo -dijo Sancho. | Â Éructer, je n′entends point cela, dit Sancho. | Y don Quijote le dijo. | Â Éructer, Sancho, | -Erutar, Sancho, quiere decir regoldar, y éste es uno de los más torpes vocablos que tiene la lengua castellana, aunque es muy sinificativo; y así, la gente curiosa se ha acogido al latín, y al regoldar dice erutar, y a los regüeldos, erutaciones; y, cuando algunos no entienden estos términos, importa poco, que el uso los irá introduciendo con el tiempo, que con facilidad se entiendan; y esto es enriquecer la lengua, sobre quien tiene poder el vulgo y el uso. | reprit don Quichotte, veut dire roter, ce qui est un des plus vilains mots de notre langue, quoique très-significatif. Aussi les gens délicats ont eu recours au latin ; au lieu de roter, ils disent éructer, et, au lieu de rots, ils disent éructations. Si quelques personnes n′entendent point ces expressions-là, peu importe ; l′usage avec le temps les introduira, et l′on finira par les entendre ; c′est enrichir la langue, sur laquelle le vulgaire et l′usage ont un égal pouvoir. | -En verdad, señor -dijo Sancho-, que uno de los consejos y avisos que pienso llevar en la memoria ha de ser el de no regoldar, porque lo suelo hacer muy a menudo. | Â En vérité, seigneur, reprit Sancho, un des conseils que je pense le mieux garder dans ma mémoire, c′est de ne pas roter ; car, ma foi, je le fais à tout bout de champ. | -Erutar, Sancho, que no regoldar -dijo don Quijote. | Â Éructer, Sancho, et non roter, s′écria don Quichotte. | -Erutar diré de aquí adelante -respondió Sancho-, y a fee que no se me olvide. | Â Éructer je dirai dorénavant, repartit Sancho, et j′espère ne pas l′oublier. | -También, Sancho, no has de mezclar en tus pláticas la muchedumbre de refranes que sueles; que, puesto que los refranes son sentencias breves, muchas veces los traes tan por los cabellos, que más parecen disparates que sentencias. | Â Tu dois aussi, Sancho, continua don Quichotte, ne pas mêler à tes entretiens cette multitude de proverbes que tu as coutume de semer avec tes paroles. Les proverbes, il est vrai, sont des sentences brèves ; mais tu les tires d′habitude tellement par les cheveux, qu′ils ressemblent plutôt à des balourdises qu′à des sentences. | -Eso Dios lo puede remediar -respondió Sancho-, porque sé más refranes que un libro, y viénenseme tantos juntos a la boca cuando hablo, que riñen por salir unos con otros, pero la lengua va arrojando los primeros que encuentra, aunque no vengan a pelo. Mas yo tendré cuenta de aquí adelante de decir los que convengan a la gravedad de mi cargo, que en casa llena presto se guisa la cena, y quien destaja no baraja, y a buen salvo está el que repica, y el dar y el tener seso ha menester. | Â Oh ! pour cela, s′écria Sancho, Dieu seul peut y porter remède, car je sais plus de proverbes qu′un livre, et quand je parle, il m′en arrive à la bouche une telle quantité à la fois, qu′ils se battent les uns les autres pour sortir. Alors ma langue prend les premiers qu′elle rencontre, bien qu′ils ne viennent pas fort à point. Mais j′aurai soin dorénavant de ne dire que ceux qui conviendront à la gravité de mon emploi ; car, en bonne maison, le souper est bientôt servi, et qui convient du prix n′a pas de dispute, et celui-là est en sûreté qui sonne le tocsin, et à donner ou prendre, gare de se méprendre. | -¡Eso sí, Sancho! -dijo don Quijote-: ¡encaja, ensarta, enhila refranes, que nadie te va a la mano! ¡Castígame mi madre, y yo trómpogelas! Estoyte diciendo que escuses refranes, y en un instante has echado aquí una letanía dellos, que así cuadran con lo que vamos tratando como por los cerros de Úbeda. Mira, Sancho, no te digo yo que parece mal un refrán traído a propósito, pero cargar y ensartar refranes a troche moche hace la plática desmayada y baja. Cuando subieres a caballo, no vayas echando el cuerpo sobre el arzón postrero, ni lleves las piernas tiesas y tiradas y desviadas de la barriga del caballo, ni tampoco vayas tan flojo que parezca que vas sobre el rucio: que el andar a caballo a unos hace caballeros; a otros, caballerizos. Sea moderado tu sueño, que el que no madruga con el sol, no goza del día; y advierte, ¡oh Sancho!, que la diligencia es madre de la buena ventura, y la pereza, su contraria, jamás llegó al término que pide un buen deseo. Este último consejo que ahora darte quiero, puesto que no sirva para adorno del cuerpo, quiero que le lleves muy en la memoria, que creo que no te será de menos provecho que los que hasta aquí te he dado; y es que jamás te pongas a disputar de linajes, a lo menos, comparándolos entre sí, pues, por fuerza, en los que se comparan uno ha de ser el mejor, y del que abatieres serás aborrecido, y del que levantares en ninguna manera premiado. Tu vestido será calza entera, ropilla larga, herreruelo un poco más largo; greguescos, ni por pienso, que no les están bien ni a los caballeros ni a los gobernadores. Por ahora, esto se me ha ofrecido, Sancho, que aconsejarte; andará el tiempo, y, según las ocasiones, así serán mis documentos, como tú tengas cuidado de avisarme el estado en que te hallares. | Â Allons, c′est cela, Sancho, s′écria don Quichotte ; enfile, enfile tes proverbes, puisque personne ne peut te tenir en bride. Ma mère me châtie et je fouette la toupie. Je suis à te dire que tu te corriges des proverbes, et, en un moment, tu en détaches une litanie, qui cadrent avec ce que nous disons comme s′ils tombaient de la lune. Prends garde, Sancho ; je ne te dis pas qu′un proverbe fasse mauvais effet quand il est amené à propos ; mais enfiler et amonceler des proverbes à tort et à travers, cela rend la conversation lourde et triviale. « Quand tu monteras à cheval, ne te jette pas le corps en arrière sur l′arçon, et n′étends pas les jambes droites, roides, éloignées du ventre du cheval ; mais ne te tiens pas non plus si nonchalamment que tu aies l′air d′être sur le dos du grison. À monter à cheval, les uns semblent cavaliers, les autres bons pour montures. « Que ton sommeil soit modéré, car celui qui ne se lève pas avec le soleil ne jouit pas de la journée. Rappelle-toi, Sancho, que la diligence est mère de la fortune, et que la paresse, son ennemie, n′arriva jamais au but d′un juste désir. « Je veux maintenant te donner un dernier conseil, et, bien qu′il ne puisse te servir pour la parure du corps, je veux néanmoins que tu l′aies toujours présent à la mémoire ; car je crois qu′il ne te sera pas moins profitable que ceux que je t′ai donnés jusqu′à présent. Le voici : ne dispute jamais sur la noblesse des familles, du moins en les comparant entre elles ; forcément, parmi celles que l′on compare, l′une doit être préférée. Eh bien, tu seras détesté de celle que tu auras abaissée, sans être aucunement récompensé de celle que tu élèveras. « Ton habillement devra se composer de chausses entières, d′un long pourpoint, et d′un manteau encore un peu plus long. Jamais de grègues ; elles ne conviennent ni aux gentilshommes ni aux gouverneurs. Voilà, Sancho, les conseils qui, pour à présent, se sont offerts à mon esprit. Le temps marchera, et, suivant les occasions, j′aurai soin de t′envoyer des avis autant que tu auras soin de m′informer de l′état de tes affaires. | -Señor -respondió Sancho-, bien veo que todo cuanto vuestra merced me ha dicho son cosas buenas, santas y provechosas, pero ¿de qué han de servir, si de ninguna me acuerdo? Verdad sea que aquello de no dejarme crecer las uñas y de casarme otra vez, si se ofreciere, no se me pasará del magín, pero esotros badulaques y enredos y revoltillos, no se me acuerda ni acordará más dellos que de las nubes de antaño, y así, será menester que se me den por escrito, que, puesto que no sé leer ni escribir, yo se los daré a mi confesor para que me los encaje y recapacite cuando fuere menester. | Â Seigneur, répondit Sancho, je vois bien que toutes les choses que Votre Grâce vient de me dire sont bonnes, saintes et profitables. Mais de quoi peuvent-elles servir, si je ne m′en rappelle pas une seule ? Il est vrai que, pour ce qui est de ne pas me laisser pousser les ongles, et de me remarier, si l′occasion s′en présente, cela ne me sortira pas de la tête. Mais ces autres minuties, et ces entortillements, et tout ce brouillamini, je ne m′en souviens et ne m′en souviendrai pas plus que des nuages de l′an passé. Il faudra donc me les coucher par écrit ; car, bien que je ne sache ni lire ni écrire, je les donnerai à mon confesseur, pour qu′il me les récapitule au besoin, et me les fourre bien dans la cervelle. | -¡Ah, pecador de mí -respondió don Quijote-, y qué mal parece en los gobernadores el no saber leer ni escribir!; porque has de saber, ¡oh Sancho!, que no saber un hombre leer, o ser zurdo, arguye una de dos cosas: o que fue hijo de padres demasiado de humildes y bajos, o él tan travieso y malo que no pudo entrar en el buen uso ni la buena doctrina. Gran falta es la que llevas contigo, y así, querría que aprendieses a firmar siquiera. | Â Ah ! pécheur que je suis, s′écria don Quichotte, qu′il sied mal aux gouverneurs de ne savoir ni lire ni écrire ! Il faut que tu apprennes, ô Sancho, que, pour un homme, ne pas savoir lire ou être gaucher, signifie de deux choses l′une ; ou qu′il est fils de parents de trop basse condition, ou qu′il est si mauvais sujet qu′on n′a pu le dresser aux bons usages et à la bonne doctrine. C′est un grand défaut que tu portes avec toi, et je voudrais que tu apprisses du moins à signer. | -Bien sé firmar mi nombre -respondió Sancho-, que cuando fui prioste en mi lugar, aprendí a hacer unas letras como de marca de fardo, que decían que decía mi nombre; cuanto más, que fingiré que tengo tullida la mano derecha, y haré que firme otro por mí; que para todo hay remedio, si no es para la muerte; y, teniendo yo el mando y el palo, haré lo que quisiere; cuanto más, que el que tiene el padre alcalde... Y, siendo yo gobernador, que es más que ser alcalde, ¡llegaos, que la dejan ver! No, sino popen y calóñenme, que vendrán por lana y volverán trasquilados; y a quien Dios quiere bien, la casa le sabe; y las necedades del rico por sentencias pasan en el mundo; y, siéndolo yo, siendo gobernador y juntamente liberal, como lo pienso ser, no habrá falta que se me parezca. No, sino haceos miel, y paparos han moscas; tanto vales cuanto tienes, decía una mi agüela, y del hombre arraigado no te verás vengado. | Â Je sais signer mon nom, répondit Sancho. Quand j′étais bedeau dans mon village, j′appris à faire de grandes lettres comme des marques de ballots, et on disait que cela faisait mon nom. D′ailleurs, je feindrai d′avoir la main droite percluse, et je ferai signer un autre pour moi. Il y a remède à tout, si ce n′est à la mort ; et, comme j′aurai le commandement et le bâton, je ferai ce qui me plaira. D′autant plus que celui dont le père est alcaldeÂ
et moi, je serai gouverneur, ce qui est bien plus qu′alcalde ; alors, approchez-vous et vous serez bien reçus. Sinon, qu′on me méprise et qu′on me débaptise ; ceux-là viendront chercher de la laine et s′en retourneront tondus ; car si Dieu te veut du bien, il y paraît à ta maison ; et les sottises du riche passent dans le monde pour des sentences, et quand je serai riche, puisque je serai gouverneur, et libéral en même temps, comme je pense bien l′être, qui est-ce qui me trouvera un défaut ? Au bout du compte, faites-vous miel, et les mouches vous mangeront ; autant tu as, autant tu vaux, disait une de mes grand′mères, et de l′homme qui a pignon sur rue tu ne seras jamais vengé. | -¡Oh, maldito seas de Dios, Sancho! -dijo a esta sazón don Quijote-. ¡Sesenta mil satanases te lleven a ti y a tus refranes! Una hora ha que los estás ensartando y dándome con cada uno tragos de tormento. Yo te aseguro que estos refranes te han de llevar un día a la horca; por ellos te han de quitar el gobierno tus vasallos, o ha de haber entre ellos comunidades. Dime, ¿dónde los hallas, ignorante, o cómo los aplicas, mentecato, que para decir yo uno y aplicarle bien, sudo y trabajo como si cavase. | Â Oh ! maudit sois-tu de Dieu, maudit Sancho ! s′écria don Quichotte ; que soixante mille Satans emportent toi et tes proverbes ! Voilà une heure que tu es à les enfiler, et à me donner avec chacun d′eux le tourment de la torture. Je t′assure que ces proverbes te mèneront un jour à la potence ; ils te feront enlever le gouvernement par tes vassaux, et exciteront parmi eux des séditions et des révoltes. Dis-moi ; où les trouves-tu donc, ignorant ? et comment les appliques-tu, imbécile ? Pour en dire un, et pour le bien appliquer, je travaille et sue comme si je piochais la terre. | -Por Dios, señor nuestro amo -replicó Sancho-, que vuesa merced se queja de bien pocas cosas. ¿A qué diablos se pudre de que yo me sirva de mi hacienda, que ninguna otra tengo, ni otro caudal alguno, sino refranes y más refranes? Y ahora se me ofrecen cuatro que venían aquí pintiparados, o como peras en tabaque, pero no los diré, porque al buen callar llaman Sancho. | Â Pardieu ! seigneur notre maître, répliqua Sancho. Votre Grâce se plaint pour bien peu de chose. Qui diable peut trouver mauvais que je me serve de mon bien, puisque je n′en ai pas d′autre, ni fonds, ni terre, que des proverbes et toujours des proverbes ? Maintenant, voilà qu′il m′en arrive quatre, qui viennent à point nommé, comme marée en carême. Mais je ne les dirai point ; car, pour être bon à se taire, c′est Sancho qu′on appelle.< | -Ese Sancho no eres tú -dijo don Quijote-, porque no sólo no eres buen callar, sino mal hablar y mal porfiar; y, con todo eso, querría saber qué cuatro refranes te ocurrían ahora a la memoria que venían aquí a propósito, que yo ando recorriendo la mía, que la tengo buena, y ninguno se me ofrece. | Â Ce Sancho-là, ce n′est pas toi, s′écria don Quichotte ; si tu es bon, ce n′est pas pour te taire, mais pour mal parler et pour mal t′obstiner. Cependant, je voudrais savoir les quatre proverbes qui te venaient maintenant à la mémoire si bien à point nommé. J′ai beau chercher dans la mienne, qui n′est pourtant pas mauvaise, il ne s′en présente aucun. | -¿Qué mejores -dijo Sancho- que "entre dos muelas cordales nunca pongas tus pulgares", y "a idos de mi casa y qué queréis con mi mujer, no hay responder", y "si da el cántaro en la piedra o la piedra en el cántaro, mal para el cántaro", todos los cuales vienen a pelo? Que nadie se tome con su gobernador ni con el que le manda, porque saldrá lastimado, como el que pone el dedo entre dos muelas cordales, y aunque no sean cordales, como sean muelas, no importa; y a lo que dijere el gobernador no hay que replicar, como al "salíos de mi casa y qué queréis con mi mujer". Pues lo de la piedra en el cántaro un ciego lo verá. Así que, es menester que el que vee la mota en el ojo ajeno, vea la viga en el suyo, porque no se diga por él: "espantóse la muerta de la degollada", y vuestra merced sabe bien que más sabe el necio en su casa que el cuerdo en la ajena. | Â Quels meilleurs proverbes peut-il y avoir, dit Sancho, que ceux-ci : Entre deux dents mâchelières ne mets jamais le doigt ; à sortez de chez moi et que voulez-vous à ma femme ? il n′y a rien à répondre, et si la pierre donne contre la cruche, ou la cruche contre la pierre, tant pis pour la cruche. Tous ceux-là viennent à point nommé. Ils veulent dire : Que personne ne se prenne de querelle avec son gouverneur ou avec son chef, car il lui en cuira, comme à celui qui met le doigt entre deux mâchelières, et quand même ce ne seraient pas des mâchelières, pourvu que ce soient des dents, peu importe. De même, à ce que dit le gouverneur, il n′y a rien à répliquer, pas plus qu′à sortez de chez moi et que voulez-vous à ma femme ? quant au sens de la pierre et de la cruche, un aveugle le verrait. Ainsi donc il est nécessaire que celui qui voit le fétu dans l′œil du prochain voie la poutre dans son œil, afin qu′on ne dise pas de lui : le mort a peur du décapité ; et Votre Grâce sait bien que le sot en sait plus long dans sa maison que le sage dans la maison d′autrui. | -Eso no, Sancho -respondió don Quijote-, que el necio en su casa ni en la ajena sabe nada, a causa que sobre el aumento de la necedad no asienta ningún discreto edificio. Y dejemos esto aquí, Sancho, que si mal gobernares, tuya será la culpa, y mía la vergüenza; mas consuélome que he hecho lo que debía en aconsejarte con las veras y con la discreción a mí posible: con esto salgo de mi obligación y de mi promesa. Dios te guíe, Sancho, y te gobierne en tu gobierno, y a mí me saque del escrúpulo que me queda que has de dar con toda la ínsula patas arriba, cosa que pudiera yo escusar con descubrir al duque quién eres, diciéndole que toda esa gordura y esa personilla que tienes no es otra cosa que un costal lleno de refranes y de malicias. | Â Oh ! pour cela non, Sancho, répondit don Quichotte ; ni dans sa maison, ni dans celle d′autrui, le sot ne sait rien, car sur la base de la sottise on ne saurait élever aucun édifice d′esprit et de raison. Mais, restons-en là, Sancho. Si tu gouvernes mal, à toi sera la faute et à moi la honte. Ce qui me console, c′est que j′ai fait ce que je devais en te donnant des conseils avec tout le zèle et toute la discrétion qui me sont possibles. Ce faisant, je remplis mon devoir et ma promesse. Que Dieu te guide, Sancho, et te gouverne dans ton gouvernement. Puisse-t-il aussi me délivrer du scrupule qui me reste ! Je crains vraiment que tu ne mettes toute l′île sens dessus dessous ; chose que je pourrais éviter en découvrant au duc qui tu es, en lui disant que toute cette épaisseur, toute cette grosse personne que tu fais, n′est autre qu′un sac rempli de proverbes et de malices. | -Señor -replicó Sancho-, si a vuestra merced le parece que no soy de pro para este gobierno, desde aquí le suelto, que más quiero un solo negro de la uña de mi alma que a todo mi cuerpo; y así me sustentaré Sancho a secas con pan y cebolla, como gobernador con perdices y capones; y más que, mientras se duerme, todos son iguales, los grandes y los menores, los pobres y los ricos; y si vuestra merced mira en ello, verá que sólo vuestra merced me ha puesto en esto de gobernar: que yo no sé más de gobiernos de ínsulas que un buitre; y si se imagina que por ser gobernador me ha de llevar el diablo, más me quiero ir Sancho al cielo que gobernador al infierno. | Â Seigneur, répliqua Sancho, s′il semble à Votre Grâce que je ne vaille rien pour ce gouvernement, je le lâche tout de suite ; car j′aime mieux le bout de l′ongle de mon âme que mon corps tout entier ; et je vivrai aussi bien, Sancho tout court, avec du pain et un oignon, que Sancho gouverneur, avec des chapons et des perdrix. D′ailleurs, quand on dort, tous les hommes sont égaux, grands et petits, riches et pauvres. Si Votre Grâce veut y regarder de près, vous verrez que c′est vous seul qui m′avez mis en tête de gouverner, car je n′entends pas plus au gouvernement des îles qu′un oison ; et si vous pensez que, pour avoir été gouverneur, le diable doive m′emporter, j′aime mieux aller Sancho au ciel, que gouverneur en enfer. | -Por Dios, Sancho -dijo don Quijote-, que, por solas estas últimas razones que has dicho, juzgo que mereces ser gobernador de mil ínsulas: buen natural tienes, sin el cual no hay ciencia que valga; encomiéndate a Dios, y procura no errar en la primera intención; quiero decir que siempre tengas intento y firme propósito de acertar en cuantos negocios te ocurrieren, porque siempre favorece el cielo los buenos deseos. Y vámonos a comer, que creo que ya estos señores nos aguardan. | Â Pardieu ! Sancho, s′écria don Quichotte, par ces seules raisons que tu viens de dire en dernier lieu, je juge que tu mérites d′être gouverneur de cent îles. Tu as un bon naturel, sans lequel il n′y a science qui vaille ; recommande-toi à Dieu, et tâche seulement de ne point pécher par l′intention première ; je veux dire, aie toujours le dessein, et fais un ferme propos de chercher le juste et le vrai dans toutes les affaires qui se présenteront ; le ciel favorise toujours les intentions droites. Et maintenant, allons dîner, car je crois que Leurs Seigneuries nous attendent. »
| II. Capítulo XLIV. Cómo Sancho Panza fue llevado al gobierno, y de la estraña aventura que en el castillo sucedió a don Quijote. | Chapitre XLIV Comment Sancho Panza fut conduit à son gouvernement, et de l′étrange aventure qui arriva dans le château à don Quichotte Dicen que en el propio original desta historia se lee que, llegando Cide Hamete a escribir este capítulo, no le tradujo su intérprete como él le había escrito, que fue un modo de queja que tuvo el moro de sí mismo, por haber tomado entre manos una historia tan seca y tan limitada como esta de don Quijote, por parecerle que siempre había de hablar dél y de Sancho, sin osar estenderse a otras digresiones y episodios más graves y más entretenidos; y decía que el ir siempre atenido el entendimiento, la mano y la pluma a escribir de un solo sujeto y hablar por las bocas de pocas personas era un trabajo incomportable, cuyo fruto no redundaba en el de su autor, y que, por huir deste inconveniente, había usado en la primera parte del artificio de algunas novelas, como fueron la del Curioso impertinente y la del Capitán cautivo, que están como separadas de la historia, puesto que las demás que allí se cuentan son casos sucedidos al mismo don Quijote, que no podían dejar de escribirse. También pensó, como él dice, que muchos, llevados de la atención que piden las hazañas de don Quijote, no la darían a las novelas, y pasarían por ellas, o con priesa o con enfado, sin advertir la gala y artificio que en sí contienen, el cual se mostrara bien al descubierto cuando, por sí solas, sin arrimarse a las locuras de don Quijote ni a las sandeces de Sancho, salieran a luz. Y así, en esta segunda parte no quiso ingerir novelas sueltas ni pegadizas, sino algunos episodios que lo pareciesen, nacidos de los mesmos sucesos que la verdad ofrece; y aun éstos, limitadamente y con solas las palabras que bastan a declararlos; y, pues se contiene y cierra en los estrechos límites de la narración, teniendo habilidad, suficiencia y entendimiento para tratar del universo todo, pide no se desprecie su trabajo, y se le den alabanzas, no por lo que escribe, sino por lo que ha dejado de escribir. | Cid Hamet, dans l′original de cette histoire, mit, dit-on, à ce chapitre, un exorde que son interprète n′a pas traduit comme il l′avait composé. C′est une espèce de plainte que le More s′adresse à lui-même pour avoir entrepris d′écrire une histoire aussi sèche et aussi limitée que celle-ci, forcé qu′il est d′y parler toujours de don Quichotte et de Sancho, sans oser s′étendre à d′autres digressions, ni entremêler les épisodes plus sérieux et plus intéressants. Il ajoute qu′avoir l′intelligence, la main et la plume toujours occupées à écrire sur un seul personnage, et ne parler que par la bouche de peu de gens, c′est un travail intolérable, dont le fruit ne répond point aux peines de l′auteur ; que, pour éviter cet inconvénient, il avait usé d′un artifice, dans la première partie, en y intercalant quelques nouvelles, comme celles du Curieux malavisé et du Capitaine captif, qui sont en dehors de l′histoire, tandis que les autres qu′on y raconte sont des événements où figure don Quichotte lui-même, et qu′on ne pouvait dès lors passer sous silence. D′une autre part, il pensa, comme il le dit formellement, que bien des gens, absorbés par l′attention qu′exigent les prouesses de don Quichotte, n′en donneraient point aux nouvelles, et les parcourraient, ou à la hâte, ou avec dépit, sans prendre garde à l′invention et à l′agrément qu′elles renferment, qualités qui se montreront bien à découvert quand ces nouvelles paraîtront au jour, abandonnées à elles seules, et ne s′appuyant plus sur les folies de don Quichotte et les impertinences de Sancho Panza.< C′est pour cela que, dans cette seconde partie, il ne voulut insérer ni coudre aucune nouvelle détachée, mais seulement quelques épisodes, nés des événements mêmes qu′offrait la vérité ; encore est-ce d′une manière restreinte, et avec aussi peu de paroles qu′il en fallait pour les exposer. Or donc, puisqu′il se contient et se renferme dans les étroites limites du récit, ayant assez d′entendement, d′habileté et de suffisance pour traiter des choses de l′univers entier, il prie qu′on veuille bien ne pas mépriser son travail, et lui accorder des louanges, non pour ce qu′il écrit, mais du moins pour ce qu′il se prive d′écrire. | Y luego prosigue la historia diciendo que, en acabando de comer don Quijote, el día que dio los consejos a Sancho, aquella tarde se los dio escritos, para que él buscase quien se los leyese; pero, apenas se los hubo dado, cuando se le cayeron y vinieron a manos del duque, que los comunicó con la duquesa, y los dos se admiraron de nuevo de la locura y del ingenio de don Quijote; y así, llevando adelante sus burlas, aquella tarde enviaron a Sancho con mucho acompañamiento al lugar que para él había de ser ínsula. | Après quoi il continue l′histoire en ces termes : Au sortir de table, le jour où il donna ses conseils à Sancho, don Quichotte les lui remit le soir même par écrit, pour qu′il cherchât quelqu′un qui lui en fît la lecture. Mais ils furent aussitôt perdus que donnés, et tombèrent dans les mains du duc, qui les communiqua à la duchesse, et tous deux admirèrent de nouveau la folie et le grand sens de don Quichotte. Pour donner suite aux plaisanteries qu′ils avaient entamées, ce même soir ils envoyèrent Sancho, accompagné d′un grand cortége, au bourg qui, pour lui, devait être une île. | Acaeció, pues, que el que le llevaba a cargo era un mayordomo del duque, muy discreto y muy gracioso -que no puede haber gracia donde no hay discreción-, el cual había hecho la persona de la condesa Trifaldi, con el donaire que queda referido; y con esto, y con ir industriado de sus señores de cómo se había de haber con Sancho, salió con su intento maravillosamente. Digo, pues, que acaeció que, así como Sancho vio al tal mayordomo, se le figuró en su rostro el mesmo de la Trifaldi, y, volviéndose a su señor, le dijo. | Or, il arriva que le guide auquel on l′avait confié était un majordome du duc, fort spirituel et fort enjoué, car il n′y a pas d′enjouement sans esprit, lequel avait fait le personnage de la comtesse Trifaldi de la façon gracieuse qu′on a vue. Avec son talent et les instructions que lui avaient données ses maîtres sur la manière d′en agir avec Sancho, il se tira merveilleusement d′affaire. Il arriva de même qu′aussitôt que Sancho vit ce majordome, il reconnut dans son visage celui de la Trifaldi, et, se tournant vers son maître : | -Señor, o a mí me ha de llevar el diablo de aquí de donde estoy, en justo y en creyente, o vuestra merced me ha de confesar que el rostro deste mayordomo del duque, que aquí está, es el mesmo de la Dolorida. | « Seigneur, dit-il, il faut, ou que le diable m′emporte d′ici, en juste et en croyant, ou que Votre Grâce avoue que la figure de ce majordome du duc que voilà est la même que celle de la Doloride. » | Miró don Quijote atentamente al mayordomo, y, habiéndole mirado, dijo a Sancho. | Don Quichotte regarda attentivement le majordome, et, quand il l′eut bien regardé, il dit à Sancho : | -No hay para qué te lleve el diablo, Sancho, ni en justo ni en creyente, que no sé lo que quieres decir; que el rostro de la Dolorida es el del mayordomo, pero no por eso el mayordomo es la Dolorida; que, a serlo, implicaría contradición muy grande, y no es tiempo ahora de hacer estas averiguaciones, que sería entrarnos en intricados laberintos. Créeme, amigo, que es menester rogar a Nuestro Señor muy de veras que nos libre a los dos de malos hechiceros y de malos encantadores. | « Je ne vois pas, Sancho, qu′il y ait de quoi te donner au diable, ni en juste ni en croyant, et je ne sais trop ce que tu veux dire par là.< De ce que le visage de la Doloride soit celui du majordome, ce n′est pas une raison pour que le majordome soit la Doloride ; s′il l′était, cela impliquerait une furieuse contradiction. Mais ce n′est pas le moment de faire à cette heure ces investigations, car ce serait nous enfoncer dans d′inextricables labyrinthes. Crois-moi, ami, nous avons besoin tous deux de prier Notre-Seigneur, du fond de l′âme, qu′il nous délivre des méchants sorciers et des méchants enchanteurs. | -No es burla, señor -replicó Sancho-, sino que denantes le oí hablar, y no pareció sino que la voz de la Trifaldi me sonaba en los oídos. Ahora bien, yo callaré, pero no dejaré de andar advertido de aquí adelante, a ver si descubre otra señal que confirme o desfaga mi sospecha. | Â Ce n′est pas pour rire, seigneur, répliqua Sancho, je l′ai tout à l′heure entendu parler, et il me semblait que la voix de la Trifaldi me cornait aux oreilles. C′est bon, je me tairai ; mais je ne laisserai pas d′être dorénavant sur mes gardes pour voir si je découvre quelque indice qui confirme ou détruise mes soupçons. | -Así lo has de hacer, Sancho -dijo don Quijote-, y darásme aviso de todo lo que en este caso descubrieres y de todo aquello que en el gobierno te sucediere. | Â Voilà ce qu′il faut que tu fasses, Sancho, reprit don Quichotte ; tu m′informeras de tout ce que tu pourras découvrir sur ce point, et de tout ce qui t′arrivera dans ton gouvernement. » | Salió, en fin, Sancho, acompañado de mucha gente, vestido a lo letrado, y encima un gabán muy ancho de chamelote de aguas leonado, con una montera de lo mesmo, sobre un macho a la jineta, y detrás dél, por orden del duque, iba el rucio con jaeces y ornamentos jumentiles de seda y flamantes. Volvía Sancho la cabeza de cuando en cuando a mirar a su asno, con cuya compañía iba tan contento que no se trocara con el emperador de Alemaña. | Enfin Sancho partit, accompagné d′une foule de gens. Il était vêtu en magistrat, portant par-dessus sa robe un large gaban de camelot fauve, et, sur la tête, une montera de même étoffe. Il montait un mulet, à l′écuyère, et derrière lui, par ordre du duc, marchait le grison, paré de harnais en soie et tout flambants neufs. De temps en temps Sancho tournait la tête pour regarder son âne, et se plaisait tellement en sa compagnie, qu′il ne se fût pas troqué contre l′empereur d′Allemagne. | Al despedirse de los duques, les besó las manos, y tomó la bendición de su señor, que se la dio con lágrimas, y Sancho la recibió con pucheritos. | Quand il prit congé du duc et de la duchesse, il leur baisa les mains ; puis il alla prendre la bénédiction de son seigneur, qui la lui donna les larmes aux yeux, et que Sancho reçut avec des soupirs étouffés, comme un enfant qui sanglote. | Deja, lector amable, ir en paz y en hora buena al buen Sancho, y espera dos fanegas de risa, que te ha de causar el saber cómo se portó en su cargo, y, en tanto, atiende a saber lo que le pasó a su amo aquella noche; que si con ello no rieres, por lo menos desplegarás los labios con risa de jimia, porque los sucesos de don Quijote, o se han de celebrar con admiración, o con risa. | Maintenant, lecteur aimable, laisse le bon Sancho aller en paix et en bonne chance, et prends patience pour attendre les deux verres de bon sang que tu feras, en apprenant comment il se conduisit dans sa magistrature. En attendant, contente-toi de savoir ce qui arriva cette nuit à son maître. Si tu n′en ris pas à gorge déployée, au moins tu en feras, comme on dit, grimace de singe, car les aventures de don Quichotte excitent toujours ou l′admiration ou la gaieté. | Cuéntase, pues, que, apenas se hubo partido Sancho, cuando don Quijote sintió su soledad; y si le fuera posible revocarle la comisión y quitarle el gobierno, lo hiciera. Conoció la duquesa su melancolía, y preguntóle que de qué estaba triste; que si era por la ausencia de Sancho, que escuderos, dueñas y doncellas había en su casa que le servirían muy a satisfación de su deseo. | On raconte donc qu′à peine Sancho s′en était allé, don Quichotte sentit le regret de son départ et sa propre solitude, tellement que, s′il eût pu révoquer la mission de son écuyer et lui ôter le gouvernement, il n′y aurait pas manqué. La duchesse s′aperçut de sa mélancolie, et lui demanda le motif de cette tristesse : | -Verdad es, señora mía -respondió don Quijote-, que siento la ausencia de Sancho, pero no es ésa la causa principal que me hace parecer que estoy triste, y, de los muchos ofrecimientos que vuestra excelencia me hace, solamente acepto y escojo el de la voluntad con que se me hacen, y, en lo demás, suplico a Vuestra Excelencia que dentro de mi aposento consienta y permita que yo solo sea el que me sirva. | « Si c′est, dit-elle, l′absence de Sancho qui la cause, j′ai dans ma maison des écuyers, des duègnes et de jeunes filles qui vous serviront au gré de vos désirs. Â Il est bien vrai, madame, répondit don Quichotte, que je regrette l′absence de Sancho ; mais ce n′est point la cause principale de la tristesse qui se lit sur mon visage. Des politesses et des offres nombreuses que Votre Excellence veut bien me faire, je n′accepte et ne choisis que la bonne volonté qui les dicte. Pour le surplus, je supplie Votre Excellence de vouloir bien permettre que, dans mon appartement, ce soit moi seul qui me serve. | -En verdad -dijo la duquesa-, señor don Quijote, que no ha de ser así que le han de servir cuatro doncellas de las mías, hermosas como unas flores. | Â Oh ! pour le coup, seigneur don Quichotte, s′écria la duchesse, il n′en sera pas ainsi ; je veux vous faire servir par quatre jeunes filles, choisies parmi mes femmes, toutes quatre belles comme des fleurs. | -Para mí -respondió don Quijote- no serán ellas como flores, sino como espinas que me puncen el alma. Así entrarán ellas en mi aposento, ni cosa que lo parezca, como volar. Si es que vuestra grandeza quiere llevar adelante el hacerme merced sin yo merecerla, déjeme que yo me las haya conmigo, y que yo me sirva de mis puertas adentro, que yo ponga una muralla en medio de mis deseos y de mi honestidad; y no quiero perder esta costumbre por la liberalidad que vuestra alteza quiere mostrar conmigo. Y, en resolución, antes dormiré vestido que consentir que nadie me desnude. | Â Pour moi, répondit don Quichotte, elles ne seraient point comme des fleurs, mais comme des épines qui me piqueraient l′âme. Aussi elles n′entreront pas plus dans mon appartement, ni rien qui leur ressemble, que je n′ai des ailes pour voler. Si Votre Grandeur veut bien continuer à me combler, sans que je les mérite, de ses précieuses faveurs, qu′elle me laisse démêler mes flûtes comme j′y entendrai, et me servir tout seul à huis clos. Il m′importe de mettre une muraille entre mes désirs et ma chasteté, et je ne veux point perdre cette bonne habitude pour répondre à la libéralité dont Votre Altesse veut bien user à mon égard. En un mot, je me coucherai plutôt tout habillé que de me laisser déshabiller par personne. | -No más, no más, señor don Quijote -replicó la duquesa-. Por mí digo que daré orden que ni aun una mosca entre en su estancia, no que una doncella; no soy yo persona, que por mí se ha de descabalar la decencia del señor don Quijote; que, según se me ha traslucido, la que más campea entre sus muchas virtudes es la de la honestidad. Desnúdese vuesa merced y vístase a sus solas y a su modo, como y cuando quisiere, que no habrá quien lo impida, pues dentro de su aposento hallará los vasos necesarios al menester del que duerme a puerta cerrada, porque ninguna natural necesidad le obligue a que la abra. Viva mil siglos la gran Dulcinea del Toboso, y sea su nombre estendido por toda la redondez de la tierra, pues mereció ser amada de tan valiente y tan honesto caballero, y los benignos cielos infundan en el corazón de Sancho Panza, nuestro gobernador, un deseo de acabar presto sus diciplinas, para que vuelva a gozar el mundo de la belleza de tan gran señora. | Â Assez, assez, seigneur don Quichotte, repartit la duchesse. Pour mon compte, je donnerai l′ordre qu′on ne laisse entrer dans votre chambre, je ne dis pas une fille, mais une mouche. Oh ! je ne suis pas femme à permettre qu′on attente à la pudeur du seigneur don Quichotte ; car, à ce que j′ai pu voir, de ses nombreuses vertus celle qui brille avec le plus d′éclat, c′est la chasteté. Eh bien ! que Votre Grâce s′habille et se déshabille en cachette et à sa façon, quand et comme il lui plaira ; il n′y aura personne pour y trouver à redire, et dans votre appartement vous trouverez tous les vases nécessaires à celui qui dort porte close, afin qu′aucune nécessité naturelle ne vous oblige à l′ouvrir. Vive mille siècles la grande Dulcinée du Toboso, et que son nom, s′étende sur toute la surface de la terre, puisqu′elle a mérité d′être aimée par un si vaillant et si chaste chevalier ! Que les cieux compatissants versent dans l′âme de Sancho Panza, notre gouverneur, un vif désir d′achever promptement sa pénitence, pour que le monde recouvre le bonheur de jouir des attraits d′une si grande dame ! » | A lo cual dijo don Quijote | Don Quichotte répondit alors : | -Vuestra altitud ha hablado como quien es, que en la boca de las buenas señoras no ha de haber ninguna que sea mala; y más venturosa y más conocida será en el mundo Dulcinea por haberla alabado vuestra grandeza, que por todas las alabanzas que puedan darle los más elocuentes de la tierra. | « Votre Hautesse a parlé d′une façon digne d′elle, car de la bouche des dames de haut parage, aucune parole basse ou maligne ne peut sortir. Plus heureuse et plus connue sera Dulcinée dans le monde, pour avoir été louée de Votre Grandeur, que par toutes les louanges que pourraient lui décerner les plus éloquents orateurs de la terre. | -Agora bien, señor don Quijote -replicó la duquesa-, la hora de cenar se llega, y el duque debe de esperar venga vuesa merced y cenemos, y acostaráse temprano, que el viaje que ayer hizo de Candaya no fue tan corto que no haya causado algún molimiento. | Â Trêve de compliments, seigneur don Quichotte, répliqua la duchesse ; voilà l′heure du souper qui approche, et le duc doit nous attendre. Que Votre Grâce m′accompagne à table ; puis vous irez vous coucher de bonne heure, car le voyage que vous avez fait hier à Candaya n′était pas si court qu′il ne vous ait causé quelque fatigue. | -No siento ninguno, señora -respondió don Quijote-, porque osaré jurar a Vuestra Excelencia que en mi vida he subido sobre bestia más reposada ni de mejor paso que Clavileño; y no sé yo qué le pudo mover a Malambruno para deshacerse de tan ligera y tan gentil cabalgadura, y abrasarla así, sin más ni más. | Â Je n′en sens aucune, madame, repartit don Quichotte, car j′oserais jurer à Votre Excellence que, de ma vie, je n′ai monté sur une bête plus douce d′allure que Clavilègne. Je ne sais vraiment ce qui a pu pousser Malambruno à se défaire d′une monture si agréable, si légère, et à la brûler sans plus de façon. | -A eso se puede imaginar -respondió la duquesa- que, arrepentido del mal que había hecho a la Trifaldi y compañía, y a otras personas, y de las maldades que como hechicero y encantador debía de haber cometido, quiso concluir con todos los instrumentos de su oficio, y, como a principal y que más le traía desasosegado, vagando de tierra en tierra, abrasó a Clavileño; que con sus abrasadas cenizas y con el trofeo del cartel queda eterno el valor del gran don Quijote de la Mancha. | Â On peut imaginer, répondit la duchesse, que, repentant du mal qu′il avait fait à Trifaldi et compagnie, ainsi qu′à d′autres personnes, et des méfaits qu′il devait avoir commis en qualité de sorcier et d′enchanteur, il voulut anéantir tous les instruments de son office, et qu′il brûla Clavilègne comme le principal, comme celui qui le tenait le plus dans l′inquiétude et l′agitation, en le promenant de pays en pays. Aussi les cendres de cette machine, et le trophée de l′écriteau, rendront-ils éternel témoignage à la valeur du grand don Quichotte de la Manche. » | De nuevo nuevas gracias dio don Quijote a la duquesa, y, en cenando, don Quijote se retiró en su aposento solo, sin consentir que nadie entrase con él a servirle tanto se temía de encontrar ocasiones que le moviesen o forzasen a perder el honesto decoro que a su señora Dulcinea guardaba, siempre puesta en la imaginación la bondad de Amadís, flor y espejo de los andantes caballeros. Cerró tras sí la puerta, y a la luz de dos velas de cera se desnudó, y al descalzarse -¡oh desgracia indigna de tal persona!- se le soltaron, no suspiros, ni otra cosa, que desacreditasen la limpieza de su policía, sino hasta dos docenas de puntos de una media, que quedó hecha celosía. Afligióse en estremo el buen señor, y diera él por tener allí un adarme de seda verde una onza de plata; digo seda verde porque las medias eran verdes. | Don Quichotte adressa de nouveau de nouvelles grâces à la duchesse, et, dès qu′il eut soupé, il se retira tout seul dans son appartement, sans permettre que personne y entrât pour le servir, tant il redoutait de rencontrer des occasions qui l′engageassent ou le contraignissent à perdre la fidélité qu′il gardait à sa dame Dulcinée, ayant toujours l′imagination fixée sur la vertu d′Amadis, fleur et miroir des chevaliers errants. Il ferma la porte derrière lui, et, à la lueur de deux bougies, commença à se déshabiller. Mais, pendant qu′il se déchaussait (ô disgrâce indigne d′un tel personnage !), il lâcha, non des soupirs, ni aucune autre chose qui pût démentir sa propreté et la vigilance qu′il exerçait sur lui-même, mais jusqu′à deux douzaines de mailles dans un de ses bas, qui demeura taillé à jour comme une jalousie. Cet accident affligea le bon seigneur au fond de l′âme, et il aurait donné une once d′argent pour avoir là un demi-gros de soie verte ; je dis de soie verte, parce que les bas étaient verts. | Aquí exclamó Benengeli, y, escribiendo, dijo ′′¡Oh pobreza, pobreza! ¡No sé yo con qué razón se movió aquel gran poeta cordobés a llamarte | Ici Ben-Engéli fit une exclamation, et, tout en écrivant, s′écria : « Ô pauvreté, pauvreté ! Je ne sais quelle raison put pousser ce grand poëte de Cordoue à t′appeler | dádiva santa desagradecida! . | saint présent ingratement reçu.< | Yo, aunque moro, bien sé, por la comunicación que he tenido con cristianos, que la santidad consiste en la caridad, humildad, fee, obediencia y pobreza; pero, con todo eso, digo que ha de tener mucho de Dios el que se viniere a contentar con ser pobre, si no es de aquel modo de pobreza de quien dice uno de sus mayores santos "Tened todas las cosas como si no las tuviésedes"; y a esto llaman pobreza de espíritu; pero tú, segunda pobreza, que eres de la que yo hablo, ¿por qué quieres estrellarte con los hidalgos y bien nacidos más que con la otra gente? ¿Por qué los obligas a dar pantalia a los zapatos, y a que los botones de sus ropillas unos sean de seda, otros de cerdas, y otros de vidro? ¿Por qué sus cuellos, por la mayor parte, han de ser siempre escarolados, y no abiertos con molde?′′ Y en esto se echará de ver que es antiguo el uso del almidón y de los cuellos abiertos. Y prosiguió ′′¡Miserable del bien nacido que va dando pistos a su honra, comiendo mal y a puerta cerrada, haciendo hipócrita al palillo de dientes con que sale a la calle después de no haber comido cosa que le obligue a limpiárselos! ¡Miserable de aquel, digo, que tiene la honra espantadiza, y piensa que desde una legua se le descubre el remiendo del zapato, el trasudor del sombrero, la hilaza del herreruelo y la hambre de su estómago!′. | Quant à moi, quoique More, je sais fort bien par les communications que j′ai eues avec les chrétiens, que la sainteté consiste dans la charité, l′humilité, la foi, l′obéissance et la pauvreté. Toutefois, je dis que celui-là doit être comblé de la grâce de Dieu, qui vient à se réjouir d′être pauvre ; à moins que ce ne soit de cette manière de pauvreté dont l′un des plus grands saints a dit : Possédez toutes choses comme si vous ne les possédiez pas.< C′est là ce qu′on appelle pauvreté d′esprit. Mais toi, seconde pauvreté, qui est celle dont je parle, pourquoi veux-tu te heurter toujours aux hidalgos et aux gens bien nés, plutôt qu′à toute autre espèce de gens< ? Pourquoi les obliges-tu à mettre des pièces à leurs souliers, à porter à leurs pourpoints des boutons dont les uns sont de soie, les autres de crin, et les autres de verre ? Pourquoi leurs collets sont-ils, la plupart du temps, chiffonnés comme des feuilles de chicorée et percés autrement qu′au moule (ce qui fait voir que l′usage de l′amidon et des collets ouverts est fort ancien) ? » Puis il ajoute : « Malheureux l′hidalgo de notre sang qui met son honneur au régime, mangeant mal et à porte close, et qui fait un hypocrite de son cure-dent, quand il sort de chez lui, n′ayant rien mangé qui l′oblige à se nettoyer les mâchoires. Malheureux celui-là, dis-je, qui a l′honneur ombrageux, qui s′imagine qu′on découvre d′une lieue le rapiéçage de son soulier, la sueur qui tache son chapeau, la corde du drap de son manteau, et la famine de son estomac. » | Todo esto se le renovó a don Quijote en la soltura de sus puntos, pero consolóse con ver que Sancho le había dejado unas botas de camino, que pensó ponerse otro día. Finalmente, él se recostó pensativo y pesaroso, así de la falta que Sancho le hacía como de la inreparable desgracia de sus medias, a quien tomara los puntos, aunque fuera con seda de otra color, que es una de las mayores señales de miseria que un hidalgo puede dar en el discurso de su prolija estrecheza. Mató las velas; hacía calor y no podía dormir; levantóse del lecho y abrió un poco la ventana de una reja que daba sobre un hermoso jardín, y, al abrirla, sintió y oyó que andaba y hablaba gente en el jardín. Púsose a escuchar atentamente. Levantaron la voz los de abajo, tanto, que pudo oír estas razones. | Toutes ces réflexions vinrent à l′esprit de don Quichotte à propos de la rupture de ses mailles ; mais il se consola en voyant que Sancho lui avait laissé des bottes de voyage, qu′il pensa mettre le lendemain. Finalement, il se coucha, tout pensif et tout chagrin, tant du vide que lui faisait Sancho que de l′irréparable disgrâce de ses bas, dont il aurait volontiers ravaudé les mailles emportées, fût-ce même avec de la soie d′une autre couleur, ce qui est bien l′une des plus grandes preuves de misère que puisse donner un hidalgo dans le cours de sa perpétuelle détresse. Il éteignit les lumières ; mais la chaleur était étouffante, et il ne pouvait dormir. Il se releva pour aller entrouvrir une fenêtre grillée qui donnait sur un beau jardin, et il entendit, en l′ouvrant, que des gens marchaient et parlaient sous sa croisée. Il se mit à écouter attentivement. Alors les promeneurs élevèrent la voix assez pour qu′il pût entendre cette conversation : | -No me porfíes, ¡oh Emerencia!, que cante, pues sabes que, desde el punto que este forastero entró en este castillo y mis ojos le miraron, yo no sé cantar, sino llorar; cuanto más, que el sueño de mi señora tiene más de ligero que de pesado, y no querría que nos hallase aquí por todo el tesoro del mundo. Y, puesto caso que durmiese y no despertase, en vano sería mi canto si duerme y no despierta para oírle este nuevo Eneas, que ha llegado a mis regiones para dejarme escarnida. | « N′exige pas, ô Émérancie, n′exige pas que je chante, puisque tu sais bien que, depuis l′heure où cet étranger est entré dans le château, depuis que mes yeux l′ont aperçu, je ne sais plus chanter, mais seulement pleurer. D′ailleurs, madame a le sommeil plus léger que pesant, et je ne voudrais pas qu′elle nous surprît ici pour tous les trésors du monde. Mais quand même elle dormirait et ne s′éveillerait point, à quoi servirait mon chant, s′il dort et ne s′éveille pas pour l′entendre, ce nouvel Énée qui est arrivé dans nos climats pour me laisser le jouet de ses mépris. | -No des en eso, Altisidora amiga -respondieron-, que sin duda la duquesa y cuantos hay en esa casa duermen, si no es el señor de tu corazón y el despertador de tu alma, porque ahora sentí que abría la ventana de la reja de su estancia, y sin duda debe de estar despierto; canta, lastimada mía, en tono bajo y suave al son de tu arpa, y, cuando la duquesa nos sienta, le echaremos la culpa al calor que hace. | Â N′aie point ces scrupules, chère Altisidore, répondit-on. Sans doute la duchesse et tous ceux qui habitent cette maison sont ensevelis dans le sommeil, hors celui qui a éveillé ton âme et qui règne sur ton cœur. Je viens d′entendre ouvrir la fenêtre grillée de sa chambre, et sans doute il est éveillé. Chante, ma pauvre blessée, chante tout bas, sur un ton suave et doux, et au son de ta harpe. Si la duchesse nous entend, nous nous excuserons sur la chaleur qu′il fait. | -No está en eso el punto, ¡oh Emerencia! -respondió la Altisidora-, sino en que no querría que mi canto descubriese mi corazón y fuese juzgada de los que no tienen noticia de las fuerzas poderosas de amor por doncella antojadiza y liviana. Pero venga lo que viniere, que más vale vergüenza en cara que mancilla en corazón. | Â Ce n′est point cela qui me retient, ô Émérancie, répondit Altisidore ; c′est que je ne voudrais pas que mon chant découvrît l′état de mon cœur, et que ceux qui ne connaissent pas la puissance irrésistible de l′amour me prissent pour une fille capricieuse et dévergondée. Mais je me rends, quoi qu′il arrive, car mieux vaut la honte sur le visage que la tache dans le cœur. » | Y, en esto, sintió tocar una arpa suavísimamente. Oyendo lo cual, quedó don Quijote pasmado, porque en aquel instante se le vinieron a la memoria las infinitas aventuras semejantes a aquélla, de ventanas, rejas y jardines, músicas, requiebros y desvanecimientos que en los sus desvanecidos libros de caballerías había leído. Luego imaginó que alguna doncella de la duquesa estaba dél enamorada, y que la honestidad la forzaba a tener secreta su voluntad; temió no le rindiese, y propuso en su pensamiento el no dejarse vencer; y, encomendándose de todo buen ánimo y buen talante a su señora Dulcinea del Toboso, determinó de escuchar la música; y, para dar a entender que allí estaba, dio un fingido estornudo, de que no poco se alegraron las doncellas, que otra cosa no deseaban sino que don Quijote las oyese. Recorrida, pues, y afinada la arpa, Altisidora dio principio a este romance | Aussitôt elle prit la harpe et en tira de douces modulations. Quand don Quichotte entendit ces paroles et cette musique, il resta stupéfait ; car, au même instant, sa mémoire lui rappela les aventures infinies, dans le goût de celle-là, de fenêtres grillées, de jardins, de sérénades, de galanteries et d′évanouissements, qu′il avait lues dans ses livres creux de chevalerie errante. Il s′imagina bientôt que quelque femme de la duchesse s′était éprise d′amour pour lui, et que la pudeur la contraignait à tenir sa passion secrète. Il craignait qu′elle ne parvînt à le toucher, et il fit en son cœur un ferme propos de ne pas se laisser vaincre. Se recommandant avec ardeur et dévotion à sa dame Dulcinée du Toboso, il résolut pourtant d′écouter la musique, et, pour faire comprendre qu′il était là, il fit semblant d′éternuer ; ce qui réjouit fort les deux donzelles, qui ne désiraient autre chose que d′être entendues de don Quichotte. La harpe d′accord et la ritournelle jouée, Altisidore chanta ce romance : | -¡Oh, tú, que estás en tu lecho. entre sábanas de holanda. durmiendo a pierna tendid. de la noche a la mañana, caballero el más valient. que ha producido la Mancha. más honesto y más bendit. que el oro fino de Arabia. Oye a una triste doncella. bien crecida y mal lograda. que en la luz de tus dos sole. se siente abrasar el alma. Tú buscas tus aventuras. y ajenas desdichas hallas. das las feridas, y niegas el remedio de sanarlas. Dime, valeroso joven. que Dios prospere tus ansias. si te criaste en la Libia. o en las montañas de Jaca. si sierpes te dieron leche. si, a dicha, fueron tus amas la aspereza de las selva. y el horror de las montañas. Muy bien puede Dulcinea. doncella rolliza y sana. preciarse de que ha rendid. a una tigre y fiera brava. Por esto será famosa desde Henares a Jarama. desde el Tajo a Manzanares. desde Pisuerga hasta Arlanza. Trocáreme yo por ella. y diera encima una say. de las más gayadas mías. que de oro le adornan franjas. ¡Oh, quién se viera en tus brazos. o si no, junto a tu cama. rascándote la cabez. y matándote la caspa. Mucho pido, y no soy dign. de merced tan señalada. los pies quisiera traerte. que a una humilde esto le basta. ¡Oh, qué de cofias te diera. qué de escarpines de plata. qué de calzas de damasco. qué de herreruelos de holanda. ¡Qué de finísimas perlas, cada cual como una agalla. que, a no tener compañeras. Las solas fueran llamadas. No mires de tu Tarpey. este incendio que me abrasa. Nerón manchego del mundo. ni le avives con tu saña. Niña soy, pulcela tierna. mi edad de quince no pasa catorce tengo y tres meses. te juro en Dios y en mi ánima. No soy renca, ni soy coja. ni tengo nada de manca. los cabellos, como lirios. que, en pie, por el suelo arrastran. Y, aunque es mi boca aguileña. y la nariz algo chata. ser mis dientes de topacios. mi belleza al cielo ensalza. Mi voz, ya ves, si me escuchas. que a la que es más dulce iguala. y soy de disposición. algo menos que mediana. Estas y otras gracias mías. son despojos de tu aljaba. desta casa soy doncella. y Altisidora me llaman. | « Ô toi qui es dans ton lit, entre des draps de toile de Hollande, dormant tout de ton long, du soir jusqu′au matin ; « Chevalier le plus vaillant qu′ait produit la Manche, plus chaste et plus pur que l′or fin d′Arabie ; « Écoute une jeune fille bien éprise et mal payée de retour, qui, à la lumière de tes soleils, se sent embraser l′âme. « Tu cherches les aventures, et tu causes les mésaventures d′autrui ; tu fais les blessures, et tu refuses le remède pour les guérir. « Dis-moi, valeureux jeune homme (que Dieu te délivre de toute angoisse !), es-tu né dans les déserts de la Libye, ou sur les montagnes de Jaca ? « Des serpents t′ont-ils donné le lait ? As-tu par hasard eu pour gouvernantes l′horreur des forêts et l′âpreté des montagnes ? « Dulcinée, fille fraîche et bien portante, peut se vanter d′avoir apprivoisé un tigre, une bête féroce. « Pour cet exploit, elle sera fameuse depuis le Hénarès jusqu′au Jarama, depuis le Tage jusqu′au Manzanarès, depuis la Pisuerga jusqu′à l′Arlanza. « Je me troquerais volontiers pour elle, et je donnerais en retour une robe, la plus bariolée des miennes, celle qu′ornent des franges d′or. « Oh ! quel bonheur de se voir dans tes bras, ou du moins près de ton lit, te grattant la tête et t′enlevant la crasse ! « Je demande beaucoup, et ne suis pas digne d′une faveur tellement signalée ; je voudrais seulement te chatouiller les pieds ; cela suffit à une humble amante. « Oh ! combien de rédésilles je te donnerais ! combien d′escarpins garnis d′argent, de chausses en damas, de manteaux en toile de Hollande ! « Combien de fines perles, grosses chacune comme une noix de galle, qui, pour n′avoir point de pareilles, seraient appelées les uniques< ! « Ne regarde point, du haut de ta roche Tarpéienne, l′incendie qui me dévore, ô Manchois, Néron du monde, et ne l′excite point par ta rigueur ! « Je suis jeune, je suis vierge tendre ; mon âge ne passe pas quinze ans, car je n′en ai que quatorze et trois mois, je le jure en mon âme et conscience. « Je ne suis ni bossue, ni boiteuse, et j′ai le plein usage de mes mains ; de plus, des cheveux comme des lis, qui traînent par terre à mes pieds. « Quoique j′aie la bouche en bec d′aigle et le nez un tantinet camard, comme mes dents sont des topazes, elles élèvent au ciel ma beauté. « Pour ma voix, si tu m′écoutes, tu vois qu′elle égale les plus douces, et je suis d′une taille un peu au-dessous de la moyenne. « Ces grâces et toutes celles que je possède encore sont des dépouilles réservées à ton carquois. Je suis dans cette maison demoiselle de compagnie, et l′on m′appelle Altisidore. » | Aquí dio fin el canto de la malferida Altisidora, y comenzó el asombro del requirido don Quijote, el cual, dando un gran suspiro, dijo entre sí. | Là se termina le chant de l′amoureuse Altisidore, et commença l′épouvante du courtisé don Quichotte ; lequel, jetant un grand soupir, se dit à lui-même : « | -¡Que tengo de ser tan desdichado andante, que no ha de haber doncella que me mire que de mí no se enamore...! ¡Que tenga de ser tan corta de ventura la sin par Dulcinea del Toboso, que no la han de dejar a solas gozar de la incomparable firmeza mía...! ¿Qué la queréis, reinas? ¿A qué la perseguís, emperatrices? ¿Para qué la acosáis, doncellas de a catorce a quince años? Dejad, dejad a la miserable que triunfe, se goce y ufane con la suerte que Amor quiso darle en rendirle mi corazón y entregarle mi alma. Mirad, caterva enamorada, que para sola Dulcinea soy de masa y de alfenique, y para todas las demás soy de pedernal; para ella soy miel, y para vosotras acíbar; para mí sola Dulcinea es la hermosa, la discreta, la honesta, la gallarda y la bien nacida, y las demás, las feas, las necias, las livianas y las de peor linaje; para ser yo suyo, y no de otra alguna, me arrojó la naturaleza al mundo. Llore o cante Altisidora; desespérese Madama, por quien me aporrearon en el castillo del moro encantado, que yo tengo de ser de Dulcinea, cocido o asado, limpio, bien criado y honesto, a pesar de todas las potestades hechiceras de la tierra. | Faut-il que je sois si malheureux errant qu′il n′y ait pas une fille, pour peu qu′elle me voie, qui ne s′amourache de moi ! Faut-il que la sans pareille Dulcinée soit si peu chanceuse, qu′on ne la laisse pas jouir en paix et à l′aise de mon incroyable fidélité ! Que lui voulez-vous, reines ? Que lui demandez-vous, impératrices ? Qu′avez-vous à la poursuivre, jeunes filles de quatorze à quinze ans ? Laissez, laissez-la, misérables ; souffrez qu′elle triomphe et s′enorgueillisse du destin que lui fit l′amour en rendant mon cœur son vassal et en lui livrant les clefs de mon âme. Prenez garde, ô troupe amoureuse, que je suis pour la seule Dulcinée de cire et de pâte molle ; pour toutes les autres, de pierre et de bronze. Pour elle, je suis doux comme miel ; pour vous, amer comme chicotin. Pour moi, Dulcinée est la seule belle, la seule discrète, la seule pudique et la seule bien née ; toutes les autres sont laides, sottes, dévergondées et de basse origine. C′est pour être à elle, et non à nulle autre, que la nature m′a jeté dans ce monde. Qu′Altisidore pleure ou chante, que madame se désespère, j′entends celle pour qui l′on me gourma si bien dans le château du More enchanté ; c′est à Dulcinée que je dois appartenir, bouilli ou rôti ; c′est pour elle que je dois rester pur, honnête et courtois, en dépit de toutes les sorcelleries de la terre. » | Y, con esto, cerró de golpe la ventana, y, despechado y pesaroso, como si le hubiera acontecido alguna gran desgracia, se acostó en su lecho, donde le dejaremos por ahora, porque nos está llamando el gran Sancho Panza, que quiere dar principio a su famoso gobierno. | À ces mots, il ferma brusquement la fenêtre ; puis, plein de dépit et d′affliction, comme s′il lui fût arrivé quelque grand malheur, il retourna se mettre au lit, où nous le laisserons, quant à présent ; car ailleurs nous appelle le grand Sancho Panza, qui veut débuter avec éclat dans son gouvernement.
| II. Capítulo XLV. De cómo el gran Sancho Panza tomó la posesión de su ínsula, y del modo que comenzó a gobernar. | Chapitre XLV Comment le grand Sancho Panza prit possession de son île, et de quelle manière il commença à gouverner ¡Oh perpetuo descubridor de los antípodas, hacha del mundo, ojo del cielo, meneo dulce de las cantimploras, Timbrio aquí, Febo allí, tirador acá, médico acullá, padre de la Poesía, inventor de la Música: tú que siempre sales, y, aunque lo parece, nunca te pones! A ti digo, ¡oh sol, con cuya ayuda el hombre engendra al hombre! ; a ti digo que me favorezcas, y alumbres la escuridad de mi ingenio, para que pueda discurrir por sus puntos en la narración del gobierno del gran Sancho Panza; que sin ti, yo me siento tibio, desmazalado y confuso. | Ô toi qui découvres perpétuellement les antipodes, flambeau du monde, œil du ciel, doux auteur du balancement des cruches à rafraîchir< ; Phœbus par ici, Thymbrius par là, archer d′un côté, médecin de l′autre, père de la poésie, inventeur de la musique ; toi qui toujours te lèves, et, bien qu′il le paraisse, ne te couches jamais ; c′est à toi que je m′adresse, ô soleil, avec l′aide de qui l′homme engendre l′homme, pour que tu me prêtes secours, et que tu illumines l′obscurité de mon esprit, afin que je puisse narrer de point en point le gouvernement du grand Sancho Panza ; sans toi, je me sens faible, abattu, troublé. | Digo, pues, que con todo su acompañamiento llegó Sancho a un lugar de hasta mil vecinos, que era de los mejores que el duque tenía. Diéronle a entender que se llamaba la ínsula Barataria, o ya porque el lugar se llamaba Baratario, o ya por el barato con que se le había dado el gobierno. Al llegar a las puertas de la villa, que era cercada, salió el regimiento del pueblo a recebirle; tocaron las campanas, y todos los vecinos dieron muestras de general alegría, y con mucha pompa le llevaron a la iglesia mayor a dar gracias a Dios, y luego, con algunas ridículas ceremonias, le entregaron las llaves del pueblo, y le admitieron por perpetuo gobernador de la ínsula Barataria. | Or donc, Sancho arriva bientôt avec tout son cortège dans un bourg d′environ mille habitants, qui était l′un des plus riches que possédât le duc. On lui fit entendre qu′il s′appelait l′île Barataria, soit qu′en effet le bourg s′appelât Baratario, soit pour exprimer à quel bon marché on lui avait donné le gouvernement< . Quand il arriva aux portes du bourg, qui était entouré de murailles, le corps municipal sortit à sa rencontre. On sonna les cloches, et, au milieu de l′allégresse générale que faisaient éclater les habitants, on le conduisit en grande pompe à la cathédrale rendre grâces à Dieu. Ensuite, avec de risibles cérémonies, on lui remit les clefs du bourg, et on l′installa pour perpétuel gouverneur de l′île Barataria. | El traje, las barbas, la gordura y pequeñez del nuevo gobernador tenía admirada a toda la gente que el busilis del cuento no sabía, y aun a todos los que lo sabían, que eran muchos. Finalmente, en sacándole de la iglesia, le llevaron a la silla del juzgado y le sentaron en ella; y el mayordomo del duque le dijo. | Le costume, la barbe, la grosseur et la petitesse du nouveau gouverneur jetaient dans la surprise tous les gens qui ne savaient pas le mot de l′énigme, et même tous ceux qui le savaient, dont le nombre était grand. Finalement, au sortir de l′église, on le mena dans la salle d′audience, et on l′assit sur le siége du juge. Là, le majordome du duc lui dit : | -Es costumbre antigua en esta ínsula, señor gobernador, que el que viene a tomar posesión desta famosa ínsula está obligado a responder a una pregunta que se le hiciere, que sea algo intricada y dificultosa, de cuya respuesta el pueblo toma y toca el pulso del ingenio de su nuevo gobernador; y así, o se alegra o se entristece con su venida. | « C′est une ancienne coutume dans cette île, seigneur gouverneur, que celui qui vient en prendre possession soit obligé de répondre à une question qu′on lui adresse, et qui est quelque peu embrouillée et embarrassante. Par la réponse à cette question, le peuple tâte le pouls à l′esprit de son nouveau gouverneur, et y trouve sujet de se réjouir ou de s′attrister de sa venue. » | En tanto que el mayordomo decía esto a Sancho, estaba él mirando unas grandes y muchas letras que en la pared frontera de su silla estaban escritas; y, como él no sabía leer, preguntó que qué eran aquellas pinturas que en aquella pared estaban. Fuele respondido. | Pendant que le majordome tenait ce langage à Sancho, celui-ci s′était mis à regarder plusieurs grandes lettres écrites sur le mur en face de son siège, et, comme il ne savait pas lire, il demanda ce que c′était que ces peintures qu′on voyait sur la muraille. On lui répondit : | -Señor, allí esta escrito y notado el día en que Vuestra Señoría tomó posesión desta ínsula, y dice el epitafio: Hoy día, a tantos de tal mes y de tal año, tomó la posesión desta ínsula el señor don Sancho Panza, que muchos años la goce. | « Seigneur, c′est là qu′est écrit et enregistré le jour où Votre Seigneurie a pris possession de cette île. L′épitaphe est ainsi conçue : Aujourd′hui, tel quantième de tel mois et de telle année, il a été pris possession de cette île par le seigneur don Sancho Panza. Puisse-t-il en jouir longues années ! | -Y ¿a quién llaman don Sancho Panza? -preguntó Sancho. |  Et qui appelle-t-on don Sancho Panza ? demanda Sancho. | -A vuestra señoría -respondió el mayordomo-, que en esta ínsula no ha entrado otro Panza sino el que está sentado en esa silla. |  Votre Seigneurie, répondit le majordome ; car il n′est pas entré dans cette île d′autre Panza que celui qui est assis sur ce fauteuil. | -Pues advertid, hermano -dijo Sancho-, que yo no tengo don, ni en todo mi linaje le ha habido: Sancho Panza me llaman a secas, y Sancho se llamó mi padre, y Sancho mi agüelo, y todos fueron Panzas, sin añadiduras de dones ni donas; y yo imagino que en esta ínsula debe de haber más dones que piedras; pero basta: Dios me entiende, y podrá ser que, si el gobierno me dura cuatro días, yo escardaré estos dones, que, por la muchedumbre, deben de enfadar como los mosquitos. Pase adelante con su pregunta el señor mayordomo, que yo responderé lo mejor que supiere, ora se entristezca o no se entristezca el pueblo. |  Eh bien ! sachez, frère, reprit Sancho, que je ne porte pas le don, et que personne ne l′a porté dans toute ma famille, Sancho Panza tout court, voilà comme je m′appelle ; Sancho s′appelait mon père, et Sancho mon grand-père, et tous furent des Panzas, sans ajouter de don ni d′autres allonges. Je m′imagine qu′il doit y avoir dans cette île plus de don que de pierres. Mais suffit, Dieu m′entend, et il pourra bien se faire, si le gouvernement me dure quatre jours, que j′échardonne ces don qui doivent, par leur multitude, importuner comme les mosquites et les cousins.<< Maintenant, que le seigneur majordome expose sa question ; j′y répondrai du mieux qu′il me sera possible, soit que le peuple s′afflige, soit qu′il se réjouisse. » | A este instante entraron en el juzgado dos hombres, el uno vestido de labrador y el otro de sastre, porque traía unas tijeras en la mano, y el sastre dijo. | En ce moment, deux hommes entrèrent dans la salle d′audience, l′un vêtu en paysan, l′autre en tailleur, car il portait des ciseaux à la main ; et le tailleur dit : | -Señor gobernador, yo y este hombre labrador venimos ante vuestra merced en razón que este buen hombre llegó a mi tienda ayer (que yo, con perdón de los presentes, soy sastre examinado, que Dios sea bendito), y, poniéndome un pedazo de paño en las manos, me preguntó: ′′Señor, ¿habría en esto paño harto para hacerme una caperuza?′′ Yo, tanteando el paño, le respondí que sí; él debióse de imaginar, a lo que yo imagino, e imaginé bien, que sin duda yo le quería hurtar alguna parte del paño, fundándose en su malicia y en la mala opinión de los sastres, y replicóme que mirase si habría para dos; adivinéle el pensamiento y díjele que sí; y él, caballero en su dañada y primera intención, fue añadiendo caperuzas, y yo añadiendo síes, hasta que llegamos a cinco caperuzas, y ahora en este punto acaba de venir por ellas: yo se las doy, y no me quiere pagar la hechura, antes me pide que le pague o vuelva su paño. | « Seigneur gouverneur, ce paysan et moi nous comparaissons devant Votre Grâce, en raison de ce que ce brave homme vint hier dans ma boutique (sous votre respect et celui de la compagnie, je suis, béni soit Dieu, maître tailleur juré), et, me mettant une pièce de drap dans les mains, il me demanda : « Seigneur, y aurait-il dans ce drap de quoi me faire un chaperon ? » Moi, mesurant la pièce, je lui répondis oui. Lui alors dut s′imaginer, à ce que j′imagine, que je voulais sans doute lui voler un morceau du drap, se fondant sur sa propre malice et sur la mauvaise opinion qu′on a des tailleurs, et il me dit de regarder s′il n′y aurait pas de quoi faire deux chaperons. Je devinai sa pensée, et lui répondis encore oui. Alors, toujours à cheval sur sa méchante intention, il se mit à ajouter des chaperons et moi des oui, jusqu′à ce que nous fussions arrivés à cinq chaperons. Tout à l′heure, il est venu les chercher. Je les lui donne, mais il ne veut pas me payer la façon ; au contraire, il veut que je lui paye ou que je lui rende le drap. | -¿Es todo esto así, hermano? -preguntó Sancho. |  Tout cela est-il ainsi, frère ? demanda Sancho au paysan. | -Sí, señor -respondió el hombre-, pero hágale vuestra merced que muestre las cinco caperuzas que me ha hecho. |  Oui, seigneur, répondit le bonhomme ; mais que Votre Grâce lui fasse montrer les cinq chaperons qu′il m′a faits. | -De buena gana -respondió el sastre. |  Très-volontiers », repartit le tailleur. | Y, sacando encontinente la mano debajo del herreruelo, mostró en ella cinco caperuzas puestas en las cinco cabezas de los dedos de la mano, y dijo. | Et, tirant aussitôt la main de dessous son manteau, il montra cinq chaperons posés sur le bout des cinq doigts de la main. | -He aquí las cinco caperuzas que este buen hombre me pide, y en Dios y en mi conciencia que no me ha quedado nada del paño, y yo daré la obra a vista de veedores del oficio. | « Voici, dit-il, les cinq chaperons que ce brave homme me réclame. Je jure en mon âme et conscience qu′il ne m′est pas resté un pouce du drap, et je donne l′ouvrage à examiner aux examinateurs du métier. » | Todos los presentes se rieron de la multitud de las caperuzas y del nuevo pleito. Sancho se puso a considerar un poco, y dijo. | Tous les assistants se mirent à rire de la multitude des chaperons et de la nouveauté du procès. Pour Sancho, il resta quelques moments à réfléchir, et dit : | -Paréceme que en este pleito no ha de haber largas dilaciones, sino juzgar luego a juicio de buen varón; y así, yo doy por sentencia que el sastre pierda las hechuras, y el labrador el paño, y las caperuzas se lleven a los presos de la cárcel, y no haya más. | « Ce procès, à ce qu′il me semble, n′exige pas de longs délais, et doit se juger à jugement de prud′homme. Voici donc ma sentence : Que le tailleur perde sa façon et le paysan son drap, et qu′on porte les chaperons aux prisonniers ; et que tout soit dit. » | Si la sentencia pasada de la bolsa del ganadero movió a admiración a los circunstantes, ésta les provocó a risa; pero, en fin, se hizo lo que mandó el gobernador; ante el cual se presentaron dos hombres ancianos; el uno traía una cañaheja por báculo, y el sin báculo dijo. | Si la sentence qu′il rendit ensuite à propos de la bourse du berger excita l′admiration des assistants, celle-ci les fit éclater de rire.< Mais enfin l′on fit ce qu′avait ordonné le gouverneur, devant lequel se présentèrent deux hommes d′âge. L′un portait pour canne une tige de roseau creux ; l′autre vieillard, qui était sans canne, dit à Sancho : | -Señor, a este buen hombre le presté días ha diez escudos de oro en oro, por hacerle placer y buena obra, con condición que me los volviese cuando se los pidiese; pasáronse muchos días sin pedírselos, por no ponerle en mayor necesidad de volvérmelos que la que él tenía cuando yo se los presté; pero, por parecerme que se descuidaba en la paga, se los he pedido una y muchas veces, y no solamente no me los vuelve, pero me los niega y dice que nunca tales diez escudos le presté, y que si se los presté, que ya me los ha vuelto. Yo no tengo testigos ni del prestado ni de la vuelta, porque no me los ha vuelto; querría que vuestra merced le tomase juramento, y si jurare que me los ha vuelto, yo se los perdono para aquí y para delante de Dios. | « Seigneur, j′ai prêté à ce brave homme, il y a déjà longtemps, dix écus d′or en or, pour lui faire plaisir et lui rendre service, à condition qu′il me les rendrait dès que je lui en ferais la demande. Bien des jours se sont passés sans que je les lui demandasse, car je ne voulais pas, pour les lui faire rendre, le mettre dans un plus grand besoin que celui qu′il avait quand je les lui prêtai. Enfin voyant qu′il oubliait de s′acquitter, je lui ai demandé mes dix écus une et bien des fois ; mais non-seulement il ne me les rend pas, il me les refuse, disant que jamais je ne lui ai prêté ces dix écus, et que, si je les lui ai prêtés, il me les a rendus depuis longtemps. Je n′ai aucun témoin, ni du prêté ni du rendu, puisqu′il n′a pas fait de restitution. Je voudrais que Votre Grâce lui demandât le serment. S′il jure qu′il me les a rendus, je l′en tiens quitte pour ici et pour devant Dieu. | -¿Qué decís vos a esto, buen viejo del báculo? -dijo Sancho. |  Que dites-vous à cela, bon vieillard au bâton ? » demanda Sancho. | A lo que dijo el viejo. | Le vieillard répondit : | -Yo, señor, confieso que me los prestó, y baje vuestra merced esa vara; y, pues él lo deja en mi juramento, yo juraré como se los he vuelto y pagado real y verdaderamente. | « Je confesse, seigneur, qu′il me les a prêtés ; mais que Votre Grâce abaisse sa verge, et, puisqu′il s′en remet à mon serment, je jurerai que je les lui ai rendus et payés en bonne et due forme. » | Bajó el gobernador la vara, y, en tanto, el viejo del báculo dio el báculo al otro viejo, que se le tuviese en tanto que juraba, como si le embarazara mucho, y luego puso la mano en la cruz de la vara, diciendo que era verdad que se le habían prestado aquellos diez escudos que se le pedían; pero que él se los había vuelto de su mano a la suya, y que por no caer en ello se los volvía a pedir por momentos. Viendo lo cual el gran gobernador, preguntó al acreedor qué respondía a lo que decía su contrario; y dijo que sin duda alguna su deudor debía de decir verdad, porque le tenía por hombre de bien y buen cristiano, y que a él se le debía de haber olvidado el cómo y cuándo se los había vuelto, y que desde allí en adelante jamás le pidiría nada. Tornó a tomar su báculo el deudor, y, bajando la cabeza, se salió del juzgado. Visto lo cual Sancho, y que sin más ni más se iba, y viendo también la paciencia del demandante, inclinó la cabeza sobre el pecho, y, poniéndose el índice de la mano derecha sobre las cejas y las narices, estuvo como pensativo un pequeño espacio, y luego alzó la cabeza y mandó que le llamasen al viejo del báculo, que ya se había ido. Trujéronsele, y, en viéndole Sancho, le dijo. | Le gouverneur baissa sa verge, et cependant le vieillard au roseau donna sa canne à l′autre vieillard, en le priant, comme si elle l′eût beaucoup embarrassé, de la tenir tandis qu′il prêterait serment. Il étendit ensuite la main sur la croix de la verge et dit : « Il est vrai que le comparant m′a prêté les dix écus qu′il me réclame, mais je les lui ai rendus de la main à la main, et c′est faute d′y avoir pris garde qu′il me les redemande à chaque instant. » Alors, l′illustre gouverneur demanda au créancier ce qu′il avait à répondre à ce que disait son adversaire. L′autre repartit que son débiteur avait sans doute dit vrai, car il le tenait pour homme de bien et pour bon chrétien ; qu′il devait lui-même avoir oublié quand et comment la restitution lui avait été faite ; mais que désormais il ne lui demanderait plus rien. Le débiteur reprit sa canne, baissa la tête, et sortit de l′audience. Lorsque Sancho le vit partir ainsi sans plus de façon, considérant aussi la résignation du demandeur, il inclina sa tête sur sa poitrine, et, plaçant l′index de la main droite le long de son nez et de ses sourcils, il resta quelques moments à rêver ; puis il releva la tête et ordonna d′appeler le vieillard à la canne qui avait déjà disparu. On le ramena, et dès que Sancho le vit : | -Dadme, buen hombre, ese báculo, que le he menester. | « Donnez-moi cette canne, brave homme, lui dit-il ; j′en ai besoin. | -De muy buena gana -respondió el viejo-: hele aquí, señor. |  Très-volontiers, seigneur, répondit le vieillard, la voici », et il la lui mit dans les mains. | Y púsosele en la mano. Tomóle Sancho, y, dándosele al otro viejo, le dijo: | Sancho la prit, et la tendant à l′autre vieillard : | -Andad con Dios, que ya vais pagado. | « Allez avec Dieu, lui dit-il, vous voilà payé. | -¿Yo, señor? -respondió el viejo-. Pues, ¿vale esta cañaheja diez escudos de oro. |  Qui, moi, seigneur ? répondit le vieillard ; est-ce que ce roseau vaut dix écus d′or ? | -Sí -dijo el gobernador-; o si no, yo soy el mayor porro del mundo. Y ahora se verá si tengo yo caletre para gobernar todo un reino. |  Oui, reprit le gouverneur, ou sinon je suis la plus grosse bête du monde, et l′on va voir si j′ai de la cervelle pour gouverner tout un royaume. » | Y mandó que allí, delante de todos, se rompiese y abriese la caña. Hízose así, y en el corazón della hallaron diez escudos en oro. Quedaron todos admirados, y tuvieron a su gobernador por un nuevo Salomón. | Alors il ordonna qu′on ouvrît et qu′on brisât la canne en présence de tout le public ; ce qui fut fait, et, dans l′intérieur du roseau, on trouva dix écus d′or. Tous les assistants restèrent émerveillés, et tinrent leur gouverneur pour un nouveau Salomon. | Preguntáronle de dónde había colegido que en aquella cañaheja estaban aquellos diez escudos, y respondió que de haberle visto dar el viejo que juraba, a su contrario, aquel báculo, en tanto que hacía el juramento, y jurar que se los había dado real y verdaderamente, y que, en acabando de jurar, le tornó a pedir el báculo, le vino a la imaginación que dentro dél estaba la paga de lo que pedían. De donde se podía colegir que los que gobiernan, aunque sean unos tontos, tal vez los encamina Dios en sus juicios; y más, que él había oído contar otro caso como aquél al cura de su lugar, y que él tenía tan gran memoria, que, a no olvidársele todo aquello de que quería acordarse, no hubiera tal memoria en toda la ínsula. Finalmente, el un viejo corrido y el otro pagado, se fueron, y los presentes quedaron admirados, y el que escribía las palabras, hechos y movimientos de Sancho no acababa de determinarse si le tendría y pondría por tonto o por discreto. | On lui demanda d′où il avait conjecturé que dans ce roseau devaient se trouver les dix écus d′or. Il répondit qu′ayant vu le vieillard donner sa canne à sa partie adverse pendant qu′il prêtait serment, et jurer qu′il lui avait dûment et véritablement donné les dix écus, puis, après avoir juré, lui reprendre sa canne, il lui était venu à l′esprit que dans ce roseau devait se trouver le remboursement qu′on lui demandait. « De là, ajouta-t-il, on peut tirer cette conclusion, qu′à ceux qui gouvernent, ne fussent-ils que des sots, Dieu fait quelquefois la grâce de les diriger dans leurs jugements. D′ailleurs, j′ai entendu jadis conter une histoire semblable au curé de mon village< , et j′ai la mémoire si bonne, si parfaite, que, si je n′oubliais la plupart du temps justement ce que je veux me rappeler, il n′y aurait pas en toute l′île une meilleure mémoire. » Finalement, les deux vieillards s′en allèrent, l′un confus, l′autre remboursé, et tous les assistants restèrent dans l′admiration. Et celui qui était chargé d′écrire les paroles, les actions et jusqu′aux mouvements de Sancho, ne parvenait point à se décider s′il le tiendrait et le ferait tenir pour sot ou pour sage. | Luego, acabado este pleito, entró en el juzgado una mujer asida fuertemente de un hombre vestido de ganadero rico, la cual venía dando grandes voces, diciendo: | Aussitôt que ce procès fut terminé, une femme entra dans l′audience, tenant à deux mains un homme vêtu en riche propriétaire de troupeaux. Elle accourait en jetant de grands cris : | -¡Justicia, señor gobernador, justicia, y si no la hallo en la tierra, la iré a buscar al cielo! Señor gobernador de mi ánima, este mal hombre me ha cogido en la mitad dese campo, y se ha aprovechado de mi cuerpo como si fuera trapo mal lavado, y, ¡desdichada de mí!, me ha llevado lo que yo tenía guardado más de veinte y tres años ha, defendiéndolo de moros y cristianos, de naturales y estranjeros; y yo, siempre dura como un alcornoque, conservándome entera como la salamanquesa en el fuego, o como la lana entre las zarzas, para que este buen hombre llegase ahora con sus manos limpias a manosearme. | « Justice, disait-elle, seigneur gouverneur, justice ! Si je ne la trouve pas sur la terre, j′irai la chercher dans le ciel. Seigneur gouverneur de mon âme, ce méchant homme m′a surprise au milieu des champs, et s′est servi de mon corps comme si c′eût été une guenille mal lavée. Ah ! malheureuse que je suis ! il m′a emporté le trésor, que je gardais depuis plus de vingt-trois ans, le défendant de Mores et de chrétiens, de naturels et d′étrangers. C′était bien la peine que, toujours aussi dure qu′un tronc de liége, je me fusse conservée intacte comme la salamandre dans le feu, ou comme la laine parmi les broussailles, pour que ce malotru vînt maintenant me manier de ses deux mains propres. | -Aun eso está por averiguar: si tiene limpias o no las manos este galán -dijo Sancho. |  C′est encore à vérifier, dit Sancho, si ce galant a les mains propres ou sales » | Y, volviéndose al hombre, le dijo qué decía y respondía a la querella de aquella mujer. El cual, todo turbado, respondió. | et, se tournant vers l′homme, il lui demanda ce qu′il avait à répondre à la plainte de cette femme. L′autre répondit tout troublé : | -Señores, yo soy un pobre ganadero de ganado de cerda, y esta mañana salía deste lugar de vender, con perdón sea dicho, cuatro puercos, que me llevaron de alcabalas y socaliñas poco menos de lo que ellos valían; volvíame a mi aldea, topé en el camino a esta buena dueña, y el diablo, que todo lo añasca y todo lo cuece, hizo que yogásemos juntos; paguéle lo soficiente, y ella, mal contenta, asió de mí, y no me ha dejado hasta traerme a este puesto. Dice que la forcé, y miente, para el juramento que hago o pienso hacer; y ésta es toda la verdad, sin faltar meaja. | « Mes bons seigneurs, je suis un pauvre berger de bêtes à soie, et, ce matin, je quittais ce pays, après y avoir vendu, sous votre respect, quatre cochons, si bien qu′on m′a pris en octrois, gabelle et autres tromperies, bien peu moins qu′ils ne valaient. En retournant à mon village, je rencontrai cette bonne duègne en chemin, et le diable, qui se fourre partout pour tout embrouiller, nous fit badiner ensemble. Je lui payai ce qui était raisonnable ; mais elle, mécontente de moi, m′a pris à la gorge, et ne m′a plus laissé qu′elle ne m′eût amené jusqu′en cet endroit. Elle dit que je lui ai fait violence ; mais elle ment, par le serment que je fais ou suis prêt à faire. Et voilà toute la vérité, sans qu′il y manque un fil. » | Entonces el gobernador le preguntó si traía consigo algún dinero en plata; él dijo que hasta veinte ducados tenía en el seno, en una bolsa de cuero. Mandó que la sacase y se la entregase, así como estaba, a la querellante; él lo hizo temblando; tomóla la mujer, y, haciendo mil zalemas a todos y rogando a Dios por la vida y salud del señor gobernador, que así miraba por las huérfanas menesterosas y doncellas; y con esto se salió del juzgado, llevando la bolsa asida con entrambas manos, aunque primero miró si era de plata la moneda que llevaba dentro. | Alors le gouverneur lui demanda s′il portait sur lui quelque argent en grosses pièces. L′homme répondit qu′il avait jusqu′à vingt ducats dans le fond d′une bourse en cuir. Sancho lui ordonna de la tirer de sa poche et de la remettre telle qu′elle était à la plaignante. Il obéit en tremblant ; la femme prit la bourse, puis, faisant mille révérences à tout le monde, et priant Dieu pour la vie et la santé du seigneur gouverneur, qui prenait ainsi la défense des orphelines jeunes et nécessiteuses, elle sortit de l′audience, emportant la bourse à deux mains, après s′être assurée, toutefois, que c′était bien de la monnaie d′argent qu′elle contenait. | Apenas salió, cuando Sancho dijo al ganadero, que ya se le saltaban las lágrimas, y los ojos y el corazón se iban tras su bolsa. | Dès qu′elle fut dehors, Sancho dit au berger, qui déjà fondait en larmes, et dont le cœur et les yeux s′en allaient après sa bourse : | -Buen hombre, id tras aquella mujer y quitadle la bolsa, aunque no quiera, y volved aquí con ella. | « Bonhomme, courez après cette femme et reprenez-lui la bourse, qu′elle veuille ou ne veuille pas ; puis revenez avec elle ici. » | Y no lo dijo a tonto ni a sordo, porque luego partió como un rayo y fue a lo que se le mandaba. Todos los presentes estaban suspensos, esperando el fin de aquel pleito, y de allí a poco volvieron el hombre y la mujer más asidos y aferrados que la vez primera: ella la saya levantada y en el regazo puesta la bolsa, y el hombre pugnando por quitársela; mas no era posible, según la mujer la defendía, la cual daba voces diciendo: | Sancho ne parlait ni à sot ni à sourd, car l′homme partit comme la foudre pour faire ce qu′on lui commandait. Tous les spectateurs restaient en suspens, attendant la fin de ce procès. Au bout de quelques instants, l′homme et la femme revinrent, plus fortement accrochés et cramponnés l′un à l′autre que la première fois. La femme avait son jupon retroussé, et la bourse enfoncée dans son giron, l′homme faisait rage pour la lui reprendre, mais ce n′était pas possible, tant elle la défendait bien. | -¡Justicia de Dios y del mundo! Mire vuestra merced, señor gobernador, la poca vergüenza y el poco temor deste desalmado, que, en mitad de poblado y en mitad de la calle, me ha querido quitar la bolsa que vuestra merced mandó darme. | « Justice de Dieu et du monde ! disait-elle à grands cris ; voyez, seigneur gouverneur, le peu de honte et le peu de crainte de ce vaurien dénaturé, qui a voulu, au milieu de la ville, au milieu de la rue, me reprendre la bourse que Votre Grâce m′a fait donner. | -Y ¿háosla quitado? -preguntó el gobernador. |  Est-ce qu′il vous l′a reprise ? demanda le gouverneur. | -¿Cómo quitar? -respondió la mujer-. Antes me dejara yo quitar la vida que me quiten la bolsa. ¡Bonita es la niña! ¡Otros gatos me han de echar a las barbas, que no este desventurado y asqueroso! ¡Tenazas y martillos, mazos y escoplos no serán bastantes a sacármela de las uñas, ni aun garras de leones: antes el ánima de en mitad en mitad de las carnes. |  Reprise ! ah bien oui ! répondit la femme, je me laisserais plutôt enlever la vie qu′enlever la bourse. Elle est bonne pour ça, l′enfant. Oh ! il faudrait me jeter d′autres chats à la gorge que ce répugnant nigaud. Des tenailles et des marteaux, des ciseaux et des maillets ne suffiraient pas pour me l′arracher d′entre les ongles, pas même des griffes de lion. On m′arracherait plutôt l′âme du milieu des chairs. | -Ella tiene razón -dijo el hombre-, y yo me doy por rendido y sin fuerzas, y confieso que las mías no son bastantes para quitársela, y déjola. |  Elle a raison, dit l′homme ; je me donne pour vaincu et rendu, et je confesse que mes forces ne sont pas capables de la lui prendre. » | Entonces el gobernador dijo a la mujer. | Cela dit, il la laissa ; alors le gouverneur dit à la femme : | -Mostrad, honrada y valiente, esa bolsa. | « Montrez-moi cette bourse, chaste et vaillante héroî¥. » | Ella se la dio luego, y el gobernador se la volvió al hombre, y dijo a la esforzada y no forzada: | Elle la lui donna sur-le-champ, et le gouverneur, la rendant à l′homme, dit à la violente non violentée : | -Hermana mía, si el mismo aliento y valor que habéis mostrado para defender esta bolsa le mostrárades, y aun la mitad menos, para defender vuestro cuerpo, las fuerzas de Hércules no os hicieran fuerza. Andad con Dios, y mucho de enhoramala, y no paréis en toda esta ínsula ni en seis leguas a la redonda, so pena de docientos azotes. ¡Andad luego digo, churrillera, desvergonzada y embaidora. | « Ma sœur, si le même courage et la même vigueur que vous venez de déployer pour défendre cette bourse, vous les aviez employés, et même moitié moins, pour défendre votre corps, les forces d′Hercule n′auraient pu vous forcer. Allez avec Dieu, et à la male heure, et ne vous arrêtez pas en toute l′île, ni à six lieues à la ronde, sous peine de deux cents coups de fouet. Allons, décampez, dis-je, enjôleuse, dévergondée et larronnesse. » | Espantóse la mujer y fuese cabizbaja y mal contenta, y el gobernador dijo al hombre. | La femme, tout épouvantée, s′en alla, tête basse et maugréant ; et le gouverneur dit à l′homme : | -Buen hombre, andad con Dios a vuestro lugar con vuestro dinero, y de aquí adelante, si no le queréis perder, procurad que no os venga en voluntad de yogar con nadie. | « Allez avec Dieu, brave homme, à votre village et avec votre argent, et désormais, si vous ne voulez pas le perdre, faites en sorte qu′il ne vous prenne plus fantaisie de badiner avec personne. » | El hombre le dio las gracias lo peor que supo, y fuese, y los circunstantes quedaron admirados de nuevo de los juicios y sentencias de su nuevo gobernador. Todo lo cual, notado de su coronista, fue luego escrito al duque, que con gran deseo lo estaba esperando. | L′homme lui rendit grâce aussi gauchement qu′il put, et s′en alla.< Les assistants demeurèrent encore une fois dans l′admiration des jugements et des arrêts de leur nouveau gouverneur, et tous ces détails, recueillis par son historiographe, furent aussitôt envoyés au duc, qui les attendait avec grande impatience. | Y quédese aquí el buen Sancho, que es mucha la priesa que nos da su amo, alborozado con la música de Altisidora. | Mais laissons ici le bon Sancho, car nous avons hâte de retourner à son maître, tout agité par la sérénade d′Altisidore.
| II. Capítulo XLVI. Del temeroso espanto cencerril y gatuno que recibió don Quijote en el discurso de los amores de la enamorada Altisidora. | Chapitre XLVI De l′épouvantable charivari de sonnettes et de miaulements que reçut don Quichotte dans le cours de ses amours avec l′amoureuse Altisidore Dejamos al gran don Quijote envuelto en los pensamientos que le habían causado la música de la enamorada doncella Altisidora. Acostóse con ellos, y, como si fueran pulgas, no le dejaron dormir ni sosegar un punto, y juntábansele los que le faltaban de sus medias; pero, como es ligero el tiempo, y no hay barranco que le detenga, corrió caballero en las horas, y con mucha presteza llegó la de la mañana. Lo cual visto por don Quijote, dejó las blandas plumas, y, no nada perezoso, se vistió su acamuzado vestido y se calzó sus botas de camino, por encubrir la desgracia de sus medias; arrojóse encima su mantón de escarlata y púsose en la cabeza una montera de terciopelo verde, guarnecida de pasamanos de plata; colgó el tahelí de sus hombros con su buena y tajadora espada, asió un gran rosario que consigo contino traía, y con gran prosopopeya y contoneo salió a la antesala, donde el duque y la duquesa estaban ya vestidos y como esperándole; y, al pasar por una galería, estaban aposta esperándole Altisidora y la otra doncella su amiga, y, así como Altisidora vio a don Quijote, fingió desmayarse, y su amiga la recogió en sus faldas, y con gran presteza la iba a desabrochar el pecho. Don Quijote, que lo vio, llegándose a ellas, dijo: | Nous avons laissé le grand don Quichotte enseveli dans les pensées diverses que lui avait causées la sérénade de l′amoureuse fille de compagnie. Il se coucha avec ces pensées ; et, comme si c′eût été des puces, elles ne le laissèrent ni dormir, ni reposer un moment, sans compter qu′à cela se joignait la déconfiture des mailles de ses bas. Mais, comme le temps est léger et que rien ne l′arrête en sa route, il courut à cheval sur les heures, et bientôt arriva celle du matin. À la vue du jour, don Quichotte quitta la plume oisive, et, toujours diligent, revêtit son pourpoint de chamois, et chaussa ses bottes de voyage pour cacher la mésaventure de ses bas troués. Puis il jeta par là-dessus son manteau d′écarlate, et se mit sur la tête une montera de velours vert, garnie d′un galon d′argent ; il passa le baudrier sur ses épaules, avec sa bonne épée tranchante ; il attacha à sa ceinture un grand chapelet qu′il portait toujours sur lui ; et, dans ce magnifique appareil, il s′avança majestueusement vers le vestibule, où le duc et la duchesse, déjà levés, semblaient être venus l′attendre. Dans une galerie qu′il devait traverser, Altisidore et l′autre fille, son amie, s′étaient postées pour le prendre au passage. Dès qu′Altisidore aperçut don Quichotte, elle feignit de s′évanouir ; et son amie, qui la reçut dans ses bras, s′empressait de lui délacer le corsage de sa robe. Don Quichotte vit cette scène ; il s′approcha d′elles, et dit : | -Ya sé yo de qué proceden estos accidentes. | « Je sais déjà d′où procèdent ces accidents. | -No sé yo de qué -respondió la amiga-, porque Altisidora es la doncella más sana de toda esta casa, y yo nunca la he sentido un ¡ay! en cuanto ha que la conozco, que mal hayan cuantos caballeros andantes hay en el mundo, si es que todos son desagradecidos. Váyase vuesa merced, señor don Quijote, que no volverá en sí esta pobre niña en tanto que vuesa merced aquí estuviere. | Â Et moi je n′en sais rien, répondit l′amie ; car Altisidore est la plus saine et la mieux portante des femmes de cette maison, et je ne lui ai pas entendu pousser un hélas ! depuis que je la connais. Mais que le ciel confonde autant de chevaliers errants qu′il y en a sur la terre, s′il est vrai qu′ils soient tous ingrats. Retirez-vous, seigneur don Quichotte ; la pauvre enfant ne reviendra point à elle tant que Votre Grâce restera là. » | A lo que respondió don Quijote. | Alors don Quichotte répondit : | -Haga vuesa merced, señora, que se me ponga un laúd esta noche en mi aposento, que yo consolaré lo mejor que pudiere a esta lastimada doncella; que en los principios amorosos los desengaños prestos suelen ser remedios calificados. | « Faites en sorte, madame, qu′on mette un luth cette nuit dans mon appartement ; je consolerai du mieux qu′il me sera possible cette jeune fille blessée au cœur. Dans le commencement de l′amour, un prompt désabusement est le souverain remède. » | Y con esto se fue, porque no fuese notado de los que allí le viesen. No se hubo bien apartado, cuando, volviendo en sí la desmayada Altisidora, dijo a su compañera. | Cela dit, il s′éloigna, pour n′être point remarqué de ceux qui pouvaient l′apercevoir. Il avait à peine tourné les talons que, reprenant ses sens, l′évanouie Altisidore dit à sa compagne : | -Menester será que se le ponga el laúd, que sin duda don Quijote quiere darnos música, y no será mala, siendo suya. | « Il faut avoir soin qu′on lui mette le luth qu′il demande. Don Quichotte, sans doute, veut nous donner de la musique ; elle ne sera pas mauvaise venant de lui. » | Fueron luego a dar cuenta a la duquesa de lo que pasaba y del laúd que pedía don Quijote, y ella, alegre sobremodo, concertó con el duque y con sus doncellas de hacerle una burla que fuese más risueña que dañosa, y con mucho contento esperaban la noche, que se vino tan apriesa como se había venido el día, el cual pasaron los duques en sabrosas pláticas con don Quijote. Y la duquesa aquel día real y verdaderamente despachó a un paje suyo, que había hecho en la selva la figura encantada de Dulcinea, a Teresa Panza, con la carta de su marido Sancho Panza, y con el lío de ropa que había dejado para que se le enviase, encargándole le trujese buena relación de todo lo que con ella pasase. | Aussitôt les deux donzelles allèrent rendre compte à la duchesse de ce qui venait de se passer, et de la demande d′un luth que faisait don Quichotte. Celle-ci, ravie de joie, se concerta avec le duc et ses femmes, pour jouer au chevalier un tour qui fût plus amusant que nuisible. Dans l′espoir de ce divertissement, tous attendaient l′arrivée de la nuit, laquelle vint aussi vite qu′était venu le jour, que le duc et la duchesse passèrent en délicieuses conversations avec don Quichotte. Ce même jour, la duchesse dépêcha bien réellement un de ses pages (celui qui avait fait dans la forêt le personnage enchanté de Dulcinée) à Thérèse Panza, avec la lettre de son mari Sancho Panza, et le paquet de hardes qu′il avait laissé pour qu′on l′envoyât à sa femme. Le page était chargé de rapporter une fidèle relation de tout ce qui lui arriverait dans son message. | Hecho esto, y llegadas las once horas de la noche, halló don Quijote una vihuela en su aposento; templóla, abrió la reja, y sintió que andaba gente en el jardín; y, habiendo recorrido los trastes de la vihuela y afinándola lo mejor que supo, escupió y remondóse el pecho, y luego, con una voz ronquilla, aunque entonada, cantó el siguiente romance, que él mismo aquel día había compuesto: | Cela fait, et onze heures du soir étant sonnées, don Quichotte, en rentrant dans sa chambre, y trouva une mandoline. Il préluda, ouvrit la fenêtre grillée, et reconnut qu′il y avait du monde au jardin. Ayant alors parcouru toutes les touches de la mandoline, pour la mettre d′accord aussi bien qu′il le pouvait, il cracha, se nettoya le gosier, puis, d′une voix un peu enrouée, mais juste, il chanta le romance suivant, qu′il avait tout exprès composé lui-même ce jour-là. | -Suelen las fuerzas de amor sacar de quicio a las almas, tomando por instrumento la ociosidad descuidada. Suele el coser y el labrar, y el estar siempre ocupada, ser antídoto al veneno de las amorosas ansias. Las doncellas recogidas que aspiran a ser casadas, la honestidad es la dote y voz de sus alabanzas. Los andantes caballeros, y los que en la corte andan, requiébranse con las libres, con las honestas se casan. Hay amores de levante, que entre huéspedes se tratan, que llegan presto al poniente, porque en el partirse acaban. El amor recién venido, que hoy llegó y se va mañana, las imágines no deja bien impresas en el alma. Pintura sobre pintura ni se muestra ni señala; y do hay primera belleza, la segunda no hace baza. Dulcinea del Toboso del alma en la tabla rasa tengo pintada de modo que es imposible borrarla. La firmeza en los amantes es la parte más preciada, por quien hace amor milagros, y asimesmo los levanta. | « Les forces de l′amour ont coutume d′ôter les âmes de leurs gonds, en prenant pour levier l′oisiveté nonchalante. « La couture, la broderie, le travail continuel, sont l′antidote propre au venin des transports amoureux. « Pour les filles vivant dans la retraite, qui aspirent à être mariées, l′honnêteté est une dot et la voix de leurs louanges. « Les chevaliers errants et ceux qui peuplent la cour courtisent les femmes libres, et épousent les honnêtes. « Il y a des amours de soleil levant qui se pratiquent entre hôte et hôtesse ; mais ils arrivent bientôt au couchant, car ils finissent avec le départ. « L′amour nouveau venu, qui arrive aujourd′hui et s′en va demain, ne laisse pas les images bien profondément gravées dans l′âme. « Peinture sur peinture ne brille, ni ne se fait voir ; où il y a une première beauté, la seconde ne gagne pas la partie. « J′ai Dulcinée du Toboso peinte sur la table rase de l′âme, de telle façon qu′il est impossible dé l′en effacer. « La constance dans les amants est la qualité la plus estimée, celle par qui l′amour fait des miracles, et qui les élève également à la félicité. » | Aquí llegaba don Quijote de su canto, a quien estaban escuchando el duque y la duquesa, Altisidora y casi toda la gente del castillo, cuando de improviso, desde encima de un corredor que sobre la reja de don Quijote a plomo caía, descolgaron un cordel donde venían más de cien cencerros asidos, y luego, tras ellos, derramaron un gran saco de gatos, que asimismo traían cencerros menores atados a las colas. Fue tan grande el ruido de los cencerros y el mayar de los gatos, que, aunque los duques habían sido inventores de la burla, todavía les sobresaltó; y, temeroso, don Quijote quedó pasmado. Y quiso la suerte que dos o tres gatos se entraron por la reja de su estancia, y, dando de una parte a otra, parecía que una región de diablos andaba en ella. Apagaron las velas que en el aposento ardían, y andaban buscando por do escaparse. El descolgar y subir del cordel de los grandes cencerros no cesaba; la mayor parte de la gente del castillo, que no sabía la verdad del caso, estaba suspensa y admirada. | Don Quichotte en était là de son chant, qu′écoutaient le duc, la duchesse, Altisidore et presque tous les gens du château, quand tout à coup, du haut d′un corridor extérieur qui tombait à plomb sur la fenêtre de don Quichotte, on descendit une corde où étaient attachées plus de cent sonnettes, puis on vida un grand sac plein de chats qui portaient aussi des grelots à la queue. Le vacarme des sonnettes et des miaulements de chats fut si grand, que le duc et la duchesse, bien qu′inventeurs de la plaisanterie, en furent effrayés, et que don Quichotte sentit ses cheveux se dresser sur sa tête. Le sort voulut en outre que deux ou trois chats entrassent par la fenêtre dans sa chambre ; et, comme ils couraient çà et là tout effarés, on aurait dit qu′une légion de diables y prenaient leurs ébats. En cherchant par où s′échapper, ils eurent bientôt éteint les deux bougies qui éclairaient l′appartement ; et, comme la corde aux grosses sonnettes ne cessait de descendre et de monter, la plupart des gens du château, qui n′étaient pas au fait de l′aventure, restaient frappés d′étonnement et d′épouvante. | Levantóse don Quijote en pie, y, poniendo mano a la espada, comenzó a tirar estocadas por la reja y a decir a grandes voces. | Don Quichotte cependant se leva tout debout, et, mettant l′épée à la main, il commença à tirer de grandes estocades par la fenêtre, en criant de toute la puissance de sa voix : | -¡Afuera, malignos encantadores! ¡Afuera, canalla hechiceresca, que yo soy don Quijote de la Mancha, contra quien no valen ni tienen fuerza vuestras malas intenciones. | « Dehors, malins enchanteurs ; dehors, canaille ensorcelée ! Je suis don Quichotte de la Manche, contre qui ne peuvent prévaloir vos méchantes intentions. » | Y, volviéndose a los gatos que andaban por el aposento, les tiró muchas cuchilladas; ellos acudieron a la reja, y por allí se salieron, aunque uno, viéndose tan acosado de las cuchilladas de don Quijote, le saltó al rostro y le asió de las narices con las uñas y los dientes, por cuyo dolor don Quijote comenzó a dar los mayores gritos que pudo. Oyendo lo cual el duque y la duquesa, y considerando lo que podía ser, con mucha presteza acudieron a su estancia, y, abriendo con llave maestra, vieron al pobre caballero pugnando con todas sus fuerzas por arrancar el gato de su rostro. Entraron con luces y vieron la desigual pelea; acudió el duque a despartirla, y don Quijote dijo a voces: | Puis, se tournant vers les chats qui couraient au travers de la chambre, il leur lança plusieurs coups d′épée. Tous alors accoururent à la fenêtre, et s′échappèrent par cette issue. L′un d′eux pourtant, se voyant serré de près par les coups d′épée de don Quichotte, lui sauta au visage, et lui empoigna le nez avec les griffes et les dents. La douleur fit jeter des cris perçants à Don Quichotte. En les entendant, le duc et la duchesse devinèrent ce que ce pouvait être, et étant accourus en toute hâte à sa chambre, qu′ils ouvrirent avec un passe-partout, ils virent le pauvre chevalier qui se débattait de toutes ses forces pour arracher le chat de sa figure. On apporta des lumières, et l′on aperçut au grand jour la formidable bataille. Le duc s′élança pour séparer les combattants ; mais don Quichotte s′écria : | -¡No me le quite nadie! ¡Déjenme mano a mano con este demonio, con este hechicero, con este encantador, que yo le daré a entender de mí a él quién es don Quijote de la Mancha. | « Que personne ne s′en mêle ; qu′on me laisse corps à corps avec ce démon, avec ce sorcier, avec cet enchanteur. Je veux lui faire voir, de lui à moi, qui est don Quichotte de la Manche. » | Pero el gato, no curándose destas amenazas, gruñía y apretaba. Mas, en fin, el duque se le desarraigó y le echó por la reja. | Mais le chat, ne faisant nul cas de ces menaces, grognait et serrait les dents. Enfin le duc lui fit lâcher prise, et le jeta par la fenêtre. | Quedó don Quijote acribado el rostro y no muy sanas las narices, aunque muy despechado porque no le habían dejado fenecer la batalla que tan trabada tenía con aquel malandrín encantador. Hicieron traer aceite de Aparicio, y la misma Altisidora, con sus blanquísimas manos, le puso unas vendas por todo lo herido; y, al ponérselas, con voz baja le dijo. | Don Quichotte resta avec le visage percé comme un crible, et le nez en fort mauvais état, mais encore plus dépité de ce qu′on ne lui eût pas laissé finir la bataille qu′il avait si bien engagée avec ce malandrin d′enchanteur. On fit apporter de l′huile d′aparicio< , et Altisidore lui posa elle-même, de ses blanches mains, des compresses sur tous les endroits blessés. En les appliquant, elle dit à voix basse : | -Todas estas malandanzas te suceden, empedernido caballero, por el pecado de tu dureza y pertinacia; y plega a Dios que se le olvide a Sancho tu escudero el azotarse, porque nunca salga de su encanto esta tan amada tuya Dulcinea, ni tú lo goces, ni llegues a tálamo con ella, a lo menos viviendo yo, que te adoro. | « Toutes ces mésaventures t′arrivent, impitoyable chevalier, pour punir le péché de ta dureté et de ton obstination. Plaise à Dieu que ton écuyer Sancho oublie de se fustiger, afin que jamais cette Dulcinée, de toi si chérie, ne sorte de son enchantement, et que tu ne partages point la couche nuptiale avec elle, du moins tant que je vivrai, moi qui t′adore. » | A todo esto no respondió don Quijote otra palabra si no fue dar un profundo suspiro, y luego se tendió en su lecho, agradeciendo a los duques la merced, no porque él tenía temor de aquella canalla gatesca, encantadora y cencerruna, sino porque había conocido la buena intención con que habían venido a socorrerle. Los duques le dejaron sosegar, y se fueron, pesarosos del mal suceso de la burla; que no creyeron que tan pesada y costosa le saliera a don Quijote aquella aventura, que le costó cinco días de encerramiento y de cama, donde le sucedió otra aventura más gustosa que la pasada, la cual no quiere su historiador contar ahora, por acudir a Sancho Panza, que andaba muy solícito y muy gracioso en su gobierno. | À tous ces propos passionnés, don Quichotte ne répondit pas un seul mot ; il poussa un profond soupir et s′étendit dans son lit, après avoir remercié le duc et la duchesse de leur bienveillance, non point, dit-il, que cette canaille de chats, d′enchanteurs et de sonnettes, lui fît la moindre peur, mais pour reconnaître la bonne intention qui les avait fait venir à son secours. Ses nobles hôtes le laissèrent reposer, et s′en allèrent fort chagrins du mauvais succès de la plaisanterie. Ils n′avaient pas cru que don Quichotte payerait si cher cette aventure, qui lui coûta cinq jours de retraite de lit, pendant lesquels il lui arriva une autre aventure, plus divertissante que celle-ci. Mais son historien ne veut pas la raconter à cette heure, désireux de retourner à Sancho Panza, qui se montrait fort diligent et fort gracieux dans son gouvernement.
| II. Capítulo XLVII. Donde se prosigue cómo se portaba Sancho Panza en su gobierno. | Chapitre XLVII Où l′on continue de raconter comment se conduisait Sancho dans son gouvernement Cuenta la historia que desde el juzgado llevaron a Sancho Panza a un suntuoso palacio, adonde en una gran sala estaba puesta una real y limpísima mesa; y, así como Sancho entró en la sala, sonaron chirimías, y salieron cuatro pajes a darle aguamanos, que Sancho recibió con mucha gravedad. | L′histoire raconte que, de la salle d′audience, on conduisit Sancho à un somptueux palais, où, dans une grande salle, était dressée une table élégamment servie. Dès que Sancho entra dans la salle du festin, les clairons sonnèrent, et quatre pages s′avancèrent pour lui verser de l′eau sur les mains ; cérémonie que Sancho laissa faire avec une parfaite gravité. | Cesó la música, sentóse Sancho a la cabecera de la mesa, porque no había más de aquel asiento, y no otro servicio en toda ella. Púsose a su lado en pie un personaje, que después mostró ser médico, con una varilla de ballena en la mano. Levantaron una riquísima y blanca toalla con que estaban cubiertas las frutas y mucha diversidad de platos de diversos manjares; uno que parecía estudiante echó la bendición, y un paje puso un babador randado a Sancho; otro que hacía el oficio de maestresala, llegó un plato de fruta delante; pero, apenas hubo comido un bocado, cuando el de la varilla tocando con ella en el plato, se le quitaron de delante con grandísima celeridad; pero el maestresala le llegó otro de otro manjar. Iba a probarle Sancho; pero, antes que llegase a él ni le gustase, ya la varilla había tocado en él, y un paje alzádole con tanta presteza como el de la fruta. Visto lo cual por Sancho, quedó suspenso, y, mirando a todos, preguntó si se había de comer aquella comida como juego de maesecoral. A lo cual respondió el de la vara. | La musique cessa, et Sancho s′assit au haut bout de la table, car il n′y avait pas d′autre siège ni d′autre couvert tout à l′entour. Alors vint se mettre debout à ses côtés un personnage qu′on reconnut ensuite pour médecin, tenant à la main une baguette de baleine ; puis on enleva une fine et blanche nappe qui couvrait les fruits et les mets de toutes sortes dont la table était chargée. Une espèce d′ecclésiastique donna la bénédiction, et un page tenait une bavette sous le menton de Sancho. Un autre page, qui faisait l′office de maître d′hôtel, lui présenta un plat de fruits. Mais à peine Sancho en eut-il mangé une bouchée, que l′homme à la baleine toucha le plat du bout de sa baguette, et on le desservit avec une célérité merveilleuse. Le maître d′hôtel approcha aussitôt un autre mets, que Sancho se mit en devoir de goûter ; mais, avant qu′il y eût porté, non les dents, mais seulement la main, déjà la baguette avait touché le plat, et un page l′avait emporté avec autant de promptitude que le plat de fruits. Quand Sancho vit cela, il resta immobile de surprise ; puis, regardant tous les assistants à la ronde, il demanda s′il fallait manger ce dîner comme au jeu de passe-passe. L′homme à la verge répondit : | -No se ha de comer, señor gobernador, sino como es uso y costumbre en las otras ínsulas donde hay gobernadores. Yo, señor, soy médico, y estoy asalariado en esta ínsula para serlo de los gobernadores della, y miro por su salud mucho más que por la mía, estudiando de noche y de día, y tanteando la complexión del gobernador, para acertar a curarle cuando cayere enfermo; y lo principal que hago es asistir a sus comidas y cenas, y a dejarle comer de lo que me parece que le conviene, y a quitarle lo que imagino que le ha de hacer daño y ser nocivo al estómago; y así, mandé quitar el plato de la fruta, por ser demasiadamente húmeda, y el plato del otro manjar también le mandé quitar, por ser demasiadamente caliente y tener muchas especies, que acrecientan la sed; y el que mucho bebe mata y consume el húmedo radical, donde consiste la vida. | « Il ne faut manger, seigneur gouverneur, que suivant l′usage et la coutume des autres îles où il y a des gouverneurs comme vous. Moi, seigneur, je suis médecin, gagé pour être celui des gouverneurs de cette île. Je m′occupe beaucoup plus de leur santé que de la mienne, travaillant nuit et jour, et étudiant la complexion du gouverneur pour réussir à le guérir, s′il vient à tomber malade. Ma principale occupation est d′assister à ses repas, pour le laisser manger ce qui me semble lui convenir, et lui défendre ce que j′imagine devoir être nuisible à son estomac< . Ainsi j′ai fait enlever le plat de fruits, parce que c′est une chose trop humide, et, quant à l′autre mets, je l′ai fait enlever aussi, parce que c′est une substance trop chaude, et qu′il y a beaucoup d′épices qui excitent la soif. Or, celui qui boit beaucoup détruit et consomme l′humide radical dans lequel consiste la vie. | -Desa manera, aquel plato de perdices que están allí asadas, y, a mi parecer, bien sazonadas, no me harán algún daño. | Â En ce cas, reprit Sancho, ce plat de perdrix rôties, et qui me semblent cuites fort à point, ne peut me faire aucun mal ? | A lo que el médico respondió: | Â Le seigneur gouverneur, répondit le médecin, | -Ésas no comerá el señor gobernador en tanto que yo tuviere vida. | ne mangera pas de ces perdrix tant que je serai vivant. | -Pues, ¿por qué? -dijo Sancho. | Â Et pourquoi ? demanda Sancho. | Y el médico respondió. | Â Pourquoi ? reprit le médecin ; | -Porque nuestro maestro Hipócrates, norte y luz de la medicina, en un aforismo suyo, dice: Omnis saturatio mala, perdices autem pessima. Quiere decir: "Toda hartazga es mala; pero la de las perdices, malísima". | parce que notre maître Hippocrate, boussole et lumière de la médecine, a dit dans un aphorisme : Omnis saturatio mala ; perdicis autem pessima< ; ce qui signifie. : « Toute indigestion est mauvaise ; mais celle de perdrix, très-mauvaise. » | -Si eso es así -dijo Sancho-, vea el señor doctor de cuantos manjares hay en esta mesa cuál me hará más provecho y cuál menos daño, y déjeme comer dél sin que me le apalee; porque, por vida del gobernador, y así Dios me le deje gozar, que me muero de hambre, y el negarme la comida, aunque le pese al señor doctor y él más me diga, antes será quitarme la vida que aumentármela. | Â S′il en est ainsi, dit Sancho, que le seigneur docteur voie un peu, parmi tous les mets qu′il y a sur cette table, quel est celui qui me fera le plus de bien, ou le moins de mal, et qu′il veuille bien m′en laisser manger à mon aise sans me le bâtonner, car, par la vie du gouverneur (Dieu veuille m′en laisser jouir !), je meurs de faim. Si l′on m′empêche de manger, quoi qu′en dise le seigneur docteur, et quelque regret qu′il en ait, ce sera plutôt m′ôter la vie que me la conserver. | -Vuestra merced tiene razón, señor gobernador -respondió el médico-; y así, es mi parecer que vuestra merced no coma de aquellos conejos guisados que allí están, porque es manjar peliagudo. De aquella ternera, si no fuera asada y en adobo, aún se pudiera probar, pero no hay para qué. | Â Votre Grâce a parfaitement raison, seigneur gouverneur, répondit le médecin. Aussi suis-je d′avis que Votre Grâce ne mange point de ces lapins fricassés que voilà, parce que c′est un mets de bête à poil< . Quant à cette pièce de veau, si elle n′était pas rôtie et mise en daube, on en pourrait goûter ; mais il ne faut pas y songer en cet état. » | Y Sancho dijo. | Sancho dit alors : | -Aquel platonazo que está más adelante vahando me parece que es olla podrida, que por la diversidad de cosas que en las tales ollas podridas hay, no podré dejar de topar con alguna que me sea de gusto y de provecho. | « Ce grand plat qui est là, plus loin, et d′où sort tant de fumée, il me semble que c′est une olla podrida< ; et dans ces ollas podridas, il y a tant de choses et de tant d′espèces, que je ne puis manquer d′en rencontrer quelqu′une qui me soit bonne au goût et à la santé. | -Absit! -dijo el médico-. Vaya lejos de nosotros tan mal pensamiento: no hay cosa en el mundo de peor mantenimiento que una olla podrida. Allá las ollas podridas para los canónigos, o para los retores de colegios, o para las bodas labradorescas, y déjennos libres las mesas de los gobernadores, donde ha de asistir todo primor y toda atildadura; y la razón es porque siempre y a doquiera y de quienquiera son más estimadas las medicinas simples que las compuestas, porque en las simples no se puede errar y en las compuestas sí, alterando la cantidad de las cosas de que son compuestas; mas lo que yo sé que ha de comer el señor gobernador ahora, para conservar su salud y corroborarla, es un ciento de cañutillos de suplicaciones y unas tajadicas subtiles de carne de membrillo, que le asienten el estómago y le ayuden a la digestión. | Â Absit ! s′écria le médecin ; loin de nous une semblable pensée ! Il n′y a rien au monde de pire digestion qu′une olla podrida. C′est bon pour les chanoines, pour les recteurs de collège, pour les noces de village ; mais qu′on en délivre les tables des gouverneurs, où doit régner toute délicatesse et toute ponctualité. La raison en est claire ; où que ce soit, et de qui que ce soit, les médecines simples sont toujours plus en estime que les médecines composées ; car dans les simples on ne peut se tromper ; mais dans les composées, cela est très-facile, en altérant la quantité des médicaments qui doivent y entrer. Ce que le seigneur gouverneur doit manger maintenant, s′il veut m′en croire, pour conserver et même pour corroborer sa santé, c′est un cent de fines oublies, et trois ou quatre lèches de coing, bien minces, qui, en lui fortifiant l′estomac, aideront singulièrement à la digestion. » | Oyendo esto Sancho, se arrimó sobre el espaldar de la silla y miró de hito en hito al tal médico, y con voz grave le preguntó cómo se llamaba y dónde había estudiado. A lo que él respondió. | Quand Sancho entendit cela, il se jeta en arrière sur le dossier de sa chaise, regarda fixement le médecin, et lui demanda d′un ton grave comment il s′appelait, et où il avait étudié. | -Yo, señor gobernador, me llamo el doctor Pedro Recio de Agüero, y soy natural de un lugar llamado Tirteafuera, que está entre Caracuel y Almodóvar del Campo, a la mano derecha, y tengo el grado de doctor por la universidad de Osuna. | « Moi, seigneur gouverneur, répondit le médecin, je m′appelle le docteur Pédro Récio de Aguéro< ; je suis natif d′un village appelé Tirtéafuéra<< , qui est entre Caracuel et Almodovar del Campo, à main droite, et j′ai reçu le grade de docteur à l′université d′Osuna. | A lo que respondió Sancho, todo encendido en cólera. | Â Eh bien ! s′écria Sancho tout enflammé de colère, | -Pues, señor doctor Pedro Recio de Mal Agüero, natural de Tirteafuera, lugar que está a la derecha mano como vamos de Caracuel a Almodóvar del Campo, graduado en Osuna, quíteseme luego delante, si no, voto al sol que tome un garrote y que a garrotazos, comenzando por él, no me ha de quedar médico en toda la ínsula, a lo menos de aquellos que yo entienda que son ignorantes; que a los médicos sabios, prudentes y discretos los pondré sobre mi cabeza y los honraré como a personas divinas. Y vuelvo a decir que se me vaya, Pedro Recio, de aquí; si no, tomaré esta silla donde estoy sentado y se la estrellaré en la cabeza; y pídanmelo en residencia, que yo me descargaré con decir que hice servicio a Dios en matar a un mal médico, verdugo de la república. Y denme de comer, o si no, tómense su gobierno, que oficio que no da de comer a su dueño no vale dos habas. | seigneur docteur Pédro Récio de mauvais augure, natif de Tirtéafuéra, village qui est à main droite quand on va de Caracuel à Almodovar del Campo, gradué par l′université d′Osuna, ôtez-vous de devant moi vite et vite, ou sinon, je jure par le soleil que je prends un gourdin, et qu′à coups de bâton, en commençant par vous, je ne laisse pas médecin dans l′île entière ; au moins de ceux que je reconnaîtrai bien pour des ignorants, car les médecins instruits, prudents et discrets, je les placerai sur ma tête, et les honorerai comme des hommes divins. Mais, je le répète, que Pédro Récio s′en aille vite d′ici ; sinon, j′empoigne cette chaise où je suis assis, et je la lui casse sur la tête. Qu′on m′en demande ensuite compte à la résidence< ; il suffira de dire, pour ma décharge, que j′ai rendu service à Dieu en assommant un méchant médecin, bourreau de la république. Et qu′on me donne à manger, ou qu′on reprenne le gouvernement, car un métier qui ne donne pas de quoi vivre à celui qui l′exerce ne vaut pas deux fèves. » | Alborotóse el doctor, viendo tan colérico al gobernador, y quiso hacer tirteafuera de la sala, sino que en aquel instante sonó una corneta de posta en la calle, y, asomándose el maestresala a la ventana, volvió diciendo. | Le docteur s′épouvanta en voyant le gouverneur si fort en colère, et voulut faire Tirtéafuéra de la salle ; mais, à ce même instant, on entendit sonner dans la rue un cornet de postillon. Le maître d′hôtel courut à la fenêtre, et dit en revenant : | -Correo viene del duque mi señor; algún despacho debe de traer de importancia. | « Voici venir un courrier du duc, monseigneur ; il apporte sans doute quelque dépêche importante. » | Entró el correo sudando y asustado, y, sacando un pliego del seno, le puso en las manos del gobernador, y Sancho le puso en las del mayordomo, a quien mandó leyese el sobreescrito, que decía así: A don Sancho Panza, gobernador de la ínsula Barataria, en su propia mano o en las de su secretario. Oyendo lo cual, Sancho dijo. | Le courrier entra, couvert de sueur et haletant de fatigue. Il tira de son sein un pli qu′il remit aux mains du gouverneur, et Sancho le passa à celles du majordome, en lui ordonnant de lire la suscription. Elle était ainsi conçue : À don Sancho Panza, gouverneur de l′île Barataria, pour lui remettre en mains propres ou en celles de son secrétaire. | -¿Quién es aquí mi secretario. | « Et qui est ici mon secrétaire ? » demanda aussitôt Sancho. | Y uno de los que presentes estaban respondió. | Alors un des assistants répondit : | -Yo, señor, porque sé leer y escribir, y soy vizcaíno. | « Moi, seigneur, car je sais lire et écrire, et je suis Biscayen. | -Con esa añadidura -dijo Sancho-, bien podéis ser secretario del mismo emperador. Abrid ese pliego, y mirad lo que dice. | Â Avec ce titre par-dessus le marché, reprit Sancho, vous pourriez être secrétaire de l′empereur lui-même.< Ouvrez ce pli, et voyez ce qu′il contient. » | Hízolo así el recién nacido secretario, y, habiendo leído lo que decía, dijo que era negocio para tratarle a solas. Mandó Sancho despejar la sala, y que no quedasen en ella sino el mayordomo y el maestresala, y los demás y el médico se fueron; y luego el secretario leyó la carta, que así decía. | Le secrétaire nouveau-né obéit, et, après avoir lu la dépêche, il dit que c′était une affaire qu′il fallait traiter en secret. Sancho ordonna de vider la salle et de n′y laisser que le majordome et le maître d′hôtel. Tous les autres s′en allèrent avec le médecin, et aussitôt le secrétaire lut la dépêche, qui s′exprimait ainsi : | A mi noticia ha llegado, señor don Sancho Panza, que unos enemigos míos y desa ínsula la han de dar un asalto furioso, no sé qué noche; conviene velar y estar alerta, porque no le tomen desapercebido. Sé también, por espías verdaderas, que han entrado en ese lugar cuatro personas disfrazadas para quitaros la vida, porque se temen de vuestro ingenio; abrid el ojo, y mirad quién llega a hablaros, y no comáis de cosa que os presentaren. Yo tendré cuidado de socorreros si os viéredes en trabajo, y en todo haréis como se espera de vuestro entendimiento. Deste lugar, a 16 de agosto, a las cuatro de la mañana. | « Il est arrivé à ma connaissance que certains ennemis de moi et de cette île que vous gouvernez doivent lui donner un furieux assaut, je ne sais quelle nuit. Ayez soin de veiller et de rester sur le qui-vive, afin de n′être pas pris au dépourvu. Je sais aussi, par des espions dignes de foi, que quatre personnes déguisées sont entrées dans votre ville pour vous ôter la vie, parce qu′on redoute singulièrement la pénétration de votre esprit. Ayez l′œil au guet, voyez bien qui s′approche pour vous parler, et ne mangez rien de ce qu′on vous présentera. J′aurai soin de vous porter secours si vous vous trouvez en péril ; mais vous agirez en toute chose comme on l′attend de votre intelligence. De ce pays, le 16 août, à quatre heures du matin. | Vuestro amigo, El Duque. | Votre ami, le duc. » | Quedó atónito Sancho, y mostraron quedarlo asimismo los circunstantes; y, volviéndose al mayordomo, le dijo. | Sancho demeura frappé de stupeur, et les assistants montrèrent un saisissement égal. Alors, se tournant vers le majordome, il lui dit : | -Lo que agora se ha de hacer, y ha de ser luego, es meter en un calabozo al doctor Recio; porque si alguno me ha de matar, ha de ser él, y de muerte adminícula y pésima, como es la de la hambre. | « Ce qu′il faut faire à présent, je veux dire tout de suite, c′est de mettre au fond d′un cul de basse fosse le docteur Récio ; car si quelqu′un doit me tuer, c′est lui, et de la mort la plus lente et la plus horrible, comme est celle de la faim. | -También -dijo el maestresala- me parece a mí que vuesa merced no coma de todo lo que está en esta mesa, porque lo han presentado unas monjas, y, como suele decirse, detrás de la cruz está el diablo. | Â Il me semble aussi, dit le maître d′hôtel, que Votre Grâce fera bien de ne pas manger de tout ce qui est sur cette table, car la plupart de ces friandises ont été offertes par des religieuses ; et, comme on a coutume de dire, derrière la croix se tient le diable. | -No lo niego -respondió Sancho-, y por ahora denme un pedazo de pan y obra de cuatro libras de uvas, que en ellas no podrá venir veneno; porque, en efecto, no puedo pasar sin comer, y si es que hemos de estar prontos para estas batallas que nos amenazan, menester será estar bien mantenidos, porque tripas llevan corazón, que no corazón tripas. Y vos, secretario, responded al duque mi señor y decidle que se cumplirá lo que manda como lo manda, sin faltar punto; y daréis de mi parte un besamanos a mi señora la duquesa, y que le suplico no se le olvide de enviar con un propio mi carta y mi lío a mi mujer Teresa Panza, que en ello recibiré mucha merced, y tendré cuidado de servirla con todo lo que mis fuerzas alcanzaren; y de camino podéis encajar un besamanos a mi señor don Quijote de la Mancha, porque vea que soy pan agradecido; y vos, como buen secretario y como buen vizcaíno, podéis añadir todo lo que quisiéredes y más viniere a cuento. Y álcense estos manteles, y denme a mí de comer, que yo me avendré con cuantas espías y matadores y encantadores vinieren sobre mí y sobre mi ínsula. | Â Je ne le nie pas, reprit Sancho. Quant à présent, qu′on me donne un bon morceau de pain, et quatre à cinq livres de raisin, où l′on ne peut avoir logé le poison ; car enfin je ne puis vivre sans manger. Et, si nous avons à nous tenir prêts pour ces batailles qui nous menacent, il faut être bien restauré, car ce sont les tripes qui portent le cœur, et non le cœur les tripes. Vous, secrétaire, répondez au duc mon seigneur, et dites-lui qu′on exécutera tout ce qu′il ordonne, sans qu′il y manque un point. Vous donnerez de ma part un baise-main à madame la duchesse, et vous ajouterez que je la supplie de ne pas oublier une chose, qui est d′envoyer par un exprès ma lettre et mon paquet à ma femme Thérèse Panza ; qu′en cela elle me fera grand′merci, et que j′aurai soin de la servir en tout ce que mes forces me permettront. Chemin faisant, vous pourrez enchâsser dans la lettre un baisemain à mon seigneur don Quichotte, pour qu′il voie que je suis, comme on dit, pain reconnaissant. Et vous, en bon secrétaire et en bon Biscayen, vous pourrez ajouter tout ce que vous voudrez et qui viendra bien à propos. Maintenant, qu′on lève cette nappe, et qu′on me donne à manger. Après cela, je me verrai le blanc des yeux avec autant d′espions, d′assassins et d′enchanteurs qu′il en viendra fondre sur moi et sur mon île. » | En esto entró un paje, y dijo. | En ce moment un page entra. | -Aquí está un labrador negociante que quiere hablar a Vuestra Señoría en un negocio, según él dice, de mucha importancia. | « Voici, dit-il, un laboureur commerçant qui veut parler à Votre Seigneurie d′une affaire, à ce qu′il dit, de haute importance. | -Estraño caso es éste -dijo Sancho- destos negociantes. ¿Es posible que sean tan necios, que no echen de ver que semejantes horas como éstas no son en las que han de venir a negociar? ¿Por ventura los que gobernamos, los que somos jueces, no somos hombres de carne y de hueso, y que es menester que nos dejen descansar el tiempo que la necesidad pide, sino que quieren que seamos hechos de piedra marmol? Por Dios y en mi conciencia que si me dura el gobierno (que no durará, según se me trasluce), que yo ponga en pretina a más de un negociante. Agora decid a ese buen hombre que entre; pero adviértase primero no sea alguno de los espías, o matador mío. | Â C′est une étrange chose que ces gens affairés ! s′écria Sancho. Est-il possible qu′ils soient assez bêtes pour ne pas s′apercevoir que ce n′est pas à ces heures-ci qu′ils devraient venir traiter de leurs affaires ? Est-ce que, par hasard, nous autres gouverneurs, nous autres juges, nous ne sommes pas des hommes de chair et d′os ? Ne faut-il pas qu′ils nous laissent reposer le temps qu′exige la nécessité, ou, sinon, veulent-ils que nous soyons fabriqués de marbre ? En mon âme et conscience, si le gouvernement me dure entre les mains (ce que je ne crois guère, à ce que j′entrevois), je mettrai à la raison plus d′un homme d′affaires. Pour aujourd′hui, dites à ce brave homme qu′il entre ; mais qu′on s′assure d′abord que ce n′est pas un des espions ou de mes assassins. | -No, señor -respondió el paje-, porque parece una alma de cántaro, y yo sé poco, o él es tan bueno como el buen pan. | Â Non, seigneur, répondit le page, car il a l′air d′une sainte nitouche, et je n′y entends pas grand′chose, ou il est bon comme le bon pain. | -No hay que temer -dijo el mayordomo-, que aquí estamos todos. | Â D′ailleurs, il n′y a rien à craindre, ajouta le majordome ; nous sommes tous ici. | -¿Sería posible -dijo Sancho-, maestresala, que agora que no está aquí el doctor Pedro Recio, que comiese yo alguna cosa de peso y de sustancia, aunque fuese un pedazo de pan y una cebolla. | Â Serait-il possible, maître d′hôtel, demanda Sancho, à présent que le docteur Pédro Récio s′en est allé, que je mangeasse quelque chose de pesant et de substantiel, ne fût-ce qu′un quartier de pain et un oignon ? | -Esta noche, a la cena, se satisfará la falta de la comida, y quedará Vuestra Señoría satisfecho y pagado -dijo el maestresala. | Â Cette nuit, au souper, répondit le maître d′hôtel, on réparera le défaut du dîner, et Votre Seigneurie sera pleinement payée et satisfaite. | -Dios lo haga -respondió Sancho. | Â Dieu le veuille ! » répliqua Sancho. | Y, en esto, entró el labrador, que era de muy buena presencia, y de mil leguas se le echaba de ver que era bueno y buena alma. Lo primero que dijo fue. | En ce moment entra le laboureur, que, sur sa mine, on reconnaissait à mille lieues pour une bonne âme et une bonne bête. La première chose qu′il fit fut de demander : | -¿Quién es aquí el señor gobernador. | « Qui est de vous tous le seigneur gouverneur ? | -¿Quién ha de ser -respondió el secretario-, sino el que está sentado en la silla. | Â Qui pourrait-ce être, répondit le secrétaire, sinon celui qui est assis dans le fauteuil ? | -Humíllome, pues, a su presencia -dijo el labrador. | Â Alors, je m′humilie en sa présence », reprit le laboureur. | Y, poniéndose de rodillas, le pidió la mano para besársela. Negósela Sancho, y mandó que se levantase y dijese lo que quisiese. Hízolo así el labrador, y luego dijo. | Et, se mettant à deux genoux, il lui demanda sa main pour la baiser. Sancho la lui refusa, le fit relever, et l′engagea à dire ce qu′il voulait. Le paysan obéit, et dit aussitôt : | -Yo, señor, soy labrador, natural de Miguel Turra, un lugar que está dos leguas de Ciudad Real. | « Moi, seigneur, je suis laboureur, natif de Miguel-Turra, un village qui est à deux lieues de Ciudad-Réal. | -¡Otro Tirteafuera tenemos! -dijo Sancho-. Decid, hermano, que lo que yo os sé decir es que sé muy bien a Miguel Turra, y que no está muy lejos de mi pueblo. | Â Allons, s′écria Sancho, nous avons un autre Tirtéafuéra ! Parlez, frère ; et tout ce que je puis vous dire, c′est que je connais fort bien Miguel-Turra, qui n′est pas loin de mon pays. | -Es, pues, el caso, señor -prosiguió el labrador-, que yo, por la misericordia de Dios, soy casado en paz y en haz de la Santa Iglesia Católica Romana; tengo dos hijos estudiantes que el menor estudia para bachiller y el mayor para licenciado; soy viudo, porque se murió mi mujer, o, por mejor decir, me la mató un mal médico, que la purgó estando preñada, y si Dios fuera servido que saliera a luz el parto, y fuera hijo, yo le pusiere a estudiar para doctor, porque no tuviera invidia a sus hermanos el bachiller y el licenciado. | Â Le cas est donc, seigneur, continua le paysan, que, par la miséricorde de Dieu, je suis marié en forme et en face de la sainte Église catholique romaine ; j′ai deux fils étudiants ; le cadet apprend pour être bachelier, l′aîné pour être licencié. Je suis veuf, parce que ma femme est morte, ou plutôt parce qu′un mauvais médecin me l′a tuée, en la purgeant lorsqu′elle était enceinte ; et si Dieu avait permis que le fruit vînt à terme, et que ce fût un fils, je l′aurais fait instruire pour être docteur, afin qu′il ne portât pas envie à ses frères le bachelier et le licencié. | -De modo -dijo Sancho- que si vuestra mujer no se hubiera muerto, o la hubieran muerto, vos no fuérades agora viudo. | Â De façon, interrompit Sancho, que, si votre femme n′était pas morte, ou si on ne l′avait pas fait mourir, vous ne seriez pas veuf à présent ? | -No, señor, en ninguna manera -respondió el labrador. | Â Non, seigneur, en aucune manière, répondit le laboureur. | -¡Medrados estamos! -replicó Sancho-. Adelante, hermano, que es hora de dormir más que de negociar. | Â Nous voilà bien avancés, reprit Sancho. En avant, frère, en avant ; il est plutôt l′heure de dormir que de traiter d′affaires. | -Digo, pues -dijo el labrador-, que este mi hijo que ha de ser bachiller se enamoró en el mesmo pueblo de una doncella llamada Clara Perlerina, hija de Andrés Perlerino, labrador riquísimo; y este nombre de Perlerines no les viene de abolengo ni otra alcurnia, sino porque todos los deste linaje son perláticos, y por mejorar el nombre los llaman Perlerines; aunque, si va decir la verdad, la doncella es como una perla oriental, y, mirada por el lado derecho, parece una flor del campo; por el izquierdo no tanto, porque le falta aquel ojo, que se le saltó de viruelas; y, aunque los hoyos del rostro son muchos y grandes, dicen los que la quieren bien que aquéllos no son hoyos, sino sepulturas donde se sepultan las almas de sus amantes. Es tan limpia que, por no ensuciar la cara, trae las narices, como dicen, arremangadas, que no parece sino que van huyendo de la boca; y, con todo esto, parece bien por estremo, porque tiene la boca grande, y, a no faltarle diez o doce dientes y muelas, pudiera pasar y echar raya entre las más bien formadas. De los labios no tengo qué decir, porque son tan sutiles y delicados que, si se usaran aspar labios, pudieran hacer dellos una madeja; pero, como tienen diferente color de la que en los labios se usa comúnmente, parecen milagrosos, porque son jaspeados de azul y verde y aberenjenado; y perdóneme el señor gobernador si por tan menudo voy pintando las partes de la que al fin al fin ha de ser mi hija, que la quiero bien y no me parece mal. | Â Je dis donc, continua le laboureur, que celui de mes fils qui doit être bachelier s′est amouraché, dans le pays même, d′une fille appelée Clara Perlerina, fille d′André Perlerino, très-riche laboureur. Et ce nom de Perlerins ne leur vient ni de généalogie, ni d′aucune terre, mais parce que tous les gens de cette famille sont culs-de-jatte< ; et, pour adoucir le nom, on les appelle Perlerins. Et pourtant, s′il faut dire la vérité, la jeune fille est comme une perle orientale. Regardée du côté droit, elle ressemble à une fleur des champs ; du côté gauche, elle n′est pas si bien, parce qu′il lui manque l′œil, qu′elle a perdu de la petite vérole. Et, bien que les marques et les fossettes qui lui restent sur le visage soient nombreuses et profondes, ceux qui l′aiment bien disent que ce ne sont pas des fossettes, mais des fosses où s′ensevelissent les âmes de ses amants. Elle est si propre que, pour ne pas se salir la figure, elle porte, comme on dit, le nez retroussé, si bien qu′on dirait qu′il se sauve de la bouche. Avec tout cela, elle paraît belle à ravir, car elle a la bouche grande, au point que, s′il ne lui manquait pas dix à douze dents du devant et du fond, cette bouche pourrait passer et outre-passer parmi les mieux formées. Des lèvres, je n′ai rien à dire, parce qu′elles sont si fines et si délicates que, si c′était la mode de dévider des lèvres, on en pourrait faire un écheveau. Mais, comme elles ont une tout autre couleur que celle qu′on voit ordinairement aux lèvres, elles semblent miraculeuses, car elles sont jaspées de bleu, de vert et de violet. Et que le seigneur gouverneur me pardonne si je lui fais avec tant de détails la peinture des qualités de celle qui doit à la fin des fins devenir ma fille ; c′est que je l′aime bien, et qu′elle ne me semble pas mal. | -Pintad lo que quisiéredes -dijo Sancho-, que yo me voy recreando en la pintura, y si hubiera comido, no hubiera mejor postre para mí que vuestro retrato. | Â Peignez tout ce qui vous fera plaisir, répondit Sancho, car la peinture me divertit, et, si j′avais dîné, il n′y aurait pas de meilleur dessert pour moi que votre portrait. | -Eso tengo yo por servir -respondió el labrador-, pero tiempo vendrá en que seamos, si ahora no somos. Y digo, señor, que si pudiera pintar su gentileza y la altura de su cuerpo, fuera cosa de admiración; pero no puede ser, a causa de que ella está agobiada y encogida, y tiene las rodillas con la boca, y, con todo eso, se echa bien de ver que si se pudiera levantar, diera con la cabeza en el techo; y ya ella hubiera dado la mano de esposa a mi bachiller, sino que no la puede estender, que está añudada; y, con todo, en las uñas largas y acanaladas se muestra su bondad y buena hechura. | Â C′est aussi ce qui me reste à faire pour vous servir, reprit le laboureur. Mais un temps viendra où nous serons quelque chose, si nous ne sommes rien à présent. Je dis donc, seigneur, que si je pouvais peindre la gentillesse et la hauteur de son corps, ce serait une chose à tomber d′admiration. Mais ce n′est pas possible, parce qu′elle est courbée et pliée en deux, si bien qu′elle a les genoux dans la bouche ; et pourtant il est facile de voir que, si elle pouvait se lever, elle toucherait le toit avec la tête. Elle aurait bien déjà donné la main à mon bachelier ; mais c′est qu′elle ne peut pas l′étendre, parce que cette main est nouée, et cependant on reconnaît aux ongles longs et cannelés la belle forme qu′elle aurait eue. | -Está bien -dijo Sancho-, y haced cuenta, hermano, que ya la habéis pintado de los pies a la cabeza. ¿Qué es lo que queréis ahora? Y venid al punto sin rodeos ni callejuelas, ni retazos ni añadiduras. | Â Voilà qui est bien, dit Sancho ; et supposez, frère, que vous l′ayez dépeinte des pieds à la tête, que voulez-vous maintenant ? Venez au fait sans détour ni ruelles, sans retaille ni allonge. | -Querría, señor -respondió el labrador-, que vuestra merced me hiciese merced de darme una carta de favor para mi consuegro, suplicándole sea servido de que este casamiento se haga, pues no somos desiguales en los bienes de fortuna, ni en los de la naturaleza; porque, para decir la verdad, señor gobernador, mi hijo es endemoniado, y no hay día que tres o cuatro veces no le atormenten los malignos espíritus; y de haber caído una vez en el fuego, tiene el rostro arrugado como pergamino, y los ojos algo llorosos y manantiales; pero tiene una condición de un ángel, y si no es que se aporrea y se da de puñadas él mesmo a sí mesmo, fuera un bendito. | Â Je voudrais, seigneur, répondit le paysan, que Votre Grâce me fît la grâce de me donner une lettre de recommandation pour le père de ma bru, en le suppliant de vouloir bien faire ce mariage au plus vite, parce que nous ne sommes inégaux ni dans les biens de la fortune, ni dans ceux de la nature. En effet, pour dire la vérité, seigneur gouverneur, mon fils est possédé du diable, et il n′y a pas de jour que les malins esprits ne le tourmentent trois ou quatre fois ; et de plus, pour être tombé un beau jour dans le feu, il a le visage ridé comme un vieux parchemin, avec les yeux un peu coulants et pleureurs. Mais aussi il a un caractère d′ange, et, si ce n′était qu′il se gourme et se rosse lui-même sur lui-même, ce serait un bienheureux. | -¿Queréis otra cosa, buen hombre? -replicó Sancho. | Â Voulez-vous encore autre chose, brave homme ? demanda Sancho. | -Otra cosa querría -dijo el labrador-, sino que no me atrevo a decirlo; pero vaya, que, en fin, no se me ha de podrir en el pecho, pegue o no pegue. Digo, señor, que querría que vuesa merced me diese trecientos o seiscientos ducados para ayuda a la dote de mi bachiller; digo para ayuda de poner su casa, porque, en fin, han de vivir por sí, sin estar sujetos a las impertinencias de los suegros. | Â Oui, je voudrais bien autre chose, reprit le laboureur ; seulement je n′ose pas le dire. Mais enfin vaille que vaille, il ne faut pas que ça me pourrisse dans l′estomac. Je dis donc, seigneur, que je voudrais que Votre Grâce me donnât trois cents ou bien six cents ducats pour grossir la dot de mon bachelier, je veux dire pour l′aider à se mettre en ménage ; car enfin, il faut bien que ces enfants aient de quoi vivre par eux-mêmes, sans être exposés aux impertinences des beaux-pères. | -Mirad si queréis otra cosa -dijo Sancho-, y no la dejéis de decir por empacho ni por vergüenza. | Â Voyez si vous voulez encore autre chose, dit Sancho, et ne vous privez pas de le dire, par honte ou par timidité. | -No, por cierto -respondió el labrador. | Â Non certainement, rien de plus », répondit le laboureur. | Y, apenas dijo esto, cuando, levantándose en pie el gobernador, asió de la silla en que estaba sentado y dijo. | Il avait à peine parlé que le gouverneur se leva tout debout, empoigna la chaise sur laquelle il était assis, et s′écria : | -¡Voto a tal, don patán rústico y mal mirado, que si no os apartáis y ascondéis luego de mi presencia, que con esta silla os rompa y abra la cabeza! Hideputa bellaco, pintor del mesmo demonio, ¿y a estas horas te vienes a pedirme seiscientos ducados?; y ¿dónde los tengo yo, hediondo?; y ¿por qué te los había de dar, aunque los tuviera, socarrón y mentecato? ; y ¿qué se me da a mí de Miguel Turra, ni de todo el linaje de los Perlerines? ¡Va de mí, digo; si no, por vida del duque mi señor, que haga lo que tengo dicho! Tú no debes de ser de Miguel Turra, sino algún socarrón que, para tentarme, te ha enviado aquí el infierno. Dime, desalmado, aún no ha día y medio que tengo el gobierno, y ¿ya quieres que tenga seiscientos ducados. | « Je jure Dieu, don pataud, manant et malappris, que, si vous ne vous sauvez et vous cachez de ma présence, je vous casse et vous ouvre la tête avec cette chaise. Maraud, maroufle, peintre du diable, c′est à ces heures-ci que tu viens me demander six cents ducats ? D′où les aurais-je, puant que tu es ? et pourquoi te les donnerais-je, si je les avais, sournois, imbécile ? Qu′est-ce que me font à moi Miguel-Turra et tout le lignage des Perlerins ? Va-t′en, dis-je, ou sinon, par la vie du duc mon seigneur, je fais ce que je t′ai dit. Tu ne dois pas être de Miguel-Turra, mais bien quelque rusé fourbe, et c′est pour me tenter que l′enfer t′envoie ici. Dis-moi, homme dénaturé, il n′y a pas encore un jour et demi que j′ai le gouvernement, et tu veux que j′aie déjà ramassé six cents ducats ! » | Hizo de señas el maestresala al labrador que se saliese de la sala, el cual lo hizo cabizbajo y, al parecer, temeroso de que el gobernador no ejecutase su cólera, que el bellacón supo hacer muy bien su oficio. | Le maître d′hôtel fit alors signe au laboureur de sortir de la salle, et l′autre s′en alla tête baissée, avec tout l′air d′avoir peur que le gouverneur n′exécutât sa menace, car le fripon avait parfaitement joué son rôle. | Pero dejemos con su cólera a Sancho, y ándese la paz en el corro, y volvamos a don Quijote, que le dejamos vendado el rostro y curado de las gatescas heridas, de las cuales no sanó en ocho días, en uno de los cuales le sucedió lo que Cide Hamete promete de contar con la puntualidad y verdad que suele contar las cosas desta historia, por mínimas que sean. | Mais laissons Sancho avec sa colère, et que la paix, comme on dit, revienne à la danse. Il faut retourner à don Quichotte, que nous avons laissé le visage couvert d′emplâtres, et soignant ses blessures de chat, dont il ne guérit pas en moins de huit jours, pendant l′un desquels il lui arriva ce que Cid Hamet promet de rapporter avec la ponctuelle véracité qu′il met à conter toutes les choses de cette histoire, quelque infiniment petites qu′elles puissent être.
| II. Capítulo XLVIII. De lo que le sucedió a don Quijote con doña Rodríguez, la dueña de la duquesa, con otros acontecimientos dignos de escritura y de memoria eterna. | Chapitre XLVIII De ce qui arriva à don Quichotte avec doña Rodriguez, la duègne de la duchesse, ainsi que d′autres événements dignes de mention écrite et de souvenir éternel Además estaba mohíno y malencólico el mal ferido don Quijote, vendado el rostro y señalado, no por la mano de Dios, sino por las uñas de un gato, desdichas anejas a la andante caballería. Seis días estuvo sin salir en público, en una noche de las cuales, estando despierto y desvelado, pensando en sus desgracias y en el perseguimiento de Altisidora, sintió que con una llave abrían la puerta de su aposento, y luego imaginó que la enamorada doncella venía para sobresaltar su honestidad y ponerle en condición de faltar a la fee que guardar debía a su señora Dulcinea del Toboso. | Triste et mélancolique languissait le blessé don Quichotte, avec la figure couverte de compresses, et marquée, non par la main de Dieu, mais par les griffes d′un chat ; disgrâces familières à la chevalerie errante. Il resta six jours entiers sans se montrer en public, et, pendant l′une des nuits, tandis qu′il était éveillé, pensant à ses malheurs et aux poursuites d′Altisidore, il entendit ouvrir avec une clef la porte de son appartement. Aussitôt il imagina que l′amoureuse damoiselle venait attenter à son honnêteté, et le mettre en passe de manquer à la foi qu′il devait garder à sa dame Dulcinée du Toboso. | -No -dijo creyendo a su imaginación, y esto, con voz que pudiera ser oída-; no ha de ser parte la mayor hermosura de la tierra para que yo deje de adorar la que tengo grabada y estampada en la mitad de mi corazón y en lo más escondido de mis entrañas, ora estés, señora mía, transformada en cebolluda labradora, ora en ninfa del dorado Tajo, tejiendo telas de oro y sirgo compuestas, ora te tenga Merlín, o Montesinos, donde ellos quisieren; que, adondequiera eres mía, y adoquiera he sido yo, y he de ser, tuyo. | « Non, s′écria-t-il, croyant à son idée, et cela d′une voix qui pouvait être entendue ; non, la plus ravissante beauté de la terre ne sera point capable de me faire cesser un instant d′adorer celle que je porte gravée dans le milieu de mon cœur et dans le plus profond de mes entrailles. Que tu sois, ô ma dame, transformée en paysanne à manger de l′oignon, ou bien en nymphe du Tage doré tissant des étoffes de soie et d′or ; que Merlin ou Montésinos te retiennent où il leur plaira ; en quelque part que tu sois, tu es à moi, comme, en quelque part que je sois, j′ai été, je suis et je serai toujours à toi. » | El acabar estas razones y el abrir de la puerta fue todo uno. Púsose en pie sobre la cama, envuelto de arriba abajo en una colcha de raso amarillo, una galocha en la cabeza, y el rostro y los bigotes vendados: el rostro, por los aruños; los bigotes, porque no se le desmayasen y cayesen; en el cual traje parecía la más extraordinaria fantasma que se pudiera pensar. | Achever ces propos et voir s′ouvrir la porte, ce fut l′affaire du même instant. Don Quichotte s′était levé tout debout sur son lit, enveloppé du haut en bas d′une courte-pointe de satin jaune, une barrette sur la tête, le visage bandé, pour cacher les égratignures, et les moustaches en papillotes, pour les tenir droites et fermes. Dans ce costume, il avait l′air du plus épouvantable fantôme qui se pût imaginer. | Clavó los ojos en la puerta, y, cuando esperaba ver entrar por ella a la rendida y lastimada Altisidora, vio entrar a una reverendísima dueña con unas tocas blancas repulgadas y luengas, tanto, que la cubrían y enmantaban desde los pies a la cabeza. Entre los dedos de la mano izquierda traía una media vela encendida, y con la derecha se hacía sombra, porque no le diese la luz en los ojos, a quien cubrían unos muy grandes antojos. Venía pisando quedito, y movía los pies blandamente. | Il cloua ses yeux sur la porte, et, quand il croyait voir paraître la tendre et soumise Altisidore, il vit entrer une vénérable duègne avec des voiles blancs à sa coiffe, si plissés et si longs, qu′ils la couvraient, comme un manteau, de la tête aux pieds. Dans les doigts de la main gauche, elle portait une bougie allumée, et de la main droite elle se faisait ombre pour que la lumière ne la frappât point dans les yeux, que cachaient d′ailleurs de vastes lunettes. Elle marchait à pas de loup et sur la pointe du pied. | Miróla don Quijote desde su atalaya, y cuando vio su adeliño y notó su silencio, pensó que alguna bruja o maga venía en aquel traje a hacer en él alguna mala fechuría, y comenzó a santiguarse con mucha priesa. Fuese llegando la visión, y, cuando llegó a la mitad del aposento, alzó los ojos y vio la priesa con que se estaba haciendo cruces don Quijote; y si él quedó medroso en ver tal figura, ella quedó espantada en ver la suya, porque, así como le vio tan alto y tan amarillo, con la colcha y con las vendas, que le desfiguraban, dio una gran voz, diciendo. | Don Quichotte la regarda du haut de sa tour d′observation< , et, quand il vit son accoutrement, quand il observa son silence, pensant que c′était quelque sorcière ou magicienne qui venait en ce costume lui jouer quelque méchant tour de son métier, il se mit à faire des signes de croix de toute la vitesse de son bras. La vision cependant s′approchait. Quand elle fut parvenue au milieu de la chambre, elle leva les yeux, et vit avec quelle hâte don Quichotte faisait des signes de croix. S′il s′était senti intimider en voyant une telle figure, elle fut épouvantée en voyant la sienne ; car elle n′eut pas plutôt aperçu ce corps si long et si jaune, avec la couverture et les compresses qui le défiguraient, que, jetant un grand cri : | -¡Jesús! ¿Qué es lo que veo. | « Jésus ! s′écria-t-elle, qu′est-ce que je vois là ? » | Y con el sobresalto se le cayó la vela de las manos; y, viéndose a escuras, volvió las espaldas para irse, y con el miedo tropezó en sus faldas y dio consigo una gran caída. Don Quijote, temeroso, comenzó a decir. | Dans son effroi, la bougie lui tomba des mains, et, se voyant dans les ténèbres, elle tourna le dos pour s′en aller ; mais la peur la fit s′embarrasser dans les pans de sa jupe, et elle tomba tout de son long sur le plancher. Don Quichotte, plus effrayé que jamais, se mit à dire : | -Conjúrote, fantasma, o lo que eres, que me digas quién eres, y que me digas qué es lo que de mí quieres. Si eres alma en pena, dímelo, que yo haré por ti todo cuanto mis fuerzas alcanzaren, porque soy católico cristiano y amigo de hacer bien a todo el mundo; que para esto tomé la orden de la caballería andante que profeso, cuyo ejercicio aun hasta hacer bien a las ánimas de purgatorio se estiende. | « Je t′adjure, ô fantôme, ou qui que tu sois, de me dire qui tu es, et ce que tu veux de moi. Si tu es une âme en peine, ne crains pas de me le dire ; je ferai pour toi tout ce que mes forces me permettront, car je suis chrétien catholique, et porté à rendre service à tout le monde ; et c′est pour cela que j′ai embrassé l′ordre de la chevalerie errante, dont la profession s′étend jusqu′à rendre service aux âmes du purgatoire. » | La brumada dueña, que oyó conjurarse, por su temor coligió el de don Quijote, y con voz afligida y baja le respondió. | La duègne, assommée du coup, s′entendant adjurer et conjurer, comprit par sa peur celle de don Quichotte, et lui répondit d′une voix basse et dolente : | -Señor don Quijote, si es que acaso vuestra merced es don Quijote, yo no soy fantasma, ni visión, ni alma de purgatorio, como vuestra merced debe de haber pensado, sino doña Rodríguez, la dueña de honor de mi señora la duquesa, que, con una necesidad de aquellas que vuestra merced suele remediar, a vuestra merced vengo. | « Seigneur don Quichotte (si, par hasard, Votre Grâce est bien don Quichotte), je ne suis ni fantôme, ni vision, ni âme du purgatoire, comme Votre Grâce doit l′avoir pensé, mais bien doña Rodriguez, la duègne d′honneur de madame la duchesse, et je viens recourir à Votre Grâce pour une des nécessités dont Votre Grâce a coutume de donner le remède. | -Dígame, señora doña Rodríguez -dijo don Quijote-: ¿por ventura viene vuestra merced a hacer alguna tercería? Porque le hago saber que no soy de provecho para nadie, merced a la sin par belleza de mi señora Dulcinea del Toboso. Digo, en fin, señora doña Rodríguez, que, como vuestra merced salve y deje a una parte todo recado amoroso, puede volver a encender su vela, y vuelva, y departiremos de todo lo que más mandare y más en gusto le viniere, salvando, como digo, todo incitativo melindre. |  Dites-moi, dame doña Rodriguez, interrompit don Quichotte, venez-vous, par hasard, faire ici quelque entremise d′amour ? je dois vous apprendre que je ne suis bon à rien pour personne, grâce à la beauté sans pareille de ma dame Dulcinée du Toboso. Je dis enfin, dame doña Rodriguez, que, pourvu que Votre Grâce laisse de côté tout message amoureux, vous pouvez aller rallumer votre bougie, et revenir ici ; nous causerons ensuite de tout ce qui pourra vous plaire et vous être agréable, sauf, comme je l′ai dit, toute insinuation et incitation. | -¿Yo recado de nadie, señor mío? -respondió la dueña-. Mal me conoce vuestra merced; sí, que aún no estoy en edad tan prolongada que me acoja a semejantes niñerías, pues, Dios loado, mi alma me tengo en las carnes, y todos mis dientes y muelas en la boca, amén de unos pocos que me han usurpado unos catarros, que en esta tierra de Aragón son tan ordinarios. Pero espéreme vuestra merced un poco; saldré a encender mi vela, y volveré en un instante a contar mis cuitas, como a remediador de todas las del mundo. |  Moi des messages de personne, mon bon seigneur ! répondit la duègne ; Votre Grâce me connaît bien mal. Oh ! je ne suis pas encore d′un âge si avancé qu′il ne me reste d′autre ressource que de semblables enfantillages ; car, Dieu soit loué ! j′ai mon âme dans mes chairs, et toutes mes dents du haut et du bas dans la bouche, hormis quelques-unes que m′ont emportées trois ou quatre catarrhes, de ceux qui sont si fréquents en ce pays d′Aragon. Mais que Votre Grâce m′accorde un instant, j′irai rallumer ma bougie, et je reviendrai sur-le-champ vous conter mes peines, comme au réparateur de toutes celles du monde entier. » | Y, sin esperar respuesta, se salió del aposento, donde quedó don Quijote sosegado y pensativo esperándola; pero luego le sobrevinieron mil pensamientos acerca de aquella nueva aventura, y parecíale ser mal hecho y peor pensado ponerse en peligro de romper a su señora la fee prometida, y decíase a sí mismo. | Sans attendre de réponse, la duègne sortit de l′appartement, où don Quichotte resta calme et rassuré en attendant son retour. Mais aussitôt mille pensées l′assaillirent au sujet de cette nouvelle aventure. Il lui semblait fort mal fait, et plus mal imaginé, de s′exposer au péril de violer la foi promise à sa dame ; et il se disait à lui-même : | -¿Quién sabe si el diablo, que es sutil y mañoso, querrá engañarme agora con una dueña, lo que no ha podido con emperatrices, reinas, duquesas, marquesas ni condesas? Que yo he oído decir muchas veces y a muchos discretos que, si él puede, antes os la dará roma que aguileña. Y ¿quién sabe si esta soledad, esta ocasión y este silencio despertará mis deseos que duermen, y harán que al cabo de mis años venga a caer donde nunca he tropezado? Y, en casos semejantes, mejor es huir que esperar la batalla. Pero yo no debo de estar en mi juicio, pues tales disparates digo y pienso; que no es posible que una dueña toquiblanca, larga y antojuna pueda mover ni levantar pensamiento lascivo en el más desalmado pecho del mundo. ¿Por ventura hay dueña en la tierra que tenga buenas carnes? ¿Por ventura hay dueña en el orbe que deje de ser impertinente, fruncida y melindrosa? ¡Afuera, pues, caterva dueñesca, inútil para ningún humano regalo! ¡Oh, cuán bien hacía aquella señora de quien se dice que tenía dos dueñas de bulto con sus antojos y almohadillas al cabo de su estrado, como que estaban labrando, y tanto le servían para la autoridad de la sala aquellas estatuas como las dueñas verdaderas! | « Qui sait si le diable, toujours artificieux et subtil, n′essayera point maintenant du moyen d′une duègne pour me faire donner dans le piège où n′ont pu m′attirer les impératrices, reines, duchesses, comtesses et marquises ? J′ai ouí¤ire bien des fois, et à bien des gens avisés, que, s′il le peut, il vous donnera la tentatrice plutôt camuse qu′à nez grec. Qui sait enfin si cette solitude, ce silence, cette occasion, ne réveilleront point mes désirs endormis, et ne me feront pas tomber, au bout de mes années, où je n′avais pas même trébuché jusqu′à cette heure ? En cas pareils, il vaut mieux fuir qu′accepter le combatÂ
Mais, en vérité, je dois avoir perdu l′esprit, puisque de telles extravagances me viennent à la bouche et à l′imagination. Non ; il est impossible qu′une duègne à lunettes et à longue coiffe blanche éveille une pensée lascive dans le cœur le plus dépravé du monde. Y a-t-il, par hasard, une duègne sur la terre qui ait la chair un peu ferme et rebondie ? y a-t-il, par hasard, une duègne dans l′univers entier qui manque d′être impertinente, grimacière et mijaurée ? Sors donc d′ici, troupe coiffée, inutile pour toute humaine récréation. Oh ! qu′elle faisait bien, cette dame de laquelle on raconte qu′elle avait aux deux bouts de son estrade deux duègnes en figure de cire, avec leurs lunettes et leurs coussinets, assises comme si elles eussent travaillé à l′aiguille ! Elles lui servaient, autant, pour la représentation et le décorum, que si ces deux statues eussent été des duègnes véritables. » | Y, diciendo esto, se arrojó del lecho, con intención de cerrar la puerta y no dejar entrar a la señora Rodríguez; mas, cuando la llegó a cerrar, ya la señora Rodríguez volvía, encendida una vela de cera blanca, y cuando ella vio a don Quijote de más cerca, envuelto en la colcha, con las vendas, galocha o becoquín, temió de nuevo, y, retirándose atrás como dos pasos, dijo. | En disant cela, il se jeta en bas du lit dans l′intention de fermer la porte, et de ne point laisser entrer la dame Rodriguez. Mais, au moment où il touchait la serrure, la dame Rodriguez revenait avec une bougie allumée. Quand elle vit de plus près don Quichotte, enveloppé dans la couverture jaune, avec ses compresses et sa barrette, elle eut peur de nouveau, et, faisant deux ou trois pas en arrière : | -¿Estamos seguras, señor caballero? Porque no tengo a muy honesta señal haberse vuesa merced levantado de su lecho. | « Sommes-nous en sûreté, dit-elle, seigneur chevalier ? car ce n′est pas à mes yeux un signe de grande continence que Votre Grâce ait quitté le lit. | -Eso mesmo es bien que yo pregunte, señora -respondió don Quijote-; y así, pregunto si estaré yo seguro de ser acometido y forzado. | Â Cette même question, madame, il est bon que je la fasse aussi, répondit don Quichotte. Je vous demande donc si je serai bien sûr de n′être ni assailli ni violenté. | -¿De quién o a quién pedís, señor caballero, esa seguridad? -respondió la dueña. | Â À qui ou de qui demandez-vous cette sûreté, seigneur chevalier ? reprit la duègne. | -A vos y de vos la pido -replicó don Quijote-, porque ni yo soy de mármol ni vos de bronce, ni ahora son las diez del día, sino media noche, y aun un poco más, según imagino, y en una estancia más cerrada y secreta que lo debió de ser la cueva donde el traidor y atrevido Eneas gozó a la hermosa y piadosa Dido. Pero dadme, señora, la mano, que yo no quiero otra seguridad mayor que la de mi continencia y recato, y la que ofrecen esas reverendísimas tocas. | Â À vous et de vous, répliqua don Quichotte, car je ne suis pas de marbre, ni vous de bronze, et il n′est pas maintenant dix heures du matin, mais minuit, et même un peu plus, à ce que j′imagine, et nous sommes dans une chambre plus close et plus secrète que ne dut être la grotte où le traître et audacieux Énée abusa de la belle et tendre Didon. Mais donnez-moi la main, madame ; je ne veux pas de plus grande sûreté que celle de ma continence et de ma retenue, appuyée sur celle qu′offrent ces coiffes vénérables. » | Y, diciendo esto, besó su derecha mano, y le asió de la suya, que ella le dio con las mesmas ceremonias. | En achevant ces mots, il lui baisa la main droite, et lui offrit la sienne, que la duègne accepta avec les mêmes cérémonies. | Aquí hace Cide Hamete un paréntesis, y dice que por Mahoma que diera, por ver ir a los dos así asidos y trabados desde la puerta al lecho, la mejor almalafa de dos que tenía. | En cet endroit, Cid Hamet fait une parenthèse et dit : « Par Mahomet ! je donnerais, pour voir ces deux personnages aller, ainsi embrassés, de la porte jusqu′au lit, la meilleure des deux pelisses que je possède. » | Entróse, en fin, don Quijote en su lecho, y quedóse doña Rodríguez sentada en una silla, algo desviada de la cama, no quitándose los antojos ni la vela. Don Quijote se acorrucó y se cubrió todo, no dejando más de el rostro descubierto; y, habiéndose los dos sosegado, el primero que rompió el silencio fue don Quijote, diciendo: | Enfin don Quichotte se remit dans ses draps, et doña Rodriguez s′assit sur une chaise un peu écartée du lit, sans déposer ni ses lunettes ni sa bougie. Don Quichotte se blottit et se cacha tout entier, ne laissant que son visage à découvert ; puis, quand ils se furent tous deux bien installés, le premier qui rompit le silence fut don Quichotte. | -Puede vuesa merced ahora, mi señora doña Rodríguez, descoserse y desbuchar todo aquello que tiene dentro de su cuitado corazón y lastimadas entrañas, que será de mí escuchada con castos oídos, y socorrida con piadosas obras. | « Maintenant, dit-il, dame doña Rodriguez. Votre Grâce peut découdre les lèvres, et épancher tout ce que renferment son cœur affligé et ses soucieuses entrailles ; vous serez, de ma part, écoutée avec de chastes oreilles, et secourue par de charitables œuvres. | -Así lo creo yo -respondió la dueña-, que de la gentil y agradable presencia de vuesa merced no se podía esperar sino tan cristiana respuesta. « Es, pues, el caso, señor don Quijote, que, aunque vuesa merced me vee sentada en esta silla y en la mitad del reino de Aragón, y en hábito de dueña aniquilada y asendereada, soy natural de las Asturias de Oviedo, y de linaje que atraviesan por él muchos de los mejores de aquella provincia; pero mi corta suerte y el descuido de mis padres, que empobrecieron antes de tiempo, sin saber cómo ni cómo no, me trujeron a la corte, a Madrid, donde por bien de paz y por escusar mayores desventuras, mis padres me acomodaron a servir de doncella de labor a una principal señora; y quiero hacer sabidor a vuesa merced que en hacer vainillas y labor blanca ninguna me ha echado el pie adelante en toda la vida. Mis padres me dejaron sirviendo y se volvieron a su tierra, y de allí a pocos años se debieron de ir al cielo, porque eran además buenos y católicos cristianos. Quedé huérfana, y atenida al miserable salario y a las angustiadas mercedes que a las tales criadas se suele dar en palacio; y, en este tiempo, sin que diese yo ocasión a ello, se enamoró de mi un escudero de casa, hombre ya en días, barbudo y apersonado, y, sobre todo, hidalgo como el rey, porque era montañés. No tratamos tan secretamente nuestros amores que no viniesen a noticia de mi señora, la cual, por escusar dimes y diretes, nos casó en paz y en haz de la Santa Madre Iglesia Católica Romana, de cuyo matrimonio nació una hija para rematar con mi ventura, si alguna tenía; no porque yo muriese del parto, que le tuve derecho y en sazón, sino porque desde allí a poco murió mi esposo de un cierto espanto que tuvo, que, a tener ahora lugar para contarle, yo sé que vuestra merced se admirara. | Â C′est bien ce que je crois, répondit la duègne ; car du gentil et tout aimable aspect de Votre Grâce, on ne pouvait espérer autre chose qu′une si chrétienne réponse. Or, le cas est, seigneur don Quichotte, que, bien que Votre Grâce me voie assise sur cette chaise, et au beau milieu du royaume d′Aragon, en costume de duègne usée, ridée et propre à rien, je suis pourtant native des Asturies d′Oviédo, et de race qu′ont traversée beaucoup des plus nobles familles de cette province. Mais ma mauvaise étoile, et la négligence de mes père et mère, qui se sont appauvris avant le temps, sans savoir comment ni pourquoi, m′amenèrent à Madrid, où, pour me faire un sort, et pour éviter de plus grands malheurs, mes parents me placèrent comme demoiselle de couture chez une dame de qualité ; et je veux que Votre Grâce sache qu′en fait de petits étuis et de fins ouvrages à l′aiguille, aucune femme ne m′a damé le pion en toute la vie. Mes parents me laissèrent au service, et s′en retournèrent à leur pays, d′où, peu d′années après, ils durent s′en aller au ciel, car ils étaient bons chrétiens catholiques. Je restai orpheline, réduite au misérable salaire et aux chétives faveurs qu′on fait dans le palais des grands à cette espèce de servante. Mais, dans ce temps, et sans que j′y donnasse la moindre occasion, voilà qu′un écuyer devint amoureux de moi. C′était un homme déjà fort avancé en âge, à grande barbe, à respectable aspect, et surtout gentilhomme autant que le roi, car il était montagnard< . Nos amours ne furent pas menés si secrètement qu′ils ne parvinssent à la connaissance de ma dame, laquelle, pour éviter les propos et les caquets, nous maria en forme et en face de la sainte Église catholique romaine. De ce mariage naquit une fille, pour combler ma disgrâce, non pas que je fusse morte en couche, car elle vint à bien et à terme ; mais parce qu′à peu de temps de là mon mari mourut d′une certaine peur qui lui fut faite, telle que, si j′avais le temps de la raconter aujourd′hui, je suis sûre que Votre Grâce en serait bien étonnée. » | Y, en esto, comenzó a llorar tiernamente, y dijo. | À ces mots, la duègne se mit à pleurer tendrement et dit : | -Perdóneme vuestra merced, señor don Quijote, que no va más en mi mano, porque todas las veces que me acuerdo de mi mal logrado se me arrasan los ojos de lágrimas. ¡Válame Dios, y con qué autoridad llevaba a mi señora a las ancas de una poderosa mula, negra como el mismo azabache! Que entonces no se usaban coches ni sillas, como agora dicen que se usan, y las señoras iban a las ancas de sus escuderos. Esto, a lo menos, no puedo dejar de contarlo, porque se note la crianza y puntualidad de mi buen marido. « Al entrar de la calle de Santiago, en Madrid, que es algo estrecha, venía a salir por ella un alcalde de corte con dos alguaciles delante, y, así como mi buen escudero le vio, volvió las riendas a la mula, dando señal de volver a acompañarle. Mi señora, que iba a las ancas, con voz baja le decía: ′′-¿Qué hacéis, desventurado? ¿No veis que voy aquí?′′ El alcalde, de comedido, detuvo la rienda al caballo y díjole: ′′-Seguid, señor, vuestro camino, que yo soy el que debo acompañar a mi señora doña Casilda′′, que así era el nombre de mi ama. Todavía porfiaba mi marido, con la gorra en la mano, a querer ir acompañando al alcalde, viendo lo cual mi señora, llena de cólera y enojo, sacó un alfiler gordo, o creo que un punzón, del estuche, y clavósele por los lomos, de manera que mi marido dio una gran voz y torció el cuerpo, de suerte que dio con su señora en el suelo. Acudieron dos lacayos suyos a levantarla, y lo mismo hizo el alcalde y los alguaciles; alborotóse la Puerta de Guadalajara, digo, la gente baldía que en ella estaba; vínose a pie mi ama, y mi marido acudió en casa de un barbero diciendo que llevaba pasadas de parte a parte las entrañas. Divulgóse la cortesía de mi esposo, tanto, que los muchachos le corrían por las calles, y por esto y porque él era algún tanto corto de vista, mi señora la duquesa le despidió, de cuyo pesar, sin duda alguna, tengo para mí que se le causó el mal de la muerte. Quedé yo viuda y desamparada, y con hija a cuestas, que iba creciendo en hermosura como la espuma de la mar. Finalmente, como yo tuviese fama de gran labrandera, mi señora la duquesa, que estaba recién casada con el duque mi señor, quiso traerme consigo a este reino de Aragón y a mi hija ni más ni menos, adonde, yendo días y viniendo días, creció mi hija, y con ella todo el donaire del mundo: canta como una calandria, danza como el pensamiento, baila como una perdida, lee y escribe como un maestro de escuela, y cuenta como un avariento. De su limpieza no digo nada: que el agua que corre no es más limpia, y debe de tener agora, si mal no me acuerdo, diez y seis años, cinco meses y tres días, uno más a menos. En resolución: de esta mi muchacha se enamoró un hijo de un labrador riquísimo que está en una aldea del duque mi señor, no muy lejos de aquí. En efecto, no sé cómo ni cómo no, ellos se juntaron, y, debajo de la palabra de ser su esposo, burló a mi hija, y no se la quiere cumplir; y, aunque el duque mi señor lo sabe, porque yo me he quejado a él, no una, sino muchas veces, y pedídole mande que el tal labrador se case con mi hija, hace orejas de mercader y apenas quiere oírme; y es la causa que, como el padre del burlador es tan rico y le presta dineros, y le sale por fiador de sus trampas por momentos, no le quiere descontentar ni dar pesadumbre en ningún modo. Querría, pues, señor mío, que vuesa merced tomase a cargo el deshacer este agravio, o ya por ruegos, o ya por armas, pues, según todo el mundo dice, vuesa merced nació en él para deshacerlos y para enderezar los tuertos y amparar los miserables; y póngasele a vuesa merced por delante la orfandad de mi hija, su gentileza, su mocedad, con todas las buenas partes que he dicho que tiene; que en Dios y en mi conciencia que de cuantas doncellas tiene mi señora, que no hay ninguna que llegue a la suela de su zapato, y que una que llaman Altisidora, que es la que tienen por más desenvuelta y gallarda, puesta en comparación de mi hija, no la llega con dos leguas. Porque quiero que sepa vuesa merced, señor mío, que no es todo oro lo que reluce; porque esta Altisidorilla tiene más de presunción que de hermosura, y más de desenvuelta que de recogida, además que no está muy sana: que tiene un cierto allento cansado, que no hay sufrir el estar junto a ella un momento. Y aun mi señora la duquesa... Quiero callar, que se suele decir que las paredes tienen oídos. | « Que Votre Grâce me pardonne, seigneur don Quichotte ; mais je ne puis rien y faire ; chaque fois que je me rappelle mon pauvre défunt, les larmes me viennent aux yeux. Sainte Vierge ! avec quelle solennité il conduisait ma dame sur la croupe d′une puissante mule, noire comme du jais ! car alors on ne connaissait ni carrosses, ni chaises à porteurs, comme à présent, et les dames allaient en croupe derrière leurs écuyers. Quant à cette histoire, je ne puis m′empêcher de la conter, pour que vous voyiez quelles étaient la politesse et la ponctualité de mon bon mari. Un jour, à Madrid, lorsqu′il entrait dans la rue de Santiago, qui est un peu étroite, un alcalde de cour venait d′en sortir, avec deux alguazils en avant. Dès que le bon écuyer l′aperçut, il fit tourner bride à la mule, faisant mine de revenir sur ses pas pour accompagner l′alcalde. Ma maîtresse, qui allait en croupe, lui dit à voix basse : « Que faites-vous, malheureux ? ne voyez-vous pas que je suis ici ? » L′alcalde, en homme courtois, retint la bride de son cheval, et dit : « Suivez votre chemin, seigneur, c′est moi qui dois accompagner madame doña Cassilda » (tel était le nom de ma maîtresse). Mon mari cependant, le bonnet à la main, s′opiniâtrait encore à vouloir suivre l′alcalde, Quand ma maîtresse vit cela, pleine de dépit et de colère, elle prit une grosse épingle, ou plutôt tira de son étui un poinçon, et le lui enfonça dans les reins. Mon mari jeta un grand cri, et se tordit le corps, de façon qu′il roula par terre avec sa maîtresse. Les deux laquais de la dame accoururent pour la relever, ainsi que l′alcalde et ses alguazils. Cela mit en confusion toute la porte de Guadalajara, je veux dire tous les désœuvrés qui s′y trouvaient. Ma maîtresse s′en revint à pied ; mon mari se réfugia dans la boutique d′un barbier, disant qu′il avait les entrailles traversées de part en part. Sa courtoisie se divulgua si bien, et fit un tel bruit, que les petits garçons couraient après lui dans les rues. Pour cette raison, et parce qu′il avait la vue un peu courte, ma maîtresse lui donna son congé, et le chagrin qu′il en ressentit lui causa, j′en suis sûre, la maladie dont il est mort. Je restai veuve, sans ressources, avec une fille sur les bras, qui chaque jour croissait en beauté comme l′écume de la mer. Finalement, comme j′avais la réputation de grande couturière, madame la duchesse, qui venait d′épouser le duc, mon seigneur, voulut m′emmener avec elle dans ce royaume d′Aragon, et ma fille aussi, ni plus ni moins. Depuis lors, les jours venant, ma fille a grandi ; et avec elle toutes les grâces du monde. Elle chante comme une alouette, danse comme la pensée, lit et écrit comme un maître d′école, et compte comme un usurier. Des soins qu′elle prend de sa personne, je n′ai rien à dire, car l′eau qui court n′est pas plus propre qu′elle ; et maintenant elle doit avoir, si je m′en souviens bien, seize ans, cinq mois et trois jours, un de plus ou de moins. Enfin, de cette mienne enfant s′amouracha le fils d′un laboureur très-riche, qui demeure dans un village du duc, mon seigneur, à peu de distance d′ici ; puis, je ne sais trop comment, ils trouvèrent moyen de se réunir ; et, lui donnant parole de l′épouser, le jeune homme a séduit ma fille. Maintenant il ne veut plus remplir sa promesse, et, quoique le duc, mon seigneur, sache toute l′affaire, car je me suis plainte à lui, non pas une, mais bien des fois, et que je l′aie prié d′obliger ce laboureur à épouser ma fille, il fait la sourde oreille, et veut à peine m′entendre. La raison en est que, comme le père du séducteur, étant fort riche, lui prête de l′argent, et se rend à tout moment caution de ses fredaines, il ne veut le mécontenter, ni lui faire de peine en aucune façon. Je voudrais donc, mon bon seigneur, que Votre Grâce se chargeât de défaire ce grief soit par la prière, soit par les armes ; car, à ce que dit tout le monde, Votre Grâce y est venue pour défaire les griefs, redresser les torts et prêter assistance aux misérables. Que Votre Grâce se mette bien devant les yeux l′abandon de ma fille, qui est orpheline, sa gentillesse, son jeune âge, et tous les talents que je vous ai dépeints. En mon âme et conscience, de toutes les femmes qu′a madame la duchesse, il n′y en a pas une qui aille à la semelle de son soulier ; car une certaine Altisidore, qui est celle qu′on tient pour la plus huppée et la plus égrillarde, mise en comparaison de ma fille, n′en approche pas d′une lieue. Il faut que Votre Grâce sache, mon seigneur, que tout ce qui reluit n′est pas or. Cette petite Altisidore a plus de présomption que de beauté, et plus d′effronterie que de retenue ; outre qu′elle n′est pas fort saine, car elle a dans l′haleine un certain goût d′échauffé, si fort, qu′on ne peut supporter d′être un seul instant auprès d′elle ; et même madame la duchesseÂ
Mais je veux me taire, car on dit que les murailles ont des oreilles. | -¿Qué tiene mi señora la duquesa, por vida mía, señora doña Rodríguez? -preguntó don Quijote. | Â Qu′a donc madame la duchesse, dame doña Rodriguez ? s′écria don Quichotte ; sur ma vie, expliquez-vous. | -Con ese conjuro -respondió la dueña-, no puedo dejar de responder a lo que se me pregunta con toda verdad. ¿Vee vuesa merced, señor don Quijote, la hermosura de mi señora la duquesa, aquella tez de rostro, que no parece sino de una espada acicalada y tersa, aquellas dos mejillas de leche y de carmín, que en la una tiene el sol y en la otra la luna, y aquella gallardía con que va pisando y aun despreciando el suelo, que no parece sino que va derramando salud donde pasa? Pues sepa vuesa merced que lo puede agradecer, primero, a Dios, y luego, a dos fuentes que tiene en las dos piernas, por donde se desagua todo el mal humor de quien dicen los médicos que está llena. | Â En m′adjurant ainsi, répondit la duègne, je ne puis manquer de répondre à ce qu′on me demande, en toute vérité. Vous voyez bien, seigneur don Quichotte, la beauté de madame la duchesse, ce teint du visage, brillant comme une épée fourbie et polie, ces deux joues de lis et de roses, dont l′une porte le soleil et l′autre la lune ? vous voyez bien cette fierté avec laquelle elle marche, foulant et méprisant le sol, si bien qu′on dirait qu′elle verse et répand la santé partout où elle passe ? Eh bien ! sachez qu′elle peut en rendre grâce, d′abord à Dieu, puis à deux fontaines< qu′elle a aux deux jambes, et par où s′écoulent toutes les mauvaises humeurs, dont les médecins disent qu′elle est remplie. | -¡Santa María! -dijo don Quijote-. Y ¿es posible que mi señora la duquesa tenga tales desaguaderos? No lo creyera si me lo dijeran frailes descalzos; pero, pues la señora doña Rodríguez lo dice, debe de ser así. Pero tales fuentes, y en tales lugares, no deben de manar humor, sino ámbar líquido. Verdaderamente que ahora acabo de creer que esto de hacerse fuentes debe de ser cosa importante para salud. | Â Sainte bonne Vierge ! s′écria don Quichotte, est-il possible que madame la duchesse ait de tels écoulements ? Je ne l′aurais pas cru, quand même des carmes déchaussés me l′eussent affirmé ; mais, puisque c′est dame doña Rodriguez qui le dit, il faut bien que ce soit vrai. Cependant de telles fontaines, et placées en de tels endroits, il ne doit pas couler des humeurs, mais de l′ambre liquide. En vérité, je finis par croire que cet usage de se faire des fontaines doit être une chose bien importante pour la santé. » | Apenas acabó don Quijote de decir esta razón, cuando con un gran golpe abrieron las puertas del aposento, y del sobresalto del golpe se le cayó a doña Rodríguez la vela de la mano, y quedó la estancia como boca de lobo, como suele decirse. Luego sintió la pobre dueña que la asían de la garganta con dos manos, tan fuertemente que no la dejaban gañir, y que otra persona, con mucha presteza, sin hablar palabra, le alzaba las faldas, y con una, al parecer, chinela, le comenzó a dar tantos azotes, que era una compasión; y, aunque don Quijote se la tenía, no se meneaba del lecho, y no sabía qué podía ser aquello, y estábase quedo y callando, y aun temiendo no viniese por él la tanda y tunda azotesca. Y no fue vano su temor, porque, en dejando molida a la dueña los callados verdugos (la cual no osaba quejarse), acudieron a don Quijote, y, desenvolviéndole de la sábana y de la colcha, le pellizcaron tan a menudo y tan reciamente, que no pudo dejar de defenderse a puñadas, y todo esto en silencio admirable. Duró la batalla casi media hora; saliéronse las fantasmas, recogió doña Rodríguez sus faldas, y, gimiendo su desgracia, se salió por la puerta afuera, sin decir palabra a don Quijote, el cual, doloroso y pellizcado, confuso y pensativo, se quedó solo, donde le dejaremos deseoso de saber quién había sido el perverso encantador que tal le había puesto. Pero ello se dirá a su tiempo, que Sancho Panza nos llama, y el buen concierto de la historia lo pide. | À peine don Quichotte achevait-il de dire ces derniers mots, que, d′un coup violent, on ouvrit les portes de sa chambre. Le saisissement fit tomber la bougie des mains de doña Rodriguez, et l′appartement resta, comme on dit, bouche de four. Bientôt la pauvre duègne sentit qu′on la prenait à deux mains par la gorge, si vigoureusement qu′on ne lui laissait pas pousser un cri ; puis, sans dire mot, une autre personne lui releva brusquement les jupes, et, avec quelque chose qui ressemblait à une pantoufle, commença à la fouetter si vertement que c′était une pitié. Don Quichotte, bien qu′il sentît s′éveiller la sienne, ne bougeait pas de son lit, ne sachant ce que ce pouvait être ; il se tenait coi, silencieux, et craignait même que la correction ne vînt jusqu′à lui. Sa peur ne fut pas vaine ; car, dès que les invisibles bourreaux eurent bien moulu la duègne, qui n′osait laisser échapper une plainte, ils s′approchèrent de don Quichotte, et, le déroulant d′entre les draps et les couvertures, ils le pincèrent si fort et si dru, qu′il ne put s′empêcher de se défendre à coups de poing ; et tout cela dans un admirable silence. La bataille dura presque une demi-heure ; les fantômes disparurent ; doña Rodriguez rajusta ses jupes, et, gémissant sur sa disgrâce, elle gagna la porte sans dire un mot à don Quichotte, lequel, pincé et meurtri, confus et pensif, resta seul en son lit, où nous le laisserons, dans le désir de savoir quel était le pervers enchanteur qui l′avait mis en cet état. Mais cela s′expliquera en son temps, car Sancho Panza nous appelle, et la symétrie de l′histoire exige que nous retournions à lui.
| II. Capítulo XLIX. De lo que le sucedió a Sancho Panza rondando su ínsula. | Chapitre XLIX Ce qui arriva à Sancho Panza faisant la ronde dans son île Dejamos al gran gobernador enojado y mohíno con el labrador pintor y socarrón, el cual, industriado del mayordomo, y el mayordomo del duque, se burlaban de Sancho; pero él se las tenía tiesas a todos, maguera tonto, bronco y rollizo, y dijo a los que con él estaban, y al doctor Pedro Recio, que, como se acabó el secreto de la carta del duque, había vuelto a entrar en la sala. | Nous avons laissé le grand gouverneur fort courroucé contre le laboureur peintre de caricatures, lequel, bien stylé par le majordome, ainsi que le majordome bien avisé par le duc, se moquaient de Sancho Panza. Mais celui-ci, tout sot qu′il était, leur tenait tête à tous, sans broncher d′un pas. Il dit à ceux qui l′entouraient, ainsi qu′au docteur Pédro Récio, qui était rentré dans la salle après la lecture secrète de la lettre du duc : | -Ahora verdaderamente que entiendo que los jueces y gobernadores deben de ser, o han de ser, de bronce, para no sentir las importunidades de los negociantes, que a todas horas y a todos tiempos quieren que los escuchen y despachen, atendiendo sólo a su negocio, venga lo que viniere; y si el pobre del juez no los escucha y despacha, o porque no puede o porque no es aquél el tiempo diputado para darles audiencia, luego les maldicen y murmuran, y les roen los huesos, y aun les deslindan los linajes. Negociante necio, negociante mentecato, no te apresures; espera sazón y coyuntura para negociar: no vengas a la hora del comer ni a la del dormir, que los jueces son de carne y de hueso y han de dar a la naturaleza lo que naturalmente les pide, si no es yo, que no le doy de comer a la mía, merced al señor doctor Pedro Recio Tirteafuera, que está delante, que quiere que muera de hambre, y afirma que esta muerte es vida, que así se la dé Dios a él y a todos los de su ralea: digo, a la de los malos médicos, que la de los buenos, palmas y lauros merecen. | « En vérité, je comprends à présent que les juges et les gouverneurs doivent être ou se faire de bronze, pour ne pas sentir les importunités des gens affairés, qui, à toute heure et à tout moment, veulent qu′on les écoute et qu′on les dépêche, ne faisant, quoi qu′il arrive, attention qu′à leur affaire. Et, si le pauvre juge ne les écoute et ne les dépêche aussitôt, soit qu′il ne le puisse point, soit que le temps ne soit pas venu de donner audience, ils le maudissent, le mordent, le déchirent, lui rongent les os, et même lui contestent ses quartiers de noblesse. Sot et ridicule commerçant, ne te presse pas ainsi ; attends l′époque et l′occasion de faire tes affaires ; ne viens pas à l′heure de manger, ni à celle de dormir, car les juges sont de chair et d′os ; ils doivent donner à la nature ce qu′elle exige d′eux naturellement, si ce n′est moi, pourtant, qui ne donne rien à manger à la mienne ; grâce au seigneur docteur Pédro Récio Tirtéafuéra, ici présent, qui veut que je meure de faim, et affirme que cette mort est la vie. Dieu la lui donne semblable, à lui et à tous ceux de sa race, je veux dire celle des méchants médecins, car celle des bons mérite des palmes de laurier. » | Todos los que conocían a Sancho Panza se admiraban, oyéndole hablar tan elegantemente, y no sabían a qué atribuirlo, sino a que los oficios y cargos graves, o adoban o entorpecen los entendimientos. Finalmente, el doctor Pedro Recio Agüero de Tirteafuera prometió de darle de cenar aquella noche, aunque excediese de todos los aforismos de Hipócrates. Con esto quedó contento el gobernador, y esperaba con grande ansia llegase la noche y la hora de cenar; y, aunque el tiempo, al parecer suyo, se estaba quedo, sin moverse de un lugar, todavía se llegó por él el tanto deseado, donde le dieron de cenar un salpicón de vaca con cebolla, y unas manos cocidas de ternera algo entrada en días. Entregóse en todo con más gusto que si le hubieran dado francolines de Milán, faisanes de Roma, ternera de Sorrento, perdices de Morón, o gansos de Lavajos; y, entre la cena, volviéndose al doctor, le dijo. | Tous ceux qui connaissaient Sancho Panza s′étonnaient de l′entendre parler avec tant d′élégance, et ne savaient à quoi attribuer ce changement, si ce n′est que les offices importants et graves ou réveillent ou engourdissent les intelligences. Finalement, le docteur Pédro Récio Agüero de Tirtéafuéra lui promit de le laisser souper ce soir-là, dût-il violer tous les aphorismes d′Hippocrate. Cette promesse remplit de joie le gouverneur, qui attendait avec une extrême impatience que la nuit vînt, et avec elle l′heure du souper. Et, quoique le temps lui semblât s′être arrêté, sans remuer de place, néanmoins le moment qu′il désirait avec tant d′ardeur arriva, et on lui donna pour souper un hachis froid de bœuf et d′oignons, avec les pieds d′un veau quelque peu avancé en âge. Il se jeta sur ces ragoûts avec plus de plaisir que si on lui eût servi des francolins de Milan, des faisans de Rome, du veau de Sorento, des perdrix de Moron ou des oies de Lavajos. Pendant le souper, il se tourna vers le docteur et lui dit : | -Mirad, señor doctor: de aquí adelante no os curéis de darme a comer cosas regaladas ni manjares esquisitos, porque será sacar a mi estómago de sus quicios, el cual está acostumbrado a cabra, a vaca, a tocino, a cecina, a nabos y a cebollas; y, si acaso le dan otros manjares de palacio, los recibe con melindre, y algunas veces con asco. Lo que el maestresala puede hacer es traerme estas que llaman ollas podridas, que mientras más podridas son, mejor huelen, y en ellas puede embaular y encerrar todo lo que él quisiere, como sea de comer, que yo se lo agradeceré y se lo pagaré algún día; y no se burle nadie conmigo, porque o somos o no somos: vivamos todos y comamos en buena paz compaña, pues, cuando Dios amanece, para todos amanece. Yo gobernaré esta ínsula sin perdonar derecho ni llevar cohecho, y todo el mundo traiga el ojo alerta y mire por el virote, porque les hago saber que el diablo está en Cantillana, y que, si me dan ocasión, han de ver maravillas. No, sino haceos miel, y comeros han moscas. | « Écoutez, seigneur docteur, ne prenez plus désormais la peine de me faire manger des choses succulentes, ni des mets exquis ; ce serait ôter de ses gonds mon estomac, qui est habitué à la chèvre, au mouton, au lard, au salé, aux navets et aux oignons. Si, par hasard, on lui donne des ragoûts de palais, il les reçoit en rechignant, et quelquefois avec dégoût. Ce que le maître d′hôtel peut faire de mieux, c′est de m′apporter de ces plats qu′on appelle pots-pourris< ; plus ils sont pourris, meilleur ils sentent, et il pourra y fourrer tout ce qu′il lui plaira, pourvu que ce soit chose à manger ; je lui en saurai un gré infini, et le lui payerai même quelque jour. Mais que personne ne se moque de moi ; car, enfin, ou nous sommes ou nous ne sommes pas. Vivons et mangeons tous en paix et en bonne compagnie, puisque, quand Dieu fait luire le soleil, c′est pour tout le monde. Je gouvernerai cette île sans rien prendre ni laisser prendre. Mais que chacun ait l′œil au guet et se tienne sur le qui-vive, car je lui fais savoir que le diable s′est mis dans la danse, et que, si l′on m′en donne occasion, l′on verra des merveilles ; sinon, faites-vous miel, et les mouches vous mangeront. | -Por cierto, señor gobernador -dijo el maestresala-, que vuesa merced tiene mucha razón en cuanto ha dicho, y que yo ofrezco en nombre de todos los insulanos desta ínsula que han de servir a vuestra merced con toda puntualidad, amor y benevolencia, porque el suave modo de gobernar que en estos principios vuesa merced ha dado no les da lugar de hacer ni de pensar cosa que en deservicio de vuesa merced redunde. | Â Assurément, seigneur gouverneur, dit le maître d′hôtel. Votre Grâce a parfaitement raison en tout ce qu′elle a dit, et je me rends caution pour tous les insulaires de cette île, qu′ils serviront Votre Grâce avec ponctualité, amour et bienveillance ; car la façon tout aimable de gouverner qu′a prise Votre Grâce dès son début ne leur permet point de rien faire ni de rien penser qui pût tourner à l′oubli de leurs devoirs envers Votre Grâce. | -Yo lo creo -respondió Sancho-, y serían ellos unos necios si otra cosa hiciesen o pensasen. Y vuelvo a decir que se tenga cuenta con mi sustento y con el de mi rucio, que es lo que en este negocio importa y hace más al caso; y, en siendo hora, vamos a rondar, que es mi intención limpiar esta ínsula de todo género de inmundicia y de gente vagamunda, holgazanes, y mal entretenida; porque quiero que sepáis, amigos, que la gente baldía y perezosa es en la república lo mesmo que los zánganos en las colmenas, que se comen la miel que las trabajadoras abejas hacen. Pienso favorecer a los labradores, guardar sus preeminencias a los hidalgos, premiar los virtuosos y, sobre todo, tener respeto a la religión y a la honra de los religiosos. ¿Qué os parece desto, amigos? ¿Digo algo, o quiébrome la cabeza. | Â Je le crois bien, répondit Sancho, et ce seraient des imbéciles s′ils faisaient ou pensaient autre chose. Je répète seulement qu′on ait soin de pourvoir à ma subsistance et à celle de mon grison ; c′est ce qui importe le plus à l′affaire, et vient le mieux à propos. Quand il en sera l′heure, nous irons faire la ronde, car mon intention est de nettoyer cette île de toute espèce d′immondices, de vagabonds, de fainéants et de gens mal occupés. Je veux que vous sachiez, mes amis, que les gens désœuvrés et paresseux sont dans la république la même chose que les frelons dans la ruche, qui mangent le miel fait par les laborieuses abeilles. Je pense favoriser les laboureurs, conserver aux hidalgos leurs privilèges, récompenser les hommes vertueux, et surtout porter respect à la religion et à l′homme religieux. Que vous en semble, amis ? Hein ! est-ce que je dis quelque chose, ou est-ce que je me casse la tête ? | -Dice tanto vuesa merced, señor gobernador -dijo el mayordomo-, que estoy admirado de ver que un hombre tan sin letras como vuesa merced, que, a lo que creo, no tiene ninguna, diga tales y tantas cosas llenas de sentencias y de avisos, tan fuera de todo aquello que del ingenio de vuesa merced esperaban los que nos enviaron y los que aquí venimos. Cada día se veen cosas nuevas en el mundo: las burlas se vuelven en veras y los burladores se hallan burlados. | Â Votre Grâce parle de telle sorte, seigneur gouverneur, dit le majordome, que je suis émerveillé de voir un homme aussi peu lettré que Votre Grâce, car je crois que vous ne l′êtes pas du tout, dire de telles choses, pleines de sentences et de maximes, si éloignées enfin de ce qu′attendaient de Votre Grâce ceux qui nous ont envoyés, et nous qui sommes venus ici. Chaque jour on voit des choses nouvelles dans le monde ; les plaisanteries se changent en réalités sérieuses, et les moqueurs se trouvent moqués. » | Llegó la noche, y cenó el gobernador, con licencia del señor doctor Recio. Aderezáronse de ronda; salió con el mayordomo, secretario y maestresala, y el coronista que tenía cuidado de poner en memoria sus hechos, y alguaciles y escribanos, tantos que podían formar un mediano escuadrón. Iba Sancho en medio, con su vara, que no había más que ver, y pocas calles andadas del lugar, sintieron ruido de cuchilladas; acudieron allá, y hallaron que eran dos solos hombres los que reñían, los cuales, viendo venir a la justicia, se estuvieron quedos; y el uno dellos dijo. | La nuit vint, et le gouverneur soupa, comme on l′a dit, avec la permission du docteur Récio. Chacun s′étant équipé pour la ronde, il sortit avec le majordome, le secrétaire, le maître d′hôtel, le chroniqueur chargé de mettre par écrit ses faits et gestes, et une telle foule d′alguazils et de gens de justice, qu′ils auraient pu former un médiocre escadron. Sancho marchait au milieu d′eux, sa verge à la main, et tout à fait beau à voir. Ils avaient à peine traversé quelques rues du pays, qu′ils entendirent un bruit d′épées. On accourut, et l′on trouva que c′étaient deux hommes seuls qui étaient aux prises ; lesquels, voyant venir la justice, s′arrêtèrent, et l′un d′eux s′écria : | -¡Aquí de Dios y del rey! ¿Cómo y que se ha de sufrir que roben en poblado en este pueblo, y que salga a saltear en él en la mitad de las calles. | « Au nom de Dieu et du roi, est-il possible de souffrir qu′on vole en pleine ville dans ce pays, et qu′on attaque dans les rues comme sur un grand chemin ? | -Sosegaos, hombre de bien -dijo Sancho-, y contadme qué es la causa desta pendencia, que yo soy el gobernador. | Â Calmez-vous, homme de bien, dit Sancho, et contez-moi la cause de votre querelle ; je suis le gouverneur. » | El otro contrario dijo. | L′adversaire dit alors : | -Señor gobernador, yo la diré con toda brevedad. Vuestra merced sabrá que este gentilhombre acaba de ganar ahora en esta casa de juego que está aquí frontero más de mil reales, y sabe Dios cómo; y, hallándome yo presente, juzgué más de una suerte dudosa en su favor, contra todo aquello que me dictaba la conciencia; alzóse con la ganancia, y, cuando esperaba que me había de dar algún escudo, por lo menos, de barato, como es uso y costumbre darle a los hombres principales como yo, que estamos asistentes para bien y mal pasar, y para apoyar sinrazones y evitar pendencias, él embolsó su dinero y se salió de la casa. Yo vine despechado tras él, y con buenas y corteses palabras le he pedido que me diese siquiera ocho reales, pues sabe que yo soy hombre honrado y que no tengo oficio ni beneficio, porque mis padres no me le enseñaron ni me le dejaron, y el socarrón, que no es más ladrón que Caco, ni más fullero que Andradilla, no quería darme más de cuatro reales; ¡porque vea vuestra merced, señor gobernador, qué poca vergüenza y qué poca conciencia! Pero a fee que, si vuesa merced no llegara, que yo le hiciera vomitar la ganancia, y que había de saber con cuántas entraba la romana. | « Seigneur gouverneur, je vous la dirai aussi brièvement que possible. Votre Grâce saura que ce gentilhomme vient à présent de gagner dans cette maison de jeu, qui est en face, plus de mille réaux, et Dieu sait comment. Et, comme j′étais présent, j′ai décidé plus d′un coup douteux en sa faveur, contre tout ce que me dictait la conscience. Il est parti avec son gain, et, quand j′attendais qu′il me donnerait pour le moins un écu de gratification, comme c′est l′usage et la coutume de la donner aux gens de qualité tels que moi< , qui formons galerie pour passer le temps bien ou mal, pour appuyer des injustices et prévenir des démêlés, il empocha son argent et sortit de la maison. Je courus, plein de dépit, à sa poursuite, et lui demandai d′une façon polie qu′il me donnât tout au moins huit réaux, car il sait bien que je suis un homme d′honneur, et que je n′ai ni métier ni rente, parce que mes parents ne m′ont ni appris l′un ni laissé l′autre. Mais le sournois, qui est plus voleur que Cacus, et plus filou qu′Andradilla, ne voulait pas me donner plus de quatre réaux. Voyez, seigneur gouverneur, quel peu de honte et quel peu de conscience ! Mais, par ma foi, si Votre Grâce ne fût arrivée, je lui aurais bien fait vomir son bénéfice, et il aurait appris à mettre le poids à la romaine. | -¿Qué decís vos a esto? -preguntó Sancho. | Â Que dites-vous à cela ? » demanda Sancho. | Y el otro respondió que era verdad cuanto su contrario decía, y no había querido darle más de cuatro reales porque se los daba muchas veces; y los que esperan barato han de ser comedidos y tomar con rostro alegre lo que les dieren, sin ponerse en cuentas con los gananciosos, si ya no supiesen de cierto que son fulleros y que lo que ganan es mal ganado; y que, para señal que él era hombre de bien y no ladrón, como decía, ninguna había mayor que el no haberle querido dar nada; que siempre los fulleros son tributarios de los mirones que los conocen. | L′autre répondit : « Tout ce qu′a dit mon adversaire est la vérité. Je n′ai pas voulu lui donner plus de quatre réaux, parce que je les lui donne bien souvent ; et ceux qui attendent la gratification des joueurs doivent être polis, et prendre gaiement ce qu′on leur donne, sans se mettre en compte avec les gagnants, à moins de savoir avec certitude que ce sont des filous, et que ce qu′ils gagnent est mal gagné. Mais, pour justifier que je suis un homme de bien, et non voleur, comme il le dit, il n′y a pas de meilleure preuve que de n′avoir rien voulu lui donner, car les filous sont toujours tributaires des gens de la galerie qui les connaissent. | -Así es -dijo el mayordomo-. Vea vuestra merced, señor gobernador, qué es lo que se ha de hacer destos hombres. | Â Cela est vrai, dit le majordome ; que Votre Grâce, seigneur gouverneur, décide ce qu′il faut faire de ces hommes. | -Lo que se ha de hacer es esto -respondió Sancho-: vos, ganancioso, bueno, o malo, o indiferente, dad luego a este vuestro acuchillador cien reales, y más, habéis de desembolsar treinta para los pobres de la cárcel; y vos, que no tenéis oficio ni beneficio y andáis de nones en esta ínsula, tomad luego esos cien reales, y mañana en todo el día salid desta ínsula desterrado por diez años, so pena, si lo quebrantáredes, los cumpláis en la otra vida, colgándoos yo de una picota, o, a lo menos, el verdugo por mi mandado; y ninguno me replique, que le asentaré la mano. | Â Ce qu′il faut en faire, répondit Sancho ; vous, gagnant bon ou mauvais, ou ni l′un ni l′autre, donnez sur-le-champ à votre assaillant cent réaux, et vous aurez de plus à en débourser trente pour les pauvres de la prison. Et vous, qui n′avez ni métier ni rente, et vivez les bras croisés dans cette île, prenez vite ces cent réaux, et demain, dans la journée, sortez de cette île, exilé pour dix années, sous peine, si vous rompez votre ban, de les achever dans l′autre vie ; car je vous accroche à la potence, ou du moins le bourreau par mon ordre. Et que personne ne réplique, ou gare à lui. » | Desembolsó el uno, recibió el otro, éste se salió de la ínsula, y aquél se fue a su casa, y el gobernador quedó diciendo. | L′un déboursa l′argent, l′autre l′empocha ; celui-ci quitta l′île, et celui-là s′en retourna chez lui. Le gouverneur dit alors : | -Ahora, yo podré poco, o quitaré estas casas de juego, que a mí se me trasluce que son muy perjudiciales. | « Ou je pourrai peu de chose, ou je supprimerai ces maisons de jeu, car j′imagine qu′elles causent un grand dommage. | -Ésta, a lo menos -dijo un escribano-, no la podrá vuesa merced quitar, porque la tiene un gran personaje, y más es sin comparación lo que él pierde al año que lo que saca de los naipes. Contra otros garitos de menor cantía podrá vuestra merced mostrar su poder, que son los que más daño hacen y más insolencias encubren; que en las casas de los caballeros principales y de los señores no se atreven los famosos fulleros a usar de sus tretas; y, pues el vicio del juego se ha vuelto en ejercicio común, mejor es que se juegue en casas principales que no en la de algún oficial, donde cogen a un desdichado de media noche abajo y le desuellan vivo. | Â Celle-ci du moins, dit un greffier. Votre Grâce ne pourra pas la supprimer, car elle est tenue par un grand personnage, qui, sans comparaison, perd plus d′argent chaque année qu′il n′en retire des cartes. C′est contre des tripots de moindre étage que Votre Grâce pourra montrer son pouvoir ; ceux-là font le plus de mal et cachent le plus d′infamies. Dans les maisons des gentilshommes et des grands seigneurs, les filous célèbres n′osent point user de leurs tours d′adresse. Et, puisque ce vice du jeu est devenu un exercice commun, il vaut mieux qu′on joue dans les maisons des gens de qualité que dans celle de quelque artisan, où l′on empoigne un malheureux de minuit au matin, pour l′écorcher tout vif.<< | -Agora, escribano -dijo Sancho-, yo sé que hay mucho que decir en eso. | Â Oh ! pour cela, greffier, reprit Sancho, je sais qu′il y a beaucoup à dire. » | Y, en esto, llegó un corchete que traía asido a un mozo, y dijo. | En ce moment arriva un archer de maréchaussée qui tenait un jeune homme au collet. | -Señor gobernador, este mancebo venía hacia nosotros, y, así como columbró la justicia, volvió las espaldas y comenzó a correr como un gamo, señal que debe de ser algún delincuente. Yo partí tras él, y, si no fuera porque tropezó y cayó, no le alcanzara jamás. | « Seigneur gouverneur, dit-il, ce garçon venait de notre côté ; mais, dès qu′il aperçut la justice, il tourna les talons et se mit à courir comme un daim, signe certain que c′est quelque délinquant. Je partis à sa poursuite, et s′il n′eût trébuché et tombé en courant, je ne l′aurais jamais rattrapé. | -¿Por qué huías, hombre? -preguntó Sancho. | Â Pourquoi fuyais-tu, jeune homme ? demanda Sancho. | A lo que el mozo respondió. | Â Seigneur, répondit le garçon, | -Señor, por escusar de responder a las muchas preguntas que las justicias hacen. | c′était pour éviter de répondre aux nombreuses questions que font les gens de justice. | -¿Qué oficio tienes. | Â Quel est ton métier ? | -Tejedor. | Â Tisserand. | -¿Y qué tejes. | Â Et qu′est-ce que tu tisses ? | -Hierros de lanzas, con licencia buena de vuestra merced. | Â Des fers de lance, avec la permission de Votre Grâce. | -¿Graciosico me sois? ¿De chocarrero os picáis? ¡Está bien! Y ¿adónde íbades ahora. | Â Ah ! ah ! vous faites le bouffon, vous plaisantez à ma barbe ! c′est fort bien. Mais où alliez-vous maintenant ? | -Señor, a tomar el aire. | Â Prendre l′air, seigneur. | -Y ¿adónde se toma el aire en esta ínsula. | Â Et où prend-on l′air dans cette île ? | -Adonde sopla. | Â Où il souffle. | -¡Bueno: respondéis muy a propósito! Discreto sois, mancebo; pero haced cuenta que yo soy el aire, y que os soplo en popa, y os encamino a la cárcel. ¡Asilde, hola, y llevadle, que yo haré que duerma allí sin aire esta noche. | Â Bon, vous répondez à merveille ; vous avez de l′esprit, jeune homme. Eh bien ! imaginez-vous que je suis l′air, que je vous souffle en poupe, et que je vous pousse à la prison ? Holà ! qu′on le saisisse, qu′on l′emmène ; je le ferai dormir là cette nuit et sans air.< | -¡Par Dios -dijo el mozo-, así me haga vuestra merced dormir en la cárcel como hacerme rey. | Â Pardieu, reprit le jeune homme. Votre Grâce me fera dormir dans la prison tout comme elle me fera roi. | -Pues, ¿por qué no te haré yo dormir en la cárcel? -respondió Sancho-. ¿No tengo yo poder para prenderte y soltarte cada y cuando que quisiere. | Â Et pourquoi ne te ferais-je pas dormir dans la prison ? demanda Sancho ; est-ce que je n′ai pas le pouvoir de te prendre et de te lâcher autant de fois qu′il me plaira ? | -Por más poder que vuestra merced tenga -dijo el mozo-, no será bastante para hacerme dormir en la cárcel. | Â Quel que soit le pouvoir qu′ait Votre Grâce, dit le jeune homme, il ne sera pas suffisant pour me faire dormir dans la prison. | -¿Cómo que no? -replicó Sancho-. Llevalde luego donde verá por sus ojos el desengaño, aunque más el alcaide quiera usar con él de su interesal liberalidad; que yo le pondré pena de dos mil ducados si te deja salir un paso de la cárcel. | Â Comment non ? répliqua Sancho ; emmenez-le vite, et qu′il se détrompe par ses propres yeux, quelque envie qu′ait le geôlier d′user avec lui de sa libéralité intéressée. Je lui ferai payer deux mille ducats d′amende, s′il te laisse faire un pas hors de la prison. | -Todo eso es cosa de risa -respondió el mozo-. El caso es que no me harán dormir en la cárcel cuantos hoy viven. | Â Tout cela est pour rire, reprit le jeune homme, et je défie tous les habitants de la terre de me faire dormir en prison. | -Dime, demonio -dijo Sancho-, ¿tienes algún ángel que te saque y que te quite los grillos que te pienso mandar echar. | Â Dis-moi, démon, s′écria Sancho, as-tu quelque ange à ton service pour te tirer de là, et pour t′ôter les menottes que je pense te faire mettre ? | -Ahora, señor gobernador -respondió el mozo con muy buen donaire-, estemos a razón y vengamos al punto. Prosuponga vuestra merced que me manda llevar a la cárcel, y que en ella me echan grillos y cadenas, y que me meten en un calabozo, y se le ponen al alcaide graves penas si me deja salir, y que él lo cumple como se le manda; con todo esto, si yo no quiero dormir, y estarme despierto toda la noche, sin pegar pestaña, ¿será vuestra merced bastante con todo su poder para hacerme dormir, si yo no quiero. | Â Maintenant, seigneur gouverneur, répondit le jeune homme d′un air dégagé, soyons raisonnables et venons au fait. Supposons que Votre Grâce m′envoie en prison, qu′on m′y mette des fers et des chaînes, qu′on me jette dans un cachot, que vous imposiez des peines sévères au geôlier s′il me laisse sortir et qu′il se soumette à vos ordres ; avec tout cela, si je ne veux pas dormir, si je veux rester éveillé toute la nuit sans fermer l′œil, Votre Grâce pourra-t-elle, avec tout son pouvoir, me faire dormir contre mon gré ? | -No, por cierto -dijo el secretario-, y el hombre ha salido con su intención. | Â Non, certes, s′écria le secrétaire, et l′homme s′en est tiré à son honneur. | -De modo -dijo Sancho- que no dejaréis de dormir por otra cosa que por vuestra voluntad, y no por contravenir a la mía. | Â De façon, reprit Sancho, que, si vous restez sans dormir, ce sera pour faire votre volonté et non pour contrevenir à la mienne ? | -No, señor -dijo el mozo-, ni por pienso. | Â Oh ! non, seigneur, répondit le jeune homme ; je n′en ai pas même la pensée. | -Pues andad con Dios -dijo Sancho-; idos a dormir a vuestra casa, y Dios os dé buen sueño, que yo no quiero quitárosle; pero aconséjoos que de aquí adelante no os burléis con la justicia, porque toparéis con alguna que os dé con la burla en los cascos. | Â Eh bien ! allez avec Dieu, continua Sancho ; retournez dormir chez vous, et que Dieu vous donne bon sommeil, car je ne veux pas vous l′ôter. Mais je vous conseille de ne plus vous jouer désormais avec la justice, car vous pourriez un beau jour en rencontrer quelqu′une qui vous donnerait sur les oreilles. » | Fuese el mozo, y el gobernador prosiguió con su ronda, y de allí a poco vinieron dos corchetes que traían a un hombre asido, y dijeron: | Le jeune homme s′en fut, et le gouverneur continua sa ronde. À quelques pas de là, deux archers arrivèrent, tenant un homme par les bras : | -Señor gobernador, este que parece hombre no lo es, sino mujer, y no fea, que viene vestida en hábito de hombre. | « Seigneur gouverneur, dirent-ils, cette personne, qui paraît un homme, n′en est pas un ; c′est une femme, et non laide, vraiment, qui s′est habillée en homme. » | Llegáronle a los ojos dos o tres lanternas, a cuyas luces descubrieron un rostro de una mujer, al parecer, de diez y seis o pocos más años, recogidos los cabellos con una redecilla de oro y seda verde, hermosa como mil perlas. Miráronla de arriba abajo, y vieron que venía con unas medias de seda encarnada, con ligas de tafetán blanco y rapacejos de oro y aljófar; los greguescos eran verdes, de tela de oro, y una saltaembarca o ropilla de lo mesmo, suelta, debajo de la cual traía un jubón de tela finísima de oro y blanco, y los zapatos eran blancos y de hombre. No traía espada ceñida, sino una riquísima daga, y en los dedos, muchos y muy buenos anillos. Finalmente, la moza parecía bien a todos, y ninguno la conoció de cuantos la vieron, y los naturales del lugar dijeron que no podían pensar quién fuese, y los consabidores de las burlas que se habían de hacer a Sancho fueron los que más se admiraron, porque aquel suceso y hallazgo no venía ordenado por ellos; y así, estaban dudosos, esperando en qué pararía el caso. | On lui mit aussitôt devant les yeux deux ou trois lanternes, à la lumière desquelles on découvrit le visage d′une jeune fille d′environ seize ou dix-sept ans, les cheveux retenus dans une résille d′or et de soie verte, et belle comme mille perles d′Orient. On l′examina du haut en bas, et l′on vit qu′elle portait des bas de soie rouge avec des jarretières de taffetas blanc et des franges d′or et de menues perles. Ses chausses étaient vertes et de brocart d′or, et, sous un saute-en-barque ou veste ouverte en même étoffe, elle portait un pourpoint de fin tissu blanc et or. Ses souliers étaient blancs, et dans la forme de ceux des hommes ; elle n′avait pas d′épée à sa ceinture, mais une riche dague, et dans les doigts un grand nombre de brillants anneaux. Finalement, la jeune fille parut bien à tout le monde ; mais aucun de ceux qui la regardaient ne put la reconnaître. Les gens du pays dirent qu′ils ne pouvaient deviner qui ce pouvait être ; et ceux qui étaient dans le secret des tours qu′il fallait jouer à Sancho furent les plus étonnés, car cet événement imprévu n′avait pas été préparé par eux. Ils étaient tous en suspens, attendant comment finirait cette aventure. | Sancho quedó pasmado de la hermosura de la moza, y preguntóle quién era, adónde iba y qué ocasión le había movido para vestirse en aquel hábito. Ella, puestos los ojos en tierra con honestísima vergüenza, respondió. | Sancho, tout émerveillé des attraits de la jeune fille, lui demanda qui elle était, où elle allait, et quelle raison lui avait fait prendre ces habits. Elle répondit, les yeux fixés à terre et rougissant de honte : | -No puedo, señor, decir tan en público lo que tanto me importaba fuera secreto; una cosa quiero que se entienda: que no soy ladrón ni persona facinorosa, sino una doncella desdichada a quien la fuerza de unos celos ha hecho romper el decoro que a la honestidad se debe. | « Je ne puis, seigneur, dire si publiquement ce qu′il m′importait tant de tenir secret. La seule chose que je veuille faire comprendre, c′est que je ne suis pas un voleur, ni un malfaiteur d′aucune espèce, mais une jeune fille infortunée, à qui la violence de la jalousie a fait oublier le respect qu′on doit à l′honnêteté. » | Oyendo esto el mayordomo, dijo a Sancho. | Quand il entendit cette réponse, le majordome dit à Sancho : | -Haga, señor gobernador, apartar la gente, porque esta señora con menos empacho pueda decir lo que quisiere. | « Seigneur gouverneur, faites éloigner les gens qui nous entourent, pour que cette dame puisse avec moins de contrainte dire ce qui lui plaira. » | Mandólo así el gobernador; apartáronse todos, si no fueron el mayordomo, maestresala y el secretario. Viéndose, pues, solos, la doncella prosiguió diciendo. | Le gouverneur en donna l′ordre et tout le monde s′éloigna, à l′exception du majordome, du maître d′hôtel et du secrétaire. Quand elle les vit seuls autour d′elle, la jeune fille continua de la sorte : | -« Yo, señores, soy hija de Pedro Pérez Mazorca, arrendador de las lanas deste lugar, el cual suele muchas veces ir en casa de mi padre. | « Je suis, seigneur, fille de Pédro Pérez Mazorca, fermier des laines de ce pays, lequel a l′habitude de venir souvent chez mon père. | -Eso no lleva camino -dijo el mayordomo-, señora, porque yo conozco muy bien a Pedro Pérez y sé que no tiene hijo ninguno, ni varón ni hembra; y más, que decís que es vuestro padre, y luego añadís que suele ir muchas veces en casa de vuestro padre. | Â Cela n′a pas de sens, madame, dit le majordome, car je connais fort bien Pédro Pérez, et je sais qu′il n′a aucun enfant, ni fils, ni fille. D′ailleurs, il est votre père, dites-vous ; puis vous ajoutez qu′il a l′habitude d′aller souvent chez votre père. | -Ya yo había dado en ello -dijo Sancho. | Â C′est ce que j′avais déjà remarqué, dit Sancho. | -Ahora, señores, yo estoy turbada, y no sé lo que me digo -respondió la doncella-; pero la verdad es que yo soy hija de Diego de la Llana, que todos vuesas mercedes deben de conocer. | Â En ce moment, seigneur, reprit la jeune fille, je suis toute troublée, et ne sais ce que je dis. Mais la vérité est que je suis fille de Diégo de la Llana, que toutes Vos Grâces doivent connaître. | -Aún eso lleva camino -respondió el mayordomo-, que yo conozco a Diego de la Llana, y sé que es un hidalgo principal y rico, y que tiene un hijo y una hija, y que después que enviudó no ha habido nadie en todo este lugar que pueda decir que ha visto el rostro de su hija; que la tiene tan encerrada que no da lugar al sol que la vea; y, con todo esto, la fama dice que es en estremo hermosa. | Â Au moins ceci a du sens, répondit le majordome, car je connais Diégo de la Llana ; je sais que c′est un hidalgo noble et riche, qui a un fils et une fille, et que, depuis qu′il a perdu sa femme, il n′y a personne en tout le pays qui puisse dire avoir vu le visage de sa fille ; car il la tient si renfermée qu′il ne permet pas seulement au soleil de la voir, et cependant la renommée dit qu′elle est extrêmement belle. | -Así es la verdad -respondió la doncella-, y esa hija soy yo; si la fama miente o no en mi hermosura ya os habréis, señores, desengañado, pues me habéis visto. | Â C′est bien la vérité, reprit la jeune personne, et cette fille, c′est moi. Si la renommée ment ou ne ment pas sur ma beauté, vous en pouvez juger, seigneurs, puisque vous m′avez vue. » | Y, en esto, comenzó a llorar tiernamente; viendo lo cual el secretario, se llegó al oído del maestresala y le dijo muy paso. | En disant cela, elle se mit à fondre en larmes. Alors le secrétaire, s′approchant de l′oreille du maître d′hôtel, lui dit tout bas : | -Sin duda alguna que a esta pobre doncella le debe de haber sucedido algo de importancia, pues en tal traje, y a tales horas, y siendo tan principal, anda fuera de su casa. | « Sans aucun doute, il doit être arrivé quelque chose d′important à cette pauvre jeune fille, puisqu′en de tels habits, à telle heure, et bien née comme elle l′est, elle court hors de sa maison. | -No hay dudar en eso -respondió el maestresala-; y más, que esa sospecha la confirman sus lágrimas. | Â L′on n′en saurait douter, répondit le maître d′hôtel, d′autant plus que ses larmes confirment notre soupçon. » | Sancho la consoló con las mejores razones que él supo, y le pidió que sin temor alguno les dijese lo que le había sucedido; que todos procurarían remediarlo con muchas veras y por todas las vías posibles. | Sancho la consola par les meilleurs propos qu′il put trouver, et la pria de lui dire sans nulle crainte ce qui lui était arrivé, lui promettant qu′ils s′efforceraient tous d′y porter remède de grand cœur, et par tous les moyens possibles. | -« Es el caso, señores -respondió ella-, que mi padre me ha tenido encerrada diez años ha, que son los mismos que a mi madre come la tierra. En casa dicen misa en un rico oratorio, y yo en todo este tiempo no he visto que el sol del cielo de día, y la luna y las estrellas de noche, ni sé qué son calles, plazas, ni templos, ni aun hombres, fuera de mi padre y de un hermano mío, y de Pedro Pérez el arrendador, que, por entrar de ordinario en mi casa, se me antojó decir que era mi padre, por no declarar el mío. Este encerramiento y este negarme el salir de casa, siquiera a la iglesia, ha muchos días y meses que me trae muy desconsolada; quisiera yo ver el mundo, o, a lo menos, el pueblo donde nací, pareciéndome que este deseo no iba contra el buen decoro que las doncellas principales deben guardar a sí mesmas. Cuando oía decir que corrían toros y jugaban cañas, y se representaban comedias, preguntaba a mi hermano, que es un año menor que yo, que me dijese qué cosas eran aquéllas y otras muchas que yo no he visto; él me lo declaraba por los mejores modos que sabía, pero todo era encenderme más el deseo de verlo. Finalmente, por abreviar el cuento de mi perdición, digo que yo rogué y pedí a mi hermano, que nunca tal pidiera ni tal rogara...» | « Le cas est, seigneurs, répondit-elle, que mon père me tient enfermée depuis dix ans, c′est-à-dire depuis que les vers de terre mangent ma pauvre mère. Chez nous, on dit la messe dans un riche oratoire, et, pendant tout ce temps, je n′ai jamais vu que le soleil du ciel durant le jour, et la lune et les étoiles durant la nuit. Je ne sais ce que sont ni les rues, ni les places, ni les temples, ni même les hommes, hormis mon père, mon frère et Pédro Pérez, le fermier des laines, que j′ai eu l′idée, parce qu′il vient d′ordinaire à la maison, de faire passer pour mon père afin de ne pas faire connaître le mien. Cette réclusion perpétuelle, ce refus de me laisser sortir, ne fût-ce que pour aller à l′église, il y a bien des jours et des mois que je ne puis m′en consoler. Je voulais voir le monde, ou du moins le pays où je suis née, car il me semble que ce désir n′était point contraire à la décence et au respect que les demoiselles de qualité doivent se garder à elles-mêmes. Quand j′entendais dire qu′il y avait des combats de taureaux, ou des jeux de bague, et qu′on jouait des comédies, je demandais à mon frère, qui est d′un an plus jeune que moi, de me conter ce que c′était que ces choses, et beaucoup d′autres que je n′ai jamais vues. Il me l′expliquait du mieux qu′il lui était possible, mais cela ne servait qu′à enflammer davantage mon désir de les voir. Finalement, pour abréger l′histoire de ma perdition, j′avoue que je priai et suppliai mon frère, et plût à Dieu que je ne lui eusse jamais rien demandé de semblable !Â
» | Y tornó a renovar el llanto. El mayordomo le dijo. | À ces mots la jeune fille se remit à pleurer. Le majordome lui dit : | -Prosiga vuestra merced, señora, y acabe de decirnos lo que le ha sucedido, que nos tienen a todos suspensos sus palabras y sus lágrimas. | « Veuillez poursuivre, madame, et nous dire ce qui vous est arrivé, car vos paroles et vos larmes nous tiennent tous dans l′attente. | -Pocas me quedan por decir -respondió la doncella-, aunque muchas lágrimas sí que llorar, porque los mal colocados deseos no pueden traer consigo otros descuentos que los semejantes. | Â Peu de paroles me restent à dire, répondit la demoiselle, quoiqu′il me reste bien des larmes à pleurer, car les fantaisies imprudentes et mal placées ne peuvent amener que des mécomptes et des expiations comme celle-ci. » | Habíase sentado en el alma del maestresala la belleza de la doncella, y llegó otra vez su lanterna para verla de nuevo; y parecióle que no eran lágrimas las que lloraba, sino aljófar o rocío de los prados, y aun las subía de punto y las llegaba a perlas orientales, y estaba deseando que su desgracia no fuese tanta como daban a entender los indicios de su llanto y de sus suspiros. Desesperábase el gobernador de la tardanza que tenía la moza en dilatar su historia, y díjole que acabase de tenerlos más suspensos, que era tarde y faltaba mucho que andar del pueblo. Ella, entre interrotos sollozos y mal formados suspiros, dijo. | Les charmes de la jeune personne avaient frappé le maître d′hôtel jusqu′au fond de l′âme ; il approcha de nouveau sa lanterne pour la regarder encore une fois, et il lui sembla que ce n′étaient point des pleurs qui coulaient de ses yeux, mais des gouttes de la rosée des prés, et même il les élevait jusqu′au rang de perles orientales. Aussi désirait-il avec ardeur que son malheur ne fût pas si grand que le témoignaient ses soupirs et ses larmes. Quant au gouverneur, il se désespérait des retards que mettait la jeune fille à conter son histoire, et il lui dit de ne pas les tenir davantage en suspens, qu′il était tard, et qu′il restait encore une grande partie de la ville à parcourir. Elle reprit, en s′interrompant par des sanglots et des soupirs entrecoupés : | -« No es otra mi desgracia, ni mi infortunio es otro sino que yo rogué a mi hermano que me vistiese en hábitos de hombre con uno de sus vestidos y que me sacase una noche a ver todo el pueblo, cuando nuestro padre durmiese; él, importunado de mis ruegos, condecendió con mi deseo, y, poniéndome este vestido y él vestiéndose de otro mío, que le está como nacido, porque él no tiene pelo de barba y no parece sino una doncella hermosísima, esta noche, debe de haber una hora, poco más o menos, nos salimos de casa; y, guiados de nuestro mozo y desbaratado discurso, hemos rodeado todo el pueblo, y cuando queríamos volver a casa, vimos venir un gran tropel de gente, y mi hermano me dijo: ′′Hermana, ésta debe de ser la ronda: aligera los pies y pon alas en ellos, y vente tras mí corriendo, porque no nos conozcan, que nos será mal contado′′. Y, diciendo esto, volvió las espaldas y comenzó, no digo a correr, sino a volar; yo, a menos de seis pasos, caí, con el sobresalto, y entonces llegó el ministro de la justicia que me trujo ante vuestras mercedes, adonde, por mala y antojadiza, me veo avergonzada ante tanta gente. | « Toute ma disgrâce, toute mon infortune, se réduisent à ce que je priai mon frère de m′habiller en homme avec un de ses habillements, et de me faire sortir une nuit pour voir toute la ville, pendant que notre père dormirait. Importuné de mes prières, il finit par céder à mes désirs ; il me mit cet habillement, en prit un autre à moi qui lui va comme s′il était fait pour lui ; mon frère n′a pas encore un poil de barbe, et ressemble tout à fait à une jolie fille ; et cette nuit, il doit y avoir à peu près une heure, nous sommes sortis de chez nous ; puis, toujours conduits par notre dessein imprudent et désordonné, nous avons fait tout le tour du pays ; mais, quand nous voulions revenir à la maison, nous avons vu venir une grande troupe de gens ; et mon frère m′a dit : « Sœur, ce doit être le guet ; pends tes jambes à ton cou, et suis-moi en courant ; car, si l′on nous reconnaît, nous aurons à nous en repentir. » En disant cela, il tourna les talons, et se mit, non pas à courir, mais à voler. Pour moi, au bout de six pas, je tombai, tant j′étais effrayée ; alors arriva un agent de la justice, qui me conduisit devant Vos Grâces, où je suis toute honteuse de paraître fantasque et dévergondée en présence de tant de monde. | -¿En efecto, señora -dijo Sancho-, no os ha sucedido otro desmán alguno, ni celos, como vos al principio de vuestro cuento dijistes, no os sacaron de vuestra casa. | Â Enfin, madame, dit Sancho, il ne vous est pas arrivé d′autre mésaventure, et ce n′est pas la jalousie, comme vous le disiez au commencement de votre récit, qui vous a fait quitter votre maison ? | -No me ha sucedido nada, ni me sacaron celos, sino sólo el deseo de ver mundo, que no se estendía a más que a ver las calles de este lugar. | Â Il ne m′est rien arrivé de plus, reprit-elle, et ce n′est pas la jalousie qui m′a fait sortir, mais seulement l′envie de voir le monde, laquelle n′allait pas plus loin que de voir les rues de ce pays. » | Y acabó de confirmar ser verdad lo que la doncella decía llegar los corchetes con su hermano preso, a quien alcanzó uno dellos cuando se huyó de su hermana. No traía sino un faldellín rico y una mantellina de damasco azul con pasamanos de oro fino, la cabeza sin toca ni con otra cosa adornada que con sus mesmos cabellos, que eran sortijas de oro, según eran rubios y enrizados. Apartáronse con el gobernador, mayordomo y maestresala, y, sin que lo oyese su hermana, le preguntaron cómo venía en aquel traje, y él, con no menos vergüenza y empacho, contó lo mesmo que su hermana había contado, de que recibió gran gusto el enamorado maestresala. Pero el gobernador les dijo: | Ce qui acheva de confirmer que la jeune personne disait vrai, ce fut que des archers arrivèrent, amenant son frère prisonnier. L′un d′eux l′avait atteint lorsqu′il fuyait en avant de sa sœur. Il ne portait qu′une jupe de riche étoffe, et un mantelet de damas bleu avec des franges d′or fin ; sa tête était nue et sans ornement que ses propres cheveux, qui semblaient des bagues d′or, tant ils étaient blonds et frisés. Le gouverneur, le majordome et le maître d′hôtel, l′ayant pris à part, lui demandèrent, sans que sa sœur entendît leur conversation, pourquoi il se trouvait en ce costume ; et lui, avec non moins d′embarras et de honte, conta justement ce que sa sœur avait déjà conté ; ce qui causa une joie extrême à l′amoureux maître d′hôtel. Mais le gouverneur dit aux deux jeunes gens : | -Por cierto, señores, que ésta ha sido una gran rapacería, y para contar esta necedad y atrevimiento no eran menester tantas largas, ni tantas lágrimas y suspiros; que con decir: ′′Somos fulano y fulana, que nos salimos a espaciar de casa de nuestros padres con esta invención, sólo por curiosidad, sin otro designio alguno′′, se acabara el cuento, y no gemidicos, y lloramicos, y darle. | « Assurément, seigneurs, voilà un fier enfantillage ; et, pour raconter une sottise et une témérité de cette espèce, il ne fallait pas tant de soupirs et de larmes. En disant : « Nous sommes un tel et une telle, nous avons fait une escapade de chez nos parents au moyen de telle invention, mais seulement par curiosité et sans aucun autre dessein » l′histoire était dite, sans qu′il fût besoin de gémissements et de pleurnicheries. | -Así es la verdad -respondió la doncella-, pero sepan vuesas mercedes que la turbación que he tenido ha sido tanta, que no me ha dejado guardar el término que debía. | Â Cela est bien vrai, répondit la jeune fille ; mais Vos Grâces sauront que le trouble où j′étais a été si fort qu′il ne m′a pas laissée me conduire comme je l′aurais dû. | -No se ha perdido nada -respondió Sancho-. Vamos, y dejaremos a vuesas mercedes en casa de su padre; quizá no los habrá echado menos. Y, de aquí adelante, no se muestren tan niños, ni tan deseosos de ver mundo, que la doncella honrada, la pierna quebrada, y en casa; y la mujer y la gallina, por andar se pierden aína; y la que es deseosa de ver, también tiene deseo de ser vista. No digo más. | Â Le mal n′est pas grand, reprit Sancho, partons ; nous allons vous ramener chez votre père, qui ne se sera peut-être pas aperçu de votre absence ; mais ne vous montrez pas désormais si enfants et si désireux de voir le monde. Fille de bon renom, la jambe cassée et à la maison ; la femme et la poule se perdent à vouloir trotter, et celle qui a le désir de voir n′a pas moins le désir d′être vue ; et je n′en dis pas davantage. » | El mancebo agradeció al gobernador la merced que quería hacerles de volverlos a su casa, y así, se encaminaron hacia ella, que no estaba muy lejos de allí. Llegaron, pues, y, tirando el hermano una china a una reja, al momento bajó una criada, que los estaba esperando, y les abrió la puerta, y ellos se entraron, dejando a todos admirados, así de su gentileza y hermosura como del deseo que tenían de ver mundo, de noche y sin salir del lugar; pero todo lo atribuyeron a su poca edad. | Le jeune homme remercia le gouverneur de la grâce qu′il voulait bien leur faire en les conduisant chez eux, et tout le cortège s′achemina vers leur maison, qui n′était pas fort loin de là. Dès qu′on fut arrivé, le frère jeta un petit caillou contre une fenêtre basse ; aussitôt une servante, qui était à les attendre, descendit, leur ouvrit la porte, et ils entrèrent tous deux, laissant les spectateurs non moins étonnés de leur bonne mine que du désir qu′ils avaient eu de voir le monde de nuit, et sans sortir du pays. Mais on attribuait cette fantaisie à l′inexpérience de leur âge. | Quedó el maestresala traspasado su corazón, y propuso de luego otro día pedírsela por mujer a su padre, teniendo por cierto que no se la negaría, por ser él criado del duque; y aun a Sancho le vinieron deseos y barruntos de casar al mozo con Sanchica, su hija, y determinó de ponerlo en plática a su tiempo, dándose a entender que a una hija de un gobernador ningún marido se le podía negar. | Le maître d′hôtel resta le cœur percé d′outre en outre, et se proposa de demander, dès le lendemain, la jeune personne pour femme à son père, bien assuré qu′on ne la lui refuserait pas, puisqu′il était attaché à la personne du duc. Sancho même eut quelque désir et quelque intention de marier le jeune homme à sa fille Sanchica. Il résolut aussi de mettre, à son temps, la chose en œuvre, se persuadant qu′à la fille d′un gouverneur aucun mari ne pouvait être refusé. | Con esto, se acabó la ronda de aquella noche, y de allí a dos días el gobierno, con que se destroncaron y borraron todos sus designios, como se verá adelante. | Ainsi se termina la ronde de cette nuit ; et, deux jours après, le gouvernement, avec la chute duquel tombèrent et s′écroulèrent tous ses projets, comme on le verra plus loin.
| II. Capítulo L. Donde se declara quién fueron los encantadores y verdugos que azotaron a la dueña y pellizcaron y arañaron a don Quijote, con el suceso que tuvo el paje que llevó la carta a Teresa Sancha, mujer de Sancho Panza. | Chapitre L Où l′on déclare quels étaient les enchanteurs et les bourreaux qui avaient fouetté la duègne, pincé et égratigné don Quichotte, et où l′on raconte l′aventure du page qui porta la lettre à Thérèse Panza, femme de Sancho Panza Dice Cide Hamete, puntualísimo escudriñador de los átomos desta verdadera historia, que al tiempo que doña Rodríguez salió de su aposento para ir a la estancia de don Quijote, otra dueña que con ella dormía lo sintió, y que, como todas las dueñas son amigas de saber, entender y oler, se fue tras ella, con tanto silencio, que la buena Rodríguez no lo echó de ver; y, así como la dueña la vio entrar en la estancia de don Quijote, porque no faltase en ella la general costumbre que todas las dueñas tienen de ser chismosas, al momento lo fue a poner en pico a su señora la duquesa, de cómo doña Rodríguez quedaba en el aposento de don Quijote. | Cid Hamet, ponctuel investigateur des atomes de cette véridique histoire, dit qu′au moment où doña Rodriguez sortit de sa chambre pour gagner l′appartement de don Quichotte, une autre duègne, qui couchait à son côté, l′entendit partir, et, comme toutes les duègnes sont curieuses de savoir, d′entendre et de flairer, celle-là se mit à ses trousses, avec tant de silence que la bonne Rodriguez ne s′en aperçut point. Dès que l′autre duègne la vit entrer dans l′appartement de don Quichotte, pour ne pas manquer à la coutume générale qu′ont toutes les duègnes d′être bavardes et rapporteuses, elle alla sur-le-champ conter à sa maîtresse comment doña Rodriguez s′était introduite chez don Quichotte. | La duquesa se lo dijo al duque, y le pidió licencia para que ella y Altisidora viniesen a ver lo que aquella dueña quería con don Quijote; el duque se la dio, y las dos, con gran tiento y sosiego, paso ante paso, llegaron a ponerse junto a la puerta del aposento, y tan cerca, que oían todo lo que dentro hablaban; y, cuando oyó la duquesa que Rodríguez había echado en la calle el Aranjuez de sus fuentes, no lo pudo sufrir, ni menos Altisidora; y así, llenas de cólera y deseosas de venganza, entraron de golpe en el aposento, y acrebillaron a don Quijote y vapularon a la dueña del modo que queda contado; porque las afrentas que van derechas contra la hermosura y presunción de las mujeres, despierta en ellas en gran manera la ira y enciende el deseo de vengarse. | La duchesse le dit au duc, et lui demanda la permission d′aller avec Altisidore voir ce que sa duègne voulait au chevalier. Le duc y consentit, et les deux curieuses s′avancèrent sans bruit, sur la pointe du pied, jusqu′à la porte de sa chambre, si près qu′elles entendaient distinctement tout ce qui s′y disait. Mais quand la duchesse entendit la Rodriguez jeter, comme on dit, dans la rue le secret de ses fontaines, elle ne put se contenir, ni Altisidore non plus. Toutes deux, pleines de colère et altérées de vengeance, se précipitèrent brusquement dans la chambre de don Quichotte, où elles le criblèrent de blessures d′ongles, et fustigèrent la duègne, comme on l′a raconté ; tant les outrages qui s′adressent directement à la beauté et à l′orgueil des femmes éveillent en elles la fureur, et allument dans leur cœur le désir de la vengeance. | Contó la duquesa al duque lo que le había pasado, de lo que se holgó mucho, y la duquesa, prosiguiendo con su intención de burlarse y recibir pasatiempo con don Quijote, despachó al paje que había hecho la figura de Dulcinea en el concierto de su desencanto -que tenía bien olvidado Sancho Panza con la ocupación de su gobierno- a Teresa Panza, su mujer, con la carta de su marido, y con otra suya, y con una gran sarta de corales ricos presentados. | La duchesse conta au duc ce qui s′était passé, ce dont il s′amusa beaucoup ; puis, persistant dans l′intention de se divertir et de prendre ses ébats à l′occasion de don Quichotte, elle dépêcha le page qui avait représenté Dulcinée dans la cérémonie de son désenchantement (chose que Sancho Panza oubliait de reste au milieu des occupations de son gouvernement) à Thérèse Panza, femme de celui-ci, avec la lettre du mari et une autre de sa propre main, ainsi qu′un grand collier de corail en présent. | Dice, pues, la historia, que el paje era muy discreto y agudo, y, con deseo de servir a sus señores, partió de muy buena gana al lugar de Sancho; y, antes de entrar en él, vio en un arroyo estar lavando cantidad de mujeres, a quien preguntó si le sabrían decir si en aquel lugar vivía una mujer llamada Teresa Panza, mujer de un cierto Sancho Panza, escudero de un caballero llamado don Quijote de la Mancha, a cuya pregunta se levantó en pie una mozuela que estaba lavando, y dijo. | Or, l′histoire dit que le page était fort éveillé, fort égrillard ; et dans le désir de plaire à ses maîtres, il partit de bon cœur pour le village de Sancho. Quand il fut près d′y entrer, il vit une quantité de femmes qui lavaient dans un ruisseau, et il les pria de lui dire si dans ce village demeurait une femme appelée Thérèse Panza, femme d′un certain Sancho Panza, écuyer d′un chevalier qu′on appelait don Quichotte de la Manche. À cette question, une jeune fille qui lavait se leva tout debout et dit : | -Esa Teresa Panza es mi madre, y ese tal Sancho, mi señor padre, y el tal caballero, nuestro amo. | « Cette Thérèse Panza, c′est ma mère, et ce Sancho, c′est mon seigneur père, et ce chevalier, c′est notre maître. | -Pues venid, doncella -dijo el paje-, y mostradme a vuestra madre, porque le traigo una carta y un presente del tal vuestro padre. |  Eh bien, venez, mademoiselle, dit le page, et conduisez-moi près de votre mère, car je lui apporte une lettre et un cadeau de ce seigneur votre père. | -Eso haré yo de muy buena gana, señor mío -respondió la moza, que mostraba ser de edad de catorce años, poco más a menos. |  Bien volontiers, mon bon seigneur », répondit la jeune fille, qui paraissait avoir environ quatorze ans ; puis, | Y, dejando la ropa que lavaba a otra compañera, sin tocarse ni calzarse, que estaba en piernas y desgreñada, saltó delante de la cabalgadura del paje, y dijo: | laissant à l′une de ses compagnes le linge qu′elle lavait, sans se coiffer ni se chausser, car elle était jambes nues et les cheveux au vent, elle se mit à sauter devant la monture du page. | -Venga vuesa merced, que a la entrada del pueblo está nuestra casa, y mi madre en ella, con harta pena por no haber sabido muchos días ha de mi señor padre. | « Venez, venez, dit-elle, notre maison est tout à l′entrée du pays, et ma mère y est, bien triste de n′avoir pas appris depuis longtemps des nouvelles de mon seigneur père. | -Pues yo se las llevo tan buenas -dijo el paje- que tiene que dar bien gracias a Dios por ellas. |  Oh bien ! je lui en apporte de si bonnes, reprit le page, qu′elle peut en rendre grâce à Dieu. » | Finalmente, saltando, corriendo y brincando, llegó al pueblo la muchacha, y, antes de entrar en su casa, dijo a voces desde la puerta. | À la fin, en sautant, courant et gambadant, la jeune fille arriva dans le village, et, avant d′entrer à la maison, elle se mit à crier à la porte : | -Salga, madre Teresa, salga, salga, que viene aquí un señor que trae cartas y otras cosas de mi buen padre. | « Sortez, mère Thérèse, sortez, sortez vite ; voici un seigneur qui apporte des lettres de mon bon père, et d′autres choses encore. » | A cuyas voces salió Teresa Panza, su madre, hilando un copo de estopa, con una saya parda. Parecía, según era de corta, que se la habían cortado por vergonzoso lugar, con un corpezuelo asimismo pardo y una camisa de pechos. No era muy vieja, aunque mostraba pasar de los cuarenta, pero fuerte, tiesa, nervuda y avellanada; la cual, viendo a su hija, y al paje a caballo, le dijo. | À ces cris parut Thérèse Panza, filant une quenouille d′étoupe, et vêtue d′un jupon de serge brune, qui paraissait, tant il était court, avoir été coupé sous le bas des reins, avec un petit corsage également brun, et une chemise à bavette. Elle n′était pas très-vieille, bien qu′elle parût passer la quarantaine ; mais forte, droite, nerveuse et hâlée. Quand elle vit sa fille et le page à cheval : | -¿Qué es esto, niña? ¿Qué señor es éste. | « Qu′est-ce que cela, fille ? s′écria-t-elle ; et quel est ce seigneur ? | -Es un servidor de mi señora doña Teresa Panza -respondió el paje. |  C′est un serviteur de madame doña Teresa Panza », répondit le page. | Y, diciendo y haciendo, se arrojó del caballo y se fue con mucha humildad a poner de hinojos ante la señora Teresa, diciendo: | Et, tout en parlant, il se jeta à bas de sa monture, et s′en alla très-humblement se mettre à deux genoux devant dame Thérèse en lui disant : | -Déme vuestra merced sus manos, mi señora doña Teresa, bien así como mujer legítima y particular del señor don Sancho Panza, gobernador propio de la ínsula Barataria. | « Que Votre Grâce veuille bien me donner ses mains à baiser, madame doña Teresa, en qualité de femme légitime et particulière du seigneur don Sancho Panza, propre gouverneur de l′île Barataria. | -¡Ay, señor mío, quítese de ahí; no haga eso -respondió Teresa-, que yo no soy nada palaciega, sino una pobre labradora, hija de un estripaterrones y mujer de un escudero andante, y no de gobernador alguno. |  Ah ! seigneur mon Dieu ! s′écria Thérèse, ôtez-vous de là et n′en faites rien. Je ne suis pas dame le moins du monde, mais une pauvre paysanne, fille d′un piocheur de terre, et femme d′un écuyer errant, mais non d′aucun gouverneur. | -Vuesa merced -respondió el paje- es mujer dignísima de un gobernador archidignísimo; y, para prueba desta verdad, reciba vuesa merced esta carta y este presente. |  Votre Grâce, répondit le page, est la très-digne femme d′un gouverneur archidignissime ; et, pour preuve de cette vérité, veuillez recevoir cette lettre et ce présent. » | Y sacó al instante de la faldriquera una sarta de corales con estremos de oro, y se la echó al cuello y dijo. | À l′instant il tira de sa poche un collier de corail avec des agrafes d′or ; et le lui passant au cou : | -Esta carta es del señor gobernador, y otra que traigo y estos corales son de mi señora la duquesa, que a vuestra merced me envía. | « Cette lettre, dit-il, est du seigneur gouverneur ; cette autre-ci et ce collier de corail viennent de madame la duchesse, qui m′envoie auprès de Votre Grâce. » | Quedó pasmada Teresa, y su hija ni más ni menos, y la muchacha dijo. | Thérèse resta pétrifiée, et sa fille ni plus ni moins. La petite dit alors : | -Que me maten si no anda por aquí nuestro señor amo don Quijote, que debe de haber dado a padre el gobierno o condado que tantas veces le había prometido. | « Qu′on me tue, si notre seigneur et maître don Quichotte n′est pas là au travers. C′est lui qui aura donné à papa le gouvernement ou le comté qu′il lui avait tant de fois promis. | -Así es la verdad -respondió el paje-: que, por respeto del señor don Quijote, es ahora el señor Sancho gobernador de la ínsula Barataria, como se verá por esta carta. |  Justement, reprit le page, c′est à la faveur du seigneur don Quichotte que le seigneur Sancho est maintenant gouverneur de l′île Barataria, comme vous le verrez par cette lettre. | -Léamela vuesa merced, señor gentilhombre -dijo Teresa-, porque, aunque yo sé hilar, no sé leer migaja. |  Faites-moi le plaisir de la lire, seigneur gentilhomme, dit Thérèse ; car, bien que je sache filer, je ne sais pas lire un brin. | -Ni yo tampoco -añadió Sanchica-; pero espérenme aquí, que yo iré a llamar quien la lea, ora sea el cura mesmo, o el bachiller Sansón Carrasco, que vendrán de muy buena gana, por saber nuevas de mi padre. |  Ni moi non plus, ajouta Sanchica ; mais, attendez un peu, je vais aller chercher quelqu′un qui puisse la lire, soit le curé lui-même, soit le bachelier Samson Carrasco ; ils viendront bien volontiers pour savoir des nouvelles de mon père. | -No hay para qué se llame a nadie, que yo no sé hilar, pero sé leer, y la leeré. |  Il n′est besoin d′aller chercher personne, reprit le page ; je ne sais pas filer, mais je sais lire, et je la lirai bien. » | Y así, se la leyó toda, que, por quedar ya referida, no se pone aquí; y luego sacó otra de la duquesa, que decía desta manera. | En effet, il la lut tout entière, et, comme elle est rapportée plus haut, on ne la répète point ici. Ensuite il en prit une autre, celle de la duchesse, qui était conçue en ces termes : | Amiga Teresa. | « Amie Thérèse, | Las buenas partes de la bondad y del ingenio de vuestro marido Sancho me movieron y obligaron a pedir a mi marido el duque le diese un gobierno de una ínsula, de muchas que tiene. Tengo noticia que gobierna como un girifalte, de lo que yo estoy muy contenta, y el duque mi señor, por el consiguiente; por lo que doy muchas gracias al cielo de no haberme engañado en haberle escogido para el tal gobierno; porque quiero que sepa la señora Teresa que con dificultad se halla un buen gobernador en el mundo, y tal me haga a mí Dios como Sancho gobierna. | les belles qualités de cœur et d′esprit de votre mari Sancho m′ont engagée et obligée même à prier le duc, mon mari, qu′il lui donnât le gouvernement d′une île, parmi plusieurs qu′il possède. J′ai appris qu′il gouverne comme un aigle royal, ce qui me réjouit fort, et le duc, mon seigneur, par conséquent ; je rends mille grâces au ciel de ne m′être pas trompée quand je l′ai choisi pour ce gouvernement ; car je veux que madame Thérèse sache bien qu′il est très-difficile de trouver un bon gouverneur dans le monde, et que Dieu me fasse aussi bonne que Sancho gouverne bien. | Ahí le envío, querida mía, una sarta de corales con estremos de oro; yo me holgara que fuera de perlas orientales, pero quien te da el hueso, no te querría ver muerta: tiempo vendrá en que nos conozcamos y nos comuniquemos, y Dios sabe lo que será. Encomiéndeme a Sanchica, su hija, y dígale de mi parte que se apareje, que la tengo de casar altamente cuando menos lo piense. | Je vous envoie, ma chère, un collier de corail avec des agrafes d′or. J′aurais désiré qu′il fût de perles orientales ; mais, comme dit le proverbe, qui te donne un os ne veut pas ta mort. Un temps viendra pour nous connaître, pour nous visiter, et Dieu sait alors ce qui arrivera. | Dícenme que en ese lugar hay bellotas gordas: envíeme hasta dos docenas, que las estimaré en mucho, por ser de su mano, y escríbame largo, avisándome de su salud y de su bienestar; y si hubiere menester alguna cosa, no tiene que hacer más que boquear: que su boca será medida, y Dios me la guarde. Deste lugar. | Faites mes compliments à Sanchica votre fille ; et dites-lui de ma part qu′elle se tienne prête ; je veux la marier hautement quand elle y pensera le moins. On dit que, dans votre village, il y a de gros glands doux. Envoyez-m′en jusqu′à deux douzaines ; j′en ferai grand cas venant de votre main. Écrivez-moi longuement pour me donner des nouvelles de votre santé, de votre bien-être ; si vous avez besoin de quelque chose, vous n′avez qu′à parler, et vous serez servie à bouche que veux-tu. Que Dieu vous garde ! | Su amiga, que bien la quiere. La Duquesa. | De cet endroit, votre amie qui vous aime bien. « La Duchesse. » | -¡Ay -dijo Teresa en oyendo la carta-, y qué buena y qué llana y qué humilde señora! Con estas tales señoras me entierren a mí, y no las hidalgas que en este pueblo se usan, que piensan que por ser hidalgas no las ha de tocar el viento, y van a la iglesia con tanta fantasía como si fuesen las mesmas reinas, que no parece sino que tienen a deshonra el mirar a una labradora; y veis aquí donde esta buena señora, con ser duquesa, me llama amiga, y me trata como si fuera su igual, que igual la vea yo con el más alto campanario que hay en la Mancha. Y, en lo que toca a las bellotas, señor mío, yo le enviaré a su señoría un celemín, que por gordas las pueden venir a ver a la mira y a la maravilla. Y por ahora, Sanchica, atiende a que se regale este señor: pon en orden este caballo, y saca de la caballeriza güevos, y corta tocino adunia, y démosle de comer como a un príncipe, que las buenas nuevas que nos ha traído y la buena cara que él tiene lo merece todo; y, en tanto, saldré yo a dar a mis vecinas las nuevas de nuestro contento, y al padre cura y a maese Nicolás el barbero, que tan amigos son y han sido de tu padre. | « Ah ! bon Dieu ! s′écria Thérèse quand elle eut entendu la lettre, quelle bonne dame ! qu′elle est humble et sans façon ! Ah ! c′est avec de telles dames que je veux qu′on m′enterre, et non avec les femmes d′hidalgos qu′on voit dans ce village, qui s′imaginent, parce qu′elles sont nobles, que le vent ne doit point les toucher, et qui vont à l′église avec autant de morgue et d′orgueil que si c′étaient des reines, si bien qu′elles se croiraient déshonorées de regarder une paysanne en face. Voyez un peu comme cette bonne dame, toute duchesse qu′elle est, m′appelle son amie, et me traite comme si j′étais son égale ; Dieu veuille que je la voie égale au plus haut clocher qu′il y ait dans toute la Manche ! Et quant aux glands doux, mon bon seigneur, j′en enverrai un boisseau à Sa Seigneurie, et de si gros qu′on pourra les venir voir par curiosité. Pour à présent, Sanchica, veille à bien régaler ce seigneur. Prends soin de ce cheval, va chercher des œufs à l′écurie, coupe du lard à foison, et faisons-le dîner comme un prince, car les bonnes nouvelles qu′il apporte et la bonne mine qu′il a méritent bien tout ce que nous ferons. En attendant, je sortirai pour apprendre aux voisines notre bonne aventure, ainsi qu′à monsieur le curé et au barbier maître Nicolas, qui étaient et qui sont encore si bons amis de ton père. | -Sí haré, madre -respondió Sanchica-; pero mire que me ha de dar la mitad desa sarta; que no tengo yo por tan boba a mi señora la duquesa, que se la había de enviar a ella toda. |  Oui, mère, oui, je le ferai, répondit Sanchica ; mais faites bien attention que vous me donnerez la moitié de ce collier, car je ne crois pas madame la duchesse assez niaise pour vous l′envoyer tout entier à vous seule. | -Todo es para ti, hija -respondió Teresa-, pero déjamela traer algunos días al cuello, que verdaderamente parece que me alegra el corazón. |  Il est tout pour toi, fille, répliqua Thérèse ; mais laisse-moi le porter quelques jours à mon cou ; car, en vérité, il me semble qu′il me réjouit le cœur. | -También se alegrarán -dijo el paje- cuando vean el lío que viene en este portamanteo, que es un vestido de paño finísimo que el gobernador sólo un día llevó a caza, el cual todo le envía para la señora Sanchica. |  Vous allez encore vous réjouir, reprit le page, quand vous verrez le paquet qui vient dans ce portemanteau. C′est un habillement de drap fin que le gouverneur n′a porté qu′un jour à la chasse, et qu′il envoie tout complet pour mademoiselle Sanchica. | -Que me viva él mil años -respondió Sanchica-, y el que lo trae, ni más ni menos, y aun dos mil, si fuere necesidad. |  Qu′il vive mille années ! s′écria Sanchica, et celui qui l′apporte aussi bien, et même deux mille si c′est nécessaire ! » | Salióse en esto Teresa fuera de casa, con las cartas, y con la sarta al cuello, y iba tañendo en las cartas como si fuera en un pandero; y, encontrándose acaso con el cura y Sansón Carrasco, comenzó a bailar y a decir. | En ce moment, Thérèse sortit de sa maison, les lettres à la main et le collier au cou. Elle s′en allait, frappant les lettres du revers des doigts, comme si c′eût été un tambour de basque. Ayant, par hasard, rencontré le curé et Samson Carrasco, elle se mit à danser et à dire : | -¡A fee que agora que no hay pariente pobre! ¡Gobiernito tenemos! ¡No, sino tómese conmigo la más pintada hidalga, que yo la pondré como nueva. | « Par ma foi, maintenant qu′il n′y a plus de parent pauvre, nous tenons un petit gouvernement. Que la plus huppée des femmes d′hidalgos vienne se frotter à moi, je la relancerai de la bonne façon. | -¿Qué es esto, Teresa Panza? ¿Qué locuras son éstas, y qué papeles son ésos. |  Qu′est-ce que cela, Thérèse Panza ? dit le curé ; quelles sont ces folies, et quels papiers sont-ce là ? | -No es otra la locura sino que éstas son cartas de duquesas y de gobernadores, y estos que traigo al cuello son corales finos; las avemarías y los padres nuestros son de oro de martillo, y yo soy gobernadora. |  La folie n′est autre, répondit-elle, sinon que ces lettres sont de duchesses et de gouverneurs, et que ce collier que je porte au cou est de fin corail, que les Ave Maria et les Pater noster sont en or battu, et que je suis gouvernante. | -De Dios en ayuso, no os entendemos, Teresa, ni sabemos lo que os decís. |  Que Dieu vous entende, Thérèse ! dit le bachelier ; car nous ne vous entendons pas, et nous ne savons ce que vous dites. | -Ahí lo podrán ver ellos -respondió Teresa. |  C′est là que vous pourrez le voir », répliqua Thérèse en leur remettant les lettres. | Y dioles las cartas. Leyólas el cura de modo que las oyó Sansón Carrasco, y Sansón y el cura se miraron el uno al otro, como admirados de lo que habían leído; y preguntó el bachiller quién había traído aquellas cartas. Respondió Teresa que se viniesen con ella a su casa y verían el mensajero, que era un mancebo como un pino de oro, y que le traía otro presente que valía más de tanto. Quitóle el cura los corales del cuello, y mirólos y remirólos, y, certificándose que eran finos, tornó a admirarse de nuevo, y dijo. | Le curé les lut de manière que Samson Carrasco les entendît ; puis Samson et le curé se regardèrent l′un l′autre, comme fort étonnés de ce qu′ils avaient lu. Enfin le bachelier demanda qui avait apporté ces lettres. Thérèse répondit qu′ils n′avaient qu′à venir à sa maison, qu′ils y verraient le messager, qui était un jeune garçon, beau comme un archange, et qui lui apportait un autre présent plus riche encore que celui-là. Le curé lui ôta le collier du cou, mania et regarda les grains de corail, et, s′assurant qu′ils étaient fins, il s′étonna de nouveau. | -Por el hábito que tengo, que no sé qué me diga ni qué me piense de estas cartas y destos presentes: por una parte, veo y toco la fineza de estos corales, y por otra, leo que una duquesa envía a pedir dos docenas de bellotas. | « Par la soutane que je porte ! s′écria-t-il, je ne sais que dire ni que penser de ces lettres et de ces présents. D′un côté, je vois et je touche la finesse de ce corail ; et de l′autre, je lis qu′une duchesse envoie demander deux douzaines de glands. | -¡Aderézame esas medidas! -dijo entonces Carrasco-. Agora bien, vamos a ver al portador deste pliego, que dél nos informaremos de las dificultades que se nos ofrecen. |  Arrangez cela comme vous pourrez, dit alors Carrasco. Mais allons un peu voir le porteur de ces dépêches ; nous le questionnerons pour tirer au clair les difficultés qui nous embarrassent. » | Hiciéronlo así, y volvióse Teresa con ellos. Hallaron al paje cribando un poco de cebada para su cabalgadura, y a Sanchica cortando un torrezno para empedrarle con güevos y dar de comer al paje, cuya presencia y buen adorno contentó mucho a los dos; y, después de haberle saludado cortésmente, y él a ellos, le preguntó Sansón les dijese nuevas así de don Quijote como de Sancho Panza; que, puesto que habían leído las cartas de Sancho y de la señora duquesa, todavía estaban confusos y no acababan de atinar qué sería aquello del gobierno de Sancho, y más de una ínsula, siendo todas o las más que hay en el mar Mediterráneo de Su Majestad. A lo que el paje respondió. | Tous deux se mirent en marche, et Thérèse revint avec eux. Ils trouvèrent le page vannant un peu d′orge pour sa monture, et Sanchica coupant une tranche de lard pour la flanquer d′œufs dans la poêle, et donner de quoi dîner au page, dont la bonne mine et l′équipage galant plurent beaucoup aux deux amis. Après qu′ils l′eurent poliment salué, et qu′il les eut salués à son tour, Samson le pria de leur donner des nouvelles aussi bien de don Quichotte que de Sancho Panza : « Car, ajouta-t-il, quoique nous ayons lu les lettres de Sancho et de madame la duchesse, nous sommes toujours dans le même embarras, et nous ne pouvons parvenir à deviner ce que peut être cette histoire du gouvernement de Sancho, et surtout d′une île, puisque toutes ou presque toutes les îles qui sont dans la mer Méditerranée appartiennent à Sa Majesté ». Le page répondit : | -De que el señor Sancho Panza sea gobernador, no hay que dudar en ello; de que sea ínsula o no la que gobierna, en eso no me entremeto, pero basta que sea un lugar de más de mil vecinos; y, en cuanto a lo de las bellotas, digo que mi señora la duquesa es tan llana y tan humilde, que no -decía él- enviar a pedir bellotas a una labradora, pero que le acontecía enviar a pedir un peine prestado a una vecina suya. Porque quiero que sepan vuestras mercedes que las señoras de Aragón, aunque son tan principales, no son tan puntuosas y levantadas como las señoras castellanas; con más llaneza tratan con las gentes. | « Que le seigneur Sancho Panza soit gouverneur, il n′y a pas à en douter. Que ce soit une île ou non qu′il gouverne, je ne me mêle point de cela. Il suffit que ce soit un bourg de plus de mille habitants. Quant à l′affaire des glands doux, je dis que madame la duchesse est si simple et si humble, qu′elle n′envoie pas seulement demander des glands à une paysanne, mais qu′il lui arrive d′envoyer demander à une voisine de lui prêter un peigne. Car il faut que Vos Grâces se persuadent que nos dames d′Aragon, bien que si nobles et de si haut rang, ne sont pas aussi fières et aussi pointilleuses que les dames de Castille ; elles traitent les gens avec moins de façon. » | Estando en la mitad destas pláticas, saltó Sanchica con un halda de güevos, y preguntó al paje. | Au milieu de cette conversation, Sanchica accourut avec un panier d′œufs et demanda au page : | -Dígame, señor: ¿mi señor padre trae por ventura calzas atacadas después que es gobernador. | « Dites-moi, seigneur, est-ce que mon seigneur père porte des hauts-de-chausses, depuis qu′il est gouverneur ? | -No he mirado en ello -respondió el paje-, pero sí debe de traer. |  Je n′y ai pas fait attention, répondit le page ; mais, en effet, il doit en porter. | -¡Ay Dios mío -replicó Sanchica-, y que será de ver a mi padre con pedorreras! ¿No es bueno sino que desde que nací tengo deseo de ver a mi padre con calzas atacadas? |  Ah ! bon Dieu ! repartit Sanchica, qu′il fera bon voir mon père en pet-en-l′air< ! N′est-il pas drôle que, depuis que je suis née, j′aie envie de voir mon père avec des hauts-de-chausses ? | -Como con esas cosas le verá vuestra merced si vive -respondió el paje-. Par Dios, términos lleva de caminar con papahígo, con solos dos meses que le dure el gobierno. |  Comment donc, si Votre Grâce le verra culotté de la sorte ! répondit le page. Pardieu ! il est en passe de voyager bientôt avec un masque sur le nez< , pour peu que le gouvernement lui dure seulement deux mois. » | Bien echaron de ver el cura y el bachiller que el paje hablaba socarronamente, pero la fineza de los corales y el vestido de caza que Sancho enviaba lo deshacía todo; que ya Teresa les había mostrado el vestido. Y no dejaron de reírse del deseo de Sanchica, y más cuando Teresa dijo. | Le curé et le bachelier virent bien que le page parlait en se gaussant. Mais la finesse du corail, et l′habit de chasse qu′envoyait Sancho (car Thérèse le leur avait déjà montré) renversaient toutes leurs idées. Ils n′en rirent pas moins de l′envie de Sanchica, et plus encore quand Thérèse se mit à dire : | -Señor cura, eche cata por ahí si hay alguien que vaya a Madrid, o a Toledo, para que me compre un verdugado redondo, hecho y derecho, y sea al uso y de los mejores que hubiere; que en verdad en verdad que tengo de honrar el gobierno de mi marido en cuanto yo pudiere, y aun que si me enojo, me tengo de ir a esa corte, y echar un coche, como todas; que la que tiene marido gobernador muy bien le puede traer y sustentar. | « Monsieur le curé, tâchez de savoir par ici quelqu′un qui aille à Madrid ou à Tolède, pour que je fasse acheter un vertugadin rond, fait et parfait, qui soit à la mode, et des meilleurs qu′il y ait. En vérité, en vérité, il faut que je fasse honneur au gouvernement de mon mari, en tout ce qui me sera possible ; et même, si je me fâche, j′irai tomber à la cour, et me planter en carrosse comme toutes les autres ; car enfin, celle qui a un mari gouverneur peut bien se donner un carrosse et en faire la dépense. | -Y ¡cómo, madre! -dijo Sanchica-. Pluguiese a Dios que fuese antes hoy que mañana, aunque dijesen los que me viesen ir sentada con mi señora madre en aquel coche: ′′¡Mirad la tal por cual, hija del harto de ajos, y cómo va sentada y tendida en el coche, como si fuera una papesa!′′ Pero pisen ellos los lodos, y ándeme yo en mi coche, levantados los pies del suelo. ¡Mal año y mal mes para cuantos murmuradores hay en el mundo, y ándeme yo caliente, y ríase la gente! ¿Digo bien, madre mía. |  Comment donc, mère ! s′écria Sanchica. Plût à Dieu que ce fût aujourd′hui plutôt que demain, quand même on dirait, en me voyant assise dans ce carrosse à côté de madame ma mère : « Tiens ! voyez donc cette péronnelle, cette fille de mangeur d′ail, comme elle s′étale dans son carrosse, tout de même que si c′était une papesse ! » Mais ça m′est égal, qu′ils pataugent dans la boue, et que j′aille en carrosse les pieds levés de terre. Maudites soient dans cette vie et dans l′autre autant de mauvaises langues qu′il y en a dans le monde ! Pourvu que j′aille pieds chauds, je laisse rire les badauds. Est-ce que je dis bien, ma mère ? | -Y ¡cómo que dices bien, hija! -respondió Teresa-. Y todas estas venturas, y aun mayores, me las tiene profetizadas mi buen Sancho, y verás tú, hija, cómo no para hasta hacerme condesa: que todo es comenzar a ser venturosas; y, como yo he oído decir muchas veces a tu buen padre, que así como lo es tuyo lo es de los refranes, cuando te dieren la vaquilla, corre con soguilla: cuando te dieren un gobierno, cógele; cuando te dieren un condado, agárrale, y cuando te hicieren tus, tus, con alguna buena dádiva, envásala. ¡No, sino dormíos, y no respondáis a las venturas y buenas dichas que están llamando a la puerta de vuestra casa. |  Comment, si tu dis bien, ma fille ! répondit Thérèse. Tous ces bonheurs et de plus grands encore, mon bon Sancho me les a prophétisés ; et tu verras, fille, qu′il ne s′arrêtera pas avant de me faire comtesse. Tout est de commencer à ce que le bonheur nous vienne ; et j′ai ouí¤ire bien des fois à ton père, qui est aussi bien celui des proverbes que le tien : Quand on te donnera la génisse, mets-lui la corde au cou ; quand on te donnera un gouvernement, prends-le ; un comté, attrape-le ; et quand on te dira tiens, tiens, avec un beau cadeau, saute dessus. Sinon, endormez-vous, et ne répondez pas aux bonheurs et aux bonnes fortunes qui viennent frapper à la porte de votre maison ! | -Y ¿qué se me da a mí -añadió Sanchica- que diga el que quisiere cuando me vea entonada y fantasiosa: "Viose el perro en bragas de cerro. .", y lo demás?. |  Et qu′est-ce que ça me fait, à moi, reprit Sanchica, que le premier venu dise en me voyant hautaine et dédaigneuse ; Le chien s′est vu en culottes de lin, et il n′a plus connu son compagnon. » | Oyendo lo cual el cura, dijo. | Quand le curé entendit cela : | -Yo no puedo creer sino que todos los deste linaje de los Panzas nacieron cada uno con un costal de refranes en el cuerpo: ninguno dellos he visto que no los derrame a todas horas y en todas las pláticas que tienen. | « Je ne puis, s′écria-t-il, m′empêcher de croire que tous les gens de cette famille des Panza sont nés chacun avec un sac de proverbes dans le corps ; je n′en ai pas vu un seul qui ne les verse et ne les répande à toute heure et à tout propos. | -Así es la verdad -dijo el paje-, que el señor gobernador Sancho a cada paso los dice, y, aunque muchos no vienen a propósito, todavía dan gusto, y mi señora la duquesa y el duque los celebran mucho. |  Cela est bien vrai, ajouta le page ; car le seigneur gouverneur Sancho en dit à chaque pas, et, quoiqu′un bon nombre ne viennent pas fort à point, cependant ils plaisent, et madame la duchesse, ainsi que son mari, en font le plus grand cas. | -¿Que todavía se afirma vuestra merced, señor mío -dijo el bachiller-, ser verdad esto del gobierno de Sancho, y de que hay duquesa en el mundo que le envíe presentes y le escriba? Porque nosotros, aunque tocamos los presentes y hemos leído las cartas, no lo creemos, y pensamos que ésta es una de las cosas de don Quijote, nuestro compatrioto, que todas piensa que son hechas por encantamento; y así, estoy por decir que quiero tocar y palpar a vuestra merced, por ver si es embajador fantástico o hombre de carne y hueso. |  Comment, seigneur, reprit le bachelier. Votre Grâce persiste à nous donner comme vrai le gouvernement de Sancho, et à soutenir qu′il y a duchesse au monde qui écrive à sa femme et lui envoie des présents ? Pour nous, bien que nous touchions les présents et que nous ayons lu les lettres, nous n′en croyons rien ; et nous pensons qu′il y a là quelque histoire de don Quichotte, notre compatriote, qui s′imagine que tout se fait par voie d′enchantement. Aussi dirais-je volontiers que je veux toucher et palper Votre Grâce, pour voir si c′est un ambassadeur fantastique, ou bien un homme de chair et d′os. | -Señores, yo no sé más de mí -respondió el paje- sino que soy embajador verdadero, y que el señor Sancho Panza es gobernador efectivo, y que mis señores duque y duquesa pueden dar, y han dado, el tal gobierno; y que he oído decir que en él se porta valentísimamente el tal Sancho Panza; si en esto hay encantamento o no, vuestras mercedes lo disputen allá entre ellos, que yo no sé otra cosa, para el juramento que hago, que es por vida de mis padres, que los tengo vivos y los amo y los quiero mucho. |  Tout ce que je sais de moi, seigneur, répondit le page, c′est que je suis ambassadeur véritable, que le seigneur Sancho Panza est gouverneur effectif, et que messeigneurs le duc et la duchesse peuvent donner, et ont en effet donné le gouvernement en question, et de plus, à ce que j′ai ouí¤ire, que le susdit Sancho Panza s′y conduit miraculeusement. S′il y a enchantement ou non dans tout cela. Vos Grâces peuvent en disputer entre elles. Pour moi, je ne sais rien autre chose, et j′en jure par la vie de mes père et mère que j′ai encore en bonne santé, et que je chéris tendrement.< | -Bien podrá ello ser así -replicó el bachiller-, pero dubitat Augustinus. |  Allons, cela pourra bien être ainsi, répliqua le bachelier ; cependant dubitat Augustinus. | -Dude quien dudare -respondió el paje-, la verdad es la que he dicho, y esta que ha de andar siempre sobre la mentira,como el aceite sobre el agua; y si no, operibus credite, et non verbis: véngase alguno de vuesas mercedes conmigo, y verán con los ojos lo que no creen por los oídos. |  Doutez tout à votre aise, répondit le page ; mais la vérité est ce que j′ai dit. C′est elle qui doit toujours surnager au-dessus du mensonge, comme l′huile au-dessus de l′eau. Sinon, operibus credite, et non verbis ; quelqu′un de vous n′a qu′à s′en venir avec moi, il verra par les yeux ce qu′il ne veut pas croire par les oreilles. | -Esa ida a mí toca -dijo Sanchica-: lléveme vuestra merced, señor, a las ancas de su rocín, que yo iré de muy buena gana a ver a mi señor padre. |  C′est moi que regarde ce voyage, s′écria Sanchica. Emmenez-moi, seigneur, sur la croupe de votre bidet ; j′irai bien volontiers faire visite à mon seigneur père. | -Las hijas de los gobernadores no han de ir solas por los caminos, sino acompañadas de carrozas y literas y de gran número de sirvientes. |  Les filles des gouverneurs, répondit le page, ne doivent pas aller toutes seules par les grandes routes, mais accompagnées de carrosses, de litières et d′un grand nombre de serviteurs. | -Par Dios -respondió Sancha-, tan bién me vaya yo sobre una pollina como sobre un coche. ¡Hallado la habéis la melindrosa. |  Pardieu ! repartit Sanchica, je m′en irai aussi bien sur une bourrique que dans un coche. Ah ! vous avez joliment trouvé la mijaurée et la sainte nitouche ! | -Calla, mochacha -dijo Teresa-, que no sabes lo que te dices, y este señor está en lo cierto: que tal el tiempo, tal el tiento; cuando Sancho, Sancha, y cuando gobernador, señora, y no sé si diga algo. |  Tais-toi, petite fille, s′écria Thérèse ; tu ne sais ce que tu dis, et ce seigneur est dans le vrai de la chose. Telle temps, telle traitement. Quand c′était Sancho, Sancha ; et quand c′est le gouverneur, grande dame ; et je ne sais si je dis chose qui vaille. | -Más dice la señora Teresa de lo que piensa -dijo el paje-; y denme de comer y despáchenme luego, porque pienso volverme esta tarde. |  Plus dit dame Thérèse qu′elle ne pense, reprit le page ; mais qu′on me donne à dîner, et qu′on me dépêche vite, car je compte m′en retourner dès ce soir. | A lo que dijo el cura. |  Votre grâce, dit aussitôt le curé, | -Vuestra merced se vendrá a hacer penitencia conmigo, que la señora Teresa más tiene voluntad que alhajas para servir a tan buen huésped. | viendra faire pénitence avec moi, car dame Thérèse a plus de bonne volonté que de bonnes nippes pour servir un si digne hôte. » | Rehusólo el paje; pero, en efecto, lo hubo de conceder por su mejora, y el cura le llevó consigo de buena gana, por tener lugar de preguntarle de espacio por don Quijote y sus hazañas. | Le page refusa d′abord ; mais enfin il dut céder pour se trouver mieux, et le curé l′emmena de fort bon cœur, satisfait d′avoir le temps de le questionner à son aise sur don Quichotte et ses prouesses. | El bachiller se ofreció de escribir las cartas a Teresa de la respuesta, pero ella no quiso que el bachiller se metiese en sus cosas, que le tenía por algo burlón; y así, dio un bollo y dos huevos a un monacillo que sabía escribir, el cual le escribió dos cartas, una para su marido y otra para la duquesa, notadas de su mismo caletre, que no son las peores que en esta grande historia se ponen, como se verá adelante. | Le bachelier s′offrit à écrire les réponses de Thérèse ; mais elle ne voulut pas qu′il se mêlât de ses affaires, car elle le tenait pour un peu goguenard. Elle aima mieux donner une galette et deux œufs à un moinillon, qui savait écrire, et qui lui écrivit deux lettres, l′une pour son mari, l′autre pour la duchesse, toutes deux sorties de sa propre cervelle, et qui ne sont pas les plus mauvaises que contienne cette grande histoire, comme on le verra dans la suite.
| II. Capítulo LI. Del progreso del gobierno de Sancho Panza, con otros sucesos tales como buenos. | Chapitre LI Des progrès du gouvernement de Sancho Panza, ainsi que d′autres événements tels quels Amaneció el día que se siguió a la noche de la ronda del gobernador, la cual el maestresala pasó sin dormir, ocupado el pensamiento en el rostro, brío y belleza de la disfrazada doncella; y el mayordomo ocupó lo que della faltaba en escribir a sus señores lo que Sancho Panza hacía y decía, tan admirado de sus hechos como de sus dichos porque andaban mezcladas sus palabras y sus acciones, con asomos discretos y tontos. | Le jour vint après la nuit de la ronde du gouverneur, nuit que le maître d′hôtel avait passée sans dormir, l′esprit tout occupé du visage et des attraits de la jeune fille déguisée. Le majordome en employa le reste à écrire à ses maîtres ce que faisait et disait Sancho Panza, aussi surpris de ses faits que de ses dires ; car il entrait dans ses paroles et dans ses actions comme un mélange d′esprit et de bêtise. | Levantóse, en fin, el señor gobernador, y, por orden del doctor Pedro Recio, le hicieron desayunar con un poco de conserva y cuatro tragos de agua fría, cosa que la trocara Sancho con un pedazo de pan y un racimo de uvas; pero, viendo que aquello era más fuerza que voluntad, pasó por ello, con harto dolor de su alma y fatiga de su estómago, haciéndole creer Pedro Recio que los manjares pocos y delicados avivaban el ingenio, que era lo que más convenía a las personas constituidas en mandos y en oficios graves, donde se han de aprovechar no tanto de las fuerzas corporales como de las del entendimiento. | Enfin le seigneur gouverneur se leva, et, par ordre du docteur Pédro Récio, on le fit déjeuner avec un peu de conserve et quatre gorgées d′eau froide, chose que Sancho eût volontiers troquée pour un quignon de pain et une grappe de raisin. Mais, voyant qu′il fallait faire de nécessité vertu, il en passa par là, à la grande douleur de son âme et à la grande fatigue de son estomac ; Pédro Récio lui faisant croire que les mets légers et délicats avivent l′esprit, ce qui convient le mieux aux personnages constitués en dignités et chargés de graves emplois, où il faut faire usage, moins des forces corporelles que de celles de l′intelligence. Avec cette belle argutie, le pauvre Sancho souffrait la faim, et si fort, qu′il maudissait, à part lui, le gouvernement, et même celui qui le lui avait donné. | Con esta sofistería padecía hambre Sancho, y tal, que en su secreto maldecía el gobierno y aun a quien se le había dado; pero, con su hambre y con su conserva, se puso a juzgar aquel día, y lo primero que se le ofreció fue una pregunta que un forastero le hizo, estando presentes a todo el mayordomo y los demás acólitos, que fue. | Toutefois, avec sa conserve et sa faim, il se mit à juger ce jour-là ; et la première chose qui s′offrit, ce fut une question que lui fit un étranger en présence du majordome et de ses autres acolytes. Voici ce qu′il exposa : | -Señor, un caudaloso río dividía dos términos de un mismo señorío (y esté vuestra merced atento, porque el caso es de importancia y algo dificultoso). Digo, pues, que sobre este río estaba una puente, y al cabo della, una horca y una como casa de audiencia, en la cual de ordinario había cuatro jueces que juzgaban la ley que puso el dueño del río, de la puente y del señorío, que era en esta forma "Si alguno pasare por esta puente de una parte a otra, ha de jurar primero adónde y a qué va; y si jurare verdad, déjenle pasar; y si dijere mentira, muera por ello ahorcado en la horca que allí se muestra, sin remisión alguna". Sabida esta ley y la rigurosa condición della, pasaban muchos, y luego en lo que juraban se echaba de ver que decían verdad, y los jueces los dejaban pasar libremente. Sucedió, pues, que, tomando juramento a un hombre, juró y dijo que para el juramento que hacía, que iba a morir en aquella horca que allí estaba, y no a otra cosa. Repararon los jueces en el juramento y dijeron ′′Si a este hombre le dejamos pasar libremente, mintió en su juramento, y, conforme a la ley, debe morir; y si le ahorcamos, él juró que iba a morir en aquella horca, y, habiendo jurado verdad, por la misma ley debe ser libre′′. Pídese a vuesa merced, señor gobernador, qué harán los jueces del tal hombre; que aun hasta agora están dudosos y suspensos. Y, habiendo tenido noticia del agudo y elevado entendimiento de vuestra merced, me enviaron a mí a que suplicase a vuestra merced de su parte diese su parecer en tan intricado y dudoso caso. | « Seigneur, une large et profonde rivière séparait deux districts d′une même seigneurie, et que Votre Grâce me prête attention, car le cas est important et passablement difficile à résoudre. Je dis donc que sur cette rivière était un pont, et au bout de ce pont une potence, ainsi qu′une espèce de salle d′audience où se tenaient d′ordinaire quatre juges chargés d′appliquer la loi qu′avait imposée le seigneur de la rivière, du pont et de la seigneurie ; cette loi était ainsi conçue : « Si quelqu′un passe sur ce pont d′une rive à l′autre, il devra d′abord déclarer par serment où il va et ce qu′il va faire. S′il dit vrai, qu′on le laisse passer ; s′il ment, qu′il meure pendu à la potence, sans aucune rémission. » Cette loi connue, ainsi que sa rigoureuse condition, beaucoup de gens passaient néanmoins, et, à ce qu′ils déclaraient sous serment, on reconnaissait s′ils disaient la vérité ; et les juges, dans ce cas, les laissaient passer librement. Or, il arriva qu′un homme auquel on demandait sa déclaration, prêta serment et dit : « Par le serment que je viens de faire, je jure que je vais mourir à cette potence, et non à autre chose. » Les juges réfléchirent à cette déclaration, et se dirent : « Si nous laissons librement passer cet homme, il a menti à son serment, et, selon la loi, il doit mourir ; mais si nous le pendons, il a juré qu′il allait mourir à cette potence, et, suivant la même loi ayant dit vrai, il doit rester libre. » On demande à Votre Grâce, seigneur gouverneur, ce que feront les juges de cet homme, car ils sont encore à cette heure dans le doute et l′indécision. Comme ils ont eu connaissance de la finesse et de l′élévation d′entendement que déploie Votre Grâce, ils m′ont envoyé supplier de leur part Votre Grâce de donner son avis dans un cas si douteux et si embrouillé. | A lo que respondió Sancho. | Â Assurément, répondit Sancho, | -Por cierto que esos señores jueces que a mí os envían lo pudieran haber escusado, porque yo soy un hombre que tengo más de mostrenco que de agudo; pero, con todo eso, repetidme otra vez el negocio de modo que yo le entienda quizá podría ser que diese en el hito. | ces seigneurs juges qui vous ont envoyé près de moi auraient fort bien pu s′en épargner la peine, car je suis un homme qui ai plus d′épaisseur de chair que de finesse d′esprit. Cependant, répétez-moi une autre fois l′affaire, de manière que je l′entende bien ; peut-être ensuite pourrais-je trouver le joint. » | Volvió otra y otra vez el preguntante a referir lo que primero había dicho, y Sancho dijo | Le questionneur répéta une et deux fois ce qu′il avait d′abord exposé. Sancho dit alors : | -A mi parecer, este negocio en dos paletas le declararé yo, y es así el tal hombre jura que va a morir en la horca, y si muere en ella, juró verdad, y por la ley puesta merece ser libre y que pase la puente; y si no le ahorcan, juró mentira, y por la misma ley merece que le ahorquen. | « À mon avis, je vais bâcler cette affaire en un tour de main, et voici comment : cet homme jure qu′il va mourir à la potence, n′est-ce pas ? et, s′il meurt, il aura dit la vérité ; et, d′après la loi, il mérite d′être libre et de passer le pont ? Mais si on ne le pend pas, il aura dit un mensonge sous serment, et, d′après la même loi, il mérite d′être pendu ? | -Así es como el señor gobernador dice -dijo el mensajero-; y cuanto a la entereza y entendimiento del caso, no hay más que pedir ni que dudar. | Â C′est cela même, comme dit le seigneur gouverneur, reprit le messager ; et, quant à la parfaite intelligence du cas, il n′y a plus à douter ni à questionner. | -Digo yo, pues, agora -replicó Sancho- que deste hombre aquella parte que juró verdad la dejen pasar, y la que dijo mentira la ahorquen, y desta manera se cumplirá al pie de la letra la condición del pasaje. | Â Je dis donc à présent, répliqua Sancho, que de cet homme on laisse passer la partie qui a dit vrai, et qu′on pende la partie qui a dit faux ; de cette manière s′accomplira au pied de la lettre la condition du passage. | -Pues, señor gobernador -replicó el preguntador-, será necesario que el tal hombre se divida en partes, en mentirosa y verdadera; y si se divide, por fuerza ha de morir, y así no se consigue cosa alguna de lo que la ley pide, y es de necesidad espresa que se cumpla con ella. | Â Mais, seigneur gouverneur, repartit le porteur de question, il sera nécessaire qu′on coupe cet homme en deux parties, la menteuse et la véridique, et si on le coupe en deux, il faudra bien qu′il meure. Ainsi l′on n′aura rien obtenu de ce qu′exige la loi, qui doit pourtant s′accomplir de toute nécessité. | -Venid acá, señor buen hombre -respondió Sancho-; este pasajero que decís, o yo soy un porro, o él tiene la misma razón para morir que para vivir y pasar la puente; porque si la verdad le salva, la mentira le condena igualmente; y, siendo esto así, como lo es, soy de parecer que digáis a esos señores que a mí os enviaron que, pues están en un fil las razones de condenarle o asolverle, que le dejen pasar libremente, pues siempre es alabado más el hacer bien que mal, y esto lo diera firmado de mi nombre, si supiera firmar; y yo en este caso no he hablado de mío, sino que se me vino a la memoria un precepto, entre otros muchos que me dio mi amo don Quijote la noche antes que viniese a ser gobernador desta ínsula que fue que, cuando la justicia estuviese en duda, me decantase y acogiese a la misericordia; y ha querido Dios que agora se me acordase, por venir en este caso como de molde. | Â Venez ici, seigneur brave homme, répondit Sancho. Ce passager dont vous parlez, ou je ne suis qu′une cruche, ou a précisément autant de raison pour mourir que pour passer le pont ; car, si la vérité le sauve, le mensonge le condamne. Puisqu′il en est ainsi, mon avis est que vous disiez à ces messieurs qui vous envoient près de moi, que les raisons de le condamner ou de l′absoudre étant égales dans les plateaux de la balance, ils n′ont qu′à le laisser passer, car il vaut toujours mieux faire le bien que le mal ; et cela, je le donnerais signé de mon nom, si je savais signer. D′ailleurs, je n′ai point, dans ce cas-ci, parlé de mon cru ; mais il m′est revenu à la mémoire un précepte que, parmi beaucoup d′autres, me donna mon maître don Quichotte, la nuit avant que je vinsse être gouverneur de cette île ; lequel précepte fut que, quand la justice serait douteuse, je n′avais qu′à pencher vers la miséricorde et à m′y tenir. Dieu a permis que je m′en souvinsse à présent, parce qu′il va comme au moule à cette affaire. | Así es -respondió el mayordomo-, y tengo para mí que el mismo Licurgo, que dio leyes a los lacedemonios, no pudiera dar mejor sentencia que la que el gran Panza ha dado. Y acábese con esto la audiencia desta mañana, y yo daré orden como el señor gobernador coma muy a su gusto. | Â Oh ! certainement, ajouta le majordome, et je tiens, quant à moi, que Lycurgue lui-même, celui qui donna des lois aux Lacédémoniens, n′aurait pu rendre une meilleure sentence que celle qu′a rendue le grand Sancho Panza. Finissons là l′audience de ce matin, et je vais donner ordre que le seigneur gouverneur dîne tout à son aise. | -Eso pido, y barras derechas -dijo Sancho- denme de comer, y lluevan casos y dudas sobre mí, que yo las despabilaré en el aire. | Â C′est là ce que je demande, et vogue la galère ! s′écria Sancho. Qu′on me donne à manger, puis qu′on fasse pleuvoir sur moi des cas et des questions ; je me charge de les éclaircir à vol d′oiseau. » | Cumplió su palabra el mayordomo, pareciéndole ser cargo de conciencia matar de hambre a tan discreto gobernador; y más, que pensaba concluir con él aquella misma noche haciéndole la burla última que traía en comisión de hacerle. | Le majordome tint parole, car il se faisait un vrai cas de conscience de tuer de faim un si discret gouverneur. D′ailleurs il pensait en finir avec lui cette nuit même, en lui jouant le dernier tour qu′il avait mission de lui jouer. | Sucedió, pues, que, habiendo comido aquel día contra las reglas y aforismos del doctor Tirteafuera, al levantar de los manteles, entró un correo con una carta de don Quijote para el gobernador. Mandó Sancho al secretario que la leyese para sí, y que si no viniese en ella alguna cosa digna de secreto, la leyese en voz alta. Hízolo así el secretario, y, repasándola primero, dijo. | Or, il arriva qu′après que Sancho eut dîné ce jour-là contre les règles et les aphorismes du docteur Tirtéafuéra, au moment du dessert entra un courrier avec une lettre de don Quichotte pour le gouverneur. Sancho donna l′ordre au secrétaire de la lire tout bas, et de la lire ensuite à voix haute, s′il n′y voyait rien qui méritât le secret. Le secrétaire obéit, et, quand il eut parcouru la lettre : | -Bien se puede leer en voz alta, que lo que el señor don Quijote escribe a vuestra merced merece estar estampado y escrito con letras de oro, y dice así. | « On peut bien la lire à haute voix, dit-il, car ce qu′écrit à Votre Grâce le seigneur don Quichotte mérite d′être gravé en lettres d′or. Le voici : | Carta de don Quijote de la Mancha a Sancho Panza, gobernador de la ínsula Baratari. | Lettre de don Quichotte de la Manche à Sancho Panza, gouverneur de l′île Barataria | Cuando esperaba oír nuevas de tus descuidos e impertinencias, Sancho amigo, las oí de tus discreciones, de que di por ello gracias particulares al cielo, el cual del estiércol sabe levantar los pobres, y de los tontos hacer discretos. Dícenme que gobiernas como si fueses hombre, y que eres hombre como si fueses bestia, según es la humildad con que te tratas; y quiero que adviertas, Sancho, que muchas veces conviene y es necesario, por la autoridad del oficio, ir contra la humildad del corazón; porque el buen adorno de la persona que está puesta en graves cargos ha de ser conforme a lo que ellos piden, y no a la medida de lo que su humilde condición le inclina. Vístete bien, que un palo compuesto no parece palo. No digo que traigas dijes ni galas, ni que siendo juez te vistas como soldado, sino que te adornes con el hábito que tu oficio requiere, con tal que sea limpio y bien compuesto. | « Quand je m′attendais à recevoir des nouvelles de tes étourderies et de tes impertinences, ami Sancho, j′en ai reçu de ta sage conduite ; de quoi j′ai rendu de particulières actions de grâces au ciel, qui sait élever le pauvre du fumier< , et des sots faire des gens d′esprit. On annonce que tu gouvernes comme si tu étais un homme, et que tu es homme comme si tu étais une brute, tant tu te traites avec humilité. Mais je veux te faire observer, Sancho, que maintes fois il convient, il est nécessaire, pour l′autorité de l′office, d′aller contre l′humilité du cœur ; car la parure de la personne qui est élevée à de graves emplois doit être conforme à ce qu′ils exigent, et non à la mesure où le fait pencher son humilité naturelle. Habille-toi bien ; un bâton paré ne paraît plus un bâton. Je ne dis pas que tu portes des joyaux et des dentelles, ni qu′étant magistrat tu t′habilles en militaire ; mais que tu te pares avec l′habit que requiert ton office, en le portant propre et bien tenu. | Para ganar la voluntad del pueblo que gobiernas, entre otras has de hacer dos cosas la una, ser bien criado con todos, aunque esto ya otra vez te lo he dicho; y la otra, procurar la abundancia de los mantenimientos; que no hay cosa que más fatigue el corazón de los pobres que la hambre y la carestía. | Pour gagner l′affection du pays que tu gouvernes, tu dois, entre autres, faire deux choses ; l′une, être affable et poli avec tout le monde, c′est ce que je t′ai déjà dit une fois ; l′autre, veiller à l′abondance des approvisionnements ; il n′y a rien qui fatigue plus le cœur du pauvre que la disette et la faim. | No hagas muchas pragmáticas; y si las hicieres, procura que sean buenas, y, sobre todo, que se guarden y cumplan; que las pragmáticas que no se guardan, lo mismo es que si no lo fuesen; antes dan a entender que el príncipe que tuvo discreción y autoridad para hacerlas, no tuvo valor para hacer que se guardasen; y las leyes que atemorizan y no se ejecutan, vienen a ser como la viga, rey de las ranas que al principio las espantó, y con el tiempo la menospreciaron y se subieron sobre ella. | « Ne rends pas beaucoup de pragmatiques et d′ordonnances ; si tu en fais, tâche qu′elles soient bonnes, et surtout qu′on les observe et qu′on les exécute ; car les ordonnances qu′on n′observe point sont comme si elles n′étaient pas rendues ; au contraire, elles laissent entendre que le prince qui eut assez de sagesse et d′autorité pour les rendre, n′a pas assez de force et de courage pour les faire exécuter. Or, les lois qui doivent effrayer, et qui restent sans exécution, finissent par être comme le soliveau, roi des grenouilles, qui les épouvantait dans l′origine, et qu′elles méprisèrent avec le temps jusqu′à lui monter dessus. | Sé padre de las virtudes y padrastro de los vicios. No seas siempre riguroso, ni siempre blando, y escoge el medio entre estos dos estremos, que en esto está el punto de la discreción. Visita las cárceles, las carnicerías y las plazas, que la presencia del gobernador en lugares tales es de mucha importancia consuela a los presos, que esperan la brevedad de su despacho; es coco a los carniceros, que por entonces igualan los pesos, y es espantajo a las placeras, por la misma razón. No te muestres, aunque por ventura lo seas -lo cual yo no creo-, codicioso, mujeriego ni glotón; porque, en sabiendo el pueblo y los que te tratan tu inclinación determinada, por allí te darán batería, hasta derribarte en el profundo de la perdición. | « Sois comme une mère pour les vertus, comme une marâtre pour les vices. Ne sois ni toujours rigoureux, ni toujours débonnaire, et choisis le milieu entre ces deux extrêmes ; c′est là qu′est le vrai point de la discrétion. Visite les prisons, les boucheries, les marchés ; la présence du gouverneur dans ces endroits est d′une haute importance. Â Console les prisonniers qui attendent la prompte expédition de leurs affaires. Â Sois un épouvantail pour les bouchers et pour les revendeurs, afin qu′ils donnent le juste poids. Â Garde-toi bien de te montrer, si tu l′étais par hasard, ce que je ne crois pas, avaricieux, gourmand, ou adonné aux femmes ; car dès qu′on saurait dans le pays, surtout ceux qui ont affaire à toi, quelle est ton inclination bien déterminée, on te battrait en brèche par ce côté, jusqu′à t′abattre dans les profondeurs de la perdition. Â | Mira y remira, pasa y repasa los consejos y documentos que te di por escrito antes que de aquí partieses a tu gobierno, y verás como hallas en ellos, si los guardas, una ayuda de costa que te sobrelleve los trabajos y dificultades que a cada paso a los gobernadores se les ofrecen. Escribe a tus señores y muéstrateles agradecido, que la ingratitud es hija de la soberbia, y uno de los mayores pecados que se sabe, y la persona que es agradecida a los que bien le han hecho, da indicio que también lo será a Dios, que tantos bienes le hizo y de contino le hace. | Lis et relis, passe et repasse les conseils et les instructions que je t′ai donnés par écrit avant que tu partisses pour ton gouvernement ; tu verras, si tu les observes, que tu y trouveras une aide qui te fera supporter les travaux et les obstacles que les gouverneurs rencontrent à chaque pas. Écris à tes seigneurs, et montre-toi reconnaissant à leur égard ; car l′ingratitude est fille de l′orgueil, et l′un des plus grands péchés que l′on connaisse. L′homme qui est reconnaissant envers ceux qui lui font du bien témoigne qu′il le sera de même envers Dieu, dont il a reçu et reçoit sans cesse tant de faveurs. | La señora duquesa despachó un propio con tu vestido y otro presente a tu mujer Teresa Panza; por momentos esperamos respuesta. | « Madame la duchesse a dépêché un exprès, avec ton habit de chasse et un autre présent, à ta femme Thérèse Panza ; nous attendons à chaque instant la réponse. | Yo he estado un poco mal dispuesto de un cierto gateamiento que me sucedió no muy a cuento de mis narices; pero no fue nada, que si hay encantadores que me maltraten, también los hay que me defiendan. | J′ai été quelque peu indisposé de certaines égratignures de chat qui me sont arrivées, et dont mon nez ne s′est pas trouvé fort bien ; mais ce n′a rien été ; s′il y a des enchanteurs qui me maltraitent, il y en a d′autres qui me protègent. | Avísame si el mayordomo que está contigo tuvo que ver en las acciones de la Trifaldi, como tú sospechaste, y de todo lo que te sucediere me irás dando aviso, pues es tan corto el camino; cuanto más, que yo pienso dejar presto esta vida ociosa en que estoy, pues no nací para ella. | Fais-moi savoir si le majordome qui t′accompagne a pris quelque part aux actions de la Trifaldi, comme tu l′avais soupçonné. De tout ce qui t′arrivera tu me donneras avis, puisque la distance est si courte ; d′ailleurs je pense bientôt quitter cette vie oisive où je languis, car je ne suis pas né pour elle. | Un negocio se me ha ofrecido, que creo que me ha de poner en desgracia destos señores; pero, aunque se me da mucho, no se me da nada, pues, en fin en fin, tengo de cumplir antes con mi profesión que con su gusto, conforme a lo que suele decirse amicus Plato, sed magis amica veritas. Dígote este latín porque me doy a entender que, después que eres gobernador, lo habrás aprendido. Y a Dios, el cual te guarde de que ninguno te tenga lástima. | Une affaire s′est présentée, qui doit, j′imagine, me faire tomber dans la disgrâce du duc et de la duchesse. Mais, bien que cela me fasse beaucoup de peine, cela ne me fait rien du tout ; car enfin, enfin, je dois obéir plutôt aux devoirs de ma profession qu′à leur bon plaisir, suivant cet adage : Amicus Plato sed magis amica veritas. Je te dis ce latin, parce que je suppose que, depuis que tu es gouverneur, tu l′auras appris. À Dieu, et qu′il te préserve de ce que personne te porte compassion. | Tu amigo, | « Ton ami. | Don Quijote de la Mancha. | « DON QUICHOTTE DE LA MANCHE. | Oyó Sancho la carta con mucha atención, y fue celebrada y tenida por discreta de los que la oyeron; y luego Sancho se levantó de la mesa, y, llamando al secretario, se encerró con él en su estancia, y, sin dilatarlo más, quiso responder luego a su señor don Quijote, y dijo al secretario que, sin añadir ni quitar cosa alguna, fuese escribiendo lo que él le dijese, y así lo hizo; y la carta de la respuesta fue del tenor siguiente. | Sancho écouta très-attentivement cette lettre, qui fut louée, vantée et tenue pour fort judicieuse par ceux qui en avaient entendu la lecture. Puis il se leva de table, appela le secrétaire et alla s′enfermer avec lui dans sa chambre, voulant, sans plus tarder, répondre à son seigneur don Quichotte. Il dit au secrétaire d′écrire ce qu′il lui dicterait, sans ajouter ni retrancher la moindre chose. L′autre obéit, et la lettre en réponse fut ainsi conçue : | Carta de Sancho Panza a don Quijote de la Mancha. | Lettre de Sancho Panza à don Quichotte de la Manche | La ocupación de mis negocios es tan grande que no tengo lugar para rascarme la cabeza, ni aun para cortarme las uñas; y así, las traigo tan crecidas cual Dios lo remedie. Digo esto, señor mío de mi alma, porque vuesa merced no se espante si hasta agora no he dado aviso de mi bien o mal estar en este gobierno, en el cual tengo más hambre que cuando andábamos los dos por las selvas y por los despoblados. | « L′occupation que me donnent mes affaires est si grande, que je n′ai pas le temps de me gratter la tête, ni même de me couper les ongles ; aussi les ai-je si longs que Dieu veuille bien y remédier. Je dis cela, seigneur de mon âme, pour que Votre Grâce ne s′épouvante point si, jusqu′à présent, je ne l′ai pas informée de ma situation bonne ou mauvaise dans ce gouvernement, où j′ai plus faim que quand nous errions tous deux dans les forêts et les déserts. | Escribióme el duque, mi señor, el otro día, dándome aviso que habían entrado en esta ínsula ciertas espías para matarme, y hasta agora yo no he descubierto otra que un cierto doctor que está en este lugar asalariado para matar a cuantos gobernadores aquí vinieren llámase el doctor Pedro Recio, y es natural de Tirteafuera ¡porque vea vuesa merced qué nombre para no temer que he de morir a sus manos! Este tal doctor dice él mismo de sí mismo que él no cura las enfermedades cuando las hay, sino que las previene, para que no vengan; y las medecinas que usa son dieta y más dieta, hasta poner la persona en los huesos mondos, como si no fuese mayor mal la flaqueza que la calentura. Finalmente, él me va matando de hambre, y yo me voy muriendo de despecho, pues cuando pensé venir a este gobierno a comer caliente y a beber frío, y a recrear el cuerpo entre sábanas de holanda, sobre colchones de pluma, he venido a hacer penitencia, como si fuera ermitaño; y, como no la hago de mi voluntad, pienso que, al cabo al cabo, me ha de llevar el diablo. | « Le duc, mon seigneur, m′a écrit l′autre jour en me donnant avis que certains espions étaient entrés dans cette île pour me tuer ; mais, jusqu′à présent, je n′en ai pas découvert d′autres qu′un certain docteur qui est gagé dans ce pays pour tuer autant de gouverneurs qu′il en vient. Il s′appelle le docteur Pédro Récio, et il est natif de Tirtéafuéra. Voyez un peu quels noms< , et si je ne dois pas craindre de mourir de sa main ! Ce docteur-là dit lui-même, de lui-même, qu′il ne guérit pas les maladies quand on les a, mais qu′il les prévient pour qu′elles ne viennent point. Or, les médecines qu′il emploie sont la diète, et encore la diète, jusqu′à mettre les gens en tel état que les os leur percent la peau ; comme si la maigreur n′était pas un plus grand mal que la fièvre. Finalement, il me tue peu à peu de faim et je meurs de dépit ; car, lorsque je pensais venir à ce gouvernement pour manger chaud, boire frais, me dorloter le corps entre des draps de toile de Hollande et sur des matelas de plumes, voilà que je suis venu faire pénitence comme si j′étais ermite ; et comme je ne la fais pas de bonne volonté, je pense qu′à la fin, à la fin, il faudra que le diable m′emporte. | Hasta agora no he tocado derecho ni llevado cohecho, y no puedo pensar en qué va esto; porque aquí me han dicho que los gobernadores que a esta ínsula suelen venir, antes de entrar en ella, o les han dado o les han prestado los del pueblo muchos dineros, y que ésta es ordinaria usanza en los demás que van a gobiernos, no solamente en éste. | « Jusqu′à présent, je n′ai ni touché de revenu ni reçu de cadeaux, et je ne sais ce que cela veut dire ; car on m′a dit ici que les gouverneurs qui viennent dans cette île ont soin, avant d′y entrer, que les gens du pays leur donnent ou prêtent beaucoup d′argent, et, de plus, que c′est une coutume ordinaire à ceux qui vont à d′autres gouvernements aussi bien qu′à ceux qui viennent à celui-ci. | Anoche, andando de ronda, topé una muy hermosa doncella en traje de varón y un hermano suyo en hábito de mujer; de la moza se enamoró mi maestresala, y la escogió en su imaginación para su mujer, según él ha dicho, y yo escogí al mozo para mi yerno; hoy los dos pondremos en plática nuestros pensamientos con el padre de entrambos, que es un tal Diego de la Llana, hidalgo y cristiano viejo cuanto se quiere. | « Hier soir, en faisant la ronde, j′ai rencontré une très-jolie fille vêtue en homme, et son frère en habit de femme. Mon maître d′hôtel s′est amouraché de la fille, et l′a choisie, dans son imagination, pour sa femme, à ce qu′il dit. Moi, j′ai choisi le jeune homme pour mon gendre. Aujourd′hui nous causerons de nos idées avec le père des deux jeunes gens, qui est un certain Diégo de la Llana, hidalgo et vieux chrétien autant qu′on peut l′être. | Yo visito las plazas, como vuestra merced me lo aconseja, y ayer hallé una tendera que vendía avellanas nuevas, y averigüéle que había mezclado con una hanega de avellanas nuevas otra de viejas, vanas y podridas; apliquélas todas para los niños de la doctrina, que las sabrían bien distinguir, y sentenciéla que por quince días no entrase en la plaza. Hanme dicho que lo hice valerosamente; lo que sé decir a vuestra merced es que es fama en este pueblo que no hay gente más mala que las placeras, porque todas son desvergonzadas, desalmadas y atrevidas, y yo así lo creo, por las que he visto en otros pueblos. | « Je visite les marchés, comme Votre Grâce me le conseille. Hier, je trouvai une marchande qui vendait des noisettes fraîches, et je reconnus qu′elle avait mêlé dans un boisseau de noisettes nouvelles un autre boisseau de noisettes vieilles, vides et pourries. Je les ai toutes confisquées au profit des enfants de la doctrine chrétienne, qui sauront bien les distinguer, et je l′ai condamnée à ne plus paraître au marché de quinze jours. On a trouvé que je m′étais vaillamment conduit. Ce que je puis dire à Votre Grâce, c′est que le bruit court en ce pays qu′il n′y a pas de plus mauvaises engeances que les marchandes des halles, parce qu′elles sont toutes dévergondées, sans honte et sans âme, et je le crois bien, par celles que j′ai vues dans d′autres pays. | De que mi señora la duquesa haya escrito a mi mujer Teresa Panza y enviádole el presente que vuestra merced dice, estoy muy satisfecho, y procuraré de mostrarme agradecido a su tiempo bésele vuestra merced las manos de mi parte, diciendo que digo yo que no lo ha echado en saco roto, como lo verá por la obra. | « Que madame la duchesse ait écrit à ma femme Thérèse Panza, et lui ait envoyé le présent que dit Votre Grâce, j′en suis très-satisfait, et je tâcherai de m′en montrer reconnaissant en temps et lieu. Que Votre Grâce lui baise les mains de ma part, en disant que je dis qu′elle n′a pas jeté son bienfait dans un sac percé, comme elle le verra à l′œuvre. | No querría que vuestra merced tuviese trabacuentas de disgusto con esos mis señores, porque si vuestra merced se enoja con ellos, claro está que ha de redundar en mi daño, y no será bien que, pues se me da a mí por consejo que sea agradecido, que vuestra merced no lo sea con quien tantas mercedes le tiene hechas y con tanto regalo ha sido tratado en su castillo. | Je ne voudrais pas que Votre Grâce eût des démêlés et des fâcheries avec mes seigneurs le duc et la duchesse ; car, si Votre Grâce se brouille avec eux, il est clair que le mal retombera sur moi ; d′ailleurs il ne serait pas bien, puisque Votre Grâce me donne à moi le conseil d′être reconnaissant, que Votre Grâce ne le fût pas envers des gens de qui vous avez reçu tant de faveurs, et qui vous ont si bien traité dans leur château. | Aquello del gateado no entiendo, pero imagino que debe de ser alguna de las malas fechorías que con vuestra merced suelen usar los malos encantadores; yo lo sabré cuando nos veamos. | « Quant aux égratignures de chat, je n′y entends rien, mais j′imagine que ce doit être quelqu′un des méchants tours qu′ont coutume de jouer à Votre Grâce de méchants enchanteurs ; je le saurai quand nous nous reverrons. | Quisiera enviarle a vuestra merced alguna cosa, pero no sé qué envíe, si no es algunos cañutos de jeringas, que para con vejigas los hacen en esta ínsula muy curiosos; aunque si me dura el oficio, yo buscaré qué enviar de haldas o de mangas. | Je voudrais envoyer quelque chose à Votre Grâce ; mais je ne sais que lui envoyer, si ce n′est des canules de seringues ajustées à des vessies, qu′on fait dans cette île à la perfection. Mais si l′office me demeure, je chercherai à vous envoyer quelque chose, des pans ou de la manche.< | Si me escribiere mi mujer Teresa Panza, pague vuestra merced el porte y envíeme la carta,que tengo grandísimo deseo de saber del estado de mi casa, de mi mujer y de mis hijos. Y con esto, Dios libre a vuestra merced de mal intencionados encantadores, y a mí me saque con bien y en paz deste gobierno, que lo dudo, porque le pienso dejar con la vida, según me trata el doctor Pedro Recio. | Dans le cas où ma femme Thérèse Panza viendrait à m′écrire, payez le port, je vous prie, et envoyez-moi la lettre, car j′ai un très-grand désir d′apprendre un peu l′état de ma maison, de ma femme et de mes enfants. Sur cela, que Dieu délivre Votre Grâce des enchanteurs malintentionnés, et qu′il me tire en paix et en santé de ce gouvernement, chose dont je doute, car je pense le laisser avec la vie, à la façon dont me traite le docteur Pédro Récio. | Criado de vuestra merced. | « Serviteur de Votre Grâce. | Sancho Panza, el Gobernador. | « SANCHO PANZA, gouverneur. » | Cerró la carta el secretario y despachó luego al correo; y, juntándose los burladores de Sancho, dieron orden entre sí cómo despacharle del gobierno; y aquella tarde la pasó Sancho en hacer algunas ordenanzas tocantes al buen gobierno de la que él imaginaba ser ínsula, y ordenó que no hubiese regatones de los bastimentos en la república, y que pudiesen meter en ella vino de las partes que quisiesen, con aditamento que declarasen el lugar de donde era, para ponerle el precio según su estimación, bondad y fama, y el que lo aguase o le mudase el nombre, perdiese la vida por ello. | Le secrétaire ferma la lettre, et dépêcha aussitôt le courrier ; puis les mystificateurs de Sancho arrêtèrent entre eux la manière de le dépêcher du gouvernement. Sancho passa cette après-dînée à faire quelques ordonnances touchant la bonne administration de ce qu′il imaginait être une île. Il ordonna qu′il n′y eût plus de revendeurs de comestibles dans la république, et qu′on pût y amener du vin de tous les endroits, sous la charge de déclarer le lieu d′où il venait, pour en fixer le prix suivant sa réputation et sa bonté ; ajoutant que celui qui le mélangerait d′eau, ou en changerait le nom, perdrait la vie pour ce crime. | Moderó el precio de todo calzado, principalmente el de los zapatos, por parecerle que corría con exorbitancia; puso tasa en los salarios de los criados, que caminaban a rienda suelta por el camino del interese; puso gravísimas penas a los que cantasen cantares lascivos y descompuestos, ni de noche ni de día. Ordenó que ningún ciego cantase milagro en coplas si no trujese testimonio auténtico de ser verdadero, por parecerle que los más que los ciegos cantan son fingidos, en perjuicio de los verdaderos. | Il abaissa le prix de toutes espèces de chaussures, principalement celui des souliers, car il lui sembla qu′il s′élevait démesurément.< Il mit un tarif aux salaires des domestiques, qui cheminaient à bride abattue dans la route de l′intérêt. Il établit des peines rigoureuses contre ceux qui chanteraient des chansons obscènes, de jour ou de nuit. Il ordonna qu′aucun aveugle ne chantât désormais de miracles en complainte, à moins d′être porteur de témoignages authentiques prouvant que ce miracle était vrai, parce qu′il lui semblait que la plupart de ceux que chantent les aveugles sont faux, au détriment des véritables. | Hizo y creó un alguacil de pobres, no para que los persiguiese, sino para que los examinase si lo eran, porque a la sombra de la manquedad fingida y de la llaga falsa andan los brazos ladrones y la salud borracha. En resolución él ordenó cosas tan buenas que hasta hoy se guardan en aquel lugar, y se nombran Las constituciones del gran gobernador Sancho Panza. | Il créa un alguazil des pauvres, non pour les poursuivre, mais pour examiner s′ils le sont, car, à l′ombre d′amputations feintes ou de plaies postiches, se cachent des bras voleurs et des estomacs ivrognes. Enfin, il ordonna de si bonnes choses que ses lois sont encore en vigueur dans ce pays, où on les appelle : Les Constitutions du grand gouverneur Sancho Panza.
| II. Capítulo LII. Donde se cuenta la aventura de la segunda dueña Dolorida, o Angustiada, llamada por otro nombre doña Rodríguez. | Chapitre LII Où l′on raconte l′aventure de la seconde duègne Doloride ou Affligée, appelée de son nom doña Rodriguez Cuenta Cide Hamete que estando ya don Quijote sano de sus aruños, le pareció que la vida que en aquel castillo tenía era contra toda la orden de caballería que profesaba, y así, determinó de pedir licencia a los duques para partirse a Zaragoza, cuyas fiestas llegaban cerca, adonde pensaba ganar el arnés que en las tales fiestas se conquista. | Cid Hamet raconte que don Quichotte, une fois guéri de ses égratignures, trouva que la vie qu′il menait dans ce château était tout à fait contraire à l′ordre de chevalerie où il avait fait profession ; il résolut de demander congé au duc et à la duchesse, pour s′en aller à Saragosse, dont les fêtes approchaient, et où il pensait bien conquérir l′armure en quoi consiste le prix qu′on y dispute. | Y, estando un día a la mesa con los duques, y comenzando a poner en obra su intención y pedir la licencia, veis aquí a deshora entrar por la puerta de la gran sala dos mujeres, como después pareció, cubiertas de luto de los pies a la cabeza, y la una dellas, llegándose a don Quijote, se le echó a los pies tendida de largo a largo, la boca cosida con los pies de don Quijote, y daba unos gemidos tan tristes, tan profundos y tan dolorosos, que puso en confusión a todos los que la oían y miraban; y, aunque los duques pensaron que sería alguna burla que sus criados querían hacer a don Quijote, todavía, viendo con el ahínco que la mujer suspiraba, gemía y lloraba, los tuvo dudosos y suspensos, hasta que don Quijote, compasivo, la levantó del suelo y hizo que se descubriese y quitase el manto de sobre la faz llorosa. | Un jour qu′étant à table avec ses nobles hôtes, il commençait à mettre en œuvre son dessein, et à leur demander la permission de partir, tout à coup on vit entrer, par la porte de la grande salle, deux femmes, comme on le reconnut ensuite, couvertes de noir de la tête aux pieds. L′une d′elles, s′approchant de don Quichotte, se jeta à ses genoux, étendue tout de son long, et, la bouche collée aux pieds du chevalier, elle poussait des gémissements si tristes, si profonds, si douloureux, qu′elle porta le trouble dans l′esprit de tous ceux qui la voyaient et l′entendaient. Bien que le duc et la duchesse pensassent que c′était quelque tour que leurs gens voulaient jouer à don Quichotte, toutefois, en voyant avec quel naturel et quelle violence cette femme soupirait, gémissait et pleurait, ils furent eux-mêmes en suspens, jusqu′à ce que don Quichotte, attendri, la releva de terre, et lui fit ôter le voile qui couvrait sa figure inondée de larmes. | Ella lo hizo así, y mostró ser lo que jamás se pudiera pensar, porque descubrió el rostro de doña Rodríguez, la dueña de casa, y la otra enlutada era su hija, la burlada del hijo del labrador rico. Admiráronse todos aquellos que la conocían, y más los duques que ninguno; que, puesto que la tenían por boba y de buena pasta, no por tanto que viniese a hacer locuras. Finalmente, doña Rodríguez, volviéndose a los señores, les dijo: | Elle obéit, et montra ce que jamais on n′eût imaginé, car elle découvrit le visage de doña Rodriguez, la duègne de la maison ; l′autre femme en deuil était sa fille, celle qu′avait séduite le fils du riche laboureur. Ce fut une surprise générale pour tous ceux qui connaissaient la duègne, et ses maîtres s′étonnèrent plus que personne ; car, bien qu′ils la tinssent pour une cervelle de bonne pâte, ils ne la croyaient pas niaise à ce point qu′elle fît des folies. Finalement, doña Rodriguez, se tournant vers le duc et la duchesse, leur dit humblement : | -Vuesas excelencias sean servidos de darme licencia que yo departa un poco con este caballero, porque así conviene para salir con bien del negocio en que me ha puesto el atrevimiento de un mal intencionado villano. | « Que Vos Excellences veuillent bien m′accorder la permission d′entretenir un peu ce chevalier, parce qu′il en est besoin pour que je sorte heureusement de la méchante affaire où m′a mise la hardiesse d′un vilain malintentionné. » | El duque dijo que él se la daba, y que departiese con el señor don Quijote cuanto le viniese en deseo. Ella, enderezando la voz y el rostro a don Quijote, dijo. | Le duc répondit qu′il la lui donnait, et qu′elle pouvait entretenir le seigneur don Quichotte sur tout ce qui lui ferait plaisir. Elle alors, dirigeant sa voix et ses regards sur don Quichotte, ajouta : | -Días ha, valeroso caballero, que os tengo dada cuenta de la sinrazón y alevosía que un mal labrador tiene fecha a mi muy querida y amada fija, que es esta desdichada que aquí está presente, y vos me habedes prometido de volver por ella, enderezándole el tuerto que le tienen fecho, y agora ha llegado a mi noticia que os queredes partir deste castillo, en busca de las buenas venturas que Dios os depare; y así, querría que, antes que os escurriésedes por esos caminos, desafiásedes a este rústico indómito, y le hiciésedes que se casase con mi hija, en cumplimiento de la palabra que le dio de ser su esposo, antes y primero que yogase con ella; porque pensar que el duque mi señor me ha de hacer justicia es pedir peras al olmo, por la ocasión que ya a vuesa merced en puridad tengo declarada. Y con esto, Nuestro Señor dé a vuesa merced mucha salud, y a nosotras no nos desampare. | « Il y a déjà plusieurs jours, valeureux chevalier, que je vous ai rendu compte du grief et de la perfidie dont un méchant paysan s′est rendu coupable envers ma très-chère et bien-aimée fille, l′infortunée qui est ici présente. Vous m′avez promis de prendre sa cause en main, et de redresser le tort qu′on lui a fait. Maintenant, il vient d′arriver à ma connaissance que vous voulez partir de ce château, en quête des aventures qu′il plaira à Dieu de vous envoyer. Aussi voudrais-je qu′avant de vous échapper à travers ces chemins, vous portassiez un défi à ce rustre indompté, et que vous le fissiez épouser ma fille en accomplissement de la parole qu′il lui a donnée d′être son mari avant d′abuser d′elle. Penser, en effet, que le duc, mon seigneur, me rendra justice, c′est demander des poires à l′ormeau, à cause de la circonstance que j′ai déjà confiée à Votre Grâce en toute sincérité. Sur cela, que Notre-Seigneur donne à Votre Grâce une excellente santé, et qu′il ne nous abandonne point, ma fille et moi. » | A cuyas razones respondió don Quijote, con mucha gravedad y prosopopeya: | À ces propos, don Quichotte répondit avec beaucoup de gravité et d′emphase : | -Buena dueña, templad vuestras lágrimas, o, por mejor decir, enjugadlas y ahorrad de vuestros suspiros, que yo tomo a mi cargo el remedio de vuestra hija, a la cual le hubiera estado mejor no haber sido tan fácil en creer promesas de enamorados, las cuales, por la mayor parte, son ligeras de prometer y muy pesadas de cumplir; y así, con licencia del duque mi señor, yo me partiré luego en busca dese desalmado mancebo, y le hallaré, y le desafiaré, y le mataré cada y cuando que se escusare de cumplir la prometida palabra; que el principal asumpto de mi profesión es perdonar a los humildes y castigar a los soberbios; quiero decir: acorrer a los miserables y destruir a los rigurosos. | « Bonne duègne, modérez vos larmes, ou, pour mieux dire, séchez-les, et épargnez la dépense de vos soupirs. Je prends à ma charge la réparation due à votre fille, qui aurait mieux fait de ne pas être si facile à croire les promesses d′amoureux, lesquelles sont d′habitude très-légères à faire et très-lourdes à tenir. Ainsi donc, avec la licence du duc, mon seigneur, je vais me mettre sur-le-champ en quête de ce garçon dénaturé ; je le trouverai, je le défierai et je le tuerai toute et chaque fois qu′il refusera d′accomplir sa parole ; car la première affaire de ma profession, c′est de pardonner aux humbles et de châtier les superbes, je veux dire de secourir les misérables et d′abattre les persécuteurs. | -No es menester -respondió el duque- que vuesa merced se ponga en trabajo de buscar al rústico de quien esta buena dueña se queja, ni es menester tampoco que vuesa merced me pida a mí licencia para desafiarle; que yo le doy por desafiado, y tomo a mi cargo de hacerle saber este desafío, y que le acete, y venga a responder por sí a este mi castillo, donde a entrambos daré campo seguro, guardando todas las condiciones que en tales actos suelen y deben guardarse, guardando igualmente su justicia a cada uno, como están obligados a guardarla todos aquellos príncipes que dan campo franco a los que se combaten en los términos de sus señoríos. | Â Il n′est pas besoin, répondit le duc, que Votre Grâce se donne la peine de chercher le rustre dont se plaint cette bonne duègne, et il n′est pas besoin davantage que Votre Grâce me demande permission de lui porter défi. Je le donne et le tiens pour défié, et je prends à ma charge de lui faire connaître ce défi et de le lui faire accepter, pour qu′il vienne y répondre lui-même dans ce château, où je donnerai à tous deux le champ libre et sûr, gardant toutes les conditions qui, en de tels actes, doivent se garder, et gardant aussi à chacun sa justice, comme y sont obligés tous les princes qui donnent le champ clos aux combattants, dans les limites de leurs seigneuries. | -Pues con ese seguro y con buena licencia de vuestra grandeza -replicó don Quijote-, desde aquí digo que por esta vez renuncio a mi hidalguía, y me allano y ajusto con la llaneza del dañador, y me hago igual con él, habilitándole para poder combatir conmigo; y así, aunque ausente, le desafío y repto, en razón de que hizo mal en defraudar a esta pobre, que fue doncella y ya por su culpa no lo es, y que le ha de cumplir la palabra que le dio de ser su legítimo esposo, o morir en la demanda. | Â Avec ce sauf-conduit et la permission de Votre Grandeur, répliqua don Quichotte, je dis dès maintenant que, pour cette fois, je renonce aux privilèges de ma noblesse, que je m′abaisse et me nivelle à la roture de l′offenseur, que je me fais son égal et le rends apte à combattre contre moi. Ainsi donc, quoique absent, je le défie et l′appelle, en raison de ce qu′il a mal fait de tromper cette pauvre fille, qui fut fille, et ne l′est plus par sa faute, et pour qu′il tienne la parole qu′il lui a donnée d′être son légitime époux, ou qu′il meure dans le combat. » | Y luego, descalzándose un guante, le arrojó en mitad de la sala, y el duque le alzó, diciendo que, como ya había dicho, él acetaba el tal desafío en nombre de su vasallo, y señalaba el plazo de allí a seis días; y el campo, en la plaza de aquel castillo; y las armas, las acostumbradas de los caballeros: lanza y escudo, y arnés tranzado, con todas las demás piezas, sin engaño, superchería o superstición alguna, examinadas y vistas por los jueces del campo. | Aussitôt, tirant un gant de l′une de ses mains, il le jeta au milieu de la salle ; le duc le releva, en répétant qu′il acceptait ce défi au nom de son vassal, et qu′il assignait, pour époque du combat, le sixième jour ; pour champ clos, la plate-forme du château ; et pour armes, celles ordinaires aux chevaliers, la lance, l′écu, le harnais à cotte de mailles, avec toutes les autres pièces de l′armure, dûment examinées par les juges du camp, sans fraude, supercherie ni talisman d′aucun genre. | -Pero, ante todas cosas, es menester que esta buena dueña y esta mala doncella pongan el derecho de su justicia en manos del señor don Quijote; que de otra manera no se hará nada, ni llegará a debida ejecución el tal desafío. | « Mais avant toutes choses, ajouta-t-il, il faut que cette bonne duègne et cette mauvaise demoiselle remettent le droit de leur cause entre les mains du seigneur don Quichotte ; autrement rien ne pourra se faire, et ce défi sera non avenu. | -Yo sí pongo -respondió la dueña. | Â Moi, je le remets, répondit la duègne. | -Y yo también -añadió la hija, toda llorosa y toda vergonzosa y de mal talante. | Â Et moi aussi », ajouta la fille, tout éplorée, toute honteuse et perdant contenance. | Tomado, pues, este apuntamiento, y habiendo imaginado el duque lo que había de hacer en el caso, las enlutadas se fueron, y ordenó la duquesa que de allí adelante no las tratasen como a sus criadas, sino como a señoras aventureras que venían a pedir justicia a su casa; y así, les dieron cuarto aparte y las sirvieron como a forasteras, no sin espanto de las demás criadas, que no sabían en qué había de parar la sandez y desenvoltura de doña Rodríguez y de su malandante hija. | Ces déclarations reçues en bonne forme, tandis que le duc rêvait à ce qu′il fallait faire pour un cas pareil, les deux plaignantes en deuil se retirèrent. La duchesse ordonna qu′on ne les traitât plus comme servantes, mais comme des dames aventurières qui étaient venues chez elle demander justice. Aussi leur donna-t-on un appartement à part, et les servit-on comme des étrangères, à la grande surprise des autres femmes, qui ne savaient où irait aboutir l′extravagance impudente de doña Rodriguez et de sa malavisée de fille. | Estando en esto, para acabar de regocijar la fiesta y dar buen fin a la comida, veis aquí donde entró por la sala el paje que llevó las cartas y presentes a Teresa Panza, mujer del gobernador Sancho Panza, de cuya llegada recibieron gran contento los duques, deseosos de saber lo que le había sucedido en su viaje; y, preguntándoselo, respondió el paje que no lo podía decir tan en público ni con breves palabras: que sus excelencias fuesen servidos de dejarlo para a solas, y que entretanto se entretuviesen con aquellas cartas. Y, sacando dos cartas, las puso en manos de la duquesa. La una decía en el sobreescrito: Carta para mi señora la duquesa tal, de no sé dónde, y la otra: A mi marido Sancho Panza, gobernador de la ínsula Barataria, que Dios prospere más años que a mí. No se le cocía el pan, como suele decirse, a la duquesa hasta leer su carta, y abriéndola y leído para sí, y viendo que la podía leer en voz alta para que el duque y los circunstantes la oyesen, leyó desta manera. | On en était là quand, pour achever d′égayer la fête et de donner un bon dessert au dîner, entre tout à coup dans la salle le page qui avait porté les lettres et les présents à Thérèse Panza, femme du gouverneur Sancho Panza. Son arrivée réjouit extrêmement le duc et la duchesse, empressés de savoir ce qui lui était arrivé dans son voyage. Ils le questionnèrent aussitôt ; mais le page répondit qu′il ne pouvait s′expliquer devant tant de monde, ni en peu de paroles ; que Leurs Excellences voulussent donc bien remettre la chose à un entretien particulier, et qu′en attendant elles se divertissent avec ces lettres qu′il leur apportait. Puis, tirant deux lettres de son sein, il les remit aux mains de la duchesse. L′une portait une adresse ainsi conçue : « Lettre pour madame la duchesse une telle, de je ne sais où » et l′autre : « À mon mari Sancho Panza, gouverneur de l′île Barataria, à qui Dieu donne plus d′années qu′à moi. » Impatiente de lire sa lettre, la duchesse l′ouvrit aussitôt, la parcourut d′abord seule ; puis, voyant qu′elle pouvait la lire à haute voix, pour que le duc et les assistants l′entendissent, elle lut ce qui suit : | Carta de Teresa Panza a la Duques. | Lettre de Thérèse Panza à la duchesse | Mucho contento me dio, señora mía, la carta que vuesa grandeza me escribió, que en verdad que la tenía bien deseada. La sarta de corales es muy buena, y el vestido de caza de mi marido no le va en zaga. De que vuestra señoría haya hecho gobernador a Sancho, mi consorte, ha recebido mucho gusto todo este lugar, puesto que no hay quien lo crea, principalmente el cura, y mase Nicolás el barbero, y Sansón Carrasco el bachiller; pero a mí no se me da nada; que, como ello sea así, como lo es, diga cada uno lo que quisiere; aunque, si va a decir verdad, a no venir los corales y el vestido, tampoco yo lo creyera, porque en este pueblo todos tienen a mi marido por un porro, y que, sacado de gobernar un hato de cabras, no pueden imaginar para qué gobierno pueda ser bueno. Dios lo haga, y lo encamine como vee que lo han menester sus hijos. | « J′ai reçu bien de la joie, ma chère dame, de la lettre que Votre Grandeur m′a écrite ; car, en vérité, il y a longtemps que je la désirais. Le collier de corail est bel et bon, et l′habit de chasse de mon mari ne s′en laisse pas revendre. De ce que Votre Seigneurie ait fait gouverneur Sancho, mon consort, tout ce village s′en est fort réjoui, bien que personne ne veuille le croire, principalement le curé, et maître Nicolas, le barbier, et Samson Carrasco, le bachelier. Mais cela ne me fait rien du tout ; car, pourvu qu′il en soit ainsi, comme cela est, que chacun dise ce qui lui plaira. Pourtant, s′il faut dire vrai, sans l′arrivée du corail et de l′habit, je ne l′aurais pas cru davantage, car tous les gens du pays tiennent mon mari pour une grosse bête, et ne peuvent imaginer, si on l′ôte de gouverner un troupeau de chèvres, pour quelle espèce de gouvernement il peut être bon. Que Dieu l′assiste et le dirige comme il voit que ses enfants en ont besoin. | Yo, señora de mi alma, estoy determinada, con licencia de vuesa merced, de meter este buen día en mi casa, yéndome a la corte a tenderme en un coche, para quebrar los ojos a mil envidiosos que ya tengo; y así, suplico a vuesa excelencia mande a mi marido me envíe algún dinerillo, y que sea algo qué, porque en la corte son los gastos grandes: que el pan vale a real, y la carne, la libra, a treinta maravedís, que es un juicio; y si quisiere que no vaya, que me lo avise con tiempo, porque me están bullendo los pies por ponerme en camino; que me dicen mis amigas y mis vecinas que, si yo y mi hija andamos orondas y pomposas en la corte, vendrá a ser conocido mi marido por mí más que yo por él, siendo forzoso que pregunten muchos: ′′-¿Quién son estas señoras deste coche?′′ Y un criado mío responder: ′′-La mujer y la hija de Sancho Panza, gobernador de la ínsula Barataria′′; y desta manera será conocido Sancho, y yo seré estimada, y a Roma por todo. | Quant à moi, chère dame de mon âme, je suis bien résolue, avec la permission de Votre Grâce, à mettre, comme on dit, le bonheur dans ma maison, en m′en allant à la cour m′étendre dans un carrosse pour crever les yeux à mille envieux que j′ai déjà. Je supplie donc Votre Excellence de recommander à mon mari qu′il me fasse quelque petit envoi d′argent, et que ce soit un peu plus que rien ; car à la cour, les dépenses sont grandes. Le pain y vaut un réal, et la viande trente maravédis la livre, que c′est une horreur. Si par hasard il ne veut pas que j′y aille, qu′il se dépêche de m′en aviser, car les pieds me démangent déjà pour me mettre en route. Mes amies et mes voisines me disent que, si moi et ma fille allons à la cour, parées et pompeuses, mon mari finira par être plus connu par moi, que moi par lui. Car enfin bien des gens demanderont : « Qui sont les dames de ce carrosse ? » et l′un de mes laquais répondra : « Ce sont la femme et la fille de Sancho Panza, gouverneur de l′île Barataria. » De cette manière Sancho sera connu, et moi je serai prônée, et à Rome pour tout.< | Pésame, cuanto pesarme puede, que este año no se han cogido bellotas en este pueblo; con todo eso, envío a vuesa alteza hasta medio celemín, que una a una las fui yo a coger y a escoger al monte, y no las hallé más mayores; yo quisiera que fueran como huevos de avestruz. | Je suis fâchée, autant que je puisse l′être, de ce que cette année on n′a pas récolté de glands dans le pays. Cependant j′en envoie à Votre Altesse jusqu′à un demi-boisseau, que j′ai été cueillir et choisir moi-même au bois, un à un. Je n′en ai pas trouvé de plus gros, et je voudrais qu′ils fussent comme des œufs d′autruche. | No se le olvide a vuestra pomposidad de escribirme, que yo tendré cuidado de la respuesta, avisando de mi salud y de todo lo que hubiere que avisar deste lugar, donde quedo rogando a Nuestro Señor guarde a vuestra grandeza, y a mí no olvide. Sancha, mi hija, y mi hijo besan a vuestra merced las manos. | « Que Votre Splendeur n′oublie pas de m′écrire ; j′aurai soin de vous faire la réponse, et de vous informer de ma santé ainsi que de tout ce qui se passera dans ce village, où je reste à prier Notre-Seigneur Dieu qu′il garde Votre Grandeur, et qu′il ne m′oublie pas. Sancha, ma fille, et mon fils baisent les mains à Votre Grâce. | La que tiene más deseo de ver a vuestra señoría que de escribirla, su criada. Teresa Panza. | « Celle qui a plus envie de voir Votre Seigneurie que de lui écrire. Votre servante. « THÉR
ÇE PANZA. » | Grande fue el gusto que todos recibieron de oír la carta de Teresa Panza, principalmente los duques, y la duquesa pidió parecer a don Quijote si sería bien abrir la carta que venía para el gobernador, que imaginaba debía de ser bonísima. Don Quijote dijo que él la abriría por darles gusto, y así lo hizo, y vio que decía desta manera. | Ce fut pour tout le monde un grand plaisir que d′entendre la lettre de Thérèse Panza, principalement pour le duc et la duchesse ; celle-ci prit l′avis de don Quichotte pour savoir si l′on ne pourrait point ouvrir la lettre adressée au gouverneur, s′imaginant qu′elle devait être parfaite. Don Quichotte répondit que, pour faire plaisir à la compagnie, il l′ouvrirait lui-même ; ce qu′il fit en effet, et voici comment elle était conçue : | Carta de Teresa Panza a Sancho Panza su marid. | Lettre de Thérèse Panza à Sancho Panza, son mari | Tu carta recibí, Sancho mío de mi alma, y yo te prometo y juro como católica cristiana que no faltaron dos dedos para volverme loca de contento. Mira, hermano: cuando yo llegué a oír que eres gobernador, me pensé allí caer muerta de puro gozo, que ya sabes tú que dicen que así mata la alegría súbita como el dolor grande. A Sanchica, tu hija, se le fueron las aguas sin sentirlo, de puro contento. El vestido que me enviaste tenía delante, y los corales que me envió mi señora la duquesa al cuello, y las cartas en las manos, y el portador dellas allí presente, y, con todo eso, creía y pensaba que era todo sueño lo que veía y lo que tocaba; porque, ¿quién podía pensar que un pastor de cabras había de venir a ser gobernador de ínsulas? Ya sabes tú, amigo, que decía mi madre que era menester vivir mucho para ver mucho: dígolo porque pienso ver más si vivo más; porque no pienso parar hasta verte arrendador o alcabalero, que son oficios que, aunque lleva el diablo a quien mal los usa, en fin en fin, siempre tienen y manejan dineros. Mi señora la duquesa te dirá el deseo que tengo de ir a la corte; mírate en ello, y avísame de tu gusto, que yo procuraré honrarte en ella andando en coche. | « J′ai reçu ta lettre, mon Sancho de mon âme, et je te jure, foi de catholique chrétienne, qu′il ne s′en est pas fallu deux doigts que je ne devinsse folle de joie. Vois-tu, père, quand je suis arrivée à entendre lire que tu es gouverneur, j′ai failli tomber sur la place morte du coup ; car tu sais bien qu′on dit que la joie subite tue comme la grande douleur. Pour Sanchica ta fille, elle a mouillé son jupon sans le sentir, et de pur contentement. J′avais devant moi l′habit que tu m′as envoyé, et au cou le collier de corail que m′a envoyé madame la duchesse, et les lettres dans les mains, et le messager là présent ; et avec tout cela, je croyais et pensais que tout ce que je voyais et touchais n′était qu′un songe ; car enfin, qui pouvait penser qu′un berger de chèvres serait devenu gouverneur d′îles ? Tu sais bien, ami, ce que disait ma mère, qu′il fallait vivre beaucoup pour beaucoup voir. Je dis cela parce que je pense voir encore plus si je vis plus longtemps ; je pense ne pas m′arrêter que je ne te voie fermier de la gabelle ou de l′octroi ; car ce sont des offices où, bien que le diable emporte ceux qui s′y conduisent mal, à la fin des fins on touche et on manie de l′argent. Madame la duchesse te fera part du désir que j′ai d′aller à la cour. Réfléchis bien à cela, et fais-moi part de ton bon plaisir ; je tâcherai de t′y faire honneur, en me promenant en carrosse. | El cura, el barbero, el bachiller y aun el sacristán no pueden creer que eres gobernador, y dicen que todo es embeleco, o cosas de encantamento, como son todas las de don Quijote tu amo; y dice Sansón que ha de ir a buscarte y a sacarte el gobierno de la cabeza, y a don Quijote la locura de los cascos; yo no hago sino reírme, y mirar mi sarta, y dar traza del vestido que tengo de hacer del tuyo a nuestra hija. | « Le curé, le barbier, le bachelier, et même le sacristain, ne veulent pas croire que tu sois gouverneur ; ils disent que tout cela n′est que tromperie, ou affaire d′enchantement, comme sont toutes celles de ton maître don Quichotte. « Samson dit encore qu′il ira te chercher pour t′ôter le gouvernement de la tête et pour tirer à don Quichotte la folie du cerveau. Moi, je ne fais que rire, et regarder mon collier de corail, et prendre mesure de l′habit que je dois faire avec le tien à notre fille. | Unas bellotas envié a mi señora la duquesa; yo quisiera que fueran de oro. Envíame tú algunas sartas de perlas, si se usan en esa ínsula. | J′ai envoyé quelques glands à madame la duchesse, et j′aurais voulu qu′ils fussent d′or. Envoie-moi, toi, quelques colliers de perles, s′ils sont à la mode dans ton île. | Las nuevas deste lugar son que la Berrueca casó a su hija con un pintor de mala mano, que llegó a este pueblo a pintar lo que saliese; mandóle el Concejo pintar las armas de Su Majestad sobre las puertas del Ayuntamiento, pidió dos ducados, diéronselos adelantados, trabajó ocho días, al cabo de los cuales no pintó nada, y dijo que no acertaba a pintar tantas baratijas; volvió el dinero, y, con todo eso, se casó a título de buen oficial; verdad es que ya ha dejado el pincel y tomado el azada, y va al campo como gentilhombre. El hijo de Pedro de Lobo se ha ordenado de grados y corona, con intención de hacerse clérigo; súpolo Minguilla, la nieta de Mingo Silvato, y hale puesto demanda de que la tiene dada palabra de casamiento; malas lenguas quieren decir que ha estado encinta dél, pero él lo niega a pies juntillas. | Voici les nouvelles du village : La Barruéca a marié sa fille à un peintre de méchante main, qui est venu dans ce pays pour peindre ce qui se trouverait. Le conseil municipal l′a chargé de peindre les armes de Sa Majesté sur la porte de la maison commune ; il a demandé deux ducats, qu′on lui a avancés, et il a travaillé huit jours, au bout desquels il n′avait rien peint du tout ; alors il a dit qu′il ne pouvait venir à bout de peindre tant de brimborions. Il a donc rendu l′argent, et, malgré cela, il s′est marié à titre de bon ouvrier. Il est vrai qu′il a déjà laissé le pinceau pour prendre la pioche, et qu′il va aux champs comme un gentilhomme. Le fils de Pédro Lobo a reçu les premiers ordres et la tonsure, dans l′intention de se faire prêtre. Minguilla l′a su, la petite-fille de Mingo Silvato, et lui a intenté un procès, parce qu′il lui avait donné parole de mariage. De mauvaises langues disent même qu′elle est enceinte de ses œuvres ; mais il le nie à pieds joints. | Hogaño no hay aceitunas, ni se halla una gota de vinagre en todo este pueblo. Por aquí pasó una compañía de soldados; lleváronse de camino tres mozas deste pueblo; no te quiero decir quién son: quizá volverán, y no faltará quien las tome por mujeres, con sus tachas buenas o malas. | Cette année les olives ont manqué, et l′on ne trouve pas une goutte de vinaigre en tout le village. Une compagnie de soldats est passée par ici ; ils ont enlevé, chemin faisant, trois filles du pays. Je ne veux pas te dire qui elles sont ; peut-être reviendront-elles, et il se trouvera des gens qui les prendront pour femmes, avec leurs taches bonnes ou mauvaises. | Sanchica hace puntas de randas; gana cada día ocho maravedís horros, que los va echando en una alcancía para ayuda a su ajuar; pero ahora que es hija de un gobernador, tú le darás la dote sin que ella lo trabaje. La fuente de la plaza se secó; un rayo cayó en la picota, y allí me las den todas. | Sanchica fait du réseau ; elle gagne par jour huit maravédis, frais payés, et les jette dans une tirelire pour amasser son trousseau ; mais, à présent qu′elle est fille d′un gouverneur, tu lui donneras sa dot, sans qu′elle travaille à la faire. La fontaine de la place s′est tarie, et le tonnerre est tombé sur la potence ; qu′il en arrive autant à toutes les autres. | Espero respuesta désta y la resolución de mi ida a la corte; y, con esto, Dios te me guarde más años que a mí o tantos, porque no querría dejarte sin mí en este mundo. | J′attends la réponse à cette lettre, et la décision de mon départ pour la cour. Sur ce, que Dieu te garde plus d′années que moi, ou du moins autant, car je ne voudrais pas te laisser sans moi dans ce monde. | Tu mujer. Teresa Panza. | « Ta femme, THÉR
ÇE PANZA. » | Las cartas fueron solenizadas, reídas, estimadas y admiradas; y, para acabar de echar el sello, llegó el correo, el que traía la que Sancho enviaba a don Quijote, que asimesmo se leyó públicamente, la cual puso en duda la sandez del gobernador. | Les lettres furent trouvées dignes de louange, de rire, d′estime et d′admiration. Pour mettre le sceau à la bonne humeur de l′assemblée, arriva dans ce moment le courrier qui apportait la lettre adressée par Sancho à don Quichotte, et qui fut aussi lue publiquement ; mais celle-ci fit mettre en doute la simplicité du gouverneur. | Retiróse la duquesa, para saber del paje lo que le había sucedido en el lugar de Sancho, el cual se lo contó muy por estenso, sin dejar circunstancia que no refiriese; diole las bellotas, y más un queso que Teresa le dio, por ser muy bueno, que se aventajaba a los de Tronchón Recibiólo la duquesa con grandísimo gusto, con el cual la dejaremos, por contar el fin que tuvo el gobierno del gran Sancho Panza, flor y espejo de todos los insulanos gobernadores. | La duchesse se retira pour apprendre du page ce qui lui était arrivé dans le village de Sancho, et le page lui conta son aventure dans le plus grand détail, sans omettre aucune circonstance. Il donna les glands à la duchesse, et, de plus, un fromage que Thérèse avait ajouté au présent, comme étant si délicat qu′il l′emportait même sur ceux de Tronchon. La duchesse le reçut avec un extrême plaisir, et nous la laisserons dans cette joie pour raconter quelle fin eut le gouvernement du grand Sancho Panza, fleur et miroir de tous les gouverneurs insulaires.
| II. Capítulo LIII. Del fatigado fin y remate que tuvo el gobierno de Sancho Panza. | Chapitre LIII De la terrible fin et fatigante conclusion qu′eut le gouvernement de Sancho Panza ′′Pensar que en esta vida las cosas della han de durar siempre en un estado es pensar en lo escusado; antes parece que ella anda todo en redondo, digo, a la redonda: la primavera sigue al verano, el verano al estío, el estío al otoño, y el otoño al invierno, y el invierno a la primavera, y así torna a andarse el tiempo con esta rueda continua; sola la vida humana corre a su fin ligera más que el tiempo, sin esperar renovarse si no es en la otra, que no tiene términos que la limiten′′. Esto dice Cide Hamete, filósofo mahomético; porque esto de entender la ligereza e instabilidad de la vida presente, y de la duración de la eterna que se espera, muchos sin lumbre de fe, sino con la luz natural, lo han entendido; pero aquí, nuestro autor lo dice por la presteza con que se acabó, se consumió, se deshizo, se fue como en sombra y humo el gobierno de Sancho. | Croire que, dans cette vie, les choses doivent toujours durer au même état, c′est croire l′impossible. Au contraire, on dirait que tout y va en rond, je veux dire à la ronde. Au printemps succède l′été, à l′été l′automne, à l′automne l′hiver, et à l′hiver le printemps ; et le temps tourne ainsi sur cette roue perpétuelle. La seule vie de l′homme court à sa fin, plus légère que le temps, sans espoir de se renouveler, si ce n′est dans l′autre vie, qui n′a point de bornes. Voilà ce que dit Cid Hamet, philosophe mahométan ; car enfin cette question de la rapidité et de l′instabilité de la vie présente, et de l′éternelle durée de la vie future, bien des gens, sans la lumière de la foi, et par la seule lumière naturelle, l′ont fort bien comprise. Mais, en cet endroit, notre auteur parle ainsi à propos de la rapidité avec laquelle le gouvernement de Sancho se consuma, se détruisit, s′anéantit, et s′en alla en ombre et en fumée. | El cual, estando la séptima noche de los días de su gobierno en su cama, no harto de pan ni de vino, sino de juzgar y dar pareceres y de hacer estatutos y pragmáticas, cuando el sueño, a despecho y pesar de la hambre, le comenzaba a cerrar los párpados, oyó tan gran ruido de campanas y de voces, que no parecía sino que toda la ínsula se hundía. Sentóse en la cama, y estuvo atento y escuchando, por ver si daba en la cuenta de lo que podía ser la causa de tan grande alboroto; pero no sólo no lo supo, pero, añadiéndose al ruido de voces y campanas el de infinitas trompetas y atambores, quedó más confuso y lleno de temor y espanto; y, levantándose en pie, se puso unas chinelas, por la humedad del suelo, y, sin ponerse sobrerropa de levantar, ni cosa que se pareciese, salió a la puerta de su aposento, a tiempo cuando vio venir por unos corredores más de veinte personas con hachas encendidas en las manos y con las espadas desenvainadas, gritando todos a grandes voces. | La septième nuit des jours de son gouvernement, Sancho était au lit, rassasié, non pas de pain et de vin, mais de rendre des sentences, de donner des avis, d′établir des statuts et de promulguer des pragmatiques. Au moment où le sommeil commençait, en dépit de la faim, à lui fermer les paupières, il entendit tout à coup un si grand tapage de cloches et de cris, qu′on aurait dit que toute l′île s′écroulait. Il se leva sur son séant, et se mit à écouter avec attention pour voir s′il devinerait quelle pouvait être la cause d′un si grand vacarme. Non-seulement il n′y comprit rien, mais bientôt, au bruit des voix et des cloches, se joignit celui d′une infinité de trompettes et de tambours. Plein de trouble et d′épouvante, il sauta par terre, enfila des pantoufles à cause de l′humidité du sol, et, sans mettre ni robe de chambre ni rien qui y ressemblât, il accourut à la porte de son appartement. Au même instant il vit venir par les corridors plus de vingt personnes tenant à la main des torches allumées et des épées nues, qui disaient toutes à grands cris : | -¡Arma, arma, señor gobernador, arma!; que han entrado infinitos enemigos en la ínsula, y somos perdidos si vuestra industria y valor no nos socorre. | « Aux armes, aux armes, seigneur gouverneur ! aux armes ! une infinité d′ennemis ont pénétré dans l′île, et nous sommes perdus si votre adresse et votre valeur ne nous portent secours. » | Con este ruido, furia y alboroto llegaron donde Sancho estaba, atónito y embelesado de lo que oía y veía; y, cuando llegaron a él, uno le dijo. | Ce fut avec ce tapage et cette furie qu′ils arrivèrent où était Sancho, plus mort que vif de ce qu′il voyait et entendait. Quand ils furent proches, l′un d′eux lui dit : | -¡Ármese luego vuestra señoría, si no quiere perderse y que toda esta ínsula se pierda. | « Que Votre Seigneurie s′arme vite, si elle ne veut se perdre, et perdre l′île entière. | -¿Qué me tengo de armar -respondió Sancho-, ni qué sé yo de armas ni de socorros? Estas cosas mejor será dejarlas para mi amo don Quijote, que en dos paletas las despachará y pondrá en cobro; que yo, pecador fui a Dios, no se me entiende nada destas priesas. | Â Qu′ai-je à faire de m′armer ? répondit Sancho ; et qu′est-ce que j′entends en fait d′armes et de secours ? Il vaut bien mieux laisser ces choses à mon maître don Quichotte, qui les dépêchera en deux tours de main, et nous tirera d′affaire. Mais moi, pécheur à Dieu, je n′entends rien à ces presses-là. | -¡Ah, señor gobernador! -dijo otro-. ¿Qué relente es ése? Ármese vuesa merced, que aquí le traemos armas ofensivas y defensivas, y salga a esa plaza, y sea nuestra guía y nuestro capitán, pues de derecho le toca el serlo, siendo nuestro gobernador. | Â Holà ! seigneur gouverneur, s′écria un autre, quelle froideur est-ce là ? Armez-vous bien vite, puisque nous vous apportons des armes offensives et défensives, et paraissez sur la place, et soyez notre guide et notre capitaine, puisqu′il vous appartient de l′être, étant notre gouverneur. | -Ármenme norabuena -replicó Sancho. | Â Eh bien ! qu′on m′arme donc, et à la bonne heure », répliqua Sancho. | Y al momento le trujeron dos paveses, que venían proveídos dellos, y le pusieron encima de la camisa, sin dejarle tomar otro vestido, un pavés delante y otro detrás, y, por unas concavidades que traían hechas, le sacaron los brazos, y le liaron muy bien con unos cordeles, de modo que quedó emparedado y entablado, derecho como un huso, sin poder doblar las rodillas ni menearse un solo paso. Pusiéronle en las manos una lanza, a la cual se arrimó para poder tenerse en pie. Cuando así le tuvieron, le dijeron que caminase, y los guiase y animase a todos; que, siendo él su norte, su lanterna y su lucero, tendrían buen fin sus negocios. | Aussitôt on apporta deux pavois, ou grands boucliers, dont ces gens étaient pourvus, et on lui attacha sur sa chemise, sans lui laisser prendre aucun autre vêtement, un pavois devant et l′autre derrière. On lui fit passer les bras par des ouvertures qui avaient été pratiquées, et on le lia vigoureusement avec des cordes, de façon qu′il resta claquemuré entre deux planches, droit comme un fuseau, sans pouvoir plier les genoux ni se mouvoir d′un pas. On lui mit dans les mains une lance, sur laquelle il s′appuya pour pouvoir se tenir debout. Quand il fut arrangé de la sorte, on lui dit de marcher devant, pour guider et animer tout le monde, et que, tant qu′on l′aurait pour boussole, pour étoile et pour lanterne, les affaires iraient à bonne fin. | -¿Cómo tengo de caminar, desventurado yo -respondió Sancho-, que no puedo jugar las choquezuelas de las rodillas, porque me lo impiden estas tablas que tan cosidas tengo con mis carnes? Lo que han de hacer es llevarme en brazos y ponerme, atravesado o en pie, en algún postigo, que yo le guardaré, o con esta lanza o con mi cuerpo. | « Comment diable puis-je marcher, malheureux que je suis, répondit Sancho, si je ne peux seulement jouer des rotules, empêtré par ces planches qui sont si bien cousues à mes chairs ? Ce qu′il faut faire, c′est de m′emporter à bras, et de me placer de travers ou debout à quelque poterne ; je la garderai avec cette lance ou avec mon corps. | -Ande, señor gobernador -dijo otro-, que más el miedo que las tablas le impiden el paso; acabe y menéese, que es tarde, y los enemigos crecen, y las voces se aumentan y el peligro carga. | Â Allons donc, seigneur gouverneur, dit un autre, c′est plus la peur que les planches qui vous empêche de marcher. Remuez-vous et finissez-en, car il est tard ; les ennemis grossissent, les cris s′augmentent et le péril s′accroît. » | Por cuyas persuasiones y vituperios probó el pobre gobernador a moverse, y fue dar consigo en el suelo tan gran golpe, que pensó que se había hecho pedazos. Quedó como galápago encerrado y cubierto con sus conchas, o como medio tocino metido entre dos artesas, o bien así como barca que da al través en la arena; y no por verle caído aquella gente burladora le tuvieron compasión alguna; antes, apagando las antorchas, tornaron a reforzar las voces, y a reiterar el ¡arma! con tan gran priesa, pasando por encima del pobre Sancho, dándole infinitas cuchilladas sobre los paveses, que si él no se recogiera y encogiera, metiendo la cabeza entre los paveses, lo pasara muy mal el pobre gobernador, el cual, en aquella estrecheza recogido, sudaba y trasudaba, y de todo corazón se encomendaba a Dios que de aquel peligro le sacase. | À ces exhortations et à ces reproches, le pauvre gouverneur essaya de remuer ; mais ce fut pour faire une si lourde chute tout de son long, qu′il crut être mis en morceaux. Il resta comme une tortue enfermée dans ses écailles, ou comme un quartier de lard entre deux huches, ou bien encore comme une barque échouée sur le sable. Pour l′avoir vu ainsi tombé, cette engeance moqueuse n′en eut pas plus de compassion ; au contraire, éteignant leurs torches, ils se mirent à crier de plus belle, à appeler aux armes, à passer et repasser sur le pauvre Sancho, en frappant les pavois d′une multitude de coups d′épée, si bien que, s′il ne se fût roulé et ramassé jusqu′à mettre aussi la tête entre les pavois, c′en était fait du déplorable gouverneur, lequel, refoulé dans cette étroite prison, suait sang et eau, et priait Dieu du fond de son âme de le tirer d′un tel péril. | Unos tropezaban en él, otros caían, y tal hubo que se puso encima un buen espacio, y desde allí, como desde atalaya, gobernaba los ejércitos, y a grandes voces decía. | Les uns trébuchaient sur lui, d′autres tombaient ; enfin, il s′en trouva un qui lui monta sur le dos, s′y installa quelque temps ; et de là, comme du haut d′une éminence, il commandait les armées, et disait à grands cris : | -¡Aquí de los nuestros, que por esta parte cargan más los enemigos! ¡Aquel portillo se guarde, aquella puerta se cierre, aquellas escalas se tranquen! ¡Vengan alcancías, pez y resina en calderas de aceite ardiendo! ¡Trinchéense las calles con colchones. | « Par ici, les nôtres ; l′ennemi charge de ce côté ; qu′on garde cette brèche ; qu′on ferme cette porte ; qu′on barricade ces escaliers ; qu′on apporte des pots de goudron, de la résine, de la poix, des chaudières d′huile bouillante ; qu′on gabionne les rues avec des matelas. » | En fin, él nombraba con todo ahínco todas las baratijas e instrumentos y pertrechos de guerra con que suele defenderse el asalto de una ciudad, y el molido Sancho, que lo escuchaba y sufría todo, decía entre sí. | Enfin, il nommait coup sur coup tous les instruments et machines de guerre avec lesquels on a coutume de défendre une ville contre l′assaut. Quant au pauvre Sancho, qui, moulu sous les pieds, entendait et souffrait tout cela, il disait entre ses dents : | -¡Oh, si mi Señor fuese servido que se acabase ya de perder esta ínsula, y me viese yo o muerto o fuera desta grande angustia. | « Oh ! si le Seigneur voulait donc permettre qu′on achevât de prendre cette île, et que je me visse ou mort ou délivré de cette grande angoisse ! » | Oyó el cielo su petición, y, cuando menos lo esperaba, oyó voces que decían. | Le ciel accueillit sa prière ; et, quand il l′espérait le moins, il entendit des voix qui criaient : | -¡Vitoria, vitoria! ¡Los enemigos van de vencida! ¡Ea, señor gobernador, levántese vuesa merced y venga a gozar del vencimiento y a repartir los despojos que se han tomado a los enemigos, por el valor dese invencible brazo. | « Victoire, victoire ! les ennemis battent en retraite. Allons, seigneur gouverneur, levez-vous ; venez jouir du triomphe et répartir les dépouilles conquises sur l′ennemi par la valeur de cet invincible bras. | -Levántenme -dijo con voz doliente el dolorido Sancho. | Â Qu′on me lève », dit d′une voix défaillante le dolent Sancho. | Ayudáronle a levantar, y, puesto en pie, dijo. | On l′aida à se relever, et, dès qu′il fut debout, il dit : | -El enemigo que yo hubiere vencido quiero que me le claven en la frente. Yo no quiero repartir despojos de enemigos, sino pedir y suplicar a algún amigo, si es que le tengo, que me dé un trago de vino, que me seco, y me enjugue este sudor, que me hago agua. | « L′ennemi que j′ai vaincu, je consens qu′on me le cloue sur le front. Je ne veux pas répartir des dépouilles d′ennemis, mais seulement prier et supplier quelque ami, si par hasard il m′en reste, de me donner un doigt de vin, car je suis desséché, et de m′essuyer cette sueur, car je fonds en eau. » | Limpiáronle, trujéronle el vino, desliáronle los paveses, sentóse sobre su lecho y desmayóse del temor, del sobresalto y del trabajo. Ya les pesaba a los de la burla de habérsela hecho tan pesada; pero el haber vuelto en sí Sancho les templó la pena que les había dado su desmayo. Preguntó qué hora era, respondiéronle que ya amanecía. Calló, y, sin decir otra cosa, comenzó a vestirse, todo sepultado en silencio, y todos le miraban y esperaban en qué había de parar la priesa con que se vestía. Vistióse, en fin, y poco a poco, porque estaba molido y no podía ir mucho a mucho, se fue a la caballeriza, siguiéndole todos los que allí se hallaban, y, llegándose al rucio, le abrazó y le dio un beso de paz en la frente, y, no sin lágrimas en los ojos, le dijo. | On l′essuya, on lui apporta du vin, on détacha les pavois ; il s′assit sur son lit, et s′évanouit aussitôt de la peur des alarmes et des souffrances qu′il avait endurées. Déjà les mystificateurs commençaient à regretter d′avoir poussé le jeu si loin ; mais Sancho, en revenant à lui, calma la peine que leur avait donnée sa pâmoison. Il demanda l′heure qu′il était ; on lui répondit que le jour commençait à poindre. Il se tut ; et, sans dire un mot de plus, il commença à s′habiller, toujours gardant le silence. Les assistants le regardaient faire, attendant où aboutirait cet empressement qu′il mettait à s′habiller. Il acheva enfin de se vêtir ; et peu à peu (car il était trop moulu pour aller beaucoup à beaucoup) il gagna l′écurie, où le suivirent tous ceux qui se trouvaient là. Il s′approcha du grison, le prit dans ses bras, lui donna un baiser de paix sur le front, et lui dit, les yeux mouillés de larmes : | -Venid vos acá, compañero mío y amigo mío, y conllevador de mis trabajos y miserias: cuando yo me avenía con vos y no tenía otros pensamientos que los que me daban los cuidados de remendar vuestros aparejos y de sustentar vuestro corpezuelo, dichosas eran mis horas, mis días y mis años; pero, después que os dejé y me subí sobre las torres de la ambición y de la soberbia, se me han entrado por el alma adentro mil miserias, mil trabajos y cuatro mil desasosiegos. | « Venez ici, mon compagnon, mon ami, vous qui m′aidez à supporter mes travaux et mes misères. Quand je vivais avec vous en bonne intelligence, quand je n′avais d′autres soucis que ceux de raccommoder vos harnais et de donner de la subsistance à votre gentil petit corps, heureux étaient mes heures, mes jours et mes années. Mais, depuis que je vous ai laissé, depuis que je me suis élevé sur les tours de l′ambition et de l′orgueil, il m′est entré dans l′âme mille misères, mille souffrances, et quatre mille inquiétudes. » | Y, en tanto que estas razones iba diciendo, iba asimesmo enalbardando el asno, sin que nadie nada le dijese. Enalbardado, pues, el rucio, con gran pena y pesar subió sobre él, y, encaminando sus palabras y razones al mayordomo, al secretario, al maestresala y a Pedro Recio el doctor, y a otros muchos que allí presentes estaban, dijo. | Tout en lui tenant ces propos, Sancho bâtait et bridait son âne, sans que personne lui dît un seul mot. Le grison bâté, il monta à grand′peine sur son dos, et, adressant alors la parole au majordome, au secrétaire, au maître d′hôtel, à Pédro Récio le docteur, et à une foule d′autres qui se trouvaient présents, il leur dit : | -Abrid camino, señores míos, y dejadme volver a mi antigua libertad; dejadme que vaya a buscar la vida pasada, para que me resucite de esta muerte presente. Yo no nací para ser gobernador, ni para defender ínsulas ni ciudades de los enemigos que quisieren acometerlas. Mejor se me entiende a mí de arar y cavar, podar y ensarmentar las viñas, que de dar leyes ni de defender provincias ni reinos. Bien se está San Pedro en Roma: quiero decir, que bien se está cada uno usando el oficio para que fue nacido. Mejor me está a mí una hoz en la mano que un cetro de gobernador; más quiero hartarme de gazpachos que estar sujeto a la miseria de un médico impertinente que me mate de hambre; y más quiero recostarme a la sombra de una encina en el verano y arroparme con un zamarro de dos pelos en el invierno, en mi libertad, que acostarme con la sujeción del gobierno entre sábanas de holanda y vestirme de martas cebollinas. Vuestras mercedes se queden con Dios, y digan al duque mi señor que, desnudo nací, desnudo me hallo: ni pierdo ni gano; quiero decir, que sin blanca entré en este gobierno y sin ella salgo, bien al revés de como suelen salir los gobernadores de otras ínsulas. Y apártense: déjenme ir, que me voy a bizmar; que creo que tengo brumadas todas las costillas, merced a los enemigos que esta noche se han paseado sobre mí. | « Faites place, mes seigneurs, et laissez-moi retourner à mon ancienne liberté ; laissez-moi reprendre la vie passée, pour me ressusciter de cette mort présente. Je ne suis pas né pour être gouverneur, ni pour défendre des îles ou des villes contre les ennemis qui veulent les attaquer. Je m′entends mieux à manier la pioche, à mener la charrue, à tailler la vigne, qu′à donner des lois ou à défendre des provinces et des royaumes. La place de saint Pierre est à Rome ; je veux dire que chacun est à sa place quand il fait le métier pour lequel il est né. Une faucille me va mieux à la main qu′un sceptre de gouverneur. J′aime mieux me rassasier de soupe à l′oignon que d′être soumis à la vilenie d′un impertinent médecin qui me fait mourir de faim ; j′aime mieux me coucher à l′ombre d′un chêne dans l′été, et me couvrir d′une houppelande à poils dans l′hiver, en gardant ma liberté, que de me coucher avec les embarras du gouvernement entre des draps de toile de Hollande, et de m′habiller de martres zibelines. Je souhaite le bonsoir à Vos Grâces, et vous prie de dire au duc, mon seigneur, que nu je suis né, nu je me trouve ; je ne perds ni ne gagne ; je veux dire que sans une obole je suis entré dans ce gouvernement, et que j′en sors sans une obole, bien au rebours de ce que font d′habitude les gouverneurs d′autres îles. Écartez-vous, et laissez-moi passer ; je vais aller me graisser les côtes, car je crois que je les ai rompues, grâce aux ennemis qui se sont promenés cette nuit sur mon estomac. | -No ha de ser así, señor gobernador -dijo el doctor Recio-, que yo le daré a vuesa merced una bebida contra caídas y molimientos, que luego le vuelva en su prístina entereza y vigor; y, en lo de la comida, yo prometo a vuesa merced de enmendarme, dejándole comer abundantemente de todo aquello que quisiere. | Â N′en faites rien, seigneur gouverneur, s′écria le docteur Récio. Je donnerai à Votre Grâce un breuvage contre les chutes et les meurtrissures, qui vous rendra sur-le-champ votre santé et votre vigueur passées. Quant à vos repas, je promets à Votre Grâce de m′amender, et de vous laisser manger abondamment de tout ce qui vous fera plaisir. | -¡Tarde piache! -respondió Sancho-. Así dejaré de irme como volverme turco. No son estas burlas para dos veces. Por Dios que así me quede en éste, ni admita otro gobierno, aunque me le diesen entre dos platos, como volar al cielo sin alas. Yo soy del linaje de los Panzas, que todos son testarudos, y si una vez dicen nones, nones han de ser, aunque sean pares, a pesar de todo el mundo. Quédense en esta caballeriza las alas de la hormiga, que me levantaron en el aire para que me comiesen vencejos y otros pájaros, y volvámonos a andar por el suelo con pie llano, que, si no le adornaren zapatos picados de cordobán, no le faltarán alpargatas toscas de cuerda. Cada oveja con su pareja, y nadie tienda más la pierna de cuanto fuere larga la sábana; y déjenme pasar, que se me hace tarde. | Â Tu piaules trop tard<< , répondit Sancho ; je resterai comme je me ferai Turc. Nenni, ce ne sont pas des tours à recommencer deux fois. Ah ! pardieu, j′ai envie de garder ce gouvernement ou d′en accepter un autre, me l′offrît-on entre deux plats, comme de voler au ciel sans ailes. Je suis de la famille des Panza, qui sont tous entêtés en diable ; et quand une fois ils disent non, non ce doit être en dépit du monde entier< . Je laisse dans cette écurie les ailes de la fourmi qui m′ont enlevé en l′air pour me faire manger aux oiseaux< . Redescendons par terre, pour y marcher à pied posé ; et si nous ne chaussons des souliers de maroquin piqué, nous ne manquerons pas de sandales de corde< . Chaque brebis avec sa pareille, et que personne n′étende la jambe plus que le drap du lit n′est long, et qu′on me laisse passer, car il se fait tard. » | A lo que el mayordomo dijo. | Le majordome reprit alors : | -Señor gobernador, de muy buena gana dejáramos ir a vuesa merced, puesto que nos pesará mucho de perderle, que su ingenio y su cristiano proceder obligan a desearle; pero ya se sabe que todo gobernador está obligado, antes que se ausente de la parte donde ha gobernado, dar primero residencia: déla vuesa merced de los diez días que ha que tiene el gobierno, y váyase a la paz de Dios. | « Seigneur gouverneur, nous laisserions bien volontiers partir Votre Grâce, quoiqu′il nous soit très-pénible de vous perdre, car votre esprit et votre conduite toute chrétienne nous obligent à vous regretter ; mais personne n′ignore que tout gouverneur est tenu, avant de quitter l′endroit où il a gouverné, à faire d′abord résidence.< Que Votre Grâce rende compte des dix jours passés depuis qu′elle a le gouvernement, et qu′elle s′en aille ensuite avec la paix de Dieu. | -Nadie me la puede pedir -respondió Sancho-, si no es quien ordenare el duque mi señor; yo voy a verme con él, y a él se la daré de molde; cuanto más que, saliendo yo desnudo, como salgo, no es menester otra señal para dar a entender que he gobernado como un ángel. | Â Personne ne peut me demander ce compte, répondit Sancho, à moins que le duc, mon seigneur, ne l′ordonne. Je vais lui faire visite, et lui rendrai mes comptes, rubis sur l′ongle. D′ailleurs, puisque je sors de ce gouvernement tout nu, il n′est pas besoin d′autre preuve pour justifier que j′ai gouverné comme un ange. | -Par Dios que tiene razón el gran Sancho -dijo el doctor Recio-, y que soy de parecer que le dejemos ir, porque el duque ha de gustar infinito de verle. | Â Pardieu, le grand Sancho a raison, s′écria le docteur Récio, et je suis d′avis que nous le laissions aller, car le duc sera enchanté de le revoir. » | Todos vinieron en ello, y le dejaron ir, ofreciéndole primero compañía y todo aquello que quisiese para el regalo de su persona y para la comodidad de su viaje. Sancho dijo que no quería más de un poco de cebada para el rucio y medio queso y medio pan para él; que, pues el camino era tan corto, no había menester mayor ni mejor repostería. Abrazáronle todos, y él, llorando, abrazó a todos, y los dejó admirados, así de sus razones como de su determinación tan resoluta y tan discreta. | Tous les autres tombèrent d′accord, et le laissèrent partir, après avoir offert de lui tenir compagnie, et de le pourvoir de tout ce qu′il pourrait désirer pour les aises de sa personne et la commodité de son voyage. Sancho répondit qu′il ne voulait qu′un peu d′orge pour le grison, et un demi-fromage avec un demi-pain pour lui ; que, le chemin étant si court, il ne lui fallait ni plus amples ni meilleures provisions. Tous l′embrassèrent, et lui les embrassa tous en pleurant, et les laissa aussi émerveillés de ses propos que de sa résolution si énergique et si discrète.
| II. Capítulo LIV. Que trata de cosas tocantes a esta historia, y no a otra alguna. | Chapitre LIV Qui traite de choses relatives à cette histoire, et non à nulle autre Resolviéronse el duque y la duquesa de que el desafío que don Quijote hizo a su vasallo, por la causa ya referida, pasase adelante; y, puesto que el mozo estaba en Flandes, adonde se había ido huyendo, por no tener por suegra a doña Rodríguez, ordenaron de poner en su lugar a un lacayo gascón, que se llamaba Tosilos, industriándole primero muy bien de todo lo que había de hacer. | Le duc et la duchesse résolurent de donner suite au défi qu′avait porté don Quichotte à leur vassal pour le motif précédemment rapporté ; et comme le jeune homme était en Flandre, où il s′était enfui plutôt que d′avoir doña Rodriguez pour belle-mère, ils imaginèrent de mettre à sa place un laquais gascon, appelé Tosilos, en l′instruisant bien à l′avance de tout ce qu′il aurait à faire. | De allí a dos días dijo el duque a don Quijote como desde allí a cuatro vendría su contrario, y se presentaría en el campo, armado como caballero, y sustentaría como la doncella mentía por mitad de la barba, y aun por toda la barba entera, si se afirmaba que él le hubiese dado palabra de casamiento. Don Quijote recibió mucho gusto con las tales nuevas, y se prometió a sí mismo de hacer maravillas en el caso, y tuvo a gran ventura habérsele ofrecido ocasión donde aquellos señores pudiesen ver hasta dónde se estendía el valor de su poderoso brazo; y así, con alborozo y contento, esperaba los cuatro días, que se le iban haciendo, a la cuenta de su deseo, cuatrocientos siglos. | Au bout de deux jours, le duc dit à don Quichotte que, dans quatre jours, son adversaire viendrait se présenter en champ clos, armé de toutes pièces, et soutenir que la demoiselle mentait par la moitié de sa barbe entière, si elle persistait à prétendre qu′il lui eût donné parole de mariage. Don Quichotte reçut ces nouvelles avec un plaisir infini, et, se promettant de faire merveilles en cette affaire, il regarda comme un grand bonheur qu′il s′offrît une telle occasion de montrer aux seigneurs ses hôtes jusqu′où s′étendait la valeur de son bras formidable. Aussi attendait-il, plein de joie et de ravissement, la fin des quatre jours, qui semblaient, au gré de son désir, durer quatre cents siècles. | Dejémoslos pasar nosotros, como dejamos pasar otras cosas, y vamos a acompañar a Sancho, que entre alegre y triste venía caminando sobre el rucio a buscar a su amo, cuya compañía le agradaba más que ser gobernador de todas las ínsulas del mundo. | Mais laissons-les passer, comme nous avons laissé passer bien d′autres choses, et revenons tenir compagnie à Sancho, qui, moitié joyeux, moitié triste, cheminait sur son âne, venant chercher son maître, dont il aimait mieux retrouver la compagnie que d′être gouverneur de toutes les îles du monde. | Sucedió, pues, que, no habiéndose alongado mucho de la ínsula del su gobierno -que él nunca se puso a averiguar si era ínsula, ciudad, villa o lugar la que gobernaba-, vio que por el camino por donde él iba venían seis peregrinos con sus bordones, de estos estranjeros que piden la limosna cantando, los cuales, en llegando a él, se pusieron en ala, y, levantando las voces todos juntos, comenzaron a cantar en su lengua lo que Sancho no pudo entender, si no fue una palabra que claramente pronunciaba limosna, por donde entendió que era limosna la que en su canto pedían; y como él, según dice Cide Hamete, era caritativo además, sacó de sus alforjas medio pan y medio queso, de que venía proveído, y dióselo, diciéndoles por señas que no tenía otra cosa que darles. Ellos lo recibieron de muy buena gana, y dijeron. | Or, il arriva qu′avant de s′être beaucoup éloigné de l′île de son gouvernement, car jamais il ne se mit à vérifier si c′était une île, une ville, un bourg ou un village qu′il avait gouverné, il vit venir sur le chemin qu′il suivait six pèlerins avec leurs bourdons, de ces étrangers qui demandent l′aumône en chantant. Arrivés auprès de lui, ces pèlerins se rangèrent sur deux files, et se mirent à chanter en leur jargon, ce que Sancho ne pouvait comprendre ; seulement il leur entendit prononcer distinctement le mot aumône, d′où il conclut que c′était l′aumône qu′ils demandaient en leur chanson ; et comme, à ce que dit Cid Hamet, il était essentiellement charitable, il tira de son bissac le demi-pain et le demi-fromage dont il s′était pourvu, et leur en fit cadeau en leur disant par signes qu′il n′avait pas autre chose à leur donner. Les étrangers reçurent cette charité de bien bon cœur, et ajoutèrent aussitôt : | -¡Guelte! ¡Guelte. | Quelt, guelt< ! | -No entiendo -respondió Sancho- qué es lo que me pedís, buena gente. |  Je n′entends pas ce que vous me demandez, braves gens », répondit Sancho. | Entonces uno de ellos sacó una bolsa del seno y mostrósela a Sancho, por donde entendió que le pedían dineros; y él, poniéndose el dedo pulgar en la garganta y estendiendo la mano arriba, les dio a entender que no tenía ostugo de moneda, y, picando al rucio, rompió por ellos; y, al pasar, habiéndole estado mirando uno dellos con mucha atención, arremetió a él, echándole los brazos por la cintura; en voz alta y muy castellana, dijo. | Alors l′un d′eux tira une bourse de son sein et la montra à Sancho, pour lui faire entendre que c′était de l′argent qu′ils lui demandaient. Mais Sancho se mettant le pouce contre la gorge, et étendant les doigts de la main, leur fit comprendre qu′il n′avait pas dans ses poches trace de monnaie ; puis, piquant le grison, il passa au milieu d′eux. Mais, au passage, l′un de ces étrangers, l′ayant regardé avec attention, se jeta au-devant de lui, le prit dans ses bras par la ceinture, et s′écria d′une voix haute, en bon castillan : | -¡Válame Dios! ¿Qué es lo que veo? ¿Es posible que tengo en mis brazos al mi caro amigo, al mi buen vecino Sancho Panza? Sí tengo, sin duda, porque yo ni duermo, ni estoy ahora borracho. | « Miséricorde ! qu′est-ce que je vois là ? est-il possible que j′aie dans mes bras mon cher ami, mon bon voisin Sancho Panza ? Oui, c′est bien lui, sans aucun doute, car je ne dors pas et ne suis pas ivre à présent. » | Admiróse Sancho de verse nombrar por su nombre y de verse abrazar del estranjero peregrino, y, después de haberle estado mirando sin hablar palabra, con mucha atención, nunca pudo conocerle; pero, viendo su suspensión el peregrino, le dijo. | Sancho fut fort surpris de s′entendre appeler par son nom, et de se voir embrasser de la sorte par le pèlerin étranger. Il le regarda longtemps sans dire un mot, et fort attentivement, mais ne put venir à bout de le reconnaître. Le pèlerin voyant son embarras : | -¿Cómo, y es posible, Sancho Panza hermano, que no conoces a tu vecino Ricote el morisco, tendero de tu lugar. | « Comment est-ce possible, frère Sancho Panza, lui dit-il, que tu ne reconnaisses pas ton voisin Ricote le Morisque, mercier de ton village ? » | Entonces Sancho le miró con más atención y comenzó a rafigurarle, y , finalmente, le vino a conocer de todo punto, y, sin apearse del jumento, le echó los brazos al cuello, y le dijo. | Alors Sancho, l′examinant avec plus d′attention, commença à retrouver ses traits, et finalement vint à le reconnaître tout à fait. Sans descendre de son âne, il lui jeta les bras au cou et lui dit : | -¿Quién diablos te había de conocer, Ricote, en ese traje de moharracho que traes? Dime: ¿quién te ha hecho franchote, y cómo tienes atrevimiento de volver a España, donde si te cogen y conocen tendrás harta mala ventura. | « Qui diable pourrait te reconnaître, Ricote, dans cet habit de mascarade que tu portes ? Dis-moi un peu : qui t′a mis à la française, et comment oses-tu rentrer en Espagne, où, si tu es pris et reconnu, tu auras à passer un mauvais quart d′heure ? | -Si tú no me descubres, Sancho -respondió el peregrino-, seguro estoy que en este traje no habrá nadie que me conozca; y apartémonos del camino a aquella alameda que allí parece, donde quieren comer y reposar mis compañeros, y allí comerás con ellos, que son muy apacible gente. Yo tendré lugar de contarte lo que me ha sucedido después que me partí de nuestro lugar, por obedecer el bando de Su Majestad, que con tanto rigor a los desdichados de mi nación amenazaba, según oíste. |  Si tu ne me découvres pas, Sancho, répondit le pèlerin, je suis sûr que personne ne me reconnaîtra sous ce costume ; mais quittons le chemin pour gagner ce petit bois qu′on voit d′ici, où mes compagnons veulent dîner et faire la sieste. Tu y dîneras avec eux, car ce sont de bonnes gens, et j′aurai le temps de te conter ce qui m′est arrivé depuis mon départ de notre village, pour obéir à l′édit de Sa Majesté, qui menaçait, comme tu l′as su, avec tant de sévérité les malheureux restes de ma nation. » | Hízolo así Sancho, y, hablando Ricote a los demás peregrinos, se apartaron a la alameda que se parecía, bien desviados del camino real. Arrojaron los bordones, quitáronse las mucetas o esclavinas y quedaron en pelota, y todos ellos eran mozos y muy gentileshombres, excepto Ricote, que ya era hombre entrado en años. Todos traían alforjas, y todas, según pareció, venían bien proveídas, a lo menos, de cosas incitativas y que llaman a la sed de dos leguas. | Sancho y consentit, et Ricote ayant parlé aux autres pèlerins ils gagnèrent tous le bois qui était en vue, s′éloignant ainsi de la grand′route. Là ils jetèrent leurs bourdons, ôtèrent leurs pèlerines, et restèrent en justaucorps. Ils étaient tous jeunes et de bonne mine, hormis Ricote qui était un homme avancé en âge. Tous portaient des besaces, et toutes fort bien pourvues, du moins de choses excitantes et qui appellent la soif de deux lieues. | Tendiéronse en el suelo, y, haciendo manteles de las yerbas, pusieron sobre ellas pan, sal, cuchillos, nueces, rajas de queso, huesos mondos de jamón, que si no se dejaban mascar, no defendían el ser chupados. Pusieron asimismo un manjar negro que dicen que se llama cavial, y es hecho de huevos de pescados, gran despertador de la colambre. No faltaron aceitunas, aunque secas y sin adobo alguno, pero sabrosas y entretenidas. Pero lo que más campeó en el campo de aquel banquete fueron seis botas de vino, que cada uno sacó la suya de su alforja; hasta el buen Ricote, que se había transformado de morisco en alemán o en tudesco, sacó la suya, que en grandeza podía competir con las cinco. | Ils s′étendirent par terre, et faisant de l′herbe une nappe, ils y étalèrent du pain, du sel, des couteaux, des noix, des bribes de fromage, et des os de jambon qui, s′ils se défendaient contre les dents, se laissaient du moins sucer. Ils posèrent aussi sur la table un ragoût noirâtre qu′ils appellent cabial, et qui se fait avec des œufs de poissons< , grands provocateurs de visites à la bouteille. Les olives ne manquaient pas non plus, sèches, à la vérité, et sans nul assaisonnement, mais savoureuses et bonnes à occuper les moments perdus. Mais ce qui brillait avec le plus d′éclat au milieu des somptuosités de ce banquet, c′étaient six outres de vin, car chacun tira la sienne de son bissac ; et le bon Ricote lui-même, qui s′était transformé de Morisque en Allemand, apporta son outre, qui pouvait le disputer aux cinq autres en grosseur. | Comenzaron a comer con grandísimo gusto y muy de espacio, saboreándose con cada bocado, que le tomaban con la punta del cuchillo, y muy poquito de cada cosa, y luego, al punto, todos a una, levantaron los brazos y las botas en el aire; puestas las bocas en su boca, clavados los ojos en el cielo, no parecía sino que ponían en él la puntería; y desta manera, meneando las cabezas a un lado y a otro, señales que acreditaban el gusto que recebían, se estuvieron un buen espacio, trasegando en sus estómagos las entrañas de las vasijas. | Ils commencèrent à manger de grand appétit, mais fort lentement, savourant chaque bouchée qu′ils prenaient d′une chose et de l′autre avec la pointe du couteau. Bientôt après, ils levèrent tous ensemble les bras et les outres en l′air ; puis, la bouche fixée au goulot, et les yeux cloués au ciel, de telle sorte qu′on eût dit qu′ils y prenaient leur point de mire, et secouant la tête de côté et d′autre, comme pour indiquer le plaisir qu′ils prenaient à cette besogne, ils restèrent un bon espace de temps à transvaser les entrailles des peaux de bouc dans leur estomac. | Todo lo miraba Sancho, y de ninguna cosa se dolía; antes, por cumplir con el refrán, que él muy bien sabía, de "cuando a Roma fueres, haz como vieres", pidió a Ricote la bota, y tomó su puntería como los demás, y no con menos gusto que ellos. | Sancho regardait tout cela, et ne s′affligeait de rien. Au contraire, pour accomplir le proverbe qu′il connaissait bien : Quand à Rome tu seras, fais ce que tu verras, il demanda l′outre à Ricote, et prit sa visée comme les autres, sans y trouver moins de plaisir qu′eux. | Cuatro veces dieron lugar las botas para ser empinadas; pero la quinta no fue posible, porque ya estaban más enjutas y secas que un esparto, cosa que puso mustia la alegría que hasta allí habían mostrado. De cuando en cuando, juntaba alguno su mano derecha con la de Sancho, y decía: | Quatre fois les outres se laissèrent caresser ; mais la cinquième, ce ne fut pas possible, car elles étaient plus plates et plus sèches que du jonc, chose qui fit faire la moue à la gaieté qu′ils avaient jusque-là montrée. De temps en temps quelqu′un joignait sa main droite avec celle de Sancho, et disait : | -Español y tudesqui, tuto uno: bon compaño. | Espagnoli y Tudesqui, tuto uno bon compagno. | Y Sancho respondía: Bon compaño, jura Di. | Et Sancho répondait : Bon compagno, jura Di. | Y disparaba con una risa que le duraba un hora, sin acordarse entonces de nada de lo que le había sucedido en su gobierno; porque sobre el rato y tiempo cuando se come y bebe, poca jurisdición suelen tener los cuidados. Finalmente, el acabársele el vino fue principio de un sueño que dio a todos, quedándose dormidos sobre las mismas mesas y manteles; solos Ricote y Sancho quedaron alerta, porque habían comido más y bebido menos; y, apartando Ricote a Sancho, se sentaron al pie de una haya, dejando a los peregrinos sepultados en dulce sueño; y Ricote, sin tropezar nada en su lengua morisca, en la pura castellana le dijo las siguientes razones. | Puis il partait d′un éclat de rire qui lui durait une heure, sans rien se rappeler alors de ce qui lui était arrivé dans son gouvernement ; car, sur le temps où l′on mange et où l′on boit, les soucis n′étendent pas d′ordinaire leur juridiction. Finalement, la fin du vin fut le commencement d′un sommeil qui s′empara d′eux tous, et ils tombèrent endormis sur la table même et sur la nappe. Ricote et Sancho restaient seuls éveillés, parce qu′ils avaient moins bu et mangé davantage. Ils s′écartèrent un peu, s′assirent au pied d′un hêtre, laissant les pèlerins ensevelis dans un doux sommeil ; et Ricote, sans faire un faux pas en sa langue morisque, mais au contraire en bon castillan, lui parla de la sorte : | -« Bien sabes, ¡oh Sancho Panza, vecino y amigo mío!, como el pregón y bando que Su Majestad mandó publicar contra los de mi nación puso terror y espanto en todos nosotros; a lo menos, en mí le puso de suerte que me parece que antes del tiempo que se nos concedía para que hiciésemos ausencia de España, ya tenía el rigor de la pena ejecutado en mi persona y en la de mis hijos. Ordené, pues, a mi parecer como prudente, bien así como el que sabe que para tal tiempo le han de quitar la casa donde vive y se provee de otra donde mudarse; ordené, digo, de salir yo solo, sin mi familia, de mi pueblo, y ir a buscar donde llevarla con comodidad y sin la priesa con que los demás salieron; porque bien vi, y vieron todos nuestros ancianos, que aquellos pregones no eran sólo amenazas, como algunos decían, sino verdaderas leyes, que se habían de poner en ejecución a su determinado tiempo; y forzábame a creer esta verdad saber yo los ruines y disparatados intentos que los nuestros tenían, y tales, que me parece que fue inspiración divina la que movió a Su Majestad a poner en efecto tan gallarda resolución, no porque todos fuésemos culpados, que algunos había cristianos firmes y verdaderos; pero eran tan pocos que no se podían oponer a los que no lo eran, y no era bien criar la sierpe en el seno, teniendo los enemigos dentro de casa. Finalmente, con justa razón fuimos castigados con la pena del destierro, blanda y suave al parecer de algunos, pero al nuestro, la más terrible que se nos podía dar. Doquiera que estamos lloramos por España, que, en fin, nacimos en ella y es nuestra patria natural; en ninguna parte hallamos el acogimiento que nuestra desventura desea, y en Berbería, y en todas las partes de África, donde esperábamos ser recebidos, acogidos y regalados, allí es donde más nos ofenden y maltratan. No hemos conocido el bien hasta que le hemos perdido; y es el deseo tan grande, que casi todos tenemos de volver a España, que los más de aquellos, y son muchos, que saben la lengua como yo, se vuelven a ella, y dejan allá sus mujeres y sus hijos desamparados: tanto es el amor que la tienen; y agora conozco y experimento lo que suele decirse: que es dulce el amor de la patria. Salí, como digo, de nuestro pueblo, entré en Francia, y, aunque allí nos hacían buen acogimiento, quise verlo todo. Pasé a Italia y llegué a Alemania, y allí me pareció que se podía vivir con más libertad, porque sus habitadores no miran en muchas delicadezas: cada uno vive como quiere, porque en la mayor parte della se vive con libertad de conciencia. Dejé tomada casa en un pueblo junto a Augusta; juntéme con estos peregrinos, que tienen por costumbre de venir a España muchos dellos, cada año, a visitar los santuarios della, que los tienen por sus Indias, y por certísima granjería y conocida ganancia. Ándanla casi toda, y no hay pueblo ninguno de donde no salgan comidos y bebidos, como suele decirse, y con un real, por lo menos, en dineros, y al cabo de su viaje salen con más de cien escudos de sobra que, trocados en oro, o ya en el hueco de los bordones, o entre los remiendos de las esclavinas, o con la industria que ellos pueden, los sacan del reino y los pasan a sus tierras, a pesar de las guardas de los puestos y puertos donde se registran. Ahora es mi intención, Sancho, sacar el tesoro que dejé enterrado, que por estar fuera del pueblo lo podré hacer sin peligro y escribir o pasar desde Valencia a mi hija y a mi mujer, que sé que está en Argel, y dar traza como traerlas a algún puerto de Francia, y desde allí llevarlas a Alemania, donde esperaremos lo que Dios quisiere hacer de nosotros; que, en resolución, Sancho, yo sé cierto que la Ricota mi hija y Francisca Ricota, mi mujer, son católicas cristianas, y, aunque yo no lo soy tanto, todavía tengo más de cristiano que de moro, y ruego siempre a Dios me abra los ojos del entendimiento y me dé a conocer cómo le tengo de servir. Y lo que me tiene admirado es no saber por qué se fue mi mujer y mi hija antes a Berbería que a Francia, adonde podía vivir como cristiana. | « Tu sais fort bien, ô Sancho Panza, mon voisin et ami, quel effroi, quelle terreur jeta parmi nous l′édit que fit publier Sa Majesté contre les gens de ma nation. Moi, du moins, j′eus une telle frayeur, qu′il me parut qu′avant le temps qu′on nous accordait pour sortir d′Espagne, la peine s′exécutait déjà dans toute sa rigueur sur ma personne et sur celle de mes enfants. Je résolus donc avec prudence, à mon avis, comme celui qui, sachant qu′on doit le congédier de la maison où il demeure, se pourvoit à l′avance d′une autre maison pour s′y transporter ; je résolus, dis-je, de quitter le pays, seul et sans ma famille, et d′aller chercher un endroit où la conduire ensuite avec commodité, et sans la précipitation avec laquelle les autres furent obligés de partir. En effet, je reconnus sur-le-champ, et tous nos anciens le reconnurent aussi, que ces décrets n′étaient pas de simples menaces, comme le pensaient quelques-uns, mais de véritables lois qui seraient exécutées au temps fixé. Ce qui m′obligeait à croire cela vrai, c′est que j′étais instruit des extravagants et coupables desseins que nourrissaient les nôtres, desseins tels, en effet, qu′il me sembla que ce fut une inspiration divine qui poussa Sa Majesté à prendre une si énergique résolution. Ce n′est pas que nous fussions tous coupables, car il y avait parmi nous de sincères et véritables chrétiens ; mais ils étaient si peu nombreux qu′ils ne pouvaient s′opposer à ceux qui ne partageaient pas leur croyance, et c′était couver le serpent dans son sein que de garder ainsi tant d′ennemis au cœur de l′État. Finalement, nous fûmes punis avec juste raison de la peine du bannissement, peine douce et légère aux yeux de quelques personnes, mais aux nôtres la plus terrible qu′on pût nous infliger. Où que nous soyons, nous pleurons l′Espagne ; car enfin nous y sommes nés, et c′est notre patrie naturelle. Nulle part nous ne trouvons l′accueil que souhaite notre infortune ; en Berbérie, et dans toutes les parties de l′Afrique, où nous espérions être reçus, accueillis, traités comme des frères, c′est là qu′on nous insulte et qu′on nous maltraite le plus. Hélas ! nous n′avons connu le bien qu′après l′avoir perdu, et nous avons presque tous un tel désir de revoir l′Espagne, que la plupart de ceux en grand nombre qui savent comme moi la langue, reviennent en ce pays, laissant à l′abandon leurs femmes et leurs enfants, tant est grand l′amour qu′ils lui portent ! À présent, je reconnais par expérience ce qu′on a coutume de dire, que rien n′est doux comme l′amour de la patrie. Je quittai, comme je t′ai dit, notre village ; j′entrai en France, et, bien qu′on nous y fît bon accueil, je voulus tout voir avant de me décider. Je passai en Italie, puis en Allemagne, et c′est là qu′il me parut qu′on pouvait vivre le plus librement. Les habitants n′y regardent pas à beaucoup de délicatesses ; chacun vit comme il lui plaît, et, dans la plus grande partie de cette contrée, on jouit de la liberté de conscience. J′arrêtai une maison dans un village près d′Augsbourg, puis je me remis à ces pèlerins, qui ont coutume de venir en grand nombre chaque année visiter les sanctuaires de l′Espagne, qu′ils regardent comme leurs Grandes-Indes, tant ils sont sûrs d′y faire leur profit. Ils la parcourent presque tout entière, et il n′y a pas un village d′où ils ne sortent, comme on dit, repus de boire et de manger, et avec un réal pour le moins en argent. Au bout du voyage, ils s′en retournent avec une centaine d′écus de reste, qui, changés en or, et cachés, soit dans le creux de leurs bourdons, soit dans les pièces de leurs pèlerines, soit de toute autre manière, sortent du royaume et passent à leurs pays, malgré les gardiens des ports et des passages où ils sont visités< . Maintenant, Sancho, mon intention est d′aller retirer le trésor que j′ai laissé enfoui dans la terre, ce que je pourrai faire sans danger, puisqu′il est hors du village, et d′écrire à ma fille et à ma femme, ou bien d′aller les rejoindre de Valence à Alger, où je sais qu′elles sont ; puis, de trouver moyen de les ramener à quelque port de France, pour les conduire de là en Allemagne, où nous attendrons ce que Dieu veut faire de nous ; car enfin, Sancho, j′ai la certitude que Ricota, ma fille, et Francisca Ricota, ma femme, sont chrétiennes catholiques. Bien que je ne le sois pas autant, je suis cependant plus chrétien que More, et je prie Dieu chaque jour pour qu′il m′ouvre les yeux de l′intelligence et me fasse connaître comment je dois le servir. Ce qui m′étonne et ce que je ne comprends pas, c′est que ma femme et ma fille aient été plutôt en Berbérie qu′en France, où elles auraient pu vivre en chrétiennes. | A lo que respondió Sancho: |  Écoute, ami Ricote, répondit Sancho, | -Mira, Ricote, eso no debió estar en su mano, porque las llevó Juan Tiopieyo, el hermano de tu mujer; y, como debe de ser fino moro, fuese a lo más bien parado, y séte decir otra cosa: que creo que vas en balde a buscar lo que dejaste encerrado; porque tuvimos nuevas que habían quitado a tu cuñado y tu mujer muchas perlas y mucho dinero en oro que llevaban por registrar. | elles n′en eurent sans doute pas le choix, car c′est Juan Tiopeyo, le frère de ta femme, qui les a emmenées ; et, comme c′est un More fieffé, il a gagné le meilleur gîte. Il faut encore que je te dise autre chose ; c′est que je crois que tu vas en vain chercher ce que tu as mis dans la terre, car nous avons eu connaissance qu′on avait enlevé à ton beau-frère et à ta femme bien des perles et bien de l′argent en or qu′ils emportaient pour la visite. | -Bien puede ser eso -replicó Ricote-, pero yo sé, Sancho, que no tocaron a mi encierro, porque yo no les descubrí dónde estaba, temeroso de algún desmán; y así, si tú, Sancho, quieres venir conmigo y ayudarme a sacarlo y a encubrirlo, yo te daré docientos escudos, con que podrás remediar tus necesidades, que ya sabes que sé yo que las tienes muchas. |  Cela peut être, répéta Ricote ; mais je sais bien, Sancho, qu′on n′a pas touché à ma cachette, car je n′ai découvert à personne où elle était, crainte de quelque malheur. Ainsi donc, Sancho, si tu veux venir avec moi et m′aider à retirer et à cacher mon trésor, je te donnerai deux cents écus, avec lesquels tu pourras subvenir à tes besoins, car tu sais que je n′ignore pas que tu en as de plus d′un genre. | -Yo lo hiciera -respondió Sancho-, pero no soy nada codicioso; que, a serlo, un oficio dejé yo esta mañana de las manos, donde pudiera hacer las paredes de mi casa de oro, y comer antes de seis meses en platos de plata; y, así por esto como por parecerme haría traición a mi rey en dar favor a sus enemigos, no fuera contigo, si como me prometes docientos escudos, me dieras aquí de contado cuatrocientos. |  Je le ferais volontiers, répondit Sancho, mais je ne suis nullement avaricieux ; autrement, je n′aurais pas, ce matin même, laissé échapper de mes mains une place où j′aurais pu garnir d′or les murailles de ma maison, et manger avant six mois dans des plats d′argent. Pour cette raison, et parce qu′il semble que je ferais une trahison contre mon roi en favorisant ses ennemis, je n′irais pas avec toi, quand même, au lieu de me promettre deux cents écus, tu m′en donnerais quatre cents ici, argent comptant. | -Y ¿qué oficio es el que has dejado, Sancho? -preguntó Ricote. |  Et quelle est cette place que tu as laissée, Sancho ? demanda Ricote. | -He dejado de ser gobernador de una ínsula -respondió Sancho-, y tal, que a buena fee que no hallen otra como ella a tres tirones. |  J′ai laissé la place de gouverneur d′une île, répondit Sancho, et telle, qu′en bonne foi de Dieu on n′en trouverait pas une autre comme celle-là à trois lieues à la ronde. | -¿Y dónde está esa ínsula? -preguntó Ricote. |  Mais où est cette île ? demanda Ricote. | -¿Adónde? -respondió Sancho-. Dos leguas de aquí, y se llama la ínsula Barataria. |  Où ? répliqua Sancho ; à deux lieues d′ici ; elle s′appelle l′île Barataria. | -Calla, Sancho -dijo Ricote-, que las ínsulas están allá dentro de la mar; que no hay ínsulas en la tierra firme. |  Tais-toi, Sancho, reprit Ricote ; les îles sont là-bas dans la mer, et il n′y a point d′îles en terre ferme. | -¿Cómo no? -replicó Sancho-. Dígote, Ricote amigo, que esta mañana me partí della, y ayer estuve en ella gobernando a mi placer, como un sagitario; pero, con todo eso, la he dejado, por parecerme oficio peligroso el de los gobernadores. |  Comment non ? repartit Sancho ; je te dis, ami Ricote, que j′en suis parti ce matin, et qu′hier j′y gouvernais tout à mon aise comme un sagittaire. Mais cependant je l′ai laissée, parce que j′ai trouvé que c′était un office périlleux que celui de gouverneur. | -Y ¿qué has ganado en el gobierno? -preguntó Ricote. |  Et qu′as-tu gagné dans ce gouvernement ? demanda Ricote. | -He ganado -respondió Sancho- el haber conocido que no soy bueno para gobernar, si no es un hato de ganado, y que las riquezas que se ganan en los tales gobiernos son a costa de perder el descanso y el sueño, y aun el sustento; porque en las ínsulas deben de comer poco los gobernadores, especialmente si tienen médicos que miren por su salud. |  J′ai gagné, répondit Sancho, d′avoir connu que je n′étais pas bon pour gouverner, si ce n′est une bergerie, et que les richesses qu′on gagne dans ces gouvernements se gagnent aux dépens du repos, du sommeil, et même de la subsistance ; car, dans les îles, les gouverneurs doivent manger peu, surtout s′ils ont des médecins chargés de veiller à leur santé. | -Yo no te entiendo, Sancho -dijo Ricote-, pero paréceme que todo lo que dices es disparate; que, ¿quién te había de dar a ti ínsulas que gobernases? ¿Faltaban hombres en el mundo más hábiles para gobernadores que tú eres? Calla, Sancho, y vuelve en ti, y mira si quieres venir conmigo, como te he dicho, a ayudarme a sacar el tesoro que dejé escondido; que en verdad que es tanto, que se puede llamar tesoro, y te daré con que vivas, como te he dicho. |  Je ne te comprends pas, Sancho, dit Ricote, mais il me semble que tout ce que tu dis est pure extravagance. Qui diable t′aurait donné des îles à gouverner ? Est-ce qu′il n′y a pas dans le monde des hommes plus habiles que toi pour en faire des gouverneurs ? Tais-toi, Sancho, et reprends ton bon sens, et vois si tu veux venir avec moi, comme je te l′ai dit, pour m′aider à emporter le trésor que j′ai enfoui, et qui est si gros, en vérité, qu′on peut bien l′appeler un trésor. Je te donnerai, je te le répète, de quoi vivre le reste de tes jours. | -Ya te he dicho, Ricote -replicó Sancho-, que no quiero; conténtate que por mí no serás descubierto, y prosigue en buena hora tu camino, y déjame seguir el mío; que yo sé que lo bien ganado se pierde, y lo malo, ello y su dueño. |  Je t′ai déjà dit, Ricote, que je ne veux pas, répliqua Sancho ; contente-toi de ce que je ne te découvre point, continue ton chemin, à la garde de Dieu, et laisse-moi suivre le mien, car je sais le proverbe : « Ce qui est bien acquis se perd, et ce qui est mal acquis se perd et son maître aussi. » | -No quiero porfiar, Sancho -dijo Ricote-, pero dime: ¿hallástete en nuestro lugar, cuando se partió dél mi mujer, mi hija y mi cuñado. |  Je ne veux pas insister, Sancho, reprit Ricote ; mais, dis-moi, étais-tu au pays quand ma femme, ma fille et mon beau-frère l′ont quitté ? | -Sí hallé -respondió Sancho-, y séte decir que salió tu hija tan hermosa que salieron a verla cuantos había en el pueblo, y todos decían que era la más bella criatura del mundo. Iba llorando y abrazaba a todas sus amigas y conocidas, y a cuantos llegaban a verla, y a todos pedía la encomendasen a Dios y a Nuestra Señora su madre; y esto, con tanto sentimiento, que a mí me hizo llorar, que no suelo ser muy llorón. Y a fee que muchos tuvieron deseo de esconderla y salir a quitársela en el camino; pero el miedo de ir contra el mandado del rey los detuvo. Principalmente se mostró más apasionado don Pedro Gregorio, aquel mancebo mayorazgo rico que tú conoces, que dicen que la quería mucho, y después que ella se partió, nunca más él ha parecido en nuestro lugar, y todos pensamos que iba tras ella para robarla; pero hasta ahora no se ha sabido nada. |  Oui, j′y étais, répondit Sancho, et je puis te dire qu′à son départ ta fille était si belle, que tous les gens du village sont sortis pour la voir passer, et tous disaient que c′était la plus belle créature du monde. Elle s′en allait pleurant et embrassant ses amies, ses connaissances, tous ceux qui venaient la voir, et les priait de la recommander à Dieu et à Notre-Dame, sa sainte mère. Et c′était d′une façon si touchante qu′elle m′en a fait pleurer, moi qui ne suis guère pleureur d′habitude. Par ma foi, bien des gens eurent le désir de la cacher, ou d′aller l′enlever sur la grand′route ; mais la crainte de désobéir à l′édit du roi les retint. Celui qui se montra le plus passionné, ce fut don Pédro Grégorio< , ce jeune héritier de majorat, si riche, que tu connais bien, et qui en était, dit-on, très amoureux. Le fait est que, depuis qu′elle est partie, on ne l′a plus revu dans le pays, et nous pensons qu′il s′est mis à sa poursuite pour l′enlever. Mais jusqu′à présent, on n′a pas su la moindre chose. | -Siempre tuve yo mala sospecha -dijo Ricote- de que ese caballero adamaba a mi hija; pero, fiado en el valor de mi Ricota, nunca me dio pesadumbre el saber que la quería bien; que ya habrás oído decir, Sancho, que las moriscas pocas o ninguna vez se mezclaron por amores con cristianos viejos, y mi hija, que, a lo que yo creo, atendía a ser más cristiana que enamorada, no se curaría de las solicitudes de ese señor mayorazgo. |  J′avais toujours eu le soupçon, dit Ricote, que ce gentilhomme aimait ma fille ; mais, plein de confiance en la vertu de ma Ricota, je ne m′étais jamais embarrassé qu′il en fût épris ; car tu auras ouí¤ire, Sancho, que bien rarement les femmes morisques se sont mêlées par amour avec les vieux chrétiens ; et ma fille, qui, à ce que je crois, mettait plus de zèle à être chrétienne qu′amoureuse, ne se sera pas beaucoup souciée des poursuites de ce gentilhomme à majorat. | -Dios lo haga -replicó Sancho-, que a entrambos les estaría mal. Y déjame partir de aquí, Ricote amigo, que quiero llegar esta noche adonde está mi señor don Quijote. |  Dieu le veuille, répliqua Sancho, car cela n′irait ni à l′un ni à l′autre. Mais laisse-moi partir, Ricote, mon ami ; je veux rejoindre ce soir mon maître don Quichotte. | -Dios vaya contigo, Sancho hermano, que ya mis compañeros se rebullen, y también es hora que prosigamos nuestro camino. |  Que Dieu t′accompagne, frère Sancho ; voici que déjà mes compagnons se frottent les yeux, et il est temps de poursuivre notre chemin. » | Y luego se abrazaron los dos, y Sancho subió en su rucio, y Ricote se arrimó a su bordón, y se apartaron. | Aussitôt ils s′embrassèrent tous deux tendrement ; empoigna son bourdon, et ils se séparèrent. Sancho monta sur son âne, Ricote
| II. Capítulo LV. De cosas sucedidas a Sancho en el camino, y otras que no hay más que ver. | Chapitre LV Des choses qui arrivèrent en chemin à Sancho et d′autres qui feront plaisir à voir El haberse detenido Sancho con Ricote no le dio lugar a que aquel día llegase al castillo del duque, puesto que llegó media legua dél, donde le tomó la noche, algo escura y cerrada; pero, como era verano, no le dio mucha pesadumbre; y así, se apartó del camino con intención de esperar la mañana; y quiso su corta y desventurada suerte que, buscando lugar donde mejor acomodarse, cayeron él y el rucio en una honda y escurísima sima que entre unos edificios muy antiguos estaba, y al tiempo del caer, se encomendó a Dios de todo corazón, pensando que no había de parar hasta el profundo de los abismos. Y no fue así, porque a poco más de tres estados dio fondo el rucio, y él se halló encima dél, sin haber recebido lisión ni daño alguno. | Le retard qu′avait mis au voyage de Sancho son long entretien avec Ricote ne lui laissa pas le temps d′arriver ce jour-là au château du duc, bien qu′il s′en approchât à une demi-lieue, où la nuit le surprit, close et un peu obscure. Mais, comme on était au printemps, il ne s′en mit pas beaucoup en peine. Seulement, il s′écarta de la route dans l′intention de se faire un gîte pour attendre le matin. Mais sa mauvaise étoile voulut qu′en cherchant une place où passer la nuit, ils tombèrent, lui et le grison, dans un sombre et profond souterrain qui se trouvait au milieu d′anciens édifices ruinés. Quand il sentit la terre lui manquer, il se recommanda à Dieu du fond de son cœur, pensant qu′il ne s′arrêterait plus que dans la profondeur des abîmes. Pourtant il n′en fut pas ainsi ; car, à trois toises environ, le grison toucha terre, et Sancho se trouva dessus sans avoir éprouvé le moindre mal. | Tentóse todo el cuerpo, y recogió el aliento, por ver si estaba sano o agujereado por alguna parte; y, viéndose bueno, entero y católico de salud, no se hartaba de dar gracias a Dios Nuestro Señor de la merced que le había hecho, porque sin duda pensó que estaba hecho mil pedazos. Tentó asimismo con las manos por las paredes de la sima, por ver si sería posible salir della sin ayuda de nadie; pero todas las halló rasas y sin asidero alguno, de lo que Sancho se congojó mucho, especialmente cuando oyó que el rucio se quejaba tierna y dolorosamente; y no era mucho, ni se lamentaba de vicio, que, a la verdad, no estaba muy bien parado. | Il se tâta tout le corps et retint son haleine pour voir s′il était sain et sauf, ou percé à jour en quelque endroit. Quand il se vit bien portant, entier et de santé tout à fait catholique, il ne pouvait se lasser de rendre grâce à Dieu Notre-Seigneur de la faveur qu′il lui avait faite, car il pensait fermement s′être mis en mille pièces. Il tâta également avec les mains les murailles du souterrain, pour voir s′il serait possible d′en sortir sans l′aide de personne ; mais il les trouva partout unies, escarpées, et sans aucune prise ni point d′appui pour y grimper. Cette découverte désola Sancho, surtout quand il entendit le grison se plaindre douloureusement ; et certes, le pauvre animal ne se lamentait pas ainsi par mauvaise habitude, car vraiment sa chute ne l′avait pas fort bien arrangé. | -¡Ay -dijo entonces Sancho Panza-, y cuán no pensados sucesos suelen suceder a cada paso a los que viven en este miserable mundo! ¿Quién dijera que el que ayer se vio entronizado gobernador de una ínsula, mandando a sus sirvientes y a sus vasallos, hoy se había de ver sepultado en una sima, sin haber persona alguna que le remedie, ni criado ni vasallo que acuda a su socorro? Aquí habremos de perecer de hambre yo y mi jumento, si ya no nos morimos antes, él de molido y quebrantado, y yo de pesaroso. A lo menos, no seré yo tan venturoso como lo fue mi señor cuando decendió y bajó a la cueva de aquel encantado Montesinos, donde halló quien le regalase mejor que en su casa, que no parece sino que se fue a mesa puesta y a cama hecha. Allí vio él visiones hermosas y apacibles, y yo veré aquí, a lo que creo, sapos y culebras. ¡Desdichado de mí, y en qué han parado mis locuras y fantasías! De aquí sacarán mis huesos, cuando el cielo sea servido que me descubran, mondos, blancos y raídos, y los de mi buen rucio con ellos, por donde quizá se echará de ver quién somos, a lo menos de los que tuvieren noticia que nunca Sancho Panza se apartó de su asno, ni su asno de Sancho Panza. Otra vez digo: ¡miserables de nosotros, que no ha querido nuestra corta suerte que muriésemos en nuestra patria y entre los nuestros, donde ya que no hallara remedio nuestra desgracia, no faltara quien dello se doliera, y en la hora última de nuestro pasamiento nos cerrara los ojos! ¡Oh compañero y amigo mío, qué mal pago te he dado de tus buenos servicios! Perdóname y pide a la fortuna, en el mejor modo que supieres, que nos saque deste miserable trabajo en que estamos puestos los dos; que yo prometo de ponerte una corona de laurel en la cabeza, que no parezcas sino un laureado poeta, y de darte los piensos doblados. | « Hélas ! s′écria alors Sancho Panza, combien d′événements imprévus arrivent à ceux qui vivent dans ce misérable monde ! Qui aurait dit que celui qui se vit hier intronisé gouverneur d′une île, commandant à ses serviteurs et à ses vassaux, se verrait aujourd′hui enseveli vivant dans un souterrain, sans avoir personne pour le délivrer, sans avoir ni serviteur ni vassal qui vienne à son secours ? Il faudra donc mourir ici de faim, mon âne et moi, si nous ne mourons avant, lui de ses meurtrissures, et moi de mon chagrin ! Du moins, je ne serai pas si heureux que le fut mon seigneur don Quichotte, quand il descendit dans la caverne de cet enchanté de Montésinos, où il trouva quelqu′un pour le régaler mieux qu′en sa maison, si bien qu′on aurait dit qu′il était allé à nappe mise et à lit dressé. Là il vit des visions belles et ravissantes ; et je ne verrai ici, à ce que je crois, que des crapauds et des couleuvres. Malheureux que je suis ! Où ont abouti mes folies et mes caprices ! On tirera mes os d′ici quand le ciel permettra qu′on les découvre, secs, blancs et ratissés, et avec eux ceux de mon bon grison, d′où l′on reconnaîtra peut-être qui nous sommes, au moins les gens qui eurent connaissance que jamais Sancho Panza ne s′éloigna de son âne, ni son âne de Sancho Panza. Malheur à nous, je le répète, puisque notre mauvais sort n′a pas voulu que nous mourussions dans notre patrie et parmi les nôtres, où, à défaut d′un remède à notre disgrâce, nous n′aurions pas manqué d′âmes charitables pour la déplorer, et pour nous fermer les yeux à notre dernière heure ! Ô mon compagnon, mon ami, que j′ai mal payé tes bons services ! Pardonne-moi, et prie la Fortune, de la meilleure façon que tu pourras trouver, qu′elle nous tire de ce mauvais pas où nous sommes tombés tous deux. Je te promets, en ce cas, de te mettre une couronne de laurier sur la tête, pour que tu aies l′air d′un poëte lauréat, et de te donner en outre double ration. » | Desta manera se lamentaba Sancho Panza, y su jumento le escuchaba sin responderle palabra alguna: tal era el aprieto y angustia en que el pobre se hallaba. Finalmente, habiendo pasado toda aquella noche en miserables quejas y lamentaciones, vino el día, con cuya claridad y resplandor vio Sancho que era imposible de toda imposibilidad salir de aquel pozo sin ser ayudado, y comenzó a lamentarse y dar voces, por ver si alguno le oía; pero todas sus voces eran dadas en desierto, pues por todos aquellos contornos no había persona que pudiese escucharle, y entonces se acabó de dar por muerto. | De cette manière se lamentait Sancho Panza, et son âne l′écoutait sans lui répondre un mot, tant grande était l′angoisse que le pauvre animal endurait, finalement, après une nuit passée en plaintes amères et en lamentations, le jour parut, et, aux premières clartés de l′aurore, Sancho vit qu′il était absolument impossible de sortir, sans être aidé, de cette espèce de puits. Il commença donc à se lamenter de nouveau, et à jeter de grands cris pour voir si quelqu′un l′entendrait. Mais tous ces cris étaient jetés dans le désert ; car, en tous les environs, il n′y avait personne qui pût l′entendre. Alors il se tint décidément pour mort. | Estaba el rucio boca arriba, y Sancho Panza le acomodó de modo que le puso en pie, que apenas se podía tener; y, sacando de las alforjas, que también habían corrido la mesma fortuna de la caída, un pedazo de pan, lo dio a su jumento, que no le supo mal, y díjole Sancho, como si lo entendiera: | L′âne était resté la bouche en l′air ; Sancho Panza fit tant qu′il le remit sur pied, bien que la bête pût à peine s′y tenir ; puis tirant du bissac, qui avait couru la même chance et fait la même chute, un morceau de pain, il le donna au grison, qui le trouva de son goût, et Sancho lui dit, comme s′il eût pu l′entendre : | -Todos los duelos con pan son buenos. | « Quand on a du pain, les maux se sentent moins. » | En esto, descubrió a un lado de la sima un agujero, capaz de caber por él una persona, si se agobiaba y encogía. Acudió a él Sancho Panza, y, agazapándose, se entró por él y vio que por de dentro era espacioso y largo, y púdolo ver, porque por lo que se podía llamar techo entraba un rayo de sol que lo descubría todo. Vio también que se dilataba y alargaba por otra concavidad espaciosa; viendo lo cual, volvió a salir adonde estaba el jumento, y con una piedra comenzó a desmoronar la tierra del agujero, de modo que en poco espacio hizo lugar donde con facilidad pudiese entrar el asno, como lo hizo; y, cogiéndole del cabestro, comenzó a caminar por aquella gruta adelante, por ver si hallaba alguna salida por otra parte. A veces iba a escuras, y a veces sin luz, pero ninguna vez sin miedo. | En ce moment il découvrit, à l′un des côtés du souterrain, une ouverture dans laquelle une personne pouvait passer en se baissant et en pliant les reins. Sancho Panza y accourut, et se mettant à quatre pattes, il pénétra dans le trou, qui s′élargissait beaucoup de l′autre côté ; ce qu′il put voir aisément, car un rayon de soleil qui entrait par ce qu′on pouvait appeler le toit en découvrait tout l′intérieur. Il aperçut aussi que cette ouverture, en s′étendant et s′élargissant, allait aboutir à une cavité spacieuse. À cette vue, il revint sur ses pas ou était resté l′âne et se mit, avec l′aide d′une pierre, à creuser la terre du trou, de façon qu′en peu de temps il ouvrit une brèche par où le grison pût aisément entrer. Il le fit passer en effet, et, le prenant par le licou, il commença à cheminer le long de cette grotte, pour voir s′il ne trouverait pas quelque issue d′un autre côté. Tantôt il marchait à tâtons, tantôt avec un petit jour, mais jamais sans une grande frayeur. | -¡Válame Dios todopoderoso! -decía entre sí-. Esta que para mí es desventura, mejor fuera para aventura de mi amo don Quijote. Él sí que tuviera estas profundidades y mazmorras por jardines floridos y por palacios de Galiana, y esperara salir de esta escuridad y estrecheza a algún florido prado; pero yo, sin ventura, falto de consejo y menoscabado de ánimo, a cada paso pienso que debajo de los pies de improviso se ha de abrir otra sima más profunda que la otra, que acabe de tragarme. ¡Bien vengas mal, si vienes solo. | « Dieu tout-puissant, disait-il en lui-même, ceci, qui est pour moi une mésaventure, serait une bonne aventure pour mon maître don Quichotte. C′est lui qui prendrait ces profondeurs et ces cavernes pour des jardins fleuris, pour les palais de Galiana<< ; et il s′attendrait à trouver, au bout de cette sombre trouée, une prairie émaillée de fleurs. Mais moi, malheureux, privé de conseil et dénué de courage, je pense à chaque pas qu′un autre souterrain va tout à coup s′ouvrir sous mes pieds, plus profond que celui-ci, et qui achèvera de m′engloutir. Sois le bienvenu, mal, si tu viens seul. » | Desta manera y con estos pensamientos le pareció que habría caminado poco más de media legua, al cabo de la cual descubrió una confusa claridad, que pareció ser ya de día, y que por alguna parte entraba, que daba indicio de tener fin abierto aquel, para él, camino de la otra vida. | De cette façon et dans ces tristes pensées, il lui sembla qu′il avait cheminé un peu plus d′une demi-lieue ; au bout de ce trajet, il découvrit une clarté confuse qui semblait être celle du jour pénétrant par quelque ouverture ; ce qui annonçait une issue à ce chemin, pour lui, de l′autre vie. | Aquí le deja Cide Hamete Benengeli, y vuelve a tratar de don Quijote, que, alborozado y contento, esperaba el plazo de la batalla que había de hacer con el robador de la honra de la hija de doña Rodríguez, a quien pensaba enderezar el tuerto y desaguisado que malamente le tenían fecho. | Mais Cid Hamet Ben-Engéli le laisse là et retourne à don Quichotte, lequel attendait, dans la joie de son âme, le jour fixé pour la bataille qu′il devait livrer au séducteur de la fille de doña Rodriguez, à laquelle il pensait bien redresser le tort et venger le grief qu′on lui avait fait si méchamment. | Sucedió, pues, que, saliéndose una mañana a imponerse y ensayarse en lo que había de hacer en el trance en que otro día pensaba verse, dando un repelón o arremetida a Rocinante, llegó a poner los pies tan junto a una cueva, que, a no tirarle fuertemente las riendas, fuera imposible no caer en ella. En fin, le detuvo y no cayó, y, llegándose algo más cerca, sin apearse, miró aquella hondura; y, estándola mirando, oyó grandes voces dentro; y, escuchando atentamente, pudo percebir y entender que el que las daba decía. | Or, il arriva qu′étant sorti un beau matin à cheval pour se préparer et s′essayer à ce qu′il devait faire dans la rencontre du lendemain, Rossinante, en faisant à toute bride une attaque simulée, vint mettre les pieds si près d′un trou profond, que, si son maître ne l′eût arrêté sur les jarrets, il ne pouvait manquer d′y choir. Enfin, don Quichotte le retint, et, s′approchant un peu plus près, il considéra, sans mettre pied à terre, cette large ouverture. Mais, tandis qu′il l′examinait, il entendit de grands cris au dedans, et, prêtant une extrême attention, il put distinguer que celui qui jetait ces cris parlait de la sorte : | -¡Ah de arriba! ¿Hay algún cristiano que me escuche, o algún caballero caritativo que se duela de un pecador enterrado en vida, o un desdichado desgobernado gobernador. | « Hola ! là-haut ! y a-t-il quelque chrétien qui m′écoute, quelque chevalier charitable qui prenne pitié d′un malheureux gouverneur qui n′a pas su se gouverner ? » | Parecióle a don Quijote que oía la voz de Sancho Panza, de que quedó suspenso y asombrado, y, levantando la voz todo lo que pudo, dijo. | Don Quichotte crut reconnaître la voix de Sancho Panza. Surpris, épouvanté, il éleva la sienne autant qu′il put, et cria de toute sa force : | -¿Quién está allá bajo? ¿Quién se queja. | « Qui est là en bas ? qui se plaint ainsi ? | -¿Quién puede estar aquí, o quién se ha de quejar -respondieron-, sino el asendereado de Sancho Panza, gobernador, por sus pecados y por su mala andanza, de la ínsula Barataria, escudero que fue del famoso caballero don Quijote de la Mancha. | Â Qui peut être ici, et qui peut s′y plaindre, répondit-on, si ce n′est le déplorable Sancho Panza, gouverneur pour ses péchés et par sa mauvaise chance de l′île Barataria, ci-devant écuyer du fameux don Quichotte de la Manche ? » | Oyendo lo cual don Quijote, se le dobló la admiración y se le acrecentó el pasmo, viniéndosele al pensamiento que Sancho Panza debía de ser muerto, y que estaba allí penando su alma, y llevado desta imaginación dijo: | Quand don Quichotte entendit cela, il sentit redoubler sa surprise et son épouvante, car il lui vint à l′esprit que Sancho devait être mort, et que son âme faisait là son purgatoire. Plein de cette pensée, il s′écria : | -Conjúrote por todo aquello que puedo conjurarte como católico cristiano, que me digas quién eres; y si eres alma en pena, dime qué quieres que haga por ti; que, pues es mi profesión favorecer y acorrer a los necesitados deste mundo, también lo seré para acorrer y ayudar a los menesterosos del otro mundo, que no pueden ayudarse por sí propios. | « Je te conjure et t′adjure aussi, comme chrétien catholique, de me dire qui tu es ; si tu es une âme en peine, dis-moi ce que tu veux que je fasse pour toi ; puisque ma profession est de favoriser et de secourir les nécessiteux de ce monde, je l′étendrai jusqu′à secourir et favoriser les nécessiteux de l′autre monde, qui ne peuvent se donner eux-mêmes assistance. | -Desa manera -respondieron-, vuestra merced que me habla debe de ser mi señor don Quijote de la Mancha, y aun en el órgano de la voz no es otro, sin duda. | Â De cette manière, répondit-on, vous qui me parlez, vous devez être mon seigneur don Quichotte de la Manche ; et même, au timbre de la voix, je reconnais que c′est lui sans aucun doute. | -Don Quijote soy -replicó don Quijote-, el que profeso socorrer y ayudar en sus necesidades a los vivos y a los muertos. Por eso dime quién eres, que me tienes atónito; porque si eres mi escudero Sancho Panza, y te has muerto, como no te hayan llevado los diablos, y, por la misericordia de Dios, estés en el purgatorio, sufragios tiene nuestra Santa Madre la Iglesia Católica Romana bastantes a sacarte de las penas en que estás, y yo, que lo solicitaré con ella, por mi parte, con cuanto mi hacienda alcanzare; por eso, acaba de declararte y dime quién eres. | Â Oui, je suis don Quichotte, répliqua le chevalier, celui qui a fait vœu d′assister et de secourir en leurs nécessités les vivants et les morts. Pour cela, dis-moi qui tu es, car tu me tiens dans la stupeur. Si tu es mon écuyer Sancho Panza, si tu as cessé de vivre, pourvu que le diable ne t′ait pas emporté, et que, par la miséricorde de Dieu, tu sois en purgatoire, notre sainte mère l′Église catholique et romaine a des prières suffisantes pour te tirer des peines que tu endures, et je lui en demanderai pour ma part autant que ma fortune me le permettra. Achève donc de t′expliquer, et dis-moi qui tu es. | -¡Voto a tal! -respondieron-, y por el nacimiento de quien vuesa merced quisiere, juro, señor don Quijote de la Mancha, que yo soy su escudero Sancho Panza, y que nunca me he muerto en todos los días de mi vida; sino que, habiendo dejado mi gobierno por cosas y causas que es menester más espacio para decirlas, anoche caí en esta sima donde yago, el rucio conmigo, que no me dejará mentir, pues, por más señas, está aquí conmigo. | Â Je jure Dieu, répondit-on, et par la naissance de qui Votre Grâce voudra désigner, je jure, seigneur don Quichotte de la Manche, que je suis votre écuyer Sancho Panza, et que je ne suis jamais mort en tous les jours de ma vie. Mais, ayant abandonné mon gouvernement pour des choses et des causes qui ne peuvent se raconter en si peu de paroles, je suis tombé dans ce souterrain, où je gis encore, et le grison avec moi, qui ne me laissera pas mentir, à telles enseignes qu′il est encore à mes côtés. » | Y hay más: que no parece sino que el jumento entendió lo que Sancho dijo, porque al momento comenzó a rebuznar, tan recio, que toda la cueva retumbaba. | Ce qu′il y a de bon, c′est qu′on eût dit que l′âne entendait ce que disait Sancho, car il se mit sur-le-champ à braire, si fort que toute la caverne en retentit. | -¡Famoso testigo! -dijo don Quijote-. El rebuzno conozco como si le pariera, y tu voz oigo, Sancho mío. Espérame; iré al castillo del duque, que está aquí cerca, y traeré quien te saque desta sima, donde tus pecados te deben de haber puesto. | « Fameux témoignage ! s′écria don Quichotte ; je reconnais le braiment comme si j′en étais le père, et ta voix aussi, mon bon Sancho. Attends-moi, je vais courir au château du duc, qui est ici près, et j′en ramènerai du monde pour te tirer de cette caverne, où tes péchés sans doute t′auront fait choir. | -Vaya vuesa merced -dijo Sancho-, y vuelva presto, por un solo Dios, que ya no lo puedo llevar el estar aquí sepultado en vida, y me estoy muriendo de miedo. | Â Courez vite, seigneur, repartit Sancho, et revenez vite, au nom d′un seul Dieu ; je ne puis plus supporter d′être enterré ici tout vif, et je me sens mourir de peur. » | Dejóle don Quijote, y fue al castillo a contar a los duques el suceso de Sancho Panza, de que no poco se maravillaron, aunque bien entendieron que debía de haber caído por la correspondencia de aquella gruta que de tiempos inmemoriales estaba allí hecha; pero no podían pensar cómo había dejado el gobierno sin tener ellos aviso de su venida. Finalmente, como dicen, llevaron sogas y maromas; y, a costa de mucha gente y de mucho trabajo, sacaron al rucio y a Sancho Panza de aquellas tinieblas a la luz del sol. Viole un estudiante, y dijo: | Don Quichotte le laissa, et courut au château raconter à ses hôtes l′aventure de Sancho Panza. Le duc et la duchesse s′en étonnèrent, bien qu′ils comprissent qu′il devait être tombé dans une des ouvertures de ce souterrain qui existait de temps immémorial. Mais ce qu′ils ne pouvaient concevoir, c′est que Sancho eût laissé là son gouvernement sans qu′ils eussent reçu l′avis de son retour. Finalement, on porta des cordes et des poulies ; puis à force de bras et d′efforts, on ramena le grison et Sancho de ces ténèbres à la lumière du soleil. Un étudiant vit la chose et dit : | -Desta manera habían de salir de sus gobiernos todos los malos gobernadores, como sale este pecador del profundo del abismo: muerto de hambre, descolorido, y sin blanca, a lo que yo creo. | « Voilà comment devraient sortir de leurs gouvernements tous les mauvais gouverneurs, comme sort ce pécheur du profond de l′abîme, pâle, décoloré, mort de faim et sans une obole en poche, à ce que je crois. » | Oyólo Sancho, y dijo. | Sancho l′entendit. | -Ocho días o diez ha, hermano murmurador, que entré a gobernar la ínsula que me dieron, en los cuales no me vi harto de pan siquiera un hora; en ellos me han perseguido médicos, y enemigos me han brumado los güesos; ni he tenido lugar de hacer cohechos, ni de cobrar derechos; y, siendo esto así, como lo es, no merecía yo, a mi parecer, salir de esta manera; pero el hombre pone y Dios dispone, y Dios sabe lo mejor y lo que le está bien a cada uno; y cual el tiempo, tal el tiento; y nadie diga "desta agua no beberé", que adonde se piensa que hay tocinos, no hay estacas; y Dios me entiende, y basta, y no digo más, aunque pudiera. | « Il y a, dit-il, mon frère le médisant, huit à dix jours que je pris le gouvernement de l′île qu′on m′avait donnée, et, pendant ce temps, je n′ai pas été rassasié de pain seulement une heure. Dans ces huit jours, les médecins m′ont persécuté et les ennemis m′ont rompu les os ; je n′ai eu le temps, ni de prendre des droits indus ni de toucher des redevances ; et, puisqu′il en est ainsi, je ne méritais pas, j′imagine, d′en sortir de cette manière. Mais l′homme propose et Dieu dispose ; et Dieu, qui sait le mieux, sait ce qui convient bien à chacun ; tel le temps, telle la conduite, et que personne ne dise : Fontaine, je ne boirai pas de ton eau ; car où l′on croit qu′il y a du lard, il n′y a pas même de crochet pour le pendre. Dieu me comprend, et cela me suffit, et je n′en dis pas plus, quoique je le puisse. | -No te enojes, , ni recibas pesadumbre de lo que oyeres, que será nunca acabar: ven tú con segura conciencia, y digan lo que dijeren; y es querer atar las lenguas de los maldicientes lo mesmo que querer poner puertas al campo. Si el gobernador sale rico de su gobierno, dicen dél que ha sido un ladrón, y si sale pobre, que ha sido un para poco y un mentecato. | Â Ne te fâche pas, Sancho, reprit don Quichotte, et ne te mets pas en peine de ce que tu entends dire, car tu n′aurais jamais fini. Reviens avec la conscience en repos, et laisse parler les gens. Vouloir attacher les mauvaises langues, c′est vouloir mettre des portes à l′espace ; si le gouverneur sort riche de son gouvernement, on dit de lui que c′est un voleur ; et s′il en sort pauvre, que c′est un niais et un imbécile. | -A buen seguro -respondió Sancho- que por esta vez antes me han de tener por tonto que por ladrón. | Â De bon compte, répondit Sancho, on me tiendra cette fois plutôt pour un sot que pour un voleur. » | En estas pláticas llegaron, rodeados de muchachos y de otra mucha gente, al castillo, adonde en unos corredores estaban ya el duque y la duquesa esperando a don Quijote y a Sancho, el cual no quiso subir a ver al duque sin que primero no hubiese acomodado al rucio en la caballeriza, porque decía que había pasado muy mala noche en la posada; y luego subió a ver a sus señores, ante los cuales, puesto de rodillas, dijo. | Pendant cet entretien, ils arrivèrent, entourés de petits garçons et d′une foule de gens, au château, où le duc et la duchesse attendaient sur une galerie le retour de don Quichotte et de Sancho. Celui-ci ne voulut point monter rendre visite au duc avant d′avoir bien arrangé son âne à l′écurie, disant que la pauvre bête avait passé une très-mauvaise nuit à l′auberge. Ensuite il monta, parut en présence de ses seigneurs, et se mettant à deux genoux devant eux, il leur dit : | -Yo, señores, porque lo quiso así vuestra grandeza, sin ningún merecimiento mío, fui a gobernar vuestra ínsula Barataria, en la cual entré desnudo, y desnudo me hallo: ni pierdo, ni gano. Si he gobernado bien o mal, testigos he tenido delante, que dirán lo que quisieren. He declarado dudas, sentenciado pleitos, siempre muerto de hambre, por haberlo querido así el doctor Pedro Recio, natural de Tirteafuera, médico insulano y gobernadoresco. Acometiéronnos enemigos de noche, y, habiéndonos puesto en grande aprieto, dicen los de la ínsula que salieron libres y con vitoria por el valor de mi brazo, que tal salud les dé Dios como ellos dicen verdad. En resolución, en este tiempo yo he tanteado las cargas que trae consigo, y las obligaciones, el gobernar, y he hallado por mi cuenta que no las podrán llevar mis hombros, ni son peso de mis costillas, ni flechas de mi aljaba; y así, antes que diese conmigo al través el gobierno, he querido yo dar con el gobierno al través, y ayer de mañana dejé la ínsula como la hallé: con las mismas calles, casas y tejados que tenía cuando entré en ella. No he pedido prestado a nadie, ni metídome en granjerías; y, aunque pensaba hacer algunas ordenanzas provechosas, no hice ninguna, temeroso que no se habían de guardar: que es lo mesmo hacerlas que no hacerlas. Salí, como digo, de la ínsula sin otro acompañamiento que el de mi rucio; caí en una sima, víneme por ella adelante, hasta que, esta mañana, con la luz del sol, vi la salida, pero no tan fácil que, a no depararme el cielo a mi señor don Quijote, allí me quedara hasta la fin del mundo. Así que, mis señores duque y duquesa, aquí está vuestro gobernador Sancho Panza, que ha granjeado en solos diez días que ha tenido el gobierno a conocer que no se le ha de dar nada por ser gobernador, no que de una ínsula, sino de todo el mundo; y, con este presupuesto, besando a vuestras mercedes los pies, imitando al juego de los muchachos, que dicen "Salta tú, y dámela tú", doy un salto del gobierno, y me paso al servicio de mi señor don Quijote; que, en fin, en él, aunque como el pan con sobresalto, hártome, a lo menos, y para mí, como yo esté harto, eso me hace que sea de zanahorias que de perdices. | « Moi, seigneurs, parce qu′ainsi Votre Grandeur l′a voulu, et sans aucun mérite de ma part, je suis allé gouverner votre île Barataria, où nu je suis entré, et nu je me trouve, je ne perds ni ne gagne. Si j′ai gouverné bien ou mal, il y avait des témoins qui diront ce qui leur plaira. J′ai éclairci des questions douteuses, j′ai jugé des procès, et toujours mort de faim, parce qu′ainsi l′exigeait le docteur Pédro Récio, natif de Tirtéafuéra, médecin insulaire et gouvernemental. Des ennemis nous attaquèrent nuitamment et nous mirent en grand péril ; mais ceux de l′île dirent qu′ils furent délivrés et qu′ils remportèrent la victoire par la valeur de mon bras. Que Dieu leur donne aussi bonne chance en ce monde et dans l′autre qu′ils disent la vérité ! Enfin, pendant ce temps, j′ai pesé les charges qu′entraîne après soi le devoir de gouverner, et j′ai trouvé pour mon compte que mes épaules n′y pouvaient pas suffire, que ce n′était ni un poids pour mes reins, ni des flèches pour mon carquois. Aussi, avant que le gouvernement me jetât par terre, j′ai voulu jeter par terre le gouvernement. Hier matin, j′ai laissé l′île comme je l′avais trouvée, avec les mêmes rues, les mêmes maisons et les mêmes toits qu′elle avait quand j′y entrai. Je n′ai rien emprunté à personne et n′ai pris part à aucun bénéfice ; et, bien que je pensasse à faire quelques ordonnances fort profitables, je n′en ai fait aucune, crainte qu′elles ne fussent pas exécutées, car les faire ainsi ou ne pas les faire, c′est absolument la même chose.< Je quittai l′île, comme je l′ai dit, sans autre cortège que celui de mon âne. Je tombai dans un souterrain, je le parcourus tout du long, jusqu′à ce que, ce matin, la lumière du soleil m′en fit voir l′issue, mais non fort aisée ; car, si le ciel ne m′eût envoyé mon seigneur don Quichotte, je restais là jusqu′à la fin du monde. Ainsi donc, monseigneur le duc et madame la duchesse, voici votre gouverneur Sancho Panza qui est parvenu, en dix jours seulement qu′il a eu le gouvernement dans les mains, à reconnaître qu′il ne tient pas le moins du monde à être gouverneur, non d′une île, mais de l′univers entier. Cela convenu, je baise les pieds à Vos Grâces, et, imitant le jeu des petits garçons où ils disent : Saute de là et mets-toi ici, je saute du gouvernement et passe au service de mon seigneur don Quichotte ; car enfin avec lui, bien que je mange quelquefois le pain en sursaut, je m′en rassasie du moins ; et quant à moi, pourvu que je m′emplisse, il m′est égal que ce soit de haricots ou de perdrix. » | Con esto dio fin a su larga plática Sancho, temiendo siempre don Quijote que había de decir en ella millares de disparates; y, cuando le vio acabar con tan pocos, dio en su corazón gracias al cielo, y el duque abrazó a Sancho, y le dijo que le pesaba en el alma de que hubiese dejado tan presto el gobierno; pero que él haría de suerte que se le diese en su estado otro oficio de menos carga y de más provecho. Abrazóle la duquesa asimismo, y mandó que le regalasen, porque daba señales de venir mal molido y peor parado. | Sancho finit là sa longue harangue, pendant laquelle don Quichotte tremblait qu′il ne dît mille sottises ; et, quand il le vit finir sans en avoir dit davantage, il rendit en son cœur mille grâces au ciel. Le duc embrassa cordialement Sancho et lui dit : « Je regrette au fond de l′âme que vous ayez si vite abandonné le gouvernement ; mais je ferai en sorte de vous donner dans mes États un autre office de moindre charge et de plus de profit. » La duchesse aussi l′embrassa, puis donna l′ordre qu′on lui fît bonne table et bon lit, car il paraissait vraiment moulu et disloqué.
| II. Capítulo LVI. De la descomunal y nunca vista batalla que pasó entre don Quijote de la Mancha y el lacayo Tosilos, en la defensa de la hija de la dueña doña Rodríguez. | Chapitre LVI De la bataille inouî£ et formidable que livra don Quichotte au laquais Tosilos en défense de la fille de dame Rodriguez No quedaron arrepentidos los duques de la burla hecha a Sancho Panza del gobierno que le dieron; y más, que aquel mismo día vino su mayordomo, y les contó punto por punto, todas casi, las palabras y acciones que Sancho había dicho y hecho en aquellos días, y finalmente les encareció el asalto de la ínsula, y el miedo de Sancho, y su salida, de que no pequeño gusto recibieron. | Le duc et la duchesse n′eurent point à se repentir des tours joués à Sancho Panza, dans le gouvernement pour rire qu′ils lui avaient donné, d′autant plus que, ce jour même, leur majordome revint, et leur conta de point en point presque toutes les paroles et toutes les actions que Sancho avait dites ou faites en ce peu de jours. Finalement, il leur dépeignit l′assaut de l′île, la peur de Sancho, et son départ précipité, ce qui les divertit étrangement. | Después desto, cuenta la historia que se llegó el día de la batalla aplazada, y, habiendo el duque una y muy muchas veces advertido a su lacayo Tosilos cómo se había de avenir con don Quijote para vencerle sin matarle ni herirle, ordenó que se quitasen los hierros a las lanzas, diciendo a don Quijote que no permitía la cristiandad, de que él se preciaba, que aquella batalla fuese con tanto riesgo y peligro de las vidas, y que se contentase con que le daba campo franco en su tierra, puesto que iba contra el decreto del Santo Concilio, que prohíbe los tales desafíos, y no quisiese llevar por todo rigor aquel trance tan fuerte. | Après cela, l′histoire raconte que le jour fixé pour la bataille arriva. Le duc avait, à plusieurs reprises, instruit son laquais Tosilos de la manière dont il devait s′y prendre avec don Quichotte pour le vaincre, sans le tuer ni le blesser. Il régla qu′on ôterait le fer des lances, en disant à don Quichotte que la charité chrétienne, qu′il se piquait d′exercer, ne permettait pas que le combat se fît au péril de la vie, et que les combattants devaient se contenter de ce qu′il leur donnait le champ libre sur ses terres, malgré le décret du saint concile, qui prohibe ces sortes de duel< , sans qu′ils voulussent encore vider leur querelle à outrance. | Don Quijote dijo que Su Excelencia dispusiese las cosas de aquel negocio como más fuese servido; que él le obedecería en todo. Llegado, pues, el temeroso día, y habiendo mandado el duque que delante de la plaza del castillo se hiciese un espacioso cadahalso, donde estuviesen los jueces del campo y las dueñas, madre y hija, demandantes, había acudido de todos los lugares y aldeas circunvecinas infinita gente, a ver la novedad de aquella batalla; que nunca otra tal no habían visto, ni oído decir en aquella tierra los que vivían ni los que habían muerto. | Don Quichotte répondit que Son Excellence n′avait qu′à régler les choses comme il lui plairait, et qu′il s′y conformerait, en tout point, avec obéissance. Le duc avait fait dresser devant la plate-forme du château un échafaud spacieux où devaient se tenir les juges du camp et les demanderesses, mère et fille. Quand le terrible jour arriva, une multitude infinie accourut de tous les villages et hameaux circonvoisins pour voir le spectacle nouveau de cette bataille ; car jamais dans le pays on n′en avait vu ni ouí²aconter une autre semblable, pas plus ceux qui vivaient que ceux qui étaient morts. | El primero que entró en el campo y estacada fue el maestro de las ceremonias, que tanteó el campo, y le paseó todo, porque en él no hubiese algún engaño, ni cosa encubierta donde se tropezase y cayese; luego entraron las dueñas y se sentaron en sus asientos, cubiertas con los mantos hasta los ojos y aun hasta los pechos, con muestras de no pequeño sentimiento. Presente don Quijote en la estacada, de allí a poco, acompañado de muchas trompetas, asomó por una parte de la plaza, sobre un poderoso caballo, hundiéndola toda, el grande lacayo Tosilos, calada la visera y todo encambronado, con unas fuertes y lucientes armas. El caballo mostraba ser frisón, ancho y de color tordillo; de cada mano y pie le pendía una arroba de lana. | Le premier qui entra dans l′estacade du champ clos fut le maître des cérémonies, qui parcourut et examina toute la lice, afin qu′il n′y eût aucune supercherie, aucun obstacle caché, où l′on pût trébucher et tomber. Ensuite parurent la duègne et sa fille ; elles s′assirent sur leurs sièges, couvertes par leurs voiles jusqu′aux yeux, et même jusqu′à la gorge, et témoignant une grande componction. Don Quichotte était déjà présent au champ clos. Bientôt après on vit arriver par un des côtés de la plate-forme, accompagné de plusieurs trompettes et monté sur un puissant cheval qui faisait trembler la terre, le grand laquais Tosilos, la visière fermée, le corps droit et roide, couvert d′armes épaisses et luisantes. Le cheval était du pays de Frise ; il avait le poitrail large, et la robe d′un beau gris pommelé. | Venía el valeroso combatiente bien informado del duque su señor de cómo se había de portar con el valeroso don Quijote de la Mancha, advertido que en ninguna manera le matase, sino que procurase huir el primer encuentro por escusar el peligro de su muerte, que estaba cierto si de lleno en lleno le encontrase. Paseó la plaza, y, llegando donde las dueñas estaban, se puso algún tanto a mirar a la que por esposo le pedía. Llamó el maese de campo a don Quijote, que ya se había presentado en la plaza, y junto con Tosilos habló a las dueñas, preguntándoles si consentían que volviese por su derecho don Quijote de la Mancha. Ellas dijeron que sí, y que todo lo que en aquel caso hiciese lo daban por bien hecho, por firme y por valedero. | Le vaillant champion était bien avisé par le duc, son seigneur, de la manière dont il devait se conduire avec le valeureux don Quichotte de la Manche. Il lui était enjoint, par-dessus tout, de ne pas le tuer, mais, au contraire, d′éviter le premier choc, pour soustraire le chevalier au danger d′une mort certaine, s′il le rencontrait en plein. Tosilos fit le tour de la place ; et, quand il arriva où se trouvaient les duègnes, il se mit à considérer quelque temps celle qui le demandait pour époux. Le maréchal du camp appela don Quichotte, qui s′était déjà présenté dans la lice ; et, en présence de Tosilos, il vint demander aux duègnes si elles consentaient à ce que don Quichotte prît leur cause en main. Elles répondirent que oui, et que tout ce qu′il ferait en cette occasion, elles le tiendraient pour bon, valable et dûment fait. | Ya en este tiempo estaban el duque y la duquesa puestos en una galería que caía sobre la estacada, toda la cual estaba coronada de infinita gente, que esperaba ver el riguroso trance nunca visto. Fue condición de los combatientes que si don Quijote vencía, su contrario se había de casar con la hija de doña Rodríguez; y si él fuese vencido, quedaba libre su contendor de la palabra que se le pedía, sin dar otra satisfación alguna. | En ce moment le duc et la duchesse s′étaient assis dans une galerie qui donnait au-dessus du champ clos, dont les palissades étaient couronnées par une infinité de gens qui s′étaient empressés de venir voir, pour la première fois, cette sanglante rencontre. La condition du combat fut que, si don Quichotte était vainqueur, son adversaire devait épouser la fille de doña Rodriguez ; mais que, s′il était vaincu, l′autre demeurait quitte et libre de la parole qu′on lui réclamait, sans être tenu à nulle autre satisfaction. | Partióles el maestro de las ceremonias el sol, y puso a los dos cada uno en el puesto donde habían de estar. Sonaron los atambores, llenó el aire el son de las trompetas, temblaba debajo de los pies la tierra; estaban suspensos los corazones de la mirante turba, temiendo unos y esperando otros el bueno o el mal suceso de aquel caso. Finalmente, don Quijote, encomendándose de todo su corazón a Dios Nuestro Señor y a la señora Dulcinea del Toboso, estaba aguardando que se le diese señal precisa de la arremetida; empero, nuestro lacayo tenía diferentes pensamientos: no pensaba él sino en lo que agora diré. | Le maître des cérémonies partagea aux combattants le sol et le soleil, et les plaça chacun dans le poste qu′ils devaient occuper. Les tambours battirent, l′air retentit du bruit des trompettes, la terre tremblait sous les pieds des chevaux ; et, dans cette foule curieuse qui attendait la bonne ou la mauvaise issue du combat, les cœurs étaient agités de crainte et d′espérance. Finalement, don Quichotte, en se recommandant du fond de l′âme à Dieu Notre-Seigneur et à sa dame Dulcinée du Toboso, attendait qu′on lui donnât le signal de l′attaque. Mais notre laquais avait bien d′autres idées en tête, et ne pensait qu′à ce que je vais dire tout à l′heure. | Parece ser que, cuando estuvo mirando a su enemiga, le pareció la más hermosa mujer que había visto en toda su vida, y el niño ceguezuelo, a quien suelen llamar de ordinario Amor por esas calles, no quiso perder la ocasión que se le ofreció de triunfar de una alma lacayuna y ponerla en la lista de sus trofeos; y así, llegándose a él bonitamente, sin que nadie le viese, le envasó al pobre lacayo una flecha de dos varas por el lado izquierdo, y le pasó el corazón de parte a parte; y púdolo hacer bien al seguro, porque el Amor es invisible, y entra y sale por do quiere, sin que nadie le pida cuenta de sus hechos. | Il paraît que, lorsqu′il s′était mis à regarder son ennemie, elle lui sembla la plus belle personne qu′il eût vue de sa vie entière, et l′enfant aveugle, qu′on a coutume d′appeler Amour par ces rues, ne voulut pas perdre l′occasion qui s′offrait de triompher d′une âme d′antichambre, et de l′inscrire sur la liste de ses trophées. Il s′approcha sournoisement, sans que personne le vît, et enfonça dans le flanc gauche du pauvre laquais une flèche de deux aunes, qui lui traversa le cœur de part en part ; et vraiment il put faire son coup bien en sûreté, car l′Amour est invisible ; il entre et sort comme il lui convient, sans que personne lui demande compte de ses actions. | Digo, pues, que, cuando dieron la señal de la arremetida, estaba nuestro lacayo transportado, pensando en la hermosura de la que ya había hecho señora de su libertad, y así, no atendió al son de la trompeta, como hizo don Quijote, que, apenas la hubo oído, cuando arremetió, y, a todo el correr que permitía Rocinante, partió contra su enemigo; y, viéndole partir su buen escudero Sancho, dijo a grandes voces. | Je dis donc que, lorsqu′on donna le signal de l′attaque, notre laquais était transporté, hors de lui, en pensant aux attraits de celle qu′il avait faite maîtresse de sa liberté ; aussi ne put-il entendre le son de la trompette, comme le fit don Quichotte, qui n′en eut pas plutôt entendu le premier appel, qu′il lâcha la bride, et s′élança contre son ennemi de toute la vitesse que lui permettaient les jarrets de Rossinante. Quand son écuyer Sancho le vit partir, il s′écria de toute sa voix : | -¡Dios te guíe, nata y flor de los andantes caballeros! ¡Dios te dé la vitoria, pues llevas la razón de tu parte. | « Dieu te conduise, crème et fleur des chevaliers errants ! Dieu te donne la victoire, puisque la justice est de ton côté ! » | Y, aunque Tosilos vio venir contra sí a don Quijote, no se movió un paso de su puesto; antes, con grandes voces, llamó al maese de campo, el cual venido a ver lo que quería, le dijo. | Bien que Tosilos vît don Quichotte fondre sur lui, il ne bougea pas d′un pas de sa place ; au contraire, appelant à grands cris le maréchal du camp, qui vint aussitôt voir ce qu′il voulait, il lui dit : | -Señor, ¿esta batalla no se hace porque yo me case, o no me case, con aquella señora. | « Seigneur, cette bataille ne se fait-elle point pour que j′épouse ou n′épouse pas cette dame ? | -Así es -le fue respondido. |  Précisément, lui fut-il répondu. | -Pues yo -dijo el lacayo- soy temeroso de mi conciencia, y pondríala en gran cargo si pasase adelante en esta batalla; y así, digo que yo me doy por vencido y que quiero casarme luego con aquella señora. |  Eh bien ! reprit le laquais, je crains les remords de ma conscience, et je la chargerais gravement si je donnais suite à ce combat. Je déclare donc que je me tiens pour vaincu, et que je suis prêt à épouser cette dame sur-le-champ. » | Quedó admirado el maese de campo de las razones de Tosilos; y, como era uno de los sabidores de la máquina de aquel caso, no le supo responder palabra. Detúvose don Quijote en la mitad de su carrera, viendo que su enemigo no le acometía. El duque no sabía la ocasión porque no se pasaba adelante en la batalla, pero el maese de campo le fue a declarar lo que Tosilos decía, de lo que quedó suspenso y colérico en estremo. | Le maréchal du camp fut étrangement surpris des propos de Tosilos ; et, comme il était dans le secret de la machination de cette aventure, il ne put trouver un mot à lui répondre. Pour don Quichotte, il s′était arrêté au milieu de la carrière, voyant que son ennemi ne venait pas à sa rencontre. Le duc ne savait à quel propos la bataille était suspendue ; mais le maréchal du camp vint lui rapporter ce qu′avait dit Tosilos, ce qui le jeta dans une surprise et une colère extrêmes. | En tanto que esto pasaba, Tosilos se llegó adonde doña Rodríguez estaba, y dijo a grandes voces. | Pendant que cela se passait, Tosilos s′approcha de l′estrade où était doña Rodriguez, et lui dit à haute voix : | -Yo, señora, quiero casarme con vuestra hija, y no quiero alcanzar por pleitos ni contiendas lo que puedo alcanzar por paz y sin peligro de la muerte. | « Je suis prêt, madame, à épouser votre fille, et ne veux pas obtenir par des procès et des querelles ce que je puis obtenir en paix et sans danger de mort. » | Oyó esto el valeroso don Quijote, y dijo: | Le valeureux don Quichotte entendit ces paroles, et dit à son tour : | -Pues esto así es, yo quedo libre y suelto de mi promesa: cásense en hora buena, y, pues Dios Nuestro Señor se la dio, San Pedro se la bendiga. | « S′il en est ainsi, je suis libre et dégagé de ma promesse. Qu′ils se marient, à la bonne heure ; et, puisque Dieu la lui donne, que saint Pierre la lui bénisse. » | El duque había bajado a la plaza del castillo, y, llegándose a Tosilos, le dijo. | Le duc cependant était descendu sur la plate-forme du château, et, s′approchant de Tosilos, il lui dit : | -¿Es verdad, caballero, que os dais por vencido, y que, instigado de vuestra temerosa conciencia, os queréis casar con esta doncella. | « Est-il vrai, chevalier, que vous vous teniez pour vaincu, et que, poussé par les remords de votre conscience, vous vouliez épouser cette jeune fille ? | -Sí, señor -respondió Tosilos. |  Oui, seigneur, répondit Tosilos. | -Él hace muy bien -dijo a esta sazón Sancho Panza-, porque lo que has de dar al mur, dalo al gato, y sacarte ha de cuidado. |  Il fait fort bien, reprit en ce moment Sancho, car ce que tu dois donner au rat, donne-le au chat, et de peine il te sortira. » | Íbase Tosilos desenlazando la celada, y rogaba que apriesa le ayudasen, porque le iban faltando los espíritus del aliento, y no podía verse encerrado tanto tiempo en la estrecheza de aquel aposento. Quitáronsela apriesa, y quedó descubierto y patente su rostro de lacayo. Viendo lo cual doña Rodríguez y su hija, dando grandes voces, dijeron. | Tosilos s′était mis à délacer les courroies de son casque à visière, et priait qu′on l′aidât bien vite à l′ôter, disant que le souffle lui manquait, et qu′il ne pouvait rester plus longtemps enfermé dans cette étroite prison ; on lui ôta sa coiffure au plus vite, et son visage de laquais parut au grand jour. Quand doña Rodriguez et sa fille l′aperçurent, elles jetèrent des cris perçants. | -¡Éste es engaño, engaño es éste! ¡A Tosilos, el lacayo del duque mi señor, nos han puesto en lugar de mi verdadero esposo! ¡Justicia de Dios y del Rey, de tanta malicia, por no decir bellaquería. | « C′est une tromperie, disaient-elles, une tromperie infâme. On a mis Tosilos, le laquais du duc mon seigneur, en place de mon vénérable époux. Au nom de Dieu et du roi, justice d′une telle malice, pour ne pas dire d′une telle friponnerie ! | -No vos acuitéis, señoras -dijo don Quijote-, que ni ésta es malicia ni es bellaquería; y si la es, y no ha sido la causa el duque, sino los malos encantadores que me persiguen, los cuales, invidiosos de que yo alcanzase la gloria deste vencimiento, han convertido el rostro de vuestro esposo en el de este que decís que es lacayo del duque. Tomad mi consejo, y, a pesar de la malicia de mis enemigos, casaos con él, que sin duda es el mismo que vos deseáis alcanzar por esposo. |  Ne vous affligez pas, mesdames, s′écria don Quichotte ; il n′y a ni malice ni friponnerie ; ou, s′il y en a, ce n′est pas le duc qui en est cause, mais bien les méchants enchanteurs qui me persécutent, lesquels, jaloux de la gloire que j′allais acquérir dans ce triomphe, ont converti le visage de votre époux en celui de l′homme que vous dites être laquais du duc. Prenez mon conseil, et, malgré la malice de mes ennemis, mariez-vous avec lui ; car, sans aucun doute, c′est celui-là même que vous désirez obtenir pour époux. » | El duque, que esto oyó, estuvo por romper en risa toda su cólera, y dijo. | Le duc, qui entendit ces paroles, fut sur le point de laisser dissiper sa colère en éclats de rire. | -Son tan extraordinarias las cosas que suceden al señor don Quijote que estoy por creer que este mi lacayo no lo es; pero usemos deste ardid y maña: dilatemos el casamiento quince días, si quieren, y tengamos encerrado a este personaje que nos tiene dudosos, en los cuales podría ser que volviese a su prístina figura; que no ha de durar tanto el rancor que los encantadores tienen al señor don Quijote, y más, yéndoles tan poco en usar estos embelecos y transformaciones. | « Les choses qui arrivent au seigneur don Quichotte, dit-il, sont tellement extraordinaires, que je suis prêt à croire que ce mien laquais n′est pas mon laquais. Mais usons d′adresse et essayons d′un stratagème ; nous n′avons qu′à retarder le mariage de quinze jours, si l′on veut, et garder jusque-là sous clef ce personnage qui nous tient en suspens. Peut-être que, pendant cette quinzaine, il reprendra sa première figure, et que la rancune que portent les enchanteurs au seigneur don Quichotte ne durera pas si longtemps, surtout lorsqu′il leur importe si peu d′user de ces fourberies et de ces métamorphoses. | -¡Oh señor! -dijo Sancho-, que ya tienen estos malandrines por uso y costumbre de mudar las cosas, de unas en otras, que tocan a mi amo. Un caballero que venció los días pasados, llamado el de los Espejos, le volvieron en la figura del bachiller Sansón Carrasco, natural de nuestro pueblo y grande amigo nuestro, y a mi señora Dulcinea del Toboso la han vuelto en una rústica labradora; y así, imagino que este lacayo ha de morir y vivir lacayo todos los días de su vida. |  Oh ! seigneur, s′écria Sancho, vous ne savez donc pas que ces malandrins ont pour usage et coutume de changer de l′une en l′autre toutes les choses qui regardent mon maître ? Il vainquit, ces jours passés, un chevalier qui s′appelait le chevalier des Miroirs ; eh bien ! ils l′ont transformé et montré sous la figure du bachelier Samson Carrasco, natif de notre village, et notre intime ami. Quant à madame Dulcinée du Toboso, ils l′ont changée en une grossière paysanne. Aussi j′imagine que ce laquais doit vivre et mourir laquais tous les jours de sa vie. » | A lo que dijo la hija de Rodríguez. | Alors la fille de la Rodriguez s′écria : | -Séase quien fuere este que me pide por esposa, que yo se lo agradezco; que más quiero ser mujer legítima de un lacayo que no amiga y burlada de un caballero, puesto que el que a mí me burló no lo es. | « Quel que soit celui qui me demande pour épouse, je lui en sais infiniment de gré ; car j′aime mieux être femme légitime d′un laquais que maîtresse séduite et trompée d′un gentilhomme, bien que celui qui m′a séduite ne le soit pas. » | En resolución, todos estos cuentos y sucesos pararon en que Tosilos se recogiese, hasta ver en qué paraba su transformación; aclamaron todos la vitoria por don Quijote, y los más quedaron tristes y melancólicos de ver que no se habían hecho pedazos los tan esperados combatientes, bien así como los mochachos quedan tristes cuando no sale el ahorcado que esperan, porque le ha perdonado, o la parte, o la justicia. Fuese la gente, volviéronse el duque y don Quijote al castillo, encerraron a Tosilos, quedaron doña Rodríguez y su hija contentísimas de ver que, por una vía o por otra, aquel caso había de parar en casamiento, y Tosilos no esperaba menos. | Finalement, tous ces événements et toutes ces histoires aboutirent à ce que Tosilos fût renfermé, jusqu′à ce qu′on vît où aboutirait sa transformation. Tout le monde cria : « Victoire à don Quichotte ! » et la plupart s′en allèrent tristes et tête basse, voyant que les champions si attendus ne s′étaient pas mis en morceaux ; de même que les petits garçons s′en vont tristement, quand le pendu qu′ils attendaient ne va pas au gibet, parce qu′il a reçu sa grâce, soit de l′accusateur, soit de la justice. Les gens s′en allèrent ; le duc et la duchesse rentrèrent au château ; Tosilos fut renfermé ; doña Rodriguez et sa fille restèrent fort contentes de voir que, de façon ou d′autre, cette aventure devait finir par un mariage, et Tosilos ne demandait pas mieux.
| Chapitre II. Capítulo LVII. Que trata de cómo don Quijote se despidió del duque, y de lo que le sucedió con la discreta y desenvuelta Altisidora, doncella de la duquesa. | Chapitre LVII Qui traite de quelle manière don Quichotte prit congé du duc, et de ce qui lui arriva avec l′effrontée et discrète Altisidore, demoiselle de la duchesseYa le pareció a don Quijote que era bien salir de tanta ociosidad como la que en aquel castillo tenía; que se imaginaba ser grande la falta que su persona hacía en dejarse estar encerrado y perezoso entre los infinitos regalos y deleites que como a caballero andante aquellos señores le hacían, y parecíale que había de dar cuenta estrecha al cielo de aquella ociosidad y encerramiento; y así, pidió un día licencia a los duques para partirse. Diéronsela, con muestras de que en gran manera les pesaba de que los dejase. Dio la duquesa las cartas de su mujer a Sancho Panza, el cual lloró con ellas, y dijo. | Enfin il parut convenable à don Quichotte de sortir d′une oisiveté aussi complète que celle où il languissait dans ce château. Il s′imaginait que sa personne faisait grande faute au monde, tandis qu′il se laissait retenir et amollir parmi les délices infinies que ses nobles hôtes lui faisaient goûter comme chevalier errant, et qu′il aurait à rendre au ciel un compte rigoureux de cette mollesse et de cette oisiveté. Un jour donc il demanda au duc et à la duchesse la permission de s′éloigner d′eux. Ils la lui donnèrent, mais en témoignant une grande peine de ce qu′il les quittât. La duchesse remit à Sancho Panza les lettres de sa femme, et celui-ci pleura en les entendant lire. | -¿Quién pensara que esperanzas tan grandes como las que en el pecho de mi mujer Teresa Panza engendraron las nuevas de mi gobierno habían de parar en volverme yo agora a las arrastradas aventuras de mi amo? Con todo esto, me contento de ver que mi Teresa correspondió a ser quien es, enviando las bellotas a la duquesa; que, a no habérselas enviado, quedando yo pesaroso, me mostrara ella desagradecida. Lo que me consuela es que esta dádiva no se le puede dar nombre de cohecho, porque ya tenía yo el gobierno cuando ella las envió, y está puesto en razón que los que reciben algún beneficio, aunque sea con niñerías, se muestren agradecidos. En efecto, yo entré desnudo en el gobierno y salgo desnudo dél; y así, podré decir con segura conciencia, que no es poco: "Desnudo nací, desnudo me hallo: ni pierdo ni gano". | « Qui aurait pensé, dit-il, que d′aussi belles espérances que celles qu′avait engendrées dans le cœur de ma femme Thérèse Panza la nouvelle de mon gouvernement, s′en iraient en fumée, et qu′aujourd′hui il faudrait de nouveau me traîner à la quête des aventures de mon maître don Quichotte de la Manche ? Toutefois, je suis satisfait de voir que ma Thérèse ait répondu à ce qu′on devait attendre d′elle en envoyant des glands à la duchesse. Si elle ne l′eût pas fait, elle se serait montrée ingrate, et moi je m′en serais désolé. Ce qui me console, c′est qu′on ne pourra pas donner à ce cadeau le nom de pot-de-vin ; car, lorsqu′elle l′a envoyé, j′étais déjà possesseur du gouvernement, et il est juste que ceux qui reçoivent des bienfaits se montrent reconnaissants, ne fût-ce qu′avec des bagatelles. En fin de compte, je suis entré nu dans le gouvernement, et nu j′en sors, de façon que je puis répéter en toute sûreté de conscience, ce qui n′est pas peu de chose : Nu je suis né, nu je me trouve, je ne perds ni ne gagne. » | Esto pasaba entre sí Sancho el día de la partida; y, saliendo don Quijote, habiéndose despedido la noche antes de los duques, una mañana se presentó armado en la plaza del castillo. Mirábanle de los corredores toda la gente del castillo, y asimismo los duques salieron a verle. Estaba Sancho sobre su rucio, con sus alforjas, maleta y repuesto, contentísimo, porque el mayordomo del duque, el que fue la Trifaldi, le había dado un bolsico con docientos escudos de oro, para suplir los menesteres del camino, y esto aún no lo sabía don Quijote. | Voilà ce que se disait à lui-même Sancho le jour du départ. Don Quichotte, qui avait fait la nuit d′avant ses adieux au duc et à la duchesse, sortit dès le matin, et se présenta tout armé sur la plate-forme du château. Tous les gens de la maison le regardaient du haut des galeries, et le duc sortit également avec la duchesse pour le voir. Sancho était monté sur son âne, avec son bissac, sa valise et ses provisions, ravi de joie, parce que le majordome du duc, celui qui avait fait le rôle de la Trifaldi, lui avait glissé dans la poche une petite bourse avec deux cents écus d′or pour parer aux nécessités du voyage, ce que don Quichotte ne savait point encore. | Estando, como queda dicho, mirándole todos, a deshora, entre las otras dueñas y doncellas de la duquesa, que le miraban, alzó la voz la desenvuelta y discreta Altisidora, y en son lastimero dijo: | Tandis que tout le monde avait les yeux sur le chevalier, comme on vient de le dire, tout à coup, parmi les autres duègnes et demoiselles de la duchesse qui le regardaient aussi, l′effrontée et discrète Altisidore éleva la voix, et, d′un ton plaintif s′écria : | -Escucha, mal caballero; detén un poco las riendas; no fatigues las ijadas de tu mal regida bestia. Mira, falso, que no huyas de alguna serpiente fiera, sino de una corderilla que está muy lejos de oveja. Tú has burlado, monstruo horrendo, la más hermosa doncella que Dî ®a vio en sus montes, que Venus miró en sus selvas. Cruel Vireno, fugitivo Eneas, Barrabás te acompañe; allá te avengas. Tú llevas, ¡llevar impío!, en las garras de tus cerras las entrañas de una humilde, como enamorada, tierna. Llévaste tres tocadores, y unas ligas, de unas piernas que al mármol puro se igualan en lisas, blancas y negras. Llévaste dos mil suspiros, que, a ser de fuego, pudieran abrasar a dos mil Troyas, si dos mil Troyas hubiera. Cruel Vireno, fugitivo Eneas, Barrabás te acompañe; allá te avengas. De ese Sancho, tu escudero, las entrañas sean tan tercas y tan duras, que no salga de su encanto Dulcinea. De la culpa que tú tienes lleve la triste la pena; que justos por pecadores tal vez pagan en mi tierra. Tus más finas aventuras en desventuras se vuelvan, en sueños tus pasatiempos, en olvidos tus firmezas. Cruel Vireno, fugitivo Eneas, Barrabás te acompañe; allá te avengas. Seas tenido por falso desde Sevilla a Marchena, desde Granada hasta Loja, de Londres a Inglaterra. Si jugares al reinado, los cientos, o la primera, los reyes huyan de ti; ases ni sietes no veas. Si te cortares los callos, sangre las heridas viertan, y quédente los raigones si te sacares las muelas. Cruel Vireno, fugitivo Eneas, Barrabás te acompañe; allá te avengas. | « Écoute, méchant chevalier, retiens un peu la bride et ne tourmente pas les flancs de ta bête mal gouvernée. Regarde, perfide, tu ne fuis pas quelque serpent féroce, mais une douce agnelle qui est encore bien loin d′être brebis. Tu t′es joué, monstre horrible, de la plus belle fille que Diane ait vue sur ses montagnes, et Vénus dans ses forêts. Cruel Biréno< , fugitif Énée, que Barabbas t′accompagne, et deviens ce que tu pourras. « Tu emportes, ô impie, dans les griffes de tes serres, les entrailles d′une amante aussi humble que tendre. Tu emportes trois mouchoirs de nuit et les jarretières d′une jambe qui égale le marbre de Paros par sa blancheur et son poli. Tu emportes deux mille soupirs d′un feu si brûlant qu′ils pourraient embraser deux mille Troies, si deux mille Troies il y avait. Cruel Biréno, fugitif Énée, que Barabbas t′accompagne, et deviens ce que tu pourras. « De ce Sancho, ton écuyer, puissent les entrailles être si dures et si revêches que Dulcinée ne sorte point de son enchantement. Que la triste dame porte la peine du crime que tu as commis ; car quelquefois, dans mon pays, les justes payent pour les pécheurs. Que tes plus fines aventures se changent en mésaventures, tes divertissements en songes, et ta constance en oubli. Cruel Biréno, fugitif Énée, que Barabbas t′accompagne, et deviens ce que tu pourras. « Que tu sois tenu pour perfide de Séville jusqu′à Marchéna, de Grenade jusqu′à Loja, de Londres jusqu′en Angleterre. Si tu joues à l′hombre ou au piquet, que les rois te fuient, et que tu ne voies ni as ni sept dans ton jeu. Si tu te coupes les cors, que le sang coule des blessures, et quand tu t′arracheras les dents, qu′il te reste des chicots. Cruel Biréno, fugitif Énée, que Barabbas t′accompagne, et deviens ce que tu pourras. » | En tanto que, de la suerte que se ha dicho, se quejaba la lastimada Altisidora, la estuvo mirando don Quijote, y, sin responderla palabra, volviendo el rostro a Sancho, le dijo. | Tandis que la plaintive Altisidore se lamentait de la sorte, don Quichotte la regardait fixement ; puis, sans lui répondre une parole, il tourna la tête vers Sancho : | -Por el siglo de tus pasados, Sancho mío, te conjuro que me digas una verdad. Dime, ¿llevas por ventura los tres tocadores y las ligas que esta enamorada doncella dice. | « Par le salut de tes ax, mon bon Sancho, lui dit-il, je te conjure et t′adjure de me dire une vérité. Emportes-tu par hasard les trois mouchoirs de nuit et les jarretières dont parle cette amoureuse demoiselle ? | A lo que Sancho respondió. |  Les trois mouchoirs, oui, je les emporte, répondit Sancho ; | -Los tres tocadores sí llevo; pero las ligas, como por los cerros de Úbeda. | mais les jarretières, comme sur ma main. » | Quedó la duquesa admirada de la desenvoltura de Altisidora, que, aunque la tenía por atrevida, graciosa y desenvuelta, no en grado que se atreviera a semejantes desenvolturas; y, como no estaba advertida desta burla, creció más su admiración. El duque quiso reforzar el donaire, y dijo. | La duchesse resta toute surprise de l′effronterie d′Altisidore ; et, bien qu′elle la connût pour hardie et rieuse, elle ne la croyait pas femme à prendre de telles libertés. D′ailleurs, comme elle n′était pas prévenue de ce tour, sa surprise en fut plus grande. Le duc voulut appuyer sur la plaisanterie, et dit à don Quichotte : | -No me parece bien, señor caballero, que, habiendo recebido en este mi castillo el buen acogimiento que en él se os ha hecho, os hayáis atrevido a llevaros tres tocadores, por lo menos, si por lo más las ligas de mi doncella; indicios son de mal pecho y muestras que no corresponden a vuestra fama. Volvedle las ligas; si no, yo os desafío a mortal batalla, sin tener temor que malandrines encantadores me vuelvan ni muden el rostro, como han hecho en el de Tosilos mi lacayo, el que entró con vos en batalla. | « Il me semble mal à vous, seigneur chevalier, qu′après le bon accueil qu′on vous a fait dans ce château, vous osiez emporter trois mouchoirs pour le moins, si ce n′est, pour le plus, les jarretières de mademoiselle. Ce sont là des indices de mauvais cœur et des témoignages qui ne répondent point à votre renommée. Rendez-lui les jarretières, ou sinon je vous défie en combat à outrance, sans crainte que les malandrins enchanteurs me transforment ou me changent le visage, comme ils ont fait à mon laquais Tosilos, celui qui est entré en lice avec vous. | -No quiera Dios -respondió don Quijote- que yo desenvaine mi espada contra vuestra ilustrísima persona, de quien tantas mercedes he recebido; los tocadores volveré, porque dice Sancho que los tiene; las ligas es imposible, porque ni yo las he recebido ni él tampoco; y si esta vuestra doncella quisiere mirar sus escondrijos, a buen seguro que las halle. Yo, señor duque, jamás he sido ladrón, ni lo pienso ser en toda mi vida, como Dios no me deje de su mano. Esta doncella habla, como ella dice, como enamorada, de lo que yo no le tengo culpa; y así, no tengo de qué pedirle perdón ni a ella ni a Vuestra Excelencia, a quien suplico me tenga en mejor opinión, y me dé de nuevo licencia para seguir mi camino. |  Dieu me préserve, répondit don Quichotte, de tirer l′épée contre votre illustre personne, de qui j′ai reçu tant de faveurs ! Je rendrai les mouchoirs, puisque Sancho dit qu′il les a ; quant aux jarretières, c′est impossible, puisque je ne les ai pas reçues, ni lui non plus ; et, si votre demoiselle veut chercher dans ses cachettes, elle les y trouvera certainement. Jamais, seigneur duc, jamais je ne fus voleur, et je pense bien ne pas l′être en toute ma vie, à moins que la main de Dieu ne m′abandonne. Cette demoiselle parle, à ce qu′elle dit, comme une amoureuse, chose dont je suis tout à fait innocent ; ainsi je n′ai pas à lui demander pardon, ni à elle, ni à Votre Excellence, que je supplie d′avoir de moi meilleure opinion, et de me donner encore une fois la permission de continuer mon voyage. | -Déosle Dios tan bueno -dijo la duquesa-, señor don Quijote, que siempre oigamos buenas nuevas de vuestras fechurías. Y andad con Dios; que, mientras más os detenéis, más aumentáis el fuego en los pechos de las doncellas que os miran; y a la mía yo la castigaré de modo, que de aquí adelante no se desmande con la vista ni con las palabras. |  Que Dieu vous le donne si bon, seigneur don Quichotte, s′écria la duchesse, que nous apprenions toujours d′heureuses nouvelles de vos exploits ! Allez avec Dieu ; car plus vous demeurez et plus vous augmentez la flamme amoureuse dans le cœur des demoiselles qui ont les regards sur vous. Pour la mienne, je la châtierai de façon que désormais elle ne se relâche plus, ni des yeux, ni de la langue. | -Una no más quiero que me escuches, ¡oh valeroso don Quijote! -dijo entonces Altisidora-; y es que te pido perdón del latrocinio de las ligas, porque, en Dios y en mi ánima que las tengo puestas, y he caído en el descuido del que yendo sobre el asno, le buscaba. |  Je veux que tu écoutes encore une seule parole, ô valeureux don Quichotte, repartit aussitôt Altisidore ; c′est que je te demande pardon de t′avoir accusé du vol des jarretières ; car, en mon âme et conscience, je les ai aux deux jambes, et j′avais commis l′étourderie de celui qui cherchait son âne étant monté dessus. | -¿No lo dije yo? -dijo Sancho-. ¡Bonico soy yo para encubrir hurtos! Pues, a quererlos hacer, de paleta me había venido la ocasión en mi gobierno. |  Ne l′avais-je pas dit ? s′écria Sancho. Oh ! je suis bon vraiment, pour receler des vols. Pardieu, si j′avais voulu me mêler d′en faire, j′en avais l′occasion toute trouvée dans mon gouvernement. » | Abajó la cabeza don Quijote y hizo reverencia a los duques y a todos los circunstantes, y, volviendo las riendas a Rocinante, siguiéndole Sancho sobre el rucio, se salió del castillo, enderezando su camino a Zaragoza. | Don Quichotte inclina la tête, fit une profonde révérence au duc, à la duchesse, à tous les assistants, et, faisant tourner bride à Rossinante, suivi de Sancho sur le grison, il sortit du château, et prit la route de Saragosse.
| II. Capítulo LVIII. Que trata de cómo menudearon sobre don Quijote aventuras tantas, que no se daban vagar unas a otras. | Chapitre LVIII Comment tant d′aventures vinrent à pleuvoir sur don Quichotte, qu′elles ne se donnaient point de relâche les unes aux autres Cuando don Quijote se vio en la campaña rasa, libre y desembarazado de los requiebros de Altisidora, le pareció que estaba en su centro, y que los espíritus se le renovaban para proseguir de nuevo el asumpto de sus caballerías, y, volviéndose a Sancho, le dijo. | Quand don Quichotte se vit en rase campagne, libre et débarrassé des poursuites amoureuses d′Altisidore, il lui sembla qu′il était dans son centre, et que les esprits vitaux se renouvelaient en lui pour poursuivre son œuvre de chevalerie. Il se tourna vers Sancho et lui dit : | -La libertad, Sancho, es uno de los más preciosos dones que a los hombres dieron los cielos; con ella no pueden igualarse los tesoros que encierra la tierra ni el mar encubre; por la libertad, así como por la honra, se puede y debe aventurar la vida, y, por el contrario, el cautiverio es el mayor mal que puede venir a los hombres. Digo esto, Sancho, porque bien has visto el regalo, la abundancia que en este castillo que dejamos hemos tenido; pues en metad de aquellos banquetes sazonados y de aquellas bebidas de nieve, me parecía a mí que estaba metido entre las estrechezas de la hambre, porque no lo gozaba con la libertad que lo gozara si fueran míos; que las obligaciones de las recompensas de los beneficios y mercedes recebidas son ataduras que no dejan campear al ánimo libre. ¡Venturoso aquél a quien el cielo dio un pedazo de pan, sin que le quede obligación de agradecerlo a otro que al mismo cielo. | « La liberté, Sancho, est un des dons les plus précieux que le ciel ait faits aux hommes. Rien ne l′égale, ni les trésors que la terre enferme en son sein, ni ceux que la mer recèle en ses abîmes. Pour la liberté, aussi bien que pour l′honneur, on peut et l′on doit aventurer la vie ; au contraire, l′esclavage est le plus grand mal qui puisse atteindre les hommes. Je te dis cela, Sancho, parce que tu as bien vu l′abondance et les délices dont nous jouissions dans ce château que nous venons de quitter. Eh bien ! au milieu de ces mets exquis et de ces boissons glacées, il me semblait que j′avais à souffrir les misères de la faim, parce que je n′en jouissais pas avec la même liberté que s′ils m′eussent appartenu ; car l′obligation de reconnaître les bienfaits et les grâces qu′on reçoit sont comme des entraves qui ne laissent pas l′esprit s′exercer librement. Heureux celui à qui le ciel donne un morceau de pain, sans qu′il soit tenu d′en savoir gré à d′autres qu′au ciel même ! | -Con todo eso -dijo Sancho- que vuesa merced me ha dicho, no es bien que se quede sin agradecimiento de nuestra parte docientos escudos de oro que en una bolsilla me dio el mayordomo del duque, que como píctima y confortativo la llevo puesta sobre el corazón, para lo que se ofreciere; que no siempre hemos de hallar castillos donde nos regalen, que tal vez toparemos con algunas ventas donde nos apaleen. |  Et pourtant, reprit Sancho, malgré tout, ce que Votre Grâce vient de me dire, il ne serait pas bien de laisser sans reconnaissance de notre part deux cents écus d′or que m′a donnés dans une bourse le majordome du duc, laquelle bourse je porte sur le cœur, comme un baume réconfortant, pour les occasions qui se peuvent offrir. Nous ne trouverons pas toujours des châteaux où l′on nous régalera ; peut-être aurons-nous à rencontrer des hôtelleries où l′on nous assommera sous le bâton. » | En estos y otros razonamientos iban los andantes, caballero y escudero, cuando vieron, habiendo andado poco más de una legua, que encima de la yerba de un pradillo verde, encima de sus capas, estaban comiendo hasta una docena de hombres, vestidos de labradores. Junto a sí tenían unas como sábanas blancas, con que cubrían alguna cosa que debajo estaba; estaban empinadas y tendidas, y de trecho a trecho puestas. Llegó don Quijote a los que comían, y, saludándolos primero cortésmente, les preguntó que qué era lo que aquellos lienzos cubrían. Uno dellos le respondió. | En s′entretenant de la sorte marchaient le chevalier et l′écuyer errants, lorsqu′ils virent, après avoir fait un peu plus d′une lieue, une douzaine d′hommes habillés en paysans, qui dînaient assis sur l′herbe d′une verte prairie, ayant fait une nappe de leurs manteaux. Ils avaient près d′eux comme des draps blancs étendus et dressés de loin en loin, qui semblaient couvrir quelque chose. Don Quichotte s′approcha des dîneurs, et, après les avoir poliment salués, il leur demanda ce que couvraient ces toiles. Un d′eux lui répondit : | -Señor, debajo destos lienzos están unas imágines de relieve y entabladura que han de servir en un retablo que hacemos en nuestra aldea; llevámoslas cubiertas, porque no se desfloren, y en hombros, porque no se quiebren. | « Seigneur, sous ces toiles sont de saintes images en relief et en sculpture, qui doivent servir à un reposoir que nous dressons dans notre village ; nous les portons couvertes, crainte qu′elles ne se flétrissent, et sur nos épaules, crainte qu′elles ne se cassent. | -Si sois servidos -respondió don Quijote-, holgaría de verlas, pues imágines que con tanto recato se llevan, sin duda deben de ser buenas. |  Si vous vouliez le permettre, répliqua don Quichotte, j′aurais grand plaisir à les voir, car des images qu′on porte avec tant de soin ne peuvent manquer d′être belles. | -Y ¡cómo si lo son! -dijo otro-. Si no, dígalo lo que cuesta: que en verdad que no hay ninguna que no esté en más de cincuenta ducados; y, porque vea vuestra merced esta verdad, espere vuestra merced, y verla ha por vista de ojos. |  Comment, si elles sont belles ! reprit un autre ; leur prix n′a qu′à le dire ; car, en vérité, il n′y en a pas une qui coûte moins de cinquante ducats. Et, pour que Votre Grâce voie que je dis vrai, attendez un moment, et vous le verrez de vos propres yeux. » | Y, levantándose, dejó de comer y fue a quitar la cubierta de la primera imagen, que mostró ser la de San Jorge puesto a caballo, con una serpiente enroscada a los pies y la lanza atravesada por la boca, con la fiereza que suele pintarse. Toda la imagen parecía una ascua de oro, como suele decirse. Viéndola don Quijote, dijo: | Se levant aussitôt de table, l′homme alla découvrir la première image, qui se trouva être celle de saint Georges, monté sur son cheval, foulant aux pieds un dragon et lui traversant la gueule de sa lance, avec l′air fier qu′on a coutume de lui donner. L′image entière ressemblait, comme on dit, à une châsse d′or. | -Este caballero fue uno de los mejores andantes que tuvo la milicia divina: llamóse don San Jorge, y fue además defendedor de doncellas. Veamos esta otra. | « Ce chevalier, dit don Quichotte en le voyant, fut un des meilleurs chevaliers errants qu′eut la milice divine ; il s′appela don saint Georges, et fut en outre grand défenseur de filles. Voyons cette autre. » | Descubrióla el hombre, y pareció ser la de San Martín puesto a caballo, que partía la capa con el pobre; y, apenas la hubo visto don Quijote, cuando dijo. | L′homme la découvrit, et l′on aperçut l′image de saint Martin, également à cheval, qui partageait son manteau avec le pauvre. Don Quichotte ne l′eut pas plutôt vue, qu′il s′écria : | -Este caballero también fue de los aventureros cristianos, y creo que fue más liberal que valiente, como lo puedes echar de ver, Sancho, en que está partiendo la capa con el pobre y le da la mitad; y sin duda debía de ser entonces invierno, que, si no, él se la diera toda, según era de caritativo. | « Ce chevalier fut aussi des aventuriers chrétiens, et, je crois, encore plus libéral que vaillant, comme tu peux le voir, Sancho, puisqu′il partage son manteau avec le pauvre et lui en donne la moitié ; encore était-ce probablement pendant l′hiver, sans quoi il le lui eût donné tout entier, tant il était charitable. | -No debió de ser eso -dijo Sancho-, sino que se debió de atener al refrán que dicen: que para dar y tener, seso es menester. |  Ce n′est pas cela, répliqua Sancho ; il doit plutôt s′en tenir au proverbe qui dit : Pour donner et pour avoir, compter il faut savoir. » | Rióse don Quijote y pidió que quitasen otro lienzo, debajo del cual se descubrió la imagen del Patrón de las Españas a caballo, la espada ensangrentada, atropellando moros y pisando cabezas; y, en viéndola, dijo don Quijote. | Don Quichotte se mit à rire, et pria qu′on enlevât une autre toile, sous laquelle on découvrit le patron des Espagnes, à cheval, l′épée sanglante, culbutant des Mores et foulant leurs têtes aux pieds. Quand il la vit, don Quichotte s′écria : | -Éste sí que es caballero, y de las escuadras de Cristo; éste se llama don San Diego Matamoros, uno de los más valientes santos y caballeros que tuvo el mundo y tiene agora el cielo. | « Oh ! pour celui-ci, il est chevalier, et des escadrons du Christ ; il s′appelle don saint Jacques Matamoros< ; c′est l′un des plus vaillants saints et chevaliers qu′ait possédés le monde et que possède à présent le ciel. » | Luego descubrieron otro lienzo, y pareció que encubría la caída de San Pablo del caballo abajo, con todas las circunstancias que en el retablo de su conversión suelen pintarse. Cuando le vido tan al vivo, que dijeran que Cristo le hablaba y Pablo respondía. | On leva ensuite une autre toile qui couvrait un saint Paul tombant de cheval, avec toutes les circonstances qu′on a coutume de réunir pour représenter sa conversion. Quand il le vit si bien rendu qu′on aurait dit que Jésus lui parlait, et que Paul répondait : | -Éste -dijo don Quijote- fue el mayor enemigo que tuvo la Iglesia de Dios Nuestro Señor en su tiempo, y el mayor defensor suyo que tendrá jamás: caballero andante por la vida, y santo a pie quedo por la muerte, trabajador incansable en la viña del Señor, doctor de las gentes, a quien sirvieron de escuelas los cielos y de catedrático y maestro que le enseñase el mismo Jesucristo. | « Celui-ci, dit don Quichotte, fut le plus grand ennemi qu′eut l′Église de Dieu Notre-Seigneur en son temps, et le plus grand défenseur qu′elle aura jamais ; chevalier errant pendant la vie, saint en repos après la mort, infatigable ouvrier dans la vigne du Seigneur, docteur des nations, qui eut les cieux pour école, et pour maître et professeur Jésus-Christ lui-même. » | No había más imágines, y así, mandó don Quijote que las volviesen a cubrir, y dijo a los que las llevaban. | Comme il n′y avait pas d′autres images, don Quichotte fit recouvrir celles-là, et dit à ceux qui les portaient : | -Por buen agüero he tenido, hermanos, haber visto lo que he visto, porque estos santos y caballeros profesaron lo que yo profeso, que es el ejercicio de las armas; sino que la diferencia que hay entre mí y ellos es que ellos fueron santos y pelearon a lo divino, y yo soy pecador y peleo a lo humano. Ellos conquistaron el cielo a fuerza de brazos, porque el cielo padece fuerza, y yo hasta agora no sé lo que conquisto a fuerza de mis trabajos; pero si mi Dulcinea del Toboso saliese de los que padece, mejorándose mi ventura y adobándoseme el juicio, podría ser que encaminase mis pasos por mejor camino del que llevo. | « Je tiens à bon augure, frères, d′avoir vu ce que vous m′avez fait voir ; car ces saints chevaliers exercèrent la profession que j′exerce, qui est celle des armes, avec cette différence, toutefois, qu′ils étaient saints et qu′ils combattirent à la manière divine, tandis que je suis pécheur et que je combats à la manière des hommes. Ils conquirent le ciel à force de bras, car le ciel se laisse prendre de force< ; et moi, jusqu′à présent, je ne sais trop ce que j′ai conquis à force de peines. Mais si ma Dulcinée du Toboso pouvait échapper à celles qu′elle endure, peut-être que, mon sort s′améliorant et ma raison reprenant son empire, j′acheminerais mes pas dans une meilleure route que celle où je suis engagé. | -Dios lo oiga y el pecado sea sordo -dijo Sancho a esta ocasión. |  Que Dieu t′entende, et que le péché fasse la sourde oreille ! » dit tout bas Sancho. | Admiráronse los hombres, así de la figura como de las razones de don Quijote, sin entender la mitad de lo que en ellas decir quería. Acabaron de comer, cargaron con sus imágines, y, despidiéndose de don Quijote, siguieron su viaje. | Ces hommes ne furent pas moins étonnés des propos de don Quichotte que de sa figure, bien qu′ils ne comprissent pas la moitié de ce qu′il voulait dire. Ils achevèrent de dîner, chargèrent leurs images sur leurs épaules, et, prenant congé de don Quichotte, continuèrent leur route. | Quedó Sancho de nuevo como si jamás hubiera conocido a su señor, admirado de lo que sabía, pareciéndole que no debía de haber historia en el mundo ni suceso que no lo tuviese cifrado en la uña y clavado en la memoria, y díjole. | Pour Sancho, comme s′il n′eût jamais connu son seigneur, il resta tout ébahi de sa science, s′imaginant qu′il n′y avait histoire au monde qu′il n′eût gravée sur l′ongle et plantée dans la mémoire. | -En verdad, señor nuestramo, que si esto que nos ha sucedido hoy se puede llamar aventura, ella ha sido de las más suaves y dulces que en todo el discurso de nuestra peregrinación nos ha sucedido: della habemos salido sin palos y sobresalto alguno, ni hemos echado mano a las espadas, ni hemos batido la tierra con los cuerpos, ni quedamos hambrientos. Bendito sea Dios, que tal me ha dejado ver con mis propios ojos. | « En vérité, seigneur notre maître, lui dit-il, si ce qui nous est arrivé aujourd′hui peut s′appeler aventure, elle est assurément l′une des plus douces et des plus suaves qui nous soient arrivées dans tout le cours de notre pèlerinage. Nous en sommes sortis sans alarme et sans coups de bâton ; nous n′avons pas mis l′épée à la main, ni battu la terre de nos corps, ni souffert les tourments de la famine ; Dieu soit béni, puisqu′il m′a laissé voir une telle chose de mes propres yeux. | -Tú dices bien, Sancho -dijo don Quijote-, pero has de advertir que no todos los tiempos son unos, ni corren de una misma suerte, y esto que el vulgo suele llamar comúnmente agüeros, que no se fundan sobre natural razón alguna, del que es discreto han de ser tenidos y juzgar por buenos acontecimientos. Levántase uno destos agoreros por la mañana, sale de su casa, encuéntrase con un fraile de la orden del bienaventurado San Francisco, y, como si hubiera encontrado con un grifo, vuelve las espaldas y vuélvese a su casa. Derrámasele al otro Mendoza la sal encima de la mesa, y derrámasele a él la melancolía por el corazón, como si estuviese obligada la naturaleza a dar señales de las venideras desgracias con cosas tan de poco momento como las referidas. El discreto y cristiano no ha de andar en puntillos con lo que quiere hacer el cielo. Llega Cipión a África, tropieza en saltando en tierra, tiénenlo por mal agüero sus soldados; pero él, abrazándose con el suelo, dijo: ′′No te me podrás huir, África, porque te tengo asida y entre mis brazos′′. Así que, Sancho, el haber encontrado con estas imágines ha sido para mí felicísimo acontecimiento. |  Tu as raison, Sancho, dit don Quichotte ; mais fais attention que tous les temps ne se ressemblent pas, et qu′on ne court pas toujours la même chance. Quant aux choses du hasard que le vulgaire appelle communément augures, et qui ne se fondent sur aucune raison naturelle, celui qui se pique d′être sensé les juge et les tient pour d′heureuses rencontres. Qu′un de ces gens superstitieux se lève de bon matin, qu′il sorte de sa maison, et qu′il rencontre un moine de l′ordre du bienheureux saint François, le voilà qui tourne le dos comme s′il avait rencontré un griffon, et qui s′en revient chez lui. Qu′un autre répande le sel sur la table, et voilà que la mélancolie se répand sur son cœur, comme si la nature était obligée de donner avis des disgrâces futures par de si petits moyens. L′homme sensé et chrétien ne doit pas juger sur des vétilles de ce que le ciel veut faire. Scipion arrive en Afrique, trébuche en sautant à terre, et voit que ses soldats en tirent mauvais augure. Mais lui, embrassant le sol : « Tu ne pourras plus m′échapper, Afrique, s′écrie-t-il, car je te tiens dans mes bras. » Ainsi donc, Sancho, la rencontre de ces saintes images a été pour moi un heureux événement. | -Yo así lo creo -respondió Sancho-, y querría que vuestra merced me dijese qué es la causa por que dicen los españoles cuando quieren dar alguna batalla, invocando aquel San Diego Matamoros: "¡Santiago, y cierra, España! " ¿Está por ventura España abierta, y de modo que es menester cerrarla, o qué ceremonia es ésta. |  Je le crois bien, répondit Sancho ; mais je voudrais que Votre Grâce me dît une chose : Pourquoi les Espagnols, quand ils veulent livrer quelque bataille, disent-ils, en invoquant saint Jacques Matamoros : « Saint Jacques, et ferme, Espagne< ? » Est-ce que, par hasard, l′Espagne est ouverte et qu′il soit bon de la fermer ? ou quelle cérémonie est-ce là ? | -Simplicísimo eres, Sancho -respondió don Quijote-; y mira que este gran caballero de la cruz bermeja háselo dado Dios a España por patrón y amparo suyo, especialmente en los rigurosos trances que con los moros los españoles han tenido; y así, le invocan y llaman como a defensor suyo en todas las batallas que acometen, y muchas veces le han visto visiblemente en ellas, derribando, atropellando, destruyendo y matando los agarenos escuadrones; y desta verdad te pudiera traer muchos ejemplos que en las verdaderas historias españolas se cuentan. |  Que tu es simple, Sancho ! répondit don Quichotte ; fais donc attention que ce grand chevalier de la Croix-Vermeille, Dieu l′a donné pour patron à l′Espagne, principalement dans les sanglantes rencontres qu′ont eues les Espagnols avec les Mores. Aussi l′invoquent-ils comme leur défenseur dans toutes les batailles qu′ils livrent, et bien des fois on l′a vu visiblement attaquer, enfoncer et détruire des escadrons sarrasins. C′est une vérité que je pourrais justifier par une foule d′exemples tirés des histoires espagnoles les plus véridiques. » | Mudó Sancho plática, y dijo a su amo. | Changeant alors d′entretien, Sancho dit à son maître : | -Maravillado estoy, señor, de la desenvoltura de Altisidora, la doncella de la duquesa: bravamente la debe de tener herida y traspasada aquel que llaman Amor, que dicen que es un rapaz ceguezuelo que, con estar lagañoso, o, por mejor decir, sin vista, si toma por blanco un corazón, por pequeño que sea, le acierta y traspasa de parte a parte con sus flechas. He oído decir también que en la vergüenza y recato de las doncellas se despuntan y embotan las amorosas saetas, pero en esta Altisidora más parece que se aguzan que despuntan. | « Je suis émerveillé, seigneur, de l′effronterie de cette Altisidore, la demoiselle de la duchesse. Elle doit être bravement blessée par ce petit drôle qu′on appelle Amour. C′est, dit-on, un chasseur aveugle qui, tout myope qu′il est, ou plutôt sans yeux, s′il prend un cœur pour but, il l′atteint si petit qu′il soit, et le perce de part en part avec ses flèches. J′ai bien ouí¤ire que, contre la pudeur et la sagesse des filles, les flèches de l′Amour s′émoussent et se brisent ; mais il paraît que, dans cette Altisidore, elles s′aiguisent plutôt que de s′émousser. | -Advierte, Sancho -dijo don Quijote-, que el amor ni mira respetos ni guarda términos de razón en sus discursos, y tiene la misma condición que la muerte: que así acomete los altos alcázares de los reyes como las humildes chozas de los pastores, y cuando toma entera posesión de una alma, lo primero que hace es quitarle el temor y la vergüenza; y así, sin ella declaró Altisidora sus deseos, que engendraron en mi pecho antes confusión que lástima. |  Remarque donc, Sancho, répondit don Quichotte, que l′Amour ne garde ni respect ni ombre de raison dans ses desseins. Il a le même caractère que la mort, qui attaque aussi bien les hautes tours des palais des rois que les humbles cabanes des bergers ; et quand il prend entière possession d′une âme, la première chose qu′il fait, c′est de lui ôter la crainte et la honte. Aussi est-ce sans pudeur qu′Altisidore a déclaré ses désirs, qui ont engendré dans mon cœur moins de pitié que de confusion. | -¡Crueldad notoria! -dijo Sancho-. ¡Desagradecimiento inaudito! Yo de mí sé decir que me rindiera y avasallara la más mínima razón amorosa suya. ¡Hideputa, y qué corazón de mármol, qué entrañas de bronce y qué alma de argamasa! Pero no puedo pensar qué es lo que vio esta doncella en vuestra merced que así la rindiese y avasallase: qué gala, qué brío, qué donaire, qué rostro, que cada cosa por sí déstas, o todas juntas, le enamoraron; que en verdad en verdad que muchas veces me paro a mirar a vuestra merced desde la punta del pie hasta el último cabello de la cabeza, y que veo más cosas para espantar que para enamorar; y, habiendo yo también oído decir que la hermosura es la primera y principal parte que enamora, no teniendo vuestra merced ninguna, no sé yo de qué se enamoró la pobre. |  Notable cruauté ! s′écria Sancho ; ingratitude inouî£ ! Pour moi, je puis dire que je me serais rendu et laissé prendre au plus petit propos d′amour qu′elle m′eût tenu. Mort de ma vie ! quel cœur de marbre ! quelles entrailles de bronze ! quelle âme de mortier ! Mais je ne puis m′imaginer ce qu′a vu cette donzelle en votre personne pour s′éprendre et s′enflammer ainsi. Quelle parure, quelle prestance, quelle grâce, quel trait du visage a-t-elle admirés ? Comment chacune de ces choses en particulier, ou toutes ensemble, ont-elles pu l′amouracher de la sorte ? En vérité, en vérité, je m′arrête bien souvent pour examiner Votre Grâce depuis la pointe du pied jusqu′au dernier cheveu de la tête, et je vois des choses plus faites pour épouvanter les gens que pour les rendre amoureux. Comme j′ai ouí¤ire également que la beauté est la première et la principale qualité pour éveiller l′amour. Votre Grâce n′en ayant pas du tout, je ne sais trop de quoi s′est amourachée la pauvre fille. | -Advierte, Sancho -respondió don Quijote-, que hay dos maneras de hermosura: una del alma y otra del cuerpo; la del alma campea y se muestra en el entendimiento, en la honestidad, en el buen proceder, en la liberalidad y en la buena crianza, y todas estas partes caben y pueden estar en un hombre feo; y cuando se pone la mira en esta hermosura, y no en la del cuerpo, suele nacer el amor con ímpetu y con ventajas. Yo, Sancho, bien veo que no soy hermoso, pero también conozco que no soy disforme; y bástale a un hombre de bien no ser monstruo para ser bien querido, como tenga los dotes del alma que te he dicho. |  Fais attention, Sancho, répondit don Quichotte, qu′il y a deux espèces de beauté, l′une de l′âme, l′autre du corps. Celle de l′âme brille et se montre dans l′esprit, dans la bienséance, dans la libéralité, dans la courtoisie, et toutes ces qualités peuvent trouver place chez un homme laid. Quand on vise à cette beauté, et non à celle du corps, l′amour n′en est que plus ardent et plus durable. Je vois bien, Sancho, que je ne suis pas beau, mais je reconnais aussi que je ne suis pas difforme, et il suffit à un homme de bien, pourvu qu′il ait les qualités de l′âme que j′ai dites, de n′être pas un monstre, pour être aimé tendrement. » | En estas razones y pláticas se iban entrando por una selva que fuera del camino estaba, y a deshora, sin pensar en ello, se halló don Quijote enredado entre unas redes de hilo verde, que desde unos árboles a otros estaban tendidas; y, sin poder imaginar qué pudiese ser aquello, dijo a Sancho. | Tout en causant ainsi, ils étaient entrés dans une forêt qui se trouvait à côté de la route, et soudain, sans y penser, don Quichotte se trouva pris dans des filets de soie verte qui étaient étendus d′un arbre à l′autre. Ne concevant pas ce que ce pouvait être, il dit à Sancho : | -Paréceme, Sancho, que esto destas redes debe de ser una de las más nuevas aventuras que pueda imaginar. Que me maten si los encantadores que me persiguen no quieren enredarme en ellas y detener mi camino, como en venganza de la riguridad que con Altisidora he tenido. Pues mándoles yo que, aunque estas redes, si como son hechas de hilo verde fueran de durísimos diamantes, o más fuertes que aquélla con que el celoso dios de los herreros enredó a Venus y a Marte, así la rompiera como si fuera de juncos marinos o de hilachas de algodón. | « Il me semble, Sancho, que la rencontre de ces filets doit être une des plus étranges aventures qui se puissent imaginer. Qu′on me pende, si les enchanteurs qui me persécutent ne veulent m′y retenir pour suspendre mon voyage, comme en punition de la rigueur dont j′ai payé la belle Altisidore. Eh bien ! moi, je leur fais savoir que si ces filets, au lieu d′être faits de soie verte, étaient durs comme le diamant, ou plus forts que ceux dans lesquels le jaloux dieu des forgerons enferma Vénus et Mars, je les romprais, cependant, comme s′ils étaient de joncs marins ou d′effilures de coton. » | Y, queriendo pasar adelante y romperlo todo, al improviso se le ofrecieron delante, saliendo de entre unos árboles, dos hermosísimas pastoras; a lo menos, vestidas como pastoras, sino que los pellicos y sayas eran de fino brocado, digo, que las sayas eran riquísimos faldellines de tabí de oro. Traían los cabellos sueltos por las espaldas, que en rubios podían competir con los rayos del mismo sol; los cuales se coronaban con dos guirnaldas de verde laurel y de rojo amaranto tejidas. La edad, al parecer, ni bajaba de los quince ni pasaba de los diez y ocho. | Cela dit, il voulait passer outre et briser toutes les mailles, quand, tout à coup s′offrirent à sa vue, sortant d′une touffe d′arbres, deux belles bergères, ou du moins deux femmes vêtues en bergères, si ce n′est que les corsets de peau étaient de fin brocart, et les jupons de riche taffetas d′or. Elles avaient les cheveux tombant en boucles sur les épaules, et si blonds qu′ils pouvaient le disputer à ceux même du soleil. Leurs têtes étaient couronnées de guirlandes où s′entrelaçaient le vert laurier et la rouge amarante. Leur âge, en apparence, passait quinze ans, sans atteindre dix-huit. | Vista fue ésta que admiró a Sancho, suspendió a don Quijote, hizo parar al sol en su carrera para verlas, y tuvo en maravilloso silencio a todos cuatro. En fin, quien primero habló fue una de las dos zagalas, que dijo a don Quijote. | Cette apparition étonna Sancho, confondit don Quichotte, fit arrêter le soleil dans sa carrière, et les retint tous quatre dans un merveilleux silence. Enfin la première personne qui le rompit fut une des deux bergères. | -Detened, señor caballero, el paso, y no rompáis las redes, que no para daño vuestro, sino para nuestro pasatiempo, ahí están tendidas; y, porque sé que nos habéis de preguntar para qué se han puesto y quién somos, os lo quiero decir en breves palabras. En una aldea que está hasta dos leguas de aquí, donde hay mucha gente principal y muchos hidalgos y ricos, entre muchos amigos y parientes se concertó que con sus hijos, mujeres y hijas, vecinos, amigos y parientes, nos viniésemos a holgar a este sitio, que es uno de los más agradables de todos estos contornos, formando entre todos una nueva y pastoril Arcadia, vistiéndonos las doncellas de zagalas y los mancebos de pastores. Traemos estudiadas dos églogas, una del famoso poeta Garcilaso, y otra del excelentísimo Camoes, en su misma lengua portuguesa, las cuales hasta agora no hemos representado. Ayer fue el primero día que aquí llegamos; tenemos entre estos ramos plantadas algunas tiendas, que dicen se llaman de campaña, en el margen de un abundoso arroyo que todos estos prados fertiliza; tendimos la noche pasada estas redes de estos árboles para engañar los simples pajarillos, que, ojeados con nuestro ruido, vinieren a dar en ellas. Si gustáis, señor, de ser nuestro huésped, seréis agasajado liberal y cortésmente; porque por agora en este sitio no ha de entrar la pesadumbre ni la melancolía. | « Retenez la bride, seigneur cavalier, dit-elle à don Quichotte, et ne brisez point ces filets, qui n′ont pas été tendus pour votre dommage, mais pour notre divertissement. Et comme je sais que vous allez nous demander pourquoi ils ont été tendus, et qui nous sommes, je veux vous le dire en peu de mots. Dans un village, à deux lieues d′ici, où demeurent plusieurs gens de qualité et plusieurs riches hidalgos, divers amis et parents se sont concertés avec leurs femmes, leurs fils et leurs filles, leurs amis et leurs parents, pour venir se réjouir en cet endroit, qui est un des plus agréables sites de tous les environs. Nous formons à nous tous une nouvelle Arcadie pastorale ; les filles sont habillées en bergères, et les garçons en bergers. Nous avons appris par cœur deux églogues, l′une du fameux Garcilaso de la Vega, l′autre de l′excellent Camoëns, dans sa propre langue portugaise. Nous ne les avons point encore représentées, car c′est hier seulement que nous sommes arrivés ici. Nous avons planté quelques tentes parmi ce feuillage et sur le bord d′un ruisseau abondant qui fertilise toutes ces prairies. La nuit dernière, nous avons tendu ces filets à ces arbres, pour tromper les oiseaux qui, chassés par notre bruit, viendraient s′y jeter sans méfiance. S′il vous plaît, seigneur, de devenir notre hôte, vous serez accueilli avec courtoisie et libéralité, car en cet endroit nous ne laissons nulle place au chagrin et à la tristesse. » | Calló y no dijo más. A lo que respondió don Quijote: | La bergère se tut, et don Quichotte répondit : | -Por cierto, hermosísima señora, que no debió de quedar más suspenso ni admirado Anteón cuando vio al improviso bañarse en las aguas a Diana, como yo he quedado atónito en ver vuestra belleza. Alabo el asumpto de vuestros entretenimientos, y el de vuestros ofrecimientos agradezco; y, si os puedo servir, con seguridad de ser obedecidas me lo podéis mandar; porque no es ésta la profesión mía, sino de mostrarme agradecido y bienhechor con todo género de gente, en especial con la principal que vuestras personas representa; y, si como estas redes, que deben de ocupar algún pequeño espacio, ocuparan toda la redondez de la tierra, buscara yo nuevos mundos por do pasar sin romperlas; y porque deis algún crédito a esta mi exageración, ved que os lo promete, por lo menos, don Quijote de la Mancha, si es que ha llegado a vuestros oídos este nombre. | « Assurément, belle et noble dame, Actéon ne dut pas être plus surpris, plus émerveillé, quand il surprit Diane au bain, que je ne le suis à la vue de votre beauté. Je loue l′objet de vos divertissements, et vous sais gré de vos offres obligeantes. Si, à mon tour, je puis vous servir, vous pouvez commander, sûres d′être obéies ; car ma profession n′est autre que de me montrer reconnaissant et bienfaisant envers toute espèce de gens, mais surtout envers les gens de qualité, comme témoignent l′être vos personnes. Si ces filets, qui ne doivent occuper qu′un petit espace, occupaient toute la surface de la terre, j′irais chercher de nouveaux mondes pour passer sans les rompre ; et, pour que vous donniez quelque crédit à cette hyperbole, sachez que celui qui vous fait une telle promesse n′est rien moins que don Quichotte de la Manche, si toutefois ce nom est arrivé jusqu′à vos oreilles. | -¡Ay, amiga de mi alma -dijo entonces la otra zagala-, y qué ventura tan grande nos ha sucedido! ¿Ves este señor que tenemos delante? Pues hágote saber que es el más valiente, y el más enamorado, y el más comedido que tiene el mundo, si no es que nos miente y nos engaña una historia que de sus hazañas anda impresa y yo he leído. Yo apostaré que este buen hombre que viene consigo es un tal Sancho Panza, su escudero, a cuyas gracias no hay ningunas que se le igualen. |  Ah ! chère amie de mon âme ! s′écria sur-le-champ l′autre bergère, quel bonheur nous est venu ! Vois-tu ce seigneur qui nous parle ? Eh bien ! je te fais savoir que c′est le plus vaillant chevalier, le plus amoureux et le plus courtois qu′il y ait au monde ; à moins qu′une histoire de ses prouesses qui circule imprimée, et que j′ai lue, ne mente et ne nous trompe. Je gagerais que ce brave homme qu′il mène avec lui est un certain Sancho Panza, son écuyer, dont rien n′égale la grâce et les saillies. | -Así es la verdad -dijo Sancho-: que yo soy ese gracioso y ese escudero que vuestra merced dice, y este señor es mi amo, el mismo don Quijote de la Mancha historiado y referido. |  C′est la vérité, dit Sancho ; je suis ce plaisant et cet écuyer que vous dites, et ce seigneur est mon maître, le même don Quichotte de la Manche, imprimé et raconté en histoire. | -¡Ay! -dijo la otra-. Supliquémosle, amiga, que se quede; que nuestros padres y nuestros hermanos gustarán infinito dello, que también he oído yo decir de su valor y de sus gracias lo mismo que tú me has dicho, y, sobre todo, dicen dél que es el más firme y más leal enamorado que se sabe, y que su dama es una tal Dulcinea del Toboso, a quien en toda España la dan la palma de la hermosura. |  Ah ! chère amie, s′écria l′autre, supplions-le de rester ; nos parents et nos frères en auront une joie infinie. J′ai ouí°arler aussi de sa valeur et de ses mérites de la façon dont tu viens d′en parler. On dit surtout qu′il est le plus constant et le plus loyal amoureux que l′on connaisse, et que sa dame est une certaine Dulcinée du Toboso, à qui toute l′Espagne décerne la palme de la beauté. | -Con razón se la dan -dijo don Quijote-, si ya no lo pone en duda vuestra sin igual belleza. No os canséis, señoras, en detenerme, porque las precisas obligaciones de mi profesión no me dejan reposar en ningún cabo. |  C′est avec raison qu′on la lui donne, reprit don Quichotte, si toutefois votre beauté sans pareille ne met la chose en question. Mais ne perdez point votre temps, mesdames, à vouloir me retenir, car les devoirs impérieux de ma profession ne me laissent reposer nulle part. » | Llegó, en esto, adonde los cuatro estaban un hermano de una de las dos pastoras, vestido asimismo de pastor, con la riqueza y galas que a las de las zagalas correspondía; contáronle ellas que el que con ellas estaba era el valeroso don Quijote de la Mancha, y el otro, su escudero Sancho, de quien tenía él ya noticia, por haber leído su historia. Ofreciósele el gallardo pastor, pidióle que se viniese con él a sus tiendas; húbolo de conceder don Quijote, y así lo hizo. | Sur ces entrefaites, arriva près des quatre causeurs un frère de l′une des deux bergères, vêtu avec une élégance et une richesse qui répondaient à leur accoutrement. Elles lui contèrent que celui qui parlait avec elles était le valeureux don Quichotte de la Manche, et l′autre son écuyer Sancho, que le jeune homme connaissait déjà pour avoir lu leur histoire. Aussitôt le galant berger fit au chevalier ses offres de service, et le pria si instamment de l′accompagner à leurs tentes, que don Quichotte fut contraint de céder ; il le suivit. | Llegó, en esto, el ojeo, llenáronse las redes de pajarillos diferentes que, engañados de la color de las redes, caían en el peligro de que iban huyendo. Juntáronse en aquel sitio más de treinta personas, todas bizarramente de pastores y pastoras vestidas, y en un instante quedaron enteradas de quiénes eran don Quijote y su escudero, de que no poco contento recibieron, porque ya tenían dél noticia por su historia. Acudieron a las tiendas, hallaron las mesas puestas, ricas, abundantes y limpias; honraron a don Quijote dándole el primer lugar en ellas; mirábanle todos, y admirábanse de verle. | En ce moment se faisait la chasse aux huées, et les filets s′emplirent d′une multitude d′oiseaux, qui, trompés par la couleur des mailles, se jetaient dans le péril qu′ils fuyaient à tire-d′aile. Plus de trente personnes se réunirent en cet endroit, toutes galamment habillées en bergers et en bergères. Elles furent aussitôt informées que c′étaient là don Quichotte et son écuyer, ce qui les ravit de joie, parce qu′elles les connaissaient déjà par leur histoire. On regagna les tentes, où l′on trouva les tables dressées, riches, propres et abondamment servies. On fit à don Quichotte l′honneur du haut bout. Tous le regardaient et s′étonnaient de le voir. | Finalmente, alzados los manteles, con gran reposo alzó don Quijote la voz, y dijo: | Finalement, quand on leva la nappe, don Quichotte prit la parole et dit : | -Entre los pecados mayores que los hombres cometen, aunque algunos dicen que es la soberbia, yo digo que es el desagradecimiento, ateniéndome a lo que suele decirse: que de los desagradecidos está lleno el infierno. Este pecado, en cuanto me ha sido posible, he procurado yo huir desde el instante que tuve uso de razón; y si no puedo pagar las buenas obras que me hacen con otras obras, pongo en su lugar los deseos de hacerlas, y cuando éstos no bastan, las publico; porque quien dice y publica las buenas obras que recibe, también las recompensara con otras, si pudiera; porque, por la mayor parte, los que reciben son inferiores a los que dan; y así, es Dios sobre todos, porque es dador sobre todos y no pueden corresponder las dádivas del hombre a las de Dios con igualdad, por infinita distancia; y esta estrecheza y cortedad, en cierto modo, la suple el agradecimiento. Yo, pues, agradecido a la merced que aquí se me ha hecho, no pudiendo corresponder a la misma medida, conteniéndome en los estrechos límites de mi poderío, ofrezco lo que puedo y lo que tengo de mi cosecha; y así, digo que sustentaré dos días naturales en metad de ese camino real que va a Zaragoza, que estas señoras zagalas contrahechas que aquí están son las más hermosas doncellas y más corteses que hay en el mundo, excetado sólo a la sin par Dulcinea del Toboso, única señora de mis pensamientos, con paz sea dicho de cuantos y cuantas me escuchan. | « Parmi les plus grands péchés que les hommes commettent, bien que certaines personnes disent que c′est l′orgueil qui a la première place, moi je dis que c′est l′ingratitude, m′en rapportant à ce qu′on a coutume de dire, que l′enfer est peuplé d′ingrats. Ce péché, j′ai tâché de le fuir, autant qu′il m′a été possible, depuis l′instant où j′eus l′usage de la raison. Si je ne peux payer les bonnes œuvres qui me sont faites par d′autres bonnes œuvres, je mets à la place le désir de les rendre ; et, si cela ne suffit point, je les publie ; car celui qui raconte et publie les bienfaits qu′il reçoit, les reconnaîtra, s′il le peut, par d′autres bienfaits. Effectivement, la plupart de ceux qui reçoivent sont inférieurs à ceux qui donnent. Ainsi est Dieu par-dessus tout le monde, parce qu′il est le bienfaiteur de tous, et les présents de l′homme ne peuvent répondre avec égalité à ceux de Dieu, à cause de l′infinie distance qui les sépare. Mais, à cette impuissance, à cette misère, supplée en quelque sorte la reconnaissance. Moi donc, reconnaissant de la grâce qui m′est faite ici, mais ne pouvant y répondre à la même mesure, et me renfermant dans les étroites limites de mon pouvoir, j′offre ce que je puis et ce qui vient de mon cru. Je dis donc que, pendant deux jours naturels, je soutiendrai, au milieu de cette grande route qui conduit à Saragosse, que ces dames, déguisées en bergères, sont les plus belles et les plus courtoises qu′il y ait au monde, à l′exception cependant de la sans pareille Dulcinée du Toboso, unique maîtresse de mes pensées, soit dit sans offenser aucun de ceux ou de celles qui m′écoutent. » | Oyendo lo cual, Sancho, que con grande atención le había estado escuchando, dando una gran voz, dijo. | Quand Sancho entendit cela, lui qui avait écouté avec grande attention, il ne put se tenir et s′écria : | -¿Es posible que haya en el mundo personas que se atrevan a decir y a jurar que este mi señor es loco? Digan vuestras mercedes, señores pastores: ¿hay cura de aldea, por discreto y por estudiante que sea, que pueda decir lo que mi amo ha dicho, ni hay caballero andante, por más fama que tenga de valiente, que pueda ofrecer lo que mi amo aquí ha ofrecido. | « Est-il possible qu′il y ait au monde des gens assez osés pour oser dire et jurer que ce mien maître-là est fou ! Dites un peu, messieurs les bergers, y a-t-il curé de village, si savant et si beau parleur qu′il soit, qui puisse dire ce que mon maître a dit ? Y a-t-il chevalier errant, quelque réputation de vaillance qu′il ait, qui puisse offrir ce qu′offre mon maître ? » | Volvióse don Quijote a Sancho, y, encendido el rostro y colérico, le dijo. | Don Quichotte se tourna brusquement vers Sancho, et lui dit, le visage enflammé de colère : | -¿Es posible, ¡oh Sancho!, que haya en todo el orbe alguna persona que diga que no eres tonto, aforrado de lo mismo, con no sé qué ribetes de malicioso y de bellaco? ¿Quién te mete a ti en mis cosas, y en averiguar si soy discreto o majadero? Calla y no me repliques, sino ensilla, si está desensillado Rocinante: vamos a poner en efecto mi ofrecimiento, que, con la razón que va de mi parte, puedes dar por vencidos a todos cuantos quisieren contradecirla. | « Est-il possible, ô Sancho ! qu′il y ait dans tout l′univers une seule personne qui dise que tu n′es pas un sot doublé de même, avec je ne sais quelles bordures de malice et de coquinerie ? Pourquoi te mêles-tu de mes affaires, et qui te charge de vérifier si je suis sensé ou imbécile ? Tais-toi, sans répliquer un mot, et va seller Rossinante, s′il est dessellé ; puis allons mettre mon offre à exécution ; car, avec la raison que j′ai de mon côté, tu peux bien tenir pour vaincus tous ceux qui s′aviseraient de me contredire. » | Y, con gran furia y muestras de enojo, se levantó de la silla, dejando admirados a los circunstantes, haciéndoles dudar si le podían tener por loco o por cuerdo. Finalmente, habiéndole persuadido que no se pusiese en tal demanda, que ellos daban por bien conocida su agradecida voluntad y que no eran menester nuevas demostraciones para conocer su ánimo valeroso, pues bastaban las que en la historia de sus hechos se referían, con todo esto, salió don Quijote con su intención; y, puesto sobre Rocinante, embrazando su escudo y tomando su lanza, se puso en la mitad de un real camino que no lejos del verde prado estaba. Siguióle Sancho sobre su rucio, con toda la gente del pastoral rebaño, deseosos de ver en qué paraba su arrogante y nunca visto ofrecimiento. | Cela dit, il se leva de son siège, avec des gestes d′indignation, et laissa tous les spectateurs dans l′étonnement, les faisant douter s′il fallait le prendre pour sage ou pour fou. Finalement, ce fut en vain qu′ils essayèrent de le détourner de son entreprise chevaleresque, en lui disant qu′ils tenaient pour dûment reconnus ses sentiments de gratitude, et qu′il n′était nul besoin de nouvelles démonstrations pour faire également connaître sa valeur, puisque celles que rapportait son histoire étaient bien suffisantes. Don Quichotte n′en persista pas moins dans sa résolution. Il monta sur Rossinante, prit sa lance, embrassa son écu, et fut se placer au beau milieu d′un grand chemin qui passait près de la verte prairie. Sancho le suivit sur son âne, ainsi que tous les gens de la compagnie pastorale, désireux de voir où aboutirait son offre arrogante et singulière. | Puesto, pues, don Quijote en mitad del camino -como os he dicho-, hirió el aire con semejantes palabras. | Campé, comme on l′a dit, au milieu du chemin, don Quichotte fit retentir l′air de ces paroles : | -¡Oh vosotros, pasajeros y viandantes, caballeros, escuderos, gente de a pie y de a caballo que por este camino pasáis, o habéis de pasar en estos dos días siguientes! Sabed que don Quijote de la Mancha, caballero andante, está aquí puesto para defender que a todas las hermosuras y cortesías del mundo exceden las que se encierran en las ninfas habitadoras destos prados y bosques, dejando a un lado a la señora de mi alma Dulcinea del Toboso. Por eso, el que fuere de parecer contrario, acuda, que aquí le espero. | « Ô vous, passagers et voyageurs, chevaliers, écuyers, gens à pied et à cheval, qui passez ou devez passer sur ce chemin pendant les deux jours qui vont suivre, sachez que don Quichotte de la Manche, chevalier errant, s′est ici posté pour soutenir que toutes les beautés et les courtoisies de la terre sont surpassées par celles que possèdent les nymphes habitantes de ces prés et de ces bois, laissant toutefois à part la reine de mon âme, Dulcinée du Toboso ; ainsi donc, que celui qui serait d′un avis contraire se présente ; je l′attends ici. » | Dos veces repitió estas mismas razones, y dos veces no fueron oídas de ningún aventurero; pero la suerte, que sus cosas iba encaminando de mejor en mejor, ordenó que de allí a poco se descubriese por el camino muchedumbre de hombres de a caballo, y muchos dellos con lanzas en las manos, caminando todos apiñados, de tropel y a gran priesa. No los hubieron bien visto los que con don Quijote estaban, cuando, volviendo las espaldas, se apartaron bien lejos del camino, porque conocieron que si esperaban les podía suceder algún peligro; sólo don Quijote, con intrépido corazón, se estuvo quedo, y Sancho Panza se escudó con las ancas de Rocinante. | Par deux fois il répéta mot à mot cette apostrophe, et par deux fois elle ne fut entendue d′aucun chevalier errant. Mais le sort, qui menait ses affaires de mieux en mieux, voulut que, peu de temps après, on découvrît sur le chemin une multitude d′hommes à cheval, portant pour la plupart des lances à la main, qui s′avançaient tous pressés, mêlés, et en grande hâte. Dès que ceux qui accompagnaient don Quichotte les eurent aperçus, ils tournèrent les talons, et s′écartèrent bien loin de la grand′route, parce qu′ils virent bien qu′en attendant cette rencontre ils pouvaient s′exposer à quelque danger. Don Quichotte seul, d′un cœur intrépide, resta ferme sur la place, et Sancho Panza se fit un bouclier des reins de Rossinante. | Llegó el tropel de los lanceros, y uno dellos, que venía más delante, a grandes voces comenzó a decir a don Quijote. | Cependant la troupe confuse des lanciers s′approchait, et l′un d′eux, qui marchait en avant, se mit à crier de toute sa force à don Quichotte : | -¡Apártate, hombre del diablo, del camino, que te harán pedazos estos toros. | « Gare, homme du diable, gare du chemin ; ces taureaux vont te mettre en pièces. | -¡Ea, canalla -respondió don Quijote-, para mí no hay toros que valgan, aunque sean de los más bravos que cría Jarama en sus riberas! Confesad, malandrines, así a carga cerrada, que es verdad lo que yo aquí he publicado; si no, conmigo sois en batalla. |  Allons donc, canaille, répondit don Quichotte, il n′y a pas pour moi de taureaux qui vaillent, fussent-ils les plus terribles de ceux que le Jarama nourrit sur ses rives. Confessez, malandrins, confessez en masse et en bloc la vérité de ce que j′ai publié tout à l′heure ; sinon, je vous livre bataille. » | No tuvo lugar de responder el vaquero, ni don Quijote le tuvo de desviarse, aunque quisiera; y así, el tropel de los toros bravos y el de los mansos cabestros, con la multitud de los vaqueros y otras gentes que a encerrar los llevaban a un lugar donde otro día habían de correrse, pasaron sobre don Quijote, y sobre Sancho, Rocinante y el rucio, dando con todos ellos en tierra, echándole a rodar por el suelo. Quedó molido Sancho, espantado don Quijote, aporreado el rucio y no muy católico Rocinante; pero, en fin, se levantaron todos, y don Quijote, a gran priesa, tropezando aquí y cayendo allí, comenzó a correr tras la vacada, diciendo a voces. | Le vacher n′eut pas le temps de lui répondre, ni don Quichotte celui de se détourner, quand même il l′eût voulu ; ainsi, le troupeau des taureaux de combat, avec les bœufs paisibles qui servent à les conduire< , et la multitude de vachers et de gens de toute sorte qui les menaient à une ville où devait se faire une course le lendemain, tout cela passa par-dessus don Quichotte, et par-dessus Sancho, Rossinante et le grison, les roulant à terre et les foulant aux pieds. De l′aventure, Sancho resta moulu, don Quichotte épouvanté, le grison meurtri de coups, et Rossinante fort peu catholique. Pourtant ils se relevèrent tous à la fin, et don Quichotte, bronchant par-ci, tombant par-là, se mit aussitôt à courir après l′armée de bêtes à cornes, criant de toute sa voix : | -¡Deteneos y esperad, canalla malandrina, que un solo caballero os espera, el cual no tiene condición ni es de parecer de los que dicen que al enemigo que huye, hacerle la puente de plata. | « Arrêtez, arrêtez, canaille de malandrins, un seul chevalier vous attend, lequel n′est ni de l′humeur ni de l′avis de ceux qui disent : À l′ennemi qui fuit, faire un pont d′argent. » | Pero no por eso se detuvieron los apresurados corredores, ni hicieron más caso de sus amenazas que de las nubes de antaño. Detúvole el cansancio a don Quijote, y, más enojado que vengado, se sentó en el camino, esperando a que Sancho, Rocinante y el rucio llegasen. Llegaron, volvieron a subir amo y mozo, y, sin volver a despedirse de la Arcadia fingida o contrahecha, y con más vergüenza que gusto, siguieron su camino. | Mais les fuyards, pressés, ne ralentirent pas leur course pour cela, et ne firent pas plus de cas de ses menaces que des nuages d′autan. La fatigue arrêta don Quichotte, qui, plus enflammé de courroux que rassasié de vengeance, s′assit sur le bord du chemin, attendant que Sancho, Rossinante et le grison revinssent auprès de lui. Ils arrivèrent enfin ; maître et valet reprirent leurs montures, et, sans retourner prendre congé de la feinte Arcadie, avec plus de honte que de joie, ils continuèrent leur chemin.
| II. Capítulo LIX. Donde se cuenta del extraordinario suceso, que se puede tener por aventura, que le sucedió a don Quijote. | Chapitre LIX Où l′on raconte l′événement extraordinaire, capable d′être pris pour une aventure, qui arriva à don Quichotte Al polvo y al cansancio que don Quijote y Sancho sacaron del descomedimiento de los toros, socorrió una fuente clara y limpia que entre una fresca arboleda hallaron, en el margen de la cual, dejando libres, sin jáquima y freno, al rucio y a Rocinante, los dos asendereados amo y mozo se sentaron. Acudió Sancho a la repostería de su alforjas, y dellas sacó de lo que él solía llamar condumio; enjuagóse la boca, lavóse don Quijote el rostro, con cuyo refrigerio cobraron aliento los espíritus desalentados. No comía don Quijote, de puro pesaroso, ni Sancho no osaba tocar a los manjares que delante tenía, de puro comedido, y esperaba a que su señor hiciese la salva; pero, viendo que, llevado de sus imaginaciones, no se acordaba de llevar el pan a la boca, no abrió la suya, y, atropellando por todo género de crianza, comenzó a embaular en el estómago el pan y queso que se le ofrecía. | Don Quichotte et Sancho trouvèrent un remède à la poussière et à la lassitude, qui leur étaient restées de l′incivilité des taureaux, dans une claire et limpide fontaine qui coulait au milieu d′une épaisse touffe d′arbres. Laissant paître librement, sans harnais et sans bride, Rossinante et le grison, les deux aventuriers, maître et valet, s′assirent au bord de l′eau. Don Quichotte se rinça la bouche, se lava la figure, et rendit, par cette ablution, quelque énergie à ses esprits abattus. Sancho recourut au garde-manger de son bissac, et en tira ce qu′il avait coutume d′appeler sa victuaille< . Don Quichotte ne mangeait point, par pure tristesse, et Sancho n′osait pas toucher aux mets qu′il avait devant lui, par pure civilité ; il attendait que son seigneur en essayât. Mais voyant qu′enseveli dans ses rêveries celui-ci ne se rappelait pas de porter le pain à la bouche, sans ouvrir la sienne pour parler, et foulant aux pieds toute bienséance, il se mit à encoffrer dans son estomac le pain et le fromage qui lui tombaient sous la main. | -Come, Sancho amigo -dijo don Quijote-, sustenta la vida, que más que a mí te importa, y déjame morir a mí a manos de mis pensamientos y a fuerzas de mis desgracias. Yo, Sancho, nací para vivir muriendo, y tú para morir comiendo; y, porque veas que te digo verdad en esto, considérame impreso en historias, famoso en las armas, comedido en mis acciones, respetado de príncipes, solicitado de doncellas; al cabo al cabo, cuando esperaba palmas, triunfos y coronas, granjeadas y merecidas por mis valerosas hazañas, me he visto esta mañana pisado y acoceado y molido de los pies de animales inmundos y soeces. Esta consideración me embota los dientes, entorpece las muelas, y entomece las manos, y quita de todo en todo la gana del comer, de manera que pienso dejarme morir de hambre: muerte la más cruel de las muertes. | « Mange, ami Sancho, lui dit don Quichotte, alimente ta vie, cela t′importe plus qu′à moi, et laisse-moi mourir sous le poids de mes pensées et les coups de mes disgrâces. Je suis né, Sancho, pour vivre en mourant, et toi, pour mourir en mangeant. Afin que tu voies combien j′ai raison de parler ainsi, considère-moi, je te prie, imprimé dans des livres d′histoire, fameux dans les armes, affable et poli dans mes actions, respecté par de grands seigneurs, sollicité par de jeunes filles, et, quand, à la fin, j′attendais les palmes et les couronnes justement méritées par mes valeureux exploits, je me suis vu ce matin foulé, roulé et moulu sous les pieds d′animaux immondes. Cette réflexion m′émousse les dents, m′engourdit les mains, et m′ôte si complètement l′envie de manger, que je pense me laisser mourir de faim, mort la plus cruelle de toutes les morts. | -Desa manera -dijo Sancho, sin dejar de mascar apriesa- no aprobará vuestra merced aquel refrán que dicen: "muera Marta, y muera harta". Yo, a lo menos, no pienso matarme a mí mismo; antes pienso hacer como el zapatero, que tira el cuero con los dientes hasta que le hace llegar donde él quiere; yo tiraré mi vida comiendo hasta que llegue al fin que le tiene determinado el cielo; y sepa, señor, que no hay mayor locura que la que toca en querer desesperarse como vuestra merced, y créame, y después de comido, échese a dormir un poco sobre los colchones verdes destas yerbas, y verá como cuando despierte se halla algo más aliviado. | Â De cette manière, répondit Sancho, sans cesser de mâcher en toute hâte, Votre Grâce n′est pas de l′avis du proverbe qui dit : « Meure la poule, pourvu qu′elle meure saoûle. » Quant à moi, du moins, je ne pense pas me tuer moi-même. Je pense, au contraire, faire comme le savetier, qui tire le cuir avec les dents jusqu′à ce qu′il le fasse arriver où il veut. Moi je tirerai ma vie en mangeant, jusqu′à ce qu′elle arrive à la fin que lui a fixée le ciel. Sachez, seigneur, qu′il n′y a pas de plus grande folie que celle de vouloir se désespérer comme le fait Votre Grâce. Croyez-moi : après que vous aurez bien mangé, étendez-vous pour dormir un peu sur les verts tapis de cette prairie, et vous verrez, en vous réveillant, comme vous serez soulagé. » | Hízolo así don Quijote, pareciéndole que las razones de Sancho más eran de filósofo que de mentecato, y díjole. | Don Quichotte suivit ce conseil, trouvant que les propos de Sancho étaient plus d′un philosophe que d′un imbécile. | -Si tú, ¡oh Sancho!, quisieses hacer por mí lo que yo ahora te diré, serían mis alivios más ciertos y mis pesadumbres no tan grandes; y es que, mientras yo duermo, obedeciendo tus consejos, tú te desviases un poco lejos de aquí, y con las riendas de Rocinante, echando al aire tus carnes, te dieses trecientos o cuatrocientos azotes a buena cuenta de los tres mil y tantos que te has de dar por el desencanto de Dulcinea; que es lástima no pequeña que aquella pobre señora esté encantada por tu descuido y negligencia. | « Si tu voulais, ô Sancho, faire pour moi ce que je vais te dire, mon soulagement serait plus certain, et mes peines moins vives ; ce serait, pendant que je dormirai, pour te complaire, de t′écarter un peu d′ici, et avec les rênes de Rossinante, mettant ta peau à l′air, de t′administrer trois ou quatre cents coups de fouet, à compte et à valoir sur les trois mille et tant que tu dois te donner pour le désenchantement de cette pauvre Dulcinée ; car, en vérité, c′est une honte que cette pauvre dame reste enchantée par ta négligence et ta tiédeur. | -Hay mucho que decir en eso -dijo Sancho-. Durmamos, por ahora, entrambos, y después, Dios dijo lo que será. Sepa vuestra merced que esto de azotarse un hombre a sangre fría es cosa recia, y más si caen los azotes sobre un cuerpo mal sustentado y peor comido: tenga paciencia mi señora Dulcinea, que, cuando menos se cate, me verá hecho una criba, de azotes; y hasta la muerte, todo es vida; quiero decir que aún yo la tengo, junto con el deseo de cumplir con lo que he prometido. | Â À cela il y a bien à dire, répondit Sancho. Dormons tous deux à cette heure, et Dieu dit ensuite ce qui sera. Sachez, seigneur, que se fouetter ainsi de sang-froid, c′est une rude chose, surtout quand les coups doivent tomber sur un corps mal nourri et plus mal repu. Que madame Dulcinée prenne patience ; un beau jour, quand elle y pensera le moins, elle me verra percé de coups comme un crible, et jusqu′à la mort tout est vie ; je veux dire que j′ai la mienne encore, aussi bien que l′envie d′accomplir ce que j′ai promis. » | Agradeciéndoselo don Quijote, comió algo, y Sancho mucho, y echáronse a dormir entrambos, dejando a su albedrío y sin orden alguna pacer del abundosa yerba de que aquel prado estaba lleno a los dos continuos compañeros y amigos Rocinante y el rucio. Despertaron algo tarde, volvieron a subir y a seguir su camino, dándose priesa para llegar a una venta que, al parecer, una legua de allí se descubría. Digo que era venta porque don Quijote la llamó así, fuera del uso que tenía de llamar a todas las ventas castillos. | Après l′avoir remercié de sa bonne intention, don Quichotte mangea un peu, et Sancho beaucoup ; puis tous deux se couchèrent et s′endormirent, laissant les deux perpétuels amis et camarades, Rossinante et le grison, paître à leur fantaisie l′herbe abondante dont ces prés étaient pleins. Les dormeurs s′éveillèrent un peu tard. Ils remontèrent à cheval, et continuèrent leur route, en se donnant hâte pour arriver à une hôtellerie qu′on apercevait à une lieue plus loin. Je dis une hôtellerie, car ce fut ainsi que don Quichotte l′appela, contre l′usage qu′il avait d′appeler toutes les hôtelleries châteaux. | Llegaron, pues, a ella; preguntaron al huésped si había posada. Fueles respondido que sí, con toda la comodidad y regalo que pudiera hallar en Zaragoza. Apeáronse y recogió Sancho su repostería en un aposento, de quien el huésped le dio la llave; llevó las bestias a la caballeriza, echóles sus piensos, salió a ver lo que don Quijote, que estaba sentado sobre un poyo, le mandaba, dando particulares gracias al cielo de que a su amo no le hubiese parecido castillo aquella venta. | Ils y arrivèrent enfin et demandèrent à l′hôtelier s′il y avait un gîte pour eux. On leur répondit que oui, avec toute la commodité et toutes les aisances qu′ils pourraient trouver à Saragosse. Tous deux mirent pied à terre, et Sancho porta ses bagages dans une chambre dont l′hôte lui donna la clef. Il conduisit les bêtes à l′écurie, leur jeta la ration dans la mangeoire, et, rendant grâce au ciel de ce que son maître n′avait pas pris cette hôtellerie pour un château, il revint voir ce que lui commanderait don Quichotte, qui s′était assis sur un banc. | Llegóse la hora del cenar; recogiéronse a su estancia; preguntó Sancho al huésped que qué tenía para darles de cenar. A lo que el huésped respondió que su boca sería medida; y así, que pidiese lo que quisiese: que de las pajaricas del aire, de las aves de la tierra y de los pescados del mar estaba proveída aquella venta. | L′heure du souper venue, ils se retirèrent dans leur chambre, et Sancho demanda à l′hôte ce qu′il avait à leur donner. « Vous serez servis à bouche que veux-tu, répondit l′hôte. Ainsi, demandez ce qui vous fera plaisir ; car, en fait d′oiseaux de l′air, d′animaux de la terre, et de poissons de la mer, cette hôtellerie est abondamment pourvue. | -No es menester tanto -respondió Sancho-, que con un par de pollos que nos asen tendremos lo suficiente, porque mi señor es delicado y come poco, y yo no soy tragantón en demasía. | Â Il ne faut pas tant de choses, répliqua Sancho ; avec une paire de poulets rôtis nous aurons assez, car mon seigneur est délicat et mange peu, et moi je ne suis pas glouton à l′excès. » | Respondióle el huésped que no tenía pollos, porque los milanos los tenían asolados. | L′hôte répondit qu′il n′avait pas de poulets, parce que les milans dévastaient le pays. | -Pues mande el señor huésped -dijo Sancho- asar una polla que sea tierna. | « Eh bien ! reprit Sancho, que le seigneur hôte fasse rôtir une poule qui soit un peu tendre. | -¿Polla? ¡Mi padre!, -respondió el huésped-. En verdad en verdad que envié ayer a la ciudad a vender más de cincuenta; pero, fuera de pollas, pida vuestra merced lo que quisiere. | Â Une poule, sainte Vierge ! s′écria l′hôte ; en vérité, en vérité, j′en ai envoyé vendre hier plus de cinquante à la ville ; mais à l′exception d′une poule, Votre Grâce peut demander ce qui lui plaira. | -Desa manera -dijo Sancho-, no faltará ternera o cabrito. | Â De cette manière, reprit Sancho, le veau ne manquera pas, ni le chevreau non plus. | -En casa, por ahora -respondió el huésped-, no lo hay, porque se ha acabado; pero la semana que viene lo habrá de sobra. | Â Pour le présent, répondit l′hôte, il n′y en a pas à la maison, parce que la provision est épuisée ; mais, la semaine qui vient, il y en aura de reste. | -¡Medrados estamos con eso! -respondió Sancho-. Yo pondré que se vienen a resumirse todas estas faltas en las sobras que debe de haber de tocino y huevos. | Â Nous voilà bien lotis, repartit Sancho ; je parie que tous ces objets manquants vont se résumer en une grande abondance de lard et d′œufs. | -¡Por Dios -respondió el huésped-, que es gentil relente el que mi huésped tiene!, pues hele dicho que ni tengo pollas ni gallinas, y ¿quiere que tenga huevos? Discurra, si quisiere, por otras delicadezas, y déjese de pedir gallinas. | Â Pardieu ! répondit l′hôtelier, mon hôte a vraiment une gentille mémoire ! je viens de lui dire que je n′ai ni poules ni poulets, et il veut maintenant que j′aie des œufs ! Qu′il imagine, s′il lui plaît, d′autres délicatesses, et qu′il cesse de demander des poules. | -Resolvámonos, cuerpo de mí -dijo Sancho-, y dígame finalmente lo que tiene, y déjese de discurrimientos, señor huésped. | Â Allons au fait, par le nom du Christ ! s′écria Sancho ; dites-moi finalement ce que vous avez, et trêve de balivernes. | Dijo el ventero. | Â Seigneur hôte, reprit l′hôtelier, | -Lo que real y verdaderamente tengo son dos uñas de vaca que parecen manos de ternera, o dos manos de ternera que parecen uñas de vaca; están cocidas con sus garbanzos, cebollas y tocino, y la hora de ahora están diciendo: ′′¡Coméme! ¡Coméme! ′. | ce que j′ai véritablement, ce sont deux pieds de bœuf qui ressemblent à des pieds de veau, ou deux pieds de veau qui ressemblent à des pieds de bœuf. Ils sont cuits avec leur assaisonnement de pois, d′oignons et de lard, et disent, à l′heure qu′il est, en bouillant sur le feu : Mange-moi, mange-moi. | -Por mías las marco desde aquí -dijo Sancho-; y nadie las toque, que yo las pagaré mejor que otro, porque para mí ninguna otra cosa pudiera esperar de más gusto, y no se me daría nada que fuesen manos, como fuesen uñas. | Â D′ici je les marque pour miens, s′écria Sancho, et que personne n′y touche ; je les payerai mieux qu′un autre, car je ne pouvais rien rencontrer qui fût plus de mon goût ; et peu m′importe qu′ils soient de bœuf ou de veau, pourvu que ce soient des pieds. | -Nadie las tocará -dijo el ventero-, porque otros huéspedes que tengo, de puro principales, traen consigo cocinero, despensero y repostería. | Â Personne n′y touchera, répondit l′hôtelier ; car d′autres hôtes, que j′ai à la maison, sont assez gens de qualité pour mener avec eux cuisinier, officier et provisions de bouche. | -Si por principales va -dijo Sancho-, ninguno más que mi amo; pero el oficio que él trae no permite despensas ni botillerías: ahí nos tendemos en mitad de un prado y nos hartamos de bellotas o de nísperos. | Â Quant à la qualité, dit Sancho, personne n′en revend à mon maître ; mais l′emploi qu′il exerce ne permet ni garde-manger ni panier à bouteilles. Nous nous étendons par là, au milieu d′un pré, et nous mangeons à notre soûl des glands et des nèfles. » | Esta fue la plática que Sancho tuvo con el ventero, sin querer Sancho pasar adelante en responderle; que ya le había preguntado qué oficio o qué ejercicio era el de su amo. | Tel fut l′entretien qu′eut Sancho avec l′hôtelier, et qu′il cessa là, sans vouloir lui répondre, car l′autre avait déjà demandé quel était l′emploi ou la profession de son maître. | Llegóse, pues, la hora del cenar, recogióse a su estancia don Quijote, trujo el huésped la olla, así como estaba, y sentóse a cenar muy de propósito. Parece ser que en otro aposento que junto al de don Quijote estaba, que no le dividía más que un sutil tabique, oyó decir don Quijote. | L′heure du souper vint ; don Quichotte regagna sa chambre ; l′hôte apporta la fricassée comme elle se trouvait, et le chevalier se mit à table. Bientôt après, dans la chambre voisine de la sienne, et qui n′en était séparée que par une mince cloison, don Quichotte entendit quelqu′un qui disait : | -Por vida de vuestra merced, señor don Jerónimo, que en tanto que trae la cena leamos otro capítulo de la segunda parte de Don Quijote de la Mancha. | « Par la vie de Votre Grâce, seigneur don Géronimo, en attendant qu′on apporte le souper, lisons un autre chapitre de la seconde partie de don Quichotte de la Manche. » | Apenas oyó su nombre don Quijote, cuando se puso en pie, y con oído alerto escuchó lo que dél trataban, y oyó que el tal don Jerónimo referido respondió: | À peine don Quichotte eut-il entendu son nom, qu′il se leva tout debout, dressa l′oreille, et prêta toute son attention à ce qu′on disait de lui. Il entendit ce don Géronimo répondre : | -¿Para qué quiere vuestra merced, señor don Juan, que leamos estos disparates? Y el que hubiere leído la primera parte de la historia de don Quijote de la Mancha no es posible que pueda tener gusto en leer esta segunda. | « Pourquoi voulez-vous, seigneur don Juan, que nous lisions ces sottises ? Quiconque a lu la première partie de don Quichotte de la Manche ne peut trouver aucun plaisir à lire cette seconde partie. | -Con todo eso -dijo el don Juan-, será bien leerla, pues no hay libro tan malo que no tenga alguna cosa buena. Lo que a mí en éste más desplace es que pinta a don Quijote ya desenamorado de Dulcinea del Toboso. | Â Toutefois, reprit don Juan, nous ferons bien de la lire ; car enfin, il n′y a pas de livres si mauvais qu′on y trouve quelque chose de bon. Ce qui me déplaît le plus dans celui-ci, c′est qu′on y peint don Quichotte guéri de son amour pour Dulcinée du Toboso. » | Oyendo lo cual don Quijote, lleno de ira y de despecho, alzó la voz y dijo. | Quand don Quichotte entendit cela, plein de dépit et de colère, il éleva la voix et s′écria : | -Quienquiera que dijere que don Quijote de la Mancha ha olvidado, ni puede olvidar, a Dulcinea del Toboso, yo le haré entender con armas iguales que va muy lejos de la verdad; porque la sin par Dulcinea del Toboso ni puede ser olvidada, ni en don Quijote puede caber olvido: su blasón es la firmeza, y su profesión, el guardarla con suavidad y sin hacerse fuerza alguna. | « À quiconque dira que don Quichotte de la Manche a oublié ou peut oublier Dulcinée du Toboso, je lui ferai connaître, à armes égales, qu′il est bien loin de la vérité ; car ni Dulcinée du Toboso ne peut être oubliée, ni l′oubli se loger en don Quichotte. Sa devise est la constance, et ses vœux de rester fidèle, sans se faire aucune violence, par choix et par plaisir. | -¿Quién es el que nos responde? -respondieron del otro aposento. | Â Qui nous répond ? demanda-t-on de l′autre chambre. | -¿Quién ha de ser -respondió Sancho- sino el mismo don Quijote de la Mancha, que hará bueno cuanto ha dicho, y aun cuanto dijere?; que al buen pagador no le duelen prendas. | Â Qui pourrait-ce être, répliqua Sancho, sinon don Quichotte de la Manche lui-même, qui soutiendra tout ce qu′il a dit, et même tout ce qu′il dira ? car le bon payeur ne regrette pas ses gages. » | Apenas hubo dicho esto Sancho, cuando entraron por la puerta de su aposento dos caballeros, que tales lo parecían, y uno dellos echando los brazos al cuello de don Quijote, le dijo. | À peine Sancho avait-il achevé, que deux gentilshommes (du moins en avaient-ils l′apparence) ouvrirent la porte de la chambre, et l′un d′eux, jetant les bras au cou de don Quichotte, lui dit avec effusion : | -Ni vuestra presencia puede desmentir vuestro nombre, ni vuestro nombre puede no acreditar vuestra presencia: sin duda, vos, señor, sois el verdadero don Quijote de la Mancha, norte y lucero de la andante caballería, a despecho y pesar del que ha querido usurpar vuestro nombre y aniquilar vuestras hazañas, como lo ha hecho el autor deste libro que aquí os entrego. | « Ce n′est ni votre aspect qui peut démentir votre nom, ni votre nom qui peut démentir votre aspect. Vous, seigneur, vous êtes sans aucun doute le véritable don Quichotte de la Manche, étoile polaire de la chevalerie errante, en dépit de celui qui a voulu usurper votre nom et anéantir vos prouesses, comme l′a fait l′auteur de ce livre que je remets entre vos mains. » | Y, poniéndole un libro en las manos, que traía su compañero, le tomó don Quijote, y, sin responder palabra, comenzó a hojearle, y de allí a un poco se le volvió, diciendo. | Il lui présenta en même temps un livre que tenait son compagnon. Don Quichotte le prit, et se mit à le feuilleter sans répondre un mot ; puis, quelques moments après, il le lui rendit en disant : | -En esto poco que he visto he hallado tres cosas en este autor dignas de reprehensión. La primera es algunas palabras que he leído en el prólogo; la otra, que el lenguaje es aragonés, porque tal vez escribe sin artículos, y la tercera, que más le confirma por ignorante, es que yerra y se desvía de la verdad en lo más principal de la historia; porque aquí dice que la mujer de Sancho Panza mi escudero se llama Mari Gutiérrez, y no llama tal, sino Teresa Panza; y quien en esta parte tan principal yerra, bien se podrá temer que yerra en todas las demás de la historia. | « Dans le peu que j′ai vu, j′ai trouvé chez cet auteur trois choses dignes de blâme. La première, quelques paroles que j′ai lues dans le prologue< ; la seconde, que le langage est aragonais, car l′auteur supprime quelquefois les articles ; enfin la troisième, qui le confirme surtout pour un ignorant, c′est qu′il se trompe et s′éloigne de la vérité dans la partie principale de l′histoire. Il dit en effet que la femme de Sancho Panza, mon écuyer, s′appelle Marie Gutierrez< , tandis qu′elle s′appelle Thérèse Panza ; et celui qui se trompe en un point capital doit faire craindre qu′il ne se trompe en tout le reste de l′histoire. | A esto dijo Sancho: | Â Voilà, pardieu, | -¡Donosa cosa de historiador! ¡Por cierto, bien debe de estar en el cuento de nuestros sucesos, pues llama a Teresa Panza, mi mujer, Mari Gutiérrez! Torne a tomar el libro, señor, y mire si ando yo por ahí y si me ha mudado el nombre. | une jolie chose pour un historien, s′écria Sancho, et il doit bien être au courant de nos affaires, puisqu′il appelle Thérèse Panza, ma femme, Marie Gutierrez ! Reprenez le livre, seigneur, et voyez un peu si je figure par là, et si on estropie mon nom. | -Por lo que he oído hablar, amigo -dijo don Jerónimo-, sin duda debéis de ser Sancho Panza, el escudero del señor don Quijote. | Â À ce que vous venez de dire, mon ami, reprit don Géronimo, vous devez être Sancho Panza, l′écuyer du seigneur don Quichotte ? | -Sí soy -respondió Sancho-, y me precio dello. | Â Oui, je le suis, répondit Sancho, et je m′en flatte. | -Pues a fe -dijo el caballero- que no os trata este autor moderno con la limpieza que en vuestra persona se muestra: píntaos comedor, y simple, y no nada gracioso, y muy otro del Sancho que en la primera parte de la historia de vuestro amo se describe. | Â Eh bien ! par ma foi, continua le gentilhomme, cet auteur moderne ne vous traite pas avec la décence qui se voit en votre personne. Il vous peint glouton et niais, et pas le moins du monde amusant, bien différent enfin de l′autre Sancho qu′on trouve dans la première partie de l′histoire de votre maître. | -Dios se lo perdone -dijo Sancho-. Dejárame en mi rincón, sin acordarse de mí, porque quien las sabe las tañe, y bien se está San Pedro en Roma. | Â Dieu lui pardonne, répondit Sancho ; il aurait mieux fait de me laisser dans mon coin, sans se souvenir de moi ; car pour mener la danse il faut savoir jouer du violon, et ce n′est qu′à Rome que saint Pierre est bien. » | Los dos caballeros pidieron a don Quijote se pasase a su estancia a cenar con ellos, que bien sabían que en aquella venta no había cosas pertenecientes para su persona. Don Quijote, que siempre fue comedido, condecenció con su demanda y cenó con ellos; quedóse Sancho con la olla con mero mixto imperio; sentóse en cabecera de mesa, y con él el ventero, que no menos que Sancho estaba de sus manos y de sus uñas aficionado. | Les deux gentilshommes invitèrent don Quichotte à passer dans leur chambre pour souper avec eux, sachant bien, dirent-ils, qu′il n′y avait rien, dans cette hôtellerie, de convenable pour sa personne. Don Quichotte, qui fut toujours affable et poli, se rendit à leurs instances et soupa avec eux. Sancho resta maître de la marmite en toute propriété ; il prit le haut bout de la table, et l′hôtelier s′assit auprès de lui, car il n′était pas moins que Sancho amoureux de ses pieds de bœuf. | En el discurso de la cena preguntó don Juan a don Quijote qué nuevas tenía de la señora Dulcinea del Toboso: si se había casado, si estaba parida o preñada, o si, estando en su entereza, se acordaba -guardando su honestidad y buen decoro- de los amorosos pensamientos del señor don Quijote. A lo que él respondió. | Pendant le souper, don Juan demanda à don Quichotte quelles nouvelles il avait de madame Dulcinée du Toboso ; si elle s′était mariée, si elle était accouchée ou enceinte, ou bien si, gardant ses vœux de chasteté, elle se souvenait des amoureuses pensées du seigneur don Quichotte. | -Dulcinea se está entera, y mis pensamientos, más firmes que nunca; las correspondencias, en su sequedad antigua; su hermosura, en la de una soez labradora transformada. | « Dulcinée, répondit don Quichotte, est encore pure et sans tache, et mon cœur plus constant que jamais ; notre correspondance, nulle comme d′habitude ; sa beauté, changée en la laideur d′une vile paysanne. » | Y luego les fue contando punto por punto el encanto de la señora Dulcinea, y lo que le había sucedido en la cueva de Montesinos, con la orden que el sabio Merlín le había dado para desencantarla, que fue la de los azotes de Sancho. | Puis il leur conta de point en point l′enchantement de Dulcinée, ses aventures dans la caverne de Montésinos, et la recette que lui avait donnée le sage Merlin pour désenchanter sa dame, laquelle n′était autre que la flagellation de Sancho. | Sumo fue el contento que los dos caballeros recibieron de oír contar a don Quijote los estraños sucesos de su historia, y así quedaron admirados de sus disparates como del elegante modo con que los contaba. Aquí le tenían por discreto, y allí se les deslizaba por mentecato, sin saber determinarse qué grado le darían entre la discreción y la locura. | Ce fut avec un plaisir extrême que les gentilshommes entendirent conter, de la bouche même de don Quichotte, les étranges événements de son histoire. Ils restèrent aussi étonnés de ses extravagances que de la manière élégante avec laquelle il les racontait. Tantôt ils le tenaient pour spirituel et sensé, tantôt ils le voyaient glisser et tomber dans le radotage, et ne savaient enfin quelle place lui donner entre la sagesse et la folie. | Acabó de cenar Sancho, y, dejando hecho equis al ventero, se pasó a la estancia de su amo; y, en entrando, dijo. | Sancho acheva de souper, et, laissant l′hôtelier battre les murailles, il passa dans la chambre de son maître, où il dit en entrant : | -Que me maten, señores, si el autor deste libro que vuesas mercedes tienen quiere que no comamos buenas migas juntos; yo querría que, ya que me llama comilón, como vuesas mercedes dicen, no me llamase también borracho. | « Qu′on me pende, seigneurs, si l′auteur de ce livre qu′ont Vos Grâces a envie que nous restions longtemps cousins. Je voudrais, du moins, puisqu′il m′appelle glouton, à ce que vous dites, qu′il se dispensât de m′appeler ivrogne. | -Sí llama -dijo don Jerónimo-, pero no me acuerdo en qué manera, aunque sé que son malsonantes las razones, y además, mentirosas, según yo echo de ver en la fisonomía del buen Sancho que está presente. | Â C′est précisément le nom qu′il vous donne, répondit don Géronimo. Je ne me rappelle pas bien de quelle façon, mais je sais que les propos qu′il vous prête sont malséants et en outre menteurs, à ce que je lis dans la physionomie du bon Sancho que voilà. | -Créanme vuesas mercedes -dijo Sancho- que el Sancho y el don Quijote desa historia deben de ser otros que los que andan en aquella que compuso Cide Hamete Benengeli, que somos nosotros: mi amo, valiente, discreto y enamorado; y yo, simple gracioso, y no comedor ni borracho. | Â Vos Grâces peuvent m′en croire, reprit Sancho ; le Sancho et le don Quichotte de cette histoire sont d′autres que ceux qui figurent dans celle qu′a composée Cid Hamet Ben-Engéli ; ceux-là sont nous-mêmes ; mon maître, vaillant, discret et amoureux ; moi, simple, plaisant, et pas plus glouton qu′ivrogne. | -Yo así lo creo -dijo don Juan-; y si fuera posible, se había de mandar que ninguno fuera osado a tratar de las cosas del gran don Quijote, si no fuese Cide Hamete, su primer autor, bien así como mandó Alejandro que ninguno fuese osado a retratarle sino Apeles. | Â C′est aussi ce que je crois, reprit don Juan ; et, si cela était possible, il faudrait ordonner que personne n′eût l′audace d′écrire sur les aventures du grand don Quichotte, si ce n′est Cid Hamet, son premier auteur, de la même façon qu′Alexandre ordonna que personne n′eût l′audace de faire son portrait, si ce n′est Apelle. | -Retráteme el que quisiere -dijo don Quijote-, pero no me maltrate; que muchas veces suele caerse la paciencia cuando la cargan de injurias. | Â Mon portrait, le fasse qui voudra, dit don Quichotte ; mais qu′on ne me maltraite pas, car la patience finit par tomber quand on la charge d′injures. | -Ninguna -dijo don Juan- se le puede hacer al señor don Quijote de quien él no se pueda vengar, si no la repara en el escudo de su paciencia, que, a mi parecer, es fuerte y grande. | Â Quelle injure peut-on faire au seigneur don Quichotte, répondit don Juan, dont il ne puisse aisément se venger, à moins qu′il ne la pare avec le bouclier de sa patience, qui est large et fort, à ce que j′imagine ? » | En estas y otras pláticas se pasó gran parte de la noche; y, aunque don Juan quisiera que don Quijote leyera más del libro, por ver lo que discantaba, no lo pudieron acabar con él, diciendo que él lo daba por leído y lo confirmaba por todo necio, y que no quería, si acaso llegase a noticia de su autor que le había tenido en sus manos, se alegrase con pensar que le había leído; pues de las cosas obscenas y torpes, los pensamientos se han de apartar, cuanto más los ojos. Preguntáronle que adónde llevaba determinado su viaje. Respondió que a Zaragoza, a hallarse en las justas del arnés, que en aquella ciudad suelen hacerse todos los años. Díjole don Juan que aquella nueva historia contaba como don Quijote, sea quien se quisiere, se había hallado en ella en una sortija, falta de invención, pobre de letras, pobrísima de libreas, aunque rica de simplicidades. | Ce fut dans ces entretiens et d′autres semblables que se passa une grande partie de la nuit ; et, bien que don Juan et son ami pressassent don Quichotte de lire un peu plus du livre pour voir quelle gamme il chantait, on ne put l′y décider. Il répondit qu′il tenait le livre pour lu tout entier, qu′il le maintenait pour impertinent d′un bout à l′autre, et qu′il ne voulait pas, si jamais son auteur venait à savoir qu′on le lui eût mis entre les mains, lui donner la joie de croire qu′il en avait fait lecture. « D′ailleurs, ajouta-t-il, la pensée même doit se détourner des choses obscènes et ridicules, à plus forte raison les yeux. » On lui demanda où il avait résolu de diriger sa route. Il répondit qu′il allait à Saragosse, pour se trouver aux fêtes appelées joutes du harnais, qu′on célèbre chaque année dans cette ville. Don Juan lui dit alors que cette nouvelle histoire racontait comment don Quichotte, ou quel que fût celui qu′elle appelait ainsi, avait assisté, dans la même ville, à une course de bague, dépourvue d′invention, pauvre de style, misérable en descriptions de livrées ; mais, en revanche, riche en niaiseries.< | -Por el mismo caso -respondió don Quijote-, no pondré los pies en Zaragoza, y así sacaré a la plaza del mundo la mentira dese historiador moderno, y echarán de ver las gentes como yo no soy el don Quijote que él dice. | « En ce cas-là, répliqua don Quichotte, je ne mettrai point les pieds à Saragosse, et je publierai ainsi, à la face du monde, le mensonge de ce moderne historien, et les gens pourront se convaincre que je ne suis pas le don Quichotte dont il parle. | -Hará muy bien -dijo don Jerónimo-; y otras justas hay en Barcelona, donde podrá el señor don Quijote mostrar su valor. | Â Ce sera fort bien fait, reprit don Géronimo ; et d′ailleurs il y a d′autres joutes à Barcelone, où le seigneur don Quichotte pourra montrer son adresse et sa valeur. | -Así lo pienso hacer -dijo don Quijote-; y vuesas mercedes me den licencia, pues ya es hora para irme al lecho, y me tengan y pongan en el número de sus mayores amigos y servidores. | Â Voilà ce que je pense faire, répliqua don Quichotte ; mais que Vos Grâces veuillent bien me permettre, car il en est l′heure, d′aller me mettre au lit, et qu′elles me comptent désormais au nombre de leurs meilleurs amis et serviteurs. | -Y a mí también -dijo Sancho-: quizá seré bueno para algo. | Â Moi aussi, ajouta Sancho, peut-être leur serai-je bon à quelque chose. » | Con esto se despidieron, y don Quijote y Sancho se retiraron a su aposento, dejando a don Juan y a don Jerónimo admirados de ver la mezcla que había hecho de su discreción y de su locura; y verdaderamente creyeron que éstos eran los verdaderos don Quijote y Sancho, y no los que describía su autor aragonés. | Sur cela, prenant congé de leurs voisins, don Quichotte et Sancho regagnèrent leur chambre, et laissèrent don Juan et don Géronimo tout surpris du mélange qu′avait fait le chevalier de la discrétion et de la folie. Du reste ils crurent fermement que c′étaient bien les véritables don Quichotte et Sancho, et non ceux qu′avait dépeints leur historien aragonais. | Madrugó don Quijote, y, dando golpes al tabique del otro aposento, se despidió de sus huéspedes. Pagó Sancho al ventero magníficamente, y aconsejóle que alabase menos la provisión de su venta, o la tuviese más proveída. | Don Quichotte se leva de grand matin, et, frappant à la cloison de l′autre chambre, il dit à ses hôtes un dernier adieu. Sancho paya magnifiquement l′hôtelier, mais lui conseilla de vanter un peu moins l′abondance de son hôtellerie, ou de la tenir désormais mieux approvisionnée.
| II. Capítulo LX. De lo que sucedió a don Quijote yendo a Barcelona. | Chapitre LX De ce qui arriva à don Quichotte allant à Barcelone Era fresca la mañana, y daba muestras de serlo asimesmo el día en que don Quijote salió de la venta, informándose primero cuál era el más derecho camino para ir a Barcelona sin tocar en Zaragoza: tal era el deseo que tenía de sacar mentiroso aquel nuevo historiador que tanto decían que le vituperaba. | La matinée était fraîche et promettait une égale fraîcheur pour le jour, quand don Quichotte quitta l′hôtellerie, après s′être bien informé, d′abord du chemin qui conduisait directement à Barcelone, sans toucher à Saragosse, tant il avait envie de faire mentir ce nouvel historien qui, disait-on, le traitait si outrageusement. Or, il advint qu′en six jours entiers il ne lui arriva rien qui mérite d′être couché par écrit. | Sucedió, pues, que en más de seis días no le sucedió cosa digna de ponerse en escritura, al cabo de los cuales, yendo fuera de camino, le tomó la noche entre unas espesas encinas o alcornoques; que en esto no guarda la puntualidad Cide Hamete que en otras cosas suele. | Au bout de ces six jours, s′étant écarté du grand chemin, la nuit le surprit dans un épais bosquet de chênes ou de lièges ; car, sur ce point, Cid Hamet ne garde pas la ponctualité qu′il met en toute chose. | Apeáronse de sus bestias amo y mozo, y, acomodándose a los troncos de los árboles, Sancho, que había merendado aquel día, se dejó entrar de rondón por las puertas del sueño; pero don Quijote, a quien desvelaban sus imaginaciones mucho más que la hambre, no podía pegar sus ojos; antes iba y venía con el pensamiento por mil géneros de lugares. Ya le parecía hallarse en la cueva de Montesinos; ya ver brincar y subir sobre su pollina a la convertida en labradora Dulcinea; ya que le sonaban en los oídos las palabras del sabio Merlín que le referían las condiciones y diligencias que se habían de hacer y tener en el desencanto de Dulcinea. Desesperábase de ver la flojedad y caridad poca de Sancho su escudero, pues, a lo que creía, solos cinco azotes se había dado, número desigual y pequeño para los infinitos que le faltaban; y desto recibió tanta pesadumbre y enojo, que hizo este discurso. | Maître et valet descendirent de leurs bêtes ; et Sancho, qui avait fait ce jour-là ses quatre repas, s′étant arrangé contre le tronc d′un arbre, entra d′emblée par la porte du sommeil. Mais don Quichotte, que ses pensées, plus encore que la faim, tenaient éveillé, ne pouvait fermer les yeux. Au contraire, son imagination le promenait en mille endroits différents. Tantôt il croyait se retrouver dans la caverne de Montésinos ; tantôt il voyait sauter et cabrioler sur sa bourrique Dulcinée transformée en paysanne ; tantôt il entendait résonner à ses oreilles les paroles du sage Merlin, qui lui rappelaient les conditions qu′il fallait accomplir et les diligences qu′il fallait faire pour le désenchantement de Dulcinée. Il se désespérait en voyant la tiédeur et le peu de charité de son écuyer Sancho, lequel, à ce qu′il croyait, ne s′était encore donné que cinq coups de fouet, nombre bien faible et bien chétif en comparaison de la multitude infinie qu′il lui restait à se donner. Ces réflexions lui causèrent tant de peine et de dépit, qu′il fit en lui-même ce discours : | -Si nudo gordiano cortó el Magno Alejandro, diciendo: ′′Tanto monta cortar como desatar′′, y no por eso dejó de ser universal señor de toda la Asia, ni más ni menos podría suceder ahora en el desencanto de Dulcinea, si yo azotase a Sancho a pesar suyo; que si la condición deste remedio está en que Sancho reciba los tres mil y tantos azotes, ¿qué se me da a mí que se los dé él, o que se los dé otro, pues la sustancia está en que él los reciba, lleguen por do llegaren. | « Si le grand Alexandre défit le nœud gordien en disant : Autant vaut couper que détacher, et s′il n′en devint pas moins seigneur universel de toute l′Asie, il n′en arriverait ni plus ni moins à présent, pour le désenchantement de Dulcinée, si je fouettais moi-même Sancho malgré lui. En effet, puisque le remède consiste en ce que Sancho reçoive trois mille et tant de coups de fouet, qu′importe s′il se les donne lui-même ou qu′un autre les lui donne ? toute la question est qu′il les reçoive, de quelque main qu′ils lui arrivent. » | Con esta imaginación se llegó a Sancho, habiendo primero tomado las riendas de Rocinante, y acomodádolas en modo que pudiese azotarle con ellas, comenzóle a quitar las cintas, que es opinión que no tenía más que la delantera, en que se sustentaban los greguescos; pero, apenas hubo llegado, cuando Sancho despertó en todo su acuerdo, y dijo. | Dans cette pensée, il s′approcha de Sancho, après avoir pris d′abord les rênes de Rossinante qu′il ajusta de manière à s′en faire un fouet, et il se mit à lui détacher sa seule aiguillette ; car l′opinion commune est que Sancho ne portait que celle de devant pour soutenir ses chausses. Mais à peine avait-il commencé cette besogne, que Sancho s′éveilla les yeux grands ouverts, et dit brusquement : | -¿Qué es esto? ¿Quién me toca y desencinta. | « Qu′est-ce là ? qui me touche et me déchausse ? | -Yo soy -respondió don Quijote-, que vengo a suplir tus faltas y a remediar mis trabajos: véngote a azotar, Sancho, y a descargar, en parte, la deuda a que te obligaste. Dulcinea perece; tú vives en descuido; yo muero deseando; y así, desatácate por tu voluntad, que la mía es de darte en esta soledad, por lo menos, dos mil azotes. |  C′est moi, répondit don Quichotte, qui viens suppléer à ta négligence et remédier à mes peines. Je viens te fouetter, Sancho, et acquitter en partie la dette que tu as contractée. Dulcinée périt ; tu vis sans te soucier de rien ; je meurs dans le désespoir ; ainsi, défais tes chausses de bonne volonté, car la mienne est de te donner dans cette solitude au moins deux mille coups de fouet. | -Eso no -dijo Sancho-; vuesa merced se esté quedo; si no, por Dios verdadero que nos han de oír los sordos. Los azotes a que yo me obligué han de ser voluntarios, y no por fuerza, y ahora no tengo gana de azotarme; basta que doy a vuesa merced mi palabra de vapularme y mosquearme cuando en voluntad me viniere. |  Oh ! pour cela, non, s′écria Sancho ; que Votre Grâce se tienne tranquille ; sinon, par le Dieu véritable, il y aura du tapage à nous faire entendre des sourds. Les coups de fouet auxquels je me suis obligé doivent être donnés volontairement, et non par force. Maintenant, je n′ai pas envie de me fouetter. Il suffit que je donne à Votre Grâce ma parole de me flageller et de me chasser les mouches quand l′envie m′en prendra. | -No hay dejarlo a tu cortesía, Sancho -dijo don Quijote-, porque eres duro de corazón, y, aunque villano, blando de carnes. |  Je ne puis m′en remettre à ta courtoisie, Sancho, reprit don Quichotte, car tu es dur de cœur, et, quoique vilain, tendre de chair. » | Y así, procuraba y pugnaba por desenlazarle. Viendo lo cual Sancho Panza, se puso en pie, y, arremetiendo a su amo, se abrazó con él a brazo partido, y, echándole una zancadilla, dio con él en el suelo boca arriba; púsole la rodilla derecha sobre el pecho, y con las manos le tenía las manos, de modo que ni le dejaba rodear ni alentar. Don Quijote le decía. | En parlant ainsi, il s′obstinait à vouloir lui délacer l′aiguillette. Voyant cela, Sancho se leva tout debout, sauta sur son seigneur, le prit à bras-le-corps, et, lui donnant un croc-en-jambe, le jeta par terre tout de son long ; puis il lui mit le genou droit sur la poitrine, et lui prit les mains avec ses mains, de façon qu′il ne le laissait ni remuer ni souffler. Don Quichotte lui criait d′une voix étouffée : | -¿Cómo, traidor? ¿Contra tu amo y señor natural te desmandas? ¿Con quien te da su pan te atreves. | « Comment, traître, tu te révoltes contre ton maître et seigneur naturel ! tu t′attaques à celui qui te donne son pain ! | -Ni quito rey, ni pongo rey -respondió Sancho-, sino ayúdome a mí, que soy mi señor. Vuesa merced me prometa que se estará quedo, y no tratará de azotarme por agora, que yo le dejaré libre y desembarazado; donde no. |  Je ne fais ni ne défais de roi< ! répondit Sancho, mais je m′aide moi-même, moi qui suis mon seigneur. Que Votre Grâce me promette de rester tranquille et qu′il ne sera pas question de me fouetter maintenant ; alors je vous lâche et vous laisse aller ; sinon, | Aquí morirás, traidor, enemigo de doña Sancha. | tu mourras ici, traître, {br ennemi de doña Sancha. »Prometióselo don Quijote, y juró por vida de sus pensamientos no tocarle en el pelo de la ropa, y que dejaría en toda su voluntad y albedrío el azotarse cuando quisiese. | Don Quichotte lui promit ce qu′il exigeait. Il jura, par la vie de ses pensées, qu′il ne le toucherait pas au poil du pourpoint, et laisserait désormais à sa merci et à sa volonté le soin de se fouetter quand il le jugerait à propos. | Levantóse Sancho, y desvióse de aquel lugar un buen espacio; y, yendo a arrimarse a otro árbol, sintió que le tocaban en la cabeza, y, alzando las manos, topó con dos pies de persona, con zapatos y calzas. Tembló de miedo; acudió a otro árbol, y sucedióle lo mesmo. Dio voces llamando a don Quijote que le favoreciese. Hízolo así don Quijote, y, preguntándole qué le había sucedido y de qué tenía miedo, le respondió Sancho que todos aquellos árboles estaban llenos de pies y de piernas humanas. Tentólos don Quijote, y cayó luego en la cuenta de lo que podía ser, y díjole a Sancho. | Sancho se releva, et s′éloigna bien vite à quelque distance ; mais, comme il s′appuyait à un arbre, il sentit quelque chose lui toucher la tête ; il leva les mains, et rencontra deux pieds d′homme chaussés de souliers. Tremblant de peur, il courut se réfugier contre un autre arbre, où la même chose lui arriva. Alors il appela don Quichotte, en criant au secours. Don Quichotte accourut, et lui demanda ce qui lui était arrivé, et ce qui lui faisait peur. Sancho répondit que tous ces arbres étaient pleins de pieds et de jambes d′hommes. Don Quichotte les toucha à tâtons, et comprit sur-le-champ ce que ce pouvait être. | -No tienes de qué tener miedo, porque estos pies y piernas que tientas y no vees, sin duda son de algunos forajidos y bandoleros que en estos árboles están ahorcados; que por aquí los suele ahorcar la justicia cuando los coge, de veinte en veinte y de treinta en treinta; por donde me doy a entender que debo de estar cerca de Barcelona. | « Il n′y a pas de quoi te faire peur, Sancho, lui dit-il ; car ces jambes et ces pieds que tu touches et ne vois pas sont sans doute ceux de quelques voleurs et bandits qui sont pendus à ces arbres ; car c′est ici que la justice, quand elle les prend, a coutume de les pendre par vingt et par trente. Cela m′indique que je dois être près de Barcelone. » | Y así era la verdad como él lo había imaginado. Al amanecer Al parecer alzaron los ojos, y vieron los racimos de aquellos árboles, que eran cuerpos de bandoleros. Ya, en esto, amanecía, y si los muertos los habían espantado, no menos los atribularon más de cuarenta bandoleros vivos que de improviso les rodearon, diciéndoles en lengua catalana que estuviesen quedos, y se detuviesen, hasta que llegase su capitán. | Ce qui était vrai effectivement, comme il l′avait conjecturé. Au point du jour ; ils levèrent les yeux, et virent les grappes dont ces arbres étaient chargés : c′étaient des corps de bandits. Cependant le jour venait de paraître, et, si les morts les avaient effrayés, ils ne furent pas moins épouvantés à la vue d′une quarantaine de bandits vivants, qui tout à coup les entourèrent, leur disant en langue catalane de rester immobiles et de ne pas bouger jusqu′à l′arrivée de leur capitaine. | Hallóse don Quijote a pie, su caballo sin freno, su lanza arrimada a un árbol, y, finalmente, sin defensa alguna; y así, tuvo por bien de cruzar las manos e inclinar la cabeza, guardándose para mejor sazón y coyuntura. | Don Quichotte se trouvait à pied, son cheval sans bride, sa lance appuyée contre un arbre, et, finalement, sans aucune défense. Il fut réduit à croiser les mains et à baisser la tête, se réservant pour une meilleure occasion. | Acudieron los bandoleros a espulgar al rucio, y a no dejarle ninguna cosa de cuantas en las alforjas y la maleta traía; y avínole bien a Sancho que en una ventrera que tenía ceñida venían los escudos del duque y los que habían sacado de su tierra, y, con todo eso, aquella buena gente le escardara y le mirara hasta lo que entre el cuero y la carne tuviera escondido, si no llegara en aquella sazón su capitán, el cual mostró ser de hasta edad de treinta y cuatro años, robusto, más que de mediana proporción, de mirar grave y color morena. Venía sobre un poderoso caballo, vestida la acerada cota, y con cuatro pistoletes -que en aquella tierra se llaman pedreñales- a los lados. Vio que sus escuderos, que así llaman a los que andan en aquel ejercicio, iban a despojar a Sancho Panza; mandóles que no lo hiciesen, y fue luego obedecido; y así se escapó la ventrera. Admiróle ver lanza arrimada al árbol, escudo en el suelo, y a don Quijote armado y pensativo, con la más triste y melancólica figura que pudiera formar la misma tristeza. Llegóse a él diciéndole: | Les bandits accoururent visiter le grison et ne lui laissèrent pas un fétu de ce que renfermaient le bissac et la valise. Bien en prit à Sancho d′avoir mis dans une ceinture de cuir qu′il portait sur le ventre les écus du duc et ceux qu′il apportait du pays. Mais toutefois ces braves gens l′auraient bien fouillé jusqu′à trouver ce qu′il cachait entre cuir et chair, si leur capitaine ne fût arrivé dans ce moment. C′était un homme de trente-quatre ans environ, robuste, d′une taille élevée, au teint brun, au regard sérieux et assuré. Il montait un puissant cheval, et portait sur sa cotte de mailles quatre pistolets, de ceux qu′on appelle dans le pays pedreñales< . Il vit que ses écuyers (c′est le nom que se donnent les gens de cette profession) allaient dépouiller Sancho Panza. Il leur commanda de n′en rien faire, et fut aussitôt obéi ; ainsi échappa la ceinture. Il s′étonna de voir une lance contre un arbre, un écu par terre, et don Quichotte, armé, avec la plus sombre et la plus lamentable figure qu′aurait pu composer la tristesse elle-même. Il s′approcha de lui : | -No estéis tan triste, buen hombre, porque no habéis caído en las manos de algún cruel Osiris, sino en las de Roque Guinart, que tienen más de compasivas que de rigurosas. | « Ne soyez pas si triste, bonhomme, lui dit-il ; vous n′êtes pas tombé dans les mains de quelque barbare Osiris , mais dans celles de Roque Guinart, plus compatissantes que cruelles. | -No es mi tristeza -respondió don Quijote- haber caído en tu poder, ¡oh valeroso Roque, cuya fama no hay límites en la tierra que la encierren! , sino por haber sido tal mi descuido, que me hayan cogido tus soldados sin el freno, estando yo obligado, según la orden de la andante caballería, que profeso, a vivir contino alerta, siendo a todas horas centinela de mí mismo; porque te hago saber, ¡oh gran Roque!, que si me hallaran sobre mi caballo, con mi lanza y con mi escudo, no les fuera muy fácil rendirme, porque yo soy don Quijote de la Mancha, aquel que de sus hazañas tiene lleno todo el orbe. |  Ma tristesse, répondit don Quichotte, ne vient pas d′être tombé en ton pouvoir, ô vaillant Roque, dont la renommée n′a point de bornes sur la terre ; elle vient de ce que ma négligence a été telle que tes soldats m′aient surpris sans bride à mon cheval, tandis que je suis obligé, suivant l′ordre de la chevalerie errante, où j′ai fait profession, de vivre toujours en alerte, et d′être, à toute heure, la sentinelle de moi-même. Je dois t′apprendre, ô grand Guinart, que, s′ils m′eussent trouvé sur mon cheval avec ma lance et mon écu, ils ne seraient pas venus facilement à bout de moi ; car je suis don Quichotte de la Manche, celui qui a rempli l′univers du bruit de ses exploits. » | Luego Roque Guinart conoció que la enfermedad de don Quijote tocaba más en locura que en valentía, y, aunque algunas veces le había oído nombrar, nunca tuvo por verdad sus hechos, ni se pudo persuadir a que semejante humor reinase en corazón de hombre; y holgóse en estremo de haberle encontrado, para tocar de cerca lo que de lejos dél había oído; y así, le dijo. | Roque Guinart comprit aussitôt que la maladie de don Quichotte tenait plus de la folie que de la vaillance ; et, bien qu′il l′eût quelquefois entendu nommer, il n′avait jamais cru à la vérité de son histoire, ni pu se persuader qu′une semblable fantaisie s′emparât du cœur d′un homme. Ce fut donc une grande joie pour lui de l′avoir rencontré, pour toucher de près ce qu′il avait ouí¤ire de loin. | -Valeroso caballero, no os despechéis ni tengáis a siniestra fortuna ésta en que os halláis, que podía ser que en estos tropiezos vuestra torcida suerte se enderezase; que el cielo, por estraños y nunca vistos rodeos, de los hombres no imaginados, suele levantar los caídos y enriquecer los pobres. | « Valeureux chevalier, lui dit-il, ne vous désespérez point, et ne tenez pas à mauvaise fortune celle qui vous amène ici. Il se pourrait, au contraire, qu′en ces rencontres épineuses votre sort fourvoyé retrouvât sa droite ligne, car c′est par des chemins étranges, par des détours inou hors de la prévoyance humaine, que le ciel a coutume de relever les abattus et d′enrichir les pauvres. » | Ya le iba a dar las gracias don Quijote, cuando sintieron a sus espaldas un ruido como de tropel de caballos, y no era sino un solo, sobre el cual venía a toda furia un mancebo, al parecer de hasta veinte años, vestido de damasco verde, con pasamanos de oro, greguescos y saltaembarca, con sombrero terciado, a la valona, botas enceradas y justas, espuelas, daga y espada doradas, una escopeta pequeña en las manos y dos pistolas a los lados. Al ruido volvió Roque la cabeza y vio esta hermosa figura, la cual, en llegando a él, dijo. | Don Quichotte allait lui rendre grâce, quand ils entendirent derrière eux un grand bruit, comme celui d′une troupe de chevaux. Ce n′en était pourtant qu′un seul, sur lequel venait à bride abattue un jeune homme d′une vingtaine d′années, vêtu d′un pourpoint de damas vert orné de franges d′or, avec des chausses larges, un chapeau retroussé à la wallonne, des bottes justes et cirées, l′épée, la dague et les éperons dorés, un petit mousquet à la main et deux pistolets à la ceinture. Roque tourna la tête au bruit, et vit ce galant personnage qui lui dit, dès qu′il se fut approché : | -En tu busca venía, ¡oh valeroso Roque!, para hallar en ti, si no remedio, a lo menos alivio en mi desdicha; y, por no tenerte suspenso, porque sé que no me has conocido, quiero decirte quién soy: y soy Claudia Jerónima, hija de Simón Forte, tu singular amigo y enemigo particular de Clauquel Torrellas, que asimismo lo es tuyo, por ser uno de los de tu contrario bando; y ya sabes que este Torrellas tiene un hijo que don Vicente Torrellas se llama, o, a lo menos, se llamaba no ha dos horas. Éste, pues, por abreviar el cuento de mi desventura, te diré en breves palabras la que me ha causado. Viome, requebróme, escuchéle, enamoréme, a hurto de mi padre; porque no hay mujer, por retirada que esté y recatada que sea, a quien no le sobre tiempo para poner en ejecución y efecto sus atropellados deseos. Finalmente, él me prometió de ser mi esposo, y yo le di la palabra de ser suya, sin que en obras pasásemos adelante. Supe ayer que, olvidado de lo que me debía, se casaba con otra, y que esta mañana iba a desposarse, nueva que me turbó el sentido y acabó la paciencia; y, por no estar mi padre en el lugar, le tuve yo de ponerme en el traje que vees, y apresurando el paso a este caballo, alcancé a don Vicente obra de una legua de aquí; y, sin ponerme a dar quejas ni a oír disculpas, le disparé estas escopetas, y, por añadidura, estas dos pistolas; y, a lo que creo, le debí de encerrar más de dos balas en el cuerpo, abriéndole puertas por donde envuelta en su sangre saliese mi honra. Allí le dejo entre sus criados, que no osaron ni pudieron ponerse en su defensa. Vengo a buscarte para que me pases a Francia, donde tengo parientes con quien viva, y asimesmo a rogarte defiendas a mi padre, porque los muchos de don Vicente no se atrevan a tomar en él desaforada venganza. | « Je te cherchais, ô vaillant Roque, pour trouver en toi, sinon un remède, au moins un adoucissement à mes malheurs. Et, pour ne pas te tenir davantage en suspens, car je vois bien que tu ne me reconnais pas, je veux te dire qui je suis. Je suis Claudia Géronima, fille de Simon Forte, ton ami intime, et ennemi particulier de Clauquel Torrellas, qui est aussi le tien, puisqu′il est du parti contraire. Tu sais que ce Torrellas a un fils qu′on appelle don Vicente Torrellas, ou du moins qui portait ce nom il n′y a pas deux heures. Je te dirai en peu de mots, pour abréger le récit de mes infortunes, celle dont il est la cause. Il me vit, me fit la cour ; je l′écoutai et le payai de retour en secret de mon père ; car il n′est pas une femme, si retirée et si sage qu′elle vive, qui n′ait du temps de reste pour satisfaire ses désirs quand elle s′y laisse emporter. Finalement il me fit la promesse d′être mon époux, et je lui engageai ma parole d′être à lui, sans que toutefois l′effet suivît nos mutuels serments. Hier, j′appris qu′oubliant ce qu′il me devait, il épousait une autre femme, et que ce matin il allait se rendre aux fiançailles. Cette nouvelle me troubla l′esprit et mit ma patience à bout. Mon père n′étant point à la maison, il me fut facile de prendre cet équipage, et, pressant le pas de ce cheval, j′atteignis don Vicente à une lieue environ d′ici. Là, sans perdre de temps à lui faire entendre des plaintes ni à recevoir des excuses, je déchargeai sur lui cette carabine, et de plus ces deux pistolets, lui mettant, à ce que je crois, plus de deux balles dans le corps, et ouvrant des issues par où mon honneur sortit avec son sang. Je l′ai laissé sur la place entre les mains de ses valets, qui n′osèrent ou ne purent prendre sa défense. Je viens te chercher pour que tu me fasses passer en France, où j′ai des parents chez qui je pourrai vivre, et te prier aussi de protéger mon père, pour que la nombreuse famille de don Vicente n′exerce pas sur lui une effroyable vengeance. » | Roque, admirado de la gallardía, bizarría, buen talle y suceso de la hermosa Claudia, le dijo: | Roque, tout surpris de la bonne mine, de l′énergie et de l′étrange aventure de la belle Claudia, lui répondit aussitôt : | -Ven, señora, y vamos a ver si es muerto tu enemigo, que después veremos lo que más te importare. | « Venez, madame ; allons voir si votre ennemi est mort. Nous verrons ensuite ce qu′il conviendra de faire. » | Don Quijote, que estaba escuchando atentamente lo que Claudia había dicho y lo que Roque Guinart respondió, dijo. | Don Quichotte écoutait attentivement ce qu′avait dit Claudia, et ce que répondait Roque Guinart. | -No tiene nadie para qué tomar trabajo en defender a esta señora, que lo tomo yo a mi cargo: denme mi caballo y mis armas, y espérenme aquí, que yo iré a buscar a ese caballero, y, muerto o vivo, le haré cumplir la palabra prometida a tanta belleza. | « Personne, s′écria-t-il, n′a besoin de se mettre en peine pour défendre cette dame. Qu′on me donne mon cheval et mes armes, et qu′on m′attende ici. J′irai chercher ce chevalier, et, mort ou vif, je lui ferai tenir la parole qu′il a donnée à une si ravissante beauté. | -Nadie dude de esto -dijo Sancho-, porque mi señor tiene muy buena mano para casamentero, pues no ha muchos días que hizo casar a otro que también negaba a otra doncella su palabra; y si no fuera porque los encantadores que le persiguen le mudaron su verdadera figura en la de un lacayo, ésta fuera la hora que ya la tal doncella no lo fuera. |  Que personne n′en doute, ajouta Sancho, car mon seigneur a la main heureuse en fait de mariages. Il n′y a pas quinze jours qu′il a fait marier un autre homme qui refusait aussi à une autre demoiselle l′accomplissement de sa parole ; et, si ce n′eût été que les enchanteurs qui le poursuivent changèrent la véritable figure du jeune homme en celle d′un laquais, à cette heure-ci ladite demoiselle aurait cessé de l′être. » | Roque, que atendía más a pensar en el suceso de la hermosa Claudia que en las razones de amo y mozo, no las entendió; y, mandando a sus escuderos que volviesen a Sancho todo cuanto le habían quitado del rucio, mandándoles asimesmo que se retirasen a la parte donde aquella noche habían estado alojados, y luego se partió con Claudia a toda priesa a buscar al herido, o muerto, don Vicente. Llegaron al lugar donde le encontró Claudia, y no hallaron en él sino recién derramada sangre; pero, tendiendo la vista por todas partes, descubrieron por un recuesto arriba alguna gente, y diéronse a entender, como era la verdad, que debía ser don Vicente, a quien sus criados, o muerto o vivo, llevaban, o para curarle, o para enterrarle; diéronse priesa a alcanzarlos, que, como iban de espacio, con facilidad lo hicieron. | Guinart, qui avait plus à faire de penser à l′aventure de la belle Claudia qu′aux propos de ses prisonniers, maître et valet, n′entendit ni l′un ni l′autre, et, après avoir donné l′ordre à ses écuyers de rendre à Sancho tout ce qu′ils lui avaient pris sur le grison, leur commanda de se retirer dans le gîte où ils avaient passé la nuit ; puis il partit au galop avec Claudia pour chercher don Vicente, blessé ou mort. Ils arrivèrent à l′endroit où Claudia avait rencontré son amant ; mais ils n′y trouvèrent que des taches de sang récemment versé. Étendant la vue de toutes parts, ils aperçurent un groupe d′hommes au sommet d′une colline, et imaginèrent, comme c′était vrai, que ce devait être don Vicente que ses domestiques emportaient, ou mort, ou vif, pour le panser ou pour l′enterrer. Ils pressèrent le pas dans le désir de les atteindre ; ce qui ne fut pas difficile, car les autres allaient lentement. | Hallaron a don Vicente en los brazos de sus criados, a quien con cansada y debilitada voz rogaba que le dejasen allí morir, porque el dolor de las heridas no consentía que más adelante pasase. | Ils trouvèrent don Vicente dans les bras de ces gens, qu′il suppliait, d′une voix éteinte, de le laisser mourir en cet endroit, car la douleur qu′il ressentait de ses blessures ne lui permettait pas d′aller plus loin. | Arrojáronse de los caballos Claudia y Roque, llegáronse a él, temieron los criados la presencia de Roque, y Claudia se turbó en ver la de don Vicente; y así, entre enternecida y rigurosa, se llegó a él, y asiéndole de las manos, le dijo. | Roque et Claudia se jetèrent à bas de leurs chevaux et s′approchèrent du moribond. Les valets s′effrayèrent à l′aspect de Guinart, et Claudia se troubla plus encore à la vue de don Vicente. Moitié attendrie, moitié sévère, elle s′approcha de lui et lui prit la main : | -Si tú me dieras éstas, conforme a nuestro concierto, nunca tú te vieras en este paso. | « Si tu me l′avais donnée, cette main, dit-elle, suivant notre convention, tu ne te serais jamais vu dans cette extrémité. » | Abrió los casi cerrados ojos el herido caballero, y, conociendo a Claudia, le dijo: | Le gentilhomme blessé ouvrit les yeux que déjà la mort avait presque fermés, et, reconnaissant Claudia, il lui dit : | -Bien veo, hermosa y engañada señora, que tú has sido la que me has muerto: pena no merecida ni debida a mis deseos, con los cuales, ni con mis obras, jamás quise ni supe ofenderte. | « Je vois bien, belle et trompée Claudia, que c′est toi qui m′as donné la mort. C′est une peine que ne méritaient point mes désirs, qui jamais, pas plus que mes œuvres, n′ont voulu ni su t′offenser. | -Luego, ¿no es verdad -dijo Claudia- que ibas esta mañana a desposarte con Leonora, la hija del rico Balvastro. |  Comment ! s′écria Claudia, n′est-il pas vrai que tu allais ce matin épouser Léonora, la fille du riche Balbastro ? | -No, por cierto -respondió don Vicente-; mi mala fortuna te debió de llevar estas nuevas, para que, celosa, me quitases la vida, la cual, pues la dejo en tus manos y en tus brazos, tengo mi suerte por venturosa. Y, para asegurarte desta verdad, aprieta la mano y recíbeme por esposo, si quisieres, que no tengo otra mayor satisfación que darte del agravio que piensas que de mí has recebido. |  Oh ! non certes, répondit don Vicente. Ma mauvaise étoile t′a porté cette fausse nouvelle, pour que, dans un transport jaloux, tu m′ôtasses la vie ; mais puisque je la perds et la laisse en tes bras, je tiens mon sort pour fortuné. Afin que tu donnes croyance à mes paroles, serre ma main, et reçois-moi, si tu veux, pour époux. Je n′ai plus à te donner d′autre satisfaction de l′outrage que tu crois avoir reçu de moi. » | Apretóle la mano Claudia, y apretósele a ella el corazón, de manera que sobre la sangre y pecho de don Vicente se quedó desmayada, y a él le tomó un mortal parasismo. Confuso estaba Roque, y no sabía qué hacerse. Acudieron los criados a buscar agua que echarles en los rostros, y trujéronla, con que se los bañaron. Volvió de su desmayo Claudia, pero no de su parasismo don Vicente, porque se le acabó la vida. Visto lo cual de Claudia, habiéndose enterado que ya su dulce esposo no vivía, rompió los aires con suspiros, hirió los cielos con quejas, maltrató sus cabellos, entregándolos al viento, afeó su rostro con sus propias manos, con todas las muestras de dolor y sentimiento que de un lastimado pecho pudieran imaginarse. | Claudia lui serra la main, mais son cœur aussi se serra de telle sorte, qu′elle tomba évanouie sur la poitrine sanglante de don Vicente, auquel prit un paroxysme mortel. Roque, plein de trouble, ne savait que faire. Les domestiques coururent chercher de l′eau pour leur jeter au visage, et, l′ayant apportée, les en inondèrent aussitôt. Claudia revint de son évanouissement, mais non don Vicente de son paroxysme ; il y avait laissé la vie. Lorsque Claudia le vit sans mouvement, et qu′elle se fut assurée que son époux avait cessé de vivre, elle frappa l′air de ses gémissements et le ciel de ses plaintes ; elle s′arracha les cheveux, qu′elle livra aux vents ; elle déchira son visage de ses propres mains, et donna enfin tous les témoignages de regret et de douleur qu′on pouvait attendre d′un cœur navré. | -¡Oh cruel e inconsiderada mujer -decía-, con qué facilidad te moviste a poner en ejecución tan mal pensamiento! ¡Oh fuerza rabiosa de los celos, a qué desesperado fin conducís a quien os da acogida en su pecho! ¡Oh esposo mío, cuya desdichada suerte, por ser prenda mía, te ha llevado del tálamo a la sepultura. | « Ô femme cruelle et inconsidérée, disait-elle, avec quelle facilité tu as exécuté une si horrible pensée ! Ô rage de la jalousie, à quelle fin désespérée tu précipites quiconque te donne accès dans son âme ! Ô mon cher époux, c′est quand tu m′appartenais, que le sort impitoyable te mène du lit nuptial à la sépulture ! » | Tales y tan tristes eran las quejas de Claudia, que sacaron las lágrimas de los ojos de Roque, no acostumbrados a verterlas en ninguna ocasión. Lloraban los criados, desmayábase a cada paso Claudia, y todo aquel circuito parecía campo de tristeza y lugar de desgracia. Finalmente, Roque Guinart ordenó a los criados de don Vicente que llevasen su cuerpo al lugar de su padre, que estaba allí cerca, para que le diesen sepultura. Claudia dijo a Roque que querría irse a un monasterio donde era abadesa una tía suya, en el cual pensaba acabar la vida, de otro mejor esposo y más eterno acompañada. Alabóle Roque su buen propósito, ofreciósele de acompañarla hasta donde quisiese, y de defender a su padre de los parientes y de todo el mundo, si ofenderle quisiese. No quiso su compañía Claudia, en ninguna manera, y, agradeciendo sus ofrecimientos con las mejores razones que supo, se despedió dél llorando. Los criados de don Vicente llevaron su cuerpo, y Roque se volvió a los suyos, y este fin tuvieron los amores de Claudia Jerónima. Pero, ¿qué mucho, si tejieron la trama de su lamentable historia las fuerzas invencibles y rigurosas de los celos. | Il y avait tant d′amertume et de désespoir dans les plaintes qu′exhalait Claudia, qu′elles tirèrent des larmes à Roque, dont les yeux n′avaient pas l′habitude d′en verser en aucune occasion. Les domestiques fondaient en pleurs ; Claudia s′évanouissait à chaque moment, et toute la colline paraissait un champ de tristesse et de malheur. Enfin, Roque Guinart ordonna aux gens de don Vicente de porter le corps de ce jeune homme à la maison de son père, qui n′était pas fort loin, pour qu′on lui donnât la sépulture. Claudia dit à Roque qu′elle voulait aller s′enfermer dans un monastère, dont l′une de ses tantes était abbesse, et qu′elle pensait y finir sa vie dans la compagnie d′un meilleur et plus éternel époux. Roque approuva sa sainte résolution. Il offrit de l′accompagner jusqu′où elle voudrait, et de protéger son père contre les parents de don Vicente. Claudia ne voulut en aucune façon accepter son escorte, et, le remerciant du mieux qu′elle put de ses offres de service, elle s′éloigna tout éplorée. Les gens de don Vicente emportèrent son corps, et Roque vint rejoindre ses gens. Telle fut la fin des amours de Claudia Géronima. Mais faut-il s′en étonner, quand ce fut la violence irrésistible d′une aveugle jalousie qui tissa la trame de sa lamentable histoire ? | Halló Roque Guinart a sus escuderos en la parte donde les había ordenado, y a don Quijote entre ellos, sobre Rocinante, haciéndoles una plática en que les persuadía dejasen aquel modo de vivir tan peligroso, así para el alma como para el cuerpo; pero, como los más eran gascones, gente rústica y desbaratada, no les entraba bien la plática de don Quijote. Llegado que fue Roque, preguntó a Sancho Panza si le habían vuelto y restituido las alhajas y preseas que los suyos del rucio le habían quitado. Sancho respondió que sí, sino que le faltaban tres tocadores, que valían tres ciudades. | Roque Guinart trouva ses écuyers dans l′endroit où il leur avait ordonné de se rendre, et, au milieu d′eux, don Quichotte, qui, monté sur Rossinante, leur faisait un sermon pour leur persuader d′abandonner ce genre de vie, non moins dangereux pour l′âme que pour le corps. Mais la plupart étaient des gascons, gens grossiers, gens de sac et de corde ; la harangue de don Quichotte ne leur entrait pas fort avant. À son arrivée, Roque demanda à Sancho Panza si on lui avait restitué les bijoux et les joyaux que les siens avaient pris sur le grison. « Oui, répondit Sancho, il ne me manque plus que trois mouchoirs de tête qui valaient trois grandes villes. | -¿Qué es lo que dices, hombre? -dijo uno de los presentes-, que yo los tengo, y no valen tres reales. |  Qu′est-ce que tu dis là, homme ? s′écria l′un des bandits présents ; c′est moi qui les ai, et ils ne valent pas trois réaux. | -Así es -dijo don Quijote-, pero estímalos mi escudero en lo que ha dicho, por habérmelos dado quien me los dio. |  C′est vrai, reprit don Quichotte ; mais mon écuyer les estime autant qu′il l′a dit, en considération de la personne qui me les a donnés. » | Mandóselos volver al punto Roque Guinart, y, mandando poner los suyos en ala, mandó traer allí delante todos los vestidos, joyas, y dineros, y todo aquello que desde la última repartición habían robado; y, haciendo brevemente el tanteo, volviendo lo no repartible y reduciéndolo a dineros, lo repartió por toda su compañía, con tanta legalidad y prudencia que no pasó un punto ni defraudó nada de la justicia distributiva. Hecho esto, con lo cual todos quedaron contentos, satisfechos y pagados, dijo Roque a don Quijote. | Roque Guinart ordonna aussitôt de les rendre ; et, faisant mettre tous ses gens sur une file, il fit apporter devant eux les habits, les joyaux, l′argent, enfin tout ce qu′on avait volé depuis la dernière répartition ; puis ayant fait rapidement le calcul estimatif, et prisé en argent ce qui ne pouvait se diviser, il partagea le butin entre toute sa compagnie avec tant de prudence et d′équité, qu′il ne blessa pas en un seul point la justice distributive. Cela fait, et tous se montrant satisfaits et bien récompensés, Roque dit à don Quichotte : | -Si no se guardase esta puntualidad con éstos, no se podría vivir con ellos. | « Si l′on ne gardait pas une telle ponctualité à l′égard de ces gens-là, il ne serait pas possible de vivre avec eux. » | A lo que dijo Sancho. | Sancho ajouta sur-le-champ : | -Según lo que aquí he visto, es tan buena la justicia, que es necesaria que se use aun entre los mesmos ladrones. | « À ce que je viens de voir ici, la justice est si bonne, qu′il est nécessaire de la pratiquer même parmi les voleurs. » | Oyólo un escudero, y enarboló el mocho de un arcabuz, con el cual, sin duda, le abriera la cabeza a Sancho, si Roque Guinart no le diera voces que se detuviese. Pasmóse Sancho, y propuso de no descoser los labios en tanto que entre aquella gente estuviese. | Un des écuyers l′entendit, et leva la crosse de son arquebuse, avec laquelle il eût certainement ouvert la tête à Sancho, si Roque Guinart ne lui eût crié de s′arrêter. Sancho frissonna de tout son corps, et fit le ferme propos de ne pas desserrer les dents tant qu′il serait avec ces gens-là. | Llegó, en esto, uno o algunos de aquellos escuderos que estaban puestos por centinelas por los caminos para ver la gente que por ellos venía y dar aviso a su mayor de lo que pasaba, y éste dijo. | En ce moment arriva l′un des écuyers postés en sentinelle le long des chemins, pour épier les gens qui venaient à passer, et aviser son chef de tout ce qui s′offrait. | -Señor, no lejos de aquí, por el camino que va a Barcelona, viene un gran tropel de gente. | « Seigneur, dit celui-là, non loin d′ici, sur le chemin qui mène à Barcelone, vient une grande troupe de monde. | A lo que respondió Roque: |  As-tu pu reconnaître, répondit Roque, | -¿Has echado de ver si son de los que nos buscan, o de los que nosotros buscamos. | si ce sont de ceux qui nous cherchent, ou de ceux que nous cherchons ? | -No, sino de los que buscamos -respondió el escudero. |  Ce sont de ceux que nous cherchons, répliqua l′écuyer. | -Pues salid todos -replicó Roque-, y traédmelos aquí luego, sin que se os escape ninguno. |  En ce cas, partez tous, s′écria Roque, et amenez-les-moi bien vite ici, sans qu′il en échappe aucun. » | Hiciéronlo así, y, quedándose solos don Quijote, Sancho y Roque, aguardaron a ver lo que los escuderos traían; y, en este entretanto, dijo Roque a don Quijote. | On obéit, et Roque resta seul avec don Quichotte et Sancho, attendant ce qu′amèneraient ses écuyers. Dans l′intervalle, il dit à don Quichotte : | -Nueva manera de vida le debe de parecer al señor don Quijote la nuestra, nuevas aventuras, nuevos sucesos, y todos peligrosos; y no me maravillo que así le parezca, porque realmente le confieso que no hay modo de vivir más inquieto ni más sobresaltado que el nuestro. A mí me han puesto en él no sé qué deseos de venganza, que tienen fuerza de turbar los más sosegados corazones; yo, de mi natural, soy compasivo y bien intencionado; pero, como tengo dicho, el querer vengarme de un agravio que se me hizo, así da con todas mis buenas inclinaciones en tierra, que persevero en este estado, a despecho y pesar de lo que entiendo; y, como un abismo llama a otro y un pecado a otro pecado, hanse eslabonado las venganzas de manera que no sólo las mías, pero las ajenas tomo a mi cargo; pero Dios es servido de que, aunque me veo en la mitad del laberinto de mis confusiones, no pierdo la esperanza de salir dél a puerto seguro. | « Le seigneur don Quichotte doit trouver nouvelle notre manière de vivre, et nouvelles aussi nos aventures, qui sont en outre toutes périlleuses. Je ne m′étonne point qu′il en ait cette idée, car réellement, et j′en fais l′aveu, il n′y a pas de vie plus inquiète et plus agitée que la nôtre. Ce qui m′y a jeté, ce sont je ne sais quels désirs de vengeance assez puissants pour troubler les cœurs les plus calmes. Je suis, de ma nature, compatissant et bien intentionné ; mais comme je l′ai dit, l′envie de me venger d′un outrage qui m′est fait renverse si bien toutes mes bonnes inclinations, que je persévère dans cet état, quoique j′en voie toutes les conséquences. Et comme un péché en appelle un autre, et un abîme un autre abîme, les vengeances se sont enchaînées, de manière que je prends à ma charge non seulement les miennes, mais encore celles d′autrui. Cependant Dieu permet que, tout en me voyant égaré dans le labyrinthe de mes désordres, je ne perde pas l′espérance d′en sortir, et d′arriver au port de salut. » | Admirado quedó don Quijote de oír hablar a Roque tan buenas y concertadas razones, porque él se pensaba que, entre los de oficios semejantes de robar, matar y saltear no podía haber alguno que tuviese buen discurso, y respondióle. | Don Quichotte fut bien étonné d′entendre Guinart tenir des propos si sensés et si édifiants ; car il pensait que, parmi des gens dont tout l′emploi est de voler et d′assassiner sur la grand′route, il ne devait se trouver personne qui eût du bon sens et de bons sentiments. | -Señor Roque, el principio de la salud está en conocer la enfermedad y en querer tomar el enfermo las medicinas que el médico le ordena: vuestra merced está enfermo, conoce su dolencia, y el cielo, o Dios, por mejor decir, que es nuestro médico, le aplicará medicinas que le sanen, las cuales suelen sanar poco a poco y no de repente y por milagro; y más, que los pecadores discretos están más cerca de enmendarse que los simples; y, pues vuestra merced ha mostrado en sus razones su prudencia, no hay sino tener buen ánimo y esperar mejoría de la enfermedad de su conciencia; y si vuestra merced quiere ahorrar camino y ponerse con facilidad en el de su salvación, véngase conmigo, que yo le enseñaré a ser caballero andante, donde se pasan tantos trabajos y desventuras que, tomándolas por penitencia, en dos paletas le pondrán en el cielo. | « Seigneur Roque, lui dit-il, le commencement de la santé, c′est, pour le malade, de connaître sa maladie, et de vouloir prendre les remèdes qu′ordonne le médecin. Votre Grâce est malade, elle connaît son mal, et le ciel, ou Dieu, pour mieux dire, qui est notre médecin, lui appliquera des remèdes qui l′en guériront. Mais ces remèdes, d′ordinaire, ne guérissent que peu à peu et par miracle. D′ailleurs, les pécheurs doués d′esprit sont plus près de s′amender que les simples ; et, puisque Votre Grâce a montré dans ses propos toute sa prudence, il faut avoir bon courage, et espérer la guérison de la maladie de votre conscience. Si Votre Grâce veut abréger le chemin, et entrer facilement dans celui de son salut, venez avec moi, je vous apprendrai à devenir chevalier errant ; dans ce métier, il y a tant de fatigues, tant de privations et de mésaventures à souffrir, que vous n′avez qu′à le prendre pour pénitence, et vous voilà porté dans le ciel. » | Rióse Roque del consejo de don Quijote, a quien, mudando plática, contó el trágico suceso de Claudia Jerónima, de que le pesó en estremo a Sancho, que no le había parecido mal la belleza, desenvoltura y brío de la moza. | Roque se mit à rire du conseil de don Quichotte, auquel, changeant d′entretien, il raconta la tragique aventure de Claudia Géronima, Sancho en fut touché au fond de l′âme, car il avait trouvé fort de son goût la beauté et la pétulance de la jeune personne. | Llegaron, en esto, los escuderos de la presa, trayendo consigo dos caballeros a caballo, y dos peregrinos a pie, y un coche de mujeres con hasta seis criados, que a pie y a caballo las acompañaban, con otros dos mozos de mulas que los caballeros traían. Cogiéronlos los escuderos en medio, guardando vencidos y vencedores gran silencio, esperando a que el gran Roque Guinart hablase, el cual preguntó a los caballeros que quién eran y adónde iban, y qué dinero llevaban. Uno dellos le respondió. | Sur ces entrefaites arrivèrent les écuyers de la prise, comme ils s′appellent. Ils ramenaient avec eux deux gentilhommes à cheval, deux pèlerins à pied, un carrosse rempli de femmes, avec six valets à pied et à cheval qui les accompagnaient, et deux garçons muletiers qui suivaient les gentilshommes. Les écuyers mirent cette troupe au milieu de leurs rangs, et vainqueurs et vaincus gardaient un profond silence, attendant que le grand Roque Guinart commençât de parler. Celui-ci, s′adressant aux gentilshommes, leur demanda qui ils étaient, où ils allaient, et quel argent ils portaient sur eux. L′un d′eux répondit : | -Señor, nosotros somos dos capitanes de infantería española; tenemos nuestras compañías en Nápoles y vamos a embarcarnos en cuatro galeras, que dicen están en Barcelona con orden de pasar a Sicilia; llevamos hasta docientos o trecientos escudos, con que, a nuestro parecer, vamos ricos y contentos, pues la estrecheza ordinaria de los soldados no permite mayores tesoros. | « Seigneur, nous sommes deux capitaines d′infanterie espagnole ; nos compagnies sont à Naples, et nous allons nous embarquer sur quatre galères qu′on dit être à Barcelone, avec ordre de faire voile pour la Sicile. Nous portons environ deux à trois cents écus, ce qui suffit pour que nous soyons riches et cheminions contents, car la pauvreté ordinaire des soldats ne permet pas de plus grands trésors. » | Preguntó Roque a los peregrinos lo mesmo que a los capitanes; fuele respondido que iban a embarcarse para pasar a Roma, y que entre entrambos podían llevar hasta sesenta reales. Quiso saber también quién iba en el coche, y adónde, y el dinero que llevaban; y uno de los de a caballo dijo. | Roque fit aux pèlerins la même question qu′aux capitaines. Ils répondirent qu′ils allaient s′embarquer pour passer à Rome, et qu′entre eux deux ils pouvaient avoir une soixantaine de réaux. Roque voulut savoir aussi quelles étaient les dames du carrosse, où elles allaient, et quel argent elles portaient. L′un des valets à cheval répondit : | -Mi señora doña Guiomar de Quiñones, mujer del regente de la Vicaría de Nápoles, con una hija pequeña, una doncella y una dueña, son las que van en el coche; acompañámosla seis criados, y los dineros son seiscientos escudos. | « C′est madame doña Guiomar de Quiñonès, femme du régent de l′intendance de Naples, qui vient dans ce carrosse avec une fille encore enfant, une femme de chambre et une duègne. Nous sommes six domestiques pour l′accompagner, et l′argent s′élève à six cents écus. | -De modo -dijo Roque Guinart-, que ya tenemos aquí novecientos escudos y sesenta reales; mis soldados deben de ser hasta sesenta; mírese a cómo le cabe a cada uno, porque yo soy mal contador. |  De façon, reprit Roque Guinart, que nous avons ici neuf cents écus et soixante réaux. Mes soldats doivent être une soixantaine ; voyez ce qui leur revient à chacun, car je suis mauvais calculateur. » | Oyendo decir esto los salteadores, levantaron la voz, diciendo. | À ces mots, les brigands élevèrent tous la voix, et se mirent à crier : | -¡Viva Roque Guinart muchos años, a pesar de los lladres que su perdición procuran. | « Vive Roque Guinart ! qu′il vive de longues années, en dépit des limiers de justice qui ont juré sa perte ! » | Mostraron afligirse los capitanes, entristecióse la señora regenta, y no se holgaron nada los peregrinos, viendo la confiscación de sus bienes. Túvolos así un rato suspensos Roque, pero no quiso que pasase adelante su tristeza, que ya se podía conocer a tiro de arcabuz, y, volviéndose a los capitanes, dijo. | Mais les capitaines s′affligèrent, madame la régente s′attrista, et les pèlerins ne se montrèrent pas fort joyeux, quand ils entendirent tous prononcer la confiscation de leurs biens. Roque les tint ainsi quelques minutes en suspens ; mais il ne voulut pas laisser plus longtemps durer leur tristesse, qu′on pouvait déjà reconnaître à une portée d′arquebuse. Il se tourna vers les officiers : | -Vuesas mercedes, señores capitanes, por cortesía, sean servidos de prestarme sesenta escudos, y la señora regenta ochenta, para contentar esta escuadra que me acompaña, porque el abad, de lo que canta yanta, y luego puédense ir su camino libre y desembarazadamente, con un salvoconduto que yo les daré, para que, si toparen otras de algunas escuadras mías que tengo divididas por estos contornos, no les hagan daño; que no es mi intención de agraviar a soldados ni a mujer alguna, especialmente a las que son principales. | « Que Vos Grâces, seigneurs capitaines, leur dit-il, veuillent bien par courtoisie, me prêter soixante écus, et madame la régente quatre-vingts, pour contenter cette escouade qui m′accompagne ; car enfin, de ce qu′il chante le curé s′alimente. Ensuite vous pourrez continuer votre chemin librement et sans encombre avec un sauf-conduit que je vous donnerai, afin que, si vous rencontrez quelques autres de mes escouades, qui sont réparties dans ces environs, elles ne vous fassent aucun mal. Mon intention n′est point de faire tort aux gens de guerre, ni d′offenser aucune femme, surtout celles qui sont de qualité. » | Infinitas y bien dichas fueron las razones con que los capitanes agradecieron a Roque su cortesía y liberalidad, que, por tal la tuvieron, en dejarles su mismo dinero. La señora doña Guiomar de Quiñones se quiso arrojar del coche para besar los pies y las manos del gran Roque, pero él no lo consintió en ninguna manera; antes le pidió perdón del agravio que le hacía, forzado de cumplir con las obligaciones precisas de su mal oficio. Mandó la señora regenta a un criado suyo diese luego los ochenta escudos que le habían repartido, y ya los capitanes habían desembolsado los sesenta. Iban los peregrinos a dar toda su miseria, pero Roque les dijo que se estuviesen quedos, y volviéndose a los suyos, les dijo. | Les officiers se confondirent en actions de grâce pour remercier Roque de sa courtoisie et de sa libéralité ; car, à leurs yeux, c′en était une véritable que de leur laisser leur propre argent. Pour doña Guiomar de Quiñonès, elle voulut se jeter à bas du carrosse pour baiser les pieds et les mains du grand Roque ; mais il ne voulut pas le permettre, et lui demanda pardon, au contraire, du tort qu′il lui avait fait, obligé de céder aux devoirs impérieux de sa triste profession. Madame la régente donna ordre à l′un de ses domestiques de payer sur-le-champ les quatre-vingts écus mis à sa charge, et les capitaines avaient déjà déboursé leurs soixante. Les pèlerins allaient aussi livrer leur pacotille, mais Roque leur dit de n′en rien faire ; puis, se tournant vers les siens : | -Destos escudos dos tocan a cada uno, y sobran veinte: los diez se den a estos peregrinos, y los otros diez a este buen escudero, porque pueda decir bien de esta aventura. | « De ces cent quarante écus, dit-il, il en revient deux à chacun, et il en reste vingt ; qu′on en donne dix à ces pèlerins, et les dix autres à ce bon écuyer, pour qu′il garde un bon souvenir de cette aventure. » | Y, trayéndole aderezo de escribir, de que siempre andaba proveído, Roque les dio por escrito un salvoconduto para los mayorales de sus escuadras, y, despidiéndose dellos, los dejó ir libres, y admirados de su nobleza, de su gallarda disposición y estraño proceder, teniéndole más por un Alejandro Magno que por ladrón conocido. Uno de los escuderos dijo en su lengua gascona y catalana. | On apporta une écritoire et un portefeuille, dont Roque était toujours pourvu, et il donna par écrit, aux voyageurs, un sauf-conduit pour les chefs de ses escouades. Il prit ensuite congé d′eux et les laissa partir, dans l′admiration de sa noblesse d′âme, de sa bonne mine, de ses étranges procédés, et le tenant plutôt pour un Alexandre le Grand que pour un brigand reconnu. Un des écuyers dit alors, dans son jargon gascon et catalan : | -Este nuestro capitán más es para frade que para bandolero: si de aquí adelante quisiere mostrarse liberal séalo con su hacienda y no con la nuestra. | « Notre capitaine vaudrait mieux pour faire un moine qu′un bandit ; mais s′il veut dorénavant se montrer libéral, qu′il le soit de son bien et non du nôtre. » | No lo dijo tan paso el desventurado que dejase de oírlo Roque, el cual, echando mano a la espada, le abrió la cabeza casi en dos partes, diciéndole: | Ce peu de mots, le malheureux ne les dit pas si bas que Roque ne les entendît. Mettant l′épée à la main, il lui fendit la tête presque en deux parts, et lui dit froidement : | -Desta manera castigo yo a los deslenguados y atrevidos. | « Voilà comme je châtie les insolents qui ne savent pas retenir leur langue. » | Pasmáronse todos, y ninguno le osó decir palabra: tanta era la obediencia que le tenían. | Tout le monde trembla, et personne n′osa lui dire un mot, tant il leur imposait d′obéissance et de respect. | Apartóse Roque a una parte y escribió una carta a un su amigo, a Barcelona, dándole aviso como estaba consigo el famoso don Quijote de la Mancha, aquel caballero andante de quien tantas cosas se decían; y que le hacía saber que era el más gracioso y el más entendido hombre del mundo, y que de allí a cuatro días, que era el de San Juan Bautista, se le pondría en mitad de la playa de la ciudad, armado de todas sus armas, sobre Rocinante, su caballo, y a su escudero Sancho sobre un asno, y que diese noticia desto a sus amigos los Niarros, para que con él se solazasen; que él quisiera que carecieran deste gusto los Cadells, sus contrarios, pero que esto era imposible, a causa que las locuras y discreciones de don Quijote y los donaires de su escudero Sancho Panza no podían dejar de dar gusto general a todo el mundo. Despachó estas cartas con uno de sus escuderos, que, mudando el traje de bandolero en el de un labrador, entró en Barcelona y la dio a quien iba. | Roque se mit à l′écart, et écrivit une lettre à l′un de ses amis, à Barcelone, pour l′informer qu′il avait auprès de lui le fameux don Quichotte de la Manche, le chevalier errant duquel on racontait tant de merveilles, et qu′il pouvait bien l′assurer que c′était bien l′homme du monde le plus divertissant et le plus entendu sur toutes matières. Il ajoutait que le quatrième jour à partir de là, qui serait celui de saint Jean-Baptiste, il le lui amènerait au milieu de la plage de Barcelone, armé de toutes pièces et monté sur Rossinante, ainsi que son écuyer Sancho monté sur son âne. « Ne manquez pas, disait-il enfin, d′en donner avis à nos amis les Niarros, pour qu′ils se divertissent du chevalier. J′aurais voulu priver de ce plaisir les Cadells, leurs ennemis ; mais c′est impossible, car les folies sensées de don Quichotte et les saillies de son écuyer Sancho Panza ne peuvent manquer de donner un égal plaisir à tout le monde. » Roque expédia cette lettre par un de ses écuyers, lequel, changeant son costume de bandit en celui d′un laboureur, entra dans Barcelone, et remit la lettre à son adresse.
| II. Capítulo LXI. De lo que le sucedió a don Quijote en la entrada de Barcelona, con otras cosas que tienen más de lo verdadero que de lo discreto. | Chapitre LXI De ce qui arriva à don Quichotte à son entrée dans Barcelone, et d′autres choses qui ont plus de vérité que de sens commun Tres días y tres noches estuvo don Quijote con Roque, y si estuviera trecientos años, no le faltara qué mirar y admirar en el modo de su vida: aquí amanecían, acullá comían; unas veces huían, sin saber de quién, y otras esperaban, sin saber a quién. Dormían en pie, interrompiendo el sueño, mudándose de un lugar a otro. Todo era poner espías, escuchar centinelas, soplar las cuerdas de los arcabuces, aunque traían pocos, porque todos se servían de pedreñales. Roque pasaba las noches apartado de los suyos, en partes y lugares donde ellos no pudiesen saber dónde estaba; porque los muchos bandos que el visorrey de Barcelona había echado sobre su vida le traían inquieto y temeroso, y no se osaba fiar de ninguno, temiendo que los mismos suyos, o le habían de matar, o entregar a la justicia: vida, por cierto, miserable y enfadosa. | Don Quichotte demeura trois jours et trois nuits avec Roque Guinart ; et, quand même il y fût resté trois cents ans, il n′aurait pas manqué de quoi regarder et de quoi s′étonner sur sa façon de vivre. On s′éveillait ici, on dînait là-bas ; quelquefois on fuyait sans savoir pourquoi, d′autres fois on attendait sans savoir qui. Ces hommes dormaient tout debout, interrompant leur sommeil, et changeant de place à toute heure. Ils ne s′occupaient qu′à poser des sentinelles, à écouter le cri des guides, à souffler les mèches des arquebuses, bien qu′ils en eussent peu, car presque tous portaient des mousquets à pierre. Roque passait les nuits éloigné des siens, dans des endroits où ceux-ci ne pouvaient deviner qu′il fût ; car les nombreux bans< du vice-roi de Barcelone, qui mettaient sa tête à prix, le tenaient dans une perpétuelle inquiétude. Il n′osait se fier à personne, pas même à ses gens, craignant d′être tué ou livré par eux à la justice ; vie assurément pénible et misérable. | En fin, por caminos desusados, por atajos y sendas encubiertas, partieron Roque, don Quijote y Sancho con otros seis escuderos a Barcelona. Llegaron a su playa la víspera de San Juan en la noche, y, abrazando Roque a don Quijote y a Sancho, a quien dio los diez escudos prometidos, que hasta entonces no se los había dado, los dejó, con mil ofrecimientos que de la una a la otra parte se hicieron. | Enfin, par des chemins détournés et des sentiers couverts, Roque, don Quichotte et Sancho partirent pour Barcelone avec six autres écuyers. Ils arrivèrent sur la plage la veille de la Saint-Jean, pendant la nuit ; et Roque, après avoir embrassé don Quichotte et Sancho, auquel il donna les dix écus promis, qu′il ne lui avait pas encore donnés, se sépara d′eux après avoir échangé mille compliments et mille offres de service. | Volvióse Roque; quedóse don Quijote esperando el día, así, a caballo, como estaba, y no tardó mucho cuando comenzó a descubrirse por los balcones del Oriente la faz de la blanca aurora, alegrando las yerbas y las flores, en lugar de alegrar el oído; aunque al mesmo instante alegraron también el oído el son de muchas chirimías y atabales, ruido de cascabeles, ′′¡trapa, trapa, aparta, aparta! ′′ de corredores, que, al parecer, de la ciudad salían. Dio lugar la aurora al sol, que, un rostro mayor que el de una rodela, por el más bajo horizonte, poco a poco, se iba levantando. | Roque parti, don Quichotte attendit le jour à cheval, comme il se trouvait, et ne tarda pas à découvrir sur les balcons de l′orient la face riante de la blanche Aurore, réjouissant par sa venue les plantes et les fleurs. Presque au même instant, l′oreille fut aussi réjouie par le son des fifres et des tambours, le bruit des grelots, et les cris des coureurs qui semblaient sortir de la ville. L′aurore fit place au soleil, dont le visage, plus large que celui d′une rondache, s′élevait peu à peu sur l′horizon. | Tendieron don Quijote y Sancho la vista por todas partes: vieron el mar, hasta entonces dellos no visto; parecióles espaciosísimo y largo, harto más que las lagunas de Ruidera, que en la Mancha habían visto; vieron las galeras que estaban en la playa, las cuales, abatiendo las tiendas, se descubrieron llenas de flámulas y gallardetes, que tremolaban al viento y besaban y barrían el agua; dentro sonaban clarines, trompetas y chirimías, que cerca y lejos llenaban el aire de suaves y belicosos acentos. Comenzaron a moverse y a hacer modo de escaramuza por las sosegadas aguas, correspondiéndoles casi al mismo modo infinitos caballeros que de la ciudad sobre hermosos caballos y con vistosas libreas salían. Los soldados de las galeras disparaban infinita artillería, a quien respondían los que estaban en las murallas y fuertes de la ciudad, y la artillería gruesa con espantoso estruendo rompía los vientos, a quien respondían los cañones de crujía de las galeras. El mar alegre, la tierra jocunda, el aire claro, sólo tal vez turbio del humo de la artillería, parece que iba infundiendo y engendrando gusto súbito en todas las gentes. | Don Quichotte et Sancho étendirent la vue de tous côtés ; ils aperçurent la mer, qu′ils n′avaient point encore vue. Elle leur parut spacieuse, immense, bien plus que les lagunes de Ruidéra, qu′ils avaient vues dans leur province. Ils virent aussi les galères qui étaient amarrées à la plage, lesquelles, abattant leurs tentes, se découvrirent toutes pavoisées de banderoles et de bannières qui se déployaient au vent, ou baisaient et balayaient l′eau ; on entendait au dedans résonner les clairons et les trompettes ; qui, de près et au loin, remplissaient l′air de suaves et belliqueux accents. Elles commencèrent à s′agiter et à faire entre elles comme une sorte d′escarmouche sur les flots tranquilles, tandis qu′une infinité de gentilshommes qui sortaient de la ville, montés sur de beaux chevaux et portant de brillantes livrées, se livraient aux mêmes jeux. Les soldats des galères faisaient une longue fusillade, à laquelle répondaient ceux qui garnissaient les murailles et les forts de la ville, et la grosse artillerie déchirait l′air d′un bruit épouvantable, auquel répondaient aussi les canons du pont des galères. La mer était calme, la terre riante, l′air pur et serein, quoique troublé maintes fois par la fumée de l′artillerie ; tout semblait réjouir et mettre en belle humeur la population entière. Pour Sancho, il ne concevait pas comment ces masses qui remuaient sur la mer pouvaient avoir tant de pieds. | No podía imaginar Sancho cómo pudiesen tener tantos pies aquellos bultos que por el mar se movían. En esto, llegaron corriendo, con grita, lililíes y algazara, los de las libreas adonde don Quijote suspenso y atónito estaba, y uno dellos, que era el avisado de Roque, dijo en alta voz a don Quijote. | En ce moment, les cavaliers aux livrées accoururent, en poussant des cris de guerre et des cris de joie, à l′endroit où don Quichotte était encore cloué par la surprise. L′un d′eux, qui était celui que Roque avait prévenu, dit à haute voix à don Quichotte : | -Bien sea venido a nuestra ciudad el espejo, el farol, la estrella y el norte de toda la caballería andante, donde más largamente se contiene. Bien sea venido, digo, el valeroso don Quijote de la Mancha: no el falso, no el ficticio, no el apócrifo que en falsas historias estos días nos han mostrado, sino el verdadero, el legal y el fiel que nos describió Cide Hamete Benengeli, flor de los historiadores. | « Qu′il soit le bienvenu dans notre ville, le miroir, le fanal, l′étoile polaire de toute la chevalerie errante ! Qu′il soit le bienvenu, dis-je, le valeureux don Quichotte de la Manche ; non pas le faux, le factice, l′apocryphe, qu′on nous a montré ces jours-ci dans de menteuses histoires, mais le véritable, le loyal et le fidèle, que nous a dépeint Cid Hamet Ben-Engéli, fleur des historiens ! » | No respondió don Quijote palabra, ni los caballeros esperaron a que la respondiese, sino, volviéndose y revolviéndose con los demás que los seguían, comenzaron a hacer un revuelto caracol al derredor de don Quijote; el cual, volviéndose a Sancho, dijo. | Don Quichotte ne répondit pas un mot, et les cavaliers n′attendirent pas qu′il leur répondît ; mais, faisant caracoler en rond leurs chevaux, ainsi que tous ceux qui les suivaient, ils tracèrent comme un cercle mouvant autour de don Quichotte, qui se tourna vers Sancho et lui dit : | -Éstos bien nos han conocido: yo apostaré que han leído nuestra historia y aun la del aragonés recién impresa. | « Ces gens-là nous ont fort bien reconnus ; je parierais qu′ils ont lu notre histoire, et même celle de l′Aragonais récemment publiée. » | Volvió otra vez el caballero que habló a don Quijote, y díjole. | Le cavalier qui avait parlé d′abord à don Quichotte revint auprès de lui. | -Vuesa merced, señor don Quijote, se venga con nosotros, que todos somos sus servidores y grandes amigos de Roque Guinart. | « Que Votre Grâce, seigneur don Quichotte, lui dit-il, veuille bien venir avec nous ; car nous sommes tous vos serviteurs et grands amis de Roque Guinart. | A lo que don Quijote respondió. | Â Si les courtoisies, répondit don Quichotte, | -Si cortesías engendran cortesías, la vuestra, señor caballero, es hija o parienta muy cercana de las del gran Roque. Llevadme do quisiéredes, que yo no tendré otra voluntad que la vuestra, y más si la queréis ocupar en vuestro servicio. | engendrent les courtoisies, la vôtre, seigneur chevalier, est fille ou proche parente de celle du grand Roque. Menez-moi où il vous plaira ; je n′aurai d′autre volonté que la vôtre, surtout si vous voulez occuper la mienne à votre service. » | Con palabras no menos comedidas que éstas le respondió el caballero, y, encerrándole todos en medio, al son de las chirimías y de los atabales, se encaminaron con él a la ciudad, al entrar de la cual, el malo, que todo lo malo ordena, y los muchachos, que son más malos que el malo, dos dellos traviesos y atrevidos se entraron por toda la gente, y, alzando el uno de la cola del rucio y el otro la de Rocinante, les pusieron y encajaron sendos manojos de aliagas. Sintieron los pobres animales las nuevas espuelas, y, apretando las colas, aumentaron su disgusto, de manera que, dando mil corcovos, dieron con sus dueños en tierra. Don Quijote, corrido y afrentado, acudió a quitar el plumaje de la cola de su matalote, y Sancho, el de su rucio. Quisieran los que guiaban a don Quijote castigar el atrevimiento de los muchachos, y no fue posible, porque se encerraron entre más de otros mil que los seguían. | Le cavalier lui répondit avec des expressions tout aussi polies, et toute la troupe l′enfermant au milieu d′elle, ils prirent le chemin de la ville au bruit des clairons et des timbales. Mais à l′entrée de Barcelone, le malin, de qui vient toute malignité, et les gamins, qui sont plus malins que le malin, s′avisèrent d′un méchant tour. Deux d′entre eux, hardis et espiègles, se faufilèrent à travers tout le monde, et, levant la queue, l′un au grison, l′autre à Rossinante, ils leur plantèrent à chacun son paquet de chardons. Les pauvres bêtes, sentant ces éperons de nouvelle espèce, serrèrent la queue, et augmentèrent si bien leur malaise, que, faisant mille sauts et mille ruades, ils jetèrent leurs cavaliers par terre. Don Quichotte, honteux et mortifié, se hâta d′ôter le panache de la queue de son bidet, et Sancho rendit le même service au grison. Les cavaliers qui conduisaient don Quichotte auraient bien voulu châtier l′impertinence de ces polissons, mais c′était impossible, car ils se furent bientôt perdus au milieu de plus de mille autres qui les suivaient. | Volvieron a subir don Quijote y Sancho; con el mismo aplauso y música llegaron a la casa de su guía, que era grande y principal, en fin, como de caballero rico; donde le dejaremos por agora, porque así lo quiere Cide Hamete. | Don Quichotte et Sancho remontèrent à cheval, et, toujours accompagnés de la musique et des vivats, ils arrivèrent à la maison de leur guide, qui était grande et belle, comme appartenant à un riche gentilhomme ; et nous y laisserons à présent notre chevalier, parce qu′ainsi le veut Cid Hamet Ben-Engéli.
| II. Capítulo LXII. Que trata de la aventura de la cabeza encantada, con otras niñerías que no pueden dejar de contarse. | Chapitre LXII Qui traite de l′aventure de la tête enchantée, ainsi que d′autres enfantillages que l′on ne peut s′empêcher de conter Don Antonio Moreno se llamaba el huésped de don Quijote, caballero rico y discreto, y amigo de holgarse a lo honesto y afable, el cual, viendo en su casa a don Quijote, andaba buscando modos como, sin su perjuicio, sacase a plaza sus locuras; porque no son burlas las que duelen, ni hay pasatiempos que valgan si son con daño de tercero. Lo primero que hizo fue hacer desarmar a don Quijote y sacarle a vistas con aquel su estrecho y acamuzado vestido -como ya otras veces le hemos descrito y pintado- a un balcón que salía a una calle de las más principales de la ciudad, a vista de las gentes y de los muchachos, que como a mona le miraban. Corrieron de nuevo delante dél los de las libreas, como si para él solo, no para alegrar aquel festivo día, se las hubieran puesto; y Sancho estaba contentísimo, por parecerle que se había hallado, sin saber cómo ni cómo no, otras bodas de Camacho, otra casa como la de don Diego de Miranda y otro castillo como el del duque. | L′hôte de don Quichotte se nommait don Antonio Moréno. C′était un gentilhomme riche et spirituel, aimant à se divertir, mais avec décence et bon goût. Lorsqu′il vit don Quichotte dans sa maison, il se mit à chercher les moyens de faire éclater ses folies, sans toutefois nuire à sa personne ; car ce ne sont plus des plaisanteries, celles qui blessent, et il n′y a point de passe-temps qui vaille, si c′est au détriment d′autrui. La première chose qu′il imagina, ce fut de faire désarmer don Quichotte, et de le montrer en public dans cet étroit pourpoint, souillé par l′armure, que nous avons déjà tant de fois décrit. On conduisit le chevalier à un balcon donnant sur une des principales rues de la ville, où on l′exposa aux regards des passants et des petits garçons, qui le regardaient comme une bête curieuse. Les cavaliers en livrée coururent de nouveau devant lui, comme si c′eût été pour lui seul, et non pour célébrer la fête du jour, qu′ils s′étaient mis en cet équipage. Quant à Sancho, il était enchanté, ravi ; car il s′imaginait que, sans savoir pourquoi ni comment, il avait retrouvé les noces de Camache, une autre maison comme celle de don Diégo de Miranda, un autre château comme celui du duc. | Comieron aquel día con don Antonio algunos de sus amigos, honrando todos y tratando a don Quijote como a caballero andante, de lo cual, hueco y pomposo, no cabía en sí de contento. Los donaires de Sancho fueron tantos, que de su boca andaban como colgados todos los criados de casa y todos cuantos le oían. Estando a la mesa, dijo don Antonio a Sancho. | Ce jour-là, plusieurs amis de don Antonio vinrent dîner chez lui. Ils traitèrent tous don Quichotte avec de grands honneurs, en vrai chevalier errant, ce qui le rendit si fier et si rengorgé, qu′il ne se sentait pas d′aise. Pour Sancho, il trouva tant de saillies, que les domestiques du logis et tous ceux qui l′entendirent étaient, comme on dit, pendus à sa bouche. Pendant le repas don Antonio dit à Sancho : | -Acá tenemos noticia, buen Sancho, que sois tan amigo de manjar blanco y de albondiguillas, que, si os sobran, las guardáis en el seno para el otro día. | « Nous avons su par ici, bon Sancho, que vous êtes si friand de boulettes et de blanc-manger, que, s′il vous en reste, vous les gardez dans votre sein pour le jour suivant. | -No, señor, no es así -respondió Sancho-, porque tengo más de limpio que de goloso, y mi señor don Quijote, que está delante, sabe bien que con un puño de bellotas, o de nueces, nos solemos pasar entrambos ocho días. Verdad es que si tal vez me sucede que me den la vaquilla, corro con la soguilla; quiero decir que como lo que me dan, y uso de los tiempos como los hallo; y quienquiera que hubiere dicho que yo soy comedor aventajado y no limpio, téngase por dicho que no acierta; y de otra manera dijera esto si no mirara a las barbas honradas que están a la mesa. |  Non, seigneur, cela n′est pas vrai, répondit Sancho, car je suis plus propre que goulu ; et mon seigneur don Quichotte, ici présent, sait fort bien qu′avec une poignée de noix ou de glands, nous passons à nous deux une semaine entière. Il est vrai que, s′il arrive parfois qu′on me donne la génisse, je cours lui mettre la corde au cou ; je veux dire que je mange ce qu′on me donne, et que je prends le temps comme il vient. Quiconque a dit que je suis un mangeur vorace et sans propreté peut se tenir pour dit qu′il ne sait ce qu′il dit ; et je lui dirais cela d′une autre façon, n′était le respect que m′imposent les vénérables barbes qui sont à cette table. | -Por cierto -dijo don Quijote-, que la parsimonia y limpieza con que Sancho come se puede escribir y grabar en láminas de bronce, para que quede en memoria eterna de los siglos venideros. Verdad es que, cuando él tiene hambre, parece algo tragón, porque come apriesa y masca a dos carrillos; pero la limpieza siempre la tiene en su punto, y en el tiempo que fue gobernador aprendió a comer a lo melindroso: tanto, que comía con tenedor las uvas y aun los granos de la granada. |  Assurément, ajouta don Quichotte, la modération et la propreté avec lesquelles Sancho mange peuvent s′écrire et se graver sur des feuilles de bronze, pour qu′il en demeure un souvenir éternel dans les siècles futurs. À la vérité, quand il a faim, il est un peu glouton, car il mâche des deux côtés, et il avale les morceaux quatre à quatre. Mais, pour la propreté, jamais il n′est en défaut, et, dans le temps qu′il fut gouverneur, il apprit à manger en petite-maîtresse, tellement qu′il prenait avec une fourchette les grains de raisin, et même ceux de grenade. | -¡Cómo! -dijo don Antonio-. ¿Gobernador ha sido Sancho. |  Comment ! s′écria don Antonio, Sancho a été gouverneur ? | -Sí -respondió Sancho-, y de una ínsula llamada la Barataria. Diez días la goberné a pedir de boca; en ellos perdí el sosiego, y aprendí a despreciar todos los gobiernos del mundo; salí huyendo della, caí en una cueva, donde me tuve por muerto, de la cual salí vivo por milagro. |  Oui, répondit Sancho, et d′une île appelée la Barataria. Je l′ai gouvernée dix jours à bouche que veux-tu ; en ces dix jours j′ai perdu le repos et le sommeil, et j′ai appris à mépriser tous les gouvernements du monde. J′ai quitté l′île en fuyant ; puis je suis tombé dans une caverne, où je me crus mort, et dont je suis sorti vivant par miracle. » | Contó don Quijote por menudo todo el suceso del gobierno de Sancho, con que dio gran gusto a los oyentes. | Don Quichotte alors conta par le menu toute l′aventure du gouvernement de Sancho, ce qui divertit fort la compagnie. | Levantados los manteles, y tomando don Antonio por la mano a don Quijote, se entró con él en un apartado aposento, en el cual no había otra cosa de adorno que una mesa, al parecer de jaspe, que sobre un pie de lo mesmo se sostenía, sobre la cual estaba puesta, al modo de las cabezas de los emperadores romanos, de los pechos arriba, una que semejaba ser de bronce. Paseóse don Antonio con don Quijote por todo el aposento, rodeando muchas veces la mesa, después de lo cual dijo. | Au sortir de table, don Antonio prit don Quichotte par la main, et le mena dans un appartement écarté, où il ne se trouvait d′autre meuble et d′autre ornement qu′une table en apparence de jaspe, soutenue par un pied de même matière. Sur cette table était posée une tête, à la manière des bustes d′empereurs romains, qui paraissait être de bronze. Don Antonio promena d′abord don Quichotte par toute la chambre, et fit plusieurs fois le tour de la table. | -Agora, señor don Quijote, que estoy enterado que no nos oye y escucha alguno, y está cerrada la puerta, quiero contar a vuestra merced una de las más raras aventuras, o, por mejor decir, novedades que imaginarse pueden, con condición que lo que a vuestra merced dijere lo ha de depositar en los últimos retretes del secreto. | « Maintenant, dit-il ensuite, que je suis assuré de n′être entendu de personne, et que la porte est bien fermée, je veux, seigneur don Quichotte, conter à Votre Grâce une des plus étranges aventures, ou nouveautés, pour mieux dire, qui se puisse imaginer, mais sous la condition que Votre Grâce ensevelira ce que je vais lui dire dans les dernières profondeurs du secret. | -Así lo juro -respondió don Quijote-, y aun le echaré una losa encima, para más seguridad; porque quiero que sepa vuestra merced, señor don Antonio -que ya sabía su nombre-, que está hablando con quien, aunque tiene oídos para oír, no tiene lengua para hablar; así que, con seguridad puede vuestra merced trasladar lo que tiene en su pecho en el mío y hacer cuenta que lo ha arrojado en los abismos del silencio. |  Je le jure, répondit don Quichotte ; et, pour plus de sûreté, je mettrai une dalle de pierre par-dessus. Sachez, seigneur don Antonio (don Quichotte avait appris le nom de son hôte), que vous parlez à quelqu′un qui, bien qu′il ait des oreilles pour entendre, n′a pas de langue pour parler. Ainsi Votre Grâce peut, en toute assurance, verser dans mon cœur ce qu′elle a dans le sien, et se persuader qu′elle l′a jeté dans les abîmes du silence. | -En fee de esa promesa -respondió don Antonio-, quiero poner a vuestra merced en admiración con lo que viere y oyere, y darme a mí algún alivio de la pena que me causa no tener con quien comunicar mis secretos, que no son para fiarse de todos. |  Sur la foi de cette promesse, reprit don Antonio, je veux mettre Votre Grâce dans l′admiration de ce qu′elle va voir et entendre, et donner aussi quelque soulagement au chagrin que j′endure de n′avoir personne à qui communiquer mes secrets, lesquels, en effet, ne sont pas de nature à être confiés à tout le monde. » | Suspenso estaba don Quijote, esperando en qué habían de parar tantas prevenciones. En esto, tomándole la mano don Antonio, se la paseó por la cabeza de bronce y por toda la mesa, y por el pie de jaspe sobre que se sostenía, y luego dijo. | Don Quichotte restait immobile, attendant avec anxiété où aboutiraient tant de précautions. Alors don Antonio, lui prenant la main, la lui fit promener sur la tête de bronze, sur la table de jaspe et le pied qui la soutenait ; puis il dit enfin : | -Esta cabeza, señor don Quijote, ha sido hecha y fabricada por uno de los mayores encantadores y hechiceros que ha tenido el mundo, que creo era polaco de nación y dicípulo del famoso Escotillo, de quien tantas maravillas se cuentan; el cual estuvo aquí en mi casa, y por precio de mil escudos que le di, labró esta cabeza, que tiene propiedad y virtud de responder a cuantas cosas al oído le preguntaren. Guardó rumbos, pintó carácteres, observó astros, miró puntos, y, finalmente, la sacó con la perfeción que veremos mañana, porque los viernes está muda, y hoy, que lo es, nos ha de hacer esperar hasta mañana. En este tiempo podrá vuestra merced prevenirse de lo que querrá preguntar, que por esperiencia sé que dice verdad en cuanto responde. | « Cette tête, seigneur don Quichotte, a été fabriquée par un des plus grands enchanteurs et sorciers qu′ait possédés le monde. Il était, je crois, Polonais de nation, et disciple du fameux Escotillo, duquel on raconte tant de merveilles. Il vint loger ici dans ma maison, et pour le prix de mille écus que je lui donnai, il fabriqua cette tête, qui a la vertu singulière de répondre à toutes les choses qu′on lui demande à l′oreille. Il traça des cercles, peignit des hiéroglyphes, observa les astres, saisit les conjonctions, et, finalement, termina son ouvrage avec la perfection que nous verrons demain ; les vendredis elle est muette, et comme ce jour est justement un vendredi, elle ne recouvrera que demain la parole. Dans l′intervalle, Votre Grâce pourra préparer les questions qu′elle entend lui faire ; car je sais par expérience qu′en toutes ses réponses elle dit la vérité. » | Admirado quedó don Quijote de la virtud y propiedad de la cabeza, y estuvo por no creer a don Antonio; pero, por ver cuán poco tiempo había para hacer la experiencia, no quiso decirle otra cosa sino que le agradecía el haberle descubierto tan gran secreto. Salieron del aposento, cerró la puerta don Antonio con llave, y fuéronse a la sala, donde los demás caballeros estaban. En este tiempo les había contado Sancho muchas de las aventuras y sucesos que a su amo habían acontecido. | Don Quichotte fut étrangement surpris de la vertu et des propriétés de la tête, au point qu′il n′en pouvait croire don Antonio. Mais voyant quel peu de temps restait jusqu′à l′expérience à faire, il ne voulut pas lui dire autre chose, sinon qu′il lui savait beaucoup de gré de lui avoir découvert un si grand secret. Ils sortirent de la chambre ; don Antonio en ferma la porte à la clef, et ils revinrent dans la salle d′assemblée, où les attendaient les autres gentilshommes, à qui Sancho avait raconté, dans l′intervalle, plusieurs des aventures arrivées à son maître. | Aquella tarde sacaron a pasear a don Quijote, no armado, sino de rúa, vestido un balandrán de paño leonado, que pudiera hacer sudar en aquel tiempo al mismo yelo. Ordenaron con sus criados que entretuviesen a Sancho de modo que no le dejasen salir de casa. Iba don Quijote, no sobre Rocinante, sino sobre un gran macho de paso llano, y muy bien aderezado. Pusiéronle el balandrán, y en las espaldas, sin que lo viese, le cosieron un pargamino, donde le escribieron con letras grandes: Éste es don Quijote de la Mancha. En comenzando el paseo, llevaba el rétulo los ojos de cuantos venían a verle, y como leían: Éste es don Quijote de la Mancha, admirábase don Quijote de ver que cuantos le miraban le nombraban y conocían; y, volviéndose a don Antonio, que iba a su lado, le dijo: | Le soir venu, on mena promener don Quichotte, non point armé, mais en habit de ville, avec une houppelande de drap fauve sur les épaules, qui aurait fait, par ce temps-là, suer la glace même ; les valets de la maison étaient chargés d′amuser Sancho de manière à ne pas le laisser sortir. Don Quichotte était monté, non sur Rossinante, mais sur un grand mulet d′une allure douce et richement harnaché. On mit la houppelande au chevalier, et, sans qu′il le vît, on lui attacha sur le dos un parchemin où était écrit en grandes lettres : « Voilà don Quichotte de la Manche. » Dès qu′on fut en marche, l′écriteau frappa les yeux de tous les passants ; et, comme ils lisaient aussitôt : « Voilà don Quichotte de la Manche » don Quichotte s′étonnait de voir que tous ceux qui le regardaient passer le connussent et l′appelassent par son nom. Il se tourna vers don Antonio, qui marchait à ses côtés, et lui dit : | -Grande es la prerrogativa que encierra en sí la andante caballería, pues hace conocido y famoso al que la profesa por todos los términos de la tierra; si no, mire vuestra merced, señor don Antonio, que hasta los muchachos desta ciudad, sin nunca haberme visto, me conocen. | « Grande est la prérogative qu′enferme en soi la chevalerie errante, puisqu′elle fait connaître celui qui l′exerce, et le rend fameux par tous les pays de la terre. Voyez un peu, seigneur don Antonio, jusqu′aux petits garçons de cette ville me reconnaissent sans m′avoir vu. | -Así es, señor don Quijote -respondió don Antonio-, que, así como el fuego no puede estar escondido y encerrado, la virtud no puede dejar de ser conocida, y la que se alcanza por la profesión de las armas resplandece y campea sobre todas las otras. |  Il en doit être ainsi, seigneur don Quichotte, répondit don Antonio. De même que le feu ne peut être enfermé ni caché, de même la vertu ne peut manquer d′être connue ; et celle qui s′acquiert par la profession des armes brille et resplendit par-dessus toutes les autres. » | Acaeció, pues, que, yendo don Quijote con el aplauso que se ha dicho, un castellano que leyó el rétulo de las espaldas, alzó la voz, diciendo. | Or, il arriva que, tandis que don Quichotte marchait au milieu de ces applaudissements, un Castillan, qui lut l′écriteau derrière son dos, s′approcha et lui dit en face : | -¡Válgate el diablo por don Quijote de la Mancha! ¿Cómo que hasta aquí has llegado, sin haberte muerto los infinitos palos que tienes a cuestas? Tu eres loco, y si lo fueras a solas y dentro de las puertas de tu locura, fuera menos mal; pero tienes propiedad de volver locos y mentecatos a cuantos te tratan y comunican; si no, mírenlo por estos señores que te acompañan. Vuélvete, mentecato, a tu casa, y mira por tu hacienda, por tu mujer y tus hijos, y déjate destas vaciedades que te carcomen el seso y te desnatan el entendimiento. | « Diable soit de don Quichotte de la Manche ! Comment as-tu pu arriver jusqu′ici, sans être mort sous la multitude infinie de coups de bâton dont on a chargé tes épaules ! Tu es un fou ; et si tu l′étais à l′écart, pour toi seul, enfermé dans les portes de ta folie, le mal ne serait pas grand ; mais tu as la propriété contagieuse de rendre fou tous ceux qui ont affaire à toi. Qu′on voie plutôt ces seigneurs qui t′accompagnent. Va-t′en, imbécile, retourne chez toi ; prends soin de ton bien, de ta femme et de tes enfants, et laisse là ces billevesées qui te rongent la cervelle et te dessèchent l′entendement. | -Hermano -dijo don Antonio-, seguid vuestro camino, y no deis consejos a quien no os los pide. El señor don Quijote de la Mancha es muy cuerdo, y nosotros, que le acompañamos, no somos necios; la virtud se ha de honrar dondequiera que se hallare, y andad en hora mala, y no os metáis donde no os llaman. |  Frère, répondit don Antonio, passez votre chemin, et ne vous mêlez point de donner des conseils à qui ne vous en demande pas. Le seigneur don Quichotte est parfaitement dans son bon sens, et nous qui l′accompagnons ne sommes pas des imbéciles. La vertu doit être honorée en quelque part qu′elle se trouve. Maintenant, allez à la male heure, et tâchez de ne pas vous fourrer où l′on ne vous appelle point. | -Pardiez, vuesa merced tiene razón -respondió el castellano-, que aconsejar a este buen hombre es dar coces contra el aguijón; pero, con todo eso, me da muy gran lástima que el buen ingenio que dicen que tiene en todas las cosas este mentecato se le desagüe por la canal de su andante caballería; y la enhoramala que vuesa merced dijo, sea para mí y para todos mis descendientes si de hoy más, aunque viviese más años que Matusalén, diere consejo a nadie, aunque me lo pida. |  Pardieu ! Votre Grâce a bien raison, répondit le Castillan ; car donner des conseils à ce brave homme, c′est donner du poing contre l′aiguillon. Et cependant cela me fait grande pitié de voir le bon esprit que cet imbécile, dit-on, montre en toutes choses, se perdre et s′écouler par la fêlure de la chevalerie errante. Mais que la male heure dont Votre Grâce m′a gratifié soit pour moi et pour tous mes descendants, si désormais, et dussé-je vivre plus que Mathusalem, je donne un conseil à personne, quand même on me le demanderait. » | Apartóse el consejero; siguió adelante el paseo; pero fue tanta la priesa que los muchachos y toda la gente tenía leyendo el rétulo, que se le hubo de quitar don Antonio, como que le quitaba otra cosa. | Le conseiller disparut, et la promenade continua. Mais il vint une telle foule de polissons et de toutes sortes de gens pour lire l′écriteau, que don Antonio fut obligé de l′ôter du dos de don Quichotte, comme s′il en eût ôté toute autre chose. | Llegó la noche, volviéronse a casa; hubo sarao de damas, porque la mujer de don Antonio, que era una señora principal y alegre, hermosa y discreta, convidó a otras sus amigas a que viniesen a honrar a su huésped y a gustar de sus nunca vistas locuras. Vinieron algunas, cenóse espléndidamente y comenzóse el sarao casi a las diez de la noche. Entre las damas había dos de gusto pícaro y burlonas, y, con ser muy honestas, eran algo descompuestas, por dar lugar que las burlas alegrasen sin enfado. Éstas dieron tanta priesa en sacar a danzar a don Quijote, que le molieron, no sólo el cuerpo, pero el ánima. Era cosa de ver la figura de don Quijote, largo, tendido, flaco, amarillo, estrecho en el vestido, desairado, y, sobre todo, no nada ligero. Requebrábanle como a hurto las damiselas, y él, también como a hurto, las desdeñaba; pero, viéndose apretar de requiebros, alzó la voz y dijo: | La nuit vint, et l′on regagna la maison, où il y eut grande assemblée de dames ; car la femme de don Antonio, qui était une personne de qualité, belle, aimable, enjouée, avait invité plusieurs de ses amies pour qu′elles vinssent faire honneur à son hôte et s′amuser de ses étranges folies. Elles vinrent pour la plupart ; on soupa splendidement, et le bal commença vers dix heures du soir. Parmi les dames, il s′en trouvait deux d′humeur folâtre et moqueuse, qui, bien qu′honnêtes, étaient un peu évaporées, et dont les plaisanteries amusaient sans fâcher. Elles s′évertuèrent si bien à faire danser don Quichotte, qu′elles lui exténuèrent non-seulement le corps, mais l′âme aussi. C′était une chose curieuse à voir que la figure de don Quichotte, long, fluet, sec, jaune, serré dans ses habits, maussade, et, de plus, nullement léger. Les demoiselles lui lançaient, comme à la dérobée, des œillades et des propos d′amour ; et lui, aussi comme à la dérobée, répondait dédaigneusement à leurs avances. Mais enfin, se voyant assailli et serré de près par tant d′agaceries, il éleva la voix et s′écria : | -Fugite, partes adversae!: dejadme en mi sosiego, pensamientos mal venidos. Allá os avenid, señoras, con vuestros deseos, que la que es reina de los míos, la sin par Dulcinea del Toboso, no consiente que ningunos otros que los suyos me avasallen y rindan. | « Fugite, partes adversœ ; laissez-moi dans mon repos, pensées mal venues ; arrangez-vous, mesdames, avec vos désirs, car celle qui règne sur les miens, la sans pareille Dulcinée du Toboso, ne permet pas à d′autres que les siens de me vaincre et de me subjuguer. » | Y, diciendo esto, se sentó en mitad de la sala, en el suelo, molido y quebrantado de tan bailador ejercicio. Hizo don Antonio que le llevasen en peso a su lecho, y el primero que asió dél fue Sancho, diciéndole. | Cela dit, il s′assit par terre, au milieu du salon, brisé et moulu d′un si violent exercice. Don Antonio le fit emporter à bras dans son lit, et le premier qui se mit à l′œuvre fut Sancho. | -¡Nora en tal, señor nuestro amo, lo habéis bailado! ¿Pensáis que todos los valientes son danzadores y todos los andantes caballeros bailarines? Digo que si lo pensáis, que estáis engañado; hombre hay que se atreverá a matar a un gigante antes que hacer una cabriola. Si hubiérades de zapatear, yo supliera vuestra falta, que zapateo como un girifalte; pero en lo del danzar, no doy puntada. | « Holà, holà ! seigneur mon maître, dit-il, vous vous en êtes joliment tiré. Est-ce que vous pensiez que tous les braves sont des danseurs, et tous les chevaliers errants des faiseurs d′entrechats ? Pardieu ! si vous l′aviez pensé, vous étiez bien dans l′erreur. Il y a tel homme qui s′aviserait de tuer un géant plutôt que de faire une cabriole. Ah ! s′il avait fallu jouer à la savate, je vous aurais bien remplacé ; car, pour me donner du talon dans le derrière, je suis un aigle ; mais pour toute autre danse, je n′y entends rien. » | Con estas y otras razones dio que reír Sancho a los del sarao, y dio con su amo en la cama, arropándole para que sudase la frialdad de su baile. | Avec ces propos, et d′autres encore, Sancho fit rire toute la compagnie ; puis il alla mettre son seigneur au lit, en le couvrant bien, pour lui faire suer les fraîcheurs prises au bal. | Otro día le pareció a don Antonio ser bien hacer la experiencia de la cabeza encantada, y con don Quijote, Sancho y otros dos amigos, con las dos señoras que habían molido a don Quijote en el baile, que aquella propia noche se habían quedado con la mujer de don Antonio, se encerró en la estancia donde estaba la cabeza. Contóles la propiedad que tenía, encargóles el secreto y díjoles que aquél era el primero día donde se había de probar la virtud de la tal cabeza encantada; y si no eran los dos amigos de don Antonio, ninguna otra persona sabía el busilis del encanto, y aun si don Antonio no se le hubiera descubierto primero a sus amigos, también ellos cayeran en la admiración en que los demás cayeron, sin ser posible otra cosa: con tal traza y tal orden estaba fabricada. | Le lendemain, don Antonio trouva bon de faire l′expérience de la tête enchantée. Suivi de don Quichotte, de Sancho, de deux autres amis, et des deux dames qui avaient si bien exténué don Quichotte au bal, et qui avaient passé la nuit avec la femme de don Antonio, il alla s′enfermer dans la chambre où était la tête de bronze. Il expliqua aux assistants la propriété qu′elle avait, leur recommanda le secret, et leur dit que c′était le premier jour qu′il éprouvait la vertu de cette tête enchantée. À l′exception des deux amis de don Antonio, personne ne savait le mystère de l′enchantement, et, si don Antonio ne l′eût d′abord découvert à ses amis, ils seraient eux-mêmes tombés, sans pouvoir s′en défendre, dans la surprise et l′admiration où tombèrent les autres, tant la machine était fabriquée avec adresse et perfection. | El primero que se llegó al oído de la cabeza fue el mismo don Antonio, y díjole en voz sumisa, pero no tanto que de todos no fuese entendida. | Le premier qui s′approcha à l′oreille de la tête fut don Antonio lui-même. Il lui dit d′une voix soumise, mais non si basse pourtant que tout le monde ne l′entendît : | -Dime, cabeza, por la virtud que en ti se encierra: ¿qué pensamientos tengo yo agora. | « Dis-moi, tête, par la vertu que tu possèdes en toi, quelles pensées ai-je à présent ? » | Y la cabeza le respondió, sin mover los labios, con voz clara y distinta, de modo que fue de todos entendida, esta razón. | Et la tête répondit sans remuer les lèvres, mais d′une voix claire et distincte, de façon à être entendue de tout le monde : | -Yo no juzgo de pensamientos. | « Je ne juge pas des pensées. » | Oyendo lo cual, todos quedaron atónitos, y más viendo que en todo el aposento ni al derredor de la mesa no había persona humana que responder pudiese. | À cette réponse, tous les assistants demeurèrent stupéfaits, voyant surtout que, dans la chambre, ni autour de la table, il n′y avait pas âme humaine qui pût répondre. | -¿Cuántos estamos aquí? -tornó a preguntar don Antonio. | « Combien sommes-nous ici ? demanda don Antonio. | Y fuele respondido por el propio tenor, paso. |  Vous êtes, lui répondit-on lentement et de la même manière, | -Estáis tú y tu mujer, con dos amigos tuyos, y dos amigas della, y un caballero famoso llamado don Quijote de la Mancha, y un su escudero que Sancho Panza tiene por nombre. | toi et ta femme, avec deux de tes amis et deux de ses amies, ainsi qu′un chevalier fameux, appelé don Quichotte de la Manche, et un sien écuyer qui a nom Sancho Panza. » | ¡Aquí sí que fue el admirarse de nuevo, aquí sí que fue el erizarse los cabellos a todos de puro espanto! Y, apartándose don Antonio de la cabeza, dijo. | Ce fut alors que redoubla l′étonnement, ce fut alors que les cheveux se hérissèrent d′effroi sur tous les fronts. Don Antonio s′éloigna de la tête. | -Esto me basta para darme a entender que no fui engañado del que te me vendió, ¡cabeza sabia, cabeza habladora, cabeza respondona y admirable cabeza! Llegue otro y pregúntele lo que quisiere. | « Cela me suffit, dit-il, pour me convaincre que je n′ai pas été trompé par celui qui t′a vendue, tête savante, tête parleuse, tête répondeuse et tête admirable. Qu′un autre approche et lui demande ce qu′il voudra. » | Y, como las mujeres de ordinario son presurosas y amigas de saber, la primera que se llegó fue una de las dos amigas de la mujer de don Antonio, y lo que le preguntó fue. | Comme les femmes sont généralement empressées et curieuses de voir et de savoir, ce fut une des amies de la femme de don Antonio qui s′approcha la première. | -Dime, cabeza, ¿qué haré yo para ser muy hermosa. | « Dis-moi, tête, lui demanda-t-elle, | Y fuele respondido. | que ferai-je pour être très-belle ? | -Sé muy honesta. |  Sois très-honnête, lui répondit-on. | -No te pregunto más -dijo la preguntanta. |  Je n′en demande pas plus », reprit la questionneuse. | Llegó luego la compañera, y dijo. | Sa compagne accourut aussitôt et dit : | -Querría saber, cabeza, si mi marido me quiere bien, o no. | « Je voudrais savoir, tête, si mon mari m′aime bien ou non. | Y respondiéronle: |  Vois comme il se conduit, répondit-on, | -Mira las obras que te hace, y echarlo has de ver. | et tu connaîtras son amour à ses œuvres. » | Apartóse la casada diciendo. | La mariée se retira en disant : | -Esta respuesta no tenía necesidad de pregunta, porque, en efecto, las obras que se hacen declaran la voluntad que tiene el que las hace. | « Cette réponse n′avait pas besoin de question ; car effectivement ce sont les œuvres qui témoignent du degré d′affection de celui qui les fait. » | Luego llegó uno de los dos amigos de don Antonio, y preguntóle. | Un des deux amis de don Antonio s′approcha et demanda : | -¿Quién soy yo. | « Qui suis-je ? » | Y fuele respondido. | On lui répondit : | -Tú lo sabes. | « Tu le sais. | -No te pregunto eso -respondió el caballero-, sino que me digas si me conoces tú. |  Ce n′est pas cela que je te demande, reprit le gentilhomme, mais que tu dises si tu me connais. | -Sí conozco -le respondieron-, que eres don Pedro Noriz. |  Oui, je te connais, répondit-on ; tu es don Pédro Noriz. | -No quiero saber más, pues esto basta para entender, ¡oh cabeza!, que lo sabes todo. |  Je n′en veux pas savoir davantage, répliqua don Pédro, car cela suffit pour m′apprendre, ô tête, que tu sais tout. » | Y, apartándose, llegó el otro amigo y preguntóle: | Il s′éloigna ; l′autre ami vint, et demanda à son tour : | -Dime, cabeza, ¿qué deseos tiene mi hijo el mayorazgo. | « Dis-moi, tête, quel désir a mon fils, l′héritier du majorat ? | -Ya yo he dicho -le respondieron- que yo no juzgo de deseos, pero, con todo eso, te sé decir que los que tu hijo tiene son de enterrarte. |  J′ai déjà dit, répondit-on, que je ne juge pas des désirs ; cependant je puis te dire que ceux qu′a ton fils sont de t′enterrer. | -Eso es -dijo el caballero-: lo que veo por los ojos, con el dedo lo señalo. |  C′est cela, reprit le gentilhomme ; ce que je vois des yeux, je le montre du doigt ; je n′en demande pas plus. » | Y no preguntó más. Llegóse la mujer de don Antonio, y dijo. | La femme de don Antonio s′approcha et dit : | -Yo no sé, cabeza, qué preguntarte; sólo querría saber de ti si gozaré muchos años de buen marido. | « En vérité, tête, je ne sais que te demander. Je voudrais seulement savoir de toi si je conserverai longtemps mon bon mari. | Y respondiéronle. |  Oui, longtemps, lui répondit-on, | -Sí gozarás, porque su salud y su templanza en el vivir prometen muchos años de vida, la cual muchos suelen acortar por su destemplanza. | parce que sa bonne santé et sa tempérance lui promettent de longues années, tandis que bien des gens accourcissent la leur par les dérèglements. » | Llegóse luego don Quijote, y dijo: | Enfin don Quichotte s′approcha et dit : | -Dime tú, el que respondes: ¿fue verdad o fue sueño lo que yo cuento que me pasó en la cueva de Montesinos? ¿Serán ciertos los azotes de Sancho mi escudero? ¿Tendrá efeto el desencanto de Dulcinea. | « Dis-moi, toi qui réponds, était-ce la vérité, était-ce un songe, ce que je raconte comme m′étant arrivé dans la caverne de Montésinos ? Les coups de fouet de Sancho, mon écuyer, se donneront-ils jusqu′au bout ? Le désenchantement de Dulcinée s′effectuera-t-il ? | -A lo de la cueva -respondieron- hay mucho que decir: de todo tiene; los azotes de Sancho irán de espacio, el desencanto de Dulcinea llegará a debida ejecución. |  Quant à l′histoire de la caverne, répondit-on, il y a beaucoup à dire. Elle a de tout, du faux et du vrai ; les coups de fouet de Sancho iront lentement ; le désenchantement de Dulcinée arrivera à sa complète réalisation. | -No quiero saber más -dijo don Quijote-; que como yo vea a Dulcinea desencantada, haré cuenta que vienen de golpe todas las venturas que acertare a desear. |  Je n′en veux pas savoir davantage, reprit don Quichotte ; pourvu que je voie Dulcinée désenchantée, je croirai que tous les bonheurs désirables m′arrivent à la fois. » | El último preguntante fue Sancho, y lo que preguntó fue. | Le dernier questionneur fut Sancho, et voici ce qu′il demanda : | -¿Por ventura, cabeza, tendré otro gobierno? ¿Saldré de la estrecheza de escudero? ¿Volveré a ver a mi mujer y a mis hijos. | « Est-ce que, par hasard, tête, j′aurai un autre gouvernement ? Est-ce que je sortirai du misérable état d′écuyer ? Est-ce que je reverrai ma femme et mes enfants ? » | A lo que le respondieron. | On lui répondit : | -Gobernarás en tu casa; y si vuelves a ella, verás a tu mujer y a tus hijos; y, dejando de servir, dejarás de ser escudero. | « Tu gouverneras dans ta maison, et, si tu y retournes, tu verras ta femme et tes enfants ; et, si tu cesses de servir, tu cesseras d′être écuyer. | -¡Bueno, par Dios! -dijo Sancho Panza-. Esto yo me lo dijera: no dijera más el profeta Perogrullo. |  Pardieu ! voilà qui est bon ! s′écria Sancho. Je me serais bien dit cela moi-même ; et le prophète Péro-Grullo ne dirait pas mieux. | -Bestia -dijo don Quijote-, ¿qué quieres que te respondan? ¿No basta que las respuestas que esta cabeza ha dado correspondan a lo que se le pregunta. |  Bête que tu es, reprit don Quichotte, que veux-tu qu′on te réponde ? N′est-ce pas assez que les réponses de cette tête concordent avec ce qu′on lui demande ? | -Sí basta -respondió Sancho-, pero quisiera yo que se declarara más y me dijera más. |  Si fait, c′est assez, répliqua Sancho ; mais j′aurais pourtant voulu qu′elle s′expliquât mieux et m′en dît davantage. » | Con esto se acabaron las preguntas y las respuestas, pero no se acabó la admiración en que todos quedaron, excepto los dos amigos de don Antonio, que el caso sabían. El cual quiso Cide Hamete Benengeli declarar luego, por no tener suspenso al mundo, creyendo que algún hechicero y extraordinario misterio en la tal cabeza se encerraba; y así, dice que don Antonio Moreno, a imitación de otra cabeza que vio en Madrid, fabricada por un estampero, hizo ésta en su casa, para entretenerse y suspender a los ignorantes; y la fábrica era de esta suerte: la tabla de la mesa era de palo, pintada y barnizada como jaspe, y el pie sobre que se sostenía era de lo mesmo, con cuatro garras de águila que dél salían, para mayor firmeza del peso. La cabeza, que parecía medalla y figura de emperador romano, y de color de bronce, estaba toda hueca, y ni más ni menos la tabla de la mesa, en que se encajaba tan justamente, que ninguna señal de juntura se parecía. El pie de la tabla era ansimesmo hueco, que respondía a la garganta y pechos de la cabeza, y todo esto venía a responder a otro aposento que debajo de la estancia de la cabeza estaba. Por todo este hueco de pie, mesa, garganta y pechos de la medalla y figura referida se encaminaba un cañón de hoja de lata, muy justo, que de nadie podía ser visto. En el aposento de abajo correspondiente al de arriba se ponía el que había de responder, pegada la boca con el mesmo cañón, de modo que, a modo de cerbatana, iba la voz de arriba abajo y de abajo arriba, en palabras articuladas y claras; y de esta manera no era posible conocer el embuste. Un sobrino de don Antonio, estudiante agudo y discreto, fue el respondiente; el cual, estando avisado de su señor tío de los que habían de entrar con él en aquel día en el aposento de la cabeza, le fue fácil responder con presteza y puntualidad a la primera pregunta; a las demás respondió por conjeturas, y, como discreto, discretamente. Y dice más Cide Hamete: que hasta diez o doce días duró esta maravillosa máquina; pero que, divulgándose por la ciudad que don Antonio tenía en su casa una cabeza encantada, que a cuantos le preguntaban respondía, temiendo no llegase a los oídos de las despiertas centinelas de nuestra Fe, habiendo declarado el caso a los señores inquisidores, le mandaron que lo deshiciese y no pasase más adelante, porque el vulgo ignorante no se escandalizase; pero en la opinión de don Quijote y de Sancho Panza, la cabeza quedó por encantada y por respondona, más a satisfación de don Quijote que de Sancho. | Là se terminèrent les demandes et les réponses, mais non l′admiration qu′emportèrent tous les assistants, excepté les deux amis de don Antonio, qui savaient le secret de l′aventure. Ce secret, Cid Hamet Ben-Engéli veut sur-le-champ le déclarer, pour ne pas tenir le monde en suspens, et laisser croire que cette tête enfermait quelque sorcellerie, quelque mystère surnaturel. Don Antonio Moréno, dit-il, à l′imitation d′une autre tête qu′il avait vue à Madrid, chez un fabricant d′images, fit faire celle-là dans sa maison, pour se divertir aux dépens des ignorants. La composition en était fort simple. Le plateau de la table était en bois peint et verni, pour imiter le jaspe, ainsi que le pied qui la soutenait, et les quatre griffes d′aigle qui en formaient la base. La tête, couleur de bronze et qui semblait un buste d′empereur romain, était entièrement creuse, aussi bien que le plateau de la table, où elle s′ajustait si parfaitement qu′on ne voyait aucune marque de jointure. Le pied de la table, également creux, répondait, par le haut, à la poitrine et au cou du buste, et, par le bas, à une autre chambre qui se trouvait sous celle de la tête. À travers le vide que formaient le pied de la table et la poitrine du buste romain, passait un tuyau de fer-blanc bien ajusté, et que personne ne voyait. Dans la chambre du bas, correspondant à celle du haut, se plaçait celui qui devait répondre, collant au tuyau tantôt l′oreille et tantôt la bouche, de façon que, comme par une sarbacane, la voix allait de haut en bas et de bas en haut, si claire et si bien articulée qu′on ne perdait pas une parole. De cette manière il était impossible de découvrir l′artifice. Un étudiant, neveu de don Antonio, garçon de sens et d′esprit, fut chargé des réponses, et, comme il était informé par son oncle des personnes qui devaient entrer avec lui dans la chambre de la tête, il lui fut facile de répondre sans hésiter et ponctuellement à la première question. Aux autres, il répondit par conjectures, et comme homme de sens, sensément. Cid Hamet ajoute que cette merveilleuse machine dura dix à douze jours ; mais la nouvelle s′étant répandue dans la ville que don Antonio avait chez lui une tête enchantée qui répondait à toutes les questions qui lui étaient faites, ce gentilhomme craignit que le bruit n′en vînt aux oreilles des vigilantes sentinelles de notre foi. Il alla déclarer la chose à messieurs les inquisiteurs, qui lui commandèrent de démonter la figure et n′en plus faire usage, crainte que le vulgaire ignorant ne se scandalisât. Mais, dans l′opinion de don Quichotte et de Sancho Panza, la tête resta pour enchantée, répondeuse et raisonneuse, plus à la satisfaction de don Quichotte que de Sancho. | Los caballeros de la ciudad, por complacer a don Antonio y por agasajar a don Quijote y dar lugar a que descubriese sus sandeces, ordenaron de correr sortija de allí a seis días; que no tuvo efecto por la ocasión que se dirá adelante. Diole gana a don Quijote de pasear la ciudad a la llana y a pie, temiendo que, si iba a caballo, le habían de perseguir los mochachos, y así, él y Sancho, con otros dos criados que don Antonio le dio, salieron a pasearse. | Les gentilshommes de la ville, pour complaire à don Antonio et pour fêter don Quichotte, ainsi que pour lui fournir l′occasion d′étaler en public ses extravagances, résolurent de donner, à six jours de là, une course de bague ; mais cette course n′eut pas lieu, par une circonstance qui se dira plus loin. | Sucedió, pues, que, yendo por una calle, alzó los ojos don Quijote, y vio escrito sobre una puerta, con letras muy grandes: Aquí se imprimen libros; de lo que se contentó mucho, porque hasta entonces no había visto emprenta alguna, y deseaba saber cómo fuese. Entró dentro, con todo su acompañamiento, y vio tirar en una parte, corregir en otra, componer en ésta, enmendar en aquélla, y, finalmente, toda aquella máquina que en las emprentas grandes se muestra. Llegábase don Quijote a un cajón y preguntaba qué era aquéllo que allí se hacía; dábanle cuenta los oficiales, admirábase y pasaba adelante. Llegó en otras a uno, y preguntóle qué era lo que hacía. El oficial le respondió. | Dans l′intervalle, don Quichotte prit fantaisie de parcourir la ville, mais à pied et sans équipage, craignant, s′il montait à cheval, d′être poursuivi par les petits garçons et les désœuvrés. Il sortit avec Sancho et deux autres domestiques que lui donna don Antonio. Or, il arriva qu′en passant dans une rue, don Quichotte leva les yeux, et vit écrit sur une porte, en grandes lettres : Ici on imprime des livres. Cette rencontre le réjouit beaucoup ; car il n′avait vu jusqu′alors aucune imprimerie, et il désirait fort savoir ce que c′était. Il entra avec tout son cortège, et vit composer par-ci, tirer par-là, corriger, mettre en formes, et finalement tous les procédés dont on use dans les grandes imprimeries. Don Quichotte s′approchait d′une casse, et demandait ce qu′on y faisait ; l′ouvrier lui en rendait compte, le chevalier admirait et passait outre. Il s′approcha entre autres d′un compositeur, et lui demanda ce qu′il faisait. | -Señor, este caballero que aquí está -y enseñóle a un hombre de muy buen talle y parecer y de alguna gravedad- ha traducido un libro toscano en nuestra lengua castellana, y estoyle yo componiendo, para darle a la estampa. | « Seigneur, répondit l′ouvrier en lui désignant un homme de bonne mine et d′un air grave, ce gentilhomme que voilà a traduit un livre italien en notre langue castillane, et je suis à le composer pour le mettre sous presse. | -¿Qué título tiene el libro? -preguntó don Quijote. |  Quel titre a ce livre ? » demanda don Quichotte. | -A lo que el autor respondió. | Alors l′auteur, prenant la parole : | -Señor, el libro, en toscano, se llama Le bagatele. | « Seigneur, dit-il, ce livre se nomme, en italien, le Bagatelle. | -Y ¿qué responde le bagatele en nuestro castellano? -preguntó don Quijote. |  Et que veut dire le Bagatelle en notre castillan ? demanda don Quichotte. | -Le bagatele -dijo el autor- es como si en castellano dijésemos los juguetes; y, aunque este libro es en el nombre humilde, contiene y encierra en sí cosas muy buenas y sustanciales. |  Le Bagatelle, reprit l′auteur, signifie les Bagatelles , et, bien que ce livre soit humble dans son titre, il renferme pourtant des choses fort bonnes et fort substantielles. | -Yo -dijo don Quijote- sé algún tanto de el toscano, y me precio de cantar algunas estancias del Ariosto. Pero dígame vuesa merced, señor mío, y no digo esto porque quiero examinar el ingenio de vuestra merced, sino por curiosidad no más: ¿ha hallado en su escritura alguna vez nombrar piñata? . |  Je sais quelque peu de la langue italienne, dit don Quichotte, et je me fais gloire de chanter quelques stances de l′Arioste. Mais dites-moi, seigneur (et je ne dis point cela pour passer examen de l′esprit de Votre Grâce, mais par simple curiosité), avez-vous trouvé dans votre original le mot pignata ? | -Sí, muchas veces -respondió el autor. |  Oui, plusieurs fois, répondit l′auteur. | -Y ¿cómo la traduce vuestra merced en castellano? -preguntó don Quijote. |  Et comment le traduisez-vous en castillan ? demanda don Quichotte. | -¿Cómo la había de traducir -replicó el autor-, sino diciendo olla. |  Comment pourrais-je le traduire, répliqua l′auteur, autrement que par le mot marmite ? | -¡Cuerpo de tal -dijo don Quijote-, y qué adelante está vuesa merced en el toscano idioma! Yo apostaré una buena apuesta que adonde diga en el toscano piache, dice vuesa merced en el castellano place; y adonde diga più, dice más, y el su declara con arriba, y el giù con abajo. |  Mort de ma vie ! s′écria don Quichotte, que vous êtes avancé dans l′idiome toscan ! Je gagerais tout ce qu′on voudra qu′où l′italien dit piace, Votre Grâce met en castillan plaît, et que vous traduisez piu par plus, su par en haut, et giu par en bas. | -Sí declaro, por cierto -dijo el autor-, porque ésas son sus propias correspondencias. |  Précisément, dit l′auteur, car ce sont les propres paroles correspondantes. | -Osaré yo jurar -dijo don Quijote- que no es vuesa merced conocido en el mundo, enemigo siempre de premiar los floridos ingenios ni los loables trabajos. ¡Qué de habilidades hay perdidas por ahí! ¡Qué de ingenios arrinconados! ¡Qué de virtudes menospreciadas! Pero, con todo esto, me parece que el traducir de una lengua en otra, como no sea de las reinas de las lenguas, griega y latina, es como quien mira los tapices flamencos por el revés, que, aunque se veen las figuras, son llenas de hilos que las escurecen, y no se veen con la lisura y tez de la haz; y el traducir de lenguas fáciles, ni arguye ingenio ni elocución, como no le arguye el que traslada ni el que copia un papel de otro papel. Y no por esto quiero inferir que no sea loable este ejercicio del traducir; porque en otras cosas peores se podría ocupar el hombre, y que menos provecho le trujesen. Fuera desta cuenta van los dos famosos traductores: el uno, el doctor Cristóbal de Figueroa, en su Pastor Fido, y el otro, don Juan de Jáurigui, en su Aminta, donde felizmente ponen en duda cuál es la tradución o cuál el original. Pero dígame vuestra merced: este libro, ¿imprímese por su cuenta, o tiene ya vendido el privilegio a algún librero. |  Eh bien ! j′oserais jurer, s′écria don Quichotte, que vous n′êtes pas connu dans le monde, toujours revêche à récompenser les esprits fleuris et les louables travaux. Oh ! que de talents perdus ! que de vertus méprisées ! que de génies incompris ! Cependant, il me semble que traduire d′une langue dans une autre, à moins que ce ne soit des reines de toutes les langues, la grecque et la latine, c′est comme quand on regarde les tapisseries de Flandre à l′envers, on voit bien les figures, mais elles sont pleines de fils qui les obscurcissent, et ne paraissent point avec l′uni et la couleur de l′endroit. D′ailleurs, traduire d′une langue facile et presque semblable, cela ne prouve pas plus de l′esprit et du style, que copier et transcrire d′un papier sur l′autre. Je ne veux pas conclure, néanmoins, que ce métier de traducteur ne soit pas fort louable ; car enfin l′homme peut s′occuper à de pires choses, et qui lui donnent moins de profit . Il faut retrancher de ce compte les deux fameux traducteurs, Cristoval de Figuéroa, dans son Pastor Fido, et don Juan de Jaurégui, dans son Aminta, où, par un rare bonheur, l′un et l′autre mettent en doute quelle est la traduction, quel est l′original.< Mais, dites-moi, je vous prie, ce livre s′imprime-t-il pour votre compte, ou bien avez-vous vendu le privilège à quelque libraire ? | -Por mi cuenta lo imprimo -respondió el autor-, y pienso ganar mil ducados, por lo menos, con esta primera impresión, que ha de ser de dos mil cuerpos, y se han de despachar a seis reales cada uno, en daca las pajas. |  C′est pour mon compte qu′il s′imprime, répondit l′auteur, et je pense gagner mille ducats, pour le moins, sur cette première édition. Elle sera de deux mille exemplaires, qui s′expédieront, à six réaux pièce, en un tour de main. | -¡Bien está vuesa merced en la cuenta! -respondió don Quijote-. Bien parece que no sabe las entradas y salidas de los impresores, y las correspondencias que hay de unos a otros; yo le prometo que, cuando se vea cargado de dos mil cuerpos de libros, vea tan molido su cuerpo, que se espante, y más si el libro es un poco avieso y no nada picante. |  Votre Grâce me semble loin de compte, répliqua don Quichotte ; on voit bien que vous ne connaissez guère les rubriques des imprimeurs et les connivences qu′ils ont entre eux. Je vous promets qu′en vous voyant chargé de deux mille exemplaires d′un livre, vous aurez les épaules moulues à vous en faire peur, surtout si ce livre a peu de sel et ne vaut pas grand′chose. | -Pues, ¿qué? -dijo el autor-. ¿Quiere vuesa merced que se lo dé a un librero, que me dé por el privilegio tres maravedís, y aún piensa que me hace merced en dármelos? Yo no imprimo mis libros para alcanzar fama en el mundo, que ya en él soy conocido por mis obras: provecho quiero, que sin él no vale un cuatrín la buena fama. |  Comment donc ! reprit l′auteur, vous voulez que j′en fasse cadeau à quelque libraire, qui me donnera trois maravédis du privilège, et croira me faire une grande faveur en me les donnant ? Nenni ; je n′imprime pas mes livres pour acquérir de la réputation dans le monde, car j′y suis déjà connu, Dieu merci, par mes œuvres. C′est du profit que je veux, sans lequel la renommée ne vaut pas une obole. | -Dios le dé a vuesa merced buena manderecha -respondió don Quijote. |  Que Dieu vous donne bonne chance ! » répondit don Quichotte. | Y pasó adelante a otro cajón, donde vio que estaban corrigiendo un pliego de un libro que se intitulaba Luz del alma; y,en viéndole, dijo. | Et il passa à une autre casse. Il y vit corriger une feuille d′un livre qui avait pour titre Lumière de l′âme. | -Estos tales libros, aunque hay muchos deste género, son los que se deben imprimir, porque son muchos los pecadores que se usan, y son menester infinitas luces para tantos desalumbrados. | « Voilà, dit-il, des livres qu′il faut imprimer, bien qu′il y en ait beaucoup de la même espèce ; car il y a beaucoup de pécheurs qui en ont besoin, et il faut singulièrement de lumières pour tant de gens qui en manquent. » | Pasó adelante y vio que asimesmo estaban corrigiendo otro libro; y, preguntando su título, le respondieron que se llamaba la Segunda parte del Ingenioso Hidalgo don Quijote de la Mancha, compuesta por un tal vecino de Tordesillas. | Il poussa plus loin, et vit que l′on corrigeait un autre livre, dont il demanda le titre. « C′est, lui répondit-on, la seconde partie de l′Ingénieux hidalgo don Quichotte de la Manche, composée par un tel, bourgeois de Torsédillas. | -Ya yo tengo noticia deste libro -dijo don Quijote-, y en verdad y en mi conciencia que pensé que ya estaba quemado y hecho polvos, por impertinente; pero su San Martín se le llegará, como a cada puerco, que las historias fingidas tanto tienen de buenas y de deleitables cuanto se llegan a la verdad o la semejanza della, y las verdaderas tanto son mejores cuanto son más verdaderas. |  Ah ! j′ai déjà connaissance de ce livre, reprit don Quichotte, et je croyais, en mon âme et conscience, qu′il était déjà brûlé et réduit en cendres pour ses impertinences. Mais la Saint-Martin viendra pour lui, comme pour tout cochon . Les histoires inventées sont d′autant meilleures, d′autant plus agréables, qu′elles s′approchent davantage de la vérité ou de la vraisemblance, et les véritables valent d′autant mieux qu′elles sont plus vraies. » | Y, diciendo esto, con muestras de algún despecho, se salió de la emprenta. Y aquel mesmo día ordenó don Antonio de llevarle a ver las galeras que en la playa estaban, de que Sancho se regocijó mucho, a causa que en su vida las había visto. Avisó don Antonio al cuatralbo de las galeras como aquella tarde había de llevar a verlas a su huésped el famoso don Quijote de la Mancha, de quien ya el cuatralbo y todos los vecinos de la ciudad tenían noticia; y lo que le sucedió en ellas se dirá en el siguiente capítulo. | En disant cela, et donnant quelques marques de dépit, il sortit de l′imprimerie. Le même jour, don Antonio résolut de le mener voir les galères qui étaient amarrées à la plage, ce qui réjouit beaucoup Sancho, car il n′en avait vu de sa vie. Don Antonio informa le chef d′escadre des galères que, dans l′après-midi, il y conduirait son hôte, le fameux don Quichotte de la Manche, que connaissaient déjà le chef d′escadre et tous les bourgeois de la ville. Mais ce qui leur arriva pendant cette visite sera dit dans le chapitre suivant.
| II. Capítulo LXIII. De lo mal que le avino a Sancho Panza con la visita de las galeras, y la nueva aventura de la hermosa morisca. | Chapitre LXIII Du mauvais résultat qu′eut pour Sancho sa visite aux galères, et de la nouvelle aventure de la belle Morisque Grandes eran los discursos que don Quijote hacía sobre la respuesta de la encantada cabeza, sin que ninguno dellos diese en el embuste, y todos paraban con la promesa, que él tuvo por cierto, del desencanto de Dulcinea. Allí iba y venía, y se alegraba entre sí mismo, creyendo que había de ver presto su cumplimiento; y Sancho, aunque aborrecía el ser gobernador, como queda dicho, todavía deseaba volver a mandar y a ser obedecido; que esta mala ventura trae consigo el mando, aunque sea de burlas. | Don Quichotte s′évertuait à discourir sur les réponses de la tête enchantée ; mais aucune de ses conjectures n′allait jusqu′à soupçonner la supercherie, et toutes, au contraire, aboutissaient à la promesse, certaine à ses yeux, du désenchantement de Dulcinée. Il ne faisait qu′aller et venir et se réjouissait en lui-même, croyant voir bientôt l′accomplissement de cette promesse. Pour Sancho, bien qu′il eût pris en haine les fonctions de gouverneur, comme on l′a dit précédemment, toutefois il désirait de se retrouver encore à même de commander et d′être obéi ; car tel est le regret que traîne après soi le commandement, n′eût-il été que pour rire. | En resolución, aquella tarde don Antonio Moreno, su huésped, y sus dos amigos, con don Quijote y Sancho, fueron a las galeras. El cuatralbo, que estaba avisado de su buena venida, por ver a los dos tan famosos Quijote y Sancho, apenas llegaron a la marina, cuando todas las galeras abatieron tienda, y sonaron las chirimías; arrojaron luego el esquife al agua, cubierto de ricos tapetes y de almohadas de terciopelo carmesí, y, en poniendo que puso los pies en él don Quijote, disparó la capitana el cañón de crujía, y las otras galeras hicieron lo mesmo, y, al subir don Quijote por la escala derecha, toda la chusma le saludó como es usanza cuando una persona principal entra en la galera, diciendo: ¡Hu, hu, hu!′′ tres veces. Diole la mano el general, que con este nombre le llamaremos, que era un principal caballero valenciano; abrazó a don Quijote, diciéndole. | Enfin, le tantôt venu, leur hôte don Antonio Moréno et ses deux amis allèrent avec don Quichotte et Sancho visiter les galères. Le chef d′escadre, qui était prévenu de leur arrivée, attendait les deux fameux personnages don Quichotte et Sancho. À peine parurent-ils sur le quai, que toutes les galères abattirent leurs tentes, et que les clairons sonnèrent. On jeta sur-le-champ l′esquif à l′eau, couvert de riches tapis et garni de coussins en velours cramoisi. Aussitôt que don Quichotte y mit le pied, la galère capitane tira le canon de poupe, et les autres galères en firent autant ; puis, lorsque don Quichotte monta sur le pont par l′échelle de droite, toute la chiourme le salua, comme c′est l′usage quand une personne de distinction entre dans la galère, en criant trois fois : Hou, hou, hou . Le général (c′est le nom que nous lui donnerons), qui était un gentilhomme de Valence , vint lui donner la main. Il embrassa don Quichotte et lui dit : | ÂEste día señalaré yo con piedra blanca, por ser uno de los mejores que pienso llevar en mi vida, habiendo visto al señor don Quijote de la Mancha: tiempo y señal que nos muestra que en él se encierra y cifra todo el valor del andante caballería. | « Je marquerai ce jour avec une pierre blanche, car c′est un des plus heureux que je pense goûter en toute ma vie, puisque j′ai vu le seigneur don Quichotte de la Manche, en qui brille et se résume tout l′éclat de la chevalerie errante. » | Con otras no menos corteses razones le respondió don Quijote, alegre sobremanera de verse tratar tan a lo señor. Entraron todos en la popa, que estaba muy bien aderezada, y sentáronse por los bandines, pasóse el cómitre en crujía, y dio señal con el pito que la chusma hiciese fuera ropa, que se hizo en un instante. Sancho, que vio tanta gente en cueros, quedó pasmado, y más cuando vio hacer tienda con tanta priesa, que a él le pareció que todos los diablos andaban allí trabajando; pero esto todo fueron tortas y pan pintado para lo que ahora diré. Estaba Sancho sentado sobre el estanterol, junto al espalder de la mano derecha, el cual ya avisado de lo que había de hacer, asió de Sancho, y, levantándole en los brazos, toda la chusma puesta en pie y alerta, comenzando de la derecha banda, le fue dando y volteando sobre los brazos de la chusma de banco en banco, con tanta priesa, que el pobre Sancho perdió la vista de los ojos, y sin duda pensó que los mismos demonios le llevaban, y no pararon con él hasta volverle por la siniestra banda y ponerle en la popa. Quedó el pobre molido, y jadeando, y trasudando, sin poder imaginar qué fue lo que sucedido le había. | Don Quichotte, ravi de se voir traiter avec tant d′honneur, lui répondit par des propos non moins courtois. Ils entrèrent tous deux dans la cabine de poupe, qui était également meublée, et s′assirent sur les bancs des plats-bords. Le comite monta dans l′entre-pont, et, d′un coup de sifflet, fit signe à la chiourme de mettre bas casaque, ce qui fut fait en un instant. Sancho, voyant tant de gens tout nus, resta la bouche ouverte ; ce fut pis encore quand il vit hisser la tente avec une telle célérité, qu′il lui semblait que tous les diables se fussent mis à la besogne. Mais tout cela n′était encore que pain bénit, en comparaison de ce que je vais dire. Sancho était assis sur l′estanserol, ou pilier de la poupe, près de l′espalier, ou premier rameur du banc de droite. Instruit de son rôle, l′espalier empoigna Sancho ; et, le levant dans ses bras, tandis que toute la chiourme était debout et sur ses gardes, il le passa au rameur de droite, et bientôt le pauvre Sancho voltigea de main en main et de banc en banc, avec tant de vitesse, qu′il en perdit la vue, et pensa que tous les diables l′emportaient. Les forçats ne le lâchèrent qu′après l′avoir ramené par la bande gauche jusqu′à la poupe, où il resta étendu, haletant, suant à grosses gouttes, et ne pouvant comprendre ce qui lui était arrivé. | Don Quijote, que vio el vuelo sin alas de Sancho, preguntó al general si eran ceremonias aquéllas que se usaban con los primeros que entraban en las galeras; porque si acaso lo fuese, él, que no tenía intención de profesar en ellas, no quería hacer semejantes ejercicios, y que votaba a Dios que, si alguno llegaba a asirle para voltearle, que le había de sacar el alma a puntillazos; y, diciendo esto, se levantó en pie y empuñó la espada. | Don Quichotte, qui vit le vol sans ailes de Sancho, demanda au général si c′était une des cérémonies dont on saluait les nouveaux venus dans les galères. « Quant à moi, ajouta-t-il, comme je n′ai nulle envie d′y faire profession, je ne veux pas non plus prendre un semblable exercice ; et je jure Dieu que, si quelqu′un vient me mettre la main dessus pour me faire voltiger, je lui arrache l′âme à coups de pied dans le ventre. » En parlant ainsi, il se leva debout et empoigna son épée. | A este instante abatieron tienda, y con grandísimo ruido dejaron caer la entena de alto abajo. Pensó Sancho que el cielo se desencajaba de sus quicios y venía a dar sobre su cabeza; y, agobiándola, lleno de miedo, la puso entre las piernas. No las tuvo todas consigo don Quijote; que también se estremeció y encogió de hombros y perdió la color del rostro. La chusma izó la entena con la misma priesa y ruido que la habían amainado, y todo esto, callando, como si no tuvieran voz ni aliento. Hizo señal el cómitre que zarpasen el ferro, y, saltando en mitad de la crujía con el corbacho o rebenque, comenzó a mosquear las espaldas de la chusma, y a largarse poco a poco a la mar. Cuando Sancho vio a una moverse tantos pies colorados, que tales pensó él que eran los remos, dijo entre sí. | Dans ce moment, on abattit la tente, et on fit tomber la grande vergue de haut en bas, avec un bruit épouvantable. Sancho crut que le ciel se détachait de ses gonds et venait lui fondre sur la tête, si bien que, plein de peur, il se la cacha entre les jambes. Don Quichotte lui-même ne put conserver son sang-froid ; il frissonna aussi, plia les épaules et changea de couleur. La chiourme hissa la vergue avec autant de vitesse et de tapage qu′elle l′avait amenée, et tout cela en silence, comme si ces hommes n′eussent eu ni voix ni souffle. Le comite donna le signal de lever l′ancre, et, sautant au milieu de l′entre-pont, le nerf de bœuf à la main, il commença à sangler les épaules de la chiourme, et la galère prit bientôt le large. Quand Sancho vit se mouvoir à la fois tous ces pieds rouges, car telles lui semblaient les rames, il se dit tout bas : | ÂÉstas sí son verdaderamente cosas encantadas, y no las que mi amo dice. ¿Qué han hecho estos desdichados, que ansí los azotan, y cómo este hombre solo, que anda por aquí silbando, tiene atrevimiento para azotar a tanta gente? Ahora yo digo que éste es infierno, o, por lo menos, el purgatorio. | « Pour le coup, voici véritablement des choses enchantées, et non celles que raconte mon maître. Mais qu′est-ce qu′ont fait ces malheureux, pour qu′on les fouette ainsi ? et comment cet homme qui se promène en sifflant a-t-il assez d′audace pour fouetter seul tant de gens ? Ah ! je dis que c′est ici l′enfer, ou pour le moins le purgatoire. » | Don Quijote, que vio la atención con que Sancho miraba lo que pasaba, le dijo. | Don Quichotte, voyant avec quelle attention Sancho regardait ce qui se passait, s′empressa de lui dire : | ¡Ah Sancho amigo, y con qué brevedad y cuán a poca costa os podíades vos, si quisiésedes, desnudar de medio cuerpo arriba, y poneros entre estos señores, y acabar con el desencanto de Dulcinea! Pues con la miseria y pena de tantos, no sentiríades vos mucho la vuestra; y más, que podría ser que el sabio Merlín tomase en cuenta cada azote déstos, por ser dados de buena mano, por diez de los que vos finalmente os habéis de dar. | « Ah ! Sancho, mon ami, avec quelle aisance et quelle célérité vous pourriez, si cela vous plaisait, vous déshabiller des reins au cou, et vous mettre parmi ces gentilshommes pour en finir avec le désenchantement de Dulcinée ! Au milieu des peines et des souffrances de tant d′hommes, vous ne sentiriez pas beaucoup les vôtres. D′ailleurs, il serait possible que le sage Merlin fît entrer en compte chacun de ces coups de fouet, comme appliqués de bonne main, pour dix de ceux que vous avez finalement à vous donner. » | Preguntar quería el general qué azotes eran aquéllos, o qué desencanto de Dulcinea, cuando dijo el marinero. | Le général voulait demander quels étaient ces coups de fouet et ce désenchantement de Dulcinée, quand le marin de quart s′écria : | ÂSeñal hace Monjuí de que hay bajel de remos en la costa por la banda del poniente. | « Le fort de Monjouich fait signe qu′il y a un bâtiment à rames sur la côte, au couchant. » | Esto oído, saltó el general en la crujía, y dijo. | À ces mots, le général sauta de l′entre-pont. | ¡Ea hijos, no se nos vaya! Algún bergantín de cosarios de Argel debe de ser éste que la atalaya nos señala. | « Allons, enfants ! dit-il, qu′il ne nous échappe pas. Ce doit être quelque brigantin des corsaires d′Alger que la vigie signale. » | Llegáronse luego las otras tres galeras a la capitana, a saber lo que se les ordenaba. Mandó el general que las dos saliesen a la mar, y él con la otra iría tierra a tierra, porque ansí el bajel no se les escaparía. Apretó la chusma los remos, impeliendo las galeras con tanta furia, que parecía que volaban. Las que salieron a la mar, a obra de dos millas descubrieron un bajel, que con la vista le marcaron por de hasta catorce o quince bancos, y así era la verdad; el cual bajel, cuando descubrió las galeras, se puso en caza, con intención y esperanza de escaparse por su ligereza; pero avínole mal, porque la galera capitana era de los más ligeros bajeles que en la mar navegaban, y así le fue entrando, que claramente los del bergantín conocieron que no podían escaparse; y así, el arráez quisiera que dejaran los remos y se entregaran, por no irritar a enojo al capitán que nuestras galeras regía. Pero la suerte, que de otra manera lo guiaba, ordenó que, ya que la capitana llegaba tan cerca que podían los del bajel oír las voces que desde ella les decían que se rindiesen, dos toraquís, que es como decir dos turcos borrachos, que en el bergantín venían con estos doce, dispararon dos escopetas, con que dieron muerte a dos soldados que sobre nuestras arrumbadas venían. Viendo lo cual, juró el general de no dejar con vida a todos cuantos en el bajel tomase, y, llegando a embestir con toda furia, se le escapó por debajo de la palamenta. Pasó la galera adelante un buen trecho; los del bajel se vieron perdidos, hicieron vela en tanto que la galera volvía, y de nuevo, a vela y a remo, se pusieron en caza; pero no les aprovechó su diligencia tanto como les dañó su atrevimiento, porque, alcanzándoles la capitana a poco más de media milla, les echó la palamenta encima y los cogió vivos a todos. | Les trois autres galères s′approchèrent de la capitane, pour savoir ce qu′elles avaient à faire. Le général ordonna à deux d′entre elles de prendre la haute mer, tandis qu′il irait terre à terre avec la troisième, de façon que le brigantin ne pût les éviter. La chiourme fit force de rames, poussant les galères avec tant de furie, qu′elles semblaient voler sur l′eau. Celles qui avaient pris la haute mer découvrirent, à environ deux milles, un bâtiment auquel on supposa, à vue d′œil, quatorze ou quinze bancs de rames, ce qui était vrai. Quand ce bâtiment aperçut les galères, il se mit en chasse avec l′intention et l′espoir d′échapper par sa légèreté. Mais mal lui en prit, car la galère capitane était l′un des navires les plus légers qui naviguassent en mer. Elle gagnait tellement d′avance, que ceux du brigantin virent aussitôt qu′ils ne pouvaient échapper. Aussi l′arraez voulait-il qu′on abandonnât les rames et qu′on se rendît, pour ne point irriter le commandant de nos galères. Mais le sort, qui en avait ordonné d′une autre façon, voulut qu′au moment où la capitane arrivait si près que ceux du bâtiment chassé pouvaient entendre qu′on leur criait de se rendre, deux Turcs ivres, qui se trouvaient avec douze autres sur ce brigantin, tirèrent leurs arquebuses et frappèrent mortellement deux de nos soldats montés sur les bordages. À cette vue, le général fit serment de ne pas laisser en vie un seul de ceux qu′il prendrait dans le brigantin. Il l′assaillit avec furie, mais le petit navire échappa au choc en passant sous les rames. La galère le dépassa de plusieurs nœuds. Se voyant perdus, ceux du brigantin déployèrent les voiles pendant que la galère tournait, puis, à voiles et à rames, se mirent en chasse de nouveau. Mais leur diligence ne put pas les servir autant que les avait compromis leur audace ; car la capitane, les atteignant à demi-mille environ, leur jeta dessus un rang de rames, et les prit tous vivants. | Llegaron en esto las otras dos galeras, y todas cuatro con la presa volvieron a la playa, donde infinita gente los estaba esperando, deseosos de ver lo que traían. Dio fondo el general cerca de tierra, y conoció que estaba en la marina el virrey de la ciudad. Mandó echar el esquife para traerle, y mandó amainar la entena para ahorcar luego luego al arráez y a los demás turcos que en el bajel había cogido, que serían hasta treinta y seis personas, todos gallardos, y los más, escopeteros turcos. Preguntó el general quién era el arráez del bergantín y fuele respondido por uno de los cautivos, en lengua castellana, que después pareció ser renegado español. | Les autres galères arrivèrent en ce moment, et toutes quatre revinrent avec leur prise sur la plage, où les attendaient une multitude de gens, curieux de voir ce qu′elles ramenaient. Le général jeta l′ancre près de terre, et s′aperçut que le vice-roi de la ville était sur le port. Il fit mettre l′esquif à l′eau pour le chercher, et commanda d′amener la vergue pour y prendre l′arraez, ainsi que les autres Turcs pris dans le brigantin, et dont le nombre s′élevait à trente-six, tous beaux hommes, et la plupart arquebusiers. Le général demanda quel était l′arraez du brigantin ; et l′un des captifs, qu′on reconnut ensuite pour renégat espagnol, répondit en langue castillane : | ÂEste mancebo, señor, que aquí vees es nuestro arráez. | « Ce jeune homme, seigneur, que tu vois là, est notre arraez » | Y mostróle uno de los más bellos y gallardos mozos que pudiera pintar la humana imaginación. La edad, al parecer, no llegaba a veinte años. Preguntóle el general. | et il lui montrait un des plus beaux et des plus aimables garçons que se pût peindre l′imagination humaine. Son âge ne semblait pas atteindre vingt ans. | ÂDime, mal aconsejado perro, ¿quién te movió a matarme mis soldados, pues veías ser imposible el escaparte? ¿Ese respeto se guarda a las capitanas? ¿No sabes tú que no es valentía la temeridad? Las esperanzas dudosas han de hacer a los hombres atrevidos, pero no temerarios. | « Dis-moi, chien inconsidéré, lui demanda le général, qui t′a poussé à tuer mes soldats, quand tu voyais qu′il était impossible d′échapper ? Est-ce là le respect qu′on garde aux capitaines ? et ne sais-tu pas que la témérité n′est pas de la vaillance ? Les espérances douteuses peuvent rendre les hommes hardis, mais non pas téméraires. » | Responder quería el arráez; pero no pudo el general, por entonces, oír la respuesta, por acudir a recebir al virrey, que ya entraba en la galera, con el cual entraron algunos de sus criados y algunas personas del pueblo. | L′arraez allait répondre, mais le général ne put attendre sa réponse, parce qu′il accourut recevoir le vice-roi, qui entrait dans la galère, suivi de quelques-uns de ses gens et d′autres personnes de la ville. | ¡Buena ha estado la caza, señor general! Âdijo el virrey. | « Vous avez fait là une bonne chasse, seigneur général ! dit le vice-roi. | ÂY tan buena Ârespondió el general cual la verá Vuestra Excelencia agora colgada de esta entena. |  Fort bonne en effet, répondit le général, et Votre Excellence va la voir pendue à cette vergue. | ¿Cómo ansí? Âreplicó el virrey. |  Pourquoi pendue ? reprit le vice-roi. | ÂPorque me han muerto Ârespondió el generalÂ, contra toda ley y contra toda razón y usanza de guerra, dos soldados de los mejores que en estas galeras venían, y yo he jurado de ahorcar a cuantos he cautivado, principalmente a este mozo, que es el arráez del bergantín. |  Parce qu′ils m′ont tué, répliqua le général, contre toute loi, toute raison et toute coutume de guerre, deux soldats des meilleurs qui montassent ces galères ; aussi ai-je juré de hisser à la potence tous ceux que je prendrais, particulièrement ce jeune garçon, qui est l′arraez du brigantin. » | Y enseñóle al que ya tenía atadas las manos y echado el cordel a la garganta, esperando la muerte. | En même temps, il lui montrait le jeune homme, les mains attachées et la corde au cou, attendant la mort. | Miróle el virrey, y, viéndole tan hermoso, y tan gallardo, y tan humilde, dándole en aquel instante una carta de recomendación su hermosura, le vino deseo de escusar su muerte; y así, le preguntó. | Le vice-roi jeta les yeux sur lui ; et, le voyant si beau, si bien fait, si résigné, il se sentit touché de compassion, et le désir lui vint de le sauver. | ÂDime, arráez, ¿eres turco de nación, o moro, o renegado. | « Dis-moi, arraez, lui demanda-t-il, de quelle nation es-tu ? Turc, More ou renégat ? | A lo cual el mozo respondió, en lengua asimesmo castellana: |  Je ne suis, répondit le jeune homme en langue castillane, | ÂNi soy turco de nación, ni moro, ni renegado. | ni Turc, ni More, ni renégat. | ÂPues, ¿qué eres? Âreplicó el virrey. |  Qui es-tu donc ? reprit le vice-roi. | ÂMujer cristiana Ârespondió el mancebo. |  Une femme chrétienne, répliqua le jeune homme. | ¿Mujer y cristiana, y en tal traje y en tales pasos? Más es cosa para admirarla que para creerla. |  Une femme chrétienne en cet équipage et en cette occupation ! Mais c′est une chose plus faite pour surprendre que pour être crue ! | ÂSuspended Âdijo el mozoÂ, ¡oh señores!, la ejecución de mi muerte, que no se perderá mucho en que se dilate vuestra venganza en tanto que yo os cuente mi vida. |  Suspendez, ô seigneurs, reprit le jeune homme, suspendez mon supplice ; vous ne perdrez pas beaucoup à retarder votre vengeance aussi peu de temps qu′il faudra pour que je vous raconte ma vie. » | ¿Quién fuera el de corazón tan duro que con estas razones no se ablandara, o, a lo menos, hasta oír las que el triste y lastimado mancebo decir quería? El general le dijo que dijese lo que quisiese, pero que no esperase alcanzar perdón de su conocida culpa. Con esta licencia, el mozo comenzó a decir desta manera. | Qui aurait pu être d′un cœur assez dur pour ne pas s′adoucir à ces paroles, du moins jusqu′à entendre ce que voulait dire le triste jeune homme ? Le général lui répondit de dire ce qu′il lui plairait ; mais qu′il n′espérât point toutefois obtenir le pardon d′une faute si manifeste. Cette permission donnée, le jeune homme commença de la sorte : | « De aquella nación más desdichada que prudente, sobre quien ha llovido estos días un mar de desgracias, nací yo, de moriscos padres engendrada. En la corriente de su desventura fui yo por dos tíos míos llevada a Berbería, sin que me aprovechase decir que era cristiana, como, en efecto, lo soy, y no de las fingidas ni aparentes, sino de las verdaderas y católicas. No me valió, con los que tenían a cargo nuestro miserable destierro, decir esta verdad, ni mis tíos quisieron creerla; antes la tuvieron por mentira y por invención para quedarme en la tierra donde había nacido, y así, por fuerza más que por grado, me trujeron consigo. Tuve una madre cristiana y un padre discreto y cristiano, ni más ni menos; mamé la fe católica en la leche; criéme con buenas costumbres; ni en la lengua ni en ellas jamás, a mi parecer, di señales de ser morisca. Al par y al paso destas virtudes, que yo creo que lo son, creció mi hermosura, si es que tengo alguna; y, aunque mi recato y mi encerramiento fue mucho, no debió de ser tanto que no tuviese lugar de verme un mancebo caballero, llamado don Gaspar Gregorio, hijo mayorazgo de un caballero que junto a nuestro lugar otro suyo tiene. Cómo me vio, cómo nos hablamos, cómo se vio perdido por mí y cómo yo no muy ganada por él, sería largo de contar, y más en tiempo que estoy temiendo que, entre la lengua y la garganta, se ha de atravesar el riguroso cordel que me amenaza; y así, sólo diré cómo en nuestro destierro quiso acompañarme don Gregorio. Mezclóse con los moriscos que de otros lugares salieron, porque sabía muy bien la lengua, y en el viaje se hizo amigo de dos tíos míos que consigo me traían; porque mi padre, prudente y prevenido, así como oyó el primer bando de nuestro destierro, se salió del lugar y se fue a buscar alguno en los reinos estraños que nos acogiese. | « Je suis de cette nation plus malheureuse que prudente, sur laquelle est tombée, dans ces derniers temps, une pluie d′infortunes. J′appartiens à des parents morisques. Dans le cours de nos malheurs, je fus emmenée par deux de mes oncles en Berbérie, sans qu′il me servît à rien de dire que j′étais chrétienne, comme je le suis en effet, non de celles qui en feignent l′apparence, mais des plus sincères et des plus catholiques. J′eus beau dire cette vérité, elle ne fut pas écoutée par les gens chargés d′opérer notre déportation, et mes oncles non plus ne voulurent point la croire ; ils la prirent pour un mensonge imaginé dans le dessein de rester au pays où j′étais née. Aussi m′emmenèrent-ils avec eux plutôt de force que de gré. J′eus une mère chrétienne, et un père qui eut la discrétion de l′être. Je suçai avec le lait la foi catholique ; je fus élevée dans de bonnes mœurs ; jamais, ni par la langue, ni par les usages, je ne laissai croire, il me semble, que je fusse Morisque. En même temps que ces vertus, car je crois que ce sont des vertus, grandit ma beauté, si j′en ai quelque peu ; et, bien que je vécusse dans la retraite, je n′étais pas si sévèrement recluse que je ne laissasse l′occasion de me voir à un jeune homme nommé don Gaspar Grégorio, fils aîné d′un seigneur qui possède un village tout près du nôtre. Comment il me vit, comment nous nous parlâmes, comment il devint éperdument épris de moi, et moi presque autant de lui, ce serait trop long à raconter, surtout quand j′ai à craindre qu′entre ma langue et ma gorge ne vienne se placer la corde cruelle qui me menace. Je dirai donc seulement que don Grégorio voulut m′accompagner dans notre exil. Il se mêla parmi les Morisques chassés d′autres pays, car il savait fort bien leur langue ; et, pendant le voyage, il se fit ami des deux oncles qui m′emmenaient avec eux. Mon père, en homme prudent et avisé, n′eut pas plutôt entendu le premier édit prononçant notre exil, qu′il quitta le pays, et alla nous chercher un asile dans les royaumes étrangers. | Dejó encerradas y enterradas, en una parte de quien yo sola tengo noticia, muchas perlas y piedras de gran valor, con algunos dineros en cruzados y doblones de oro. Mandóme que no tocase al tesoro que dejaba en ninguna manera, si acaso antes que él volviese nos desterraban. Hícelo así, y con mis tíos, como tengo dicho, y otros parientes y allegados pasamos a Berbería; y el lugar donde hicimos asiento fue en Argel, como si le hiciéramos en el mismo infierno. Tuvo noticia el rey de mi hermosura, y la fama se la dio de mis riquezas, que, en parte, fue ventura mía. Llamóme ante sí, preguntóme de qué parte de España era y qué dineros y qué joyas traía. Díjele el lugar, y que las joyas y dineros quedaban en él enterrados, pero que con facilidad se podrían cobrar si yo misma volviese por ellos. Todo esto le dije, temerosa de que no le cegase mi hermosura, sino su codicia. Estando conmigo en estas pláticas, le llegaron a decir cómo venía conmigo uno de los más gallardos y hermosos mancebos que se podía imaginar. Luego entendí que lo decían por don Gaspar Gregorio, cuya belleza se deja atrás las mayores que encarecer se pueden. Turbéme, considerando el peligro que don Gregorio corría, porque entre aquellos bárbaros turcos en más se tiene y estima un mochacho o mancebo hermoso que una mujer, por bellísima que sea. | Il enfouit et cacha sous terre, dans un endroit dont j′ai seule connaissance, beaucoup de pierres précieuses et de perles de grand prix, ainsi qu′une assez forte somme en cruzades et en doublons d′or. Il m′ordonna de ne pas toucher au trésor qu′il laissait, si par hasard on nous déportait avant qu′il fût de retour. Je lui obéis, et passai en Berbérie avec mes oncles et d′autres parents et alliés. L′endroit où nous nous réfugiâmes fut Alger, et c′est comme si nous nous fussions réfugiés dans l′enfer même. Le dey apprit par ouí¬¤ire que j′étais belle, et la renommée lui fit aussi connaître mes richesses, ce qui devint un bonheur pour moi. Il me fit comparaître devant lui, et me demanda dans quelle partie de l′Espagne j′étais née, quel argent et quels bijoux j′apportais. Je lui nommai mon pays, et j′ajoutai que l′argent et les bijoux y restaient enterrés, mais qu′on pourrait les recouvrer facilement si j′allais les chercher moi-même. Je lui disais tout cela pour que son avarice l′aveuglât plutôt que ma beauté. Pendant cet entretien, on vint lui dire que j′étais accompagnée par un des plus beaux jeunes hommes qui se pût imaginer. Je reconnus aussitôt qu′on parlait de don Gaspar Grégorio, dont la beauté surpasse en effet celle que l′on vante le plus. Je me troublai en considérant le péril que courait don Grégorio ; car, parmi ces barbares infidèles, on estime plus un garçon jeune et beau qu′une femme, quelque belle qu′elle soit. Le dey donna l′ordre qu′on l′amenât sur-le-champ devant lui, et me demanda si ce qu′on disait de ce jeune homme était la vérité. | Mandó luego el rey que se le trujesen allí delante para verle, y preguntóme si era verdad lo que de aquel mozo le decían. Entonces yo, casi como prevenida del cielo, le dije que sí era; pero que le hacía saber que no era varón, sino mujer como yo, y que le suplicaba me la dejase ir a vestir en su natural traje, para que de todo en todo mostrase su belleza y con menos empacho pareciese ante su presencia. Díjome que fuese en buena hora, y que otro día hablaríamos en el modo que se podía tener para que yo volviese a España a sacar el escondido tesoro. Hablé con don Gaspar, contéle el peligro que corría el mostrar ser hombre; vestíle de mora, y aquella mesma tarde le truje a la presencia del rey, el cual, en viéndole, quedó admirado y hizo disignio de guardarla para hacer presente della al Gran Señor; y, por huir del peligro que en el serrallo de sus mujeres podía tener y temer de sí mismo, la mandó poner en casa de unas principales moras que la guardasen y la sirviesen, adonde le llevaron luego. Lo que los dos sentimos (que no puedo negar que no le quiero) se deje a la consideración de los que se apartan si bien se quieren. Dio luego traza el rey de que yo volviese a España en este bergantín y que me acompañasen dos turcos de nación, que fueron los que mataron vuestros soldados. Vino también conmigo este renegado español Âseñalando al que había hablado primeroÂ, del cual sé yo bien que es cristiano encubierto y que viene con más deseo de quedarse en España que de volver a Berbería; la demás chusma del bergantín son moros y turcos, que no sirven de más que de bogar al remo. Los dos turcos, codiciosos e insolentes, sin guardar el orden que traíamos de que a mí y a este renegado en la primer parte de España, en hábito de cristianos, de que venimos proveídos, nos echasen en tierra, primero quisieron barrer esta costa y hacer alguna presa, si pudiesen, temiendo que si primero nos echaban en tierra, por algún acidente que a los dos nos sucediese, podríamos descubrir que quedaba el bergantín en la mar, y si acaso hubiese galeras por esta costa, los tomasen. Anoche descubrimos esta playa, y, sin tener noticia destas cuatro galeras, fuimos descubiertos, y nos ha sucedido lo que habéis visto. En resolución: don Gregorio queda en hábito de mujer entre mujeres, con manifiesto peligro de perderse, y yo me veo atadas las manos, esperando, o, por mejor decir, temiendo perder la vida, que ya me cansa. Éste es, señores, el fin de mi lamentable historia, tan verdadera como desdichada; lo que os ruego es que me dejéis morir como cristiana, pues, como ya he dicho, en ninguna cosa he sido culpante de la culpa en que los de mi nación han caído. | Alors moi, comme si le ciel m′eût inspirée, je lui répondis sans hésiter : « Oui, cela est vrai ; mais je dois vous faire savoir que ce n′est point un garçon ; c′est une femme comme moi. Permettez, je vous en supplie, que j′aille l′habiller dans son costume naturel, pour qu′elle montre complètement sa beauté, et qu′elle paraisse avec moins d′embarras devant vous. » Il répliqua qu′il y consentait, et que le lendemain nous nous entendrions sur les moyens à prendre pour que je retournasse en Espagne chercher le trésor enfoui, je courus parler à don Gaspar ; je lui contai le péril qu′il courait à se montrer sous ses habits d′homme, je l′habillai en femme moresque ; et, le soir même, je le conduisis en présence du dey, qui fut ravi en le voyant, et conçut l′idée de garder cette jeune fille pour en faire présent au Grand Seigneur. Mais, afin d′éviter le péril qu′elle pourrait courir, même de lui, dans le sérail de ses femmes, il ordonna qu′elle fût confiée à la garde et au service de dames moresques de qualité, chez lesquelles don Grégorio fut aussitôt conduit. La douleur que nous ressentîmes tous deux, car je ne puis nier que je l′aime, je la laisse à juger à ceux qui se séparent quand ils s′aiment tendrement. Le dey, bientôt après, décida que je reviendrais en Espagne sur ce brigantin, accompagnée par deux Turcs de nation, ceux-là mêmes qui ont tué vos soldats, je fus également suivie par ce renégat espagnol (montrant celui qui avait parlé le premier), duquel je sais qu′il est chrétien au fond de l′âme, et qu′il vient plutôt avec le désir de rester en Espagne que de retourner en Berbérie. Le reste de la chiourme se compose de Mores et de Turcs, qui ne servent qu′à ramer sur les bancs. Les deux Turcs, insolents et avides, sans respecter l′ordre qu′ils avaient reçu de nous mettre à terre, moi et ce renégat, sur la première plage espagnole, et en habits de chrétiens, dont nous étions pourvus, voulurent d′abord écumer cette côte, et faire, s′ils pouvaient, quelque prise, craignant que, s′ils nous mettaient d′abord à terre, il ne nous arrivât quelque accident qui fît découvrir que leur brigantin restait en panne, et que, s′il y avait des galères sur la côte, on ne les eût bientôt pris. Hier soir, nous avons abordé cette plage sans avoir connaissance de ces quatre galères ; on nous a découverts aujourd′hui, et il nous est arrivé ce que vous avez vu. Finalement, don Grégorio reste en habit de femme parmi des femmes, et dans un imminent danger de la vie ; moi, je me vois les mains attachées, attendant la mort, qui me délivrera de mes peines. Voilà, seigneurs, la fin de ma lamentable histoire, aussi véritable que pleine de malheurs. La grâce que je vous prie de m′accorder, c′est de me laisser mourir en chrétienne ; car, ainsi que je l′ai dit, je n′ai nullement partagé la faute où sont tombés ceux de ma nation. » | Y luego calló, preñados los ojos de tiernas lágrimas, a quien acompañaron muchas de los que presentes estaban. El virrey, tierno y compasivo, sin hablarle palabra, se llegó a ella y le quitó con sus manos el cordel que las hermosas de la mora ligaba. | À ces mots, elle se tut, les yeux gonflés de larmes amères, auxquelles se mêlaient les pleurs de la plupart des assistants. Ému, attendri, le vice-roi s′approcha d′elle sans dire une parole, et, de ses propres mains, détacha la corde qui attachait les belles mains de la Morisque chrétienne. | En tanto, pues, que la morisca cristiana su peregrina historia trataba, tuvo clavados los ojos en ella un anciano peregrino que entró en la galera cuando entró el virrey; y, apenas dio fin a su plática la morisca, cuando él se arrojó a sus pies, y, abrazado dellos, con interrumpidas palabras de mil sollozos y suspiros, le dijo. | Tout le temps qu′elle avait conté son étrange histoire, un vieux pèlerin, qui était entré dans la galère à la suite du vice-roi, avait tenu ses yeux cloués sur elle. Dès qu′elle eut cessé de parler, il se précipita à ses genoux, les serra dans ses bras, et, la voix entrecoupée par mille soupirs et mille sanglots, il s′écria : | ¡Oh Ana Félix, desdichada hija mía! Yo soy tu padre Ricote, que volvía a buscarte por no poder vivir sin ti, que eres mi alma. | « Ô Ana-Félix, ma fille, ma fille infortunée ! je suis ton père Ricote, qui retournais te chercher, car je ne puis vivre sans toi, sans toi qui es mon âme. » | A cuyas palabras abrió los ojos Sancho, y alzó la cabeza (que inclinada tenía, pensando en la desgracia de su paseo), y, mirando al peregrino, conoció ser el mismo Ricote que topó el día que salió de su gobierno, y confirmóse que aquélla era su hija, la cual, ya desatada, abrazó a su padre, mezclando sus lágrimas con las suyas; el cual dijo al general y al virrey. | À ces paroles, Sancho ouvrit les yeux, et releva la tête qu′il tenait penchée, rêvant à sa disgracieuse promenade ; et regardant avec attention le pèlerin, il reconnut que c′était bien Ricote lui-même, qu′il avait rencontré le jour où il quitta son gouvernement. Il reconnut également sa fille, qui, les mains détachées, embrassait son père, en mêlant ses larmes aux siennes. Le père dit au général et au vice-roi : | ÂÉsta, señores, es mi hija, más desdichada en sus sucesos que en su nombre. Ana Félix se llama, con el sobrenombre de Ricote, famosa tanto por su hermosura como por mi riqueza. Yo salí de mi patria a buscar en reinos estraños quien nos albergase y recogiese, y, habiéndole hallado en Alemania, volví en este hábito de peregrino, en compañía de otros alemanes, a buscar mi hija y a desenterrar muchas riquezas que dejé escondidas. No hallé a mi hija; hallé el tesoro, que conmigo traigo, y agora, por el estraño rodeo que habéis visto, he hallado el tesoro que más me enriquece, que es a mi querida hija. Si nuestra poca culpa y sus lágrimas y las mías, por la integridad de vuestra justicia, pueden abrir puertas a la misericordia, usadla con nosotros, que jamás tuvimos pensamiento de ofenderos, ni convenimos en ningún modo con la intención de los nuestros, que justamente han sido desterrados. | « Voilà, seigneurs, voilà ma fille, plus malheureuse dans ses aventures que dans son nom. Elle s′appelle Ana-Félix, et porte le surnom de Ricota, aussi célèbre par sa beauté que par ma richesse. J′ai quitté ma patrie pour aller chercher un asile chez les nations étrangères, et, l′ayant trouvé en Allemagne, je suis revenu en habit de pèlerin, et en compagnie d′autres Allemands, pour chercher ma fille et déterrer les richesses que j′avais enfouies. Je n′ai plus trouvé ma fille, mais seulement le trésor que je rapporte avec moi ; et maintenant, par ces étranges détours que vous avez vus, je viens de retrouver le trésor qui me rend le plus riche, ma fille bien-aimée. Si notre innocence, si ses larmes et les miennes peuvent, à la faveur de votre justice, ouvrir les portes à la miséricorde, usez-en à notre égard, car jamais nous n′avons eu le dessein de vous offenser, et jamais nous n′avons pris part aux projets de nos compatriotes, qui sont exilés justement. | Entonces dijo Sancho. |  Oh ! je connais bien Ricote, dit alors Sancho, | ÂBien conozco a Ricote, y sé que es verdad lo que dice en cuanto a ser Ana Félix su hija; que en esotras zarandajas de ir y venir, tener buena o mala intención, no me entremeto. | et je sais qu′il dit vrai quant à ce qu′Ana-Félix est sa fille. Mais pour ces broutilles d′allées et de venues, de bonnes ou de mauvaises intentions, je ne m′en mêle pas. » | Admirados del estraño caso todos los presentes, el general dijo: | Tous les assistants restaient émerveillés d′une si étrange aventure. | ÂUna por una vuestras lágrimas no me dejarán cumplir mi juramento: vivid, hermosa Ana Félix, los años de vida que os tiene determinados el cielo, y lleven la pena de su culpa los insolentes y atrevidos que la cometieron. | « En tout cas, s′écria le général, vos larmes ne me laisseront point accomplir mon serment. Vivez, belle Ana-Félix, autant d′années que le ciel vous en réserve, et que le châtiment de la faute retombe sur les insolents et les audacieux qui l′ont commise. » | Y mandó luego ahorcar de la entena a los dos turcos que a sus dos soldados habían muerto; pero el virrey le pidió encarecidamente no los ahorcase, pues más locura que valentía había sido la suya. Hizo el general lo que el virrey le pedía, porque no se ejecutan bien las venganzas a sangre helada. Procuraron luego dar traza de sacar a don Gaspar Gregorio del peligro en que quedaba. Ofreció Ricote para ello más de dos mil ducados que en perlas y en joyas tenía. Diéronse muchos medios, pero ninguno fue tal como el que dio el renegado español que se ha dicho, el cual se ofreció de volver a Argel en algún barco pequeño, de hasta seis bancos, armado de remeros cristianos, porque él sabía dónde, cómo y cuándo podía y debía desembarcar, y asimismo no ignoraba la casa donde don Gaspar quedaba. Dudaron el general y el virrey el fiarse del renegado, ni confiar de los cristianos que habían de bogar el remo; fióle Ana Félix, y Ricote, su padre, dijo que salía a dar el rescate de los cristianos, si acaso se perdiesen. | Aussitôt il ordonna de pendre à la vergue les deux Turcs qui avaient tué ses soldats. Mais le vice-roi lui demanda instamment de ne pas les faire mourir, puisqu′il y avait de leur part plus de folie que de vaillance. Le général se rendit aux désirs du vice-roi ; car il est difficile que de sang-froid les vengeances s′exécutent. On s′occupa aussitôt des moyens de tirer Gaspar Grégorio du péril où il était resté. Ricote offrit pour sa délivrance plus de deux mille ducats qu′il avait en perles et en bijoux. Plusieurs moyens furent mis en avant ; mais aucun ne valut celui que proposa le renégat espagnol dont on a parlé. Il s′offrit de retourner à Alger dans quelque petit bâtiment d′environ six bancs de rames, mais armé de rameurs chrétiens, parce qu′il savait où, quand et comment on pourrait débarquer, et qu′il connaissait aussi la maison où l′on avait enfermé don Gaspar. Le général et le vice-roi hésitaient à se fier au renégat, et surtout à lui confier les chrétiens qui devraient occuper les bancs des rameurs. Mais Ana-Félix répondit de lui, et Ricote s′engagea à payer le rachat des chrétiens s′ils étaient livrés. | Firmados, pues, en este parecer, se desembarcó el virrey, y don Antonio Moreno se llevó consigo a la morisca y a su padre, encargándole el virrey que los regalase y acariciase cuanto le fuese posible; que de su parte le ofrecía lo que en su casa hubiese para su regalo. Tanta fue la benevolencia y caridad que la hermosura de Ana Félix infundió en su pecho. | Quand cet avis fut adopté, le vice-roi descendit à terre, et don Antonio Moréno emmena chez lui la Morisque et son père, après que le vice-roi l′eut chargé de les accueillir et de les traiter avec tous les soins imaginables, offrant de contribuer à ce bon accueil par tout ce que renfermait sa maison ; tant étaient vives la bienveillance et l′affection qu′avait allumées dans son cœur la beauté d′Ana-Félix !
| II. Capítulo LXIV. Que trata de la aventura que más pesadumbre dio a don Quijote de cuantas hasta entonces le habían sucedido. | Chapitre LXIV Où l′on traite de l′aventure qui donna le plus de chagrin à don Quichotte, de toutes celles qui lui étaient alors arrivées La mujer de don Antonio Moreno cuenta la historia que recibió grandísimo contento de ver a Ana Félix en su casa. Recibióla con mucho agrado, así enamorada de su belleza como de su discreción, porque en lo uno y en lo otro era estremada la morisca, y toda la gente de la ciudad, como a campana tañida, venían a verla. | La femme de don Antonio Moréno, à ce que dit l′histoire, sentit un grand plaisir à voir Ana-Félix dans sa maison. Elle l′y reçut avec beaucoup de prévenances, aussi éprise de ses attraits que de son amabilité ; car la Morisque brillait également par l′esprit et par la figure. Tous les gens de la ville venaient comme à son de cloche la voir et l′admirer. | Dijo don Quijote a don Antonio que el parecer que habían tomado en la libertad de don Gregorio no era bueno, porque tenía más de peligroso que de conveniente, y que sería mejor que le pusiesen a él en Berbería con sus armas y caballo; que él le sacaría a pesar de toda la morisma, como había hecho don Gaiferos a su esposa Melisendra. | Don Quichotte dit à don Antonio que le parti qu′on avait pris pour la délivrance de don Grégorio ne valait rien, qu′il était plus dangereux que convenable, et qu′on aurait mieux fait de le porter lui-même, avec ses armes et son cheval, en Berbérie, d′où il aurait tiré le jeune homme, en dépit de toute la canaille musulmane, comme avait fait don Gaeacute;ros pour son épouse Mélisandre. | ÂAdvierta vuesa merced Âdijo Sancho, oyendo esto que el señor don Gaiferos sacó a sus esposa de tierra firme y la llevó a Francia por tierra firme; pero aquí, si acaso sacamos a don Gregorio, no tenemos por dónde traerle a España, pues está la mar en medio. | « Prenez donc garde, dit Sancho, en entendant ce propos, que le seigneur don Gaeacute;ros enleva son épouse de terre ferme et qu′il l′emmena en France par la terre ferme ; mais là-bas, si, par hasard, nous enlevons don Grégorio, par où l′amènerons-nous en Espagne, puisque la mer est au milieu ? | ÂPara todo hay remedio, si no es para la muerte Ârespondió don QuijoteÂ; pues, llegando el barco a la marina, nos podremos embarcar en él, aunque todo el mundo lo impida. |  Il y a remède à tout, excepté à la mort, répondit don Quichotte ; le bateau s′approchera de la côte, et nous nous y embarquerons, quand le monde entier s′y opposerait. | ÂMuy bien lo pinta y facilita vuestra merced Âdijo SanchoÂ, pero del dicho al hecho hay gran trecho, y yo me atengo al renegado, que me parece muy hombre de bien y de muy buenas entrañas. |  Votre Grâce arrange fort bien les choses, reprit Sancho ; mais du dit au fait, il y a long trajet. Moi, je m′en tiens au renégat, qui me semble très homme de bien, et de très-charitables entrailles. | Don Antonio dijo que si el renegado no saliese bien del caso, se tomaría el espediente de que el gran don Quijote pasase en Berbería. |  D′ailleurs, ajouta don Antonio, si le renégat ne réussit point dans son entreprise, on adoptera ce nouvel expédient, et on fera passer le grand don Quichotte en Berbérie. » | De allí a dos días partió el renegado en un ligero barco de seis remos por banda, armado de valentísima chusma; y de allí a otros dos se partieron las galeras a Levante, habiendo pedido el general al visorrey fuese servido de avisarle de lo que sucediese en la libertad de don Gregorio y en el caso de Ana Félix; quedó el visorrey de hacerlo así como se lo pedía. | À deux jours de là, le renégat partit sur un bâtiment léger de six rames par bordage, monté par de vaillants rameurs ; et, deux jours après, les galères prirent la route du Levant, le général ayant prié le vice-roi de l′informer de ce qui arriverait pour la délivrance de don Grégorio et de la suite des aventures d′Ana-Félix. Le vice-roi lui en fit la promesse. | Y una mañana, saliendo don Quijote a pasearse por la playa armado de todas sus armas, porque, como muchas veces decía, ellas eran sus arreos, y su descanso el pelear, y no se hallaba sin ellas un punto, vio venir hacía él un caballero, armado asimismo de punta en blanco, que en el escudo traía pintada una luna resplandeciente; el cual, llegándose a trecho que podía ser oído, en altas voces, encaminando sus razones a don Quijote, dijo. | Un matin que don Quichotte était sorti pour se promener sur la plage, armé de toutes pièces, car, ainsi qu′on l′a dit maintes fois, ses armes étaient sa parure, et le combat son repos< , et jamais il n′était un instant sans armure, il vit venir à lui un chevalier également armé de pied en cap, qui portait peinte sur son écu une lune resplendissante. Celui-ci, s′approchant assez près pour être entendu, adressa la parole à don Quichotte, et lui dit d′une voix haute : | ÂInsigne caballero y jamás como se debe alabado don Quijote de la Mancha, yo soy el Caballero de la Blanca Luna, cuyas inauditas hazañas quizá te le habrán traído a la memoria. Vengo a contender contigo y a probar la fuerza de tus brazos, en razón de hacerte conocer y confesar que mi dama, sea quien fuere, es sin comparación más hermosa que tu Dulcinea del Toboso; la cual verdad si tú la confiesas de llano en llano, escusarás tu muerte y el trabajo que yo he de tomar en dártela; y si tú peleares y yo te venciere, no quiero otra satisfación sino que, dejando las armas y absteniéndote de buscar aventuras, te recojas y retires a tu lugar por tiempo de un año, donde has de vivir sin echar mano a la espada, en paz tranquila y en provechoso sosiego, porque así conviene al aumento de tu hacienda y a la salvación de tu alma; y si tú me vencieres, quedará a tu discreción mi cabeza, y serán tuyos los despojos de mis armas y caballo, y pasará a la tuya la fama de mis hazañas. Mira lo que te está mejor, y respóndeme luego, porque hoy todo el día traigo de término para despachar este negocio. | « Insigne chevalier et jamais dignement loué don Quichotte de la Manche, je suis le chevalier de la Blanche-Lune, dont les prouesses inou t′auront sans doute rappelé le nom à la mémoire. Je viens me mesurer avec toi et faire l′épreuve de tes forces, avec l′intention de te faire reconnaître et confesser que ma dame, quelle qu′elle soit, est incomparablement plus belle que ta Dulcinée du Toboso. Si tu confesses d′emblée cette vérité, tu éviteras la mort, et moi la peine que je prendrais à te la donner. Si nous combattons, et si je suis vainqueur, je ne veux qu′une satisfaction : c′est que, déposant les armes, et t′abstenant de chercher les aventures, tu te retires dans ton village pour le temps d′une année, pendant laquelle tu vivras, sans mettre l′épée à la main, en paix et en repos, car ainsi l′exigent le soin de ta fortune et le salut de ton âme. Si je suis vaincu, ma tête restera à ta merci, mes armes et mon cheval seront tes dépouilles, et la renommée de mes exploits s′ajoutera à la renommée des tiens. Vois ce qui te convient le mieux, et réponds-moi sur-le-champ, car je n′ai que le jour d′aujourd′hui pour expédier cette affaire. » | Don Quijote quedó suspenso y atónito, así de la arrogancia del Caballero de la Blanca Luna como de la causa por que le desafiaba; y con reposo y ademán severo le respondió. | Don Quichotte resta stupéfait, aussi bien de l′arrogance du chevalier de la Blanche-Lune que de la cause de son défi. Il lui répondit avec calme et d′un ton sévère : | ÂCaballero de la Blanca Luna, cuyas hazañas hasta agora no han llegado a mi noticia, yo osaré jurar que jamás habéis visto a la ilustre Dulcinea; que si visto la hubiérades, yo sé que procurárades no poneros en esta demanda, porque su vista os desengañara de que no ha habido ni puede haber belleza que con la suya comparar se pueda; y así, no diciéndoos que mentís, sino que no acertáis en lo propuesto, con las condiciones que habéis referido, aceto vuestro desafío, y luego, porque no se pase el día que traéis determinado; y sólo exceto de las condiciones la de que se pase a mí la fama de vuestras hazañas, porque no sé cuáles ni qué tales sean: con las mías me contento, tales cuales ellas son. Tomad, pues, la parte del campo que quisiéredes, que yo haré lo mesmo, y a quien Dios se la diere, San Pedro se la bendiga. | « Chevalier de la Blanche-Lune, dont les exploits ne sont point encore arrivés à ma connaissance, je vous ferai jurer que vous n′avez jamais vu l′illustre Dulcinée. Si vous l′eussiez vue, je sais que vous vous fussiez bien gardé de vous hasarder en cette entreprise ; car son aspect vous eût détrompé, et vous eût appris qu′il n′y a point et qu′il ne peut y avoir de beauté comparable à la sienne. Ainsi donc, sans vous dire que vous en avez menti, mais en disant du moins que vous êtes dans une complète erreur, j′accepte votre défi, avec les conditions que vous y avez mises, et je l′accepte sur-le-champ, pour ne point vous faire perdre le jour que vous avez fixé. Des conditions, je n′en excepte qu′une seule, celle de faire passer à ma renommée la renommée de vos prouesses, car je ne sais ni ce qu′elles sont, ni de quelle espèce ; et, quelles qu′elles soient, je me contente des miennes. Prenez donc du champ ce que vous en voudrez prendre, je ferai de même ; et à qui Dieu donnera la fève, que saint Pierre la lui bénisse. » | Habían descubierto de la ciudad al Caballero de la Blanca Luna, y díchoselo al visorrey que estaba hablando con don Quijote de la Mancha. El visorrey, creyendo sería alguna nueva aventura fabricada por don Antonio Moreno, o por otro algún caballero de la ciudad, salió luego a la playa con don Antonio y con otros muchos caballeros que le acompañaban, a tiempo cuando don Quijote volvía las riendas a Rocinante para tomar del campo lo necesario. | On avait aperçu de la ville le chevalier de la Blanche-Lune, et l′on avait averti le vice-roi qu′il était en pourparlers avec don Quichotte de la Manche. Le vice-roi, pensant que ce devait être quelque nouvelle aventure inventée par don Antonio Moréno ou par quelque autre gentilhomme de la ville, prit aussitôt le chemin de la plage, accompagné de don Antonio et de plusieurs autres gentilshommes. Ils arrivèrent au moment où don Quichotte faisait tourner bride à Rossinante pour prendre du champ. | Viendo, pues, el visorrey que daban los dos señales de volverse a encontrar, se puso en medio, preguntándoles qué era la causa que les movía a hacer tan de improviso batalla. El Caballero de la Blanca Luna respondió que era precedencia de hermosura, y en breves razones le dijo las mismas que había dicho a don Quijote, con la acetación de las condiciones del desafío hechas por entrambas partes. Llegóse el visorrey a don Antonio, y preguntóle paso si sabía quién era el tal Caballero de la Blanca Luna, o si era alguna burla que querían hacer a don Quijote. Don Antonio le respondió que ni sabía quién era, ni si era de burlas ni de veras el tal desafío. Esta respuesta tuvo perplejo al visorrey en si les dejaría o no pasar adelante en la batalla; pero, no pudiéndose persuadir a que fuese sino burla, se apartó diciendo: | Le vice-roi, voyant que les deux champions faisaient mine de fondre l′un sur l′autre, se mit au milieu, et leur demanda quel était le motif qui les poussait à se livrer si soudainement bataille. « C′est une prééminence de beauté », répondit le chevalier de la Blanche-Lune ; et il répéta succinctement ce qu′il avait dit à don Quichotte, ainsi que les conditions du duel acceptées de part et d′autre. Le vice-roi s′approcha de don Antonio, et lui demanda tout bas s′il savait qui était ce chevalier de la Blanche-Lune, ou si c′était quelque tour qu′on voulait jouer à don Quichotte. Don Antonio répondit qu′il ne savait ni qui était le chevalier, ni si le duel était pour rire ou tout de bon. Cette réponse jeta le vice-roi dans une grande perplexité ; il ne savait s′il fallait ou non les laisser continuer la bataille. Cependant, ne pouvant pas se persuader que ce ne fût pas une plaisanterie, il s′éloigna en disant : | ÂSeñores caballeros, si aquí no hay otro remedio sino confesar o morir, y el señor don Quijote está en sus trece y vuestra merced el de la Blanca Luna en sus catorce, a la mano de Dios, y dense. | « Seigneurs chevaliers, s′il n′y a point ici de milieu entre confesser ou mourir ; si le seigneur don Quichotte est intraitable, et si Votre Grâce, seigneur de la Blanche-Lune, n′en veut pas démordre, en avant, et à la grâce de Dieu ! » | Agradeció el de la Blanca Luna con corteses y discretas razones al visorrey la licencia que se les daba, y don Quijote hizo lo mesmo; el cual, encomendándose al cielo de todo corazón y a su Dulcinea Âcomo tenía de costumbre al comenzar de las batallas que se le ofrecíanÂ, tornó a tomar otro poco más del campo, porque vio que su contrario hacía lo mesmo, y, sin tocar trompeta ni otro instrumento bélico que les diese señal de arremeter, volvieron entrambos a un mesmo punto las riendas a sus caballos; y, como era más ligero el de la Blanca Luna, llegó a don Quijote a dos tercios andados de la carrera, y allí le encontró con tan poderosa fuerza, sin tocarle con la lanza (que la levantó, al parecer, de propósito), que dio con Rocinante y con don Quijote por el suelo una peligrosa caída. Fue luego sobre él, y, poniéndole la lanza sobre la visera, le dijo. | Le chevalier de la Blanche-Lune remercia le vice-roi, en termes polis, de la licence qu′il leur accordait, et don Quichotte en fit autant. Celui-ci, se recommandant de tout son cœur à Dieu et à sa Dulcinée, comme il avait coutume de la faire en commençant les batailles qui s′offraient à lui, reprit un peu de champ, parce qu′il vit que son adversaire faisait de même ; puis, sans qu′aucune trompette ni autre instrument guerrier leur donnât le signal de l′attaque, ils tournèrent bride tous deux en même temps. Mais, comme le coursier du chevalier de la Blanche-Lune était le plus léger, il atteignit don Quichotte aux deux tiers de la carrière, et là il le heurta si violemment, sans le toucher avec sa lance, dont il sembla relever exprès la pointe, qu′il fit rouler sur le sable Rossinante et don Quichotte. Il s′avança aussitôt sur le chevalier, et, lui mettant le fer de sa lance à la visière, il lui dit : | ÂVencido sois, caballero, y aun muerto, si no confesáis las condiciones de nuestro desafío. | « Vous êtes vaincu, chevalier, et mort même, si vous ne confessez les conditions de notre combat. » | Don Quijote, molido y aturdido, sin alzarse la visera, como si hablara dentro de una tumba, con voz debilitada y enferma, dijo. | Don Quichotte, étourdi et brisé de sa chute, répondit, sans lever sa visière, d′une voix creusé et dolente qui semblait sortir du fond d′un tombeau : | ÂDulcinea del Toboso es la más hermosa mujer del mundo, y yo el más desdichado caballero de la tierra, y no es bien que mi flaqueza defraude esta verdad. Aprieta, caballero, la lanza, y quítame la vida, pues me has quitado la honra. | « Dulcinée du Toboso est la plus belle femme du monde, et moi le plus malheureux chevalier de la terre. Il ne faut pas que mon impuissance à la soutenir compromette cette vérité. Pousse, chevalier, pousse ta lance, et ôte-moi la vie, puisque tu m′as ôté l′honneur. | ÂEso no haré yo, por cierto Âdijo el de la Blanca LunaÂ: viva, viva en su entereza la fama de la hermosura de la señora Dulcinea del Toboso, que sólo me contento con que el gran don Quijote se retire a su lugar un año, o hasta el tiempo que por mí le fuere mandado, como concertamos antes de entrar en esta batalla. |  Oh ! non, certes, je n′en ferai rien, s′écria le chevalier de la Blanche-Lune. Vive, vive en sa plénitude la renommée de madame Dulcinée du Toboso ! Je ne veux qu′une chose, c′est que le grand don Quichotte se retire dans son village une année, ou le temps que je lui prescrirai, ainsi que nous en sommes convenus avant d′en venir aux mains. » | Todo esto oyeron el visorrey y don Antonio, con otros muchos que allí estaban, y oyeron asimismo que don Quijote respondió que como no le pidiese cosa que fuese en perjuicio de Dulcinea, todo lo demás cumpliría como caballero puntual y verdadero. | Le vice-roi, don Antonio, et plusieurs autres personnes qui se trouvaient présentes, entendirent distinctement ces propos ; ils entendirent également don Quichotte répondre que, pourvu qu′on ne lui demandât rien qui fût au détriment de Dulcinée, il accomplirait tout le reste en chevalier ponctuel et loyal. | Hecha esta confesión, volvió las riendas el de la Blanca Luna, y, haciendo mesura con la cabeza al visorrey, a medio galope se entró en la ciudad. | Cette confession faite et reçue, le chevalier de la Blanche-Lune tourna bride, et, saluant le vice-roi de la tête, il prit le petit galop pour rentrer dans la ville. | Mandó el visorrey a don Antonio que fuese tras él, y que en todas maneras supiese quién era. Levantaron a don Quijote, descubriéronle el rostro y halláronle sin color y trasudando. Rocinante, de puro malparado, no se pudo mover por entonces. Sancho, todo triste, todo apesarado, no sabía qué decirse ni qué hacerse: parecíale que todo aquel suceso pasaba en sueños y que toda aquella máquina era cosa de encantamento. Veía a su señor rendido y obligado a no tomar armas en un año; imaginaba la luz de la gloria de sus hazañas escurecida, las esperanzas de sus nuevas promesas deshechas, como se deshace el humo con el viento. Temía si quedaría o no contrecho Rocinante, o deslocado su amo; que no fuera poca ventura si deslocado quedara. Finalmente, con una silla de manos, que mandó traer el visorrey, le llevaron a la ciudad, y el visorrey se volvió también a ella, con deseo de saber quién fuese el Caballero de la Blanca Luna, que de tan mal talante había dejado a don Quijote. | Le vice-roi donna l′ordre à don Antonio de le suivre, pour savoir à tout prix qui il était. On releva don Quichotte, et on lui découvrit le visage, qu′on trouva pâle, inanimé et inondé de sueur. Rossinante était si maltraité, qu′il ne put se remettre sur ses jambes. Sancho, l′oreille basse et la larme à l′œil, ne savait ni que dire ni que faire. Il lui semblait que toute cette aventure était un songe, une affaire d′enchantement. Il voyait son seigneur vaincu, rendu à merci, obligé à ne point prendre les armes d′une année. Il apercevait en imagination la lumière de sa gloire obscurcie, et les espérances de ses nouvelles promesses évanouies, comme la fumée s′évanouit au vent. Il craignait enfin que Rossinante ne restât estropiée pour le reste de ses jours, et son maître disloqué. Heureux encore si les membres brisés remettaient la cervelle< ! Finalement, avec une chaise à porteurs que le vice-roi fit venir, on ramena le chevalier à la ville, et le vice-roi regagna aussitôt son palais, dans le désir de savoir quel était ce chevalier de la Blanche-Lune, qui avait mis don Quichotte en si piteux état.
| II. Capítulo LXV. Donde se da noticia quién era el de la Blanca Luna, con la libertad de Don Gregorio, y de otros sucesos. | Chapitre LXV Où l′on fait connaître qui était le chevalier de la Blanche-Lune, et où l′on raconte la délivrance de don Grégorio, ainsi que d′autres événements Siguió don Antonio Moreno al Caballero de la Blanca Luna, y siguiéronle también, y aun persiguiéronle, muchos muchachos, hasta que le cerraron en un mesón dentro de la ciudad. Entró el don Antonio con deseo de conocerle; salió un escudero a recebirle y a desarmarle; encerróse en una sala baja, y con él don Antonio, que no se le cocía el pan hasta saber quién fuese. Viendo, pues, el de la Blanca Luna que aquel caballero no le dejaba, le dijo: | Don Antonio Moréno suivit le chevalier de la Blanche-Lune, qui fut également suivi et poursuivi même par une infinité de polissons, jusqu′à la porte d′une hôtellerie au centre de la ville. Don Antonio y entra dans le désir de le connaître. Un écuyer vint recevoir et désarmer le chevalier, qui s′enferma dans une salle basse, toujours accompagné de don Antonio, lequel mourait d′envie de savoir qui était cet inconnu. Enfin, quand le chevalier de la Blanche-Lune vit que ce gentilhomme ne le quittait pas, il lui dit : | ÂBien sé, señor, a lo que venís, que es a saber quién soy; y, porque no hay para qué negároslo, en tanto que este mi criado me desarma os lo diré, sin faltar un punto a la verdad del caso. Sabed, señor, que a mí me llaman el bachiller Sansón Carrasco; soy del mesmo lugar de don Quijote de la Mancha, cuya locura y sandez mueve a que le tengamos lástima todos cuantos le conocemos, y entre los que más se la han tenido he sido yo; y, creyendo que está su salud en su reposo y en que se esté en su tierra y en su casa, di traza para hacerle estar en ella; y así, habrá tres meses que le salí al camino como caballero andante, llamándome el Caballero de los Espejos, con intención de pelear con él y vencerle, sin hacerle daño, poniendo por condición de nuestra pelea que el vencido quedase a discreción del vencedor; y lo que yo pensaba pedirle, porque ya le juzgaba por vencido, era que se volviese a su lugar y que no saliese dél en todo un año, en el cual tiempo podría ser curado; pero la suerte lo ordenó de otra manera, porque él me venció a mí y me derribó del caballo, y así, no tuvo efecto mi pensamiento: él prosiguió su camino, y yo me volví, vencido, corrido y molido de la caída, que fue además peligrosa; pero no por esto se me quitó el deseo de volver a buscarle y a vencerle, como hoy se ha visto. Y como él es tan puntual en guardar las órdenes de la andante caballería, sin duda alguna guardará la que le he dado, en cumplimiento de su palabra. Esto es, señor, lo que pasa, sin que tenga que deciros otra cosa alguna; suplícoos no me descubráis ni le digáis a don Quijote quién soy, porque tengan efecto los buenos pensamientos míos y vuelva a cobrar su juicio un hombre que le tiene bonísimo, como le dejen las sandeces de la caballería. | « Je vois bien, seigneur, pourquoi vous êtes venu ; vous voulez savoir qui je suis, et, comme je n′ai nulle raison de le cacher, pendant que mon domestique me désarme, je vais vous le dire en toute vérité. Sachez donc, seigneur, qu′on m′appelle le bachelier Samson Carrasco. Je suis du village même de don Quichotte de la Manche, dont la folie est un objet de pitié pour nous tous qui le connaissons ; mais peut-être lui ai-je porté plus de compassion que personne. Or, comme je crois que sa guérison dépend de son repos, et de ce qu′il ne bouge plus de son pays et de sa maison, j′ai cherché un moyen de l′obliger à y rester tranquille. Il y a donc environ trois mois que j′allai, déguisé en chevalier des Miroirs, lui couper le chemin dans l′intention de combattre avec lui et de le vaincre, sans lui faire aucun mal, après avoir mis pour condition de notre combat que le vaincu resterait à la merci du vainqueur. Ce que je pensai exiger de lui, car je le tenais déjà pour vaincu, c′était qu′il retournât au pays, et qu′il n′en sortît plus de toute une année, temps pendant lequel il pourrait être guéri ; mais le sort en ordonna d′une toute autre façon, car ce fut lui qui me vainquit et me renversa de cheval. Mon projet fut donc sans résultat. Il continua sa route, et je m′en retournai vaincu, honteux et brisé de la chute, qui avait été fort périlleuse. Cependant cela ne m′ôta pas l′envie de revenir le chercher et de le vaincre à mon tour, comme vous avez vu que j′ai fait aujourd′hui. Il est si ponctuel à observer les devoirs de la chevalerie errante, qu′en exécution de sa parole, il observera, sans aucun doute, l′ordre qu′il a reçu de moi. Voilà, seigneur, toute l′histoire, sans que j′aie besoin de rien ajouter. Je vous supplie de ne pas me découvrir, et de ne pas dire à don Quichotte qui je suis, afin que ma bonne intention ait son effet, et que je parvienne à rendre le jugement à un homme qui l′a parfait dès qu′il oublie les extravagances de sa chevalerie errante. | ¡Oh señor Âdijo don AntonioÂ, Dios os perdone el agravio que habéis hecho a todo el mundo en querer volver cuerdo al más gracioso loco que hay en él! ¿No veis, señor, que no podrá llegar el provecho que cause la cordura de don Quijote a lo que llega el gusto que da con sus desvaríos? Pero yo imagino que toda la industria del señor bachiller no ha de ser parte para volver cuerdo a un hombre tan rematadamente loco; y si no fuese contra caridad, diría que nunca sane don Quijote, porque con su salud, no solamente perdemos sus gracias, sino las de Sancho Panza, su escudero, que cualquiera dellas puede volver a alegrar a la misma melancolía. Con todo esto, callaré, y no le diré nada, por ver si salgo verdadero en sospechar que no ha de tener efecto la diligencia hecha por el señor Carrasco. |  Oh ! seigneur, s′écria Antonio, Dieu vous pardonne le tort que vous avez fait au monde entier, en voulant rendre à la raison le fou le plus divertissant qu′il possède ! Ne voyez-vous pas, seigneur, que jamais l′utilité dont pourra être le bon sens de don Quichotte n′approchera du plaisir qu′il donne avec ses incartades ? Mais j′imagine que toute la science et toute l′adresse du seigneur bachelier ne pourront suffire à rendre sage un homme si complètement fou ; et, si ce n′était contraire à la charité, je demanderais que jamais don Quichotte ne guérît, parce qu′avec sa guérison nous aurons non-seulement à perdre ses gracieuses folies, mais encore celles de Sancho Panza, son écuyer, dont la moindre est capable de réjouir la mélancolie même. Cependant je me tairai et ne dirai rien, pour voir si j′aurai deviné juste en soupçonnant que le seigneur Carrasco ne tirera nul profit de sa démarche. » | El cual respondió que ya una por una estaba en buen punto aquel negocio, de quien esperaba feliz suceso. Y, habiéndose ofrecido don Antonio de hacer lo que más le mandase, se despidió dél; y, hecho liar sus armas sobre un macho, luego al mismo punto, sobre el caballo con que entró en la batalla, se salió de la ciudad aquel mismo día y se volvió a su patria, sin sucederle cosa que obligue a contarla en esta verdadera historia. | Le bachelier répondit qu′en tout cas l′affaire était en bon train, et qu′il en espérait une heureuse issue. Il prit congé de don Antonio, qui lui faisait poliment ses offres de service ; puis, ayant fait attacher ses armes sur un mulet, il quitta la ville, à l′instant même, sur le cheval qui lui avait servi dans le combat, et regagna son village, sans qu′il lui arrivât rien que fût tenue de recueillir cette véridique histoire. | Contó don Antonio al visorrey todo lo que Carrasco le había contado, de lo que el visorrey no recibió mucho gusto, porque en el recogimiento de don Quijote se perdía el que podían tener todos aquellos que de sus locuras tuviesen noticia. | Don Antonio rapporta au vice-roi tout ce que lui avait conté Carrasco, chose dont le vice-roi n′éprouva pas grand plaisir ; car la réclusion de don Quichotte allait détruire celui qu′auraient eu tous les gens auxquels seraient parvenues les nouvelles de ses folies. | Seis días estuvo don Quijote en el lecho, marrido, triste, pensativo y mal acondicionado, yendo y viniendo con la imaginación en el desdichado suceso de su vencimiento. Consolábale Sancho, y, entre otras razones, le dijo: | Don Quichotte resta six jours au lit, triste, affligé, rêveur, l′humeur noire et sombre, et l′imagination sans cesse occupée du malheureux événement de sa défaite. Sancho s′efforçait de le consoler, et il lui dit un jour, entre autres propos : | ÂSeñor mío, alce vuestra merced la cabeza y alégrese, si puede, y dé gracias al cielo que, ya que le derribó en la tierra, no salió con alguna costilla quebrada; y, pues sabe que donde las dan las toman, y que no siempre hay tocinos donde hay estacas, dé una higa al médico, pues no le ha menester para que le cure en esta enfermedad: volvámonos a nuestra casa y dejémonos de andar buscando aventuras por tierras y lugares que no sabemos; y, si bien se considera, yo soy aquí el más perdidoso, aunque es vuestra merced el más mal parado. Yo, que dejé con el gobierno los deseos de ser más gobernador, no dejé la gana de ser conde, que jamás tendrá efecto si vuesa merced deja de ser rey, dejando el ejercicio de su caballería; y así, vienen a volverse en humo mis esperanzas. | « Allons, mon bon seigneur, relevez la tête, et tâchez de reprendre votre gaieté, et surtout rendez grâce au ciel de ce qu′étant tombé par terre vous vous soyez relevé sans une côte enfoncée. Vous savez bien que là où les coups se donnent ils se reçoivent, et qu′il n′y a pas toujours du lard où sont les crochets pour le pendre ; en ce cas, faites la figue au médecin, puisque vous n′en avez pas besoin pour vous guérir de cette maladie. Retournons chez nous, et cessons de courir les champs à la quête des aventures, par des terres et des pays que nous ne connaissons pas. À tout bien considérer, c′est moi qui suis le plus perdant, si vous êtes le plus maltraité. Moi, qui ai laissé avec le gouvernement les désirs d′être gouverneur, je n′ai pas laissé l′envie de devenir comte, et jamais cette envie ne sera satisfaite si vous manquez de devenir roi, en laissant l′exercice de votre chevalerie. Ainsi toutes mes espérances s′en vont en fumée. | ÂCalla, Sancho, pues ves que mi reclusión y retirada no ha de pasar de un año; que luego volveré a mis honrados ejercicios, y no me ha de faltar reino que gane y algún condado que darte. |  Tais-toi, Sancho, répondit don Quichotte ; ne vois-tu pas que ma retraite et ma réclusion ne doivent durer qu′une année ? Au bout de ce temps, je reprendrai mon honorable profession, et je ne manquerai ni de royaumes à conquérir, ni de comtés à te donner en cadeau. | ÂDios lo oiga Âdijo SanchoÂ, y el pecado sea sordo, que siempre he oído decir que más vale buena esperanza que ruin posesión. |  Dieu vous entende, reprit Sancho, et que le péché fasse la sourde oreille ; car j′ai toujours ouí¤ire que bonne espérance vaut mieux que mauvaise possession. » | En esto estaban cuando entró don Antonio, diciendo con muestras de grandísimo contento: | Ils en étaient là de leur entretien, quand don Antonio entra, donnant toutes les marques d′une grande allégresse : | ¡Albricias, señor don Quijote, que don Gregorio y el renegado que fue por él está en la playa! ¿Qué digo en la playa? Ya está en casa del visorrey, y será aquí al momento. | « Bonne nouvelle, bonne nouvelle, seigneur don Quichotte, s′écria-t-il ; don Grégorio et le renégat, qui est allé le chercher, sont sur la plage. Que dis-je, sur la plage ? ils sont déjà chez le vice-roi, et seront ici dans un instant. » | Alegróse algún tanto don Quijote, y dijo: | Don Quichotte parut sentir quelque joie. | ÂEn verdad que estoy por decir que me holgara que hubiera sucedido todo al revés, porque me obligara a pasar en Berbería, donde con la fuerza de mi brazo diera libertad no sólo a don Gregorio, sino a cuantos cristianos cautivos hay en Berbería. Pero, ¿qué digo, miserable? ¿No soy yo el vencido? ¿No soy yo el derribado? ¿No soy yo el que no puede tomar arma en un año? Pues, ¿qué prometo? ¿De qué me alabo, si antes me conviene usar de la rueca que de la espada? | « En vérité, dit-il, je me réjouirais volontiers que la chose fût arrivée tout au rebours. J′aurais été contraint de passer en Berbérie, où j′aurais délivré, par la force de mon bras, non-seulement don Grégorio, mais tous les captifs chrétiens qui s′y trouvent. Mais, hélas ! que dis-je, misérable ? ne suis-je pas le vaincu ? ne suis-je pas le renversé par terre ? ne suis-je pas celui qui ne peut prendre les armes d′une année ? Qu′est-ce que je promets donc, et de quoi puis-je me flatter, si je dois plutôt me servir du fuseau que de l′épée ? | ÂDéjese deso, señor Âdijo SanchoÂ: viva la gallina, aunque con su pepita, que hoy por ti y mañana por mí; y en estas cosas de encuentros y porrazos no hay tomarles tiento alguno, pues el que hoy cae puede levantarse mañana, si no es que se quiere estar en la cama; quiero decir que se deje desmayar, sin cobrar nuevos bríos para nuevas pendencias. Y levántese vuestra merced agora para recebir a don Gregorio, que me parece que anda la gente alborotada, y ya debe de estar en casa. |  Laissez donc cela, seigneur, s′écria Sancho. Vive la poule, malgré sa pépie ! Et d′ailleurs, aujourd′hui pour toi, demain pour moi. Dans ces affaires de rencontres, de chocs et de taloches, il ne faut jurer de rien ; car celui qui tombe aujourd′hui peut se relever demain, à moins qu′il n′aime mieux rester au lit, je veux dire qu′il ne se laisse abattre sans reprendre un nouveau courage pour de nouveaux combats. Allons, que Votre Grâce se lève pour recevoir don Grégorio ; car il me semble, au mouvement et au bruit qui se fait, qu′il est déjà dans la maison. » | Y así era la verdad; porque, habiendo ya dado cuenta don Gregorio y el renegado al visorrey de su ida y vuelta, deseoso don Gregorio de ver a Ana Félix, vino con el renegado a casa de don Antonio; y, aunque don Gregorio, cuando le sacaron de Argel, fue con hábitos de mujer, en el barco los trocó por los de un cautivo que salió consigo; pero en cualquiera que viniera, mostrara ser persona para ser codiciada, servida y estimada, porque era hermoso sobremanera, y la edad, al parecer, de diez y siete o diez y ocho años. Ricote y su hija salieron a recebirle: el padre con lágrimas y la hija con honestidad. No se abrazaron unos a otros, porque donde hay mucho amor no suele haber demasiada desenvoltura. Las dos bellezas juntas de don Gregorio y Ana Félix admiraron en particular a todos juntos los que presentes estaban. El silencio fue allí el que habló por los dos amantes, y los ojos fueron las lenguas que descubrieron sus alegres y honestos pensamientos. | C′était la vérité ; aussitôt que don Grégorio eut été avec le renégat rendre compte au vice-roi du départ et du retour, empressé de revoir Ana-Félix, il accourut avec son compagnon à la maison de don Antonio. Quand on le tira d′Alger, don Grégorio était encore en habits de femme ; mais, dans la barque, il les changea contre ceux d′un captif qui s′était sauvé avec lui. Au reste, en quelque habit qu′il se montrât, on connaissait en lui une personne digne d′être enviée, estimée et servie ; car il était merveilleusement beau, et ne semblait pas avoir plus de dix-sept à dix-huit ans. Ricote et sa fille vinrent à sa rencontre ; le père, attendri jusqu′aux larmes, et la fille avec une pudeur charmante. Ils ne s′embrassèrent point ; car, où se trouve beaucoup d′amour, il n′y a pas d′ordinaire beaucoup de hardiesse. Les deux beautés réunies de don Grégorio et d′Ana-Félix firent également l′admiration de tous ceux qui se trouvaient présents à cette scène. Ce fut leur silence qui parla pour les deux amants, et leurs yeux furent les langues qui exprimèrent leur bonheur et leurs chastes pensées. | Contó el renegado la industria y medio que tuvo para sacar a don Gregorio; contó don Gregorio los peligros y aprietos en que se había visto con las mujeres con quien había quedado, no con largo razonamiento, sino con breves palabras, donde mostró que su discreción se adelantaba a sus años. Finalmente, Ricote pagó y satisfizo liberalmente así al renegado como a los que habían bogado al remo. Reincorporóse y redújose el renegado con la Iglesia, y, de miembro podrido, volvió limpio y sano con la penitencia y el arrepentimiento. | Le renégat raconta quels moyens avait employés son adresse pour tirer don Grégorio de sa prison, et don Grégorio raconta en quels embarras, en quels périls il s′était trouvé au milieu des femmes qui le gardaient ; tout cela, sans longueur, en peu de mots, et montrant une discrétion bien au-dessus de son âge. Finalement, Ricote paya et récompensa, d′une main libérale, aussi bien le renégat que les chrétiens qui avaient ramé dans la barque. Quant au renégat, il rentra dans le giron de l′Église, et, de membre gangrené, il redevint sain et pur par la pénitence et le repentir. | De allí a dos días trató el visorrey con don Antonio qué modo tendrían para que Ana Félix y su padre quedasen en España, pareciéndoles no ser de inconveniente alguno que quedasen en ella hija tan cristiana y padre, al parecer, tan bien intencionado. Don Antonio se ofreció venir a la corte a negociarlo, donde había de venir forzosamente a otros negocios, dando a entender que en ella, por medio del favor y de las dádivas, muchas cosas dificultosas se acaban. | Deux jours après, le vice-roi se concerta avec don Antonio sur les moyens qu′il y aurait à prendre pour qu′Ana-Félix et Ricote restassent en Espagne ; car il ne leur semblait d′aucun inconvénient de conserver dans le pays une fille si chrétienne et un père si bien intentionné. Don Antonio s′offrit à aller solliciter cette licence à la cour, où l′appelaient d′ailleurs d′autres affaires, laissant entendre que là, par le moyen de la faveur et des présents, bien des difficultés s′aplanissent. | ÂNo Âdijo Ricote, que se halló presente a esta plática hay que esperar en favores ni en dádivas, porque con el gran don Bernardino de Velasco, conde de Salazar, a quien dio Su Majestad cargo de nuestra expulsión, no valen ruegos, no promesas, no dádivas, no lástimas; porque, aunque es verdad que él mezcla la misericordia con la justicia, como él vee que todo el cuerpo de nuestra nación está contaminado y podrido, usa con él antes del cauterio que abrasa que del ungüento que molifica; y así, con prudencia, con sagacidad, con diligencia y con miedos que pone, ha llevado sobre sus fuertes hombros a debida ejecución el peso desta gran máquina, sin que nuestras industrias, estratagemas, solicitudes y fraudes hayan podido deslumbrar sus ojos de Argos, que contino tiene alerta, porque no se le quede ni encubra ninguno de los nuestros, que, como raíz escondida, que con el tiempo venga después a brotar, y a echar frutos venenosos en España, ya limpia, ya desembarazada de los temores en que nuestra muchedumbre la tenía. ¡Heroica resolución del gran Filipo Tercero, y inaudita prudencia en haberla encargado al tal don Bernardino de Velasco! | « Non, dit Ricote, qui assistait à l′entretien ; il ne faut rien espérer de la faveur ni des présents ; car, avec le grand don Bernardino de Vélasco, comte de Salazar, auquel Sa Majesté a confié le soin de notre expulsion, tout est inutile, prières, larmes, promesses et cadeaux. Il est vrai qu′il unit la miséricorde à la justice ; mais, comme il voit que tout le corps de notre nation est corrompu et pourri, il use plutôt pour remède du cautère, qui brûle, que du baume, qui amollit. Avec la prudence et la sagacité qu′il apporte à ses fonctions, avec la terreur qu′il inspire, il a porté sur ses fortes épaules l′exécution de cette grande mesure, sans que notre adresse, nos démarches, nos stratagèmes et nos fraudes eussent pu tromper ses yeux d′Argus, qu′il tient toujours ouverts, pour empêcher qu′aucun de nous ne lui échappe et ne reste comme une racine cachée, qui germerait avec le temps et répandrait des fruits vénéneux dans l′Espagne, enfin purgée et délivrée des craintes que lui donnait notre multitude. Héroî°µe résolution du grand Philippe III, et prudence inouî£ d′en avoir confié l′exécution à don Bernardino de Vélasco<< ! | ÂUna por una, yo haré, puesto allá, las diligencias posibles, y haga el cielo lo que más fuere servido Âdijo don AntonioÂ. Don Gregorio se irá conmigo a consolar la pena que sus padres deben tener por su ausencia; Ana Félix se quedará con mi mujer en mi casa, o en un monasterio, y yo sé que el señor visorrey gustará se quede en la suya el buen Ricote, hasta ver cómo yo negocio. |  Quoi qu′il en soit, reprit don Antonio, je ferai, une fois là, toutes les diligences possibles, et que le ciel en décide comme il lui plaira. Don Grégorio viendra avec moi, pour consoler ses parents de la peine qu′a dû leur causer son absence ; Ana-Félix restera avec ma femme dans ma maison ou dans un monastère ; et je suis sûr que le seigneur vice-roi voudra bien garder chez lui le bon Ricote, jusqu′au résultat de mes négociations. » | El visorrey consintió en todo lo propuesto, pero don Gregorio, sabiendo lo que pasaba, dijo que en ninguna manera podía ni quería dejar a doña Ana Félix; pero, teniendo intención de ver a sus padres, y de dar traza de volver por ella, vino en el decretado concierto. Quedóse Ana Félix con la mujer de don Antonio, y Ricote en casa del visorrey. | Le vice-roi consentit à tout ce qui était proposé ; mais don Grégorio, sachant ce qui se passait, assura d′abord qu′il ne pouvait ni ne voulait abandonner doña Ana-Félix. Toutefois, comme il avait le désir de revoir ses parents, et qu′il pensait bien trouver le moyen de revenir chercher sa maîtresse, il se rendit à l′arrangement convenu. Ana-Félix resta avec la femme de don Antonio, et Ricote dans le palais du vice-roi. | Llegóse el día de la partida de don Antonio, y el de don Quijote y Sancho, que fue de allí a otros dos; que la caída no le concedió que más presto se pusiese en camino. Hubo lágrimas, hubo suspiros, desmayos y sollozos al despedirse don Gregorio de Ana Félix. Ofrecióle Ricote a don Gregorio mil escudos, si los quería; pero él no tomó ninguno, sino solos cinco que le prestó don Antonio, prometiendo la paga dellos en la corte. Con esto, se partieron los dos, y don Quijote y Sancho después, como se ha dicho: don Quijote desarmado y de camino, Sancho a pie, por ir el rucio cargado con las armas. | Le jour du départ de don Antonio arriva, puis le départ de don Quichotte et de Sancho, qui eut lieu deux jours après ; car les suites de sa chute ne permirent point au chevalier de se mettre plus tôt en route. Il y eut des larmes, des soupirs, des sanglots et des défaillances, quand don Grégorio se sépara d′Ana-Félix. Ricote offrit à son gendre futur mille écus, s′il les voulait ; mais don Grégorio n′en accepta pas un seul, et emprunta seulement cinq écus à don Antonio, en promettant de les lui rendre à Madrid. Enfin, ils partirent tous deux, et don Quichotte avec Sancho, un peu après, comme on l′a dit ; don Quichotte désarmé et en habit de voyage ; Sancho à pied, le grison portant les armes sur son dos.
| II. Capítulo LXVI. Que trata de lo que verá el que lo leyere, o lo oirá el que lo escuchare leer. | Chapitre LXVI Qui traite de ce que verra celui qui le lira, ou de ce qu′entendra celui qui l′écoutera lire Al salir de Barcelona, volvió don Quijote a mirar el sitio donde había caído, y dijo. | Au sortir de Barcelone, don Quichotte vint revoir la place où il était tombé, et s′écria : | ¡Aquí fue Troya! ¡Aquí mi desdicha, y no mi cobardía, se llevó mis alcanzadas glorias; aquí usó la fortuna conmigo de sus vueltas y revueltas; aquí se escurecieron mis hazañas; aquí, finalmente, cayó mi ventura para jamás levantarse. | « Ici fut Troie ! ici ma mauvaise étoile, et non ma lâcheté, m′enleva mes gloires passées ! ici la fortune usa à mon égard de ses tours et de ses retours ! ici s′obscurcirent mes prouesses ! ici, finalement, tomba mon bonheur, pour ne se relever jamais ! » | Oyendo lo cual Sancho, dijo. | Sancho, qui entendit ces lamentations, lui dit aussitôt : | ÂTan de valientes corazones es, señor mío, tener sufrimiento en las desgracias como alegría en las prosperidades; y esto lo juzgo por mí mismo, que si cuando era gobernador estaba alegre, agora que soy escudero de a pie, no estoy triste; porque he oído decir que esta que llaman por ahí Fortuna es una mujer borracha y antojadiza, y, sobre todo, ciega, y así, no vee lo que hace, ni sabe a quién derriba, ni a quién ensalza. | « C′est aussi bien le propre d′un cœur vaillant, mon bon seigneur, d′avoir de la patience et de la fermeté dans les disgrâces, que de la joie dans les prospérités ; et cela, j′en juge par moi-même ; car si, quand j′étais gouverneur, je me sentais gai, maintenant que je suis écuyer à pied, je ne me sens pas triste. En effet, j′ai ouí¤ire que cette créature qu′on appelle la fortune est une femme capricieuse, fantasque, toujours ivre et aveugle par-dessus le marché. Aussi ne voit-elle pas ce qu′elle fait, et ne sait-elle ni qui elle abat, ni qui elle élève. | ÂMuy filósofo estás, Sancho Ârespondió don QuijoteÂ, muy a lo discreto hablas: no sé quién te lo enseña. Lo que te sé decir es que no hay fortuna en el mundo, ni las cosas que en él suceden, buenas o malas que sean, vienen acaso, sino por particular providencia de los cielos, y de aquí viene lo que suele decirse: que cada uno es artífice de su ventura. Yo lo he sido de la mía, pero no con la prudencia necesaria, y así, me han salido al gallarín mis presunciones; pues debiera pensar que al poderoso grandor del caballo del de la Blanca Luna no podía resistir la flaqueza de Rocinante. Atrevíme en fin, hice lo que puede, derribáronme, y, aunque perdí la honra, no perdí, ni puedo perder, la virtud de cumplir mi palabra. Cuando era caballero andante, atrevido y valiente, con mis obras y con mis manos acreditaba mis hechos; y agora, cuando soy escudero pedestre, acreditaré mis palabras cumpliendo la que di de mi promesa. Camina, pues, amigo Sancho, y vamos a tener en nuestra tierra el año del noviciado, con cuyo encerramiento cobraremos virtud nueva para volver al nunca de mí olvidado ejercicio de las armas. |  Tu es bien philosophe, Sancho, répondit don Quichotte, et tu parles en homme de bon sens. Je ne sais vraiment qui t′apprend de telles choses. Mais ce que je puis te dire, c′est qu′il n′y a point de fortune au monde, que toutes les choses qui s′y passent, bonnes ou mauvaises, n′arrivent point par hasard, mais par une providence particulière des cieux. De là vient ce qu′on a coutume de dire, chacun est l′artisan de son heureux sort. Moi, je l′avais été du mien, mais non pas avec assez de prudence ; aussi ma présomption m′a-t-elle coûté cher. J′aurais dû penser qu′à la grosseur démesurée du cheval que montait le chevalier de la Blanche-Lune, la débilité de Rossinante ne pouvait résister. J′osai cependant accepter le combat ; je fis de mon mieux, mais je fus culbuté, et, bien que j′aie perdu l′honneur, je n′ai ni perdu ni pu perdre la vertu de tenir ma parole. Quand j′étais chevalier errant, hardi et valeureux, mon bras et mes œuvres m′accréditaient pour homme de cœur ; maintenant que je suis écuyer démonté, je veux m′accréditer pour homme de parole, en tenant la promesse que j′ai faite. Chemine donc, ami Sancho ; allons passer dans notre pays l′année du noviciat. Dans cette réclusion forcée, nous puiserons de nouvelles forces pour reprendre l′exercice des armes, que je n′abandonnerai jamais. | ÂSeñor Ârespondió SanchoÂ, no es cosa tan gustosa el caminar a pie, que me mueva e incite a hacer grandes jornadas. Dejemos estas armas colgadas de algún árbol, en lugar de un ahorcado, y, ocupando yo las espaldas del rucio, levantados los pies del suelo, haremos las jornadas como vuestra merced las pidiere y midiere; que pensar que tengo de caminar a pie y hacerlas grandes es pensar en lo escusado. |  Seigneur, répondit Sancho, ce n′est pas une chose si divertissante de marcher à pied, qu′elle me donne envie de faire de grandes étapes. Laissons cette armure accrochée à quelque arbre, en guise d′un pendu ; et, quand j′occuperai le dos du grison, les pieds hors de la poussière, nous ferons les marches telles que Votre Grâce voudra les mesurer. Mais croire que je les ferai longues en allant à pied, c′est croire qu′il fait jour à minuit. | ÂBien has dicho, Sancho Ârespondió don QuijoteÂ: cuélguense mis armas por trofeo, y al pie dellas, o alrededor dellas, grabaremos en los árboles lo que en el trofeo de las armas de Roldán estaba escrito. |  Tu as fort bien dit, repartit don Quichotte ; attachons mes armes en trophée ; puis, au-dessous ou alentour, nous graverons sur les arbres ce qui était écrit sur le trophée des armes de Roland : | Nadie las muev. | Que nul de les toucher ne soit si téméraire, | que estar no pueda con Roldán a prueba. | S′il ne veut de Roland affronter la colère. | ÂTodo eso me parece de perlas Ârespondió SanchoÂ; y, si no fuera por la falta que para el camino nos había de hacer Rocinante, también fuera bien dejarle colgado. |  Tout cela me semble d′or, reprit Sancho ; et, n′était la faute que nous ferait Rossinante pour le chemin à faire, je serais d′avis qu′on le pendît également. | ¡Pues ni él ni las armas Âreplicó don Quijote quiero que se ahorquen, porque no se diga que a buen servicio, mal galardón. |  Eh bien ! ni lui ni les armes ne seront pendus, répondit don Quichotte ; je ne veux pas qu′on me dise : À bon service mauvais payement. | ÂMuy bien dice vuestra merced Ârespondió SanchoÂ, porque, según opinión de discretos, la culpa del asno no se ha de echar a la albarda; y, pues deste suceso vuestra merced tiene la culpa, castíguese a sí mesmo, y no revienten sus iras por las ya rotas y sangrientas armas, ni por las mansedumbres de Rocinante, ni por la blandura de mis pies, queriendo que caminen más de lo justo. |  Voilà qui est bien dit, répliqua Sancho ; car, suivant l′opinion des gens sensés, il ne faut pas jeter sur le bât la faute de l′âne. Et, puisque c′est à Votre Grâce qu′est toute la faute de cette aventure, châtiez-vous vous-même ; mais que votre colère ne retombe pas sur ces armes déjà sanglantes et brisées, ni sur le doux et bon Rossinante, qui n′en peut mais, ni sur mes pieds, que j′ai fort tendres, en les faisant cheminer plus que de raison. » | En estas razones y pláticas se les pasó todo aquel día, y aun otros cuatro, sin sucederles cosa que estorbase su camino; y al quinto día, a la entrada de un lugar, hallaron a la puerta de un mesón mucha gente, que, por ser fiesta, se estaba allí solazando. Cuando llegaba a ellos don Quijote, un labrador alzó la voz diciendo. | Ce fut en ces entretiens que se passa toute la journée, et quatre autres encore, sans qu′il leur arrivât rien qui contrariât leur voyage. Le cinquième jour, à l′entrée d′une bourgade, ils trouvèrent devant la porte d′une hôtellerie beaucoup de gens qui s′y divertissaient, car c′était fête. Comme don Quichotte approchait d′eux, un laboureur éleva la voix et dit : | ÂAlguno destos dos señores que aquí vienen, que no conocen las partes, dirá lo que se ha de hacer en nuestra apuesta. | « Bon ! un de ces seigneurs que voilà, et qui ne connaissent point les parieurs, va décider de notre gageure. | ÂSí diré, por cierto Ârespondió don QuijoteÂ, con toda rectitud, si es que alcanzo a entenderla. |  Très-volontiers, répondit don Quichotte, et en toute droiture, si toutefois je parviens à la bien comprendre. | « Es, pues, el caso Âdijo el labradorÂ, señor bueno, que un vecino deste lugar, tan gordo que pesa once arrobas, desafió a correr a otro su vecino, que no pesa más que cinco. Fue la condición que habían de correr una carrera de cien pasos con pesos iguales; y, habiéndole preguntado al desafiador cómo se había de igualar el peso, dijo que el desafiado, que pesa cinco arrobas, se pusiese seis de hierro a cuestas, y así se igualarían las once arrobas del flaco con las once del gordo. |  Le cas est, mon bon seigneur, reprit le paysan, qu′un habitant de ce village, si gros qu′il pèse deux quintaux trois quarts, a défié à la course un autre habitant, qui ne pèse pas plus de cent vingt-cinq livres. La condition du défi fut qu′ils parcourraient un espace de cent pas à poids égal. Quand on a demandé au défieur< comment il fallait égaliser le poids, il a répondu que le défié, qui pèse un quintal et quart, se mette sur le dos un quintal et demi de fer, et alors les cent vingt-cinq livres du maigre s′égaliseront avec les deux cent soixante-quinze livres du gras. | ÂEso no Âdijo a esta sazón Sancho, antes que don Quijote respondieseÂ. Y a mí, que ha pocos días que salí de ser gobernador y juez, como todo el mundo sabe, toca averiguar estas dudas y dar parecer en todo pleito. |  Nenni, vraiment ! s′écria Sancho avant que don Quichotte répondît. Et c′est à moi, qui étais, il y a peu de jours, gouverneur et juge, comme tout le monde sait, qu′il appartient d′éclaircir ces doutes, et de trancher toute espèce de différend. | ÂResponde en buen hora Âdijo don QuijoteÂ, Sancho amigo, que yo no estoy para dar migas a un gato, según traigo alborotado y trastornado el juicio. |  Eh bien ! à la bonne heure, charge-toi de répondre, ami Sancho, dit don Quichotte ; car je ne suis pas bon à donner de la bouillie au chat, tant j′ai le jugement brouillé et renversé. » | Con esta licencia, dijo Sancho a los labradores, que estaban muchos alrededor dél la boca abierta, esperando la sentencia de la suya. | Avec cette permission, Sancho s′adressa aux paysans, qui étaient rassemblés en grand nombre autour de lui, la bouche ouverte, attendant la sentence qu′allait prononcer la sienne. | ÂHermanos, lo que el gordo pide no lleva camino, ni tiene sombra de justicia alguna; porque si es verdad lo que se dice, que el desafiado puede escoger las armas, no es bien que éste las escoja tales que le impidan ni estorben el salir vencedor; y así, es mi parecer que el gordo desafiador se escamonde, monde, entresaque, pula y atilde, y saque seis arrobas de sus carnes, de aquí o de allí de su cuerpo, como mejor le pareciere y estuviere; y desta manera, quedando en cinco arrobas de peso, se igualará y ajustará con las cinco de su contrario, y así podrán correr igualmente. | « Frères, leur dit-il, ce que demande le gras n′a pas le sens commun, ni l′ombre de justice ; car, si ce qu′on dit est vrai, que le défié a le choix des armes, il ne faut pas ici que le défieur les choisisse telles qu′il soit impossible à l′autre de remporter la victoire. Mon avis est donc que le défieur gros et gras s′émonde, s′élague, se rogne, se tranche et se retranche, qu′il s′ôte enfin cent cinquante livres de chair, de ci, de là, de tout son corps, comme il lui plaira et comme il s′en trouvera le mieux ; de cette manière, restant avec cent vingt-cinq livres pesant, il se trouvera d′accord et de poids avec son adversaire ; alors ils pourront courir, la partie sera parfaitement égale. | ¡Voto a tal Âdijo un labrador que escuchó la sentencia de Sancho que este señor ha hablado como un bendito y sentenciado como un canónigo! Pero a buen seguro que no ha de querer quitarse el gordo una onza de sus carnes, cuanto más seis arrobas. |  Je jure Dieu, dit un laboureur qui avait écouté la sentence de Sancho, que ce seigneur a parlé comme un bienheureux, et qu′il a jugé comme un chanoine. Mais, à coup sûr, le gros ne voudra pas s′ôter une once de chair, à plus forte raison cent cinquante livres. | ÂLo mejor es que no corran Ârespondió otroÂ, porque el flaco no se muela con el peso, ni el gordo se descarne; y échese la mitad de la apuesta en vino, y llevemos estos señores a la taberna de lo caro, y sobre mí la capa cuando llueva. |  Le meilleur est qu′ils ne courent pas du tout, reprit un autre, pour que le maigre n′ait pas à crever sous la charge, ni le gros à se déchiqueter. Mettez la moitié de la gageure en vin ; emmenons ces seigneurs au cabaret, et je prends tout sur mon dos. | ÂYo, señores Ârespondió don QuijoteÂ, os lo agradezco, pero no puedo detenerme un punto, porque pensamientos y sucesos tristes me hacen parecer descortés y caminar más que de paso. |  Pour moi, seigneurs, répondit don Quichotte, je vous suis très-obligé ; mais je ne puis m′arrêter un instant, car de sombres pensées et de tristes événements m′obligent à paraître impoli et à cheminer plus vite que le pas. » | Y así, dando de las espuelas a Rocinante, pasó adelante, dejándolos admirados de haber visto y notado así su estraña figura como la discreción de su criado, que por tal juzgaron a Sancho. Y otro de los labradores dijo. | Donnant de l′éperon à Rossinante., il passa outre et laissa ces gens aussi étonnés de son étrange figure que de la sagacité de Sancho. Un des paysans s′écria : | ÂSi el criado es tan discreto, ¡cuál debe de ser el amo! Yo apostaré que si van a estudiar a Salamanca, que a un tris han de venir a ser alcaldes de corte; que todo es burla, sino estudiar y más estudiar, y tener favor y ventura; y cuando menos se piensa el hombre, se halla con una vara en la mano o con una mitra en la cabeza. | « Si le valet a tant d′esprit, qu′est-ce que doit être le maître ? je parie que, s′ils vont à Salamaque, ils deviendront, en un tour de main, alcaldes de cour. Tout est pour rire ; il n′y a qu′une chose, étudier et toujours étudier ; puis avoir un peu de faveur et de bonne chance, et, quand on y pense le moins, on se trouve avec une verge à la main ou une mitre sur la tête. » | Aquella noche la pasaron amo y mozo en mitad del campo, al cielo raso y descubierto; y otro día, siguiendo su camino, vieron que hacia ellos venía un hombre de a pie, con unas alforjas al cuello y una azcona o chuzo en la mano, propio talle de correo de a pie; el cual, como llegó junto a don Quijote, adelantó el paso, y medio corriendo llegó a él, y, abrazándole por el muslo derecho, que no alcanzaba a más, le dijo, con muestras de mucha alegría. | Cette nuit, maître et valet la passèrent au milieu des champs, à la belle étoile, et, le lendemain, continuant leur route, ils virent venir à eux un homme à pied qui portait une besace au cou et un pieu ferré à la main, équipage ordinaire d′un messager piéton. Celui-ci en approchant de don Quichotte, doubla le pas, et vint à lui presque en courant ; puis, lui embrassant la cuisse droite, car il n′atteignait pas plus haut, il lui dit avec des marques de grande allégresse : | ¡Oh mi señor, y qué gran contento ha de llegar al corazón de mi señor el duque cuando sepa que vuestra merced vuelve a su castillo, que todavía se está en él con mi señora la duquesa. | « Oh ! mon seigneur don Quichotte de la Manche, quelle joie va sentir au fond de l′âme mon seigneur le duc, quand il saura que Votre Grâce retourne à son château, où il est encore avec madame la duchesse ! | ÂNo os conozco, amigo Ârespondió don QuijoteÂ, ni sé quién sois, si vos no me lo decís. |  Je ne vous connais pas, mon ami, répondit don Quichotte, et ne sais qui vous êtes, à moins que vous ne me le disiez. | ÂYo, señor don Quijote Ârespondió el correoÂ, soy Tosilos, el lacayo del duque mi señor, que no quise pelear con vuestra merced sobre el casamiento de la hija de doña Rodríguez. |  Moi, seigneur don Quichotte, répliqua le messager, je suis Tosilos, le laquais du duc mon seigneur, celui qui ne voulut pas combattre avec Votre Grâce à propos du mariage de la fille de doña Rodriguez ! | ¡Válame Dios! Âdijo don QuijoteÂ. ¿Es posible que sois vos el que los encantadores mis enemigos transformaron en ese lacayo que decís, por defraudarme de la honra de aquella batalla? |  Miséricorde ! s′écria don Quichotte ; est-ce possible que vous soyez celui que les enchanteurs, mes ennemis, transformèrent en ce laquais que vous dites, pour m′enlever l′honneur de cette bataille ? | ÂCalle, señor bueno Âreplicó el carteroÂ, que no hubo encanto alguno ni mudanza de rostro ninguna: tan lacayo Tosilos entré en la estacada como Tosilos lacayo salí della. Yo pensé casarme sin pelear, por haberme parecido bien la moza, pero sucedióme al revés mi pensamiento, pues, así como vuestra merced se partió de nuestro castillo, el duque mi señor me hizo dar cien palos por haber contravenido a las ordenanzas que me tenía dadas antes de entrar en la batalla, y todo ha parado en que la muchacha es ya monja, y doña Rodríguez se ha vuelto a Castilla, y yo voy ahora a Barcelona, a llevar un pliego de cartas al virrey, que le envía mi amo. Si vuestra merced quiere un traguito, aunque caliente, puro, aquí llevo una calabaza llena de lo caro, con no sé cuántas rajitas de queso de Tronchón, que servirán de llamativo y despertador de la sed, si acaso está durmiendo. |  Allons, mon bon seigneur, repartit le messager, ne dites pas une telle chose. Il n′y a eu ni enchantement ni changement de visage. Aussi bien laquais Tosilos je suis entré dans le champ clos, que Tosilos laquais j′en suis sorti. J′ai voulu me marier sans combattre, parce que la jeune fille était à mon goût. Mais la chose a tourné tout à l′envers ; car, dès que Votre Grâce est partie de notre château, le duc mon seigneur m′a fait appliquer cent coups de baguette pour avoir contrevenu aux ordres qu′il m′avait donnés avant de commencer la bataille. La fin de l′histoire, c′est que la pauvre fille est déjà religieuse, que doña Rodriguez est retournée en Castille, et que je vais maintenant à Barcelone porter au vice-roi un pli de lettre que lui envoie mon seigneur. Si Votre Grâce veut boire un coup pur, quoique chaud, je porte ici une gourde de vieux vin, avec je ne sais combien de bribes de fromage de Tronchon, qui sauront bien vous éveiller la soif, si par hasard elle est endormie. | ÂQuiero el envite Âdijo SanchoÂ, y échese el resto de la cortesía, y escancie el buen Tosilos, a despecho y pesar de cuantos encantadores hay en las Indias. |  J′accepte l′invitation, s′écria Sancho ; trêve de compliments, et que le bon Tosilos verse rasade, en dépit de tous les enchanteurs qu′il y ait aux Grandes-Indes. | ÂEn fin Âdijo don QuijoteÂ, tú eres, Sancho, el mayor glotón del mundo y el mayor ignorante de la tierra, pues no te persuades que este correo es encantado, y este Tosilos contrahecho. Quédate con él y hártate, que yo me iré adelante poco a poco, esperándote a que vengas. |  Enfin, Sancho, dit don Quichotte, tu es le plus grand glouton du monde et le plus grand ignorant de la terre, puisque tu ne veux pas te mettre dans la tête que ce courrier est enchanté et ce Tosilos contrefait. Reste avec lui, et bourre-toi l′estomac ; j′irai en avant, au petit pas, et j′attendrai que tu reviennes. » | Rióse el lacayo, desenvainó su calabaza, desalforjó sus rajas, y, sacando un panecillo, él y Sancho se sentaron sobre la yerba verde, y en buena paz compaña despabilaron y dieron fondo con todo el repuesto de las alforjas, con tan buenos alientos, que lamieron el pliego de las cartas, sólo porque olía a queso. Dijo Tosilos a Sancho. | Le laquais se mit à rire, dégaina sa gourde, tira du bissac un pain et des bribes de fromage, puis s′assit avec Sancho sur l′herbe verte. Là, en paix et en bonne amitié, ils attaquèrent et expédièrent les provisions avec tant de courage et d′appétit, qu′ils léchèrent le paquet de lettres, seulement parce qu′il sentait le fromage. Tosilos dit à Sancho : | ÂSin duda este tu amo, Sancho amigo, debe de ser un loco. | « Sans aucun doute, ami SanchoÂ
, ton maître doit être fou. | ¿Cómo debe? Ârespondió SanchoÂ. No debe nada a nadie, que todo lo paga, y más cuando la moneda es locura. Bien lo veo yo, y bien se lo digo a él; pero, ¿qué aprovecha? Y más agora que va rematado, porque va vencido del Caballero de la Blanca Luna. |  Comment ! doit ? répondit Sancho ; oh ! il ne doit rien à personne ; il paye tout comptant, surtout quand c′est en monnaie de folie. Je le vois bien, et je le lui dis bien aussi. Mais qu′y faire ? surtout maintenant qu′il est fou à lier parce qu′il a été vaincu par le chevalier de la Blanche-Lune. » | Rogóle Tosilos le contase lo que le había sucedido, pero Sancho le respondió que era descortesía dejar que su amo le esperase; que otro día, si se encontrasen, habría lugar para ello. Y, levantándose, después de haberse sacudido el sayo y las migajas de las barbas, antecogió al rucio, y, diciendo ÂÂa Dios′′, dejó a Tosilos y alcanzó a su amo, que a la sombra de un árbol le estaba esperando. | Tosilos le pria de lui conter cette aventure ; mais Sancho répondit qu′il y aurait impolitesse à laisser plus longtemps son maître croquer le marmot à l′attendre, et qu′un autre jour, s′ils se rencontraient, ils auraient l′occasion de reprendre l′entretien. Là-dessus il se leva, secoua son pourpoint et les miettes attachées à sa barbe, poussa le grison devant lui, dit adieu à Tosilos et rejoignit son maître, qui l′attendait à l′ombre sous un arbre.
| II. Capítulo LXVII. De la resolución que tomó don Quijote de hacerse pastor y seguir la vida del campo, en tanto que se pasaba el año de su promesa, con otros sucesos en verdad gustosos y buenos. | Chapitre LXVII De la résolution que prit don Quichotte de se faire berger et de mener la vie champêtre, tandis que passerait l′année de sa pénitence, avec d′ autres événements curieux et divertissants en vérité Si muchos pensamientos fatigaban a don Quijote antes de ser derribado, muchos más le fatigaron después de caído. A la sombra del árbol estaba, como se ha dicho, y allí, como moscas a la miel, le acudían y picaban pensamientos: unos iban al desencanto de Dulcinea y otros a la vida que había de hacer en su forzosa retirada. Llegó Sancho y alabóle la liberal condición del lacayo Tosilos. | Si toujours une foule de pensées avaient tourmenté don Quichotte, avant qu′il fût abattu, un bien plus grand nombre le tourmentaient depuis sa chute. Il était donc à l′ombre d′un arbre, et là, comme des mouches à la curée du miel, mille pensées accouraient le harceler. Les unes avaient trait au désenchantement de Dulcinée, les autres à la vie qu′il mènerait pendant sa retraite forcée. Sancho arriva, et lui vanta l′humeur libérale du laquais Tosilos. | ¿Es posible Âle dijo don Quijote que todavía, ¡oh Sancho!, pienses que aquél sea verdadero lacayo? Parece que se te ha ido de las mientes haber visto a Dulcinea convertida y transformada en labradora, y al Caballero de los Espejos en el bachiller Carrasco, obras todas de los encantadores que me persiguen. Pero dime agora: ¿preguntaste a ese Tosilos que dices qué ha hecho Dios de Altisidora: si ha llorado mi ausencia, o si ha dejado ya en las manos del olvido los enamorados pensamientos que en mi presencia la fatigaban? | « Est-il possible, s′écria don Quichotte, que tu penses encore, ô Sancho, que ce garçon soit un véritable laquais ? As-tu donc oublié que tu as vu Dulcinée convertie en une paysanne, et le chevalier des Miroirs transformé en bachelier Carrasco ? Voilà les œuvres des enchanteurs qui me persécutent. Mais, dis-moi maintenant, as-tu demandé à ce Tosilos ce que Dieu a fait d′Altisidore ; si elle a pleuré mon absence, ou si elle a déjà versé dans le sein de l′oubli les pensées amoureuses qui la tourmentaient en ma présence ? | ÂNo eran Ârespondió Sancho los que yo tenía tales que me diesen lugar a preguntar boberías. ¡Cuerpo de mí!, señor, ¿está vuestra merced ahora en términos de inquirir pensamientos ajenos, especialmente amorosos? |  Les miennes, reprit Sancho, ne me laissent guère songer à m′enquérir de fadaises. Mais, jour de Dieu ! seigneur, quelle mouche vous pique à présent, pour vous informer des pensées d′autrui, et surtout de pensées amoureuses ? | ÂMira, Sancho Âdijo don QuijoteÂ, mucha diferencia hay de las obras que se hacen por amor a las que se hacen por agradecimiento. Bien puede ser que un caballero sea desamorado, pero no puede ser, hablando en todo rigor, que sea desagradecido. Quísome bien, al parecer, Altisidora; diome los tres tocadores que sabes, lloró en mi partida, maldíjome, vituperóme, quejóse, a despecho de la vergüenza, públicamente: señales todas de que me adoraba, que las iras de los amantes suelen parar en maldiciones. Yo no tuve esperanzas que darle, ni tesoros que ofrecerle, porque las mías las tengo entregadas a Dulcinea, y los tesoros de los caballeros andantes son, como los de los duendes, aparentes y falsos, y sólo puedo darle estos acuerdos que della tengo, sin perjuicio, pero, de los que tengo de Dulcinea, a quien tú agravias con la remisión que tienes en azotarte y en castigar esas carnes, que vea yo comidas de lobos, que quieren guardarse antes para los gusanos que para el remedio de aquella pobre señora. |  Écoute, Sancho, reprit don Quichotte, il y a bien de la différence entre les actions qu′on fait par amour et celles qu′on fait par reconnaissance. Il peut arriver qu′un chevalier reste froid et insensible ; mais, à la rigueur, il est impossible qu′il soit ingrat. Selon toute apparence, Altisidore m′aima tendrement ; elle m′a donné les trois mouchoirs de tête que tu sais bien ; elle a pleuré à mon départ, elle m′a fait des reproches, elle m′a maudit, elle s′est plainte publiquement, en dépit de toute pudeur. Ce sont là des preuves qu′elle m′adorait ; car les colères des amants éclatent toujours en malédictions. Moi, je n′ai pas eu d′espérances à lui donner puisque les miennes appartiennent toutes à Dulcinée, ni de trésors à lui offrir, car les trésors des chevaliers errants sont, comme ceux des esprits follets, apparents et menteurs. Je ne puis donc lui donner que ces souvenirs qui me restent d′elle, sans préjudice toutefois de ceux que m′a laissés Dulcinée, Dulcinée à qui tu fais injure par les retards que tu mets à fouetter, à châtier ces masses de chair, que je voudrais voir mangées des loups, puisqu′elles aiment mieux se réserver pour les vers de terre que de s′employer à la guérison de cette pauvre dame. | ÂSeñor Ârespondió SanchoÂ, si va a decir la verdad, yo no me puedo persuadir que los azotes de mis posaderas tengan que ver con los desencantos de los encantados, que es como si dijésemos: "Si os duele la cabeza, untaos las rodillas". A lo menos, yo osaré jurar que en cuantas historias vuesa merced ha leído que tratan de la andante caballería no ha visto algún desencantado por azotes; pero, por sí o por no, yo me los daré, cuando tenga gana y el tiempo me dé comodidad para castigarme. |  Ma foi, seigneur, répondit Sancho, s′il faut dire la vérité, je ne puis me persuader que les claques à me donner sur le derrière aient rien à voir avec le désenchantement des enchantés. C′est comme si nous disions : La tête vous fait mal, graissez-vous le talon. Du moins, j′oserais bien jurer qu′en toutes les histoires que Votre Grâce a lues, traitant de la chevalerie errante, vous n′avez pas vu un seul désenchantement à coups de fouet. Mais enfin, pour oui ou pour non, je me les donnerai quand l′envie m′en prendra, et que le temps m′offrira toute commodité pour cette besogne. | ÂDios lo haga Ârespondió don QuijoteÂ, y los cielos te den gracia para que caigas en la cuenta y en la obligación que te corre de ayudar a mi señora, que lo es tuya, pues tú eres mío. |  Dieu le veuille, reprit don Quichotte, et que les cieux te donnent assez de leur grâce pour que tu reconnaisses l′obligation où tu es de secourir ma dame et maîtresse, qui est la tienne, puisque tu es à moi. » | En estas pláticas iban siguiendo su camino, cuando llegaron al mesmo sitio y lugar donde fueron atropellados de los toros. Reconocióle don Quijote; dijo a Sancho. | Ils suivaient leur chemin en devisant de la sorte, quand ils arrivèrent à la place où les taureaux les avaient culbutés et foulés. Don Quichotte reconnut l′endroit et dit à Sancho : | ÂÉste es el prado donde topamos a las bizarras pastoras y gallardos pastores que en él querían renovar e imitar a la pastoral Arcadia, pensamiento tan nuevo como discreto, a cuya imitación, si es que a ti te parece bien, querría, ¡oh Sancho!, que nos convirtiésemos en pastores, siquiera el tiempo que tengo de estar recogido. Yo compraré algunas ovejas, y todas las demás cosas que al pastoral ejercicio son necesarias, y llamándome yo el pastor Quijotiz, y tú el pastor Pancino, nos andaremos por los montes, por las selvas y por los prados, cantando aquí, endechando allí, bebiendo de los líquidos cristales de las fuentes, o ya de los limpios arroyuelos, o de los caudalosos ríos. Daránnos con abundantísima mano de su dulcísimo fruto las encinas, asiento los troncos de los durísimos alcornoques, sombra los sauces, olor las rosas, alfombras de mil colores matizadas los estendidos prados, aliento el aire claro y puro, luz la luna y las estrellas, a pesar de la escuridad de la noche, gusto el canto, alegría el lloro, Apolo versos, el amor conceptos, con que podremos hacernos eternos y famosos, no sólo en los presentes, sino en los venideros siglos. | « Voici la prairie où nous avons rencontré les charmantes bergères et les élégants bergers qui voulaient y renouveler la pastorale Arcadie. C′est une pensée aussi neuve que discrète, et, si tu es du même avis que moi, je voudrais, ô Sancho, qu′à leur imitation nous nous transformassions en bergers, ne fût-ce que le temps où je dois être reclus.< J′achèterais quelques brebis, et toutes les choses nécessaires à la profession pastorale ; puis, nous appelant, moi le pasteur Quichottiz, toi le pasteur Panzino, nous errerons par les montagnes, les forêts et les prairies, chantant par-ci des chansons, par-là des complaintes, buvant au liquide cristal des fontaines et des ruisseaux, ou dans les fleuves au lit profond. Les chênes nous offriront d′une main libérale leurs fruits doux et savoureux, et les liéges un siège et un abri. Les saules nous donneront de l′ombre, la rose des parfums, les vastes prairies des tapis émaillés de mille couleurs, l′air sa pure haleine, la lune et les étoiles une douce lumière malgré l′obscurité de la nuit, le chant du plaisir, les pleurs de la joie, Apollon des vers, et l′amour des pensées sentimentales, qui pourront nous rendre fameux et immortels, non-seulement dans le présent âge, mais dans les siècles à venir. | ÂPardiez Âdijo SanchoÂ, que me ha cuadrado, y aun esquinado, tal género de vida; y más, que no la ha de haber aún bien visto el bachiller Sansón Carrasco y maese Nicolás el barbero, cuando la han de querer seguir, y hacerse pastores con nosotros; y aun quiera Dios no le venga en voluntad al cura de entrar también en el aprisco, según es de alegre y amigo de holgarse. |  Pardieu ! s′écria Sancho, voilà une vie qui me va et qui m′enchante ; d′autant plus qu′avant même de l′avoir bien envisagée, le bachelier Samson Carrasco et maître Nicolas, le barbier, voudront la mener également, et se faire bergers comme nous. Encore, Dieu veuille qu′il ne prenne pas envie au curé de se fourrer dans la bergerie, tant il est de bonne humeur et curieux de se divertir. | ÂTú has dicho muy bien Âdijo don QuijoteÂ; y podrá llamarse el bachiller Sansón Carrasco, si entra en el pastoral gremio, como entrará sin duda, el pastor Sansonino, o ya el pastor Carrascón; el barbero Nicolás se podrá llamar Miculoso, como ya el antiguo Boscán se llamó Nemoroso; al cura no sé qué nombre le pongamos, si no es algún derivativo de su nombre, llamándole el pastor Curiambro. Las pastoras de quien hemos de ser amantes, como entre peras podremos escoger sus nombres; y, pues el de mi señora cuadra así al de pastora como al de princesa, no hay para qué cansarme en buscar otro que mejor le venga; tú, Sancho, pondrás a la tuya el que quisieres. |  Ce que tu dis est parfait, reprit don Quichotte ; et, si le bachelier entre dans la communauté pastorale, comme je n′en fais aucun doute, il pourra s′appeler le pasteur Sansonnet, ou le pasteur Carrascon. Le barbier Nicolas pourra s′appeler le pasteur Nicoloso, comme l′ancien Boscan s′appela Nemoroso< . Quant au curé, je ne sais trop quel nom nous lui donnerons, à moins que ce ne soit un dérivatif du sien, et que nous ne l′appelions le pasteur Curiambro. Pour les bergères de qui nous devons être les amants, nous pourrons leur choisir des noms comme dans un cent de poires ; et, puisque le nom de ma dame convient aussi bien à l′état de bergère qu′à celui de princesse, je n′ai pas besoin de me creuser la cervelle à lui en chercher un qui lui aille mieux. Toi, Sancho, tu donneras à la tienne celui qui te plaira. | ÂNo pienso Ârespondió Sancho ponerle otro alguno sino el de Teresona, que le vendrá bien con su gordura y con el propio que tiene, pues se llama Teresa; y más, que, celebrándola yo en mis versos, vengo a descubrir mis castos deseos, pues no ando a buscar pan de trastrigo por las casas ajenas. El cura no será bien que tenga pastora, por dar buen ejemplo; y si quisiere el bachiller tenerla, su alma en su palma. |  Je ne pense pas, répondit Sancho, lui donner un autre nom que celui de Térésona< ; il ira bien avec sa grosse taille et avec le sien propre, puisqu′elle s′appelle Thérèse. D′ailleurs, en la célébrant dans mes vers, je découvrirai combien mes désirs sont chastes, puisque je ne vais pas moudre au moulin d′autrui. Il ne faut pas que le curé ait de bergère, ce serait donner mauvais exemple. Quant au bachelier, s′il veut en avoir une, il a son âme dans sa main. | ¡Válame Dios Âdijo don QuijoteÂ, y qué vida nos hemos de dar, Sancho amigo! ¡Qué de churumbelas han de llegar a nuestros oídos, qué de gaitas zamoranas, qué tamborines, y qué de sonajas, y qué de rabeles! Pues, ¡qué si destas diferencias de músicas resuena la de los albogues! Allí se verá casi todos los instrumentos pastorales. |  Miséricorde ! s′écria don Quichotte, quelle vie nous allons nous donner, ami Sancho ! que de cornemuses vont résonner à nos oreilles ! que de flageolets, de tambourins, de violes et de serinettes ! Si, parmi toutes ces espèces de musiques, vient à se faire entendre celle des albogues< , nous aurons là presque tous les instruments pastoraux. | ¿Qué son albogues Âpreguntó SanchoÂ, que ni los he oído nombrar, ni los he visto en toda mi vida. |  Qu′est-ce que cela, des albogues ? demanda Sancho. Je ne les ai vus ni ouí®ommer en toute ma vie. | ÂAlbogues son Ârespondió don Quijote unas chapas a modo de candeleros de azófar, que, dando una con otra por lo vacío y hueco, hace un son, si no muy agradable ni armónico, no descontenta, y viene bien con la rusticidad de la gaita y del tamborín; y este nombre albogues es morisco, como lo son todos aquellos que en nuestra lengua castellana comienzan en al, conviene a saber: almohaza, almorzar, alhombra, alguacil, alhucema, almacén, alcancía, y otros semejantes, que deben ser pocos más; y solos tres tiene nuestra lengua que son moriscos y acaban en i, y son: borceguí, zaquizamí y maravedí. Alhelí y alfaquí, tanto por el al primero como por el i en que acaban, son conocidos por arábigos. Esto te he dicho, de paso, por habérmelo reducido a la memoria la ocasión de haber nombrado albogues; y hanos de ayudar mucho al parecer en perfeción este ejercicio el ser yo algún tanto poeta, como tú sabes, y el serlo también en estremo el bachiller Sansón Carrasco. Del cura no digo nada; pero yo apostaré que debe de tener sus puntas y collares de poeta; y que las tenga también maese Nicolás, no dudo en ello, porque todos, o los más, son guitarristas y copleros. Yo me quejaré de ausencia; tú te alabarás de firme enamorado; el pastor Carrascón, de desdeñado; y el cura Curiambro, de lo que él más puede servirse, y así, andará la cosa que no haya más que desear. |  Des albogues, répondit don Quichotte, sont des plaques de métal, semblables à des pieds de chandeliers, qui, frappées l′une contre l′autre par le côté creux, rendent un son, sinon très-harmonieux et très-agréable, au moins sans discordance et bien d′accord avec la rusticité de la cornemuse et du tambourin. Ce nom d′albogues est arabe, comme le sont tous ceux qui, dans notre langue espagnole, commencent par al, à savoir : almohaza< , almorzar< , alfombra , alguazil , almacen< , alcancia , et quelques autres semblables. Notre langue n′a que trois mots arabes qui finissent en i : horcegui , zaquizami et maravedi ; car alheli et alfaqui , aussi bien par l′al du commencement que par l′i final, sont reconnus pour arabes. Je te fais cette observation en passant, parce qu′elle m′est venue à la mémoire en nommant les albogues. Ce qui doit nous aider beaucoup à faire notre état de berger dans la perfection, c′est que je me mêle un peu de poésie, comme tu sais, et que le bachelier Samson Carrasco est un poëte achevé. Du curé, je n′ai rien à dire ; mais je gagerais qu′il a aussi ses prétentions à tourner le vers ; et, quant à maître Nicolas, je n′en fais pas l′ombre d′un doute, car tous les barbiers sont joueurs de guitare et faiseurs de couplets. Moi, je me plaindrai de l′absence ; toi, tu te vanteras d′un amour fidèle ; le pasteur Carrascon fera le dédaigné, et le curé Curiambro ce qui lui plaira ; de cette façon, la chose ira à merveille. | A lo que respondió Sancho. |  Pour moi, seigneur, répondit Sancho, | ÂYo soy, señor, tan desgraciado que temo no ha de llegar el día en que en tal ejercicio me vea. ¡Oh, qué polidas cuchares tengo de hacer cuando pastor me vea! ¡Qué de migas, qué de natas, qué de guirnaldas y qué de zarandajas pastoriles, que, puesto que no me granjeen fama de discreto, no dejarán de granjearme la de ingenioso! Sanchica mi hija nos llevará la comida al hato. Pero, ¡guarda!, que es de buen parecer, y hay pastores más maliciosos que simples, y no querría que fuese por lana y volviese trasquilada; y también suelen andar los amores y los no buenos deseos por los campos como por las ciudades, y por las pastorales chozas como por los reales palacios, y, quitada la causa se quita el pecado; y ojos que no veen, corazón que no quiebra; y más vale salto de mata que ruego de hombres buenos. | j′ai tant de guignon que je crains de ne pas voir arriver le jour où je me verrai menant une telle vie. Oh ! que de jolies cuillers de bois je vais faire, quand je serai berger ! combien de salades, de crèmes fouettées ! combien de guirlandes et de babioles pastorales ! Si elles ne me donnent pas la réputation de bel esprit, elles me donneront du moins celle d′ingénieux et d′adroit. Sanchica, ma fille, nous apportera le dîner à la bergerie. Mais, gare ! elle a bonne façon, et il y a des bergers plus malicieux que simples. Je ne voudrais pas qu′elle vînt chercher de la laine, et s′en retournât tondue. Les amourettes et les méchants désirs vont aussi bien par les champs que par la ville, et se fourrent dans les cabanes des bergers comme dans les palais des rois. Mais en ôtant la cause, on ôte le péché ; et, si les yeux ne voient pas, le cœur ne se fend pas ; et mieux vaut le saut de la haie que les prières des honnêtes gens. | ÂNo más refranes, Sancho Âdijo don QuijoteÂ, pues cualquiera de los que has dicho basta para dar a entender tu pensamiento; y muchas veces te he aconsejado que no seas tan pródigo en refranes y que te vayas a la mano en decirlos; pero paréceme que es predicar en desierto, y "castígame mi madre, y yo trómpogelas". |  Trêve de proverbes, Sancho, s′écria don Quichotte ; chacun de ceux que tu as dits suffisait pour exprimer ta pensée. Bien des fois je t′ai conseillé de ne pas être si prodigue de proverbes, et de te tenir en bride quand tu les dis. Mais il paraît que c′est prêcher dans le désert, et que, ma mère me châtie et je fouette ma toupie. | ÂParéceme Ârespondió Sancho que vuesa merced es como lo que dicen: "Dijo la sartén a la caldera: Quítate allá ojinegra". Estáme reprehendiendo que no diga yo refranes, y ensártalos vuesa merced de dos en dos. |  Il paraît aussi, repartit Sancho, que Votre Grâce fait comme on dit : « La poêle a dit au chaudron : Ôte-toi de là, noir par le fond. » Vous me reprenez de dire des proverbes, et vous les enfilez deux à deux. | ÂMira, Sancho Ârespondió don QuijoteÂ: yo traigo los refranes a propósito, y vienen cuando los digo como anillo en el dedo; pero tráeslos tan por los cabellos, que los arrastras, y no los guías; y si no me acuerdo mal, otra vez te he dicho que los refranes son sentencias breves, sacadas de la experiencia y especulación de nuestros antiguos sabios; y el refrán que no viene a propósito, antes es disparate que sentencia. Pero dejémonos desto, y, pues ya viene la noche, retirémonos del camino real algún trecho, donde pasaremos esta noche, y Dios sabe lo que será mañana. |  Écoute, Sancho, reprit don Quichotte ; moi, j′amène les proverbes à propos, et, quand j′en dis, ils viennent comme une bague au doigt ; mais toi, tu les tires si bien par les cheveux, que tu les traînes au lieu de les amener. Si j′ai bonne mémoire, je t′ai dit une autre fois que les proverbes sont de courtes maximes tirées d′une longue expérience et des observations de nos anciens sages. Mais le proverbe qui vient hors de propos est plutôt une sottise qu′une sentence. Au surplus, laissons cela, et, puisque la nuit vient, retirons-nous de la grand′route à quelque gîte où nous la passerons. Dieu sait ce qui nous arrivera demain. » | Retiráronse, cenaron tarde y mal, bien contra la voluntad de Sancho, a quien se le representaban las estrechezas de la andante caballería usadas en las selvas y en los montes, si bien tal vez la abundancia se mostraba en los castillos y casas, así de don Diego de Miranda como en las bodas del rico Camacho, y de don Antonio Moreno; pero consideraba no ser posible ser siempre de día ni siempre de noche, y así, pasó aquélla durmiendo, y su amo velando. | Ils s′éloignèrent tous deux, soupèrent tard et mal, bien contre le gré de Sancho, lequel se représentait les misères qui attendent la chevalerie errante dans les forêts et les montagnes, si, de temps en temps, l′abondance se montre dans les châteaux et dans les bonnes maisons, comme chez don Diégo de Miranda, aux noces de Camache et au logis de don Antonio Moréno. Mais, considérant aussi qu′il ne pouvait être ni toujours jour ni toujours nuit, il s′endormit pour passer cette nuit-là, tandis que son maître veillait à ses côtés.
| II. Capítulo LXVIII. De la cerdosa aventura que le aconteció a don Quijote. | Chapitre LXVIII De la joyeuse aventure qui arriva à don Quichotte Era la noche algo escura, puesto que la luna estaba en el cielo, pero no en parte que pudiese ser vista: que tal vez la señora Diana se va a pasear a los antípodas, y deja los montes negros y los valles escuros. Cumplió don Quijote con la naturaleza durmiendo el primer sueño, sin dar lugar al segundo; bien al revés de Sancho, que nunca tuvo segundo, porque le duraba el sueño desde la noche hasta la mañana, en que se mostraba su buena complexión y pocos cuidados. Los de don Quijote le desvelaron de manera que despertó a Sancho y le dijo: | La nuit était obscure, quoique la lune fût au ciel ; mais elle ne se montrait pas dans un endroit où l′on pût la voir ; car quelquefois madame Diane va se promener aux antipodes, laissant les montagnes dans l′ombre et les vallées dans l′obscurité. Don Quichotte paya tribut à la nature en dormant le premier sommeil ; mais il ne se permit pas le second, bien au rebours de Sancho, qui n′en eut jamais de second ; car le même sommeil lui durait du soir jusqu′au matin, preuve qu′il avait bonne complexion et fort peu de soucis. Ceux de don Quichotte le tinrent si bien éveillé, qu′à son tour il éveilla Sancho et lui dit : | ÂMaravillado estoy, Sancho, de la libertad de tu condición: yo imagino que eres hecho de mármol, o de duro bronce, en quien no cabe movimiento ni sentimiento alguno. Yo velo cuando tú duermes, yo lloro cuando cantas, yo me desmayo de ayuno cuanto tú estás perezoso y desalentado de puro harto. De buenos criados es conllevar las penas de sus señores y sentir sus sentimientos, por el bien parecer siquiera. Mira la serenidad desta noche, la soledad en que estamos, que nos convida a entremeter alguna vigilia entre nuestro sueño. Levántate, por tu vida, y desvíate algún trecho de aquí, y con buen ánimo y denuedo agradecido date trecientos o cuatrocientos azotes a buena cuenta de los del desencanto de Dulcinea; y esto rogando te lo suplico, que no quiero venir contigo a los brazos, como la otra vez, porque sé que los tienes pesados. Después que te hayas dado, pasaremos lo que resta de la noche cantando, yo mi ausencia y tú tu firmeza, dando desde agora principio al ejercicio pastoral que hemos de tener en nuestra aldea. | « Je suis vraiment étonné, Sancho, de l′indépendance de ton humeur. J′imagine que tu es fait de marbre ou de bronze, et qu′en toi n′existe ni mouvement ni sentiment. Je veille quand tu dors ; je pleure quand tu chantes ; je m′évanouis d′inanition quand tu es alourdi et haletant d′avoir trop mangé. Il est pourtant d′un fidèle serviteur de partager les peines de son maître, et d′être ému de ses émotions, ne fût-ce que par bienséance. Regarde la sérénité de cette nuit ; vois la solitude où nous sommes, et qui nous invite à mettre quelque intervalle de veille entre un sommeil et l′autre. Lève-toi, au nom du ciel ! éloigne-toi quelque peu d′ici ; puis, avec bonne grâce et bon courage, donne-toi trois ou quatre cents coups de fouet, à compte et à valoir sur ceux du désenchantement de Dulcinée. Je te demande cela en suppliant, ne voulant pas en venir aux mains avec toi, comme l′autre fois, car je sais que tu les as rudes et pesantes. Quand tu te seras bien fustigé, nous passerons le reste de la nuit à chanter, moi les maux de l′absence, toi les douceurs de la fidélité, faisant ainsi le premier début de la vie pastorale que nous devons mener dans notre village. | ÂSeñor Ârespondió SanchoÂ, no soy yo religioso para que desde la mitad de mi sueño me levante y me dicipline, ni menos me parece que del estremo del dolor de los azotes se pueda pasar al de la música. Vuesa merced me deje dormir y no me apriete en lo del azotarme; que me hará hacer juramento de no tocarme jamás al pelo del sayo, no que al de mis carnes. |  Seigneur, répondit Sancho, je ne suis pas chartreux, pour me lever au beau milieu de mon somme et me donner de la discipline ; et je ne pense pas davantage qu′on puisse passer tout d′un coup de la douleur des coups de fouet au plaisir de la musique. Que Votre Grâce me laisse dormir, et ne me pousse pas à bout quant à ce qui est de me fouetter, car vous me ferez faire le serment de ne jamais me toucher au poil du pourpoint, bien loin de toucher à celui de ma peau ! | ¡Oh alma endurecida! ¡Oh escudero sin piedad! ¡Oh pan mal empleado y mercedes mal consideradas las que te he hecho y pienso de hacerte! Por mí te has visto gobernador, y por mí te vees con esperanzas propincuas de ser conde, o tener otro título equivalente, y no tardará el cumplimiento de ellas más de cuanto tarde en pasar este año; que yo post tenebras spero lucem. | Â Ô âme endurcie ! s′écria don Quichotte, ô écuyer sans entrailles ! ô pain mal employé, et faveurs mal placées, celles que je t′ai faites et celles que je pense te faire ! Par moi tu t′es vu gouverneur, et par moi tu te vois avec l′espoir prochain d′être comte, ou d′avoir un autre titre équivalent, sans que l′accomplissement de cette espérance tarde plus que ne tardera cette année à passer, car enfin post tenebras spero lucem. | ÂNo entiendo eso Âreplico SanchoÂ; sólo entiendo que, en tanto que duermo, ni tengo temor, ni esperanza, ni trabajo ni gloria; y bien haya el que inventó el sueño, capa que cubre todos los humanos pensamientos, manjar que quita la hambre, agua que ahuyenta la sed, fuego que calienta el frío, frío que templa el ardor, y, finalmente, moneda general con que todas las cosas se compran, balanza y peso que iguala al pastor con el rey y al simple con el discreto. Sola una cosa tiene mala el sueño, según he oído decir, y es que se parece a la muerte, pues de un dormido a un muerto hay muy poca diferencia. |  Je n′entends pas cela, répliqua Sancho ; mais j′entends fort bien que, tant que je dors, je n′ai ni crainte, ni espérance, ni peine, ni plaisir. Béni soit celui qui a inventé le sommeil, manteau qui couvre toutes les humaines pensées, mets qui ôte la faim, eau qui chasse la soif, feu qui réchauffe la froidure, fraîcheur qui tempère la chaleur brûlante, finalement, monnaie universelle avec laquelle s′achète toute chose, et balance où s′égalisent le pâtre et le roi, le simple et le sage. Le sommeil n′a qu′une mauvaise chose, à ce que j′ai ouí¤ire ; c′est qu′il ressemble à la mort ; car d′un endormi à un trépassé la différence n′est pas grande. | ÂNunca te he oído hablar, Sancho Âdijo don QuijoteÂ, tan elegantemente como ahora, por donde vengo a conocer ser verdad el refrán que tú algunas veces sueles decir:  No con quien naces, sino con quien paces". |  Jamais, Sancho, reprit don Quichotte, je ne t′ai entendu parler avec autant d′élégance qu′à présent, ce qui me fait comprendre combien est vrai le proverbe que tu dis quelquefois : Non avec qui tu nais, mais avec qui tu pais. | ¡Ah, pesia tal Âreplicó SanchoÂ, señor nuestro amo! No soy yo ahora el que ensarta refranes, que también a vuestra merced se le caen de la boca de dos en dos mejor que a mí, sino que debe de haber entre los míos y los suyos esta diferencia: que los de vuestra merced vendrán a tiempo y los míos a deshora; pero, en efecto, todos son refranes. |  Ah ! ah ! seigneur notre maître, répliqua Sancho, est-ce moi maintenant qui enfile des proverbes ? Pardieu ! Votre Grâce les laisse tomber de la bouche deux à deux, bien mieux que moi. Seulement, il doit y avoir entre les miens et les vôtres cette différence, que ceux de Votre Grâce viennent à propos, et les miens sans rime ni raison. Mais, au bout du compte, ce sont tous des proverbes. » | En esto estaban, cuando sintieron un sordo estruendo y un áspero ruido, que por todos aquellos valles se estendía. Levantóse en pie don Quijote y puso mano a la espada, y Sancho se agazapó debajo del rucio, poniéndose a los lados el lío de las armas, y la albarda de su jumento, tan temblando de miedo como alborotado don Quijote. De punto en punto iba creciendo el ruido, y, llegándose cerca a los dos temerosos; a lo menos, al uno, que al otro, ya se sabe su valentía. | Ils en étaient là de leur causerie, quand ils entendirent une sourde rumeur et un bruit aigu qui s′étendaient dans toute la vallée. Don Quichotte se leva et mit l′épée à la main ; pour Sancho, il se pelotonna sous le grison, et se fit de côté et d′autre un rempart avec le paquet des armes et le bât de son baudet, aussi tremblant de peur que don Quichotte était troublé. De moment en moment, le bruit augmentait, et se rapprochait de nos deux poltrons, de l′un du moins, car pour l′autre on connaît sa vaillance. | Es, pues, el caso que llevaban unos hombres a vender a una feria más de seiscientos puercos, con los cuales caminaban a aquellas horas, y era tanto el ruido que llevaban y el gruñir y el bufar, que ensordecieron los oídos de don Quijote y de Sancho, que no advirtieron lo que ser podía. Llegó de tropel la estendida y gruñidora piara, y, sin tener respeto a la autoridad de don Quijote, ni a la de Sancho, pasaron por cima de los dos, deshaciendo las trincheas de Sancho, y derribando no sólo a don Quijote, sino llevando por añadidura a Rocinante. El tropel, el gruñir, la presteza con que llegaron los animales inmundos, puso en confusión y por el suelo a la albarda, a las armas, al rucio, a Rocinante, a Sancho y a don Quijote. | Le cas est que des marchands menaient vendre à une foire plus de six cents porcs, et les faisaient cheminer à ces heures de nuit. Tel était le tapage que faisaient ces animaux en grognant et en soufflant, qu′ils assourdirent don Quichotte et Sancho, sans leur laisser deviner ce que ce pouvait être. La troupe immense et grognante arriva pêle-mêle, et, sans respecter le moins du monde la dignité de don Quichotte ni celle de Sancho, les cochons leur passèrent dessus, emportant les retranchements de Sancho, et roulant à terre non-seulement don Quichotte, mais encore Rossinante par-dessus le marché. Cette irruption, ces grognements, la rapidité avec laquelle arrivèrent ces animaux immondes, mirent en désordre et laissèrent sur le carreau le bât, les armes, le grison, Rossinante, Sancho et don Quichotte. | Levantóse Sancho como mejor pudo, y pidió a su amo la espada, diciéndole que quería matar media docena de aquellos señores y descomedidos puercos, que ya había conocido que lo eran. Don Quijote le dijo. | Sancho se releva le mieux qu′il put, et demanda l′épée à son maître, disant qu′il voulait tuer une demi-douzaine de ces impertinents messieurs les pourceaux pour leur apprendre à vivre, car il avait reconnu ce qu′ils étaient. Don Quichotte lui répondit tristement : | ÂDéjalos estar, amigo, que esta afrenta es pena de mi pecado, y justo castigo del cielo es que a un caballero andante vencido le coman adivas, y le piquen avispas y le hollen puercos. | « Laisse-les passer, ami ; cet affront est la peine de mon péché ; et il est juste que le ciel châtie le chevalier errant vaincu en le faisant manger par les renards, piquer par les guêpes, et fouler aux pieds par les cochons. | ÂTambién debe de ser castigo del cielo Ârespondió Sancho que a los escuderos de los caballeros vencidos los puncen moscas, los coman piojos y les embista la hambre. Si los escuderos fuéramos hijos de los caballeros a quien servimos, o parientes suyos muy cercanos, no fuera mucho que nos alcanzara la pena de sus culpas hasta la cuarta generación; pero, ¿qué tienen que ver los Panzas con los Quijotes? Ahora bien: tornémonos a acomodar y durmamos lo poco que queda de la noche, y amanecerá Dios y medraremos. |  Est-ce que c′est aussi un châtiment du ciel, répondit Sancho, que les écuyers des chevaliers vaincus soient piqués des mosquites, dévorés des poux, et tourmentés de la faim ! Si nous autres écuyers nous étions fils des chevaliers que nous servons, ou leurs très-proches parents, il ne serait pas étonnant que la peine de leur faute nous atteignît jusqu′à la quatrième génération. Mais qu′ont à démêler les Panza avec les Quichotte ? Allons ! remettons-nous sur le flanc, et dormons le peu qui reste de la nuit. Dieu fera lever le soleil, et nous nous en trouverons bien. | ÂDuerme tú, Sancho Ârespondió don QuijoteÂ, que naciste para dormir; que yo, que nací para velar, en el tiempo que falta de aquí al día, daré rienda a mis pensamientos, y los desfogaré en un madrigalete, que, sin que tú lo sepas, anoche compuse en la memoria. |  Dors, Sancho, répondit don Quichotte ; dors, toi qui es né pour dormir ; moi, qui suis né pour veiller, d′ici au jour je lâcherai la bride à mes pensées, et je les exhalerai dans un petit madrigal, qu′hier au soir, sans que tu t′en doutasses, j′ai composé par cœur. | ÂA mí me parece Ârespondió Sancho que los pensamientos que dan lugar a hacer coplas no deben de ser muchos. Vuesa merced coplee cuanto quisiere, que yo dormiré cuanto pudiere. |  Il me semble, répondit Sancho, que les pensées qui laissent faire des couplets ne sont pas bien cuisantes. Que votre Grâce versifie tant qu′il lui plaira, moi je vais dormir tant que je pourrai. » | Y luego, tomando en el suelo cuanto quiso, se acurrucó y durmió a sueño suelto, sin que fianzas, ni deudas, ni dolor alguno se lo estorbase. Don Quijote, arrimado a un tronco de una haya o de un alcornoque Âque Cide Hamete Benengeli no distingue el árbol que eraÂ, al son de sus mesmos suspiros, cantó de esta suerte: | Là-dessus, prenant sur la terre autant d′espace qu′il voulut, il se roula, se blottit et s′endormit d′un profond sommeil, sans que les soucis, les dettes et le chagrin l′en empêchassent. Pour don Quichotte, adossé au tronc d′un liège ou d′un hêtre (Cid Hamet Ben-Engéli ne distingue pas quel arbre c′était), il chanta les strophes suivantes, au son de ses propres soupirs : | ÂAmor, cuando yo pienso en el mal que me das, terrible y fuerte, voy corriendo a la muerte, pensando así acabar mi mal inmenso; mas, en llegando al paso que es puerto en este mar de mi tormento, tanta alegría siento, que la vida se esfuerza y no le paso. Así el vivir me mata, que la muerte me torna a dar la vida. ¡Oh condición no oída, la que conmigo muerte y vida trata! | « Amour, quand je pense au mal terrible que tu me fais souffrir, je vais en courant à la mort, pensant terminer ainsi mon mal immense. « Mais quand j′arrive à ce passage, qui est un port dans la mer de mes tourments, je sens une telle joie que la vie se ranime, et je ne passe point. « Ainsi, vivre me tue, Vet mourir me rend la vie. Oh ! dans quelle situation inouî£ me jettent la vie et la mort ! » Cada verso déstos acompañaba con muchos suspiros y no pocas lágrimas, bien como aquél cuyo corazón tenía traspasado con el dolor del vencimiento y con la ausencia de Dulcinea. | Le chevalier accompagnait chacun de ses vers d′une foule de soupirs et d′un ruisseau de larmes, comme un homme dont le cœur était déchiré par le regret de sa défaite et par l′absence de Dulcinée. | Llegóse en esto el día, dio el sol con sus rayos en los ojos a Sancho, despertó y esperezóse, sacudiéndose y estirándose los perezosos miembros; miró el destrozo que habían hecho los puercos en su repostería, y maldijo la piara y aun más adelante. Finalmente, volvieron los dos a su comenzado camino, y al declinar de la tarde vieron que hacia ellos venían hasta diez hombres de a caballo y cuatro o cinco de a pie. Sobresaltóse el corazón de don Quijote y azoróse el de Sancho, porque la gente que se les llegaba traía lanzas y adargas y venía muy a punto de guerra. Volvióse don Quijote a Sancho, y díjole: | Le jour arriva sur ces entrefaites, et le soleil donna de ses rayons dans les yeux de Sancho. Il s′éveilla, se secoua, se frotta les yeux, s′étira les membres ; puis il regarda le dégât qu′avaient fait les cochons dans son garde-manger, et maudit le troupeau, sans oublier ceux qui le conduisaient. Finalement, ils reprirent tous deux leur voyage commencé ; et, sur la tombée de la nuit, ils virent venir à leur rencontre une dizaine d′hommes à cheval et quatre ou cinq à pied. Don Quichotte sentit son cœur battre, et Sancho le sien défaillir ; car les gens qui s′approchaient d′eux portaient des lances et des boucliers, et marchaient en équipage de guerre. Don Quichotte se tourna vers Sancho : | ÂSi yo pudiera, Sancho, ejercitar mis armas, y mi promesa no me hubiera atado los brazos, esta máquina que sobre nosotros viene la tuviera yo por tortas y pan pintado, pero podría ser fuese otra cosa de la que tememos. | « Si je pouvais, ô Sancho ! lui dit-il, faire usage de mes armes, et si ma promesse ne me liait les mains, cet escadron qui vient fondre sur nous, ce serait pour moi pain bénit. Mais pourtant il pourrait se faire que ce fût autre chose que ce que nous craignons. » | Llegaron, en esto, los de a caballo, y arbolando las lanzas, sin hablar palabra alguna rodearon a don Quijote y se las pusieron a las espaldas y pechos, amenazándole de muerte. Uno de los de a pie, puesto un dedo en la boca, en señal de que callase, asió del freno de Rocinante y le sacó del camino; y los demás de a pie, antecogiendo a Sancho y al rucio, guardando todos maravilloso silencio, siguieron los pasos del que llevaba a don Quijote, el cual dos o tres veces quiso preguntar adónde le llevaban o qué querían; pero, apenas comenzaba a mover los labios, cuando se los iban a cerrar con los hierros de las lanzas; y a Sancho le acontecía lo mismo, porque, apenas daba muestras de hablar, cuando uno de los de a pie, con un aguijón, le punzaba, y al rucio ni más ni menos como si hablar quisiera. Cerró la noche, apresuraron el paso, creció en los dos presos el miedo, y más cuando oyeron que de cuando en cuando les decían: | En ce moment les gens à cheval arrivèrent, et, la lance au poing, sans dire un seul mot, ils enveloppèrent don Quichotte, et lui présentèrent la pointe de leurs piques sur la poitrine et sur le dos, le menaçant ainsi de mort. Un des hommes à pied, mettant un doigt sur la bouche pour lui faire signe de se taire, empoigna Rossinante par la bride et le tira du chemin. Les autres hommes à pied, entourant Sancho et le grison, et gardant aussi un merveilleux silence, suivirent les pas de celui qui emmenait don Quichotte. Deux ou trois fois le chevalier voulut demander où on le menait et ce qu′on lui voulait ; mais à peine commençait-il à remuer les lèvres, qu′on lui fermait la bouche avec le fer des lances. La même chose arrivait à Sancho ; il ne faisait pas plutôt mine de vouloir parler, qu′un de ses gardiens le piquait avec un aiguillon, et piquait aussi l′âne, comme s′il eût voulu parler aussi. La nuit se ferma ; ils pressèrent le pas, et la crainte allait toujours croissante, chez les deux prisonniers, surtout quand ils entendirent qu′on leur disait de temps en temps : | ¡Caminad, trogloditas. ¡Callad, bárbaros. ¡Pagad, antropófagos. ¡No os quejéis, scitas, ni abráis los ojos, Polifemos matadores, leones carniceros. | « Avancez, Troglodytes ; taisez-vous, barbares ; souffrez, anthropophages ; cessez de vous plaindre, Scythes ; fermez les yeux, Polyphèmes meurtriers, lions dévorants » | Y otros nombres semejantes a éstos, con que atormentaban los oídos de los miserables amo y mozo. Sancho iba diciendo entre sí. | et d′autres noms semblables dont on écorchait les oreilles des deux malheureux, maître et valet. Sancho se disait à lui-même : | ¿Nosotros tortolitas? ¿Nosotros barberos ni estropajos? ¿Nosotros perritas, a quien dicen cita, cita? No me contentan nada estos nombres: a mal viento va esta parva; todo el mal nos viene junto, como al perro los palos, y ¡ojalá parase en ellos lo que amenaza esta aventura tan desventurada. | « Nous des torticolis ! nous des barbiers ; des mange-trop de fromage ! Voilà des noms qui ne me contentent guère. Un mauvais vent souffle, et tous les maux viennent ensemble, comme au chien les coups de bâton ; et plaise à Dieu que ce soit par des coups de bâton que finisse cette aventure, si menaçante de mésaventure ! » | Iba don Quijote embelesado, sin poder atinar con cuantos discursos hacía qué serían aquellos nombres llenos de vituperios que les ponían, de los cuales sacaba en limpio no esperar ningún bien y temer mucho mal. Llegaron, en esto, un hora casi de la noche, a un castillo, que bien conoció don Quijote que era el del duque, donde había poco que habían estado. | Don Quichotte marchait tout interdit, sans pouvoir deviner, malgré les réflexions qui lui venaient en foule, ce que voulaient dire ces noms injurieux qu′on leur prodiguait. Ce qu′il en concluait, c′est qu′il fallait n′espérer aucun bien, et craindre beaucoup de mal. Ils arrivèrent enfin, vers une heure de la nuit, à un château que don Quichotte reconnut aussitôt pour être celui du duc, où il avait séjourné peu de jours auparavant. | ¡Váleme Dios! Âdijo, así como conoció la estancia y ¿qué será esto? Sí que en esta casa todo es cortesía y buen comedimiento, pero para los vencidos el bien se vuelve en mal y el mal en peor. | « Sainte Vierge ! s′écria-t-il dès qu′il eut reconnu la demeure, que veut dire cela ? En cette maison tout est courtoisie, bon accueil, civilité ; mais, pour les vaincus, le bien se change en mal, et le mal en pire. » | Entraron al patio principal del castillo, y viéronle aderezado y puesto de manera que les acrecentó la admiración y les dobló el miedo, como se verá en el siguiente capítulo. | Ils entrèrent dans la cour d′honneur du château, et la virent disposée d′une manière qui accrut leur surprise et redoubla leur frayeur, comme on le verra dans le chapitre suivant.
| II. Capítulo LXIX. Del más raro y más nuevo suceso que en todo el discurso desta grande historia avino a don Quijote. N | Chapitre LXIX d De la plus étrange et plus nouvelle aventure qui soit arrivée à don Quichotte dans tout le cours de cette grande histoire Apeáronse los de a caballo, y, junto con los de a pie, tomando en peso y arrebatadamente a Sancho y a don Quijote, los entraron en el patio, alrededor del cual ardían casi cien hachas, puestas en sus blandones, y, por los corredores del patio, más de quinientas luminarias; de modo que, a pesar de la noche, que se mostraba algo escura, no se echaba de ver la falta del día. En medio del patio se levantaba un túmulo como dos varas del suelo, cubierto todo con un grandísimo dosel de terciopelo negro, alrededor del cual, por sus gradas, ardían velas de cera blanca sobre más de cien candeleros de plata; encima del cual túmulo se mostraba un cuerpo muerto de una tan hermosa doncella, que hacía parecer con su hermosura hermosa a la misma muerte. Tenía la cabeza sobre una almohada de brocado, coronada con una guirnalda de diversas y odoríferas flores tejida, las manos cruzadas sobre el pecho, y, entre ellas, un ramo de amarilla y vencedora palma. | Les cavaliers mirent pied à terre ; puis, avec l′aide des hommes de pied, enlevant brusquement dans leurs bras Sancho et don Quichotte, ils les portèrent dans la cour du château. Près de cent torches, fichées sur leurs supports, brûlaient alentour, et plus de cinq cents lampes éclairaient les galeries circulaires ; de façon que, malgré la nuit, qui était obscure, on ne s′apercevait point de l′absence du jour. Au milieu de la cour s′élevait un catafalque, à deux aunes du sol, tout couvert d′un immense dais de velours noir ; et, alentour, sur les gradins, brûlaient plus de cent cierges de cire blanche sur des chandeliers d′argent. Au-dessus du catafalque était étendu le cadavre d′une jeune fille, si belle que sa beauté rendait belle la mort même. Elle avait la tête posée sur un coussin de brocart, et couronnée d′une guirlande de diverses fleurs balsamiques. Ses mains, croisées sur sa poitrine, tenaient une branche triomphale de palmier. | A un lado del patio estaba puesto un teatro, y en dos sillas sentados dos personajes, que, por tener coronas en la cabeza y ceptros en las manos, daban señales de ser algunos reyes, ya verdaderos o ya fingidos. Al lado deste teatro, adonde se subía por algunas gradas, estaban otras dos sillas, sobre las cuales los que trujeron los presos sentaron a don Quijote y a Sancho, todo esto callando y dándoles a entender con señales a los dos que asimismo callasen; pero, sin que se lo señalaran, callaron ellos, porque la admiración de lo que estaban mirando les tenía atadas las lenguas. | À l′un des côtés de la cour s′élevait une espèce de théâtre, et, sur deux sièges, deux personnages y étaient assis, lesquels, par les couronnes qu′ils avaient sur la tête et les sceptres qu′ils portaient à la main, se faisaient reconnaître pour des rois, soit véritables, soit supposés. Au pied de ce théâtre où l′on montait par quelques degrés, étaient deux autres sièges, sur lesquels les gardiens des prisonniers firent asseoir don Quichotte et Sancho, toujours sans mot dire, et leur faisant entendre par signes qu′ils eussent à se taire également. Mais, sans signes et sans menaces, ils se seraient bien tus, car l′étonnement où les jetait un tel spectacle leur paralysait la langue. | Subieron, en esto, al teatro, con mucho acompañamiento, dos principales personajes, que luego fueron conocidos de don Quijote ser el duque y la duquesa, sus huéspedes, los cuales se sentaron en dos riquísimas sillas, junto a los dos que parecían reyes. ¿Quién no se había de admirar con esto, añadiéndose a ello haber conocido don Quijote que el cuerpo muerto que estaba sobre el túmulo era el de la hermosa Altisidora? | En ce moment, et au milieu d′un nombreux cortège, deux personnages de distinction montèrent sur le théâtre. Ils furent aussitôt reconnus par don Quichotte pour ses deux hôtes, le duc et la duchesse, lesquels s′assirent sur deux riches fauteuils, auprès des deux rois couronnés. Qui ne se serait émerveillé à la vue de si étranges objets, surtout si l′on ajoute que don Quichotte avait reconnu que le cadavre étendu sur le catafalque était celui de la belle Altisidore ? | Al subir el duque y la duquesa en el teatro, se levantaron don Quijote y Sancho y les hicieron una profunda humillación, y los duques hicieron lo mesmo, inclinando algún tanto las cabezas. | Quand le duc et la duchesse montèrent au théâtre, don Quichotte et Sancho leur firent une profonde révérence, à laquelle répondit le noble couple, en inclinant légèrement la tête. | Salió, en esto, de través un ministro, y, llegándose a Sancho, le echó una ropa de bocací negro encima, toda pintada con llamas de fuego, y, quitándole la caperuza, le puso en la cabeza una coroza, al modo de las que sacan los penitenciados por el Santo Oficio; y díjole al oído que no descosiese los labios, porque le echarían una mordaza, o le quitarían la vida. Mirábase Sancho de arriba abajo, veíase ardiendo en llamas, pero como no le quemaban, no las estimaba en dos ardites. Quitóse la coroza, viola pintada de diablos, volviósela a poner, diciendo entre sí. | Un estafier parut alors, et, s′approchant de Sancho, lui jeta sur les épaules une longue robe de bouracan noir, toute bariolée de flammes peintes ; puis il lui ôta son chaperon, et lui mit sur la tête une longue mitre pointue, à la façon de celles que portent les condamnés du saint-office, en lui disant à l′oreille de ne pas desserrer les lèvres, sous peine d′avoir un bâillon ou d′être massacré sur place. Sancho se regardait du haut en bas, et se voyait tout en flammes ; mais, comme ces flammes ne le brûlaient point, il n′en faisait pas plus de cas que d′une obole. Il ôta la mitre, et vit qu′elle était chamarrée de diables en peinture ; il la remit aussitôt, en se disant tout bas : | ÂAún bien, que ni ellas me abrasan ni ellos me llevan. | « Bon ; du moins, ni celles-là ne me brûlent, ni ceux-ci ne m′emportent. » | Mirábale también don Quijote, y, aunque el temor le tenía suspensos los sentidos, no dejó de reírse de ver la figura de Sancho. Comenzó, en esto, a salir, al parecer, debajo del túmulo un son sumiso y agradable de flautas, que, por no ser impedido de alguna humana voz, porque en aquel sitio el mesmo silencio guardaba silencio a sí mismo, se mostraba blando y amoroso. Luego hizo de sí improvisa muestra, junto a la almohada del, al parecer, cadáver, un hermoso mancebo vestido a lo romano, que, al son de una arpa, que él mismo tocaba, cantó con suavísima y clara voz estas dos estancias. | Don Quichotte le regardait aussi ; et, bien que la frayeur suspendît l′usage de ses sens, il ne put s′empêcher de rire en voyant la figure de Sancho. Alors commença à sortir de dessous le catafalque un agréable et doux concert de flûtes, qui, n′étant mêlé d′aucune voix humaine, car, en cet endroit, le silence même faisait silence, produisait un effet tendre et langoureux. Tout à coup parut, à côté du coussin qui soutenait le cadavre, un beau jeune homme vêtu à la romaine, lequel, au son d′une harpe dont il jouait lui-même, chanta les stances suivantes d′une voix suave et sonore : | ÂEn tanto que en sí vuelve Altisidora, muerta por la crueldad de don Quijote, y en tanto que en la corte encantadora se vistieren las damas de picote, y en tanto que a sus dueñas mi señora vistiere de bayeta y de anascote, cantaré su belleza y su desgracia, con mejor plectro que el cantor de Tracia. Y aun no se me figura que me toca aqueste oficio solamente en vida; mas, con la lengua muerta y fría en la boca, pienso mover la voz a ti debida. Libre mi alma de su estrecha roca, por el estigio lago conducida, celebrándote irá, y aquel sonido hará parar las aguas del olvido. | « En attendant qu′Altisidore revienne à la vie, elle qu′a tuée la cruauté de don Quichotte ; en attendant que, dans la cour enchanteresse, les dames s′habillent de toile à sac, et que madame la duchesse habille ses duègnes de velours et de satin, je chanterai d′Altisidore la beauté et l′infortune sur une plus harmonieuse lyre que celle du chantre de Thrace. « Je me figure même que cet office ne me regarde pas seulement pendant la vie ; avec la langue morte et froide dans la bouche, je pense répéter les louanges qui te sont dues. Mon âme, libre de son étroite enveloppe, sera conduite le long du Styx en te célébrant, et tes accents feront arrêter les eaux du fleuve d′oubli. » | ÂNo más Âdijo a esta sazón uno de los dos que parecían reyes no más, cantor divino; que sería proceder en infinito representarnos ahora la muerte y las gracias de la sin par Altisidora, no muerta, como el mundo ignorante piensa, sino viva en las lenguas de la Fama, y en la pena que para volverla a la perdida luz ha de pasar Sancho Panza, que está presente; y así, ¡oh tú, Radamanto, que conmigo juzgas en las cavernas lóbregas de Lite!, pues sabes todo aquello que en los inescrutables hados está determinado acerca de volver en sí esta doncella, dilo y decláralo luego, porque no se nos dilate el bien que con su nueva vuelta esperamos. | « Assez, dit en ce moment un des deux rois ; assez, chantre divin ; ce serait à ne finir jamais que de nous retracer à présent la mort et les attraits de la sans pareille Altisidore, qui n′est point morte comme le pense le monde ignorant, mais qui vit dans les mille langues de la Renommée, et dans les peines que devra souffrir, pour lui rendre la lumière, Sancho Panza, ici présent. Ainsi donc, ô Rhadamante, toi qui juges avec moi dans les sombres cavernes de Pluton, puisque tu sais tout ce qui est écrit dans les livres impénétrables pour que cette jeune fille revienne à la vie, déclare-le sur-le-champ, afin de ne pas nous priver plus longtemps du bonheur que nous attendons de son retour au monde. » | Apenas hubo dicho esto Minos, juez y compañero de Radamanto, cuando, levantándose en pie Radamanto, dijo. | À peine Minos eut-il ainsi parlé, que Rhadamante, son compagnon, se leva et dit : | ¡Ea, ministros de esta casa, altos y bajos, grandes y chicos, acudid unos tras otros y sellad el rostro de Sancho con veinte y cuatro mamonas, y doce pellizcos y seis alfilerazos en brazos y lomos, que en esta ceremonia consiste la salud de Altisidora. | « Allons, sus, ministres domestiques de cette demeure, hauts et bas, grands et petits, accourez l′un après l′autre ; appliquez sur le visage de Sancho vingt-quatre croquignoles ; faites à ses bras douze pincenettes, et à ses reins six piqûres d′épingle ; c′est en cette cérémonie que consiste la guérison d′Altisidore. » | Oyendo lo cual Sancho Panza, rompió el silencio, y dijo. | Quand Sancho entendit cela, il s′écria, sans se soucier de rompre le silence : | ¡Voto a tal, así me deje yo sellar el rostro ni manosearme la cara como volverme moro! ¡Cuerpo de mí! ¿Qué tiene que ver manosearme el rostro con la resurreción desta doncella? Regostóse la vieja a los bledos. Encantan a Dulcinea, y azótanme para que se desencante; muérese Altisidora de males que Dios quiso darle, y hanla de resucitar hacerme a mí veinte y cuatro mamonas, y acribarme el cuerpo a alfilerazos y acardenalarme los brazos a pellizcos. ¡Esas burlas, a un cuñado, que yo soy perro viejo, y no hay conmigo tus, tus! | « Je jure Dieu que je me laisserai manier le visage et tortiller les chairs comme je me ferai Turc. Jour de Dieu ! qu′est-ce qu′a de commun ma peau avec la résurrection de cette donzelle ? Il paraît que l′appétit vient en mangeant. On enchante Dulcinée, et l′on me fouette pour la désenchanter. Voilà qu′Altisidore meurt du mal qu′il a plu à Dieu de lui envoyer, et, pour la ressusciter, il faut me donner vingt-quatre croquignoles, me cribler le corps à coups d′épingle et me pincer les bras jusqu′au sang ! À d′autres, cette farce-là ! Je suis un vieux renard, et ne m′en laisse pas conter. | ¡Morirás! Âdijo en alta voz RadamantoÂ. Ablándate, tigre; humíllate, Nembrot soberbio, y sufre y calla, pues no te piden imposibles. Y no te metas en averiguar las dificultades deste negocio mamonado has de ser, acrebillado te has de ver, pellizcado has de gemir. ¡Ea, digo, ministros, cumplid mi mandamiento; si no, por la fe de hombre de bien, que habéis de ver para lo que nacistes. |  Tu mourras ! dit Rhadamante d′une voix formidable. Adoucis-toi, tigre ; humilie-toi, superbe Nemrod ; souffre et te tais, car on ne te demande rien d′impossible, et ne te mêle pas d′énumérer les difficultés de cette affaire. Tu dois recevoir les croquignoles, tu dois être criblé de coups d′épingle, tu dois gémir sous les pincenettes. Allons, dis-je, ministres des commandements, à l′ouvrage ; sinon, foi d′homme de bien, je vous ferai voir pourquoi vous êtes nés. » | Parecieron, en esto, que por el patio venían, hasta seis dueñas en procesión, una tras otra, las cuatro con antojos, y todas levantadas las manos derechas en alto, con cuatro dedos de muñecas de fuera, para hacer las manos más largas, como ahora se usa. No las hubo visto Sancho, cuando, bramando como un toro, dijo. | Aussitôt on vit paraître et s′avancer dans la cour jusqu′à six duègnes, en procession l′une derrière l′autre, dont quatre avec des lunettes. Elles avaient toutes la main droite élevée en l′air avec quatre doigts de poignet hors de la manche, pour rendre les mains plus longues, selon la mode d′aujourd′hui. Sancho ne les eut pas plutôt vues, qu′il se mit à mugir comme un taureau. | ÂBien podré yo dejarme manosear de todo el mundo, pero consentir que me toquen dueñas, ¡eso no! Gatéenme el rostro, como hicieron a mi amo en este mesmo castillo; traspásenme el cuerpo con puntas de dagas buidas; atenácenme los brazos con tenazas de fuego, que yo lo llevaré en paciencia, o serviré a estos señores; pero que me toquen dueñas no lo consentiré, si me llevase el diablo. | « Non, s′écria-t-il, je pourrai bien me laisser manier et tortiller par tout le monde ; mais consentir qu′une duègne me touche, jamais ! Qu′on me griffe la figure comme les chats ont fait à mon maître dans ce même château, qu′on me traverse le corps avec des lames de dagues fourbies, qu′on me déchiquette les bras avec des tenailles de feu, je prendrai patience et j′obéirai à ces seigneurs ; mais que des duègnes me touchent ! je ne le souffrirai pas, dût le diable m′emporter. » | Rompió también el silencio don Quijote, diciendo a Sancho. | Alors don Quichotte rompit le silence, et dit à Sancho : | ÂTen paciencia, hijo, y da gusto a estos señores, y muchas gracias al cielo por haber puesto tal virtud en tu persona, que con el martirio della desencantes los encantados y resucites los muertos. | « Prends patience, mon fils, et fais plaisir à ces seigneurs. Rends même grâce au ciel de ce qu′il a mis une telle vertu dans ta personne, que, par ton martyre, tu désenchantes les enchantés et tu ressuscites les morts. » | Ya estaban las dueñas cerca de Sancho, cuando él, más blando y más persuadido, poniéndose bien en la silla, dio rostro y barba a la primera, la cual la hizo una mamona muy bien sellada, y luego una gran reverencia. | Les duègnes étaient déjà près de Sancho. Persuadé et adouci, il s′arrangea bien sur sa chaise et tendit le menton à la première, qui lui donna une croquignole bien conditionnée, et lui fit ensuite une grande révérence. | ¡Menos cortesía; menos mudas, señora dueña Âdijo SanchoÂ; que por Dios que traéis las manos oliendo a vinagrillo. | « Moins de politesse, madame la duègne, dit Sancho, et moins de pommades aussi ; car vos mains sentent, pardieu, le vinaigre à la rose. » | Finalmente, todas las dueñas le sellaron, y otra mucha gente de casa le pellizcaron; pero lo que él no pudo sufrir fue el punzamiento de los alfileres; y así, se levantó de la silla, al parecer mohíno, y, asiendo de una hacha encendida que junto a él estaba, dio tras las dueñas, y tras todos su verdugos, diciendo. | Finalement, toutes les duègnes lui servirent les croquignoles, et d′autres gens de la maison lui pincèrent les bras. Mais ce qu′il ne put supporter, ce fut la piqûre des épingles. Il se leva de sa chaise, transporté, furieux, et, saisissant une torche allumée qui se trouvait près de lui, il fondit sur les duègnes et sur tous ses bourreaux en criant : | ¡Afuera, ministros infernales, que no soy yo de bronce, para no sentir tan extraordinarios martirios. | « Hors d′ici, ministres de l′enfer ! je ne suis pas de bronze, pour être insensible à de si épouvantables supplices ! » | En esto, Altisidora, que debía de estar cansada por haber estado tanto tiempo supina, se volvió de un lado; visto lo cual por los circunstantes, casi todos a una voz dijeron. | En ce moment, Altisidore, qui devait se trouver fatiguée d′être restée si longtemps sur le dos, se tourna sur le côté. À cette vue, tous les assistants s′écrièrent à la fois : | ¡Viva es Altisidora! ¡Altisidora vive. | « Altisidore est en vie ! » | Mandó Radamanto a Sancho que depusiese la ira, pues ya se había alcanzado el intento que se procuraba. | Rhadamante ordonna à Sancho de déposer sa colère, puisque le résultat qu′on se proposait était obtenu. | Así como don Quijote vio rebullir a Altisidora, se fue a poner de rodillas delante de Sancho, diciéndole. | Pour don Quichotte, dès qu′il vit remuer Altisidore, il alla se mettre à deux genoux devant Sancho. | ÂAgora es tiempo, hijo de mis entrañas, no que escudero mío, que te des algunos de los azotes que estás obligado a dar por el desencanto de Dulcinea. Ahora, digo, que es el tiempo donde tienes sazonada la virtud, y con eficacia de obrar el bien que de ti se espera. | « Voici le moment, lui dit-il, ô fils de mes entrailles, et non plus mon écuyer, voici le moment de te donner quelques-uns des coups de fouet que tu dois t′appliquer pour le désenchantement de Dulcinée. Voici le moment, dis-je, où ta vertu est juste à son point, avec toute l′efficacité d′opérer le bien qu′on attend de toi. | A lo que respondió Sancho. |  Ceci, répondit Sancho, | ÂEsto me parece argado sobre argado, y no miel sobre hojuelas. Bueno sería que tras pellizcos, mamonas y alfilerazos viniesen ahora los azotes. No tienen más que hacer sino tomar una gran piedra, y atármela al cuello, y dar conmigo en un pozo, de lo que a mí no pesaría mucho, si es que para curar los males ajenos tengo yo de ser la vaca de la boda. Déjenme; si no, por Dios que lo arroje y lo eche todo a trece, aunque no se venda. | me semble plutôt malice sur malice que miel sur pain. Il ferait bon, ma foi, qu′après les croquignoles, les pincenettes et les coups d′épingle, vinssent maintenant les coups de fouet ! Il n′y a qu′une chose à faire, c′est de m′attacher une grosse pierre au cou, et de me jeter dans un puits, si, pour guérir les maux des autres, je dois toujours être le veau de la noce. Qu′on me laisse, au nom de Dieu, ou j′enverrai tout promener. » | Ya en esto, se había sentado en el túmulo Altisidora, y al mismo instante sonaron las chirimías, a quien acompañaron las flautas y las voces de todos, que aclamaban. | Cependant Altisidore, du haut du catafalque, s′était mise sur son séant ; au même instant, les clairons sonnèrent, accompagnés des flûtes et des voix de tous les assistants, qui criaient : | ¡Viva Altisidora! ¡Altisidora viva! | « Vive Altisidore ! vive Altisidore ! » | Levantáronse los duques y los reyes Minos y Radamanto, y todos juntos, con don Quijote y Sancho, fueron a recebir a Altisidora y a bajarla del túmulo; la cual, haciendo de la desmayada, se inclinó a los duques y a los reyes, y, mirando de través a don Quijote, le dijo. | Le duc et la duchesse se levèrent, ainsi que les rois Minos et Rhadamante ; et tous ensemble, avec don Quichotte et Sancho, ils allèrent au-devant d′Altisidore pour la descendre du cercueil. Celle-ci, feignant de sortir d′un long évanouissement, fit la révérence à ses maîtres et aux deux rois ; puis, jetant sur don Quichotte un regard de travers, elle lui dit : | ÂDios te lo perdone, desamorado caballero, pues por tu crueldad he estado en el otro mundo, a mi parecer, más de mil años; y a ti, ¡oh el más compasivo escudero que contiene el orbe!, te agradezco la vida que poseo. Dispón desde hoy más, amigo Sancho, de seis camisas mías que te mando para que hagas otras seis para ti; y, si no son todas sanas, a lo menos son todas limpias. | « Dieu te pardonne, insensible chevalier, puisque ta cruauté m′a fait aller dans l′autre monde, où je suis restée, à ce qu′il m′a semblé, plus de mille années. Quant à toi, ô le plus compatissant écuyer que renferme l′univers, je te remercie de la vie qui m′est rendue. Dispose, d′aujourd′hui à tout jamais, ô Sancho, de six de mes chemises que je te lègue pour que tu t′en fasses six à toi. Si elles ne sont pas toutes bien neuves, elles sont du moins toutes bien propres. » | Besóle por ello las manos Sancho, con la coroza en la mano y las rodillas en el suelo. Mandó el duque que se la quitasen, y le volviesen su caperuza, y le pusiesen el sayo, y le quitasen la ropa de las llamas. Suplicó Sancho al duque que le dejasen la ropa y mitra, que las quería llevar a su tierra, por señal y memoria de aquel nunca visto suceso. La duquesa respondió que sí dejarían, que ya sabía él cuán grande amiga suya era. Mandó el duque despejar el patio, y que todos se recogiesen a sus estancias, y que a don Quijote y a Sancho los llevasen a las que ellos ya se sabían. | Sancho, plein de reconnaissance, alla lui baiser les mains, tenant à la main sa mitre comme un bonnet, et les deux genoux en terre. Le duc ordonna qu′on lui ôtât cette mitre et cette robe brochée de flammes, et qu′on lui rendît son chaperon et son pourpoint. Alors Sancho supplia le duc de permettre qu′on lui laissât la robe et la mitre , disant qu′il voulait les emporter au pays, en signe et en mémoire de cette aventure surprenante. La duchesse répondit qu′elle les lui laisserait, puisqu′il n′ignorait pas combien elle était sa grande amie. Le duc ordonna qu′on débarrassât la cour de tout cet attirail, que chacun regagnât son appartement, et que l′on menât don Quichotte et Sancho à celui qu′ils connaissaient déjà.
| II. Capítulo LXX. Que sigue al de sesenta y nueve, y trata de cosas no escusadas para la claridad desta historia. | Chapitre LXX Qui suit le soixante-neuvième et traite de choses fort importantes pour l′intelligence de cette histoire Durmió Sancho aquella noche en una carriola, en el mesmo aposento de don Quijote, cosa que él quisiera escusarla, si pudiera, porque bien sabía que su amo no le había de dejar dormir a preguntas y a respuestas, y no se hallaba en disposición de hablar mucho, porque los dolores de los martirios pasados los tenía presentes, y no le dejaban libre la lengua, y viniérale más a cuento dormir en una choza solo, que no en aquella rica estancia acompañado. Salióle su temor tan verdadero y su sospecha tan cierta, que, apenas hubo entrado su señor en el lecho, cuando dijo. | Sancho coucha cette nuit sur un lit de camp, dans la chambre même de don Quichotte, chose qu′il eût voulu éviter, car il savait bien qu′à force de demandes et de réponses son maître ne le laisserait pas dormir ; et pourtant il ne se sentait guère en disposition de parler beaucoup, car les douleurs des supplices passés le suppliciaient encore, et ne lui laissaient pas encore le libre usage de la langue. Aussi eût-il mieux aimé coucher tout seul sous une hutte de berger qu′en compagnie dans ce riche appartement. Sa crainte était si légitime, et ses soupçons si bien fondés, qu′à peine au lit, son seigneur l′appela. | ¿Qué te parece, Sancho, del suceso desta noche? Grande y poderosa es la fuerza del desdén desamorado, como por tus mismos ojos has visto muerta a Altisidora, no con otras saetas, ni con otra espada, ni con otro instrumento bélico, ni con venenos mortíferos, sino con la consideración del rigor y el desdén con que yo siempre la he tratado. | « Que te semble, Sancho, lui dit-il, de l′aventure de cette nuit ? Grande et puissante doit être la force du désespoir amoureux, puisque tu as vu de tes propres yeux Altisidore morte et tuée non par d′autre flèche, ni par d′autre glaive, ni par d′autre machine de guerre, ni par d′autre poison meurtrier, que la seule considération de la rigueur et du dédain que je lui ai toujours témoignés. | ÂMuriérase ella en hora buena cuanto quisiera y como quisiera Ârespondió SanchoÂ, y dejárame a mí en mi casa, pues ni yo la enamoré ni la desdeñé en mi vida. Yo no sé ni puedo pensar cómo sea que la salud de Altisidora, doncella más antojadiza que discreta, tenga que ver, como otra vez he dicho, con los martirios de Sancho Panza. Agora sí que vengo a conocer clara y distintamente que hay encantadores y encantos en el mundo, de quien Dios me libre, pues yo no me sé librar; con todo esto, suplico a vuestra merced me deje dormir y no me pregunte más, si no quiere que me arroje por una ventana abajo. |  Qu′elle fût morte, à la bonne heure, répondit Sancho, quand et comme il lui aurait plu, et qu′elle m′eût laissé tranquille, car je ne l′ai ni enflammée ni dédaignée en toute ma vie. Je ne sais vraiment et ne peux penser, je le répète, ce que la guérison de cette Altisidore, fille plus capricieuse que sensée, a de commun avec les martyres de Sancho Panza. C′est maintenant que je finis par reconnaître clairement qu′il y a des enchanteurs et des enchantements dans ce monde, desquels Dieu me délivre, puisque je ne sais pas m′en délivrer. Avec tout cela, je supplie Votre Grâce de me laisser dormir, et de ne pas me questionner davantage, si vous ne voulez que je me jette d′une fenêtre en bas. | ÂDuerme, Sancho amigo Ârespondió don QuijoteÂ, si es que te dan lugar los alfilerazos y pellizcos recebidos, y las mamonas hechas. |  Dors, ami Sancho, reprit don Quichotte, si toutefois la douleur des coups d′épingle, des pincenettes et des croquignoles te le permet. | ÂNingún dolor Âreplicó Sancho llegó a la afrenta de las mamonas, no por otra cosa que por habérmelas hecho dueña, que confundidas sean; y torno a suplicar a vuesa merced me deje dormir, porque el sueño es alivio de las miserias de los que las tienen despiertas. |  Aucune douleur, répliqua Sancho, n′approche de l′affront des croquignoles, par la seule raison que ce sont des duègnes (fussent-elles confondues !) qui me les ont données. Mais je supplie de nouveau Votre Grâce de me laisser dormir, car le sommeil est le soulagement des misères pour ceux qu′elles tiennent éveillés. | Sea así Âdijo don QuijoteÂ, y Dios te acompañe. |  Ainsi soit-il, dit don Quichotte, et que Dieu t′accompagne. » | Durmiéronse los dos, y en este tiempo quiso escribir y dar cuenta Cide Hamete, autor desta grande historia, qué les movió a los duques a levantar el edificio de la máquina referida. Y dice que, no habiéndosele olvidado al bachiller Sansón Carrasco cuando el Caballero de los Espejos fue vencido y derribado por don Quijote, cuyo vencimiento y caída borró y deshizo todos sus designios, quiso volver a probar la mano, esperando mejor suceso que el pasado; y así, informándose del paje que llevó la carta y presente a Teresa Panza, mujer de Sancho, adónde don Quijote quedaba, buscó nuevas armas y caballo, y puso en el escudo la blanca luna, llevándolo todo sobre un macho, a quien guiaba un labrador, y no Tomé Cecial, su antiguo escudero, porque no fuese conocido de Sancho ni de don Quijote. | Ils dormirent tous deux ; et, dans ce moment, l′envie prit à Cid Hamet, auteur de cette grande histoire, d′écrire et d′expliquer ce qui avait donné au duc et à la duchesse la fantaisie d′élever ce monument funéraire dont on vient de parler. Voici ce qu′il dit à ce sujet : le bachelier Samson Carrasco n′avait pas oublié comment le chevalier des Miroirs fut renversé et vaincu par don Quichotte, chute et défaite qui avaient bouleversé tous ses projets. Il voulut faire une nouvelle épreuve, espérant meilleure chance. Aussi, s′étant informé près du page qui avait porté la lettre et le présent à Thérèse Panza, femme de Sancho, de l′endroit où était don Quichotte, il chercha de nouvelles armes, prit un nouveau cheval, mit une blanche lune sur son écu, et fit porter l′armure par un mulet que menait un paysan, mais non Tomé Cécial, son ancien écuyer, afin de ne pas être reconnu par Sancho, ni par don Quichotte. | Llegó, pues, al castillo del duque, que le informó el camino y derrota que don Quijote llevaba, con intento de hallarse en las justas de Zaragoza. Díjole asimismo las burlas que le había hecho con la traza del desencanto de Dulcinea, que había de ser a costa de las posaderas de Sancho. En fin, dio cuenta de la burla que Sancho había hecho a su amo, dándole a entender que Dulcinea estaba encantada y transformada en labradora, y cómo la duquesa su mujer había dado a entender a Sancho que él era el que se engañaba, porque verdaderamente estaba encantada Dulcinea; de que no poco se rió y admiró el bachiller, considerando la agudeza y simplicidad de Sancho, como del estremo de la locura de don Quijote. | Il arriva donc au château du duc, qui lui indiqua le chemin qu′avait pris don Quichotte, dans l′intention de se trouver aux joutes de Saragosse. Le duc lui raconta également les tours qu′on avait joués au chevalier, ainsi que l′invention du désenchantement de Dulcinée, qui devait s′opérer aux dépens du postérieur de Sancho. Enfin, il lui raconta l′espièglerie que Sancho avait fait à son maître, en lui faisant accroire que Dulcinée était enchantée et métamorphosée en paysanne, et comment la duchesse avait ensuite fait accroire à Sancho que c′était lui-même qui se trompait, et que Dulcinée était enchantée bien réellement. De tout cela, le bachelier rit beaucoup, et ne s′étonna pas moins, en considérant aussi bien la finesse et la simplicité de Sancho, que l′extrême degré qu′atteignait la folie de don Quichotte. | Pidióle el duque que si le hallase, y le venciese o no, se volviese por allí a darle cuenta del suceso. Hízolo así el bachiller; partióse en su busca, no le halló en Zaragoza, pasó adelante y sucedióle lo que queda referido. | Le duc le pria, s′il rencontrait le chevalier, qu′il le vainquît ou non, de repasser par son château, pour lui rendre compte de l′événement. Le bachelier s′y engagea. Il partit à la recherche de don Quichotte, ne le trouva point à Sarragosse, passa outre jusqu′à Barcelone, où il lui arriva ce qui est rapporté précédemment. | Volvióse por el castillo del duque y contóselo todo, con las condiciones de la batalla, y que ya don Quijote volvía a cumplir, como buen caballero andante, la palabra de retirarse un año en su aldea, en el cual tiempo podía ser, dijo el bachiller, que sanase de su locura; que ésta era la intención que le había movido a hacer aquellas transformaciones, por ser cosa de lástima que un hidalgo tan bien entendido como don Quijote fuese loco. Con esto, se despidió del duque, y se volvió a su lugar, esperando en él a don Quijote, que tras él venía. | Il revint par le château du duc, et lui conta toute l′aventure, ainsi que les conditions de la bataille, ajoutant que don Quichotte, en bon chevalier errant, revenait déjà, pour tenir sa parole de se retirer une année dans son village, « temps pendant lequel, dit le bachelier, on pourra peut-être guérir sa folie. Voilà dans quelle intention j′ai fait toutes ces métamorphoses ; car c′est une chose digne de pitié qu′un hidalgo aussi éclairé que don Quichotte ait ainsi la tête à l′envers. » Sur cela, il prit congé du duc, et retourna dans son village y attendre don Quichotte, qui le suivait de près. | De aquí tomó ocasión el duque de hacerle aquella burla: tanto era lo que gustaba de las cosas de Sancho y de don Quijote; y haciendo tomar los caminos cerca y lejos del castillo por todas las partes que imaginó que podría volver don Quijote, con muchos criados suyos de a pie y de a caballo, para que por fuerza o de grado le trujesen al castillo, si le hallasen. Halláronle, dieron aviso al duque, el cual, ya prevenido de todo lo que había de hacer, así como tuvo noticia de su llegada, mandó encender las hachas y las luminarias del patio y poner a Altisidora sobre el túmulo, con todos los aparatos que se han contado, tan al vivo, y tan bien hechos, que de la verdad a ellos había bien poca diferencia. | C′est de là que le duc prit occasion de faire ce nouveau tour au chevalier, tant il trouvait plaisir aux affaires de don Quichotte et de Sancho. Il fit occuper les chemins, près et loin du château, dans tous les endroits où il imaginait que pouvait passer don Quichotte, par un grand nombre de ses gens à pied et à cheval, afin que, de gré ou de force, on le remenât au château dès qu′on l′aurait trouvé. On le trouva, en effet, et l′on en prévint le duc, lequel, ayant tout fait préparer, donna l′ordre, aussitôt qu′il eut connaissance de son arrivée, d′allumer les torches et les lampes funèbres de la cour, et de placer Altisidore sur le catafalque, avec tous les apprêts qu′on a décrits, et qui étaient imités si bien au naturel, que de ces apprêts à la vérité il n′y avait pas grande différence. | Y dice más Cide Hamete: que tiene para sí ser tan locos los burladores como los burlados, y que no estaban los duques dos dedos de parecer tontos, pues tanto ahínco ponían en burlarse de dos tontos. | Cid Hamet dit en outre qu′à ses yeux les mystificateurs étaient aussi fous que les mystifiés, et que le duc et la duchesse n′étaient pas à deux doigts de paraître sots tous deux, puisqu′ils se donnaient tant de mouvement pour se moquer de deux sots ; | Los cuales, el uno durmiendo a sueño suelto, y el otro velando a pensamientos desatados, les tomó el día y la gana de levantarse; que las ociosas plumas, ni vencido ni vencedor, jamás dieron gusto a don Quijote. | lesquels, l′un dormant à plein somme, l′autre veillant à cervelle détraquée, furent surpris par le jour et l′envie de se lever ; car jamais, vainqueur ou vaincu, don Quichotte n′eût de goût pour la plume oisive. | Altisidora Âen la opinión de don Quijote, vuelta de muerte a vidaÂ, siguiendo el humor de sus señores, coronada con la misma guirnalda que en el túmulo tenía, y vestida una tunicela de tafetán blanco, sembrada de flores de oro, y sueltos los cabellos por las espaldas, arrimada a un báculo de negro y finísimo ébano, entró en el aposento de don Quijote, con cuya presencia turbado y confuso, se encogió y cubrió casi todo con las sábanas y colchas de la cama, muda la lengua, sin que acertase a hacerle cortesía ninguna. Sentóse Altisidora en una silla, junto a su cabecera, y, después de haber dado un gran suspiro, con voz tierna y debilitada le dijo. | Altisidore, qui, dans l′opinion du chevalier, était revenue de la mort à la vie, suivit l′humeur et la fantaisie de ses maîtres. Couronnée de la même guirlande qu′elle portait sur le tombeau, vêtue d′une tunique de taffetas blanc parsemée de fleurs d′or, les cheveux épars sur les épaules, et s′appuyant sur un bâton de noire ébène, elle entra tout à coup dans la chambre de don Quichotte. À son apparition, le chevalier, troublé et confus, s′enfonça presque tout entier sous les draps et les couvertures du lit, la langue muette, sans trouver à lui dire la moindre politesse. Altisidore s′assit sur une chaise, auprès de son chevet ; puis, après avoir poussé un gros soupir, elle lui dit d′une voix tendre et affaiblie : | ÂCuando las mujeres principales y las recatadas doncellas atropellan por la honra, y dan licencia a la lengua que rompa por todo inconveniente, dando noticia en público de los secretos que su corazón encierra, en estrecho término se hallan. Yo, señor don Quijote de la Mancha, soy una déstas, apretada, vencida y enamorada; pero, con todo esto, sufrida y honesta; tanto que, por serlo tanto, reventó mi alma por mi silencio y perdí la vida. Dos días ha que con la consideración del rigor con que me has tratado. | « Quand les femmes de qualité et les modestes jeunes filles foulent aux pieds l′honneur, et permettent à leur langue de franchir tout obstacle, divulguant publiquement les secrets que leur cœur enferme, c′est qu′elles se trouvent en une cruelle extrémité. Moi, seigneur don Quichotte de la Manche, je suis une de ces femmes pressées et vaincues par l′amour ; mais toutefois, patiente et chaste à ce point, que, pour l′avoir trop été, mon âme a éclaté par mon silence, et j′ai perdu la vie. Il y a deux jours que la réflexion continuelle de la rigueur avec laquelle tu m′as traitée, | ¡Oh más duro que mármol a mis quejas. | ô insensible chevalier, plus dur à mes plaintes que le marbre< , | empedernido caballero!, he estado muerta, o, a lo menos, juzgada por tal de los que me han visto; y si no fuera porque el Amor, condoliéndose de mí, depositó mi remedio en los martirios deste buen escudero, allá me quedara en el otro mundo. | m′a fait tomber morte, ou du moins tenir pour telle par ceux qui m′ont vue. Et si l′Amour, prenant pitié de moi, n′eût mis le remède à mon mal dans les martyres de ce bon écuyer, je restais dans l′autre monde. | ÂBien pudiera el Amor Âdijo Sancho depositarlos en los de mi asno, que yo se lo agradeciera. Pero dígame, señora, así el cielo la acomode con otro más blando amante que mi amo: ¿qué es lo que vio en el otro mundo? ¿Qué hay en el infierno? Porque quien muere desesperado, por fuerza ha de tener aquel paradero. |  Ma foi, reprit Sancho, l′Amour aurait bien dû le déposer dans ceux de mon âne ; je lui en saurais un gré infini. Mais, dites-moi, madame, et que le ciel vous accommode d′un amant plus traitable que mon maître ! qu′est-ce que vous avez vu dans l′autre monde ? qu′est-ce qu′il y a dans l′enfer ? car enfin, celui qui meurt désespéré doit forcément aller demeurer par là. | ÂLa verdad que os diga Ârespondió AltisidoraÂ, yo no debí de morir del todo, pues no entré en el infierno; que, si allá entrara, una por una no pudiera salir dél, aunque quisiera. La verdad es que llegué a la puerta, adonde estaban jugando hasta una docena de diablos a la pelota, todos en calzas y en jubón, con valonas guarnecidas con puntas de randas flamencas, y con unas vueltas de lo mismo, que les servían de puños, con cuatro dedos de brazo de fuera, porque pareciesen las manos más largas, en las cuales tenían unas palas de fuego; y lo que más me admiró fue que les servían, en lugar de pelotas, libros, al parecer, llenos de viento y de borra, cosa maravillosa y nueva; pero esto no me admiró tanto como el ver que, siendo natural de los jugadores el alegrarse los gananciosos y entristecerse los que pierden, allí en aquel juego todos gruñían, todos regañaban y todos se maldecían. |  Pour dire la vérité, répondit Altisidore, il faut que je ne sois pas morte tout à fait, puisque je ne suis pas entrée en enfer ; car, si j′y fusse entrée, je n′en serais plus sortie, l′eussé-je même voulu. La vérité est que je suis arrivée à la porte, où une douzaine de diables étaient à jouer à la paume, tous en chausses et en pourpoints, avec des collets à la wallone garnis de pointes de dentelle, et des revers de même étoffe qui leur servaient de manchettes, laissant passer quatre doigts du bras, pour rendre les mains plus longues. Ils tenaient des raquettes de feu, et, ce qui m′étonna le plus, ce fut de voir qu′ils se servaient, en guise de paumes, de livres enflés de vent et remplis de bourre, chose assurément merveilleuse et nouvelle. Mais ce qui m′étonna plus encore, ce fut de voir que, tandis qu′il est naturel aux joueurs de se réjouir quand ils gagnent et de s′attrister quand ils perdent, dans ce jeu-là, tous grognaient, tous grondaient, tous se maudissaient. | ÂEso no es maravilla Ârespondió SanchoÂ, porque los diablos, jueguen o no jueguen, nunca pueden estar contentos, ganen o no ganen. |  Cela n′est pas étonnant, reprit Sancho ; car les diables, qu′ils jouent ou ne jouent pas, qu′ils perdent ou qu′ils gagnent, ne peuvent jamais être contents. | ÂAsí debe de ser Ârespondió AltisidoraÂ; mas hay otra cosa que también me admira, quiero decir me admiró entonces, y fue que al primer voleo no quedaba pelota en pie, ni de provecho para servir otra vez; y así, menudeaban libros nuevos y viejos, que era una maravilla. A uno dellos, nuevo, flamante y bien encuadernado, le dieron un papirotazo que le sacaron las tripas y le esparcieron las hojas. Dijo un diablo a otro:  Mirad qué libro es ése′′. Y el diablo le respondió:  Esta es la Segunda parte de la historia de don Quijote de la Mancha, no compuesta por Cide Hamete, su primer autor, sino por un aragonés, que él dice ser natural de Tordesillas′′.  Quitádmele de ahí Ârespondió el otro diabloÂ, y metedle en los abismos del infierno: no le vean más mis ojos′′. ¿Tan malo es?′′, respondió el otro.  Tan malo Âreplicó el primeroÂ, que si de propósito yo mismo me pusiera a hacerle peor, no acertara′′. Prosiguieron su juego, peloteando otros libros, y yo, por haber oído nombrar a don Quijote, a quien tanto adamo y quiero, procuré que se me quedase en la memoria esta visión. |  C′est ce qui doit être, répondit Altisidore. Mais il y a une autre chose qui m′étonne aussi, je veux dire qui pour lors m′étonna. C′est qu′à la première volée, aucune paume ne restait sur pied, ni en état de servir une seconde fois. Aussi les livres neufs et vieux pleuvaient-ils à crier merveille. L′un d′eux, tout flambant neuf et fort bien relié, reçut une taloche qui lui arracha les entrailles et dispersa ses feuilles. « Vois quel est ce livre » dit un diable à l′autre ; et l′autre répondit : « C′est la Seconde partie de l′histoire de don Quichotte de la Manche, composée, non point par Cid Hamet, son premier auteur, mais par un Aragonais qui se dit natif de Tordésillas.  Ôtez-le d′ici, s′écria l′autre diable, et jetez-le dans les abîmes de l′enfer, pour que mes yeux ne le voient plus.  Il est donc bien mauvais ? répliqua l′autre.  Si mauvais, répondit le premier, que si, par exprès, je me mettais moi-même à en faire un pire, je n′en viendrais pas à bout. » Ils continuèrent leur jeu, pelotant avec d′autres livres ; et moi, pour avoir entendu nommer don Quichotte, que j′aime et chéris avec tant d′ardeur, je tâchai de bien me rappeler cette vision. | ÂVisión debió de ser, sin duda Âdijo don QuijoteÂ, porque no hay otro yo en el mundo, y ya esa historia anda por acá de mano en mano, pero no para en ninguna, porque todos la dan del pie. Yo no me he alterado en oír que ando como cuerpo fantástico por las tinieblas del abismo, ni por la claridad de la tierra, porque no soy aquel de quien esa historia trata. Si ella fuere buena, fiel y verdadera, tendrá siglos de vida; pero si fuere mala, de su parto a la sepultura no será muy largo el camino. |  Vision ce dut être en effet, dit don Quichotte, puisqu′il n′y a pas d′autre moi dans le monde. Cette histoire passe de main en main par ici ; mais elle ne s′arrête en aucune, car chacun lui donne du pied. Pour moi, je ne suis ni troublé ni fâché en apprenant que je me promène, comme un corps fantastique, par les ténèbres de l′abîme et par les clartés de la terre, car je ne suis pas du tout celui dont parle cette histoire. Si elle est bonne, fidèle et véritable, elle aura des siècles de vie ; mais si elle est mauvaise, de sa naissance à sa sépulture le chemin ne sera pas long. » | Iba Altisidora a proseguir en quejarse de don Quijote, cuando le dijo don Quijote: | Altisidore allait continuer de se plaindre de don Quichotte, lorsque le chevalier la prévint. | ÂMuchas veces os he dicho, señora, que a mí me pesa de que hayáis colocado en mí vuestros pensamientos, pues de los míos antes pueden ser agradecidos que remediados; yo nací para ser de Dulcinea del Toboso, y los hados, si los hubiera, me dedicaron para ella; y pensar que otra alguna hermosura ha de ocupar el lugar que en mi alma tiene es pensar lo imposible. Suficiente desengaño es éste para que os retiréis en los límites de vuestra honestidad, pues nadie se puede obligar a lo imposible. | « Je vous ai dit bien des fois, madame, lui dit-il, combien je déplore que vous ayez placé vos affections sur moi, car elles ne peuvent trouver en retour que de la gratitude au lieu de réciprocité. Je suis né pour appartenir à Dulcinée du Toboso ; et les destins, s′il y en a, m′ont formé et réservé pour elle. Croire qu′aucune autre beauté puisse usurper la place qu′elle occupe dans mon âme, c′est rêver l′impossible ; et, comme à l′impossible nul n′est tenu, ce langage doit vous désabuser assez pour que vous vous retiriez dans les limites de votre honnêteté. » | Oyendo lo cual Altisidora, mostrando enojarse y alterarse, le dijo. | À ce propos, Altisidore parut s′émouvoir et se courroucer. | ¡Vive el Señor, don bacallao, alma de almirez, cuesco de dátil, más terco y duro que villano rogado cuando tiene la suya sobre el hito, que si arremeto a vos, que os tengo de sacar los ojos! ¿Pensáis por ventura, don vencido y don molido a palos, que yo me he muerto por vos? Todo lo que habéis visto esta noche ha sido fingido; que no soy yo mujer que por semejantes camellos había de dejar que me doliese un negro de la uña, cuanto más morirme. | « Vive Dieu ! s′écria-t-elle, don merluche séchée, âme de mortier, noyau de pêche, plus dur et plus têtu qu′un vilain qu′on prie, si je vous saute à la figure, je vous arrache les yeux. Pensez-vous par hasard, don vaincu, don roué de coups de bâton, que je suis morte pour vous ? Tout ce que vous avez vu cette nuit est une comédie. Oh ! je ne suis pas femme à me laisser avoir mal au bout de l′ongle pour de semblables chameaux, bien loin de m′en laisser mourir. | ÂEso creo yo muy bien Âdijo SanchoÂ, que esto del morirse los enamorados es cosa de risa: bien lo pueden ellos decir, pero hacer, créalo Judas. |  Pardieu, je le crois bien, interrompit Sancho ; quand on entend parler de mourir aux amoureux, c′est toujours pour rire. Ils le peuvent dire, à coup sûr ; mais le faire, que Judas les croie. » | Estando en estas pláticas, entró el músico, cantor y poeta que había cantado las dos ya referidas estancias, el cual, haciendo una gran reverencia a don Quijote, dijo: | Au milieu de cette conversation, entra le musicien, chanteur et poëte, qui avait chanté les deux strophes précédemment rapportées. Il fit un profond salut à don Quichotte et lui dit : | ÂVuestra merced, señor caballero, me cuente y tenga en el número de sus mayores servidores, porque ha muchos días que le soy muy aficionado, así por su fama como por sus hazañas. | « Que Votre Grâce, seigneur chevalier, veuille bien me compter et me ranger au nombre de ses plus dévoués serviteurs ; car il y a bien des jours que je vous suis attaché, autant pour votre renommée que pour vos prouesses. | Don Quijote le respondió: |  Que Votre Grâce, reprit don Quichotte, | ÂVuestra merced me diga quién es, porque mi cortesía responda a sus merecimientos. | veuille bien me dire qui elle est, afin que ma courtoisie réponde à ses mérites. » | El mozo respondió que era el músico y panegírico de la noche antes. | Le jeune homme répliqua qu′il était le musicien et le panégyriste de la nuit passée. | ÂPor cierto Âreplicó don QuijoteÂ, que vuestra merced tiene estremada voz, pero lo que cantó no me parece que fue muy a propósito; porque, ¿qué tienen que ver las estancias de Garcilaso con la muerte desta señora. | « Assurément, reprit don Quichotte. Votre Grâce a une voix charmante ; mais ce que vous avez chanté n′était pas, il me semble, fort à propos. Car enfin, qu′ont de commun les stances de Garcilaso avec la mort de cette dame ? | ÂNo se maraville vuestra merced deso Ârespondió el músicoÂ, que ya entre los intonsos poetas de nuestra edad se usa que cada uno escriba como quisiere, y hurte de quien quisiere, venga o no venga a pelo de su intento, y ya no hay necedad que canten o escriban que no se atribuya a licencia poética. |  Ne vous étonnez point de cela, répondit le musicien ; parmi les poëtes à la douzaine de ce temps-ci, il est de mode que chacun écrive ce qui lui plaît, et vole ce qui lui convient, que ce soit à l′endroit ou à l′envers de son intention, et nulle sottise ne se chante ou ne s′écrit, qu′on ne l′attribue à licence poétique. » | Responder quisiera don Quijote, pero estorbáronlo el duque y la duquesa, que entraron a verle, entre los cuales pasaron una larga y dulce plática, en la cual dijo Sancho tantos donaires y tantas malicias, que dejaron de nuevo admirados a los duques, así con su simplicidad como con su agudeza. Don Quijote les suplicó le diesen licencia para partirse aquel mismo día, pues a los vencidos caballeros, como él, más les convenía habitar una zahúrda que no reales palacios. Diéronsela de muy buena gana, y la duquesa le preguntó si quedaba en su gracia Altisidora. Él le respondió. | Don Quichotte allait répondre ; mais il en fut empêché par la vue du duc et de la duchesse, qui venaient lui rendre visite. Une longue et douce conversation s′engagea, pendant laquelle Sancho lança tant de saillies et débita tant de malices, que le duc et la duchesse restèrent de nouveau dans l′admiration d′une finesse si piquante unie à tant de simplicité. Don Quichotte les supplia de lui permettre de partir ce jour même, ajoutant qu′aux chevaliers vaincus, comme il l′était, il convenait mieux d′habiter une étable à cochons que des palais royaux ; ses hôtes lui donnèrent congé de bonne grâce, et la duchesse lui demanda s′il ne gardait pas rancune à Altisidore. | ÂSeñora mía, sepa Vuestra Señoría que todo el mal desta doncella nace de ociosidad, cuyo remedio es la ocupación honesta y continua. Ella me ha dicho aquí que se usan randas en el infierno; y, pues ella las debe de saber hacer, no las deje de la mano, que, ocupada en menear los palillos, no se menearán en su imaginación la imagen o imágines de lo que bien quiere; y ésta es la verdad, éste mi parecer y éste es mi consejo. | « Madame, répondit-il, Votre Grâce peut être certaine que tout le mal de cette jeune fille naît d′oisiveté, et que le remède est une occupation honnête et continuelle. Elle vient de me dire qu′on porte de la dentelle en enfer ; puisqu′elle sait sans doute faire cet ouvrage, qu′elle ne le quitte pas un moment ; tant que ses doigts seront occupés à agiter les fuseaux, l′image ou les images des objets qu′elle aime ne s′agiteront pas dans son imagination. Voilà la vérité, voilà mon opinion, et voilà mon conseil. | ÂY el mío Âañadió SanchoÂ, pues no he visto en toda mi vida randera que por amor se haya muerto; que las doncellas ocupadas más ponen sus pensamientos en acabar sus tareas que en pensar en sus amores. Por mí lo digo, pues, mientras estoy cavando, no me acuerdo de mi oíslo; digo, de mi Teresa Panza, a quien quiero más que a las pestañas de mis ojos. |  C′est aussi le mien, ajouta Sancho ; car de ma vie je n′ai vu une ouvrière en dentelle mourir d′amour. Les filles bien occupées songent plutôt à finir leur tâche qu′elles ne pensent à leurs amourettes. J′en parle par moi-même ; car, quand je suis à piocher les champs, je ne me souviens plus de ma ménagère, je veux dire de ma Thérèse Panza, que j′aime pourtant comme les cils de mes yeux. | ÂVos decís muy bien, Sancho Âdijo la duquesaÂ, y yo haré que mi Altisidora se ocupe de aquí adelante en hacer alguna labor blanca, que la sabe hacer por estremo. |  Vous dites fort bien, Sancho, reprit la duchesse ; et je ferai en sorte que dorénavant mon Altisidore s′occupe à des travaux d′aiguille, où elle réussit à merveille. | ÂNo hay para qué, señora Ârespondió AltisidoraÂ, usar dese remedio, pues la consideración de las crueldades que conmigo ha usado este malandrín mostrenco me le borrarán de la memoria sin otro artificio alguno. Y, con licencia de vuestra grandeza, me quiero quitar de aquí, por no ver delante de mis ojos ya no su triste figura, sino su fea y abominable catadura. |  C′est inutile, madame, repartit Altisidore ; et il n′est pas besoin d′employer ce remède. La considération des cruautés dont m′a payée ce malandrin vagabond me l′effacera bien du souvenir, sans aucune autre subtilité ; et, avec la permission de Votre Grandeur, je veux m′éloigner d′ici, pour ne pas voir plus longtemps devant mes yeux, je ne dirai pas sa triste figure, mais sa laide et abominable carcasse. | ÂEso me parece Âdijo el duque a lo que suele decirse: |  Cela ressemble, reprit le duc, à ce qu′on a coutume de dire, | Porque aquel que dice injurias. cerca está de perdonar. | que celui qui dit des injures est tout près de pardonner. » | Hizo Altisidora muestra de limpiarse las lágrimas con un pañuelo, y, haciendo reverencia a sus señores, se salió del aposento. | Altisidore fit semblant d′essuyer ses larmes avec un mouchoir ; et, faisant la révérence à ses maîtres, elle sortit de l′appartement. | ÂMándote yo Âdijo SanchoÂ, pobre doncella, mándote, digo, mala ventura, pues las has habido con una alma de esparto y con un corazón de encina. ¡A fee que si las hubieras conmigo, que otro gallo te cantara. | « Pauvre fille, dit Sancho, tu as ce que tu mérites pour t′être adressée à une âme sèche comme jonc, à un cœur dur comme pierre ! Pardieu, si tu fusses venue à moi, tu aurais entendu chanter un autre coq. » | Acabóse la plática, vistióse don Quijote, comió con los duques, y partióse aquella tarde. | La conversation finie, don Quichotte s′habilla, dîna avec ses hôtes, et partit au sortir de table.
| II. Capítulo LXXI. De lo que a don Quijote le sucedió con su escudero Sancho yendo a su aldea. | Chapitre LXXI De ce qui arriva à don Quichotte et à son écuyer Sancho retournant à leur village Iba el vencido y asendereado don Quijote pensativo además por una parte, y muy alegre por otra. Causaba su tristeza el vencimiento; y la alegría, el considerar en la virtud de Sancho, como lo había mostrado en la resurreción de Altisidora, aunque con algún escrúpulo se persuadía a que la enamorada doncella fuese muerta de veras. No iba nada Sancho alegre, porque le entristecía ver que Altisidora no le había cumplido la palabra de darle las camisas; y, yendo y viniendo en esto, dijo a su amo. | Le vaincu et vagabond don Quichotte s′en allait tout pensif d′une part, et tout joyeux de l′autre. Ce qui causait sa tristesse, c′était sa défaite ; ce qui causait sa joie, c′était la considération de la vertu merveilleuse que possédait Sancho, telle qu′il l′avait montrée par la résurrection d′Altisidore. Cependant il avait bien scrupule à se persuader que l′amoureuse demoiselle fût morte tout de bon. Quant à Sancho, il marchait sans la moindre gaieté, et ce qui l′attristait, c′était de voir qu′Altisidore n′avait pas rempli sa promesse de lui donner la demi-douzaine de chemises. Pensant et repensant à cela, il dit à son maître : | ÂEn verdad, señor, que soy el más desgraciado médico que se debe de hallar en el mundo, en el cual hay físicos que, con matar al enfermo que curan, quieren ser pagados de su trabajo, que no es otro sino firmar una cedulilla de algunas medicinas, que no las hace él, sino el boticario, y cátalo cantusado; y a mí, que la salud ajena me cuesta gotas de sangre, mamonas, pellizcos, alfilerazos y azotes, no me dan un ardite. Pues yo les voto a tal que si me traen a las manos otro algún enfermo, que, antes que le cure, me han de untar las mías; que el abad de donde canta yanta, y no quiero creer que me haya dado el cielo la virtud que tengo para que yo la comunique con otros de bóbilis, bóbilis. | « En vérité, seigneur, il faut que je sois le plus malheureux médecin qu′on puisse rencontrer dans le monde ; car il y en a qui, après avoir tué le malade qu′ils soignent, veulent encore être payés de leur peine, laquelle n′est autre que de signer une ordonnance de quelque médecine, qu′ils ne font pas même, mais bien l′apothicaire, et tant pis pour les pauvres dupes ; tandis que moi, à qui la santé des autres coûte des pincenettes, des croquignoles, des coups d′épingle et des coups de fouet, on ne me donne pas une obole. Eh bien ! je jure Dieu que, si l′on amène en mes mains un autre malade, il faudra me les graisser avant que je le guérisse ; car enfin, de ce qu′il chante l′abbé s′alimente, et je ne puis croire que le ciel m′ait donné la vertu que je possède pour que je la communique aux autres sans en tirer patte ou aile. | ÂTú tienes razón, Sancho amigo Ârespondió don QuijoteÂ, y halo hecho muy mal Altisidora en no haberte dado las prometidas camisas; y, puesto que tu virtud es gratis data, que no te ha costado estudio alguno, más que estudio es recebir martirios en tu persona. De mí te sé decir que si quisieras paga por los azotes del desencanto de Dulcinea, ya te la hubiera dado tal como buena; pero no sé si vendrá bien con la cura la paga, y no querría que impidiese el premio a la medicina. Con todo eso, me parece que no se perderá nada en probarlo: mira, Sancho, el que quieres, y azótate luego, y págate de contado y de tu propia mano, pues tienes dineros míos. |  Tu as raison, ami Sancho, répondit don Quichotte, et c′est très-mal fait à Altisidore de ne t′avoir pas donné les chemises annoncées. Bien que ta vertu te soit gratis data, car elle ne t′a coûté aucune étude, cependant endurer le martyre sur ta personne, c′est pis qu′étudier. Quant à moi, je puis dire que, si tu voulais une paye pour les coups de fouet du déchantement de Dulcinée, je te la donnerais aussi bonne que possible. Mais je ne sais trop si la guérison suivrait le salaire, et je ne voudrais pas empêcher par la récompense l′effet du remède. Après tout, il me semble qu′on ne risque rien de l′essayer. Vois, Sancho, ce que tu exiges, et fouette-toi bien vite ; puis tu te payeras comptant et de tes propres mains, puisque tu as de l′argent à moi. » | A cuyos ofrecimientos abrió Sancho los ojos y las orejas de un palmo, y dio consentimiento en su corazón a azotarse de buena gana; y dijo a su amo: | À cette proposition, Sancho ouvrit d′une aune les yeux et les oreilles, et consentit, dans le fond de son cœur, à se fouetter très-volontiers. | ÂAgora bien, señor, yo quiero disponerme a dar gusto a vuestra merced en lo que desea, con provecho mío; que el amor de mis hijos y de mi mujer me hace que me muestre interesado. Dígame vuestra merced: ¿cuánto me dará por cada azote que me diere. | « Allons, seigneur, dit-il à son maître, je veux bien me disposer à faire plaisir à Votre Grâce en ce qu′elle désire, puisque j′y trouve mon profit. C′est l′amour que je porte à mes enfants et à ma femme qui me fait paraître intéressé. Dites-moi maintenant ce que vous me donnerez pour chaque coup de fouet que je me donnerai. | ÂSi yo te hubiera de pagar, Sancho Ârespondió don QuijoteÂ, conforme lo que merece la grandeza y calidad deste remedio, el tesoro de Venecia, las minas del Potosí fueran poco para pagarte; toma tú el tiento a lo que llevas mío, y pon el precio a cada azote. |  Si je devais te payer, ô Sancho, répondit don Quichotte, suivant la grandeur et la qualité du mal auquel tu remédies, ni le trésor de Venise ni les mines du Potosi ne suffiraient pour te payer convenablement. Mais prends mesure sur ce que tu portes dans ma bourse, et mets toi-même le prix à chaque coup de fouet. | ÂEllos Ârespondió Sancho son tres mil y trecientos y tantos; de ellos me he dado hasta cinco: quedan los demás; entren entre los tantos estos cinco, y vengamos a los tres mil y trecientos, que a cuartillo cada uno, que no llevaré menos si todo el mundo me lo mandase, montan tres mil y trecientos cuartillos, que son los tres mil, mil y quinientos medios reales, que hacen setecientos y cincuenta reales; y los trecientos hacen ciento y cincuenta medios reales, que vienen a hacer setenta y cinco reales, que, juntándose a los setecientos y cincuenta, son por todos ochocientos y veinte y cinco reales. Éstos desfalcaré yo de los que tengo de vuestra merced, y entraré en mi casa rico y contento, aunque bien azotado; porque no se toman truchas..., y no digo más. |  Les coups de fouet, répondit Sancho, sont au nombre de trois mille trois cents et tant. Je m′en suis déjà donné jusqu′à cinq ; reste le surplus. Que ces cinq fassent les et tant, et comptons les trois mille trois cents tout ronds. À un cuartillo la pièce, et je ne prendrais pas moins pour rien au monde, cela fait trois mille trois cents cuartillos, qui font, pour les trois mille, quinze cents demi-réaux, qui font sept cent cinquante réaux et, pour les trois cents, cent cinquante demi-réaux, qui font soixante-quinze réaux, lesquels ajoutés aux sept cent cinquante, font en tout huit cent vingt-cinq réaux. Je défalquerai cette somme de celle que j′ai à Votre Grâce, et je rentrerai dans ma maison riche et content, quoique bien fouetté et bien sanglé, car on ne prend pas de truitesÂ
et je ne dis rien de plus. | ¡Oh Sancho bendito! ¡Oh Sancho amable Ârespondió don QuijoteÂ, y cuán obligados hemos de quedar Dulcinea y yo a servirte todos los días que el cielo nos diere de vida! Si ella vuelve al ser perdido, que no es posible sino que vuelva, su desdicha habrá sido dicha, y mi vencimiento, felicísimo triunfo. Y mira, Sancho, cuándo quieres comenzar la diciplina, que porque la abrevies te añado cien reales. | Â Ô Sancho béni ! ô aimable Sancho ! s′écria don Quichotte, combien nous allons être obligés, Dulcinée et moi, à te servir tous les jours que le ciel nous accordera de vie ! Si elle reprend son ancien être, et il est impossible qu′elle ne le reprenne pas, son malheur aura été son bonheur, et ma défaite heureux triomphe. Allons, Sancho, vois un peu quand tu veux commencer la discipline. Pour que tu l′abréges, j′ajoute encore cent réaux. | ¿Cuándo? Âreplicó SanchoÂ. Esta noche, sin falta. Procure vuestra merced que la tengamos en el campo, al cielo abierto, que yo me abriré mis carnes. |  Quand ? répliqua Sancho ; cette nuit même. Tâchez que nous la passions en rase campagne et à ciel ouvert ; alors je m′ouvrirai la peau. » | Llegó la noche, esperada de don Quijote con la mayor ansia del mundo, pareciéndole que las ruedas del carro de Apolo se habían quebrado, y que el día se alargaba más de lo acostumbrado, bien así como acontece a los enamorados, que jamás ajustan la cuenta de sus deseos. Finalmente, se entraron entre unos amenos árboles que poco desviados del camino estaban, donde, dejando vacías la silla y albarda de Rocinante y el rucio, se tendieron sobre la verde yerba y cenaron del repuesto de Sancho; el cual, haciendo del cabestro y de la jáquima del rucio un poderoso y flexible azote, se retiró hasta veinte pasos de su amo, entre unas hayas. Don Quijote, que le vio ir con denuedo y con brío, le dijo. | La nuit vint, cette nuit attendue par don Quichotte avec la plus grande anxiété du monde ; car il lui semblait que les roues du char d′Apollon s′étaient brisées, et que le jour s′allongeait plus que de coutume, précisément comme il arrive aux amoureux, qui ne règlent jamais bien le compte de leurs désirs. Enfin le chevalier et l′écuyer gagnèrent un bosquet d′arbres touffus, un peu à l′écart du chemin, et là, laissant vide la selle de Rossinante et le bât du grison, ils s′étendirent sur l′herbe verte et soupèrent des provisions de Sancho. Celui-ci, ayant fait, avec le licou et la sangle de son âne, une puissante et flexible discipline, se retira à vingt pas environ de don Quichotte, au milieu de quelques hêtres. En le voyant aller avec tant de courage et de résolution, son maître lui dit : | ÂMira, amigo, que no te hagas pedazos; da lugar que unos azotes aguarden a otros; no quieras apresurarte tanto en la carrera, que en la mitad della te falte el aliento; quiero decir que no te des tan recio que te falte la vida antes de llegar al número deseado. Y, porque no pierdas por carta de más ni de menos, yo estaré desde aparte contando por este mi rosario los azotes que te dieres. Favorézcate el cielo conforme tu buena intención merece. | « Prends garde, ami, de ne pas te mettre en pièces ; arrange-toi de façon qu′un coup attende l′autre, et ne te presse pas tellement d′arriver au bout de la carrière que l′haleine te manque au milieu ; je veux dire, ne te frappe pas si fort que la vie t′échappe avant d′atteindre le nombre voulu. Afin que tu ne perdes pas la partie pour un point de plus ou de moins, je me charge de compter d′ici, sur les grains de mon chapelet, les coups que tu te donneras ; et que le ciel te favorise autant que le mérite ta bonne intention. | ÂAl buen pagador no le duelen prendas Ârespondió SanchoÂ: yo pienso darme de manera que, sin matarme, me duela; que en esto debe de consistir la sustancia deste milagro. |  Le bon payeur n′est pas embarrassé de ses gages, répondit Sancho ; je pense m′étriller de façon que, sans me tuer, il m′en cuise. C′est en cela que doit consister l′essence de ce miracle. » | Desnudóse luego de medio cuerpo arriba, y, arrebatando el cordel, comenzó a darse, y comenzó don Quijote a contar los azotes. | Aussitôt il se déshabilla de la ceinture au haut du corps ; puis, empoignant le cordeau, il commença à se fustiger, et don Quichotte à compter les coups. Sancho s′en était à peine donné six ou huit, que la plaisanterie lui parut un peu lourde et le prix un peu léger. | Hasta seis o ocho se habría dado Sancho, cuando le pareció ser pesada la burla y muy barato el precio della, y, deteniéndose un poco, dijo a su amo que se llamaba a engaño, porque merecía cada azote de aquéllos ser pagado a medio real, no que a cuartillo. | Il s′arrêta, et dit à son maître qu′il appelait du marché pour cause de tromperie, parce que des coups de fouet de cette espèce méritaient d′être payés un demi-réal pièce, et non un cuartillo. | ÂProsigue, Sancho amigo, y no desmayes Âle dijo don QuijoteÂ, que yo doblo la parada del precio. | « Continue, ami Sancho, répondit don Quichotte ; et ne perds pas courage ; je double le montant du prix. | ÂDese modo Âdijo SanchoÂ, ¡a la mano de Dios, y lluevan azotes! |  De cette façon, reprit Sancho, à la grâce de Dieu, et pleuvent les coups de fouet. » | Pero el socarrón dejó de dárselos en las espaldas, y daba en los árboles, con unos suspiros de cuando en cuando, que parecía que con cada uno dellos se le arrancaba el alma. Tierna la de don Quijote, temeroso de que no se le acabase la vida, y no consiguiese su deseo por la imprudencia de Sancho, le dijo. | Mais le sournois cessa bien vite de se les donner sur les épaules. Il frappait sur les arbres, en poussant de temps en temps des soupirs tels qu′on aurait dit qu′à chacun d′eux il s′arrachait l′âme. Don Quichotte, attendri, craignant d′ailleurs qu′il n′y laissât la vie et que l′imprudence de Sancho ne vînt à tout perdre, lui dit alors : | ÂPor tu vida, amigo, que se quede en este punto este negocio, que me parece muy áspera esta medicina, y será bien dar tiempo al tiempo; que no se ganó Zamora en un hora. Más de mil azotes, si yo no he contado mal, te has dado: bastan por agora; que el asno, hablando a lo grosero, sufre la carga, mas no la sobrecarga. | « Au nom du ciel, ami, laisses-en là cette affaire ; le remède me semble bien âpre, et il sera bon de donner du temps au temps. On n′a pas pris Zamora en une heure. Tu t′es appliqué déjà, si je n′ai pas mal compté, plus de mille coups de fouet ; c′est assez pour à présent ; car l′âne, en parlant à la grosse manière, souffre la charge, mais non la surcharge. | ÂNo, no, señor Ârespondió SanchoÂ, no se ha de decir por mí: "a dineros pagados, brazos quebrados". Apártese vuestra merced otro poco y déjeme dar otros mil azotes siquiera, que a dos levadas déstas habremos cumplido con esta partida, y aún nos sobrará ropa. |  Non, non, seigneur, répondit Sancho ; on ne dira pas de moi : Gages payés, bras cassés. Que Votre Grâce s′éloigne encore un peu, et me laisse m′appliquer mille autres coups seulement. Avec deux assauts comme celui-là, l′affaire sera faite, et il nous restera des morceaux de la pièce. | ÂPues tú te hallas con tan buena disposición Âdijo don QuijoteÂ, el cielo te ayude, y pégate, que yo me aparto. |  Puisque tu te trouves en si bonne disposition, reprit don Quichotte, que le ciel te bénisse ; donne-t′en à ton aise, je m′éloigne d′ici. » | Volvió Sancho a su tarea con tanto denuedo, que ya había quitado las cortezas a muchos árboles: tal era la riguridad con que se azotaba; y, alzando una vez la voz, y dando un desaforado azote en una haya, dijo. | Sancho reprit sa tâche avec tant d′énergie qu′il eut bientôt enlevé l′écorce à plusieurs arbres ; telle était la rigueur qu′il mettait à se flageller. Enfin, jetant un grand cri, et donnant un effroyable coup sur un hêtre : | ¡Aquí morirás, Sansón, y cuantos con él son. | « Ici, dit-il, mourra Samson, et avec lui tous autant qu′ils sont. » | Acudió don Quijote luego al son de la lastimada voz y del golpe del riguroso azote, y, asiendo del torcido cabestro que le servía de corbacho a Sancho, le dijo. | Don Quichotte accourut bientôt au bruit de ce coup terrible et de cet accent lamentable ; et, saisissant le licou tressé qui servait de nerf de bœuf à Sancho, il lui dit : | ÂNo permita la suerte, Sancho amigo, que por el gusto mío pierdas tú la vida, que ha de servir para sustentar a tu mujer y a tus hijos: espere Dulcinea mejor coyuntura, que yo me contendré en los límites de la esperanza propincua, y esperaré que cobres fuerzas nuevas, para que se concluya este negocio a gusto de todos. | « À Dieu ne plaise, ami Sancho, que pour mon plaisir tu perdes la vie qui doit servir à la subsistance de ta femme et de tes enfants. Que Dulcinée attende une meilleure conjoncture ; moi, je me tiendrai dans les limites d′une espérance prochaine, et j′attendrai que tu aies repris de nouvelles forces pour que cette affaire se termine au gré de tous. | ÂPues vuestra merced, señor mío, lo quiere así Ârespondió SanchoÂ, sea en buena hora, y écheme su ferreruelo sobre estas espaldas, que estoy sudando y no querría resfriarme; que los nuevos diciplinantes corren este peligro. |  Puisque Votre Grâce, mon seigneur, le veut ainsi, répondit Sancho, à la bonne heure, j′y consens ; mais jetez-moi votre manteau sur les épaules, car je sue à grosses gouttes, et je ne voudrais pas m′enrhumer comme il arrive aux pénitents qui font pour la première fois usage de la discipline. » | Hízolo así don Quijote, y, quedándose en pelota, abrigó a Sancho, el cual se durmió hasta que le despertó el sol, y luego volvieron a proseguir su camino, a quien dieron fin, por entonces, en un lugar que tres leguas de allí estaba. Apeáronse en un mesón, que por tal le reconoció don Quijote, y no por castillo de cava honda, torres, rastrillos y puente levadiza; que, después que le vencieron, con más juicio en todas las cosas discurría, como agora se dirá. Alojáronle en una sala baja, a quien servían de guadameciles unas sargas viejas pintadas, como se usan en las aldeas. En una dellas estaba pintada de malísima mano el robo de Elena, cuando el atrevido huésped se la llevó a Menalao, y en otra estaba la historia de Dido y de Eneas, ella sobre una alta torre, como que hacía señas con una media sábana al fugitivo huésped, que por el mar, sobre una fragata o bergantín, se iba huyendo. | Don Quichotte s′empressa de se dépouiller, et, demeurant en justaucorps, il couvrit bien Sancho, qui dormit jusqu′à ce que le soleil l′éveillât. Ils continuèrent ensuite leur chemin, et firent halte ce jour-là dans un village à trois lieues de distance. Ils descendirent à une auberge que don Quichotte reconnut pour telle, et ne prit pas pour un château avec ses fossés, ses tours, ses herses et son pont-levis ; car, depuis qu′il avait été vaincu, ils discourait sur toute chose avec un jugement plus sain, comme on le verra désormais. On le logea dans une salle basse, où pendaient à la fenêtre, en guise de rideaux, deux pièces de vieille serge peinte, selon la mode des villages. Sur l′une était grossièrement retracé le rapt d′Hélène, quand l′hôte audacieux de Ménélas lui enleva son épouse. L′autre représentait l′histoire d′Énée et de Didon, celle-ci montée sur une haute tour, faisant, avec un drap de lit, des signes à l′amant fugitif qui se sauvait en pleine mer, sur une frégate ou un brigantin. | Notó en las dos historias que Elena no iba de muy mala gana, porque se reía a socapa y a lo socarrón; pero la hermosa Dido mostraba verter lágrimas del tamaño de nueces por los ojos. Viendo lo cual don Quijote, dijo. | Le chevalier, examinant les deux histoires, remarqua qu′Hélène ne s′en allait pas de trop mauvais gré, car elle riait sous cape et en sournoise. Pour la belle Didon, ses yeux versaient des larmes grosses comme des noix. Quand don Quichotte les eut bien regardées : | ÂEstas dos señoras fueron desdichadísimas, por no haber nacido en esta edad, y yo sobre todos desdichado en no haber nacido en la suya: encontrara a aquestos señores, ni fuera abrasada Troya, ni Cartago destruida, pues con sólo que yo matara a Paris se escusaran tantas desgracias. | « Ces deux dames, dit-il, furent extrêmement malheureuses de n′être pas nées dans cet âge-ci, et moi, malheureux par-dessus tout de n′être pas né dans le leur, car enfin, si j′avais rencontré ces beaux messieurs, Troie n′eût pas été brûlée, ni Carthage détruite ; il m′aurait suffi de tuer Pâris pour éviter de si grandes calamités. | ÂYo apostaré Âdijo Sancho que antes de mucho tiempo no ha de haber bodegón, venta ni mesón, o tienda de barbero, donde no ande pintada la historia de nuestras hazañas. Pero querría yo que la pintasen manos de otro mejor pintor que el que ha pintado a éstas. |  Moi, je parierais, dit Sancho, qu′avant peu de temps d′ici il n′y aura pas de cabaret, d′hôtellerie, d′auberge, de boutique de barbier, où l′on ne trouve en peinture l′histoire de nos prouesses. Mais je voudrais qu′elles fussent peintes par un peintre de meilleure main que celui qui a barbouillé ces dames. | ÂTienes razón, Sancho Âdijo don QuijoteÂ, porque este pintor es como Orbaneja, un pintor que estaba en Úbeda; que, cuando le preguntaban qué pintaba, respondía:  Lo que saliere′′; y si por ventura pintaba un gallo, escribía debajo: "Éste es gallo", porque no pensasen que era zorra. Desta manera me parece a mí, Sancho, que debe de ser el pintor o escritor, que todo es uno, que sacó a luz la historia deste nuevo don Quijote que ha salido: que pintó o escribió lo que saliere; o habrá sido como un poeta que andaba los años pasados en la corte, llamado Mauleón, el cual respondía de repente a cuanto le preguntaban; y, preguntándole uno que qué quería decir Deum de Deo, respondió:  Dé donde diere′′. Pero, dejando esto aparte, dime si piensas, Sancho, darte otra tanda esta noche, y si quieres que sea debajo de techado, o al cielo abierto. |  Tu as raison, Sancho, reprit don Quichotte ; car, en effet, celui-ci ressemble à Orbanéja, un peintre qui demeurait à Ubéda, lequel, quand on lui demandait ce qu′il peignait : « Ce qui viendra » disait-il ; et si par hasard il peignait un coq, il écrivait au-dessous : « Ceci est un coq » afin qu′on ne le prît pas pour un renard. C′est de cette façon-là, Sancho, si je ne me trompe, que doit être le peintre ou l′écrivain (c′est tout un) qui a publié l′histoire du nouveau don Quichotte : il a peint ou écrit à la bonne aventure. Celui-ci ressemble encore à un poëte appelé Mauléon, qui était venu se présenter ces années passées à la cour. Il répondait sur-le-champ à toutes les questions qui lui étaient faites, et, quelqu′un lui demandant ce que voulait dire Deum de Deo, il répondit : « Donne d′en bas ou d′en haut ». Mais laissons cela, et dis-moi, Sancho, dans le cas où tu voudrais te donner cette nuit une autre volée de coups de fouet, si tu veux que ce soit sous toiture de maison ou à la belle étoile. | ÂPardiez, señor Ârespondió SanchoÂ, que para lo que yo pienso darme, eso se me da en casa que en el campo; pero, con todo eso, querría que fuese entre árboles, que parece que me acompañan y me ayudan a llevar mi trabajo maravillosamente. |  Pardi, seigneur, repartit Sancho, pour les coups que je pense me donner, autant vaut être dans la maison que dans les champs. Mais pourtant, je voudrais que ce fût entre des arbres ; il me semble qu′ils me tiennent compagnie, et qu′ils m′aident merveilleusement à supporter ma pénitence. | ÂPues no ha de ser así, Sancho amigo Ârespondió don QuijoteÂ, sino que para que tomes fuerzas, lo hemos de guardar para nuestra aldea, que, a lo más tarde, llegaremos allá después de mañana. |  Eh bien, ce ne sera ni l′un ni l′autre, ami Sancho, répondit don Quichotte ; afin que tu reprennes des forces, nous garderons la fin de la besogne pour notre village, où nous arriverons au plus tard après-demain. | Sancho respondió que hiciese su gusto, pero que él quisiera concluir con brevedad aquel negocio a sangre caliente y cuando estaba picado el molino, porque en la tardanza suele estar muchas veces el peligro; y a Dios rogando y con el mazo dando, y que más valía un "toma" que dos "te daré", y el pájaro en la mano que el buitre volando. |  Faites comme il vous plaira, répliqua Sancho ; mais moi, je voudrais conclure cette affaire au plus tôt, quand le fer est chaud et la meule en train ; car dans le retard est souvent le péril ; faut prier Dieu et donner du maillet, et mieux vaut un tiens que deux tu l′auras, et mieux vaut le moineau dans la main que la grue qui vole au loin. | ÂNo más refranes, Sancho, por un solo Dios Âdijo don QuijoteÂ, que parece que te vuelves al sicut erat; habla a lo llano, a lo liso, a lo no intricado, como muchas veces te he dicho, y verás como te vale un pan por ciento. |  Assez, Sancho, s′écria don Quichotte ; cesse tes proverbes, au nom d′un seul Dieu ; on dirait que tu reviens au sicut erat. Parle simplement, uniment, sans t′embrouiller et t′enchevêtrer, comme je te l′ai dit mainte et mainte fois. Tu verras que tu t′en trouveras bien. | ÂNo sé qué mala ventura es esta mía Ârespondió SanchoÂ, que no sé decir razón sin refrán, ni refrán que no me parezca razón; pero yo me enmendaré, si pudiere. |  Je ne sais quelle malédiction pèse sur moi, répondit Sancho ; je ne peux dire une raison sans un proverbe, ni un proverbe qui ne me semble une raison. Mais je m′en corrigerai si j′en puis venir à bout. » | Y, con esto, cesó por entonces su plática. | Et leur entretien finit là.
| II. Capítulo LXXII. De cómo don Quijote y Sancho llegaron a su aldea. | Chapitre LXXII Comment don Quichotte et Sancho arrivèrent à leur village Todo aquel día, esperando la noche, estuvieron en aquel lugar y mesón don Quijote y Sancho: el uno, para acabar en la campaña rasa la tanda de su diciplina, y el otro, para ver el fin della, en el cual consistía el de su deseo. Llegó en esto al mesón un caminante a caballo, con tres o cuatro criados, uno de los cuales dijo al que el señor dellos parecía. | Tout ce jour-là, don Quichotte et Sancho restèrent dans cette auberge de village, attendant la nuit, l′un pour achever sa pénitence en rase campagne, l′autre pour en voir la fin, qui devait être aussi celle de ses désirs. Cependant il arriva devant la porte de l′auberge un voyageur à cheval, suivi de trois ou quatre domestiques, l′un desquels, s′adressant à celui qui semblait leur maître : | ÂAquí puede vuestra merced, señor don Álvaro Tarfe, pasar hoy la siesta: la posada parece limpia y fresca. | « Votre Grâce, lui dit-il, seigneur don Alvaro Tarfé peut fort bien passer la sieste ici ; la maison paraît propre et fraîche. » | Oyendo esto don Quijote, le dijo a Sancho. | Don Quichotte, entendant cela, dit à Sancho : | ÂMira, Sancho: cuando yo hojeé aquel libro de la segunda parte de mi historia, me parece que de pasada topé allí este nombre de don Álvaro Tarfe. | « Écoute, Sancho, quand je feuilletai ce livre de la seconde partie de mon histoire, il me semble que j′y rencontrai en passant ce nom de don Alvaro Tarfé. | ÂBien podrá ser Ârespondió SanchoÂ. Dejémosle apear, que después se lo preguntaremos. |  Cela peut bien être, répondit Sancho ; laissons-le mettre pied à terre, ensuite nous le questionnerons. » | El caballero se apeó, y, frontero del aposento de don Quijote, la huéspeda le dio una sala baja, enjaezada con otras pintadas sargas, como las que tenía la estancia de don Quijote. Púsose el recién venido caballero a lo de verano, y, saliéndose al portal del mesón, que era espacioso y fresco, por el cual se paseaba don Quijote, le preguntó. | Le gentilhomme descendit de cheval, et l′hôtesse lui donna, en face de la chambre de don Quichotte, une salle basse, meublée d′autres serges peintes comme celles qui décoraient l′appartement de notre chevalier. Le nouveau venu se mit en costume d′été ; et, sortant sous le portail de l′auberge, qui était spacieux et frais, il y trouva don Quichotte se promenant de long en large. | ¿Adónde bueno camina vuestra merced, señor gentilhombre. | « Peut-on savoir quel chemin suit Votre Grâce, seigneur gentilhomme ? lui demanda-t-il. | Y don Quijote le respondió: |  Je vais, répondit don Quichotte, | ÂA una aldea que está aquí cerca, de donde soy natural. Y vuestra merced, ¿dónde camina. | à un village près d′ici, dont je suis natif, et où je demeure. Et Votre Grâce, où va-t-elle ? | ÂYo, señor Ârespondió el caballeroÂ, voy a Granada, que es mi patria. |  Moi, seigneur, répondit le cavalier, je vais à Grenade, ma patrie. | ¡Y buena patria! Âreplicó don QuijoteÂ. Pero, dígame vuestra merced, por cortesía, su nombre, porque me parece que me ha de importar saberlo más de lo que buenamente podré decir. |  Bonne patrie, répliqua don Quichotte ; mais Votre Grâce voudrait-elle bien, par courtoisie, me dire son nom ? Je crois qu′il m′importe de le savoir plus que je ne pourrais le dire. | ÂMi nombre es don Álvaro Tarfe Ârespondió el huésped. |  Mon nom, répondit le voyageur, est don Alvaro Tarfé. | A lo que replicó don Quijote. |  Sans aucun doute, répliqua don Quichotte, | ÂSin duda alguna pienso que vuestra merced debe de ser aquel don Álvaro Tarfe que anda impreso en la Segunda parte de la historia de, recién impresa y dada a la luz del mundo por un autor moderno. | je pense que Votre Grâce est ce même don Alvaro Tarfé qui figure dans la seconde partie de l′histoire de don Quichotte de la Manche, récemment imprimée et livrée à la lumière du monde par un auteur moderne. | ÂEl mismo soy Ârespondió el caballeroÂ, y el tal don Quijote, sujeto principal de la tal historia, fue grandísimo amigo mío, y yo fui el que le sacó de su tierra, o, a lo menos, le moví a que viniese a unas justas que se hacían en Zaragoza, adonde yo iba; y, en verdad en verdad que le hice muchas amistades, y que le quité de que no le palmease las espaldas el verdugo, por ser demasiadamente atrevido. |  Je suis lui-même, répondit le gentilhomme, et ce don Quichotte, principal personnage de cette histoire, fut mon ami intime. C′est moi qui le tirai de son pays, ou du moins qui l′engageai à venir à des joutes qui se faisaient à Saragosse, où j′allais moi-même. Et vraiment, vraiment, je lui ai rendu bien des services, et je l′ai empêché d′avoir les épaules flagellées par le bourreau, pour avoir été un peu trop hardi. | ÂY, dígame vuestra merced, señor don Álvaro, ¿parezco yo en algo a ese tal don Quijote que vuestra merced dice. |  Dites-moi, seigneur don Alvaro, reprit don Quichotte, est-ce que je ressemble en quelque chose à ce don Quichotte dont parle Votre Grâce ? | ÂNo, por cierto Ârespondió el huéspedÂ: en ninguna manera. |  Non, certes, répondit le voyageur, en aucune façon. | ÂY ese don Quijote Âdijo el nuestroÂ, ¿traía consigo a un escudero llamado Sancho Panza? |  Et ce don Quichotte, ajouta le nôtre, n′avait-il pas avec lui un écuyer appelé Sancho Panza ? | ÂSí traía Ârespondió don ÁlvaroÂ; y, aunque tenía fama de muy gracioso, nunca le oí decir gracia que la tuviese. |  Oui, sans doute, répliqua don Alvaro ; mais, quoiqu′il eût la réputation d′être amusant et facétieux, je ne lui ai jamais ouí¤ire une plaisanterie qui fût plaisante. | ÂEso creo yo muy bien Âdijo a esta sazón SanchoÂ, porque el decir gracias no es para todos, y ese Sancho que vuestra merced dice, señor gentilhombre, debe de ser algún grandísimo bellaco, frión y ladrón juntamente, que el verdadero Sancho Panza soy yo, que tengo más gracias que llovidas; y si no, haga vuestra merced la experiencia, y ándese tras de mí, por los menos un año, y verá que se me caen a cada paso, y tales y tantas que, sin saber yo las más veces lo que me digo, hago reír a cuantos me escuchan; y el verdadero don Quijote de la Mancha, el famoso, el valiente y el discreto, el enamorado, el desfacedor de agravios, el tutor de pupilos y huérfanos, el amparo de las viudas, el matador de las doncellas, el que tiene por única señora a la sin par Dulcinea del Toboso, es este señor que está presente, que es mi amo; todo cualquier otro don Quijote y cualquier otro Sancho Panza es burlería y cosa de sueño. |  Je le crois ma foi bien ! s′écria Sancho ; plaisanter comme il faut n′est pas donné à tout le monde ; et ce Sancho dont parle Votre Grâce, seigneur gentilhomme, doit être quelque grandissime vaurien, bête et voleur tout à la fois. Le véritable Sancho, c′est moi ; et j′ai plus de facéties à votre service que s′il en pleuvait ; sinon, que Votre Grâce en fasse l′expérience. Venez-vous-en derrière moi, pour le moins une année, et vous verrez comme elles me tombent de la bouche à chaque pas, si dru et si menu que, sans savoir le plus souvent ce que je dis, je fais rire tous ceux qui m′écoutent. Quant au véritable don Quichotte de la Manche, le fameux, le vaillant, le discret, l′amoureux, le défenseur de torts, le tuteur d′orphelins, le défenseur des veuves, le tuteur de demoiselles, celui qui a pour unique dame la sans pareille Dulcinée du Toboso, c′est ce seigneur que voilà, c′est mon maître. Tout autre don Quichotte et tout autre Sancho ne sont que pour la frime, ne sont que des rêves en l′air. | ¡Por Dios que lo creo! Ârespondió don ÁlvaroÂ, porque más gracias habéis dicho vos, amigo, en cuatro razones que habéis hablado, que el otro Sancho Panza en cuantas yo le oí hablar, que fueron muchas. Más tenía de comilón que de bien hablado, y más de tonto que de gracioso, y tengo por sin duda que los encantadores que persiguen a don Quijote el bueno han querido perseguirme a mí con don Quijote el malo. Pero no sé qué me diga; que osaré yo jurar que le dejo metido en la casa del Nuncio, en Toledo, para que le curen, y agora remanece aquí otro don Quijote, aunque bien diferente del mío. |  Pardieu ! je le crois bien, répondit don Alvaro, car vous avez dit plus de bons mots, mon ami, en quatre paroles que vous avez dites, que l′autre Sancho Panza en tous les discours que je lui ai ouí´enir, et le nombre en est grand. Il sentait plus le glouton que le beau parleur, et le niais que le bon plaisant ; et je suis fondé à croire que les enchanteurs qui persécutent don Quichotte le bon ont voulu me persécuter, moi, avec don Quichotte le mauvais. Mais vraiment, je ne sais que dire ; car j′oserais bien jurer que je laisse celui-ci enfermé dans l′hôpital des fous, à Tolède, pour qu′on l′y guérisse ; et voilà que tout à coup il survient ici un autre don Quichotte, quoique bien différent du mien. | ÂYo Âdijo don Quijote no sé si soy bueno, pero sé decir que no soy el malo; para prueba de lo cual quiero que sepa vuesa merced, mi señor don Álvaro Tarfe, que en todos los días de mi vida no he estado en Zaragoza; antes, por haberme dicho que ese don Quijote fantástico se había hallado en las justas desa ciudad, no quise yo entrar en ella, por sacar a las barbas del mundo su mentira; y así, me pasé de claro a Barcelona, archivo de la cortesía, albergue de los estranjeros, hospital de los pobres, patria de los valientes, venganza de los ofendidos y correspondencia grata de firmes amistades, y, en sitio y en belleza, única. Y, aunque los sucesos que en ella me han sucedido no son de mucho gusto, sino de mucha pesadumbre, los llevo sin ella, sólo por haberla visto. Finalmente, señor don Álvaro Tarfe, yo soy don Quijote de la Mancha, el mismo que dice la fama, y no ese desventurado que ha querido usurpar mi nombre y honrarse con mis pensamientos. A vuestra merced suplico, por lo que debe a ser caballero, sea servido de hacer una declaración ante el alcalde deste lugar, de que vuestra merced no me ha visto en todos los días de su vida hasta agora, y de que yo no soy el don Quijote impreso en la segunda parte, ni este Sancho Panza mi escudero es aquél que vuestra merced conoció. |  Je ne sais, reprit don Quichotte, si je puis m′appeler bon, mais je puis dire au moins que je ne suis pas le mauvais. Pour preuve de ce que j′avance, je veux, seigneur don Alvaro Tarfé, que Votre Grâce sache une chose : c′est qu′en tous les jours de ma vie je n′ai pas mis le pied à Saragosse. Au contraire, pour avoir ouí¤ire que ce don Quichotte fantastique s′était trouvé aux joutes de cette ville, je ne voulus pas y entrer, afin de lui donner un démenti à la barbe du monde. Aussi je gagnai tout droit Barcelone, ville unique par l′emplacement et par la beauté, archive de la courtoisie, refuge des étrangers, hôpital des pauvres, patrie des braves, vengeance des offenses, et correspondance aimable d′amitiés fidèles. Bien que les événements qui m′y sont arrivés ne soient pas d′agréables souvenirs, mais, au contraire, de cuisants regrets, je les supporte sans regret pourtant, et seulement pour avoir joui de sa vue. Enfin, seigneur don Alvaro Tarfé, je suis don Quichotte de la Manche, celui dont parle la renommée, et non ce misérable qui a voulu usurper mon nom et se faire honneur de mes pensées. Je supplie donc Votre Grâce, au nom de ses devoirs de gentilhomme, de vouloir bien faire une déclaration devant l′alcalde de ce village, constatant que Votre Grâce ne m′avait vu de sa vie jusqu′à présent, que je ne suis pas le don Quichotte imprimé dans la seconde partie, et que ce Sancho Panza, mon écuyer, n′est pas davantage celui que Votre Grâce a connu. | ÂEso haré yo de muy buena gana Ârespondió don ÁlvaroÂ, puesto que cause admiración ver dos don Quijotes y dos Sanchos a un mismo tiempo, tan conformes en los nombres como diferentes en las acciones; y vuelvo a decir y me afirmo que no he visto lo que he visto, ni ha pasado por mí lo que ha pasado. |  Très-volontiers, répondit don Alvaro ; mais, vraiment, c′est à tomber de surprise que de voir en même temps deux don Quichotte et deux Sancho Panza, aussi semblables par les noms que différents par les actes. Oui, je répète et soutiens que je n′ai pas vu ce que j′ai vu, et qu′il ne m′est point arrivé ce qui m′est arrivé. | ÂSin duda Âdijo Sancho que vuestra merced debe de estar encantado, como mi señora Dulcinea del Toboso, y pluguiera al cielo que estuviera su desencanto de vuestra merced en darme otros tres mil y tantos azotes como me doy por ella, que yo me los diera sin interés alguno. |  Sans doute, reprit Sancho, que Votre Grâce est enchantée comme madame Dulcinée du Toboso ; et plût au ciel que votre désenchantement consistât à me donner trois autres mille et tant de coups de fouet, comme je me les donne pour elle ! je me les donnerais vraiment sans aucun intérêt. | ÂNo entiendo eso de azotes Âdijo don Álvaro. |  Je n′entends pas ce que vous voulez dire par les coups de fouet, répondit don Alvaro. | Y Sancho le respondió que era largo de contar, pero que él se lo contaría si acaso iban un mesmo camino. |  Oh ! ce serait trop long à conter maintenant, répliqua Sancho ; mais, plus tard, je vous conterai la chose, si par hasard nous suivons le même chemin. » | Llegóse en esto la hora de comer; comieron juntos don Quijote y don Álvaro. Entró acaso el alcalde del pueblo en el mesón, con un escribano, ante el cual alcalde pidió don Quijote, por una petición, de que a su derecho convenía de que don Álvaro Tarfe, aquel caballero que allí estaba presente, declarase ante su merced como no conocía a don Quijote de la Mancha, que asimismo estaba allí presente, y que no era aquél que andaba impreso en una historia intitulada: Segunda parte de don Quijote de la Mancha, compuesta por un tal de Avellaneda, natural de Tordesillas. Finalmente, el alcalde proveyó jurídicamente; la declaración se hizo con todas las fuerzas que en tales casos debían hacerse, con lo que quedaron don Quijote y Sancho muy alegres, como si les importara mucho semejante declaración y no mostrara claro la diferencia de los dos don Quijotes y la de los dos Sanchos sus obras y sus palabras. Muchas de cortesías y ofrecimientos pasaron entre don Álvaro y don Quijote, en las cuales mostró el gran manchego su discreción, de modo que desengañó a don Álvaro Tarfe del error en que estaba; el cual se dio a entender que debía de estar encantado, pues tocaba con la mano dos tan contrarios don Quijotes. | En causant ainsi, et l′heure du dîner étant venue, don Quichotte et don Alvaro se mirent ensemble à table. L′alcalde du pays vint à entrer par hasard dans l′auberge avec un greffier. Don Quichotte lui exposa, dans une pétition en forme, comme quoi il convenait à ses droits et intérêts que don Alvaro Tarfé, ce gentilhomme qui se trouvait présent, fît devant Sa Grâce la déclaration qu′il ne connaissait point don Quichotte de la Manche, également présent, et que ce n′était pas celui qui figurait imprimé dans une histoire intitulée : Seconde partie de don Quichotte de la Manche, composée par un certain Avellanéda, natif de Tordésillas. Enfin, l′alcalde procéda judiciairement. La déclaration se fit dans toutes les règles et avec toutes les formalités requises en pareil cas ; ce qui réjouit fort don Quichotte et Sancho ; comme si une telle déclaration leur eût importé beaucoup, comme si leurs œuvres et leurs paroles n′eussent pas clairement montré la différence des deux don Quichotte et des deux Sancho Panza. Une foule de politesses et d′offres de service furent échangées entre don Alvaro et don Quichotte, dans lesquelles l′illustre Manchois montra si bien son esprit et sa discrétion, qu′il acheva de désabuser don Alvaro Tarfé, et que celui-ci finit par croire qu′il était enchanté réellement, puisqu′il touchait du doigt deux don Quichotte si opposés. | Llegó la tarde, partiéronse de aquel lugar, y a obra de media legua se apartaban dos caminos diferentes, el uno que guiaba a la aldea de don Quijote, y el otro el que había de llevar don Álvaro. En este poco espacio le contó don Quijote la desgracia de su vencimiento y el encanto y el remedio de Dulcinea, que todo puso en nueva admiración a don Álvaro, el cual, abrazando a don Quijote y a Sancho, siguió su camino, y don Quijote el suyo, que aquella noche la pasó entre otros árboles, por dar lugar a Sancho de cumplir su penitencia, que la cumplió del mismo modo que la pasada noche, a costa de las cortezas de las hayas, harto más que de sus espaldas, que las guardó tanto, que no pudieran quitar los azotes una mosca, aunque la tuviera encima. | Le tantôt venu, ils partirent ensemble de leur gîte, et trouvèrent, à une demi-lieue environ, deux chemins qui s′écartaient, dont l′un menait au village de don Quichotte, tandis que l′autre était celui que devait prendre don Alvaro. Pendant cette courte promenade, don Quichotte lui avait conté la disgrâce de sa défaite, ainsi que l′enchantement de Dulcinée et le remède indiqué par Merlin. Tout cela jeta dans une nouvelle surprise don Alvaro, lequel, ayant embrassé cordialement don Quichotte et Sancho, prit sa route, et les laissa suivre la leur. Le chevalier passa cette nuit au milieu de quelques arbres, pour donner à Sancho l′occasion d′accomplir sa pénitence. Celui-ci l′accomplit en effet, et de la même manière que la nuit passée, aux dépens de l′écorce des hêtres beaucoup plus que de ses épaules, qu′il préserva si délicatement, que les coups de fouet n′auraient pu en faire envoler une mouche qui s′y fût posée. | No perdió el engañado don Quijote un solo golpe de la cuenta, y halló que con los de la noche pasada era tres mil y veinte y nueve. Parece que había madrugado el sol a ver el sacrificio, con cuya luz volvieron a proseguir su camino, tratando entre los dos del engaño de don Álvaro y de cuán bien acordado había sido tomar su declaración ante la justicia, y tan auténticamente. | Le dupé don Quichotte ne perdit pas un seul point du compte, et trouva que les coups montaient, avec ceux de la nuit précédente, à trois mille vingt-neuf. Il paraît que le soleil s′était levé de grand matin pour voir le sacrifice ; mais, dès que la lumière parut, maître et valet continuèrent leur chemin, s′entretenant ensemble de l′erreur d′où ils avaient tiré don Alvaro, et s′applaudissant d′avoir pris sa déclaration devant la justice sous une forme si authentique. | Aquel día y aquella noche caminaron sin sucederles cosa digna de contarse, si no fue que en ella acabó Sancho su tarea, de que quedó don Quijote contento sobremodo, y esperaba el día, por ver si en el camino topaba ya desencantada a Dulcinea su señora; y, siguiendo su camino, no topaba mujer ninguna que no iba a reconocer si era Dulcinea del Toboso, teniendo por infalible no poder mentir las promesas de Merlín. | Ce jour-là et la nuit suivante, ils cheminèrent sans qu′il leur arrivât rien qui mérite d′être raconté, si ce n′est pourtant que Sancho finit sa tâche ; ce qui remplit don Quichotte d′une joie si folle, qu′il attendait le jour pour voir s′il ne trouverait pas en chemin Dulcinée, sa dame, déjà désenchantée ; et, le long de la route, il ne rencontrait pas une femme qu′il n′allât bien vite reconnaître si ce n′était pas Dulcinée du Toboso ; car il tenait pour infaillibles les promesses de Merlin. | Con estos pensamientos y deseos subieron una cuesta arriba, desde la cual descubrieron su aldea, la cual, vista de Sancho, se hincó de rodillas y dijo. | Dans ces pensées et ces désirs, ils montèrent une colline du haut de laquelle ils découvrirent leur village. À cette vue, Sancho se mit à genoux et s′écria : | ÂAbre los ojos, deseada patria, y mira que vuelve a ti Sancho Panza, tu hijo, si no muy rico, muy bien azotado. Abre los brazos y recibe también tu hijo don Quijote, que si viene vencido de los brazos ajenos, viene vencedor de sí mismo; que, según él me ha dicho, es el mayor vencimiento que desearse puede. Dineros llevo, porque si buenos azotes me daban, bien caballero me iba. | « Ouvre les yeux, patrie désirée, et vois revenir à toi Sancho Panza, ton fils, sinon bien riche, au moins bien étrillé. Ouvre les bras, et reçois aussi ton fils don Quichotte, lequel, s′il revient vaincu par la main d′autrui, revient vainqueur de lui-même ; ce qui est, à ce qu′il m′a dit, la plus grande victoire qui se puisse remporter. Mais j′apporte de l′argent ; car, si l′on me donnait de bons coups de fouet, je me tenais d′aplomb sur ma monture. | ÂDéjate desas sandeces Âdijo don QuijoteÂ, y vamos con pie derecho a entrar en nuestro lugar, donde daremos vado a nuestras imaginaciones, y la traza que en la pastoral vida pensamos ejercitar. |  Laisse là ces sottises, dit don Quichotte, et préparons-nous à entrer du pied droit dans notre village, où nous lâcherons la bride à nos fantaisies pour tracer le plan de la vie pastorale que nous pensons mener. » | Con esto, bajaron de la cuesta y se fueron a su pueblo. | Cela dit, ils descendirent la colline, et gagnèrent le pays.
| II. Capítulo LXXIII . De los agüeros que tuvo don Quijote al entrar de su aldea, con otros sucesos que adornan y acreditan esta grande historia. | Chapitre LXXIII Des présages qui frappèrent don Quichotte à l′entrée de son village, ainsi que d′autres événements qui décorent et rehaussent cette grande histoire A la entrada del cual, según dice Cide Hamete, vio don Quijote que en las eras del lugar estaban riñendo dos mochachos, y el uno dijo al otro. | À l′entrée du pays, suivant ce que rapporte Cid Hamet, don Quichotte vit sur les aires deux petits garçons qui se querellaient ; et l′un d′eux dit à l′autre : « Tu as beau faire, Périquillo, tu ne la reverras plus ni de ta vie ni de tes jours. » Don Quichotte entendit ce propos. | ÂNo te canses Periquillo, que no la has de ver en todos los días de tu vida. | « Ami, dit-il à Sancho, | Oyólo don Quijote, y dijo a Sancho: | prends-tu garde à ce que dit ce petit garçon : | ¿No adviertes, amigo, lo que aquel mochacho ha dicho: ÂÂno la has de ver en todos los días de tu vida′′. | « Tu ne la reverras plus ni de ta vie ni de tes jours ? » | ÂPues bien, ¿qué importa Ârespondió Sancho que haya dicho eso el mochacho. |  Eh bien ! répondit Sancho, qu′importe que ce petit garçon ait dit cela ? | ¿Qué? Âreplicó don QuijoteÂ. ¿No vees tú que, aplicando aquella palabra a mi intención, quiere significar que no tengo de ver más a Dulcinea. |  Comment ! reprit don Quichotte, ne vois-tu pas qu′en appliquant cette parole à ma situation, elle signifie que je ne reverrai plus Dulcinée ? » | Queríale responder Sancho, cuando se lo estorbó ver que por aquella campaña venía huyendo una liebre, seguida de muchos galgos y cazadores, la cual, temerosa, se vino a recoger y a agazapar debajo de los pies del rucio. Cogióla Sancho a mano salva y presentósela a don Quijote, el cual estaba diciendo. | Sancho voulait répliquer, mais il en fut empêché par la vue d′un lièvre qui venait en fuyant à travers la campagne, poursuivi par une meute de lévriers. La pauvre bête, tout épouvantée, vint se réfugier et se blottir sous les pieds du grison. Sancho prit le lièvre à la main et le présenta à don Quichotte, qui ne cessait de répéter : | ÂMalum signum! Malum signum! Liebre huye, galgos la siguen: ¡Dulcinea no parece. | « Malum signum, malum signum. Un lièvre fuit, des lévriers le poursuivent ; c′en est fait, Dulcinée ne paraîtra plus. | ÂEstraño es vuesa merced Âdijo SanchoÂ. Presupongamos que esta liebre es Dulcinea del Toboso y estos galgos que la persiguen son los malandrines encantadores que la transformaron en labradora: ella huye, yo la cojo y la pongo en poder de vuesa merced, que la tiene en sus brazos y la regala: ¿qué mala señal es ésta, ni qué mal agüero se puede tomar de aquí. |  Vous êtes vraiment étrange, dit Sancho ; supposons que ce lièvre soit Dulcinée du Toboso, et ces lévriers qui le poursuivent les enchanteurs malandrins qui l′ont changée en paysanne ; elle fuit, je l′attrape, et la remets au pouvoir de Votre Grâce, qui la tient dans ses bras et la caresse à son aise. Quel mauvais signe est-ce là ? et quel mauvais présage peut-on tirer d′ici ? » | Los dos mochachos de la pendencia se llegaron a ver la liebre, y al uno dellos preguntó Sancho que por qué reñían. Y fuele respondido por el que había dicho ÂÂno la verás más en toda tu vida′′, que él había tomado al otro mochacho una jaula de grillos, la cual no pensaba volvérsela en toda su vida. Sacó Sancho cuatro cuartos de la faltriquera y dióselos al mochacho por la jaula, y púsosela en las manos a don Quijote, diciendo. | Les deux petits querelleurs s′approchèrent pour voir le lièvre, et Sancho leur demanda pourquoi ils se disputaient. Ils répondirent que celui qui avait dit : « Tu ne la reverras plus de ta vie » avait pris à l′autre une petite cage à grillons qu′il pensait bien ne jamais lui rendre. Sancho tira de sa poche une pièce de six blancs, et la donna au petit garçon pour sa cage, qu′il mit dans les mains de don Quichotte en disant : | ÂHe aquí, señor, rompidos y desbaratados estos agüeros, que no tienen que ver más con nuestros sucesos, según que yo imagino, aunque tonto, que con las nubes de antaño. Y si no me acuerdo mal, he oído decir al cura de nuestro pueblo que no es de personas cristianas ni discretas mirar en estas niñerías; y aun vuesa merced mismo me lo dijo los días pasados, dándome a entender que eran tontos todos aquellos cristianos que miraban en agüeros. Y no es menester hacer hincapié en esto, sino pasemos adelante y entremos en nuestra aldea. | « Allons, Seigneur, voilà ces mauvais présages rompus et détruits ; et ils n′ont pas plus de rapport avec nos affaires, à ce que j′imagine, tout sot que je suis, que les nuages de l′an passé. Si j′ai bonne mémoire, j′ai ouí¤ire au curé de notre village que ce n′est pas d′une personne chrétienne et éclairée de faire attention à ces enfantillages ; et Votre Grâce m′a dit la même chose ces jours passés, en me faisant comprendre que tous ces chrétiens qui regardent aux présages ne sont que des imbéciles. Il ne faut pas appuyer le pied là-dessus ; passons outre et entrons dans le pays. » | Llegaron los cazadores, pidieron su liebre, y diósela don Quijote; pasaron adelante, y, a la entrada del pueblo, toparon en un pradecillo rezando al cura y al bachiller Carrasco. Y es de saber que Sancho Panza había echado sobre el rucio y sobre el lío de las armas, para que sirviese de repostero, la túnica de bocací, pintada de llamas de fuego que le vistieron en el castillo del duque la noche que volvió en sí Altisidora. Acomodóle también la coroza en la cabeza, que fue la más nueva transformación y adorno con que se vio jamás jumento en el mundo. | Les chasseurs arrivèrent, demandèrent leur lièvre, que don Quichotte rendit ; puis le chevalier se remit en marche et rencontra, à l′entrée du village, le curé et le bachelier Carrasco, qui se promenaient dans un petit pré en récitant leur bréviaire. Or, il faut savoir que Sancho Panza avait jeté sur le grison, par-dessus le paquet des armes, et pour lui servir de caparaçon, la tunique en bouracan parsemée de flammes peintes dont on l′avait affublé dans le château du duc, la nuit où Altisidore ressuscita ; il avait aussi posé la mitre pointue sur la tête de l′âne, ce qui faisait la plus étrange métamorphose et le plus singulier accoutrement où jamais baudet se fût vu dans le monde. | Fueron luego conocidos los dos del cura y del bachiller, que se vinieron a ellos con los brazos abiertos. Apeóse don Quijote y abrazólos estrechamente; y los mochachos, que son linces no escusados, divisaron la coroza del jumento y acudieron a verle, y decían unos a otros. | Les deux aventuriers furent aussitôt reconnus par le curé et le bachelier, qui accoururent à eux les bras ouverts. Don Quichotte mit pied à terre, et embrassa étroitement ses deux amis. Les polissons du village, qui sont des lynx dont on ne peut se débarrasser, aperçurent de loin la mitre du grison, et, accourant le voir, ils se disaient les uns aux autres : | ÂVenid, mochachos, y veréis el asno de Sancho Panza más galán que Mingo, y la bestia de don Quijote más flaca hoy que el primer día. | « Holà ! enfants, holà ! hé ! venez voir l′âne de Sancho Panza, plus galant que Mingo Revulgo< , et la bête de don Quichotte, plus maigre aujourd′hui que le premier jour ! » | Finalmente, rodeados de mochachos y acompañados del cura y del bachiller, entraron en el pueblo, y se fueron a casa de don Quijote, y hallaron a la puerta della al ama y a su sobrina, a quien ya habían llegado las nuevas de su venida. Ni más ni menos se las habían dado a Teresa Panza, mujer de Sancho, la cual, desgreñada y medio desnuda, trayendo de la mano a Sanchica, su hija, acudió a ver a su marido; y, viéndole no tan bien adeliñado como ella se pensaba que había de estar un gobernador, le dijo. | Finalement, entourés de ces polissons et accompagnés du curé et de Carrasco, ils entrèrent dans le pays et furent tout droit à la maison de don Quichotte, où ils trouvèrent sur la porte la gouvernante et la nièce, auxquelles était parvenue déjà la nouvelle de leur arrivée. On avait, ni plus ni moins, donné la même nouvelle à Thérèse Panza, femme de Sancho, laquelle, échevelée et demi-nue, traînant par la main Sanchica sa fille, accourut au-devant de son mari. Mais, ne le voyant point paré et attifé comme elle pensait que devait être un gouverneur, elle s′écria : | ¿Cómo venís así, marido mío, que me parece que venís a pie y despeado, y más traéis semejanza de desgobernado que de gobernador. | « Eh ! mari, comme vous voilà fait ! il me semble que vous venez à pied, comme un chien, et les pattes enflées. Vous avez plutôt la mine d′un mauvais sujet que d′un gouverneur. | ÂCalla, Teresa Ârespondió SanchoÂ, que muchas veces donde hay estacas no hay tocinos, y vámonos a nuestra casa, que allá oirás maravillas. Dineros traigo, que es lo que importa, ganados por mi industria y sin daño de nadie. |  Tais-toi, Thérèse, répondit Sancho. Bien souvent, où il y a des crochets, il n′y a pas de lard pendu. Allons à la maison ; là tu entendras des merveilles. J′apporte de l′argent, ce qui est l′essentiel, gagné par mon industrie, et sans préjudice d′autrui. | ÂTraed vos dinero, mi buen marido Âdijo TeresaÂ, y sean ganados por aquí o por allí, que, comoquiera que los hayáis ganado, no habréis hecho usanza nueva en el mundo. |  Apportez de l′argent, mon bon mari, repartit Thérèse, qu′il soit gagné par-ci ou par-là ; et, de quelque manière qu′il vous vienne, vous n′aurez pas fait mode nouvelle en ce monde. » | Abrazó Sanchica a su padre, y preguntóle si traía algo, que le estaba esperando como el agua de mayo; y, asiéndole de un lado del cinto, y su mujer de la mano, tirando su hija al rucio, se fueron a su casa, dejando a don Quijote en la suya, en poder de su sobrina y de su ama, y en compañía del cura y del bachiller. | Sanchica sauta au cou de son père et lui demanda s′il apportait quelque chose ; car elle l′attendait, dit-elle, comme la pluie du mois de mai. Puis, le prenant d′un côté par sa ceinture de cuir, tandis que de l′autre sa femme le tenait sous le bras, et tirant l′âne par le licou, ils s′en allèrent tous trois à la maison, laissant don Quichotte dans la sienne, au pouvoir de sa gouvernante et de sa nièce, et en compagnie du curé et du bachelier. | Don Quijote, sin guardar términos ni horas, en aquel mismo punto se apartó a solas con el bachiller y el cura, y en breves razones les contó su vencimiento, y la obligación en que había quedado de no salir de su aldea en un año, la cual pensaba guardar al pie de la letra, sin traspasarla en un átomo, bien así como caballero andante, obligado por la puntualidad y orden de la andante caballería, y que tenía pensado de hacerse aquel año pastor, y entretenerse en la soledad de los campos, donde a rienda suelta podía dar vado a sus amorosos pensamientos, ejercitándose en el pastoral y virtuoso ejercicio; y que les suplicaba, si no tenían mucho que hacer y no estaban impedidos en negocios más importantes, quisiesen ser sus compañeros; que él compraría ovejas y ganado suficiente que les diese nombre de pastores; y que les hacía saber que lo más principal de aquel negocio estaba hecho, porque les tenía puestos los nombres, que les vendrían como de molde. Díjole el cura que los dijese. Respondió don Quijote que él se había de llamar el pastor Quijotiz; y el bachiller, el pastor Carrascón; y el cura, el pastor Curambro; y Sancho Panza, el pastor Pancino. | Don Quichotte, sans attendre ni délai ni occasion, s′enferma sur-le-champ en tête-à-tête avec ses deux amis ; puis il leur conta succinctement sa défaite, et l′engagement qu′il avait pris de ne pas quitter son village d′une année, engagement qu′il pensait bien remplir au pied de la lettre, sans y déroger d′un atome, comme chevalier errant, obligé par les règles ponctuelles de la chevalerie errante. Il ajouta qu′il avait pensé à se faire berger pendant cette année, et à se distraire dans la solitude des champs, où il pourrait donner carrière et lâcher la bride à ses amoureuses pensées, tout en exerçant la vertueuse profession pastorale. Enfin, il les supplia, s′ils n′avaient pas beaucoup à faire, et si de plus graves occupations ne les en empêchaient, de vouloir bien être ses compagnons. « J′achèterai, dit-il, un troupeau de brebis bien suffisant pour qu′on nous donne le nom de bergers ; et je dois vous apprendre que le principal de l′affaire est déjà fait, car je vous ai trouvé des noms qui vous iront comme faits au moule.  Quels sont-ils ? demanda le curé.  Moi, reprit don Quichotte, je m′appellerai le pasteur Quichotiz ; vous, seigneur bachelier, le pasteur Carrascon ; vous, seigneur curé, le pasteur Curiambro ; et Sancho Panza, le pasteur Panzino. » | Pasmáronse todos de ver la nueva locura de don Quijote; pero, porque no se les fuese otra vez del pueblo a sus caballerías, esperando que en aquel año podría ser curado, concedieron con su nueva intención, y aprobaron por discreta su locura, ofreciéndosele por compañeros en su ejercicio. | Les deux amis tombèrent de leur haut en voyant la nouvelle folie de don Quichotte ; mais, dans la crainte qu′il ne se sauvât une autre fois du pays pour retourner à ses expéditions de chevalerie, espérant d′ailleurs qu′on pourrait le guérir dans le cours de cette année, ils souscrivirent à son nouveau projet, approuvèrent sa folle pensée comme très-raisonnable, et s′offrirent pour compagnons de ses exercices champêtres. | ÂY más Âdijo Sansón CarrascoÂ, que, como ya todo el mundo sabe, yo soy celebérrimo poeta y a cada paso compondré versos pastoriles, o cortesanos, o como más me viniere a cuento, para que nos entretengamos por esos andurriales donde habemos de andar; y lo que más es menester, señores míos, es que cada uno escoja el nombre de la pastora que piensa celebrar en sus versos, y que no dejemos árbol, por duro que sea, donde no la retule y grabe su nombre, como es uso y costumbre de los enamorados pastores. | « Il y a plus, ajouta Samson Carrasco ; étant, comme le sait déjà le monde entier, très-célèbre poëte, je composerai à chaque pas des vers pastoraux, ou héroî°µes, ou comme la fantaisie m′en prendra, afin de passer le temps dans ces solitudes inhabitées, par lesquelles nous allons errer. Ce qui est le plus nécessaire, mes chers seigneurs, c′est que chacun choisisse le nom de la bergère qu′il pense célébrer dans ses poésies, et que nous ne laissions pas un arbre, si dur qu′il soit, sans y graver et couronner son nom, suivant l′usage immémorial des bergers amoureux. | ÂEso está de molde Ârespondió don QuijoteÂ, puesto que yo estoy libre de buscar nombre de pastora fingida, pues está ahí la sin par Dulcinea del Toboso, gloria de estas riberas, adorno de estos prados, sustento de la hermosura, nata de los donaires, y, finalmente, sujeto sobre quien puede asentar bien toda alabanza, por hipérbole que sea. |  Voilà qui est à merveille ! répondit don Quichotte. Pour moi, je n′ai pas besoin de chercher le nom de quelque feinte bergère ; car voici la sans pareille Dulcinée du Toboso, gloire de ces rives, parure de ces prairies, orgueil de la beauté, fleur des grâces de l′esprit, et, finalement, personne accomplie, sur qui peut bien reposer toute louange, fût-elle hyperbole. | ÂAsí es verdad Âdijo el curaÂ, pero nosotros buscaremos por ahí pastoras mañeruelas, que si no nos cuadraren, nos esquinen. |  Cela est vrai, dit le curé. Mais nous autres, nous chercherons par ici quelques petites bergerettes avenantes, qui nous aillent à la main, si ce n′est à l′âme. | A lo que añadió Sansón Carrasco. |  Et si elles viennent à manquer, ajouta Samson Carrasco, | ÂY cuando faltaren, darémosles los nombres de las estampadas e impresas, de quien está lleno el mundo: Fílidas, Amarilis, Dianas, Fléridas, Galateas y Belisardas; que, pues las venden en las plazas, bien las podemos comprar nosotros y tenerlas por nuestras. Si mi dama, o, por mejor decir, mi pastora, por ventura se llamare Ana, la celebraré debajo del nombre de Anarda; y si Francisca, la llamaré yo Francenia; y si Lucía, Lucinda, que todo se sale allá; y Sancho Panza, si es que ha de entrar en esta cofadría, podrá celebrar a su mujer Teresa Panza con nombre de Teresaina. | nous leur donnerons les noms de ces bergères imprimées et gravées dont tout l′univers est rempli, les Philis, Amaryllis, Dianes, Fléridas, Galatées, Bélisardes. Puisqu′on les vend au marché, nous pouvons bien les acheter aussi, et en faire les nôtres. Si ma dame, ou, pour mieux dire, ma bergère, s′appelle Anne, par hasard, je la chanterai sous le nom d′Anarda ; si elle se nomme Françoise, je l′appellerai Francénia ; Lucie, Lucinde, et ainsi du reste. Tout s′arrange de cette façon-là. Et Sancho Panza lui-même, s′il vient à entrer dans cette confrérie, pourra célébrer sa femme Thérèse sous le nom de Térésaî¡ . » | Rióse don Quijote de la aplicación del nombre, y el cura le alabó infinito su honesta y honrada resolución, y se ofreció de nuevo a hacerle compañía todo el tiempo que le vacase de atender a sus forzosas obligaciones. Con esto, se despidieron dél, y le rogaron y aconsejaron tuviese cuenta con su salud, con regalarse lo que fuese bueno. | Don Quichotte se mit à rire de l′application de ce nom ; et le curé, l′ayant comblé d′éloges pour l′honorable résolution qu′il avait prise, s′offrit de nouveau à lui faire compagnie tout le temps que lui laisseraient ses devoirs essentiels. Cela fait, les deux amis prirent congé du chevalier, en l′engageant et le priant de prendre bien soin de sa santé, sans rien ménager de ce qui lui fût bon. | Quiso la suerte que su sobrina y el ama oyeron la plática de los tres; y, así como se fueron, se entraron entrambas con don Quijote, y la sobrina le dijo. | Le sort voulut que la nièce et la gouvernante entendissent toute la conversation, et, dès que don Quichotte fut seul, elles entrèrent toutes deux auprès de lui. | ¿Qué es esto, señor tío? ¿Ahora que pensábamos nosotras que vuestra merced volvía a reducirse en su casa, y pasar en ella una vida quieta y honrada, se quiere meter en nuevos laberintos, haciéndose | « Qu′est-ce que ceci, seigneur oncle ? dit la nièce, quand nous pensions, la gouvernante et moi, que Votre Grâce venait se retirer dans sa maison pour y passer une vie tranquille et honnête, voilà que vous voulez vous fourrer dans de nouveaux labyrinthes, et vous faire pastoureau, toi qui t′en viens, | Pastorcillo, tú que vienes, pastorcico, tú que vas. | Pastoureau, toi qui t′en vas ! pastoureau, toi qui t′en vas ! | Pues en verdad que está ya duro el alcacel para zampoñas. | En vérité la paille d′orge est trop dure pour en faire des chalumeaux. » | A lo que añadió el ama: | La gouvernante s′empressa d′ajouter : | Y ¿podrá vuestra merced pasar en el campo las siestas del verano, los serenos del invierno, el aullido de los lobos? No, por cierto, que éste es ejercicio y oficio de hombres robustos, curtidos y criados para tal ministerio casi desde las fajas y mantillas. Aun, mal por mal, mejor es ser caballero andante que pastor. Mire, señor, tome mi consejo, que no se le doy sobre estar harta de pan y vino, sino en ayunas, y sobre cincuenta años que tengo de edad: estése en su casa, atienda a su hacienda, confiese a menudo, favorezca a los pobres, y sobre mi ánima si mal le fuere. | « Et comment Votre Grâce pourra-t-elle passer dans les champs les siestes d′été et les nuits d′hiver, et entendre le hurlement des loups ? Par ma foi, c′est un métier d′hommes robustes, endurcis, élevés à ce travail dès les langes et le maillot. Mal pour mal, il vaut encore mieux être chevalier errant que berger. Tenez, seigneur, prenez mon conseil ; je ne le donne pas repue de pain et de vin, mais à jeun, et avec les cinquante ans d′âge que j′ai sur la tête ; restez chez vous, réglez vos affaires, confessez-vous chaque semaine, faites l′aumône aux pauvres, et, sur mon âme, s′il vous en arrive malÂ
| ÂCallad, hijas Âles respondió don QuijoteÂ, que yo sé bien lo que me cumple. Llevadme al lecho, que me parece que no estoy muy bueno, y tened por cierto que, ahora sea caballero andante o pastor por andar, no dejaré siempre de acudir a lo que hubiéredes menester, como lo veréis por la obra. |  C′est bon, c′est bon, mes filles, leur répondit don Quichotte ; je sais fort bien ce que j′ai à faire. Menez-moi au lit, car il me semble que je ne suis pas très-bien portant ; et soyez certaines que, soit chevalier, soit berger errant, je ne cesserai pas de veiller à ce que rien ne vous manque, ainsi que vous le verrez à l′œuvre. » | Y las buenas hijas Âque lo eran sin duda ama y sobrina le llevaron a la cama, donde le dieron de comer y regalaron lo posible. | Et les deux bonnes filles, nièce et gouvernante, le conduisirent à son lit, où elles lui donnèrent à manger et le choyèrent de leur mieux.
| II. Capítulo LXXIV. De cómo don Quijote cayó malo, y del testamento que hizo, y su muerte. | Chapitre LXXIV Comment don Quichotte tomba malade, du testament qu′il fit, et de sa mort Como las cosas humanas no sean eternas, yendo siempre en declinación de sus principios hasta llegar a su último fin, especialmente las vidas de los hombres, y como la de don Quijote no tuviese privilegio del cielo para detener el curso de la suya, llegó su fin y acabamiento cuando él menos lo pensaba; porque, o ya fuese de la melancolía que le causaba el verse vencido, o ya por la disposición del cielo, que así lo ordenaba, se le arraigó una calentura que le tuvo seis días en la cama, en los cuales fue visitado muchas veces del cura, del bachiller y del barbero, sus amigos, sin quitársele de la cabecera Sancho Panza, su buen escudero. | Comme les choses humaines ne sont point éternelles, qu′elles vont toujours en déclinant de leur origine à leur fin dernière, spécialement les vies des hommes, et comme don Quichotte n′avait reçu du ciel aucun privilège pour arrêter le cours de la sienne, sa fin et son trépas arrivèrent quand il y pensait le moins. Soit par la mélancolie que lui causait le sentiment de sa défaite, soit par la disposition du ciel qui en ordonnait ainsi, il fut pris d′une fièvre obstinée, qui le retint au lit six jours entiers, pendant lesquels il fut visité mainte et mainte fois par le curé, le bachelier, le barbier, ses amis, ayant toujours à son chevet Sancho Panza, son fidèle écuyer. | Éstos, creyendo que la pesadumbre de verse vencido y de no ver cumplido su deseo en la libertad y desencanto de Dulcinea le tenía de aquella suerte, por todas las vías posibles procuraban alegrarle, diciéndole el bachiller que se animase y levantase, para comenzar su pastoral ejercicio, para el cual tenía ya compuesta una écloga, que mal año para cuantas Sanazaro había compuesto, y que ya tenía comprados de su propio dinero dos famosos perros para guardar el ganado: el uno llamado Barcino, y el otro Butrón, que se los había vendido un ganadero del Quintanar. Pero no por esto dejaba don Quijote sus tristezas. | Ceux-ci, croyant que le regret d′avoir été vaincu et le chagrin de ne pas voir accomplir ses souhaits pour la délivrance et le désenchantement de Dulcinée le tenaient en cet état, essayaient de l′égayer par tous les moyens possibles. « Allons, lui disait le bachelier, prenez courage, et levez-vous pour commencer la profession pastorale. J′ai déjà composé une églogue qui fera pâlir toutes celles de Sannazar ; et j′ai acheté de mon propre argent, près d′un berger de Quintanar, deux fameux dogues pour garder le troupeau, l′un appelé Barcino , l′autre Butron. » Avec tout cela, don Quichotte n′en restait pas moins plongé dans la tristesse. | Llamaron sus amigos al médico, tomóle el pulso, y no le contentó mucho, y dijo que, por sí o por no, atendiese a la salud de su alma, porque la del cuerpo corría peligro. Oyólo don Quijote con ánimo sosegado, pero no lo oyeron así su ama, su sobrina y su escudero, los cuales comenzaron a llorar tiernamente, como si ya le tuvieran muerto delante. Fue el parecer del médico que melancolías y desabrimientos le acababan. Rogó don Quijote que le dejasen solo, porque quería dormir un poco. Hiciéronlo así y durmió de un tirón, como dicen, más de seis horas; tanto, que pensaron el ama y la sobrina que se había de quedar en el sueño. Despertó al cabo del tiempo dicho, y, dando una gran voz, dijo. | Ses amis appelèrent le médecin, qui lui tâta le pouls, n′en fut pas fort satisfait, et dit : « De toute façon, il faut penser au salut de l′âme, car celui du corps est en danger. » Don Quichotte entendit cet arrêt d′un esprit calme et résigné. Mais il n′en fut pas de même de sa gouvernante, de sa nièce et de son écuyer, lesquels se prirent à pleurer amèrement, comme s′ils eussent déjà son cadavre devant les yeux. L′avis du médecin fut que des sujets cachés de tristesse et d′affliction le conduisaient au trépas. Don Quichotte demanda qu′on le laissât seul, voulant dormir un peu. Tout le monde s′éloigna, et il dormit, comme on dit, tout d′une haleine, plus de six heures durant, tellement que la nièce et la gouvernante crurent qu′il passerait dans ce sommeil. Il s′éveilla au bout de ce temps, et poussant un grand cri, il s′écria : | ¡Bendito sea el poderoso Dios, que tanto bien me ha hecho! En fin, sus misericordias no tienen límite, ni las abrevian ni impiden los pecados de los hombres. | « Béni soit Dieu tout-puissant, à qui je dois un si grand bienfait ! Enfin, sa miséricorde est infinie ; elle n′est ni repoussée ni diminuée par les péchés des hommes. » | Estuvo atenta la sobrina a las razones del tío, y pareciéronle más concertadas que él solía decirlas, a lo menos, en aquella enfermedad, y preguntóle. | La nièce avait écouté attentivement les propos de son oncle, qui lui parurent plus raisonnables que ceux qu′il avait coutume de tenir, au moins depuis sa maladie. | ¿Qué es lo que vuestra merced dice, señor? ¿Tenemos algo de nuevo? ¿Qué misericordias son éstas, o qué pecados de los hombres. | « Qu′est-ce que dit Votre Grâce, seigneur ? lui demanda-t-elle. Avons-nous quelque chose de nouveau ? Quels sont ces miséricordes et ces péchés des hommes dont vous parlez ? | ÂLas misericordias Ârespondió don QuijoteÂ, sobrina, son las que en este instante ha usado Dios conmigo, a quien, como dije, no las impiden mis pecados. Yo tengo juicio ya, libre y claro, sin las sombras caliginosas de la ignorancia, que sobre él me pusieron mi amarga y continua leyenda de los detestables libros de las caballerías. Ya conozco sus disparates y sus embelecos, y no me pesa sino que este desengaño ha llegado tan tarde, que no me deja tiempo para hacer alguna recompensa, leyendo otros que sean luz del alma. Yo me siento, sobrina, a punto de muerte; querría hacerla de tal modo, que diese a entender que no había sido mi vida tan mala que dejase renombre de loco, que, puesto que lo he sido, no querría confirmar esta verdad en mi muerte. Llámame, amiga, a mis buenos amigos: el cura, al bachiller Sansón Carrasco y a maese Nicolás, el barbero, que quiero confesarme y hacer mi testamento. |  Ces miséricordes, ô ma nièce, répondit don Quichotte, sont celles dont Dieu vient à l′instant même de me combler, Dieu, comme je l′ai dit, que n′ont point retenu mes péchés. J′ai la raison libre et claire, dégagée des ombres épaisses de l′ignorance dont l′avait enveloppée l′insipide et continuelle lecture des exécrables livres de chevalerie. Je reconnais maintenant leurs extravagances et leurs séductions trompeuses. Tout ce que je regrette, c′est d′être désabusé si tard qu′il ne me reste plus le temps de prendre ma revanche, en lisant d′autres livres qui soient la lumière de l′âme. Je me sens, ô ma nièce, à l′article de la mort, et je voudrais mourir de telle sorte qu′on en conclût que ma vie n′a pas été si mauvaise que je dusse laisser la réputation de fou. Je le fus, il est vrai ; mais je ne voudrais pas donner par ma mort la preuve de cette vérité. Appelle, ma chère amie, appelle mes bons amis le curé, le bachelier Samson Carrasco, et maître Nicolas le barbier ; je veux me confesser et faire mon testament. » | Pero de este trabajo se escusó la sobrina con la entrada de los tres. Apenas los vio don Quijote, cuando dijo. | La nièce n′eut pas à prendre cette peine, car ils entrèrent tous trois à point nommé. À peine don Quichotte les eut-il aperçus qu′il continua : | ÂDadme albricias, buenos señores, de que ya yo no soy don Quijote de la Mancha, sino Alonso Quijano, a quien mis costumbres me dieron renombre de Bueno. Ya soy enemigo de Amadís de Gaula y de toda la infinita caterva de su linaje, ya me son odiosas todas las historias profanas del andante caballería, ya conozco mi necedad y el peligro en que me pusieron haberlas leído, ya, por misericordia de Dios, escarmentando en cabeza propia, las abomino. | « Félicitez-moi, mes bons seigneurs, de ce que je ne suis plus don Quichotte de la Manche, mais Alonzo Quijano, que des mœurs simples et régulières ont fait surnommer le Bon. Je suis à présent ennemi d′Amadis de Gaule et de la multitude infinie des gens de son lignage ; j′ai pris en haine toutes les histoires profanes de la chevalerie errante ; je reconnais ma sottise, et le péril où m′a jeté leur lecture ; enfin, par la miséricorde de Dieu, achetant l′expérience à mes dépens, je les déteste et les abhorre. » | Cuando esto le oyeron decir los tres, creyeron, sin duda, que alguna nueva locura le había tomado. Y Sansón le dijo. | Quand les trois amis l′entendirent ainsi parler, ils s′imaginèrent qu′une nouvelle folie venait de lui entrer dans la cervelle. | ¿Ahora, señor don Quijote, que tenemos nueva que está desencantada la señora Dulcinea, sale vuestra merced con eso? Y ¿agora que estamos tan a pique de ser pastores, para pasar cantando la vida, como unos príncipes, quiere vuesa merced hacerse ermitaño? Calle, por su vida, vuelva en sí, y déjese de cuentos. | « Comment, seigneur don Quichotte, lui dit Samson, maintenant que nous savons de bonne source que madame Dulcinée est désenchantée, vous venez entonner cette antienne ! et quand nous sommes si près de nous faire bergers, pour passer en chantant la vie comme des princes, vous prenez fantaisie de vous faire ermite ! Taisez-vous, au nom du ciel ; revenez à vous-même, et laissez là ces billevesées. | ÂLos de hasta aquí Âreplicó don QuijoteÂ, que han sido verdaderos en mi daño, los ha de volver mi muerte, con ayuda del cielo, en mi provecho. Yo, señores, siento que me voy muriendo a toda priesa; déjense burlas aparte, y traíganme un confesor que me confiese y un escribano que haga mi testamento, que en tales trances como éste no se ha de burlar el hombre con el alma; y así, suplico que, en tanto que el señor cura me confiesa, vayan por el escribano. |  Celles qui m′ont occupé jusqu′à présent, répliqua don Quichotte, n′ont été que trop réelles à mon préjudice ; puisse ma mort, à l′aide du ciel, les tourner à mon profit ! Je sens bien, seigneurs, que je vais à grands pas vers mon heure dernière. Il n′est plus temps de rire. Qu′on m′amène un prêtre pour me confesser, et un notaire pour recevoir mon testament. Ce n′est pas dans une extrémité comme celle-ci que l′homme doit se jouer avec son âme. Aussi je vous supplie, pendant que monsieur le curé me confessera, d′envoyer chercher le notaire. » | Miráronse unos a otros, admirados de las razones de don Quijote, y, aunque en duda, le quisieron creer; y una de las señales por donde conjeturaron se moría fue el haber vuelto con tanta facilidad de loco a cuerdo, porque a las ya dichas razones añadió otras muchas tan bien dichas, tan cristianas y con tanto concierto, que del todo les vino a quitar la duda, y a creer que estaba cuerdo. | Ils se regardèrent tous les uns les autres, étonnés des propos de don Quichotte ; mais, quoique indécis, ils aimèrent mieux le croire. Et même un des signes auxquels ils conjecturèrent que le malade se mourait, ce fut qu′il était revenu si facilement de la folie à la raison. En effet, aux propos qu′il venait de tenir, il en ajouta beaucoup d′autres, si bien dits, si raisonnables et si chrétiens, que, leur dernier doute s′effaçant, ils vinrent à croire qu′il avait recouvré son bon sens. | Hizo salir la gente el cura, y quedóse solo con él, y confesóle. | Le curé fit retirer tout le monde, et resta seul avec don Quichotte, qu′il confessa. | El bachiller fue por el escribano, y de allí a poco volvió con él y con Sancho Panza; el cual Sancho, que ya sabía por nuevas del bachiller en qué estado estaba su señor, hallando a la ama y a la sobrina llorosas, comenzó a hacer pucheros y a derramar lágrimas. Acabóse la confesión, y salió el cura, diciendo: | En même temps, le bachelier alla chercher le notaire et le ramena bientôt, ainsi que Sancho Panza. Ce pauvre Sancho, qui savait déjà par le bachelier en quelle triste situation était son seigneur, trouvant la gouvernante et la nièce tout éplorées, commença à pousser des sanglots et à verser des larmes. La confession terminée, le curé sortit en disant : | ÂVerdaderamente se muere, y verdaderamente está cuerdo Alonso Quijano el Bueno; bien podemos entrar para que haga su testamento. | « Véritablement, Alonzo Quijano le Bon est guéri de sa folie ; nous pouvons entrer pour qu′il fasse son testament. » | Estas nuevas dieron un terrible empujón a los ojos preñados de ama, sobrina y de Sancho Panza, su buen escudero, de tal manera, que los hizo reventar las lágrimas de los ojos y mil profundos suspiros del pecho; porque, verdaderamente, como alguna vez se ha dicho, en tanto que don Quijote fue Alonso Quijano el Bueno, a secas, y en tanto que fue don Quijote de la Mancha, fue siempre de apacible condición y de agradable trato, y por esto no sólo era bien querido de los de su casa, sino de todos cuantos le conocían. | Ces nouvelles donnèrent une terrible atteinte aux yeux gros de larmes de la gouvernante, de la nièce et du bon écuyer Sancho Panza ; tellement qu′elles leur firent jaillir les pleurs des paupières, et mille profonds soupirs de la poitrine ; car véritablement, comme on l′a dit quelquefois, tant que don Quichotte fut Alonzo Quijano le Bon, tout court, et tant qu′il fut don Quichotte de la Manche, il eut toujours l′humeur douce et le commerce agréable, de façon qu′il n′était pas seulement chéri des gens de sa maison, mais de tous ceux qui le connaissaient. | Entró el escribano con los demás, y, después de haber hecho la cabeza del testamento y ordenado su alma don Quijote, con todas aquellas circunstancias cristianas que se requieren, llegando a las mandas, dijo. | Le notaire entra avec les autres, et fit l′intitulé du testament. Puis, lorsque don Quichotte eut réglé les affaires de son âme, avec toutes les circonstances chrétiennes requises en pareil cas, arrivant aux legs, il dicta ce qui suit : | ÂÍtem, es mi voluntad que de ciertos dineros que Sancho Panza, a quien en mi locura hice mi escudero, tiene, que, porque ha habido entre él y mí ciertas cuentas, y dares y tomares, quiero que no se le haga cargo dellos, ni se le pida cuenta alguna, sino que si sobrare alguno, después de haberse pagado de lo que le debo, el restante sea suyo, que será bien poco, y buen provecho le haga; y, si como estando yo loco fui parte para darle el gobierno de la ínsula, pudiera agora, estando cuerdo, darle el de un reino, se le diera, porque la sencillez de su condición y fidelidad de su trato lo merece. | « Item, ma volonté est qu′ayant eu avec Sancho Panza, qu′en ma folie je fis mon écuyer, certains comptes et certain débat d′entrée et de sortie, on ne lui réclame rien de certaine somme d′argent qu′il a gardée, et qu′on ne lui en demande aucun compte. S′il reste quelque chose, quand il sera payé de ce que je lui dois, que le restant, qui ne peut être bien considérable, lui appartienne, et grand bien lui fasse. Si, de même qu′étant fou j′obtins pour lui le gouvernement de l′île, je pouvais, maintenant que je suis sensé, lui donner celui d′un royaume, je le lui donnerais, parce que la naîµ¥té de son caractère et la fidélité de sa conduite méritent cette récompense. » | Y, volviéndose a Sancho, le dijo. | Se tournant alors vers Sancho, il ajouta : | ÂPerdóname, amigo, de la ocasión que te he dado de parecer loco como yo, haciéndote caer en el error en que yo he caído, de que hubo y hay caballeros andantes en el mundo. | « Pardonne-moi, ami, l′occasion que je t′ai donnée de paraître aussi fou que moi, en te faisant tomber dans l′erreur où j′étais moi-même, à savoir qu′il y eut et qu′il y a des chevaliers errants en ce monde. | ¡Ay! Ârespondió Sancho, llorandoÂ: no se muera vuestra merced, señor mío, sino tome mi consejo y viva muchos años, porque la mayor locura que puede hacer un hombre en esta vida es dejarse morir, sin más ni más, sin que nadie le mate, ni otras manos le acaben que las de la melancolía. Mire no sea perezoso, sino levántese desa cama, y vámonos al campo vestidos de pastores, como tenemos concertado: quizá tras de alguna mata hallaremos a la señora doña Dulcinea desencantada, que no haya más que ver. Si es que se muere de pesar de verse vencido, écheme a mí la culpa, diciendo que por haber yo cinchado mal a Rocinante le derribaron; cuanto más, que vuestra merced habrá visto en sus libros de caballerías ser cosa ordinaria derribarse unos caballeros a otros, y el que es vencido hoy ser vencedor mañana. |  Hélas ! hélas ! répondit Sancho en sanglotant, ne mourez pas, mon bon seigneur, mais suivez mon conseil, et vivez encore bien des années ; car la plus grande folie que puisse faire un homme en cette vie, c′est de se laisser mourir tout bonnement sans que personne le tue, ni sous d′autres coups que ceux de la tristesse. Allons, ne faites point le paresseux, levez-vous de ce lit, et gagnons les champs, vêtus en bergers, comme nous en sommes convenus ; peut-être derrière quelque buisson trouverons-nous madame Dulcinée désenchantée à nous ravir de joie. Si, par hasard, Votre Grâce se meurt du chagrin d′avoir été vaincue, jetez-en la faute sur moi, et dites que c′est parce que j′avais mal sanglé Rossinante qu′on vous a culbuté. D′ailleurs, Votre Grâce aura vu dans ses livres de chevalerie que c′est une chose ordinaire aux chevaliers de se culbuter les uns les autres, et que celui qui est vaincu aujourd′hui sera vainqueur demain. | ÂAsí es Âdijo SansónÂ, y el buen Sancho Panza está muy en la verdad destos casos. |  Rien de plus certain, dit Samson, et le bon Sancho Panza est tout à fait dans la vérité de ces sortes d′histoires. | ÂSeñores Âdijo don QuijoteÂ, vámonos poco a poco, pues ya en los nidos de antaño no hay pájaros hogaño: yo fui loco, y ya soy cuerdo; fui don Quijote de la Mancha, y soy agora, como he dicho, Alonso Quijano el Bueno. Pueda con vuestras mercedes mi arrepentimiento y mi verdad volverme a la estimación que de mí se tenía, y prosiga adelante el señor escribano. |  Seigneurs, reprit don Quichotte, n′allons pas si vite, car dans les nids de l′an dernier il n′y a pas d′oiseaux cette année. J′ai été fou, et je suis raisonnable ; j′ai été don Quichotte de la Manche, et je suis à présent Alonzo Quijano le Bon. Puissent mon repentir et ma sincérité me rendre l′estime que Vos Grâces avaient pour moi ! et que le seigneur notaire continueÂ
| » Ítem, mando toda mi hacienda, a puerta cerrada, a Antonia Quijana, mi sobrina, que está presente, habiendo sacado primero de lo más bien parado della lo que fuere menester para cumplir las mandas que dejo hechas; y la primera satisfación que se haga quiero que sea pagar el salario que debo del tiempo que mi ama me ha servido, y más veinte ducados para un vestido. Dejo por mis albaceas al señor cura y al señor bachiller Sansón Carrasco, que están presentes. | Item, je lègue tous mes biens meubles et immeubles à Antonia Quijano, ma nièce, ici présente, après qu′on aura prélevé d′abord sur le plus clair ce qu′il faudra pour le service et pour l′exécution des legs que je laisse à remplir ; et la première satisfaction que j′exige, c′est qu′on paye les gages que je dois à ma gouvernante pour tout le temps qu′elle m′a servi, et, de plus, vingt ducats pour un habillement. Je nomme pour mes exécuteurs testamentaires le seigneur curé et le seigneur bachelier Samson Carrasco, ici présentsÂ
| » Ítem, es mi voluntad que si Antonia Quijana, mi sobrina, quisiere casarse, se case con hombre de quien primero se haya hecho información que no sabe qué cosas sean libros de caballerías; y, en caso que se averiguare que lo sabe, y, con todo eso, mi sobrina quisiere casarse con él, y se casare, pierda todo lo que le he mandado, lo cual puedan mis albaceas distribuir en obras pías a su voluntad. | Item, ma volonté est que, si Antonia Quijano, ma nièce, veut se marier, elle se marie avec un homme duquel on aura prouvé d′abord, par enquête judiciaire, qu′il ne sait pas seulement ce que c′est que les livres de chevalerie. Dans le cas où l′on vérifierait qu′il le sait, et où cependant ma nièce persisterait à l′épouser, je veux qu′elle perde tout ce que je lui lègue ; mes exécuteurs testamentaires pourront l′employer en livres pies, à leur volontéÂ
| » Ítem, suplico a los dichos señores mis albaceas que si la buena suerte les trujere a conocer al autor que dicen que compuso una historia que anda por ahí con el título de Segunda parte de las hazañas de don Quijote de la Mancha, de mi parte le pidan, cuan encarecidamente ser pueda, perdone la ocasión que sin yo pensarlo le di de haber escrito tantos y tan grandes disparates como en ella escribe, porque parto desta vida con escrúpulo de haberle dado motivo para escribirlos. | Item, je supplie ces seigneurs mes exécuteurs testamentaires , si quelque bonne fortune venait à leur faire connaître l′auteur qui a composé, dit-on, une histoire sous le titre de Seconde partie des prouesses de don Quichotte de la Manche, de vouloir bien le prier de ma part, aussi ardemment que possible, de me pardonner l′occasion que je lui ai si involontairement donnée d′avoir écrit tant et de si énormes sottises ; car je pars de cette vie avec le remords de lui avoir fourni le motif de les écrire. » | Cerró con esto el testamento, y, tomándole un desmayo, se tendió de largo a largo en la cama. Alborotáronse todos y acudieron a su remedio, y en tres días que vivió después deste donde hizo el testamento, se desmayaba muy a menudo. Andaba la casa alborotada; pero, con todo, comía la sobrina, brindaba el ama, y se regocijaba Sancho Panza; que esto del heredar algo borra o templa en el heredero la memoria de la pena que es razón que deje el muerto. | Après cette dictée, il signa et cacheta le testament ; puis, atteint d′une défaillance, il s′étendit tout de son long dans le lit. Les assistants, effrayés, se hâtèrent de lui porter secours, et, pendant les trois jours, qu′il vécut après avoir fait son testament, il s′évanouissait à toute heure. La maison était sens dessus dessous ; mais cependant la nièce mangeait de bon appétit, la gouvernante proposait des santés, et Sancho prenait ses ébats ; car hériter de quelque chose suffit pour effacer ou pour adoucir dans le cœur du légataire le sentiment de la peine que devrait lui causer la perte du défunt. | En fin, llegó el último de don Quijote, después de recebidos todos los sacramentos, y después de haber abominado con muchas y eficaces razones de los libros de caballerías. Hallóse el escribano presente, y dijo que nunca había leído en ningún libro de caballerías que algún caballero andante hubiese muerto en su lecho tan sosegadamente y tan cristiano como don Quijote; el cual, entre compasiones y lágrimas de los que allí se hallaron, dio su espíritu: quiero decir que se murió. | Enfin, la dernière heure de don Quichotte arriva, après qu′il eut reçu tous les sacrements, et maintes fois exécré, par d′énergiques propos, les livres de chevalerie. Le notaire se trouva présent, et il affirma qu′il n′avait jamais lu dans aucun livre de chevalerie qu′aucun chevalier errant fût mort dans son lit avec autant de calme et aussi chrétiennement que don Quichotte. Celui-ci, au milieu de la douleur et des larmes de ceux qui l′assistaient, rendit l′esprit ; je veux dire qu′il mourut. | Viendo lo cual el cura, pidió al escribano le diese por testimonio como Alonso Quijano el Bueno, llamado comúnmente don Quijote de la Mancha, había pasado desta presente vida y muerto naturalmente; y que el tal testimonio pedía para quitar la ocasión de algún otro autor que Cide Hamete Benengeli le resucitase falsamente, y hiciese inacabables historias de sus hazañas. | Le voyant expiré, le curé pria le notaire de dresser une attestation constatant qu′Alonzo Quijano le Bon, appelé communément don Quichotte de la Manche, était passé de cette vie en l′autre, et décédé naturellement, ajoutant qu′il lui demandait cette attestation pour ôter tout prétexte à ce qu′un autre auteur que Cid Hamet Ben-Engéli le ressuscitât faussement, et fît sur ses prouesses d′interminables histoires. | Este fin tuvo el Ingenioso Hidalgo de la Mancha, cuyo lugar no quiso poner Cide Hamete puntualmente, por dejar que todas las villas y lugares de la Mancha contendiesen entre sí por ahijársele y tenérsele por suyo, como contendieron las siete ciudades de Grecia por Homero. | Telle fut la fin de L′INGÉNIEUX HIDALGO DE LA MANCHE, duquel Cid Hamet ne voulut pas indiquer ponctuellement le pays natal, afin que toutes les villes et tous les bourgs de la Manche se disputassent l′honneur de lui avoir donné naissance et de le compter parmi leurs enfants, comme il arriva aux sept villes de la Grèce à propos d′Homère. | Déjanse de poner aquí los llantos de Sancho, sobrina y ama de don Quijote, los nuevos epitafios de su sepultura, aunque Sansón Carrasco le puso éste: | On omet de mentionner ici les pleurs de Sancho, de la nièce et de la gouvernante, ainsi que les nouvelles épitaphes inscrites sur le tombeau de don Quichotte. Voici cependant celle qu′y mit Samson Carrasco : | Yace aquí el Hidalgo fuerte que a tanto estremo llegó de valiente, que se advierte que la muerte no triunfó de su vida con su muerte. Tuvo a todo el mundo en poco; fue el espantajo y el coco del mundo, en tal coyuntura, que acreditó su ventura morir cuerdo y vivir loco. | « Ci-gît l′hidalgo redoutable qui poussa si loin la vaillance, qu′on remarqua que la mort ne put triompher de sa vie par son trépas. « Il brava l′univers entier, fut l′épouvantail et le croque-mitaine du monde ; en telle conjoncture, que ce qui assura sa félicité, ce fut de mourir sage et d′avoir vécu fou. » | Y el prudentísimo Cide Hamete dijo a su pluma. | Ici le très-prudent Cid Hamet dit à sa plume : | ÂAquí quedarás, colgada desta espetera y deste hilo de alambre, ni sé si bien cortada o mal tajada péñola mía, adonde vivirás luengos siglos, si presuntuosos y malandrines historiadores no te descuelgan para profanarte. Pero, antes que a ti lleguen, les puedes advertir, y decirles en el mejor modo que pudieres: | « Tu vas rester pendue à ce crochet et à ce fil de laiton, ô ma petite plume, bien ou mal taillée, je ne sais. Là, tu vivras de longs siècles, si de présomptueux et malandrins historiens ne te détachent pour te profaner. Mais avant qu′ils parviennent jusqu′à toi, tu peux les avertir, et leur dire, dans le meilleur langage que tu pourras trouver : | ÂÂ ¡Tate, tate, folloncicos! De ninguno sea tocada; porque esta impresa, buen rey, para mí estaba guardada. | « Halte-là, halte-là, félons ; que personne ne me touche ; car cette entreprise, bon roi, pour moi seul était réservée. | Para mí sola nació don Quijote, y yo para él; él supo obrar y yo escribir; solos los dos somos para en uno, a despecho y pesar del escritor fingido y tordesillesco que se atrevió, o se ha de atrever, a escribir con pluma de avestruz grosera y mal deliñada las hazañas de mi valeroso caballero, porque no es carga de sus hombros ni asunto de su resfriado ingenio; a quien advertirás, si acaso llegas a conocerle, que deje reposar en la sepultura los cansados y ya podridos huesos de don Quijote, y no le quiera llevar, contra todos los fueros de la muerte, a Castilla la Vieja, haciéndole salir de la fuesa donde real y verdaderamente yace tendido de largo a largo, imposibilitado de hacer tercera jornada y salida nueva; que, para hacer burla de tantas como hicieron tantos andantes caballeros, bastan las dos que él hizo, tan a gusto y beneplácito de las gentes a cuya noticia llegaron, así en éstos como en los estraños reinos′′. Y con esto cumplirás con tu cristiana profesión, aconsejando bien a quien mal te quiere, y yo quedaré satisfecho y ufano de haber sido el primero que gozó el fruto de sus escritos enteramente, como deseaba, pues no ha sido otro mi deseo que poner en aborrecimiento de los hombres las fingidas y disparatadas historias de los libros de caballerías, que, por las de mi verdadero don Quijote, van ya tropezando, y han de caer del todo, sin duda alguna. Vale. | « Oui, pour moi seul naquit don Quichotte, et moi pour lui. Il sut opérer, et moi écrire. Il n′y a que nous seuls qui ne fassions qu′un, en dépit de l′écrivain supposé de Tordésillas, qui osa ou qui oserait écrire avec une plume d′autruche, grossière et mal affilée, les exploits de mon valeureux chevalier. Ce n′est pas, en effet, un fardeau pour ses épaules, ni un sujet pour son esprit glacé, et, si tu parviens à le connaître, tu l′exhorteras à laisser reposer dans la sépulture les os fatigués et déjà pourris de don Quichotte ; à ne pas s′aviser surtout de l′emmener contre toutes les franchises de la mort dans la Castille-Vieille , en le faisant sortir de la fosse où il gît bien réellement, étendu tout de son long, hors d′état de faire une sortie nouvelle et une troisième campagne. Pour se moquer de toutes celles que firent tant de chevaliers errants, il suffit des deux qu′il a faites, si bien au gré et à la satisfaction des gens qui en ont eu connaissance, tant dans ces royaumes que dans les pays étrangers. En agissant ainsi, tu rempliras les devoirs de ta profession chrétienne ; tu donneras un bon conseil à celui qui te veut du mal ; et moi, je serai satisfait et fier d′être le premier qui ait entièrement recueilli de ses écrits le fruit qu′il en attendait ; car mon désir n′a pas été autre que de livrer à l′exécration des hommes les fausses et extravagantes histoires de chevalerie, lesquelles, frappées à mort par celles de mon véritable don Quichotte, ne vont plus qu′en trébuchant, et tomberont tout à fait sans aucun doute. Â Vale. » | Finis | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | |