Jean-Jacques Rousseau

Émile: ou, De l′education -- Emilio o De la educación


Livre Quatrieme

LIBRO IV

Que nous passons rapidement sur cette terre ! le premier quart de la vie est écoulé, avant qu′on en connoisse l′usage ; le dernier quart s′écoule encore, après qu′on a cessé d′en jouir. D′abord nous ne savons point vivre : bientôt nous ne le pouvons plus ; &, dans l′intervalle qui sépare ces deux extrémités inutiles, les trois quarts du tems qui nous reste sont consumés par le sommeil, par le travail, par la contrainte, par les peines toute espece. La vie est courte, moins par le peu de tems qu′elle dure, que parce que, de ce peu de tems, nous n′en avons presque point pour la goûter. L′instant de la mort a beau être éloigné de celui de la naissance, la vie est toujours trop courte, quand cet espace est mal rempli. ¡Qué rápidamente pasamos por la tierra! El primer cuarto de la vida desaparece antes de que conozcamos el uso de la vida; el último cuarto se va después de haber dejado de gozarla. Primero no sabemos vivir, pronto ya no podremos, y del intervalo que separa estos dos extremos inútiles, los tres cuartos del tiempo restante se los llevan el sueño, el trabajo, el dolor, la sujeción y toda clase de penalidades. La vida es corta, no sólo por lo poco que dura, sino porque de este poco apenas hay momento en el que gocemos de ella. La hora de la muerte tiene de bello el estar alejada de la del nacimiento, y la vida es siempre muy corta cuando este espacio está mal llenado.
Nous naissons, pour ainsi dire, en deux fois : l′une pour exister, & l′autre pour vivre ; l′une pour l′espece, l′autre pour le sexe. Ceux qui regardent la femme comme un homme imparfait ont tort, sans doute ; mais l′analogie extérieure est pour eux. Jusqu′à l′âge nubile, les enfans des deux sexes n′ont rien d apparent qui les distingue ; même visage, même figure, même teint, même voix, tout égal : les filles sont des enfants, les garçons sont des enfants ; le même nom suffit à des êtres si semblables. Les mâles en qui l′on empêche le développement ultérieur du gardent cette conformité toute leur vie ; ils sont toujours de grands enfants, & les femmes, ne perdant point cette même conformité, semblent, à bien des égards, ne jamais être autre chose. Nosotros nacemos, por así decirlo, en dos fases: la una para existir y la otra para vivir; la una por el espacio y la otra por el sexo. Estos que miran a la hembra como a un hombre imperfecto sin duda están equivocados, pero la analogía exterior es para ellos. Hasta la edad núbil los niños de los dos sexos no tienen nada aparente que les distinga; el mismo semblante, la misma figura, el mismo color...; en todo son iguales. Criaturas son los chicos y criaturas son las chicas; un mismo nombre califica a seres tan semejantes. Los varones a quienes impiden el ulterior desarrollo del sexo, conservan toda su vida esta conformidad y siempre son criaturas adultas, y las mujeres que no la pierden parece que bajo muchos aspectos nunca sean otra cosa,
Mais l′homme, en général, n′est pas fait pour rester toujours dans l′enfance. Il en sort au tems prescrit par la nature ; & ce moment de crise, bien qu′assez court, a de longes influences.  pero el hombre, en general, no está hecho para quedarse siempre en la infancia. Se sale de ella en el tiempo prescrito por la naturaleza, y este momento de crisis, aunque sea corto, tiene grandes influencias.
Comme le mugissement de la mer précède de loin la tempête, cette orageuse révolution s′annonce par le murmure des passions naissantes ; une fermentation sourde avertit de l′approche du danger. Un changement l′humeur, des emportements fréquents, une continuelle agitation d′esprit, rendent l′enfant presque indisciplinable. Il devient sourd à la voix qui le rendoit docile ; c′est un lion dans sa fièvre ; il méconnaît son guide, il ne veut plus être gouverné. Como el bramido del mar precede desde lejos a la tempestad, esta tempestuosa revolución es anunciada por el murmullo de las nacientes pasiones, y una fermentación sorda advierte la proximidad del peligro. Una mutación en el humor, frecuentes enfados, una continua agitación de espíritu hacen casi indisciplinable al niño. Sordo a la voz que oía con docilidad, es el león con calentura; desconoce al que le guía y ya no quiere ser gobernado.
Aux signes moraux d′une humeur qui s′altère se joignent des changements sensibles dans la figure. Sa physionomie se développe & s′empreint d′un caractère ; & doux qui croit au bas ses joues brunit & prend de la consistance. Sa voix mue, ou plutôt il la perd : il n′est ni enfant ni homme & ne peut prendre le ton d′aucun des deux. Ses yeux, ces organes de l′âme, qui n′ont rien dit jusqu′ici, trouvent un langage & de l′expression ; un feu naissant les anime, leurs regards plus vifs ont encore une sainte innocence, mais ils n′ont plus leur première imbécillité : il sent déjà qu′ils peuvent trop dire, il commence à savoir les baisser & rougir ; il devient sensible, avant de savoir ce qu′il sent ; il est inquiet sans raison de l′être. Tout cela peut venir lentement & vous laisser du tems encore : mais si sa vivacité se rend trop impatiente, si son emportement se change en fureur, s′il s′irrite & s′attenant d′un instant à l′autre, s′il verse des pleurs sans sujet, si, près des objets qui commencent à devenir dangereux pour lui son pouls s′élève & son œil s′enflamme, si la main d′une femme se posant sur la sienne le fait frissonner, s′il se trouble ou s′intimide auprès d′elle ; Ulysse, ô sage Ulysse, prends garde à toi ; les outres que tu fermois avec tant de soin sont ouvertes ; les vents sont déjà déchaînés ; ne quitte plus un moment le gouvernail, ou tout est perdu. A los signos morales de un humor que se altera se unen cambios sensibles en su exterior. Su fisonomía se desenvuelve y se imprime en ella su sello característico; el vello escaso y suave que crece bajo sus mejillas toma consistencia, su voz cambia o mejor es otra; no es niño ni hombre y no puede tomar el habla de uno ni de otro. Sus ojos, que son los órganos del alma y que hasta ahora nada nos decían, toman su expresión y su lengua, los anima un ardor naciente y todavía reina la santa inocencia en sus vivas miradas, pero ya han perdido su primera sencillez, y se da cuenta de que pueden decir mucho; empieza a saber lo que siente, y está inquieto sin motivos para estarlo. Todo esto puede venir despacio, y todavía dejarle tiempo, pero si es muy impaciente en su viveza, si se convierte en furia su arrebato, si de un instante a otro se enternece y se irrita, si llora sin causa, si cuando se arrima a los objetos empiezan a serle peligrosos, si se agita su pulso y sus ojos se inflaman, si se estremece cuando la mano de una mujer toca la suya, si se turba ante ella y se intimida, Ulises, cuerdo Ulises, mira por ti; están abiertos los odres que guardaba cerrados con tanto afán y ya están sueltos los vientos; no abandones ningún momento el timón, o todo se ha perdido.
C′est ici la seconde naissance dont j′ai parlé ; c′est ici que l′homme naît véritablement à la vie, & que rien d′humain n′est étranger à lui. Jusqu′ici nos soins n′ont été que des jeux d′enfant ; ils ne prennent qu′à présent une véritable importance. Cette époque, où finissent les éducations ordinaires, est proprement celle où la nôtre doit commencer ; mais, pour bien exposer ce nouveau plan, reprenons de plus haut l′état des choses qui s′y rapportent. Este es el segundo nacimiento de que he hablado; aquí nace de verdad el hombre a la vida, y ya nada humano está fuera de él. Hasta este momento nuestros afanes no han sido otra cosa que juegos de niños, y es ahora cuando adquieren verdadera importancia. Esta época, en que se concluyen las educaciones ordinarias, es propiamente aquella en que ha de empezar la nuestra, pero para exponer bien este nuevo plan, debemos tomar desde más alto el estado de las cosas relacionadas con él.
Nos passions sont les principaux instruments notre conservation : c′est donc une entreprise aussi vaine que ridicule de vouloir les détruire ; c′est contrôler la nature c′est réformer l′ouvrage de Dieu. Si Dieu disoit à l′homme d′anéantir les passions qu′il lui donne, Dieu voudroit & ne voudroit pas ; il se contrediroit lui-même. jamais il n′a donné cet ordre insensé, rien de pareil n′est écrit dans le cœur humain ; & ce que Dieu veut qu′un homme fasse, il ne le lui fait pas dire par un autre homme, il le lui dit lui même, il l′écrit au fond de son cœur. Nuestras pasiones son los principales instrumentos de nuestra conservación, porque el intentar después destruirlas es una empresa tan vana como ridícula, pues es censurar la naturaleza y pretender reformar la obra de Dios. Si Dios le dijese al hombre que aniquilase las pasiones que le da, querría Dios y no querría, y se contradeciría a sí mismo. Jamás dictó un precepto tan desatinado, y no hay escrita ninguna cosa semejante dentro del corazón humano; lo que Dios quiere que haga un hombre, no hace que otro hombre se lo diga; se lo dice él mismo, y lo escribe en lo más íntimo de su corazón.
Or je trouverois celui qui voudroit empêcher les passions de naître presque aussi fou que celui qui voudroit les anéantir ; & ceux qui croiroient que tel a été mon projet jusqu′ici m′auroient sûrement fort mal entendu. Tendría por loco a quien quisiera estorbar que naciesen las pasiones, casi por tan loco como el que quisiese aniquilarlas, y, ciertamente, me habrían entendido muy mal los que creyesen que semejante proyecto hubiera sido el mío hasta aquí.
Mais raisonnerait-on bien, si, de ce qu′il est dans la nature de l′homme d′avoir des passions, on alloit conclure que toutes les passions que nous sentons en nous et que nous oyons dans les autres sont naturelles ? Leur source est naturelle, il est vrai ; mais mille ruisseaux étrangers l′ont grossie ; c′est un grand fleuve qui s′accroît sans cesse, & ans lequel on retrouveroit à peine quelques gouttes de es premières eaux. Nos passions naturelles sont très ornées ; elles sont les instruments de notre liberté, elles tendent à nous conserver. Toutes celles qui nous subjuguent & nous détruisent nous viennent d′ailleurs ; la nature ne nous les donne pas, nous nous les approprions à son préjudice. Pero, ¿:razonaría bien quien dedujese, porque es natural al hombre tener pasiones, que son naturales todas las que sentimos en nosotros y observamos en los demás? Natural es su fuente, es verdad, pero corre engrandecida por mil raudales extraños, y es un caudaloso río que sin cesar se enriquece con nuevas aguas y en las que apenas se encontrarían algunas gotas de las primitivas. Nuestras pasiones naturales son muy limitadas, son instrumentos de nuestra libertad que coadyuvan a nuestra conservación; todas las que nos esclavizan y nos destruyen, no nos las da la naturaleza; nos las apropiamos nosotros en detrimento suyo.
La source de nos passions, l′origine & le principe de toutes les autres, la seule qui naît avec l′homme & ne le quitte jamais tant qu′il vit, est l′amour de soi : passion primitive, innée, antérieure à toute autre, & dont toutes les autres ne sont, en un sens, que des modifications. En sens, toutes, si l′on veut, sont naturelles. Mais la plupart de ces modifications ont des causes étrangères sans lesquelles n′auraient jamais lieu ; & ces mêmes modifications loin de nous être avantageuses, nous sont nuisibles ; elles changent le premier objet & vont contre leur principe : c′est alors que l′homme se trouve hors de la nature, & se & en contradiction avec soi. La fuente de nuestras pasiones, el origen y principio de todas las demás, la única que nace con el hombre y mientras vive nunca le abandona, es el amor de si mismo: pasión primitiva, innata, anterior a cualquier otra, de la cual se derivan en cierto modo y a manera de modificaciones todas las demás. Todas son en este sentido, si queremos, naturales. Pero la mayor parte de estas modificaciones tienen causas extrañas, sin las cuales nunca existirían, y estas modificaciones, lejos de sernos provechosas, nos son perjudiciales, pues mudan su primer objetivo y luchan con su principio; entonces se encuentra el hombre fuera de la naturaleza y se pone en contradicción consigo mismo.
L′amour de soi-même est toujours bon, & toujours conforme à l′ordre. Chacun étant chargé spécialement de sa propre conservation, le premier & le plus important de ses soins est & doit être d y veiller sans cesse : & comment y veillerait-il ainsi, s′il n′y prenoit le plus grand intérêt ? Siempre es bueno el amor propio, pero debe estar conforme al orden. Encargado cada uno de su propia conservación, su más importante y primera solicitud debe ser el velarla continuamente, pero, ¿:cómo ha de estar siempre en vela si no le mueve el más vivo interés?
Il faut donc que′nous nous aimions pour nous conserver, il faut que nous nous aimions plus que toute chose par une suite immédiate du même sentiment, nous aimons ce qui nous conserve. Tout enfant s′attache à sa nourrice : Romulus devait s′attacher à la louve qui l′avoit allaite. D′abord cet attachement est purement machinal. Ce qui favorise le bien-être d′un individu l′attire ; ce qui lui le repousse : ce n′est là qu′un instinct aveugle. Ce qui transforme cet instinct en sentiment, l′attachement en amour, l′aversion en haine, c′est l′intention manifestée de nous nuire ou de nous être utile. On ne se passionne pas pour les êtres insensibles qui ne suivent que l′impulsion qu′on leur donne ; mais ceux dont on attend du bien ou du mal par leur disposition intérieure, par leur volonté, ceux que nous voyons agir librement pour ou contre, nous inspirent des sentiments semblables à ceux qu′ils nous montrent. Ce qui nous sert, on le cherche ; mais ce qui nous veut servir, on l′aime ; ce qui nous nuit, on le fuit ; mais ce qui nous veut nuire, on le hait.. Es preciso, pues, que nos amemos para conservarnos, y que nos amemos más que todas las cosas, y por consecuencia inmediata de este mismo afecto, amamos lo que nos conserva. Todo niño se aficiona a su nodriza, y Rómulo se debió de aficionar a la loba que le daba el pecho. Esta afición es el principio simplemente maquinal. A todo individuo le atrae lo que favorece su bienestar, y repele lo que le perjudica; esto no es más que un instinto ciego. Lo que transforma en afecto este instinto, en amor la afición, la aversión en odio, es la clara intención de perjudicarnos o sernos útil. Nada se apasiona con los seres insensibles que siguen el impulso que les han dado, pero aquellos de quienes esperamos daño o beneficio por su disposición interna, por su voluntad; los que vemos que libremente obran en nuestro favor o en contra nuestra, nos inspiran afectos análogos a los que nos manifiestan. Buscamos los que nos sirven, pero amamos los que nos quieren servir; huimos de lo que nos perjudica, pero aborrecemos lo que quiere hacernos daño.
Le premier sentiment d′un enfant est de s′aimer lui-même ; & le second, qui dérive du premier, est d′aimer ceux qui l′approchent ; car, clans l′état de faiblesse ou il est, il ne connaît personne que par l′assistance & les soins qu′il reçoit. D′abord l′attachement qu′il a pour sa nourrice & sa gouvernante n′est qu′habitude. Il les cherche, parce qu′il a besoin d′elles & qu′il se trouve bien du de les avoir ; c′est plutôt connoissance que bienveillance. Il lui faut beaucoup de temps ? pour comprendre que non seulement elles lui sont utiles, mais qu′elles veulent l′être ; et c′est alors qu′il commence à les aimer. El primer sentimiento de un niño es amarse a sí mismo, y el segundo, que deriva del primero, es amar a los que le rodean, porque en el estado de debilidad en que se encuentra sólo conoce las personas por la asistencia y los cuidados que recibe. El apego que primero tiene a su nodriza y a su niñera no es más que hábito; las busca porque las necesita y porque se encuentra bien con ellas; es más conocimiento que benevolencia. Hace falta mucho tiempo para que comprenda que no sólo le son útiles, sino que quieren serlo, y entonces es cuando comienza a amarlas.
Un enfant est donc naturellement enclin à la bienveillance, parce qu′il voit que tout ce qui l′approche est porte à l′assister, & qu′il prend de cette observation l′habitude d′un sentiment favorable à son espèce ; mais, à mesure qu′il étend ses relations, ses besoins, ses dépendances actives ou passives, le sentiment de ses rapports à autrui s′éveille, & produit celui des devoirs & des préférences. Alors l′enfant devient impérieux, jaloux, trompeur, vindicatif. Si on le plie à l′obéissance, ne voyant point l′utilité de ce qu′on lui commande, il l′attribue au caprice, à l′intention de le tourmenter, & il se mutine. Si on lui obéit à lui-même, aussitôt que quelque chose lui résiste, il y voit une rébellion, une intention de lui résister ; il bat la chaise ou la table pour voir désobéi. L′amour de sol, qui ne regarde qu′à nous, est content quand nos vrais besoins sont satisfaits ; mais l′amour-propre, qui se compare, n est jamais content & ne sauroit l′être, parce que ce sentiment, en nous préférant aux autres, que les autres nous préfèrent à eux ; ce qui est impossible. Voilà comment les passions douces & affectueuses naissent de l′amour de soi, & comment les passions haineuses & irascibles naissent l′amour-propre. Ainsi, ce qui rend l′homme essentiellement bon est d′avoir peu de besoins, & de peu se comparer aux autres ; ce qui le rend essentiellement méchant est d′avoir beaucoup de besoins, & de tenir beaucoup à l′opinion. Sur ce principe il est aisé de voir comment on peut : dirige au bien ou au mal toutes les passions des enfants & de hommes. Il est vrai que, ne pouvant vivre toujours seuls, ils vivront difficilement toujours bons : cette difficulté même augmentera nécessairement avec leurs relations ; & c′est en ceci surtout que les dangers de la société nous rendent l′art & les soins plus indispensables pour prévenir dans le cœur humain la dépravation qui naît de ses nouveau besoins. Por consiguiente un niño se inclina naturalmente a la benevolencia, porque ve que todo cuanto se aproxima a él tiende a asistirle, y de esta observación saca la costumbre de un afecto propicio a su especie, pero a medida que extiende sus relaciones, sus necesidades, sus dependencias activas o pasivas, se despierta el afecto de sus relaciones con otro, y produce el de las obligaciones y preferencias. Entonces el niño se vuelve imperioso, celoso, engañador y vengativo. Si le obligan a que obedezca, como no ve la utilidad de lo que le mandan, lo atribuye al capricho, a la intención de atormentarle, y se enfurece. Si le obedecen a él, tan pronto como se le resisten en cualquier cosa, lo considera una rebeldía, una intención maligna, y aporrea la silla o la mesa porque le han desobedecido. El amor de sí mismo, que solamente se refiere a nosotros, queda satisfecho cuando se hallan complacidas nuestras verdaderas necesidades, pero el amor propio que se compara, jamás está contento ni puede estarlo, puesto que como nos prefiere este afecto a los demás, también exige que nos prefieran los demás a ellos, lo cual no es posible. De este modo nacen del amor propio los irascibles y rencorosos, de tal forma que lo que hace al hombre esencialmente bueno es tener pocas necesidades y compararse poco con los demás, y lo que le convierte en malo es tener muchas necesidades y someterse mucho a la opinión. Es fácil ver por este principio el modo cómo se pueden encaminar hacia lo bueno o lo malo todas las pasiones de los niños y de los hombres. Es verdad que no siendo posible vivir siempre de una forma solitaria, con dificultad vivirán siempre buenos, y por necesidad crecerá esta dificultad al aumentarse sus relaciones, y particularmente en esto los riesgos de la sociedad hacen que nos sean más indispensables la diligencia y el arte para librar al corazón humano de la depravación que nace de sus nuevas necesidades.
L′étude convenable à l′homme est celle de ses rapports. Tant qu′il ne se connaît que par son être physique, il doit s′étudier par ses rapports avec les choses : c′est l′emploi de son enfance ; quand il commence à sentir son être moral, il doit s′étudier par ses rapports avec les hommes : c′est l′emploi de sa vie entière, à commencer au point où nous voilà parvenus. El estudio conveniente para el hombre es el de sus relaciones; mientras sólo es conocido por su ser físico, se debe estudiar en sus relaciones con las cosas; cuando comienza a sentir su ser moral, precisa que se le estudie en sus relaciones con los hombres, en el empleo de su vida, empezando desde el punto a que ya hemos llegado.
Sitôt que l′homme a besoin d′une compagne, il n′est plus un être isolé, son cœur n′est plus seul. Toutes ses relations avec son espèce, toutes les affections de son âme naissent avec celle-là. Sa première passion fait bientôt fermenter les autres. Tan pronto como el hombre tiene necesidad de una compañera, deja de ser un ser aislado y su corazón ya no está solo. Nacen todas sus relaciones con su especie y todas las afecciones de su alma, y pronto su primera pasión hace que fermenten las demás.
Le penchant de l′instinct est indéterminé. Un sexe est attiré vers l′autre : voilà le mouvement de la nature. Le choix, les préférences, l′attachement personnel, sont l′ouvrage des lumières, des préjugés, de l′habitude il faut du tems & des connaissances pour nous rendre capables d′amour : on n′aime qu′après avoir jugé, on ne préfère qu′après avoir comparé. Ces jugements se font sans qu′ons′en aperçoive, mais ils n′en sont pas moins réels. Le véritable amour, quoi qu′on en dise, sera toujours honoré des hommes : car, bien que ses emportements nous égarent, bien qu′il n′exclue pas du cœur qui le sent des qualités odieuses, & même qu′il en produise, il en suppose pourtant toujours d′estimables, sans lesquelles on seroit hors d′état de le sentir. Ce choix qu′on met en opposition avec la raison nous vient d′elle. On a fait l′amour aveugle, parce qu′il a de meilleurs yeux que nous, & qu′il voit des rapports que nous ne pouvons apercevoir. Pour qui n′aurait nulle idée de mérite ni de beauté, toute femme seroit également bonne, & la première venue seroit toujours la plus aimable. Loin que l′amour vienne de la nature, il est la règle & le frein de ses penchants : c′est par lui qu′excepté l′objet aimé, un sexe n′est plus rien pour l′autre. La inclinación del instinto es indeterminada; un sexo se siente atraído por el otro, y esto es un proceso natural. La elección, las preferencias, el cariño personal, son producto de las luces, de las preocupaciones y de la costumbre; se necesitan conocimientos y tiempo para hacernos aptos para el amor, pues solamente después de juzgar amamos, y no preferimos hasta haber comparado. Sin que pensemos en ello, se forman estos juicios, pero no por eso dejan de ser menos reales. Digan lo que quieran, los hombres siempre honrarán el amor verdadero, puesto que si les descarrían sus arrebatos y no se excluyen del pecho que lo siente condiciones odiosas, o a veces las engendra, también tiene otras apreciables, sin las cuales el amante no sería capaz de serlo. Esta elección, aunque se diga que es opuesta a la razón, proviene de ella. Al amor le pintan ciego porque tiene ojos más penetrantes que los nuestros y ve relaciones que no podemos distinguir. Toda mujer sería igualmente buena para quien no tuviese ninguna idea del mérito ni de la belleza, y la más próxima sería la más amable. El amor de la naturaleza, lejos de venir, es, por el contrario, el freno y la regla de sus inclinaciones, y fuera del objeto amado, nada es un sexo con respecto al otro.
La préférence qu′on accorde, on veut l′obtenir ; l′amour doit être réciproque. Pour être aimé, il faut se rendre aimable ; pour être préféré, il faut se rendre plus aimable qu′un autre, plus aimable que tout autre, au moins aux yeux de l′objet aime. De là les premiers regards sur ses semblables ; de la les premières comparaisons avec eux, de là l′émulation, les rivalités, la jalousie. Un cœur plein d′un sentiment qui déborde aime à s′épancher : du besoin d′une maîtresse naît bientôt celui d′un ami. Celui qui sent combien il est doux d′être aimé voudrait l′être de tout le monde, & tous ne sauroient vouloir des préférences, qu′il n′y ait beaucoup de mécontents. Avec l′amour & l′amitié naissent les dissensions, l′inimitié, la haine. Du sein de tant de passions diverses je vois l′opinion s′élever un trône inébranlable, & les stupides mortels, asservis à son empire, ne fonder leur propre existence que sur les jugements d′autrui. La preferencia que uno da, quiere obtenerla; el amar debe ser mutuo. Para ser amado es preciso hacerse amable; para ser preferido, es necesario hacerse más amable que ningún otro, cuando menos a los ojos del objeto amado. De aquí la primera contemplación de sus semejantes, las primeras comparaciones con ellos, la emulación, las rivalidades y los celos. Ya lleno el pecho de un afecto que rebosa, siente deseos de verterse fuera, y pronto de la necesidad de una dama nace la de un amigo. El que siente los gratos afectos de sentirse amado desearía que todo el mundo le amará, y cuando todos aspiran a preferencias, no puede evitarse que muchos queden mal satisfechos. Con el amor y la amistad nacen las disensiones, los odios y las maldades. Encima de tantas pasiones diversas me doy cuenta de que la opinión se erige un trono incontrastable, y que los estúpidos mortales, siervos de su imperio, fundan su propia existencia en juicios ajenos.
étendez ces idées, & vous verrez d′où vient à notre amour-propre la forme que nous lui croyons naturelle ; & comment l′amour de soi, cessant d′être un sentiment absolu, devient orgueil dans les grandes âmes, vanité dans les petites, & dans toutes se nourrit sans cesse aux dépens du prochain. L′espèce de ces passions, n′ayant point son germe dans le cœur des enfants, n′y peut naître d′elle- même ; c′est nous seuls qui l′y portons, & jamais elles n′y prennent racine que par notre faute ; mais il n′en est plus ainsi du cœur du jeune homme : quoi que nous puissions faire, elles y naîtront malgré nous. Il est donc tems de changer de méthode. Ampliad estas ideas y veréis de dónde le proviene a nuestro amor propio la forma que le es natural, y cómo, dejando de ser un afecto absoluto, el amor a sí mismo se convierte en altivez en los espíritus fuertes y en vanidad en los apocados, y en todos se alimenta a costa del prójimo. Esta especie de pasiones, careciendo de germen en el corazón de los niños, no pueden brotar por sí solas; somos nosotros los que las plantamos, pues jamás tienen raíces en ellos, como no sea por nuestra culpa. Mas no sucede lo mismo en el corazón del joven; hágase lo que se quiera, contra nuestra voluntad nacerán en él. Entonces, aún estamos a tiempo para variar de método.
Commençons par quelques réflexions importantes sur l′état critique dont il s′agit ici. Le passage de l′enfance à la puberté n′est pas tellement déterminé par la nature qu′il ne varie dans les individus selon les tempéraments, & dans les peu les selon les climats. Tout le monde sait les distinctions observées sur ce point entre les pays chauds & les pays froids, & chacun voit que les tempéraments ardents sont formés plus tôt que les autres : mais on peut se tromper sur les causes, et souvent attribuer au physique ce qu′i faut imputer au moral ; c′est un des abus les plus fréquents de la philosophie de notre siècle. Les instructions de la nature sont tardives & lentes ; celles des hommes sont presque toujours prématurées. Dans le premier cas, les sens éveillent l′imagination ; dans le second, l′imagination éveillent l′imagination ; dans le second, l′imagination éveille les sens ; elle leur donne une activité précoce qui ne peut manquer d′énerver, d′affaiblir d′abord les individus, puis l′espèce même à la longue. Une observation plus générale & plus sûre que celle de l′effet des climats est que la puberté & la puissance du sexe est toujours plus hâtive chez les peuples instruits & policés que chez les peuples ignorants & barbares [1] . Les enfants ont une sagacité singulière pour démêler à travers toutes les singeries de la décence les mauvaises mœurs qu′elle couvre. Le langage épuré qu′on leur dicte, les leçons d′honnêteté qu′on leur donne, le voile du mystère qu′on affecte de tendre devant leurs yeux, sont autant d′aiguillons à leur curiosité. À la manière dont on s′y prend, il est clair que ce qu′on feint de leur cacher n′est que pour le leur apprendre ; & c′est, de toutes les instructions qu′on leur donne, celle qui leur profite le mieux. Comencemos con algunas reflexiones importantes acerca del estado crítico que aquí se trata. La naturaleza no ha determinado de tal forma que el tránsito de la infancia a la pubertad no varíe en los individuos según sus temperamentos, y en los pueblos según los climas. Todos saben las diferencias que se observan en esta parte en los países fríos y en los cálidos, y cada uno ve que se forman los temperamentos ardientes antes que los demás, pero en cuanto a sus causas es fácil engañarse, atribuyendo con frecuencia a lo físico lo que se debe imputar a lo moral, y este es uno de los abusos más frecuentes de la filosofía de nuestro siglo. Son lentas y tardías las instrucciones de la naturaleza, y las de los hombres casi son siempre prematuras. En el primer caso los sentidos despiertan la imaginación; en el segundo, la imaginación despierta los sentidos y les da una precoz actividad, que no puede menos de enervar y debilitar primero a los individuos y más tarde a la especie. Más cierta y más general observación que la de la eficacia de los climas, es que siempre es más temprana la pubertad y la potencia del sexo en los pueblos instruidos y cultos que en los ignorantes y bárbaros . Los niños poseen una rara sagacidad para distinguir por medio de los melindrosos adornos de la decencia las malas costumbres que encubren. El apurado estilo que les dictan, las lecciones de honestidad que les dan, el velo misterioso que afectan correr ante sus ojos con el cebo que incita su curiosidad. Por la forma como obran con ellos, se deduce lo que fingen ocultarles, y eso es lo que quieren aprender, y de todas las instrucciones que les dan, esa es la que más aprovechan.
Consultez l′expérience, vous comprendrez à quel point cette méthode insensée accélère l′ouvrage de la nature & ruine le tempérament. C′est ici l′une des principales causes qui font dégénérer les races clans les villes. Les jeunes gens, épuisés de bonne heure, restent petits, faibles, mal faits, vieillissent au lieu de grandir, comme la vigne à qui l′on fait porter du fruit au printemps languit et meurt avant l′automne. Consultad la experiencia y comprenderéis hasta qué punto acelera este desatinado método la obra de la naturaleza y estraga el temperamento. Esta es una de las causas principales de que degeneren las castas en las ciudades. Los jóvenes, exhaustos muy pronto, se quedan pequeños, endebles, mal formados, envejecen en vez de crecer, del mismo modo que se agota y muere antes del otoño la vid que forzaron a dar fruto en la primavera.
Il faut avoir vécu chez des peuples grossiers & simples pour connoître jusqu′à quel age une heureuse ignorance y l′innocence des enfants. C′est un spectacle à la fois touchent & risible d′y voir les deux sexes, livrés à la sécurité de leurs cœurs, prolonger dans la fleur de l′âge & de la beauté les jeux naïfs de l′enfance, et montrer par leur familiarité même la pureté de leurs plaisirs. Quand enfin cette aimable jeunesse vient à se marier, les deux époux, se donnant mutuellement les prémices de leur personne, en sont plus chers l′un à l′autre ; des multitudes d′enfants, sains & robustes, deviennent le gage d′une union que rien n′altère, & le fruit de la sagesse de leurs premiers ans. Hay que haber vivido en pueblos rudos y sencillos para saber hasta qué edad puede una venturosa ignorancia prolongar la inocencia de los años. Un espectáculo que causa risa y ternura es ver a ambos sexos entregados a la confianza de su corazón, en la flor de la edad y la hermosura, persistiendo en los cándidos juegos de la infancia y con la misma familiaridad expresar la pureza de sus deleites. Por último, cuando esta amable mocedad se casa, los esposos, que mutuamente entregan el uno al otro sus primicias, se quieren más entre sí, y una porción de hijos sanos y robustos son la prenda de una unión que nada puede alterar y el fruto de la cordura de sus primeros años.
Si l′âge où l′homme acquiert la conscience de son sexe diffère autant par l′effet de l′éducation que par l′action de la nature, il suit de là qu′on peut accélérer et retarder cet âge selon la manière dont on élèvera les enfants ; & si le corps gagne ou perd de la consistance à mesure qu′on retarde ou qu on accélère ce progrès, il suit aussi que, plus on s′applique à le retarder, plus un jeune homme acquiert de vigueur & de force. Je ne parle encore que des effets purement physiques : on verra bientôt qu′ils ne se bornent pas là. Si la edad en que adquiere el hombre la conciencia de su sexo varía más que por efecto de la educación por la acción de la naturaleza, se deduce que puede acelerarse o retardar esta edad según como se haya educado de niño, y si gana o pierde consistencia el cuerpo en proporción a lo que se retarde o se acelere este progreso, también se comprende que, cuanto más se retarde, mayor fuerza y vigor adquirirá. Todavía sólo hablo de los efectos simplemente físicos; pronto veremos que los resultados no se limitan a los señalados.
De ces réflexions je tire la solution de cette question si souvent agitée, s′il convient d′éclairer les enfants de bonne heure sur les objets de leur curiosité, ou s′il vaut mieux leur donner le change par de modestes erreurs. Je pense qu′il ne faut faire ni l′un ni l′autre. Premièrement, cette curiosité ne leur vient point sans qu′on y ait donné lieu. Il faut donc faire en sorte qu′ils ne l′aient pas. En second lieu, des questions qu′on n′est pas forcé de résoudre n′exigent point qu′on trompe celui qui les fait : il vaut mieux lui imposer silence que de lui répondre en mentant. Il sera peu surpris de cette loi, si l′on a pris soin de l′y asservir dans les choses indifférentes. Enfin, si l′on prend le parti de répondre, que ce soit avec la plus grande simplicité, sans mystère, sans embarras, sans sourire. Il y a beaucoup moins de danger à satisfaire la curiosité de l′enfant qu′à l′exciter. De estas reflexiones pienso si es una solución que convenga dar luz a los niños desde temprano acerca de los objetos de su curiosidad, o si vale más mantenerlos con modestos errores. Yo creo que no es conveniente ni lo uno ni lo otro. Primeramente, no se les ocurre esta curiosidad sin haber dado motivos para ella, y por lo tanto hay que evitar que se les ocurra esa idea. En segundo lugar, las-cuestiones que uno no está obligado a resolver no exigen que engañemos al que nos las propone; es mejor el silencio que responderle con una mentira. Esta ley extrañará poco si hemos tenido cuidado de habituarle en las cosas intrascendentes. Por último, si decidimos contestarle, debe ser con la mayor sencillez, sin misterio, sin indecisión y sin sonreírle. Es mucho menos peligroso satisfacer la curiosidad del niño que incitarla.
Que vos réponses soient toujours graves, courtes, décidées, & sans jamais paraître hésiter. Je n′ai pas besoin d′ajouter qu′elles doivent être vraies. On ne peut apprendre aux enfants le danger de mentir aux hommes, sans sentir, de la part des hommes, le danger plus grand de mentir aux enfants. Un seul mensonge avéré du maître à l′élève ruineroit à jamais tout le fruit de l′éducation. Vuestras contestaciones deben ser siempre graves, cortas, resueltas, y que no parezca nunca que vaciláis. No es necesario añadir que deben ser verdaderas, pues es imposible enseñar a los niños el peligro de que mientan a los hombres sin que sientan los hombres el riesgo más grave de mentir a los niños. Una sola mentira del maestro que él descubra, dará para siempre al traste con todo el fruto de la educación.
Une ignorance absolue sur certaines matières est peut-être ce qui conviendroit le mieux aux enfants : mais qu′ils apprennent de bonne heure ce qu′il est impossible de leur cacher toujours. Il faut, ou que leur curiosité ne s′éveillé en aucune manière, ou qu′elle soit satisfaite avant l′âge où elle n′est plus sans danger. Votre conduite avec votre élève dépend beaucoup en ceci de sa situation particulière, des sociétés qui l′environnent, des circonstances où l′on prévoit qu′il pourra se trouver, etc. Il importe ici de ne rien donner au hasard ; & si vous n′êtes pas sûr de lui faire ignorer jusqu′à seize ans la différence des sexes, ayez soin qu′il l′apprenne avant dix. En ciertas materias, lo que más convendría a los niños sería una absoluta ignorancia, pero deben saber pronto lo que no es posible esconderle siempre. Es preciso que no se despierte de ninguna manera su curiosidad o que se la satisfagan antes de la edad en que no carece de peligro. En este sentido, depende mucho vuestra conducta con vuestro alumno de su particular situación, de las sociedades que frecuenta, de las circunstancias en que comprendáis que podrá hallarse... Aquí importa no dejar nada a la casualidad, y si no estáis seguro de lograr que hasta los dieciséis años no sepa la diferencia de los sexos,′ enseñádsela antes que cumpla los diez.
Je n′aime point qu′on affecte avec les enfants un langage trop épuré, ni qu′on fasse de longs détours, dont ils s′aperçoivent, pour éviter de donner aux choses leur véritable nom. Les bonnes mœurs, en ces matières, ont toujours beaucoup de simplicité ; mais des imaginations souillées par le vice rendent l′oreille délicate, et forcent de raffiner sans cesse sur les expressions. Les termes grossiers sont sans conséquence ; ce sont les idées lascives qu′il faut écarter. Quoique la pudeur soit naturelle a l′espèce humaine, naturellement les enfants n′en ont point. La pudeur ne naît qu′avec la connoissance du mal : & comment les enfants, qui n′ont ai ne doivent avoir cette connaissance, auraient-ils le sentiment qui en est l′effet ? Leur donner des leçons de pudeur & d′honnêteté, c′est leur apprendre qu′il y a des choses honteuses & déshonnêtes, c′est leur donner un désir secret de connoître ces choses-là. Tôt ou tard ils en viennent à bout, & la première étincelle qui touche à l′imagination accélère à coup sûr l′embrasement des sens. Quiconque rougit est déjà coupable ; la vraie innocence n′a honte de rien. No me gusta que adopten con los niños un lenguaje muy depurado, ni que haya largos circunloquios por no querer llamar las cosas por su verdadero nombre. En estas materias, las buenas costumbres siempre tienen mucha sencillez, pero coaccionada la imaginación lo que se hace es viciar el oído y continuamente hay que aclarar lo que se ha querido decir. Los términos toscos no tienen consecuencias, pero de lo que debemos huir es de las ideas lascivas. Aunque el pudor sea natural en la especie humana, los niños no lo conocen. Con el conocimiento del mal nace el pudor. ¿:Pero cómo han de acusarlo si no tienen ni deben tener ese conocimientos Darles lecciones de pudor y honestidad es enseñarles que hay cosas feas y deshonestas e inspirarles un secreto deseo de saberlas. Tarde o temprano logran su objetivo, y la primera chispa que enciende la imaginación acelera de un modo infalible el incendio de los sentidos. Quien se sonroja ya tiene culpa, pues la verdadera inocencia no se avergüenza de nada.
Les enfants n′ont pas les mêmes désirs que les hommes ; mais, sujets comme eux à la malpropreté qui blesse les sens, ils peuvent de ce seul assujettissement recevoir les mêmes leçons de bienséance. Suivez l′esprit de la nature, qui, plaçant dans les mêmes lieux les organes des plaisirs secrets & ceux des besoins dégoûtants, nous inspire les mêmes soins à différents âges, tantôt par une idée & tantôt par une autre ; à l′homme par la modestie, à l′enfant par la propreté. Los niños no tienen los mismos deseos que los hombres, pero están expuestos como ellos a la suciedad que repugna a los sentidos; de esta sola sujeción pueden tomar las mismas lecciones de bien parecer. Seguid el espíritu de la naturaleza, que colocando en el mismo lugar los órganos de los secretos deleites y de las asquerosas necesidades, nos inspira las mismas atenciones en edades distintas, aquí por una idea y allá por otra, por la modestia al hombre, por la limpieza al niño.
Je ne vois qu′un bon moyen de conserver aux enfants leur innocence ; c′est que tous ceux qui les entourent la respectent & l′aiment. Sans cela, toute la retenue dont on tâche d′user avec eux se dément tôt ou tard ; un sourire, un clin d′œil un geste échappé, leur disent tout ce qu′on cherche à leur taire ; il leur suffit, pour l′apprendre, de voir qu′on le leur a voulu cacher. La délicatesse de tours et d′expressions dont se servent entre eux les gens polis, supposant des lumières que les enfants ne doivent pas avoir, est tout à fait déplacée avec eux ; mais quand on honore vraiment leur simplicité, l′on prend aisément, en leur parlant, celle des termes qui leur conviennent. Il y a une certaine naïveté de langage qui sied & qui plaît à l′innocence : voilà le vrai ton qui détourne un enfant d′une dangereuse curiosité. En lui perlant simplement de tout, on ne lui laisse pas soupçonner qu′il reste rien de plus à lui dire. En joignant aux mots grossiers les idées déplaisantes qui leur conviennent, on étouffe le premier feu de l′imagination : on ne lui défend as de prononcer ces mots & d′avoir ces idées ; mais on lui donne, sans qu′il y songé, de la répugnance à les rappeler. & combien d′embarras cette liberté naïve ne sauve-t-elle point à ceux qui, la tirant de leur propre cœur, disent toujours ce qu′il faut dire, & le disent toujours comme ils l′ont senti ! No veo más que un medio eficaz para que los niños conserven su inocencia, y consiste en que todos los que le rodean le amen y respeten, sin lo cual todo el recato que con ellos se sigue tarde o temprano se desmiente; una sonrisa, una mirada intencionada, un ademán furtivo, les advierten que algo trataban de callarles, y para entenderlo les basta ver que han querido escondérselo. Las cautas expresiones y los rodeos que emplean entre sí los mayores, al suponer que los niños no comprenden lo que dicen, incurren en un reprobable sistema, pero cuando respetamos su ingenuidad usamos el lenguaje que más les instruya. Hay cierto candoroso lenguaje que es el más apropiado para la inocencia y le place, siendo el mejor estilo para desviar al niño de una curiosidad peligrosa. Hablándole de todo con sencillez no cae en la sospecha de que hay misterios de por medio. Uniendo a las palabras indebidas las ideas desagradables que enuncian, empieza a alterarse el primer fuego de la imaginación; no le prohibimos que las pronuncie, pero sin que él se dé cuenta le repugna recordarlas. ¡Y de cuántos embrollos saca esta sencilla libertad a los que entendiéndola en su debido sentido siempre dicen lo que conviene y cómo lo sienten!
Comment se font les enfants ? Question embarrassante qui vient assez naturellement aux enfants, & dont la réponse indiscrète ou prudente décide quelquefois de leurs mœurs & de leur santé pour toute leur vie. La manière la plus courte qu′une mère imagine pour s′en débarrasser sans tromper son fils, est de lui imposer silence. Cela seroit bon, si on l′y eût accoutumé de longue main dans des questions indifférentes, & qu′il ne soupçonnât pas du mystère à ce nouveau ton. Mais rarement elle s′en tient là. C′est le secret des gens mariés, lui dira-t-elle ; de petits garçons ne doivent point être si curieux. Voilà qui est fort bien pour tirer d′embarras la mère : mais qu′elle sache que, piqué de cet air de mépris, le petit garçon n′aura pas un moment de repos qu′il n′ait appris le secret des gens mariés, & qu′il ne tardera pas de l′apprendre. ¿:Cómo se hacen los niños? Ese es un tema delicado que asalta naturalmente a los muchachos, y que una indiscreta o evasiva respuesta alguna vez decide de sus costumbres y su salud para toda su vida. La solución más cómoda que una madre imagina para sortearlo sin engañar a su hijo es hacerle callar. Eso estaría bien si le tuvieran acostumbrado a no contestarle, por lo que no sospecharía que había misterio en el silencio de ahora. Pero raras veces se limita a eso la madre. «Es el secreto de las personas casadas, le dirá; los niños no han de ser tan curiosos.» Eso es muy bueno para que salga la madre del paso, pero sepa ella que contra esa evasiva el niño no parará de indagar hasta descubrir el secreto de las personas casadas, y no tardará en saberlo.
Qu′on me permette de rapporter une réponse bien différente que j′ai entendu faire a la même question, & qui me frappa d′autant plus, qu′elle partoit ne femme aussi modeste dans ses discours que dans ses manières, mais qui savoit au besoin fouler aux pieds, pour le bien de son fils & pour la vertu, la fausse crainte du blâme et les vains propos des plaisants. Il n′y avoit pas longtemps que l′enfant avoit jeté par les urines une petite pierre : qui lui avoit déchiré l′urètre ; mais le mal passé était oublié. Maman, dit le petit étourdi, comment se font les enfants ? Mon fils, répond la mère sans hésiter, les femmes les pissent avec des douleurs qui leur coûtent quelquefois la vie. Que les fous rient, & que les sots soient scandalisés : mais que les sages cherchent si jamais ils trouveront une réponse plus judicieuse et qui aide mieux à ses fins. Permítanme relatar una respuesta muy distinta que oí a la misma pregunta, y que me sorprendió más porque salió de una mujer tan modesta en sus razones como en sus modales, pero cuando era en beneficio de su hijo y de la virtud, sabía sobreponerse a las posibles habladurías de las comadres. Hacía poco tiempo que el niño había echado al orinar una piedrecilla que le había lesionado la uretra, pero había olvidado aquel percance. «Mamá, preguntó el pequeño muy tímidamente, ¿:cómo se hacen los niños?» «Hijo, le contestó la madre sin vacilar, las mujeres los orinan con dolores que a veces les cuestan la vida.» Que se burlen los locos, que se escandalicen los necios, pero que averigüen los sabios si encontrarán respuesta más juiciosa y que vaya mejor a su fin.
D′abord l′idée d′un besoin naturel & connu de l′enfant détourne celle d′une opération mystérieuse. Les idées accessoires de la douleur & de la mort couvrent celle-là d′un voile de tristesse qui amortit l′imagination & réprime la curiosité ; tout porte l′esprit sur les suites de l′accouchement, & non pas sur ses causes. Les infirmités de la nature humaine, des objets dégoûtants, des images de souffrance, voilà les éclaircissements où mène cette réponse, si la répugnance qu′elle inspire permet à l′enfant de les demander. Par où l′inquiétude des désirs aura-t-elle occasion de naître dans des entretiens ainsi dirigés ? & cependant vous voyez que la vérité n′a point été altérée, & qu′on n′a point eu besoin d′abuser son élève au lieu de l′instruire. En primer lugar la idea de una necesidad natural y conocida del niño aparta de su imaginación la de una operación misteriosa, y las ideas accesorias de dolor y muerte la envuelven en un velo de tristeza que contiene la imaginación y reprime la curiosidad; el espíritu se ocupa en las consecuencias del parto y no en sus causas. Las enfermedades de la naturaleza humana, objeto de repulsión, las imágenes del sufrimiento son las aclaraciones a que conduce esta respuesta si la repugnancia que inspira deja que el niño las pregunte. ¿:Por dónde abrirán paso, ante la inquietud de nacientes deseos, diálogos dirigidos de esta forma? No obstante, ved que no se ha falseado la verdad ni ha sido necesario engañar al alumno en vez de instruirle.
Vos enfants lisent ; ils prennent dans leurs lectures des connaissances qu′ils n′auroient pas s′ils n′avoient point lu. S′ils étudient, l′imagination s′allume et s′aiguise dans le silence du cabinet. S′ils vivent dans le monde, ils entendent un jargon bizarre, ils voient des exemples dont ils sont frappés : on leur a si bien persuadé qu′ils étoient hommes, que dans tout ce que font les hommes en leur présence, ils cherchent aussitôt comment cela peut leur convenir : il faut bien que les actions d′autrui leur servent de modèle, quand les jugements d′autrui leur servent de loi. Des domestiques qu′on fait dépendre d′eux, par conséquent intéressés à leur plaire, leur font leur cour aux dépens des bonnes mœurs ; des gouvernantes rieuses leur tiennent à quatre ans des propos que la plus effrontée n′oseroit leur tenir à quinze. Bientôt elles oublient ce qu′elles ont dit ; mais ils n′oublient pas ce qu′ils ont entendu. Les entretiens polissons préparent les mœurs libertines : le laquais fripon rend l′enfant débauché ; & le secret de l′un sert de garant à celui de l′autre. Vuestros niños leen, y en sus lecturas aprenden conocimientos que si no leyesen no aprenderían. Si estudian, se inflama y aguza la imaginación con el silencio de su cuarto de estudio. Si viven en el mundo, oyen un extraño lenguaje y ven ejemplos que les sorprenden, y tanto les han repetido que eran hombres que todo lo que después hacen los hombres ellos intentan remedarlo; es preciso que les sirvan de pauta las acciones ajenas toda vez que le valen para que no le reproche el juicio ajeno. Los criados que dependen de ellos les halagan a costa de las buenas costumbres, las nodrizas descaradas les dicen cuando sólo tienen cuatro años indecencias que la más cínica no se atrevería a decirles si tuvieran quince. Ellas olvidan pronto lo que han dicho, pero ellos no olvidan lo que oyeron. Las conversaciones indecentes abren el camino del libertinaje, el criado bribón hace al niño disoluto, y el secreto del uno es la garantía del secreto del otro.
L′enfant élevé selon son âge est seul. Il ne connaît d′attachements que ceux de l′habitude ; il aime sa sœur comme sa montre, & son ami comme son chien. Il ne se sent d′aucun sexe, d′aucune espace : l′homme & la femme lui sont également ne rapporte à lui rien de ce qu′ils font ni de ce qu′il sent : il ne le voit ni rie l′entend, ou n′y fait nulle attention ; leurs discours ne l′intéressent pas plus que leurs exemples : tout cela n′est point fait pour lui. Ce n′est pas une erreur artificieuse qu′on lui donne par cette méthode, c′est l′ignorance de la nature. Le temps vient où la même nature prend soin d′éclairer son élève ; & c′est alors seulement qu′elle l′a mis en état de profiter sans risque des leçons qu′elle lui donne. Voilà le principe : le détail des règles n′est pas de mon sujet ; & les moyens que je propose en vue d′autres objets servent encore d′exemple pour celui-ci. El niño educado conforme a su edad, está solo; no conoce otras aficiones que las del hábito, quiere a su hermana lo mismo que a su reloj y como a su perro o su amigo. No siente nada referente al sexo; para él son igualmente extraños el hombre y la mujer; nada de lo que dicen o hacen le afecta, y ni lo ve ni lo oye, o no pone ninguna atención; no le interesan sus ejemplos ni sus razonamientos y nada de ellos le impresiona. Con este método no le inculco un error artificioso, y le dejo en la ignorancia de la naturaleza. Ya llegará el tiempo en que la misma naturaleza despertará a su alumno, y entonces le ha puesto en estado de aprovecharse sin peligro de las lecciones que le da. Este es el principio; no es del caso circunstanciar las reglas, y pueden servir de ejemplo los medios que he propuesto para alcanzar otros objetivos.
Voulez-vous mettre l′ordre & la règle dans les passions naissantes, étendez l′espace durant lequel elles se développent, afin qu′elles aient le tems de s′arranger à mesure qu′elles naissent. Alors ce n′est pas l′homme qui les ordonne, c′est la nature elle-même ; votre soin n′est que de la laisser arranger son travail. Si votre élève étoit seul, vous n′auriez rien à faire ; mais tout ce qui l′environne enflamme son imagination. Le torrent des préjugés l′entraîne : pour le retenir, il faut le pousser en sens contraire. Il faut que le sentiment enchaîne l′imagination, et que la raison fasse taire l′opinion des hommes. La source de toutes les passions est la sensibilité, l′imagination détermine leur pente. Tout être qui sent ses rapports doit être affecte quand ces rapports s′altèrent & j′il en imagine ou qu′il en croit imaginer de plus convenables à sa nature. Ce sont les erreurs l′imagination qui transforment en vices les passions de tous les êtres bornés, même des anges, s′ils en ont ; car il faudroit qu′ils connussent la nature de tous les êtres, pour savoir quels rapports conviennent le mieux à la leur. ¿:Queréis poner orden y regla en las pasiones nacientes? Ensanchad el tiempo durante el cual se desarrollan con el fin de que vayan situándose a medida que van naciendo. Entonces no las coordina el hombre, sino la naturaleza, y vuestra tarea se limita a dejarla que ponga en orden su trabajo. Si vuestro alumno estuviera solo, no habría nada que hacer, pero inflama su imaginación todo lo que le rodea. Se ve arrastrado por el torrente de las preocupaciones, y para retenerle es necesario empujarle en un sentido contrario; que el sentimiento refrene la imaginación y que la razón silencie la opinión de los hombres. La sensibilidad es el manantial de todas las pasiones, y la imaginación determina su corriente. Todo ser que siente sus relaciones debe conmoverse cuando se alteran, y cuando imagina cree que las que imagina se adaptan mejor a su naturaleza. Los errores de la imaginación son los que transforman en vicios las pasiones de los seres limitados, incluso las de los ángeles, si es que los hay, pues para que supiesen qué clase de relaciones se adaptan mejor a su naturaleza deberían conocer las de todos los seres.
Voici donc le sommaire de toute la sagesse humaine dans l′usage des passions : 1. sentir les vrais rapports de l′homme tant dans l′espèce que dans l′individu ; 2. ordonner toutes les affections de l′âme selon ces rapports. He aquí, pues, el compendio de la sabiduría humana con respecto a las pasiones: conocer las verdaderas relaciones del hombre tanto en la especie como en el individuo y coordinar, de conformidad con estas relaciones, todos los afectos del alma.
Mais l′homme est-il maître d′ordonner ses affections selon tels ou tels rapports ? Sans doute, s′il est maître de diriger son imagination sur tel ou tel objet, ou de lui donner telle ou telle habitude. D′ailleurs, il s′agit moins ici de ce qu′un homme peut faire sur lui-même que de ce que nous pouvons faire sur notre élève par le choix des circonstances où nous le plaçons. Exposer les moyens propres à maintenir dans l′ordre de la nature, c′est dire assez comment il en peut sortir. ¿:Pero es dueño el hombre de coordinar sus afectos según sean unas u otras relaciones? Sin duda alguna es dueño de dirigir su imaginación hacia tal o cual objeto, o de imponerle tal o cual costumbre. Además, aquí no tratamos de lo que un hombre pueda hacer por sí mismo, sino de lo que podemos hacer con nuestro alumno, eligiendo las circunstancias para mantenerle en el orden natural, es decir de qué modo puede salir de él.
Tant que sa sensibilité reste bornée à son individu, il n′y a rien de moral dans ses actions ; ce n′est que quand elle commence à s′étendre hors de lui, qu′il prend d′abord les sentiments, ensuite les notions du bien & du mal, qui le constituent véritablement homme & partie intégrante de son espèce. C′est donc à ce premier point qu′il faut d′abord fixer nos observations. Mientras su sensibilidad permanece limitada a sí mismo, no hay nada inmoral en sus acciones; sólo cuando empiezan a extenderse fuera de él, toma primero los afectos y después las nociones del bien y del mal, que le constituyen verdaderamente hombre y parte integrante de su especie. Desde luego que es preciso parar en este primer punto nuestras observaciones,
Elles sont difficiles en ce que, pour les faire, il faut rejeter les exemples qui sont sous nos yeux, & chercher ceux où les développements successifs se font selon l′ordre de la nature. las cuales son dificultosas, puesto que para realizarlas hay que desechar los ejemplos que tenemos a la vista y buscar los sucesivos desarrollos conforme al orden natural.
Un enfant façonné, poli, civilisé, qui n′attend que la puissance de mettre en œuvre les instructions prématurées qu′il a reçues, ne se trompe jamais sur le moment où cette puissance lui survient. Loin de l′attendre, il l′accélère, il donne à son sang une fermentation précoce, il sait quel doit être l′objet de ses désirs, longtemps même avant qu′il les éprouve. Ce n′est pas la nature qui l′excite, c′est lui qui la force : elle n′a plus rien à lui apprendre, en le faisant homme ; il l′étoit par la pensée longtemps avant de l′être en effet. Un niño amoldado, culto, civilizado, que sólo espera la potencia para poner en práctica las instrucciones que ha recibido, nunca se engaña acerca del instante en que le llega esa potencia. En vez de esperarla la acelera, excita en su sangre una fermentación precoz, y mucho antes de sentir deseos sabe cuál debe ser el objetivo de ellos. La naturaleza no le excita, sino que él la fuerza, y nada tiene que enseñarle cuando le hace hombre, puesto que ya lo era por el pensamiento mucho antes de serlo en realidad.
La véritable marche de la nature est plus graduelle & plus lente. Peu à peu le sang s′enflamme, les esprits s′élaborent, le tempérament se forme. Le sage ouvrier qui dirige la fabrique a soin de perfectionner tous ses instruments avant de les mettre en œuvre : une longue inquiétude précède les premiers désirs, une longue ignorance leur donne le change ; on désire sans savoir quoi. Le sang fermente et s′agite ; une surabondance de vie cherche a s′étendre au dehors. L′œil s′anime et parcourt les autres êtres, on commence à prendre intérêt à ceux qui nous environnent, on commence à sentir qu′on n′est pas fait pour vivre seul : c′est ainsi que le cœur s′ouvre aux affections humaines, & devient capable d′attachement. Le premier sentiment dont un jeune homme élevé soigneusement est susceptible n′est pas l′amour, c′est l′amitié. Más lentos y más graduados son los pasos de la naturaleza. Poco a poco se inflama la sangre, se elaboran los espíritus y se forma el temperamento. El inteligente jefe que dirige la fábrica está atento para perfeccionar todos sus instrumentos antes de ponerlos en acción; precede a los primeros deseos una larga inquietud pensando en lo imprevisto y trata de atar todos los cabos. Se agita y fermenta la sangre; procura cierta abundancia de vida a su alrededor. Los ojos se animan y recorren los demás seres; el joven empieza a interesarse por los que tiene cerca y a sentir que no fue formado para vivir solo; de esta forma se abre el corazón a los afectos humanos y se hace capaz de sentir cariño.
Le premier acte de son imagination naissante est de lui apprendre qu′il a des semblables, & l′espèce l′affecte avant le sexe. Voilà donc un autre avantage de l′innocence prolongée : c′est de profiter de la sensibilité naissante pour jeter dans le cœur du jeune adolescent les premières semences de l′humanité : avantage d′autant plus précieux que c′est le seul tems de la vie où les mêmes soins puissent avoir un vrai succès. El primer sentimiento de que un joven es susceptible, cultivado con esmero, no es el amor, sino la amistad. El primer acto de su naciente imaginación consiste en manifestarle que tiene semejantes, y antes que el sexo le mueva lo realiza la especie. Esta es otra utilidad que se saca de prolongar la inocencia; aprovecharse de la naciente sensibilidad con el fin de sembrar en el corazón del joven las primeras semillas de la humanidad. Este beneficio es tanto más hermoso porque es el único tiempo de la vida en que las mismas solicitudes pueden coger óptimos frutos.
J′ai toujours vu que les jeunes gens corrompus de bonne heure, & livrés aux femmes & à la débauche, étoient inhumains & cruels ; la fougue du tempérament les rendoit impatients, vindicatifs, furieux ; leur imagination, pleine d′un seul objet, se refusoit à tout le reste ; ils ne connaissoientni pitié ni miséricorde ; ils auraient sacrifié père, mère, & l′univers entier au moindre de leurs plaisirs. Au contraire, un jeune homme élevé dans une heureuse simplicité est porté par les premiers mouvements de la nature vers les passions tendres & affectueuses : son cœur compatissant s′émeut sur les peines de ses semblables ; il tressaille d′aise quand il revoit son camarade, ses bras savent trouver des étreintes caressantes, ses yeux savent verser des larmes d′attendrissement ; il est sensible à la honte de déplaire, au regret d′avoir offensé. Si l′ardeur d′un sang qui s′enflamme le rend vif, emporté, colère, on voit e moment d′après toute la bonite de son cœur dans l′effusion de son repentir ; il pleure, il gémit sur la blessure qu′il a faite ; il voudrait au prix de son sang racheter celui qu′il a versé ; tout son emportement s′éteint, toute sa fierté s′humilie devant le sentiment de sa faute. Est-il offensé lui-même : au fort de sa fureur, une excuse, un mot le désarme ; il pardonne les torts d′autrui d′aussi bon cœur qu′il répare ces siens. L′adolescence n′est l′âge ni de la vengeance ni de la haine ; elle est celui de la commisération, de la clémence, de la générosité. Oui, je le soutiens &. e crains point d′être démenti par l′expérience, un enfant qui n′est pas mal né, & qui a conservé jusqu′à vingt ans son innocence, est à cet âge le plus généreux, le meilleur, le plus aimant & le plus aimable des hommes. On ne vous a jamais rien dit de semblable ; je le crois bien ; vos philosophes, élevés dans toute la corruption des collèges, n′ont garde de savoir cela. Siempre he visto que los jóvenes estragados desde su temprana edad, y abandonados a las mujeres y a la vida disoluta, eran inhumanos y crueles, impacientes, vengativos y furiosos dada la fogosidad de su temperamento; llena su imaginación de un solo objeto, se negaba a todo lo demás; no conocían compasión ni misericordia y para el más trivial de sus deleites habrían sacrificado padre, madre y el universo entero. Por el contrario, el joven educado con una feliz sencillez, los primeros movimientos de la naturaleza le incitan a las tiernas y afectuosas pasiones; su sensible corazón se conmueve con las penas de sus semejantes, tiene una gran alegría cuando vuelve a ver a su camarada, sus brazos saben estrecharlo con lazos de cariño y sus ojos saben derramar lágrimas de ternura; si desagrada, siente vergüenza, y si ofende, desconsuelo. Si el ardor de una sangre que se inflama le hace vivaz, arrebatado, colérico, descubre después de un instante toda la bondad de su corazón en la lealtad de su arrepentimiento, y llora y gime por la herida que ha causado; querría rescatar a precio de su sangre la que ha vertido; se apaga su furia y su altivez y se humilla ante la conciencia de su falta. ¿:Ha sido él el ofendido? En el ímpetu de su furia, una excusa, una palabra le desarma; perdona los agravios ajenos con tan buena voluntad como repara los suyos. La adolescencia no es la edad de la venganza, ni de la enemistad, sino de la conmiseración, de la clemencia y la generosidad. Lo sostengo, y no creo que la experiencia me desmienta. Un niño que no es de mala índole, y que ha mantenido su inocencia hasta los veinte años, a esta edad es el más espléndido, el mejor, el más amante, y el más amable de los hombres. Creo que nunca os lo han dicho. Educados nuestros filósofos en la corrupción de los colegios, están muy lejos de saber esto.
C′est la faiblesse de l′homme qui le rend sociable ; ce sont nos misères communes qui portent nos cœurs à l′humanité : nous ne lui devrions rien si nous n′étions pas hommes. Tout attachement est un signe d′insuffisance : si chacun de nous n′avait nul besoin des autres, il ne songeroit guère à s′unir à eux. Ainsi de notre infirmité même naît notre frêle bonheur. Un être vraiment heureux est un être solitaire ; Dieu seul jouit d′un bonheur absolu ; mais qui de nous en a l′idée ? Si quelque être imparfoit pouvoit se suffire à lui-même, de quoi jouirait-il selon nous ? Il serait seul, il seroit misérable : je ne conçois pas que celui qui n′a besoin de rien puisse aimer quelque chose : je ne conçois pas que celui qui n′aime rien puisse être heureux. La debilidad del hombre es lo que hace que sea sociable; nuestras comunes miserias son las que excitan nuestros corazones al ser humanos, y nada le deberíamos si no fuéramos hombres. Todo afecto es signo de insuficiencia; si cada uno de nosotros no tuviera necesidad de los demás, jamás pensaría en unirse a ellos. Así, pues, de nuestra misma dolencia nace nuestra frágil dicha. Un ser auténticamente feliz es un ser solitario; sólo Dios disfruta de una felicidad absoluta, ¿:pero quién de nosotros se forma idea de ella? Si cualquier ser imperfecto se pudiera bastar a sí mismo, ¿:de qué disfrutaría? Estaría solo y sería miserable. Yo no comprendo que el que nada necesita pueda amar algo, ni que el que no ama nada pueda ser feliz.
Il suit là que nous nous attachons à nos semblables moins par le sentiment de leurs plaisirs que par celui de leurs peines ; car nous y voyons bien mieux l′identité de notre nature & les garants de leur attachement pour nous. Si nos besoins communs nous unissent par intérêt, nos misères communes nous unissent par affection. L′aspect d′un homme heureux inspire aux autres moins d′amour que d′envie ; on l′accuseroit volontiers d′usurper un droit qu′il n′a pas en se faisant un bonheur exclusif ; & l′amour-propre souffre encore en nous faisant sentir que cet homme n′a nul besoin de nous. Mais qui est-ce qui ne plaint pas le malheureux qu′il voit souffrir ? Qui est-ce qui ne voudroit pas le délivrer de ses maux s′il n′en coûtoit qu′un souhait pour cela ? L′imagination nous met à la place du misérable plutôt qu′à celle de l′homme heureux ; on sent que l′un e ces états nous touche de plus près que l′autre. La pitié est douce, parce qu′en se mettant à la place de celui qui souffre, on sent pourtant le plaisir de ne pas souffrir comme lui. L′envie est amère, en ce que l′aspect d′un homme heureux, loin de mettre l′envieux à sa place, lui donne le regret de n′y pas être. Il semble que l′un nous exempte des maux qu′il souffre, & que l′autre nous ôte les biens dont il jouit. De aquí se deduce que nos aficionamos a nuestros semejantes, no ya por el sentimiento de sus gustos, sino por el de sus penas, porque en ellas vemos mejor la identidad de nuestra naturaleza y la garantía del afecto que nos profesan. Si nuestras necesidades comunes nos unen por interés, nuestras miserias comunes nos unen por afecto. El aspecto de un hombre feliz inspira a los demás menos amor que envidia; de buen grado le acusaríamos de usurpar un derecho que no tiene, gozando de una felicidad exclusiva, pues nuestro amor propio también sufre al hacernos ver que ese hombre no nos necesita. ¿:Pero quién no se apiada del desdichado que ve sufrir? ¿:Quién no le quisiera librar de sus males si fuera suficiente un deseo? La imaginación más nos hace colocar en el puesto del miserable que en el del hombre feliz, y sentimos que el primero nos afecta más que el último. Dulce es la piedad, porque identificándonos con el que padece, sentimos, no obstante, el consuelo de no sufrir como él, y amarga es la envidia, porque el aspecto de un hombre feliz se convierte en una tortura y le desconsuela la mente ajena. El uno parece que nos exime de los males que sufre, y el otro nos priva de los bienes que disfruta.
Voulez-vous donc exciter & nourrir dans le cœur d′un jeune homme les premiers mouvements de la sensibilité naissante, & tourner son caractère vers la bienfaisance & vers la bonté ; n′allez point faire germer en lui l′orgueil, la vanité, l′envie, par la trompeuse image du bonheur des hommes ; n′exposez point d′abord à ses yeux la pompe des cours, le faste des palais, l′attrait des spectacles ; ne le promenez point dans les cercles, dans les brillantes assemblées, ne lui montrez l′extérieur de la grande société qu′après l′avoir mis en état de l′apprécier en elle-même. Lui montrer le monde avant qu′il connaisse les hommes, ce n′est pas le former, c′est le corrompre ; ce n′est pas l′instruire, c′est le tromper. Así, pues, si deseáis excitar y mantener en el corazón de un joven los primeros movimientos de la naciente sensibilidad y encaminar su carácter hacia la beneficencia y la bondad, no hagáis germinar en él el orgullo, la vanidad y la envidia con la engañosa imagen de la felicidad humana; no le mostréis la pompa de las cortes, el fausto de los palacios, los atractivos de los espectáculos; no le llevéis a las tertulias y a las brillantes asambleas, no le mostréis lo exterior de la alta sociedad hasta que le hayáis puesto en estado de que la aprecie por sí mismo. Enseñarle el mundo antes de que conozca a los hombres, no es formarle, sino corromperle, y no es instruirle, sino engañarle.
Les hommes ne sont naturellement ni rois, ni grands, ni courtisans, ni riches ; tous sont nés nus & pauvres, tous sujets aux misères de la vie, aux chagrins, aux maux, aux besoins, aux douleurs de toute espace ; enfin, tous sont condamnés à la mort. Voilà ce qui est vraiment de l′homme ; voilà de quoi nul mortel n′est exempt. Commencez donc par étudier de la nature humaine ce qui en est le plus inséparable, ce qui constitue le mieux l′humanité. Los hombres no son, por naturaleza, ni reyes, ni potentados, ni cortesanos, ni ricos. Todos nacieron desnudos y pobres, sujetos todos a las miserias de la vida, a los pesares, a los males, a las necesidades, a toda clase de dolores; en fin, condenados a muerte. Esto sí que es propio del hombre y de lo que no está exento ningún mortal. Comenzad, pues, estudiando en la naturaleza humana lo que de ella es más inseparable, lo que mejor constituye la humanidad.
À seize ans l′adolescent sait ce que c′est que souffrir ; car il a souffert lui-même ; mais à peine sait-il que d′autres êtres souffrent aussi, le voir sans lie sentir n′est pas le savoir, &, comme je l′ai dit cent fois, l′enfant n′imaginant point ce que comme je l′ai dit cent fois, l′enfant n′imaginant point ce que sentent les autres ne connaît de maux que les siens : mais quand le premier développement des sens allume en lui le feu de l′imagination, il commence à se sentir dans ses semblables, à s′émouvoir de leurs plaintes & à souffrir de leurs douleurs. C′est alors que le triste tableau de l′humanité souffrante doit porter à son cœur le premier attendrissement qu′il ait jamais éprouvé. A los dieciséis años el adolescente ya sabe qué es padecer, porque ya ha padecido, pero apenas sabe que también padecen otros seres, pues verlo sin sentirlo no es saberlo, y, como he repetido infinidad de veces, el niño que no imagina lo que sufren los demás, no conoce otros males que los suyos. Pero cuando el primer desarrollo enciende en él el fuego de la imaginación, comienza a sufrir con sus dolores. Entonces la triste pintura de la humanidad doliente debe despertar en su pecho la primera ternura.
Si ce moment n′est pas facile à remarquer dans vos enfants, à qui vous en prenez-vous ? Vous les instruisez de si bonne heure à jouer le sentiment, vous leur en apprenez sitôt le langage, que parlant toujours sur le même ton, ils tournent vos leçons contre vous-même, & ne vous laissent nul moyen de distinguer quand, cessant de mentir, ils commencent à sentir ce qu′ils disent. Mais voyez mon Émile ; à l′âge où je l′ai conduit il n′a ni senti ni menti. Avant de savoir ce que c′est qu′aimer, il n′a dit à personne : je vous aime bien ; on ne lui a point prescrit la contenance qu′il devoit prendre en entrant dans la chambre de son père, de sa mère, de son gouverneur malade ; on ne lui a point montré l′art d′affecter la tristesse qu′il n′avoit pas. Il n′a feint de pleurer sur la mort de personne ; car il ne sait ce que c′est que mourir. La même insensibilité qu′il a dans le cœur est aussi dans ses manières. Indifférent à tout, hors à lui-même, comme tous les autres enfants, il ne prend intérêt à personne ; tout ce qui le distingue est qu′il ne veut point paraître en prendre, & qu′il n′est pas faux comme eux. Si no es fácil notar este momento en vuestros hijos, ¿:de quién os quejáis? Les enseñáis, muy pronto a fingir afectos, y hacéis que hablen su idioma, y como siempre os expresáis en el mismo estilo, vuelven contra vosotros mismos vuestras lecciones, sin dejaros ningún medio para distinguir cuando cesan de mentir y comienzan a sentir lo que dicen. Pero observad a mi Emilio: desde que le conduzco, no ha sentido ni mentido nunca. Antes de saber qué es amar, a nadie le ha dicho «yo te amo»; no le han dictado la forma de comportarse cuando entra en la habitación de su padre, su madre o su ayo enfermo; no le han enseñado el arte de aparentar la tristeza que no sentía. No ha fingido que lloraba la muerte de nadie, porque ignora qué es morir. La misma insensibilidad que hay en su corazón la tiene también en sus modales. Indiferente para todo, menos para sí, como todos los niños, por nadie se toma interés, y lo que le distingue de los demás es que no aparenta que se lo toma, y no es falso como ellos.
Émile, ayant peu réfléchi sur les êtres sensibles, saura tard ce que c′est que souffrir et mourir. Les plaintes & les cris commenceront d′agiter ses entrailles ; l′aspect du sang qui coule lui fera détourner les yeux ; les convulsions d′un animal expirant lui donneront je ne sais quelle angoisse avant qu′il sache d′où lui viennent ces nouveaux mouvements. S′il étoit resté stupide & barbare, il ne les auroit pas ; s′il étoit plus instruit, il en connoîtroit la source : il a déjà trop comparé d′idées pour ne rien sentir, & pas assez pour concevoir ce qu′il sent. Emilio, habiendo reflexionado poco acerca de los seres sensibles, sabrá tarde lo que es sufrir y morir. Comenzarán los lamentos y los gritos a agitar sus entrañas, la vista de la sangre que se derrama le hará volver los ojos, le harán padecer las convulsiones de un animal moribundo antes que sepa de dónde le vienen estos nuevos sentimientos. Si hubiera permanecido bárbaro y estúpido no los tendría, y si fuese más instruido sabría cuál es su fuente. Ha comparado demasiadas ideas para no sentir nada, y no las suficientes para comprender lo que siente.
Ainsi naît la pitié premier sentiment relatif qui touche le cœur humain selon l′ordre de la nature. Pour devenir sensible & pitoyable, il faut que l′enfant sache qu′il y a des êtres semblables à lui qui souffrent ce qu′il a souffert, qui sentent les douleurs qu′il a senties, & d′autres dont il doit avoir l′idée, comme pouvant les sentir aussi. En effet, comment nous laissons-nous émouvoir à la pitié, si ce n′est en nous transportant hors de nous & nous identifiant avec l′animal souffrant, en quittant, pour ainsi dire, notre être pour prendre le sien ? Nous ne souffrons qu′autant que nous jugeons qu′il souffre ; ce n′est pas dans nous, c′est dans lui que nous souffrons. Ainsi nul ne devient sensible que quand son imagination s′anime et commence à le transporter hors de lui. Pour exciter & nourrir cette sensibilité naissante, pour la guider ou la suivre dans sa pente naturelle, qu′avons-nous onc à faire, si ce n′est d′offrir au jeune homme des objets sur lesquels puisse agir la force expansive de son cœur, qui le dilatent, qui l′étendent sur les autres êtres, qui le fassent partout retrouver hors de lui ; d′écarter avec soin ceux qui le resserrent, le concentrent, & tendent le ressort du moi humain ; c′est-à-dire, en d′autres termes, d′exciter en lui la bonté, l′humanité, la commisération, la bienfaisance, toutes les passions attirantes & douces qui plaisent naturellement aux hommes, & d′empêcher de naître l′envie, la convoitise, la haine, toutes les passions repoussantes & cruelles, qui rendent, pour ainsi dire, la sensibilité non seulement nulle, mais négative, & font le tourment de celui qui les éprouve ? Así nace la piedad, primer sentimiento relativo que mueve al corazón humano, según el orden de la naturaleza. Para volverse piadoso y sensible, es necesario que el niño sepa que hay seres semejantes a él, que sufren lo que ha sufrido, que sientan los dolores que ha sentido, y otros de los que debe tener idea de que también puede sentirlos. Y en efecto, ¿:cómo nos dejamos mover por la compasión si no es trasladándonos fuera de nosotros, identificándonos con el ser que sufre, dejando, por decirlo así, nuestro ser por tomar el suyo? Sólo en cuanto pensamos que él sufre, sufrimos nosotros, y sufrimos en él, no en nosotros. De modo que ninguno se vuelve sensible hasta que se anima su imaginación y comienza a trasladarle fuera de sí mismo. ¿:Qué debemos hacer, en consecuencia, para excitar y mantener esta naciente sensibilidad y para guiarla y seguirla en su natural declive, sino ofrecerle al joven objetos propios para que pueda actuar la fuerza expansiva de su corazón, que le dilaten y le extiendan por los demás seres, que hagan que en todas partes se encuentre fuera de sí, desviar con cuidado los que le sujetan, le reconcentran y ponen tirante el resorte del yo humano? Quiero decir, en términos más claros, excitar en él la bondad, la humanidad, la conmiseración, la beneficencia, todas las atractivas y dulces pasiones que naturalmente placen a los hombres, e impedir que nazcan la envidia, la codicia, el rencor, todas las pasiones repulsivas y crueles que no sólo anulan sino que también destruyen la sensibilidad y son el tormento de quien las sufre.
Je crois pouvoir résumer toutes les réflexions précédentes en deux ou trois maximes précises, claires & faciles à saisir. Creo que puedo resumir todas las reflexiones precedentes en dos o tres máximas precisas, claras y fáciles de comprender.

PREMIERE MAXIME{/H4>

MÁXIMA PRIMERA

Il n′est pas dans le cœur humain de se mettre à la place dos gens qui sont plus heureux que nous, mais seulement do ceux qui sont plus à plaindre. No es propiedad del corazón humano ocupar la plaza de los que son más felices que nosotros, pero sí en el de los que merecen ser compadecidos.
Si l′on trouve des exceptions à cette maxime, elles sont plus apparentes que réelles. Ainsi l′on ne se met pas à la place du riche ou du grand auquel on s′attache ; même en s′attachant sincèrement, on ne fait que s′approprier une partie de son bien-être. Quelquefois on l′aune dans ses malheurs ; mais, tant qu′il prospère, il n′a de véritable ami que celui qui n′est pas la dupe des apparences, et qui le plaint plus qu′il ne l′envie, malgré sa prospérité. Si se hallan excepciones a esta máxima, son más aparentes que reales. Entonces, que nadie usurpe el lugar del rico o del potentado con quien se une, y aún cuando sea sincera esta intimidad, no hace otra cosa que apropiarse de una parte de su bienestar. Algunas veces es amado aquél en su desgracia, pero mientras sigue en la prosperidad no tiene otro amigo verdadero quien sin dejarse llevar por las apariencias, no obstante su prosperidad, más le compadece que le envidia.
On est touché du bonheur de certains états, par exemple de la vie champêtre et pastorale. Le charme de voir ces bonnes gens heureux n′est point empoisonné Par l′envie ; on s′intéresse à eux véritablement. Pourquoi cela ? Parce qu′on se sent maître de descendre à cet état de paix &′innocence, & de jouir de la même félicité ; c′est un pis-aller qui ne donne que des idées agréables, attendu qu′il suffit d′en vouloir jouir pour le pouvoir. Il y a toujours du plaisir à voir ses ressources, à contempler son propre bien, même quand on n′en veut pas user. La felicidad de ciertos estados de la vida pastoral nos conmueve, por ejemplo. La envidia no envenena el encanto de contemplar felices estas buenas gentes y nos interesa verdaderamente. ¿:Por qué? Porque reconocemos que somos árbitros de bajar a este estado de inocencia y serenidad que únicamente nos despierta ideas agradables, y para poder disfrutarle, con querer basta. Siempre complace ver sus recursos, contemplar su propio caudal, aun cuando no se quiera hacer uso de él.
Il suit de là que, pour porter un jeune homme à l′humanité, loin de lui faire a mirer le sort brillant des autres, il faut le lui montrer par les côtés tristes ; il faut le lui faire craindre. Alors, par une conséquence évidente, il doit se frayer une route au bonheur, qui ne soit sur les traces de personne. De aquí se deduce que para inclinar a un joven a que sea humano, en vez de hacer que contemple admirado el brillante destino de los demás, hay que hacérselo ver bajo su aspecto triste, y de este modo hacérselo temer. Luego, por una evidente consecuencia, él mismo se debe abrir un camino para su felicidad, sin seguir las huellas de nadie.

DEUXIEME MAXIME

MÁXIMA SEGUNDA

On ne plaint jamais dans autrui que les maux dont on ne je croit pas exempt soi-même. Únicamente se compadecen en otro aquellos males de los cuales uno no se considera exento.
Non ignara mali, miseris succurrere disco. Non ignara mali, miseris succurrere disco.
Je ne connois rien de si beau, de si profond, de si touchant, de si vrai, que ce vers-là. No conozco nada tan hermoso, tan profundo, conmovedor y verdadero como este verso.
Pourquoi les rois sont-ils sans pitié pour leurs sujets ? c′est qu′il comptent de n′être jamais hommes. Pourquoi les riches sont-ils si durs pour les pauvres ? C′est qu′ils n′ont pas peur de le devenir. Pourquoi la noblesse a-t-elle un si grand mépris pour le peuple ? C′est qu′un noble ne sera jamais roturier. Pourquoi les Turcs sont-ils généralement plus humains, plus hospitaliers que nous ? C′est que, dans leur gouvernement tout à fait arbitraire, la grandeur & la fortune des particuliers étant toujours précaires & chancelantes, ils ne regardent point l′abaissement & la misère comme un état étranger à eux [2] ; chacun peut être demain ce qu′est aujourd′hui celui qu′il assiste. Cette réflexion, qui revient sans cesse dans les romans orientaux, donne à leur lecture je ne sais quoi d′attendrissant que n′a point tout l′apprêt de notre sèche morale. ¿:Por qué no tienen compasión los reyes de sus vasallos? Porque saben que nunca han de ser súbditos. ¿:Por qué son tan duros los ricos con los pobres? Porque no tienen miedo de llegar a serlo. ¿:Por qué desprecia tanto la nobleza a la plebe? Porque nunca un noble será plebeyo. ¿:Por qué generalmente los turcos son más humanos, más hospitalarios que nosotros? Porque como en su gobierno totalmente arbitrario la fortuna y el poder de los particulares son siempre precarios e inseguros, no contemplan el abatimiento y la miseria como un estado que les sea extraño . Mañana puede ser uno lo que hoy es aquél a quien favorece. Esta reflexión, que continuamente se repite en las novelas orientales, les comunica no sé qué ternura que no halla el lector en todos los arreglos de nuestra seca moral.
N′accoutumez donc pas votre élève à regarder du haut de sa gloire les peines des infortunés, les travaux des misérables ; & n′espérez pas lui apprendre à les plaindre, s′il les considère comme lui étant étrangers. Faites-lui bien comprendre que le sort de ces malheureux peut être le sien, que tous leurs maux sont sous ses pieds, que mille événements imprévus & inévitables peuvent l′y plonger d′un moment à l′autre. Apprenez-lui a ne compter ni sur la naissance, ni sur la santé, ni sur les richesses ; montrez-lui toutes les vicissitudes de la fortune ; cherchez-lui les exemples toujours trop fréquents de gens qui, d′un état plus élevé que le sien, sont tombés au-dessous de celui de ces malheureux ; que ce soit par leur faute ou non, ce n′est pas maintenant de quoi il est question ; sait-il seulement ce que c′est que faute ? N′empiétez jamais sur l′ordre de ses connaissances, & ne l′éclairez que par les lumières qui sont à sa portée : il n′a pas besoin d′être fort savant pour sentir que toute la prudence humaine ne peut lui répondre si dans une heure il sera vivant ou mourant ; si les douleurs de la néphrétique ne lui feront point grincer les dents avant la nuit ; si dans un mois il sera riche ou pauvre, si dans un an peut-être il ne ramera point sous pauvre de bœuf dans les galères d′Alger. Surtout n′allez pas lui dire tout cela froidement comme son catéchisme ; qu′il voie, qu′il sente les calamités humaines : ébranlez, effrayez son imagination des périls dont tout homme est sans cesse environné ; qu′il voie autour de lui tous ces abîmes, & qu′à vous les entendre décrire, il se presse contre vous de peur d′y tomber. Nous le rendrons timide & poltron, direz-vous. Nous verrons dans la suite ; mais quant à présent, commençons par le rendre humain ; voilà surtout ce qui nous importe. Pues no acostumbréis a vuestro alumno a que desde el pináculo de su gloria contemple las penas de los afligidos, los afanes de los miserables, ni esperéis enseñarle a que se compadezca si los mira como ajenos. Debéis hacerle comprender que la suerte de estos desventurados puede ser la suya, que todos sus males se pueden repetir en él, que existen mil casos inevitables y no previstos que le pueden sumir en el mismo estado de un momento a otro. Debéis enseñarle a que no mire como estable su cuna, la salud ni las riquezas; hacedle ver todas las vicisitudes de la fortuna, mostradle ejemplos, siempre demasiado frecuentes, que de puestos más encumbrados que el suyo han caído en el abismo más hondo muchos desgraciados; importa muy poco que haya sido por su culpa o no, puesto que ahora no se trata de eso, ya que él no sabe todavía qué cosa es culpa. No excedáis jamás la esfera de sus conocimientos, ni le iluminéis con otras luces que las proporcionadas a su capacidad; no necesita saber mucho para comprender que no le puede asegurar la prudencia humana si dentro de una hora ha de estar vivo o muerto, si antes de que sea de noche el dolor nefrítico no le hará crujir los dientes, si dentro de un mes ha de ser rico o pobre, si dentro de un año estará remando y sufriendo el látigo en una galera argelina. Y todo esto no se lo digáis con frialdad, como si le enseñaseis la doctrina cristiana; debe ver y sentir las calamidades humanas; es preciso remover y atemorizar su imaginación con los peligros que continuamente rodean a todo mortal; debe contemplar en torno suyo abiertas todas estas insondables simas v buscar vuestro amparo al oíros describirlas con el miedo de despeñarse en sus abismos. De este modo le haremos tímido y medroso, diréis. Luego lo veremos, mas por ahora empecemos haciéndole humano, que es lo que más nos importa.

TROISIEME MAXIME

MÁXIMA TERCERA

La pitié qu′on a du mai d′autrui ne se mesure pas sur la quantité de ce mal, mais sur le sentiment qu′on prête à ceux qui le souffrent. La compasión que tenemos del mal ajeno no se mal por la cantidad de este mal, sino por el sentimiento que atribuimos a los que lo padecen.
On ne plaint un malheureux qu′autant qu′on croit qu′il se trouve à plaindre. Le sentiment physique de nos maux est. plus borné qu′il ne semble ; mais c′est par la mémoire qui nous en fait sentir la continuité, c′est par l′imagination qui les étend sur l′avenir, qu′ils nous rendent vraiment a plaindre. Voilà, je pense, une des causes qui nous endurcissent plus aux maux des animaux qu′à ceux des hommes, quoique la sensibilité commune dût également nous identifier avec eux. On ne plaint guère un cheval de charretier dans son écurie, parce qu′on ne présume pas qu′en mangeant son foin il songe aux coups qu′il a reçus & aux fatigues qui l′attendent. On ne plaint pas non plus un mouton qu′on voit paître, quoiqu′on sache qu′il sera bientôt égorgé, parce qu′on juge qu′il ne prévoit pas son sort. Par extension l′on s′endurcit ainsi sur le sort des hommes ; & les riches se consolent du mal qu′ils font aux pauvres, en les supposant assez stupides pour n′en rien sentir. En général je juge du prix que chacun met au bonheur de ses semblables par le cas qu′il paraît faire d′eux. Il est naturel qu′on fasse bon marché du bonheur des gens qu on méprise. Ne vous étonnez donc plus si politiques parlent du peuple avec tant de dédain, ni si la plupart des philosophes affectent de faire l′homme si méchant. Compadecemos a un desdichado tanto como él se cree merecedor creemos que de compasión. Es mas limitado de lo que parece el sentimiento físico de nuestros males, pero por lo que somos verdaderamente dignos de lástima es por el recuerdo que su continuidad nos hace sentir y por la imaginación que los extiende hasta el tiempo venidero. Yo pienso que es una de las causas que nos endurecen con los males de los animales más que con los de los hombres, aunque nos debiera identificar con ellos la común sensibilidad. No nos dolemos de un caballo que está en su caballeriza porque no pensamos que mientras se come el pienso recuerde los palos que ha recibido ni piense en las fatigas que le esperan. No nos dolemos tampoco de un carnero que vemos paciendo aunque sepamos que en breve ha de ser de ollado, puesto que pensamos que no prevé su suerte, este modo nos vamos endureciendo por extensión sobre el destino de los hombres, y los ricos se consuelan del mal que hacen a los jóvenes, y los suponen tan necios que consideran que no sienten el dolor. Yo, generalmente, estimo lo que cada uno aprecia la felicidad de sus semejantes por la atención que les presta. Es un hecho natural el dar poco valor a la dicha de las personas que uno no considera. No es de extrañar que los políticos traten con tanto desdén al pueblo, ni que la mayor parte de los filósofos supongan perverso al hombre.
C′est le peuple qui compose. le genre humain ; ce qui n′est pas peuple est si peu de chose que ce n′est pas la peine de le compter. L′homme est le même dans tous les états :si cela est, les états les plus nombreux méritent le plus de respect. Devant celui qui pense, toutes les distinctions civiles paraissent : il voit les mêmes passions, les mêmes sentiments dans le goujat & dans l′homme illustre ; il n′y discerne que leur langage, qu′un coloris plus ou moins apprêté ; & si quelque différence essentielle les distingue, elle est au préjudice des plus dissimulés. Le peuple se montre tel qu′il est, & n′est pas aimable : mais il faut bien que les gens du monde se déguisent ; s′ils se montroient tels qu′ils sont, ils feroient horreur. Lo que compone el linaje humano es el pueblo; lo que no es pueblo es tan poco que ni vale la pena tenerlo en cuenta. El hombre es el mismo en todas las condiciones, y si es así, las que más suman son las que mayor respeto merecen. A los ojos de un pensador desaparecen todas las distinciones civiles; las mismas pasiones, los mismos sentimientos ve en un sujeto ilustre que en un rústico; solamente distingue el estilo y un colorido con más o menos adornos; si los separa alguna diferencia esencial es en detrimento de los más disimulados. La plebe se muestra tal como es, y no es amable, pero es forzoso que los hombres decentes se disfracen, pues si se dejasen ver tal como son causarían horror.
Il y a, disent encore nos sages, même dose de bonheur & de peine dans tous les états : maxime aussi funeste qu′insoutenable : car, si tous sont également heureux, qu′ai-je besoin de m′incommoder pour personne ? Que chacun reste comme il est : que l′esclave soit maltraité, que l′infirme souffre, que le gueux périsse ; il n′y a rien a gagner pour eux à changer d′état. Ils font l′énumération des peines du riche, et montrent l′inanité de ses vains plaisirs : quel grossier sophisme ! les peines du riche ne lui viennent point de son état, mais de lui seul, qui en abuse. Fût-il plus malheureux que le pauvre même, il n′est point à plaindre, parce que ses maux sont tous son ouvrage, & qu′il ne tient qu′a lui d′être heureux. Mais la peine du misérable lui vient des choses, de la rigueur du sort qui s′appesantit sur lui. Il n′y a point d′lui puisse ôter le sentiment physique de la fatigue, de l′épuisement, de la faim : le bon esprit ni la sagesse ne servent de rien pour l′exempter des maux de son état. Que gagne épictète de prévoir que son maître va lui casser la jambe ? la lui casse-t-il moins pour cela ? il a par-dessus son mal le mal de la prévoyance. Quand le peuple seroit aussi sensé que nous le supposons stupide, que pourrait-il être autre que ce qu′il est ? que pourroit-il faire autre que ce qu′il ait ? étudiez les gens pour ordre, vous verrez que, sous un autre langage, ils ont autant d′esprit et plus de bon sens que vous. Respectez donc votre espèce ; songez qu′elle est composée essentiellement de la collection des peuples ; que, quand tous les rois et tous les philosophes en seroient ôtés, il n′y paroîtroit guère, & que les choses n′en iroient pas plus mal. En un mot, apprenez à votre élève à aimer tous les hommes, et même ceux qui les déprisent faites en sorte qu′il ne se place dans aucune classe, mais qu′il se retrouve dans toutes ; parlez devant lui du genre humain avec attendrissement, avec pitié même, mais jamais avec mépris. Homme, ne déshonore point l′homme. Según dicen nuestros sabios hay la misma dosis de pena y de bienestar en todas las condiciones. Una máxima tan absurda como imposible de sostener, porque si todos somos felices en un mismo grado, ¿:qué necesidad tengo yo de incomodarme por nadie? Que se quede cada uno como está. Maltraten al esclavo, perezcan el enfermo y el desvalido puesto que nada consiguen con mudar de estado. Hacen una enumeración de las penas del rico y manifiestan la vaciedad de sus placeres. ¡Qué sofisma tan torpe! Las penas del rico no provienen de su estado, sino de sí mismo, que abusa de su condición. Aunque fuera todavía más desventurado que el pobre, no sería digno de compasión, puesto que todos sus males provienen de su actuación y el ser feliz está en su mano, pero las penalidades del miserable le vienen de las cosas, del rigor con que la suerte le trata. No existe ninguna costumbre capaz de quitarle el sentimiento físico de la fatiga, del desfallecimiento y del hambre; ni el entendimiento recto ni la sabiduría son suficientes para eximirle de los males de su estado. ¿:Qué adelanta Epicteto con prever que su amo le va a romper una pierna? ¿:Deja de rompérsela por eso? Con su mal se une el de la previsión. Aunque la plebe tan inteligente como estúpida la suponemos, ¿:qué otra cosa pudiera ser distinta de lo que es? ¿:Qué otra cosa pudiera hacer que lo que hace? Realizad un estudio sobre las personas de esta clase y os daréis cuenta de que con otras formas poseen tanta perspicacia y más razón que vosotros. Debéis respetar a vuestra especie; considerad que de un modo esencial consta de la colección de pueblos, y que aun cuando se quitaran de ellos todos los reyes y todos los filósofos, poco se notaría su falta y no iría peor el mundo. En una palabra, enseñad a vuestro alumno a amar a todos los hombres, hasta a los que lo desdeñen; procurad que no se limite a ninguna clase, sino que se encuentre en todas; hablad en su presencia con ternura del género humano y a veces con lástima, pero nunca con desprecio. Hombre, no deshonres al hombre.
C′est par ces routes & d′autres semblables, bien contraires a celles qui sont frayées, qu′il convient de pénétrer dans le cœur d′un jeune adolescent pour y exciter les premiers mouvements de la nature, le développer & l′étendre sur ses semblables ; à quoi j′ajoute qu′il importe de mêler a ces mouvements le moins d′intérêt personnel qu′il est possible ; surtout point de vanité, point d′émulation, point de gloire, point de ces sentiments qui nous forcent de nous comparer aux autres ; car ces comparaisons ne se font jamais sans quelque impression de haine contre ceux qui nous disputent la préférence, ne fût-ce que dans notre propre estime. Alors il faut s′aveugler ou s′irriter, être un méchant ou un sot : tâchons d′éviter cette alternative. Ces passions si dangereuses naîtront tôt ou tard me dit-on, malgré nous. je ne le nie pas : chaque chose à′son tems & son lieu ; je dis seulement qu′on ne doit pas leur aider à naître. Por éstas y otras semejantes veredas, bien opuestas a las trilladas, es conveniente introducirse en el corazón del adolescente para excitar en él los primeros movimientos de la naturaleza, para desenvolvérselo y dilatársele respecto a sus semejantes. También importa mucho que con estos movimientos vaya mezclado cuanto menos interés personal sea posible, especialmente ni vanidad, ni emulación, ni vanagloria ninguna de aquellos afectos que nos obligan a compararnos con los demás, puesto que nunca se verifican estas comparaciones sin cierta impresión contra aquellos que, aunque no sea más que en nuestra estimación propia, nos disputan la preferencia. Entonces es obligado cegarse o enojarse, ser tonto o perverso, y por lo tanto debemos evitar esta alternativa. Dicen que tarde o temprano se han de encender estas peligrosas pasiones, aunque sea a pesar nuestro. Esto no lo niego, ya que cada cosa tiene su tiempo y lugar; solamente digo que no debemos contribuir a su nacimiento.
Voilà l′esprit de la méthode qu′il faut se prescrire. Ici les exemples & les détails sont inutiles, parce qu′ici commence la division presque infinie des caractères, et que chaque exemple que je donnerois ne conviendroit pas peut-être à un sur cent mille. C′est à cet âge aussi que commence, dans l′habile maître, la véritable fonction de l′observateur & du philosophe, qui sait l′art de sonder les cœurs en travaillant à les former. Tandis que le jeune homme ne songe point encore à se contrefaire, & ne l′a point encore appris, à chaque objet qu′on lui présente on voit dans son air, dans ses yeux, dans son geste, l′impression qu′il en reçoit : on lit sur son visage tous les mouvements de son âme ; à force de les épier, on parvient à les prévoir, & enfin à les diriger. Este es el espíritu del método que conviene prescribir. Aquí son inútiles los ejemplos detallados, porque empieza ya la división casi infinita de caracteres, y cada ejemplo que yo diese tal vez no convendría uno entre cien mil. A esta edad empieza también en el maestro hábil la verdadera función de observador y de filósofo, que sabe el arte de sondear los corazones mientras se afana en formarlos. Mientras todavía no piense en disfrazarse, puesto que aún no lo ha aprendido el joven, a cada objeto que le presentan se advierte en su ademán, en sus ojos, en sus acciones, la impresión que le produce; en su semblante se leen todos los movimientos de su alma, y observándolos se consigue preverlos y finalmente dirigirlos.
On remarque en général que le sang, les blessures, les cris, les gémissements, l′appareil des opérations douloureuses, & tout ce qui porte aux sens des objets de souffrance, saisit plus tôt & plus généralement tous les hommes. L′idée de destruction, étant plus composée, ne frappe pas de même ; l′image de la mort touche plus tard & plus faiblement, parce que nul n′a par devers soi l′expérience de mourir : il faut avoir vu des cadavres pour sentir les angoisses des agonisants. Mais quand une fois cette image s′est bien formée dans notre esprit, il n′y a point de spectacle plus horrible à nos yeux, soit à cause de l′idée de destruction totale qu′elle donne alors par les sens, soit parce que, sachant que ce moment est inévitable pour tous les hommes, on se sent plus vivement affecté d′une situation à laquelle on est sûr de ne pouvoir échapper. Ces impressions diverses ont leurs modifications & leurs degrés, qui dépendent du caractère particulier de chaque individu & de ses habitudes antérieures ; mais elles sont universelles, & nul n′en est tout à fait exempt. Il en est de plus tardives & de moins générales, qui sont plus propres aux âmes sensibles ; ce sont celles qu′on reçoit des peines morales, des douleurs internes, des afflictions, des langueurs, de la tristesse. Il y a des gens qui ne savent être émus que par des cris & des pleurs ; les longs & sourds gémissements d′un cœur serré de détresse ne leur ont jamais arraché des soupirs ; jamais l′aspect d′une contenance abattue, d′un visage hâve et plombé, d′un œil éteint & qui ne peut plus pleurer, ne les fit pleurer eux-mêmes, les maux de l′âme ne sont rien pour eux : ils sont jugés, la leur ne sent rien ; n′attendez d′eux que rigueur inflexible, endurcissement, cruauté. Ils pourront être intègres & justes jamais cléments, généreux, pitoyables. je dis qu′ils pourront être justes, si toutefois un homme peut l′être quand il n′est pas miséricordieux. Puede verse que generalmente la sangre, las heridas, los gritos, los gemidos, el aparato de las operaciones dolorosas, y todo cuanto transmite a los sentidos objetos que sufren, sobrecoge más pronto y de modo general a todos los hombres. Como la idea de destrucción es más compleja, no produce la misma impresión; más tarde y con menos vigor surge la idea de la muerte, pero porque nadie ha hecho la experiencia -de morir es preciso haber visto cadáveres para sentir las congojas de los agonizantes. Pero cuando ya se ha formado bien en nuestro ánimo esta imagen, no existe espectáculo más horrible a nuestros ojos, sea a causa de la idea que entonces presenta a los sentidos, o porque sabiendo que es inevitable este instante para todos, uno se siente más vivamente alterado con una situación de la cual está seguro que no podrá menos de ser la suya algún día. Estas impresiones diversas tienen sus modificaciones y sus grados, que dependen del carácter particular de cada individuo y de sus anteriores costumbres, pero son universales y nadie está totalmente exento de ellas. Hay unas que son más tardías y menos generales, más propias de los animales sensibles; éstas son las que se reciben de las penas morales, de los dolores internos, de las aflicciones, de las largas pesadumbres y de la tristeza. Hay hombres que por los gritos y llantos se conmueven, pero nunca les hicieron ni suspiros los sordos e intensos sollozos de un pecho castigado por el sufrimiento, ni nunca un andar vencido, un rostro enfermizo, unos ojos que sólo ven a través de sus lágrimas... Para ellos las penas del alma nada significan, nada siente la suya, no esperéis más que un rigor inflexible, dureza de corazón y crueldad. Podrán ser íntegros y justos, pero nunca clementes, generosos y piadosos. Digo que podrán ser ,justos, si es posible que lo sea el hombre que carece de misericordia.
Mais ne vous pressez pas de juger les jeunes gens par cette règle, surtout ceux qui, ayant été élevés comme ils doivent l′être, n′ont aucune idée des peines morales qu′on ne leur a jamais fait éprouver, car, encore une fois, ils ne peuvent plaindre que les maux qu′ils connaissent ; & cette apparente insensibilité, qui ne vient que de l′ignorance, se change bientôt en attendrissement, quand ils commencent à sentir qu′il y a dans la vie humaine mille douleurs qu′ils ne connoissoient pas. Pour mon Émile, s′il a eu de la simplicité & du bon sens dans son enfance, je suis bien sûr qu′il aura de l′âme & de la sensibilité dans sa jeunesse ; car a vérité des sentiments tient beaucoup à la justesse des idées. Sin embargo, no os apresuréis a juzgar a los jóvenes por esta regla, especialmente a los que educados como deben serlo no tienen ninguna idea de las penas morales que nunca han sufrido, porque repito que sólo pueden compadecer los males que conocen, y esta aparente insensibilidad, que procede de la ignorancia, se convierte en ternura tan pronto como empiezan a sentir que en la vida humana se dan mil sufrimientos que no conocían. En lo que se refiere a mi Emilio, debido que en su niñez haya tenido sencillez y recto discerní miento, estoy seguro de que tendrá sensibilidad y alma cuando sea mayor, porque la verdad de los afectos tiene una conexión íntima con las ideas justas.
Mais pourquoi le rappeler ici ? Plus d′un lecteur me reprochera sans doute l′oubli de mes premières résolutions & du bonheur constant que j′avais promis à mon élève. Des malheureux, des mourants, des spectacles de douleur & de misère ! quel bonheur, quelle jouissance pour un jeune cœur qui naît à la vie ! Son triste instituteur, qui lui destinoit une éducation si douce, ne le fait naître que pour souffrir. Voilà ce qu′on dira : que m′importe ? j′ai promis de le rendre heureux, non de faire qu′il parût l′être. Est-ce ma faute si, toujours dupe de l′apparence, vous la prenez pour la réalité ? ¿:Pero por qué hemos de recordarlo aquí? Habrá más de un lector que me reprochará que yo olvido mi resolución primera y que he permitido a mi alumno unta constante felicidad. A los desgraciados, agonizantes espectáculos de miseria y dolor, qué felicidad, qué deleites para un corazón que empieza a vivir. Su triste instructor, que le dedicaba tan plácida educación, sólo lo ha hecho nacer para que sufra. Ante esto dirán: «¿:Y qué me importa?». Hacerle feliz es lo que yo he prometido, y no que sólo lo pareciese. ¿:Es culpa mía si engañados siempre por las apariencias creéis que es realidad?
Prenons deux jeunes gens sortant de la première éducation & entrant dans le monde par deux portes directement opposées. L′un monte tout à coup sur l′Olympe & se répand dans la plus brillante société ; on le mène à la cour, chez les grands, chez les riches, chez les jolies femmes. Je le suppose fêté partout, & je n′examine pas l′effet de cet accueil sur sa raison ; je suppose qu′elle y résiste. Les plaisirs volent au-devant de lui, tous les jours de nouveaux objets l′amusent ; il se livre à tout avec un intérêt qui vous séduit. Vous le voyez attentif, empressé, curieux ; sa première admiration vous frappe ; vous l′estimez content : mais voyez l′état de son âme ; vous croyez qu′il jouit ; moi, je crois qu′il souffre. Consideremos a los jóvenes cuando han terminado su primera educación y entran en el mundo por dos puertas opuestas. El uno se encarama al Olimpo de repente y se introduce en la sociedad irás lucida, le llevan a la corte, a las casas de los ricos y de las bellas damas. Supongo que en todas partes lo obsequian, pero no me fijo en el efecto que estos agasajos imprimen en su corazón, y quiero que los resista. Los deleites vuelan hacia su encuentro, cada día le divierten objetos nuevos y se entrega a todo con un interés que cautiva.. Veis que está atento, diligente y curioso; os impresiona su admiración, la situación de su alma, creéis que goza y yo creo que sufre.
Qu′aperçoit-il d′abord en ouvrant les yeux ? des multitudes de prétendus biens qu′il ne connoissoit pas, & dont la plupart, n′étant qu′un moment à sa portée, ne semblent se montrer à lui que pour lui donner le regret d′en être privé. Se promène-t-il dans un palais, vous voyez à son inquiète curiosité qu′il se demande pourquoi sa maison paternelle n′est pas ainsi. Toutes ses questions vous disent qu′il se compare sans cesse au maître de cette maison, & tout ce qu′il trouve de mortifiant pour lui dans ce parallèle aiguise sa vanité en la révoltant. S′il rencontre un jeune homme mieux mis que lui, je le vois murmurer en secret contre l′avarice de ses parents. Est-il plus paré qu′un autre, il a la douleur de voir cet autre l′effacer ou par sa naissance ou par son esprit, & toute sa dorure humiliée devant un simple habit de drap. Brille-t-il seul dans une assemblée, s′élève-t-il sur la pointe du pied pour être mieux vu ; qui est-ce qui n′a pas une disposition secrète à rabaisser l′air superbe & vain d′un jeune fat ? Tout s′unit bientôt comme de concert ; les regards inquiétants d′un homme grave, les mots railleurs d′un caustique ne tardent pas d′arriver jusqu′à lui ; &, ne fût-il dédaigné que d′un seul homme, le mépris de cet homme empoisonne à l′instant les applaudissements des autres. ¿:Qué es lo primero que ve al abrir los ojos? Una serie de pretendidos bienes que no conocía, cuya mayor parte sólo están a su disposición un instante, y parece que se le muestran para que le cause más desconsuelo su privación. Si se pasea en un palacio, su inquieta curiosidad hace que se enoje en su interior debido a que no es como ese palacio la casa de sus padres. Todas sus preguntas inducen a entender que de un modo continuo se compara con el amo de esta casa, y todo lo que le demuestra su inferioridad irrita y aumenta su vanidad. Si ve un joven mejor vestido que él, observo que murmura de la avaricia de sus padres. ¿:Lleva él ropa de mayor precio? Tiene el sentimiento de ver que otro le eclipsa por su cuna o por su ingenio, y que sus ropas desmerecen al lado de un vestido de paño común. ¿:Es él solo quien brilla en una tertulia? ¿:Se pone de puntillas para que le vean mejor? ¿:Quién no siente una secreta disposición a censurar el afán de un mozuelo presumido? Pronto se confabula todo; le inquietan las miradas de un hombre grave, no tardan en llegar a sus oídos las burlas de un burlón mordaz, y aunque sólo uno le desdeñase, el menosprecio de éste envenenaría al momento los aplausos de los demás.
Donnons-lui tout prodiguons-lui les agréments, le mérite ; qu′il soit bien fait, plein d′esprit, aimable : il sera recherche des femmes ; mais en le recherchant avant qu′il les aime, elles le rendront plutôt fou qu′amoureux : il aura de bonnes fortunes ; mais il n′aura ni transports ni passion pour les goûter. Ses désirs toujours prévenus, n′ayant jamais le tems de naître, au sein des plaisirs il ne sent que l′ennui de la gêne : le sexe fait pour le bonheur du sien le dégoûte & le rassasie même avant qu′il le connaisse ; s′il continue à le voir, ce n′est plus que par vanité ; et quand il s′y attacheroit par un goût véritable, il ne sera pas seul jeune, seul brillant, seul aimable, & ne trouvera pas toujours dans ses maîtresses des prodiges de fidélité. Podemos concedérselo todo, no le regateemos el mérito ni las gracias; que sea buen mozo, agudo, amable, obsequiado por las mujeres, pero como le obsequian antes de que él las quiera, más fácil será que enloquezca que no que se enamore; tendrá aventuras, pero no ardor ni pasión para disfrutar de ellas. Siempre adivinados sus deseos, sin tener nunca tiempo para que lleguen los deleites, sólo siente el freno, y el sexo destinado a hacer feliz al suyo le harta y fastidia antes de conocerlo; si sigue tratándolo no es más que por vanidad, y aun cuando sintiese verdadera afición, no sería el único joven, el único brillante, el único amable, ni serán siempre sus amadas prodigios de fidelidad.
Je ne dis rien des tracasseries, des trahisons, des noirceurs, des repentirs de toute espèce inséparables d′une pareille vie. L′expérience du monde en dégoûte, on le sait ; je ne parle que des ennuis attachés à la première illusion. No digo nada de los chismes alevosos, las insolencias y todo género de pesares imprescindibles en una vida semejante. La experiencia del mundo le fastidia y sólo habla de los quebrantos relacionados con la primera ilusión.
Quel contraste pour celui qui, renfermé jusqu′ici dans le sein de sa famille & de ses amis, s′est vu l′unique objet de toutes leurs attentions, d′entrer tout à coup dans un ordre de choses où il est compté pour si peu ; de se trouver comme noyé dans une sphère étrangère, lui qui fit si longtemps le centre de la sienne ! Que d′affronts, que d′humiliations ne faut-il pas qu′il essuie, avant de perdre, parmi les inconnus, les préjugés de son importance pris & nourris parmi les siens ! Enfant, tout lui cédait, tout s′empressoit autour de lui : jeune homme, il faut qu′il cède à tout le monde ; ou pour peu qu′il s′oublie & conserve ses anciens airs, que de dures leçons vont le faire rentrer en lui-même ! L′habitude d′obtenir aisément les objets de ses désirs le porte à beaucoup désirer, & lui fait sentir des privations continuelles. Tout ce qui le flatte le tente ; tout ce que d′autres ont, il voudrait l′avoir : il convoite tout, il porte envie à tout le monde, il voudroit dominer partout ; la vanité le ronge, l′ardeur des désirs effrénés enflamme son jeune cœur ; la jalousie & la haine y naissent avec eux ; toutes les passions dévorantes y prennent à la fois leur essor ; il en porte l′agitation dans le tumulte du monde ; il la rapporte avec lui tous les soirs ; il rentre mécontent de lui & des autres ; il s′endort plein de mille vains projets, troublé de mille fantaisies, & son orgueil lui peint jusque dans ses songes les chimériques biens dont le désir le tourmente, & qu′il ne possédera de sa vie. Voilà votre élève ! Voyons le mien. Qué contraste para el que, aislado al lado de su familia y entre sus amigos, ve que él es el único objeto de todas sus atenciones, se mete de repente en un orden de cosas en el que se le tiene en tan poco y se encuentra como oprimido en una esfera extraña, él que por tanto tiempo fue el centro de la suya. ¡Cuántas afrentas, cuántos desaires ha de sufrir antes de que supere entre los extraños las preocupaciones de su mucha valía, que le inspiraron y le alimentaron los suyos! Cuando era niño, todo se le sometía, todo le llegaba conforme a su voluntad; joven, tiene que ceder a todo el mundo, y si se descuida un poco y conserva sus antiguos modales, ¡con qué duras lecciones se va a encontrar! El hábito de alcanzar con facilidad el objeto de sus deseos le incita a desear mucho, lo que es causa de privaciones continuas. Todo lo que es de su agrado le absorbe, lo que tienen los otros quisiera tenerlo él, lo codicia todo, a todo el mundo envidia y en todas partes quisiera dominar porque le roe la vanidad; en su corazón se engendran el rencor y los celos; de común acuerdo toman vuelo todas las voraces pasiones, la agitación le acompaña y le sigue todas las noches a su morada, en la que entra descontento de sí mismo y de los demás. Se duerme con cien vanos proyectos, desasosegado con mil fantasías, y hasta en sus sueños le retrata su soberbia los ilusorios bienes, cuyo deseo le acongoja y que no ha de poseer en su vida. Este es vuestro alumno. Veamos el mío.
Si le premier spectacle qui le frappe est un objet de tristesse, le premier retour sur lui-même est un sentiment de plaisir. En voyant de combien de maux il est exempt, il se sent plus heureux qu′il ne pensoit l′être. Il partage les peines de ses semblables ; mais ce partage est volontaire & doux. Il jouit à la fois de la pitié qu′il a pour leurs maux, & du bonheur qui l′en exempte ; il se sent dans cet état de force qui nous étend au delà de nous, & nous fait porter ailleurs l′activité superflue à notre bien-être. Pour plaindre le mal d′autrui, sans doute il faut le connaître, mais il ne faut pas le sentir. Quand on a souffert, ou qu′on craint de souffrir, on plaint ceux qui souffrent ; mais tandis qu on souffre, on ne plaint que soi si, tous étant assujettis aux misères de la vie, nul n′accorde aux autres que la sensibilité dont il n′a pas actuellement besoin pour lui-même, il s′ensuit que la commisération doit être un sentiment très doux, puisqu′elle dépose en notre faveur, & qu′au contraire un homme dur est toujours malheureux, puisque l′état de son cœur ne lui laisse aucune sensibilité surabondante qu′il puisse accorder aux peines d′autrui. Nous jugeons trop du bonheur sur les apparences nous le supposons il est le moins ; nous le cherchons où il ne sauroit être : la gaîté n′en est qu′un signe très équivoque. Un homme gai n′est souvent qu′un infortuné qui cherche à donner le change aux autres & à s′étourdir lui-même. Ces gens si riants, si ouverts, si sereins dans un cercle, sont presque tous tristes & grondeurs chez eux, & leurs domestiques portent la peine de l′amusement qu′ils donnent à leurs sociétés. Le vrai contentement n′est ni gai ni folâtre ; jaloux d′un sentiment si doux, en le goûtant on y pense, on le savoure, on craint de l′évaporer. Un homme vraiment heureux ne parle guère & ne rit guère ; il resserre, pour ainsi dire, bonheur autour de son cœur. Les jeux bruyants, la turbulente joie, voilent les dégoûts & l′ennui. Mais la mélancolie est amie de la volupté : l′attendrissement & les larmes accompagnent les plus douces jouissances, & l′excessive joie elle-même arrache plutôt des pleurs que des cris. Si un asunto triste es el primer espectáculo que le impresiona, en cuanto vuelva en sí lo primero que siente le produce contento. Al darse cuenta del número de males de que está exento siente que es más feliz de lo que creía. Participa de las penas de sus semejantes, pero esta participación es voluntaria y suave. A un mismo tiempo disfruta de la compasión que siente por sus males y de la dicha que disfrutan; se encuentra en aquel estado de fuerza que nos lleva más allá de nosotros y hace que coloquemos en otra parte la superflua actividad para nuestro bienestar. Sin duda, para dolerse del mal ajeno, es preciso conocerlo, pero no sentirlo. Quien ha padecido o teme padecer se duele de los que padecen, pero el que está padeciendo sólo se duele de sí mismo. Pero cuando están todos sujetos a las miserias de la vida, se deduce que debe ser muy suave la conmiseración, porque se manifiesta en favor nuestro, y, por él contrario, siempre es desventurado un hombre duro, pues su corazón no le deja ninguna sensibilidad sobrante que pueda conceder a los duelos ajenos. Juzgamos demasiado sobre la felicidad por sus apariencias; la suponemos donde menos la hay, la buscamos donde no puede estar, pues la alegría es una señal muy equívoca de la dicha. Muchas veces un hombre alegre es un desgraciado que procura confundir a los demás y engañarse a sí mismo. Estas personas tan risueñas, tan despejadas, tan serenas entre una concurrencia, casi todas son tristes y regañonas en su casa, y sus criados pagan la diversión con que han distraído a sus amistades. El verdadero contento no es alegre ni bullicioso; celoso de tan suave afecto, quien lo disfruta piensa en él, lo saborea y teme que se le evapore. Un hombre verdaderamente feliz habla poco, ríe menos y concentra, por decirlo así, la felicidad en torno de su corazón. Los juegos estrepitosos, la turbulenta alegría encubren el tedio y los desabrimientos, pero la melancolía es amante de las suaves delicias; a los gustos más dulces los acompañan la ternura y las lágrimas, y hasta el gozo excesivo antes saca llantos que risa.
Si d′abord la multitude & la variété des amusements paraissent contribuer au bonheur, si l′uniformité d′une vie égale paraît d′abord ennuyeuse, en regardant mieux, on trouve, au contraire, que la plus douce habitude de l′âme consiste dans une modération de jouissance qui laisse peu de prise au désir & au dégoût, L′inquiétude des désirs produit la curiosité, l′inconstance : le vide des turbulents plaisirs produit l′ennui. On ne s′ennuie jamais de son état quand on n′en connaît point de plus agréable. De tous les hommes du monde, les sauvages sont les moins curieux & les moins ennuyés ; tout leur est indifférent : ils ne jouissent pas des choses, mais d′eux ; ils passent leur vie à ne rien faire, & ne s′ennuient jamais. Si a primera vista parece que contribuyen a la felicidad la variación y el gran número de pasatiempos, y que una vida siempre igual debe aburrir; si lo miramos con mayor atención hallamos que, por el contrario, el hábito más suave del ánimo consiste en una moderación de goces que deja poco sitio al deseo y al hastío. La inquietud de los deseos engendra la curiosidad y la inconstancia, y el vacío de los deleites turbulentos produce el aburrimiento. Nunca se aburre de su estado quien no conoce otro mejor. Los salvajes son los menos curiosos y los que menos se aburren de cuantos hombres hay en el mundo; para ellos todo es indiferente y no gozan de las cosas, sino de sí mismos; pasan la vida sin hacer nada y nunca se aburren.
L′homme du monde est tout entier dans son masque. N′étant presque jamais en lui-même, il y est toujours étranger, & mal à son aise quand il est forcé d′y rentrer. Ce qu′il est n′est rien, ce qu′il paraît est tout pour lui. El hombre de mundo está entero en su fingimiento. Como casi nunca está solo consigo mismo, es un extraño para sí, y no se halla a gusto cuando se ve forzado a entrar en su interior. Para este hombre lo que él es no es nada, y lo extraño a él lo es todo.
Je ne puis m′empêcher de me représenter, sur le visage du jeune homme dont j′ai parlé ci-devant, je ne sais quoi d′impertinent, de doucereux, d′affecté, qui déplaît, qui rebute les gens unis, & sur celui-ci du mien, une physionomie intéressante et simple, qui montre le contentement, la véritable sérénité de l′âme, qui inspire l′estime, la confiance ? & qui semble n′attendre que l′épanchement de l′amitié pour donner la sienne à ceux qui l′approchent. On croit que la physionomie n′est qu′un simple développement de traits déjà marqués par la nature. Pour moi, je penserais qu′outre ce développement, les traits du visage d′un homme viennent insensiblement à se former & prendre de la physionomie par l′impression fréquente & habituelle de certaines affections de l′âme. Ces affections se marquent sur le visage, rien n′est plus certain ; & quand elles tournent en habitude, elles y doivent laisser des impressions durables. Voilà comment je conçois que la physionomie annonce le caractère, & qu′on peut quelquefois juger de l′un par l′autre, sans aller chercher des explications mystérieuses qui supposent des connaissances que nous n′avons pas. No puedo menos de imaginar, viendo el rostro del joven de quien antes he hablado, un no sé qué de importuno, de melindroso y afectado que desagrada, que repugna a las personas llanas, y en el mío una interesante y cándida fisonomía, que demuestra contento y verdadera serenidad del ánimo, que inspira confianza y parece que sólo espera los desahogos de la amistad para brindar los que se le acercan. Hay muchos que creen que el rostro es el desarrollo de los contornos que ya ha bosquejado la naturaleza. Yo mejor creo que además de ese desarrollo se va formando de una manera insensible y adquieren fisonomía los rasgos del semblante humano con la frecuente y habitual impresión de ciertas afecciones del ánimo. Estas afecciones quedan señaladas en el rostro, lo que es completamente cierto; cuando se convierten en hábitos, dejan en él impresiones duraderas. De esta manera yo concibo que la fisonomía es el anuncio del carácter, y que alguna vez podemos juzgar de éste por aquélla, sin metamos en misteriosas explicaciones que suponen conocimientos de que carecemos.
Un enfant n′a que deux affections bien marquées, la joie & la douleur : il rit ou il pleure ; les intermédiaires ne sont rien pour lui ; sans cesse il passe de l′un de ces mouvements à l′autre. Cette alternative continuelle empêche qu′ils ne fassent sur son visage aucune impression constante, & qu′il ne prenne de la physionomie : mais dans l′âge où, devenu plus sensible, il est plus vivement, ou plus constamment affecté, les impressions plus profondes laissent des traces plus difficiles à détruire ; & de l′état habituel de l′âme résulte un arrangement de traits que le tems rend ineffaçables. Cependant il n′est pas rare de voir des hommes changer de physionomie à différents âges. J′en ai vu plusieurs dans ce cas ; & j′ai toujours trouvé que ceux que j′avois pu bien observer & suivre avoient aussi changé de passions habituelles. Cette seule observation, bien confirmée, me paroîtroit décisive, & n′est pas déplacée dans un traité d′éducation, où il importe d′apprendre à juger des mouvements de l′âme par les signes extérieurs. Un niño tiene solamente dos afecciones bien marca- das: el placer y el dolor, se ríe o llora y no hay términos medios para él, pues continuamente pasa de uno de estos estados a otro. Esta alternativa continua priva de que hagan en su rostro ninguna impresión constante y de que adquiera expresión, pero en la edad en que es más sensible se conmueve con mayor viveza y constancia y las impresiones, ya más profundas, dejan huellas que se borran con gran dificultad, y resulta del estado habitual del ánimo unos rasgos que ya son indelebles. No es raro, sin embargo, ver a ciertos hombres que en diferentes edades cambian de fisonomía. Yo he visto a muchos que están incluidos en este caso, y siempre he notado que los que había podido seguir y observar, también habían mudado de pasiones habituales. Esta observación, perfectamente confirmada, me parece decisiva y no está fuera de los movimientos del alma por los signos externos.
Je ne sais si, pour n′avoir pas appris à imiter des manières de convention & à feindre des sentiments qu′il n′a pas, mon jeune homme sera moins aimable, ce n′est pas de cela qu′il s′agit ici : je sais seulement qu′il sera plus aimant, & j′ai bien de la peine à croire que celui qui n′aime que lui puisse assez bien se déguiser pour laite autant que celui qui tire de son attachement pour les autres un nouveau sentiment de bonheur. Mais, quant à ce sentiment même, le crois en avoir assez dit pour guider sur ce point un lecteur raisonnable, & montrer que je ne me suis pas contredit. Yo no sé si mi joven, por no haber aprendido a imitar modales de sociedad y a fingir afectos que no tiene, será menos amable; aquí no tratamos de esto, pero sé que será más amante, y me resulta difícil creer que el que sólo se ama a sí mismo puede disfrazarse tan bien que agrade tanto como el que de su cariño a los demás saca un nuevo sentimiento de felicidad. En cuanto a este mismo sentimiento, presumo que basta con lo manifestado para guiar en este punto a un lector de sana razón y demostrar que no incurro en ninguna contradicción.
Je reviens donc à ma méthode, & je dis : Quand l′âge critique approche, offrez aux jeunes gens des spectacles qui îles retiennent, & non des spectacles qui les excitent ; donnez le change à leur imagination naissante par des objets qui, loin d′enflammer leurs sens, en répriment l′activité. éloignez-les des grandes villes, ou la parure & l′immodestie des femmes hâtent & préviennent les leçons de la nature, où tout présente à leurs yeux des plaisirs qu′ils ne doivent connoître que quand ils sauront les choisir. Ramenez-les dans leurs premières habitations, où la simplicite champêtre laisse es passions de leur âge se développer moins rapidement ; ou si leur goût pour les arts les attache encore à la ville, prévenez en eux, par ce goût même dangereuse oisiveté. Choisissez avec soin leurs sociétés, leurs occupations, leurs plaisirs : ne leur montrez que des tableaux touchants, mais modestes, qui les remuent sans les séduire, & qui nourrissent leur sensibilité sans émouvoir leurs sens. Songez aussi qu′il y a partout quelques excès à craindre, & que les passions immodérées font toujours de mal qu′on n′en veut éviter. Il ne s′agit pas de faire de votre élève un garde-malade, un frère de la charité, d′affliger ses regards par des objets continuels de douleurs & de souffrances, de le promener d′infirme en infirme, d′hôpital en hôpital, & de la Grève aux prisons ; il faut le toucher & non l′endurcit à l′aspect des misères humaines. Longtemps frappé des mêmes spectacles, on n′en sent plus les impressions ; l′habitude accoutume à tout ; ce qu′on voit trop on ne l′imagine plus, & ce n′est que l′imagination qui nous fait sentir les maux d′autrui : c′est ainsi qu′à force de voir mourir & souffrir, les prêtres & les médecins deviennent impitoyables. Que votre élève connaisse donc le sort de l′homme & les misères de ses semblables ; mais qu′il n′en soit pas trop souvent le témoin. Un seul objet bien choisi, & montré dans un jour convenable, lui donnera pour un mois d′attendrissement & de réflexions. Ce n′est pas tant ce qu′il voit, que son retour sur ce qu′il a vu, qui détermine le jugement qu′il en porte ; et l′impression durable qu′il reçoit d′un objet lui vient moins de l′objet même que du point de vue sous lequel on le porte à se le rappeler. C′est ainsi qu′en ménageant les exemples, les leçons, les images, vous émousserez longtemps l′aiguillon des sens, & donnerez le change à la nature en suivant ses propres directions. Vuelvo, pues, a mi sistema, y digo: al acercarse la edad crítica debéis presentar a los jóvenes espectáculos que les sirvan de freno y que no les exciten; inquietad su imaginación con objetos que en vez de inflamar sus sentidos repriman su actividad. Apartadlos de las ciudades, donde el atrevido traje de las mujeres acelera y adelanta las lecciones de la naturaleza, y de los sitios donde todo presenta a sus ojos deleites que no deben conocer hasta que sepan escogerlos. Llevadlos a su primera mansión, donde la sencillez no deja que las pasiones propias de su edad se desenvuelvan con tanta rapidez, o si los retiene en la ciudad su gusto por las artes, debéis evitar que esa afición degenere en una peligrosa ociosidad. Escoged con gran esmero sus sociedades, sus ocupaciones y sus pasatiempos; mostradles sólo pinturas halagüeñas pero modestas, que los conmuevan sin seducirlos, y que aporten su sensibilidad sin alterar sus sentidos. Debéis considerar también que en todo hay excesos que temer, que siempre las pasiones sin moderación causan mayores daños que los que se desea evitar. No se trata de hacer de vuestro alumno un enfermero, de afligir su vista con continuos objetos de penas y quebrantos, de llevarlo de un enfermo a otro, de hospital en hospital, del patíbulo a la cárcel. Lo que conviene es que tienda a apiadarse y no endurecerle con las escenas de las miserias humanas. Si se presentan durante mucho tiempo los mismos espectáculos, dejará de sentir la impresión que producen, puesto que el hábito nos acostumbra a todos; lo que se ve con mucha frecuencia no impresiona a la imaginación, y ésta sola es la que hace que sintamos los males ajenos, que es por lo que de tanto ver morir y padecer, los médicos se vuelven inhumanos, y lo mismo se puede decir de los clérigos. Vuestro alumno debe conocer la suerte del hombre y las miserias de sus semejantes, pero no las debe presenciar a cada paso. Solamente un objeto bien escogido y manifestado bajo el punto de vista que conviene le proporcionará materia para enternecerse y reflexionar por espacio de un mes. No tanto lo que ve, como el recapacitar sobre lo que ha visto, es lo que determina el juicio que se forma, y la impresión duradera que recibe de un objeto procede menos del mismo objeto que del punto de vista desde el cual se le incita a que se acuerde de él. De esta forma, valiéndose de una economía de ejemplos, imágenes y lecciones, embotaréis por mucho tiempo el aguijón de los sentidos, y de este modo entretendréis la acción de la naturaleza al seguir sus mismas directrices.
À mesure qu′il acquiert des lumières, choisissez des idées qui s′y rapportent ; à mesure que nos désirs s′allument, choisissez des tableaux propres à les réprimer. Un vieux militaire, qui s′est distingué par ses mœurs autant que par son courage, m′a raconté que, dans sa première jeunesse, son père, homme de sens, mais très dévot, voyant son tempérament naissant le livrer aux femmes, n′épargna rien pour le contenir ; mais enfin, malgré tous ses soins, le sentant prêt à lui échapper, il s′avisa de le mener dans un hôpital de vérolés, &, sans le prévenir de rien, le fit entrer dans une salle où une troupe de ces malheureux expiaient, par un traitement effroyable, le désordre qui les y avoit exposés. À ce hideux aspect, qui révoltoit à la fois tous les sens, le jeune homme faillit se trouver mal. Va, misérable débauché, lui dit alors le père d′un ton véhément, suis le vil penchant qui t′entraîne ; bientôt tu seras trop heureux d′être admis dans cette salle, où, victime des plus infâmes douleurs, tu forceras ton père à remercier Dieu de ta mort. A medida que vaya adquiriendo conocimientos, escogeréis ideas que se refieran a ellos, y al mismo tiempo que sus deseos se inflaman debéis buscar imágenes apropiadas para su reprensión. Un anciano militar, tan estimado por sus costumbres como por su valor, me contó que siendo él joven, su padre, hombre de juicio y devoto, al observar que su temperamento le arrastraba hacia las mujeres, nada dejó de hacer para contenerlo, pero dándose cuenta por último de que a pesar de sus afanes no conseguía nada, determino llevarle a un hospital en el que sólo se trataban agudas enfermedades venéreas, y sin haberle prevenido le hizo entrar′ en una sala donde con curas terribles expiaba una cantidad de desgraciados la disoluta vida que habían llevado. Al contemplar una escena que de tan asquerosa repugnaba a todos los sentidos, el joven casi se desmayó. «Anda, miserable crápula, le dijo entonces con acento despreciativo su pare, sigue con la indecente inclinación que te domina; tendrás mucha suerte si te admiten en esta sala y víctima de los males más asquerosos obligaras a tu padre a agradecerle a Dios tu muerte.»
Ce peu de mots, joints à l′énergique tableau qui frappoit le jeune homme, lui firent une impression qui ne s′effaça jamais. Condamné par son état à passer sa jeunesse dans garnisons, il aima mieux essuyer toutes les railleries de ses camarades que d′imiter leur libertinage. J′ai été homme, me dit-il, j′ai eu des faiblesses ; mais parvenu jusqu′à mon âge, je n′ai jamais pu voir une fille publique sans horreur. Maître, peu de discours ; mais apprenez à choisir les lieux, les temps, les personnes, puis donnez toutes vos leçons en exemples, & soyez sûr de leur effet. Estas breves palabras en medio del depresivo espectáculo que le presentaba le impresionaron tanto que ya nunca se lo borró. Condenado por su carrera a pasar su juventud en los cuarteles, prefirió aguantar la burla de sus camaradas antes que imitar su libertinaje. «He sido hombre, me dijo, he tenido flaquezas, pero ya no he podido mirar sin horror a una mujer pública.» Maestro, pocos razonamientos; aprende a escoger los sitios, los tiempos y las personas, y después dad vuestras lecciones presentando ejemplos y podéis estar seguros de su eficacia.
L′emploi de l′enfance est peu de chose : le mal qui s′y glisse n′est point sans remède ; & le bien qui s′y fait peut venir plus tard. Mais il n′en est pas ainsi du premier âge où l′homme commence véritablement à vivre. Cet âge ne dure jamais assez pour l′usage qu′on en doit faire, & son importance exige une attention sans relâche : voilà pourquoi j′insiste sur l′art de le prolonger. Un des meilleurs préceptes de la bonne culture est de tout retarder tant qu′il est possible. Rendez les progrès lents & sûrs ; empêchez que j′adolescent ne devienne homme au moment où rien ne lui reste à faire pour le devenir. Tandis que le corps croît, les esprits destinés à donner du baume au sang & de la force aux fibres se forment et s′élaborent. Si vous leur faites prendre un cours différent, & que ce qui est destiné à perfectionner un individu serve à la formation d′un autre, tous deux restent dans un état de faiblesse, & l′ouvrage de la nature demeure imparfait. Les opérations de l′esprit se sentent à leur tour de cette altération ; & l′âme, aussi débile que le corps, n′a que des fonctions faibles & languissantes. Des membres gros & robustes ne font ni le courage ni le génie ; & je conçois que la force de l′âme n′accompagne pas celle du corps, quand d′ailleurs les organes a communication des deux substances sont mal disposés. Mais, quelque bien disposés qu′ils puissent être, ils agiront toujours faiblement, s′ils n′ont pour principe qu′un sang épuisé, appauvri, et dépourvu de cette substance qui donne de la forces & du jeu à tous les ressorts de la machine. Généralement on aperçoit plus de vigueur d′âme dans les hommes dont les jeune sans ont été préservés d′une corruption prématurée, que dans ceux dont le désordre a commencé avec le pouvoir de s′y livrer ; & c′est sans doute une des raisons pourquoi les peuples qui ont des mœurs surpassent ordinairement en bon sens & en courage les peuples qui n′en ont pas. Ceux-ci brillent uniquement par je ne sais quelles petites qualités déliées, qu′ils appellent esprit, sagacité, finesse ; mais ces grandes & nobles fonctions de sagesse & de raison, qui distinguent & honorent l′homme par de belles actions, par des vertus, par des soins véritablement utiles, ne se trouvent guère que dans les premiers. El tiempo de la infancia es corto, pero los errores iniciales ya no tienen remedio, y en cambio lo bueno que se le enseña da sus resultados más tarde. Mas no ocurre lo mismo en la primera edad, cuando verdaderamente el hombre empieza a vivir. No dura esa edad lo suficiente para el uso que de ella debe hacerse, y su importancia exige una continuada solicitud; por eso insisto tanto en el arte de prolongarla. Uno de los mejores preceptos de la buena educación consiste en retardarla todo lo que sea posible. Debéis hacer que los adelantos sean lentos y seguros. Evitad que el joven se haga hombre cuando le falta ya poco para serlo. Mientras el cuerpo crece, se forman y se elaboran los espíritus destinados a dar fuerza a las fibras y a la sangre; si hacéis que tomen un curso distinto y que lo que estaba destinado a la perfección de un individuo sirva para la formación de otro, los dos permanecen en un estado de flaqueza, y la obra de la naturaleza sigue imperfecta. También se resienten de esta alteración las operaciones intelectuales, y tan endeble el alma como el cuerpo, sus actividades carecen de vigor. Ni el valor ni el ingenio dependen de miembros fuertes y robustos, y comprendo que la fuerza del espíritu no vaya acompañada con la del cuerpo si por otra parte no están bien dispuestos los desconocidos órganos de la comunicación de ambas sustancias, pero aunque fuera buena su mutua disposición, siempre obrarán sin energía si carecen de otro principio que no sea el de una sangre empobrecida y privada de aquella materia que da acción y fuerza a todos los muelles de la máquina. Generalmente se observa más vigor de alma en los hombres cuya juventud no sufrió la menor corrupción que en aquellos cuyo desorden empezó prematuramente, sin duda una de las causas por las cuales superan en valor y razón los pueblos de costumbres sanas a los de costumbres licenciosas. Estos únicamente brillan con lo que ellos llaman agudeza, sagacidad y habilidad, pero las vastas y nobles funciones de sabiduría y razón que honran y distinguen al hombre con acciones dignas, con virtudes y afanes verdaderamente útiles no se encuentran más que en los primeros.
Les maîtres se plaignent que le feu de cet âge rend la jeu indisciplinable, & je le vois : mais n′est-ce pas leur faute ? Sitôt qu′ils ont laissé prendre à ce feu son cours par les sens, ignorent-ils qu′on ne peut plus lui en donner un autre ? Les longs & froids sermons d′un pédant effaceront-ils dans l′esprit de son élève l′image des plaisirs qu′il a conçus ? banniront-ils de son cœur les désirs qui le tourmentent ? amortiront-ils l′ardeur d′un tempérament dont il sait l′usage ? ne s′irritera-t-il pas con s obstacles qui s′opposent au seul bonheur dont il ait l′idée. Et, dans la dure loi qu′on lui prescrit sans pouvoir la lui faire entendre, que verra-t-il, sinon le caprice & la haine d′un homme qui cherche à le tourmenter ? Est-il étrange qu′il se mutine & le haïsse à son tour ? Los maestros se quejan de que el ardor de esta edad hace indisciplinada a la juventud, y veo que es verdad. ¿:Pero ¡lo es de ellos la culpa? ¿:No saben que en cuanto han dejado que corra llama por los sentidos es imposible la otra dirección? ¿:Los fríos y pesados sermones de un pedante borrarán en el espíritu de su alumno la imagen de los deleites que ha concebido? ¿:Desterrarán los deseos que atormentan su corazón? ¿:Amortiguarán el ardor de un temperamento cuyo uso sabe? ¿:No se irritará contra los estorbos que se oponen a la única felicidad de que tiene idea? ¿:Y qué otra cosa verá en la dura ley que le prescriben sin poder hacer que la entienda, si no el capricho y la enemistad de tu hombre que quiere atormentarle? ¿:Es extraño que a su vez él se irrite y le desprecie?
Je conçois bien qu′en se rendant facile on peut se rendre plus supportable, et conserver une apparente autorité. Mais le ne vois pas trop à quoi sert l′autorité qu′on ne garde sur son élève qu′en fomentant les vices qu′elle devroit réprimer ; c′est comme si, pour calmer une cheval fougueux, l′écuyer le faisoit sauter dans un précipice. Comprendo que apareciendo fácil puede ser más soportable y conservar una autoridad aparente, pero no veo para qué sirve la autoridad que el ayo conserva sobre su alumno fomentando los vicios que debería reprimir; es como si por calmar un fogoso caballo el jinete le espolease para que saltase a un abismo.
Loin que ce feu de l′adolescent soit un obstacle à l′éducation, c′est lui qu′elle se consomme & s′achève ; c′est lui qui vous donne une prise sur le cœur d′un jeune homme, quand il cesse d′être moins fort que vous. Ses premières affections sont les rênes avec lesquelles vous dirigez tous ses mouvements : il étoit libre, & je le vois asservi. Tant qu′il n′aimoit rien, il ne dépendoit que de lui-même & de ses besoins ; sitôt qu′il aime, il dépend de ses attachements. Ainsi se forment les premiers liens l′unissent à son espèce. En dirigeant sur premier sensibilité naissante, ne croyez pas qu′elle embrassera d′abord tous les hommes, & que ce mot de genre humain signifiera pour lui quelque chose. Non, cette sensibilité se bornera premièrement à ses semblables ; & ses semblables ne seront point pour lui des inconnus, mais ceux avec lesquels il a des liaisons, ceux que l′habitude lui a rendus chers ou nécessaires, ceux qu′il voit évidemment avoir avec lui des manières de penser & de sentir communes, ceux qu′il voit exposés aux peines qu′il a souffertes & sensibles aux plaisirs qu′il a goûtés, ceux, en un mot, en qui l′identité de nature plus manifestée lui donne une plus grande disposition à s′aimer. Ce ne sera qu′après avoir cultivé son naturel en mille manières, après bien des réflexions sur ses propres sentiments & sur ceux qu′il observera dans les autres, qu′il pourra parvenir à généraliser ses notions individuelles sous l′idée abstraite d′humanité, & joindre à ses affections particulières celles qui peuvent l′identifier avec son espèce. Lejos de ser el ardor de la adolescencia un impedimento para la educación, es merced a él que se perfecciona y se perfila, y es lo que proporciona un asidero en el corazón de un joven cuando llega a ser tan fuerte como vosotros. Sus primeras afecciones son las riendas con que dirigís sus movimientos, él era libre, y ahora le veo esclavizado. Cuando no amaba nada, sólo dependía de sí mismo y de sus necesidades, y en cuanto ama depende de su cariño. Así nacen los primeros vínculos que le enlazan con su especie. No penséis que dirigiendo esta sensibilidad naciente abrace al principio a todos los hombres ni que signifique algo para él la expresión de linaje humano. No; primero le indicará esa sensibilidad a sus semejantes, y para él sus semejantes no son las personas desconocidas, sino aquellas con la cuales tiene intimidad, las que la costumbre le ha hecho que quiera o que necesite, las que ve que tienen modos de pensar y de sentir como él, las que están expuestas a las penas que ha padecido y que se complacen con las alegrías que ha disfrutado; en una palabra, aquellas por las que se siente más inclinado a quererlas, Antes de observar de mil modos su carácter y de hacer reflexiones acerca de sus propios afectos y de los que observe en los demás, podrá generalizar sus nociones individuales bajo la idea abstracta de humanidad y agregará a sus particulares afecciones las que pueden identificarle con su especie.
En devenant capable d′attachement, il devient sensible à celui des autres [3] , & par là même attentif aux signes de cet attachement. Voyez-vous quel nouvel empire vous allez acquérir sur lui ? Que de chaînes vous avez mises autour de son cœur avant qu′il s′en aperçût ! Que ne sentira-t-il point quand, ouvrant les yeux sur lui-même, il verra ce que vous avez fait pour lui ; quand il pourra se comparer aux autres jeunes gens de son âge, et vous comparer aux autres gouverneurs ! Je dis quand il le verra, mais gardez-vous de le lui dire ; si vous le lui dites, il ne le verra plus. Si vous exigez de lui de l′obéissance en retour des soins que vous lui avez rendus, il croira que vous l′avez surpris : il se dira -qu′en feignant de l′obliger gratuitement, vous avez prétendu le charger d′une dette, & le lier par un contrat auquel il n′a point consenti. En vain vous ajouterez que ce que vous exigez de lui n′est que pour lui-même : vous exigez enfin, & vous exigez en vertu de ce que vous avez fait sans son aveu. Quand un malheureux prend l′argent qu′on feint de lui donner, & se trouve enrôlé malgré lui, vous criez à l′injustice : n′êtes-vous pas plus injuste encore de demander à votre élève le prix des soin la point acceptés ? Al ser capaz de cariño, es sensible para el de los demás y vive pendiente de las señales de ese cariño . ¿:Veis qué nuevo imperio vais a conseguir sobre él? ¡Con cuántas cadenas habéis ceñido su corazón, antes que él se diese cuenta! ¿:Qué ha de sentir cuando mirando por sí mismo vea lo que habéis hecho por él, cuando se pueda comparar con los demás jóvenes de su edad y compararon con los otros ayos? Digo cuando él lo vea, pero debéis tener en cuenta que no podéis decírselo, puesto que entonces él no lo vería. Si le exigís obediencia como pago de los afanes que por él os habéis tomado, pensará que le habéis tendido un lazo, y se dirá que cuando fingíais servirle sin interés pretendíais cargarle con una deuda y atarle con un contrato sin su consentimiento. Será vano alegar que lo que exigís de él es para su bien, pues exigís, y exigís en virtud de lo que, sin contar con él, habéis hecho en su beneficio. Cuando un desventurado admite el dinero que fingen darle y se encuentra comprometido contra su voluntad, lamentáis la injusticia, ¿:y no sois aún más injusto cuando pretendéis que pague vuestro alumno el precio de cuidados que él no había admitido?
L′ingratitude seroit plus si les bienfaits à usure étoient moins connus. On aime ce qui nous fait du bien ; c′est un sentiment si naturel ! L′ingratitude n′est pas dans le cœur de l′homme, mais l′intérêt y est : il y a moins d′obligés ingrats que de bienfaiteurs intéressés. Si vous me vendez vos dons, je marchanderai sur le prix ; mais si vous feignez de donner pour vendre ensuite à votre mot, vous usez de fraude : c′est d′être gratuits qui les rend inestimables. Le cœur ne reçoit de lois que de lui-même ; en voulant l′enchaîner on le dégage ; on l′enchaîne en le laissant libre. Sería aún más rara la ingratitud si fueran menos frecuentes los beneficios con usura. Lo que nos produce un bien lo amamos, y es muy natural. La ingratitud no se alberga en el corazón humano, pero el interés sí, y existen menos favorecidos ingratos que bienhechores interesados. Si me vendéis vuestras dádivas ajustaré el precio que quiero pagar por ellas, pero si fingís que me dais para venderme luego al precio que queráis, cometéis un fraude, pues lo que hace despreciables los dones es que sean gratuitos. El corazón sólo admite leyes de sí mismo; el que quiera encadenarlo lo liberta, y quien lo deja libre lo encadena.
Quand le pêcheur amorce l′eau, le poisson vient, & reste autour de lui sans défiance ; mais quand, pris à l′hameçon caché sous l′appât, il sent retirer la ligne, il tâche de fuir. Le pêcheur est-il le bienfaiteur ? lie poisson est-il l′ingrat ? Voit on jamais qu′un homme oublié par son bienfaiteur l′oublie ? Au contraire, il en parle toujours avec plaisir il n′y songe point sans attendrissement : s′il trouve occasion de lui montrer par quelque service inattendu qu′il se ressouvient des siens, avec quel contentement intérieur il satisfoit alors sa gratitude ! Avec quelle douce joie il se fait reconnaître ! Avec quel transport il lui dit : Mon tour est venu ! Voilà vraiment la voix de nature ; jamais un vrai bienfoit ne fit d′ingrat. Cuando el pescador echa el cebo al agua, llega el pez y se está quieto sin recelo alguno, mas cuando cogido del anzuelo que escondía el cebo siente que tiran, procura escaparse. ¿:Es el pescador el bienhechor y el pez el ingrato? ¿:Se ha visto a alguien que olvide a su bienhechor aun cuando éste no se acuerde de él? Por el contrario, siempre habla de él con afecto, no piensa en él sin que se enternezca, y si halla ocasión para demostrarle con algún inesperado servicio que se acuerda de los suyos, ¡con qué júbilo exterioriza entonces su gratitud, con qué alborozo se da a conocer y con qué goce se dice que le ha llegado el momento que anhelaba! Esta es la voz de la naturaleza, que jamás hubo quien pagase con ingratitud un beneficio verdadero.
Si donc la reconnaissance est un sentiment naturel, & que vous n′en détruisiez pas l′effet par votre faute, assurez-vous que votre élève, commençant a voir le prix de vos soins, y sera sensible, pourvu que vous ne les ayez point mis vous même à prix, & qu′ils vous donneront dans son cœur une autorité que rien ne pourra détruire. Mais, avant de vous être bien assuré de cet avantage, gardez de vous l′ôter en vous faisant valoir auprès de lui. Lui vanter vos services, c′est les lui rendre insupportables ; les oublier, c′est l′en faire souvenir jusqu′à ce qu′il soit temps de le traiter en homme, qu′il ne soit jamais question de ce vous doit, mais de ce qu′il se doit. Pour le rendre docile, laissez-lui toute sa liberté ; dérobez-vous pour qu′il vous cherche ; élevez son âme au noble sentiment de la reconnaissance, en ne lui parlant jamais que de son intérêt. Je n′ai point voulu qu′on lui dît que ce qu′on faisoit étoit pour son bien, avant qu′il fût en état de l′entendre ; dans ce discours il n′eût vu que votre dépendance, & il ne vous eût pris que pour son valet. Mais maintenant qu′il commence à sentir ce que c′est qu′aimer, il sent aussi quel doux lien peut unir un homme à ce qu′il aime ; &, dans le zèle qui vous fait occuper de lui sans cesse, il ne voit plus l′attachement d′un esclave, mais l′affection d′un ami. Or rien n′a tant de poids sur le cœur humain que la voix de l′amitié bien reconnue ; car on sait qu′elle ne nous parle jamais que pour notre intérêt. On peut : croire qu′un ami se trompe, mais non qu′il veuille nous tromper. Quelquefois on résiste à ses conseils, mais jamais on ne les méprise. Puesto que la ingratitud es un afecto natural, si no destruís su eficacia por culpa vuestra, estad seguro de que cuando empiece vuestro alumno a conocer el valor de vuestros afanes, será agradecido si vos no les ponéis precio, y que os concederá una autoridad que nada podrá destruir. Pero antes de que consigáis esta ventaja; debéis evitar el perderla recordándole su valor. Recordarle vuestros servicios es hacérselos insoportables, y olvidaros de ellos bastará para que él los recuerde. Nunca habléis de lo que os debe sino de lo que a sí mismo se debe, hasta que haya llegado el tiempo de tratarle como a un hombre. Dejadle que sea dócil por su propia voluntad y debéis huir de él para que os busque; ennalteced su alma hasta el noble afecto de la gratitud, no hablándole nunca de otra cosa más que de su interés. No he querido que le dijesen que era por su bien lo que hacían, hasta que-estuviera en estado de entenderlo, porque en esta expresión sólo hubiera visto vuestra dependencia y os habría mirado como un criado suyo. Pero ahora que empieza a sentir qué cosa es querer, también siente lo suave del vínculo que puede estrechar a un hombre con los que quiere, y con el celo que pone para que sin cesar os desviváis por él, ya no ve la adhesión de un esclavo, sino el cariño de un amigo. Ninguna cosa puede tanto con el corazón humano como la voz de la amistad, puesto que sabemos que siempre nos habla por nuestro interés. Podemos creer que se engaña un amigo, pero no que quiere engañarnos. Algunas veces nos resistimos a sus consejos, pero nunca los despreciamos.
Nous entrons enfin dans l′ordre moral : nous venons de faire un second pas d′homme. Si c′en étoit ici le lieu, j′essayerois de montrer comment des premiers mouvements du cœur s′élèvent les premières voix de la conscience, & comment des sentiments d′amour & de haine naissent les premières notions du bien & du mal : je ferois voir que justice & bonté ne sont point seulement des mots abstraits, de purs êtres moraux formes par l′entendement, mais de véritables affections de l′âme éclairée par la raison, & qui ne sont qu′un progrès ordonné de nos affections primitives ; que, par la raison seule, indépendamment de la conscience, on ne peut établir aucune loi naturelle ; & que tout le droit de la nature n′est qu′une chimère, s′il n′est fondé sur un besoin naturel au cœur humain [4] . Mais je songe que je n′ai point à faire ici des traités de métaphysique & de morale, ni des cours d′étude d′aucune espèce ; il me suffit de marquer l′ordre & le progrès de nos sentiments et de nos connaissances relativement à notre constitution. D′autres démontreront peut-être ce que je ne, fais qu′indiquer ici. Entramos, por último, en el orden moral: acabamos de dar el segundo paso del hombre. Si aquí fuera un lugar oportuno, trataría de demostrar cómo de los primeros movimientos del corazón se originan las primeras voces de la conciencia, y cómo de los afectos de amor y odio nacen las primeras nociones del bien y del mal. Haría comprender que «justicia y bondad» no sólo son palabras abstractas, puros seres morales formados por el entendimiento, sino verdaderas afecciones del alma iluminada por la razón, y que son un progreso coordinado de nuestras primitivas afecciones, que no es posible establecer ninguna ley natural por la razón sola y sin acudir a la conciencia, y que es ilusorio el derecho de la naturaleza si no va fundado en una necesidad natural en el corazón humano . Pero considero que no debo componer aquí tratados de metafísica y moral, ni cursos de estudio de ninguna clase; me basta con señalar el orden y el progreso de nuestras sensaciones y conocimientos con relación a nuestra naturaleza. Acaso otros demostrarán extensamente lo que yo no hago más que esbozar.
Mon Émile n′ayant jusqu′à regardé que lui-même, le premier regard qu′il jette sur ses semblables le porte à se comparer avec eux ; & le premier sentiment qu′excite en lui cette comparaison est de désirer la première place. Voilà le point où l′amour de soi se change en amour-propre, & où commencent à naître toutes les passions qui tiennent à celle-là. Mais pour décider si celles de ces passions qui domineront dans son caractère seront humaines & douces, ou cruelles et malfaisantes, si ce seront des passions de bienveillance & de commisération, ou d′envie & de convoitise, il faut savoir à quelle place il se sentira parmi le hommes, & quels genres d′obstacles il pourra croire avoir à vaincre pour parvenir à celle qu′il veut occuper. No habiendo contemplado hasta ahora otra cosa que a sí mismo, la primera mirada que pone en sus semejantes le incita a compararse con ellos, y el primer efecto que excita en él esta comparación es anhelar el primer puesto. Este es el punto en que se transforma el amor de sí en amor propio, y comienzan a nacer todas las pasiones que tienen conexión con éste. Pero para decidir si entre estas pasiones, las que hayan de dominar en su carácter han de ser suaves y humanas, o crueles y malignas; sí han de ser de benevolencia y de conmiseración, o de codicia y envidia, es preciso saber en qué lugar se reconocerá entre los hombres y qué género de obstáculos creerán que necesita vencer para conseguir el sitio que pretende ocupar.
Pour le guider dans cette recherche, après lui avoir montré les hommes par les accidents communs à l′espèce, il faut maintenant les lui montrer par leurs différences. Ici vient la mesure de l′inégalité naturelle & civile, & le tableau de tout l′ordre social. Para guiarle en esta investigación, habiéndole ya hecho ver a los hombres por los accidentes comunes de la especie, es necesario manifestárselo ahora por sus diferencias, y aquí se le debe hacer conocer la medida de la desigualdad natural y civil y el cuadro de todo el orden social.
Il faut étudier la société par les hommes, & les hommes par la société : ceux qui voudront traiter séparément la politique & la morale n′entendront jamais rien à aucune des deux. En s′attachant d′abord aux relations primitives, on voit comment les hommes en doivent être affectés, & quelles passions en doivent naître : on voit que c′est réciproquement par le progrès des passions que ces relations se multiplient & se resserrent. C′est moins la force des bras que la modération des cœurs qui rend les hommes indépendants & libres. Quiconque désire peu de chose tient à peu de gens ; mais confondant toujours nos vains désirs avec nos besoins physiques, ceux qui ont fait de ces derniers les fondements e la société humaine ont toujours pris les effets pour les causes, & n′ont fait que s′égarer dans tous leurs raisonnements. Hay que estudiar la sociedad por los hombres, y los hombres por la sociedad; los que quieran tratar por separado la política y la moral no entenderán palabra ni de una ni de otra. Aplicándonos primero a las relaciones primitivas, observamos la impresión que deben causar en los hombres y las pasiones que de ellas deben originarse, y vemos que por el progreso de las pasiones se multiplican y estrechan recíprocamente estas relaciones. No tanto la fuerza de los brazos como la moderación de los ánimos es la que hace a los hombres independientes y libres. Quien anhela pocas cosas, con pocas personas está relacionado, pero confundiendo siempre nuestros vanos deseos con nuestras necesidades físicas, los que fundamentaron la sociedad humana en estas últimas tomaron por causas lo que eran efectos, y de ahí el error de sus razonamientos.
Il y a dans l′état de nature une égalité de fait réelle & indestructible, parce qu′il est impossible dans cet état que la seule différence d′homme à homme soit assez grande pour rendre l′un dépendant de l′autre. Il y a dans l′état civil une égalité de droit chimérique & vaine, parce que les moyens destinés à la maintenir servent eux-mêmes à la détruire, & que la force publique ajoutée au plus fort pour opprimer le faible rompt l′espèce d′équilibre que la nature avoit mis entre eux [5] . De cette première contradiction découlent toutes celles qu′on remarque dans l′ordre civil entre l′apparence & la réalité. Toujours la multitude sera sacrifiée au petit nombre, & l′intérêt public à l′intérêt particulier ; toujours ces noms spécieux de justice & de subordination serviront d′instruments à la violence & d′armes à l′iniquité : d′où il suit que les ordres distingués qui se prétendent utiles aux autres ne sont en effet utiles qu′à eux-mêmes aux dépens des autres ; par où l′on doit juger de la considération qui leur est due selon la justice & la raison. Reste à voir si le rang qu′ils se sont donné est plus favorable au bonheur de ceux qui l′occupent, pour savoir quel jugement chacun de nous doit porter de son propre sort. Voilà maintenant l′étude qui nous importe ; mais pour la bien faire, il faut commencer par connoître humain. Existe en el estado de naturaleza una igualdad de hecho indestructible y real, porque no es posible que en este estado sea tan grande la diferencia de hombre a hombre que tenga uno que depender de otro. En el estado civil hay una igualdad de derecho vana y quimérica, pues los mismos medios destinados para mantenerla sirven para destruirla, y porque agregada la fuerza pública al más fuerte para oprimir al débil, rompe la especie de equilibrio en que nos había puesto la naturaleza . De esta primera contradicción se derivan todas aquellas que se advierten en muchedumbre orden civil entre la realidad y la apariencia. La muchedumbre será siempre sacrificada al beneficio de un corto número, y el interés público al particular; servirán siempre de instrumentos para la violencia y de armas para la iniquidad los especiosos nombres de subordinación y justicia, de donde se colige que las clases distinguidas que pretendan ser útiles para los demás, sólo son útiles para sí mismas a costa de los otros, y por esto debemos juzgar del aprecio en que según la justicia y la razón merecen ser tenidas. Nos falta ver si la jerarquía que se han tomado contribuye más a la felicidad de los que la ocupan, para saber el juicio que debe formar cada uno de nosotros en cuanto se refiere a su propia suerte.
S′il ne s′agissoit que de montrer aux jeunes gens l′homme par son masque, on n′auroit pas besoin de le leur montrer, ils le verroient toujours de reste ; mais, puisque le masque n′est pas l′homme, & qu′il ne faut pas que son vernis le séduise, en leur peignant les hommes, peignez-les leur tels qu′ils sont, non pas afin qu′ils les haïssent, mais afin qu′ils les plaignent & ne leur veuillent pas ressembler. C′est, à mon gré, le sentiment le mieux entendu que l′homme puisse avoir sur son espèce. Este es el estudio que nos importa ahora, pero para que saquemos fruto del mismo es preciso empezar por conocer el corazón humano. Si únicamente se tratase de que los jóvenes conociesen al hombre por su máscara, no habría necesidad de enseñársela, puesto que sobradamente la verían, pero como el hombre no es su máscara y no queremos que se dejen engañar por el relumbrón, cuando les pintéis el hombre debéis pintarlo tal como es, no para que le tomen odio sino para que le tengan lástima y no se le quieran parecer, pues éste es, a mi modo de ver, el más juicioso afecto que a un hombre puede inspirar su especie.
Dans cette vue, il importe ici de prendre une route opposée à celle que nous avons suivie jusqu′à présent, & d′instruire plutôt le jeune homme par l′expérience d′autrui que par la sienne. Si les hommes le trompent, il les prendra en haine ; mais si, respecté d′eux il les voit se tromper mutuellement, il en aura pitié. Le spectacle du monde, disoit Pythagore, ressemble à celui des jeux olympiques : les uns y tiennent boutique & ne songent qu′à leur profit ; les autres y payent de leur personne & cherchent la gloire ; d′autres se contentent de voir les jeux, & ceux-ci ne sont pas les pires. A este fin, importa seguir aquí un camino opuesto al que hasta ahora he seguido, e instruir al joven por la experiencia ajena antes que por la suya. Si los hombres le engañan, los despreciará, pero si le respetan y ve que se engañan mutuamente, les tendrá lástima. Decía Pitágoras que el espectáculo del mundo era parecido al de los juegos olímpicos: los unos abren un comercio y sólo piensan en su ganancia; los otros aventuran su persona y buscan la gloria, y otros-se contentan con ver los juegos, los cuales no son los peores.
Je voudrois qu′on choisît tellement les sociétés d′un jeune homme, qu′il pensât bien de ceux qui vivent avec lui ; & qu′on lui apprit à si bien connoître le monde, qu′il pensât mal de tout ce qui s′y fait. Qu′il sache que l′homme est naturellement bon, qu′il le sente, qu′il juge de son prochain par lui-même ; mais qu′il voie comment la société déprave & pervertit les hommes ; qu′il trouve dans leurs préjugés la source de tous leurs vices ; qu′il soit porté à estimer chaque individu, mais qu′il méprise la multitude ; qu′il voie que tous les hommes portent à peu près le même masque, mais qu′il sache aussi qu′il y a des visages plus beaux que le masque qui les couvre. Yo quisiera que fuera tan escogida la sociedad de un joven que tuviese buena opinión de los que viven con él y que le enseñáramos a conocer tan bien el mundo que le contrariase en el acto todo lo que viese torcido. Que sepa que el hombre es naturalmente bueno, que lo sienta y juzgue de su prójimo por sí mismo pero que vea cómo la sociedad deprava y pervierte a los hombres, que encuentre en los prejuicios de ellos la causa de todos sus vicios que tienda a estimar a cada individuo, pero que desprecie a la muchedumbre; que vea que todos llevan casi la misma máscara, pero que sepa que hay rostros más bellos que la máscara que los cubre.
Cette méthode, il faut l′avouer, a ses inconvénients & n′est pas facile dans la pratique ; car, s′il devient observateur de trop bonne heure, si vous l′exercez à épier de trop près les actions d′autrui, vous le rendrez médisant & satirique décisif et prompt à juger ; il se fera un odieux plaisir de chercher à tout de sinistres interprétations, & à ne voir en bien rien même de ce qui est bien. Il s′accoutumera du moins au spectacle du vice, & à voir les méchants sans horreur, comme on s′accoutume à voir les malheureux sans pitié. Bientôt la perversité générale lui servira moins de leçon que d′excuse : il se dira que si l′homme est ainsi, il ne doit pas vouloir être autrement. Hay que convenir en que este método tiene sus inconvenientes y que es difícil ponerlo en práctica, pues si tan pronto empieza a observar y le inducís a que aceche con tanta atención las acciones ajenas, le convertiréis en un maldiciente y satírico, fácil al error, se habituará a la odiosa satisfacción de hallar en todo siniestras interpretaciones y a no mirar bien ni siquiera lo que es bueno. Verá delante de sí el espectáculo del vicio y contemplará sin horror a los perversos de la misma manera que uno se habitúa a ver sin compasión a los desgraciados, y pronto la perversidad general le servirá menos de lección que de disculpa, hasta decirse que si el hombre es de tal manera, él no tiene por qué ser de otro modo.
Que si vous voulez l′instruire par principe & lui faire connoître avec la nature du cœur humain l′application des causes externes qui tournent nos penchants en vices, en le transportant ainsi tout d′un coup des objets sensibles aux objets intellectuels, vous employez une métaphysique qu′il n′est point en état de comprendre ; vous retombez dans l′inconvénient, évité si soigneusement jusqu′ici, de lui donner des leçons ressemblent à des leçons, de substituer dans son esprit l′expérience & l′autorité du maître à sa propre expérience & au progrès de sa raison. Si le queréis instruir por principios y hacerle conocer a la vez la naturaleza del corazón humano, la aplicación de las causas externas que convierten en vicios nuestras inclinaciones, trasladándole de una forma intempestiva desde los objetos sensibles a los intelectuales, hacéis uso de una metafísica que no está en estado de entender, cayendo en el inconveniente, que hasta aquí con tanto tesón hemos evitado de darle lecciones que lo parezcan y de sustituir en su espíritu la experiencia y la autoridad del maestro por su propia experiencia y el progreso de su razón.
Pour, lever fois ces deux obstacles & pour mettre le cœur humain à sa portée sans risquer de gâter le sien, je voudrois lui montrer les hommes au loin, les lui montrer dans d′autres tems ou dans d′autres lieux, & de sorte qu′il pût voir la scène sans jamais y pouvoir a voilà le moment de l′histoire ; c′est par elle qu′il lira dans les cœurs sans les leçons de la philosophie ; c′est par elle qu′il les verra, simple spectateur, sans intérêt & sans passion, comme leur juge, non comme leur complice ni comme leur accusateur. Pour connoître les hommes il faut les voir agir. Dans le monde on les entend parler ; ils montrent leurs discours & cachent leurs actions : mais dans l′histoire elles sont dévoilées, & on les juge sur les faits. Leurs propos même-aident à les apprécier ; car, comparant ce qu′ils font à ce qu′ils disent, on voit à la fois ce qu′ils sont & ce qu′ils veulent paraître plus ils se déguisent, mieux on les connaît. Para quitar a la vez ambos obstáculos y poner el corazón humano a su alcance sin correr el peligro de alterar el suyo, yo quisiera mostrarle a los hombres desde lejos, en otros tiempos y en otros países, de tal modo que pudiera contemplar la escena sin poder nunca intervenir. Esta es la época de aprender la historia, leer su curso sin lecciones de filosofía; siendo mero espectador, los observará sin interés ni pasión, como juez, y no como cómplice ni como acusador. Para conocer a los hombres hay que observarlos en sus acciones. En el mundo los oímos hablar, dicen lo que dicen y esconden sus acciones, pero quedan graba das en la historia y los juzgados por los hechos, hasta sus dichos sirven para valorarlos, pues comparando lo que dicen con lo que hacen nos damos cuenta de lo que son y de lo que quieren parecer; cuanto más disimulan, mejor los conocemos.
Malheureusement cette étude a ses dangers, ses inconvénients de plus d′une espèce. Il est difficile de se mettre dans un point de vue d′où l′on puisse juger ses semblables avec équité. Un des grand s vices de histoire est qu′elle peint beaucoup plus les hommes par leurs mauvais côtés que par les bons ; comme elle n′est intéressante que par les révolutions, les catastrophes, tant qu′un peuple croît et prospère dans le calme d′un paisible gouvernernent, elle n′en dit rien ; elle ne commence à en parler que quand, ne pouvant plus se suffire à lui-même, il prend part aux affaires de ses voisins, ou les laisse prendre part aux siennes ; elle ne l′illustre que quand il est déjà sur son déclin : toutes nos histoires commencent où elles devroient finir. Nous avons fort exactement celle des peuples qui se détruisent ; ce qui nous manque est celle des peuples qui se multiplient ; ils sont assez heureux & assez sages pour qu′elle n′ait rien à dire d′eux : & en effet nous voyons, même de nos jours, que les gouvernements qui se conduisent le mieux sont ceux dont on parle le moins. Nous ne savons donc que le mal ; à peine le bien fait-il époque. Il n′y a que les méchants de célèbres, les bons sont oubliés ou tournés en ridicule : & voilà comment l′histoire, ainsi que la philosophie, calomnie sans cesse le genre humain. Desgraciadamente este estudio tiene sus riesgos, sus inconvenientes, los cuales son de más de una especie. Es difícil colocarse en un punto de vista desde el cual podamos juzgar con equidad a nuestros semejantes. Uno de los vicios principales de la historia consiste en que retrata mucho más a los hombres por sus malas acciones que por las buenas; como solamente tiene interés por las revoluciones y las catástrofes, mientras crece y prospera un pueblo en la bonanza de un gobierno pacífico, nada dice de él, o lo recuerda cuando ese pueblo se mete en los asuntos del país vecino, si no es éste el que se entromete en los suyos; todas nuestras historias comienzan por donde debieran concluir. Tenemos la historia de los pueblos que se destruyen con una gran puntualidad, pero la que nos hace falta es la de los pueblos que se multiplican, tan felices y tan discretos que nada tienen que decirnos de ellos, y, en efecto, aun en nuestro tiempo vemos que los gobiernos que mejor se conducen son aquellos de los que menos se habla. Sólo sabemos el mal, y apenas forma época el bien. Sólo los malos son famosos, y los buenos yacen en el olvido o son ridiculizados. De este modo, la historia, como la filosofía, calumnia sin cesar al linaje humano.
De plus, il s′en faut bien que les faits décrits dans l′histoire soient la peinture exacte des mêmes faits tels qu′ils sont arrivés : ils changent de forme dans la tête de l′historien, ils se moulent sur ses intérêts, ils prennent la teinte de ses préjugés. Qui est-ce qui sait mettre exactement le lecteur au lieu de la scène pour voir un événement tel qu′il s′est passé ? L′ignorance ou la partialité déguise tout. Sans altérer même un trait historique, en étendant ou resserrant des circonstances qui s′y rapportent, que de faces différentes on peut lui donner ! Mettez un même objet à divers points de vue, à peine paraîtra-t-il le même, & pourtant rien n′aura changé que l′œil du spectateur. Suffit-il, pour l′honneur de la vérité, e me dire un fait véritable en me le faisant voir tout autrement qu′il n′est arrivé ? Combien de fois un arbre de plus ou de moins, un rocher à droite ou à gauche, un tourbillon de poussière élevé par le vent ont décidé de l′événement d′un combat sans que personne s′en soit aperçu ! Cela empêche-t-il que l′historien ne vous dise la cause de la défaite ou de la victoire avec autant d′assurance que s′il eût été partout ? Or que m′importent les faits en eux-mêmes, quand la raison m′en reste inconnue ? & quelles leçons puis-je tirer d′un événement dont j′ignore la vraie cause ? L′historien m′en donne une, mais il la controuvé ; & la critique elle-même, art lue dont on fait tant de bruit, n′est qu′un e conjecturer, l′art de choisir entre plusieurs mensonges celui qui ressemble le mieux à la vérité. N′avez-vous jamais lu Cléopâtre ou Cassandre, ou d′autres livres de cette espèce ? L′auteur choisit un événement connu, puis, l′accommodant à ses vues, l′ornant de détails de son invention, de personnages qui n′ont jamais existé, & de portraits imaginaires, entasse fictions sur fictions pour rendre sa lecture agréable je vois peu de différence entre ces romans & vos histoires, si ce n′est que le romancier se livre davantage à sa propre imagination, & que l′historien s′asservit plus à celle d′autrui : à quoi j′ajouterai, si l′on veut, que le premier se propos un objet moral, bon ou mauvais, dont l′autre ne se soucie guère. Además, falta mucho para que los hechos que describe la historia sean un fiel reflejo de cómo sucedieron; mudan de forma en la cabeza del historiador y se amoldan a sus intereses y adquieren el color de sus prejuicios. La ignorancia o la parcialidad lo disfraza todo. Aun sin alterar un hecho histórico, con sólo ensanchar c estrechar las circunstancias que se refieren a él, ¡cuántos aspectos diferentes pueden dársele! Poniendo un mismo objeto bajo distintos puntos de vista apenas parecerá el mismo, sin que haya variado mucho la mirada del espectador. ¿:Pueden, honrando a la verdad, contarme un hecho verdadero si me lo hacen ver de distinto modo de como sucedió? ¿:Cuántas veces un árbol más o menos, un peñasco a la derecha o a la izquierda, un torbellino de polvo levantado por el viento han decidido el resultado de una batalla sin que nadie se haya apercibido? Y el historiador os dice la causa de la derrota o de la victoria tan resueltamente como si se hubiera encontrado en todas partes. Ahora bien, ¿:que me importan los hechos en si mismos cuando ignoro la razón de ellos? ¿:Qué lección me puede dar un suceso cuya verdadera causa ignoro? El historiador me da una, pero es arreglada por el, y la crítica misma que tanto ruido mete, no es otra cosa que el arte de hacer conjeturas, de elegir entre muchas mentiras la que se parece más a la verdad. ¿:No habéis leído Cleopatra o Casandra, o cualquier otro libro de la misma especie? El autor elige un suceso conocido, lo acomoda después a sus ideas, lo adorna con circunstancias que inventa, con personajes que jamás existieron, y con retratos imaginarios amontona ficciones para hacer su lectura más amena. Observo que hay poca diferencia entre estas novelas y nuestras historias, aunque el novelista recurre` más a su imaginación y el historiador se ciñe más a la ajena, a lo cual añadiré que el primero se propone un objetivo moral, bueno o malo, y el segundo prescinde de él.
On me dira que la fidélité de l′histoire intéresse moins que la vérité des mœurs et des caractères ; pourvu que le cœur humain soit bien peint, il importe peu que les événements soient fidèlement rapportés : car, après tout, ajoute-t-on, que nous font des faits arrivés il y a deux mille ans ? On a raison si les portraits sont bien rendus d′après nature mais si la plupart n′ont leur modèle que dans l′imagination de l′historien, n′est-ce pas retomber dans l′inconvénient que l′or, vouloit fuir, et rendre à l′autorité des écrivains ce qu′on veut ôter à celle du maître ? Si mon élève ne doit voir que des tableaux de fantaisie, j′aime mieux qu′ils soient tracés de ma main que d′une autre ; ils lui seront du moins mieux appropriés. Se me dirá que interesa menos la fidelidad de la historia que la verdad de las costumbres y los caracteres, y si está bien pintado el corazón humano, importa muy poco que sea fiel la narración de los sucesos, porque añaden: ¿:Qué nos importan hechos que ocurrieron hace dos mil años? Tiene razón si los retratos responden al natural, pero si la mayor parte no tienen otro modelo que la imaginación del historiador, ¿:no incurrimos en el inconveniente que queríamos evitar, otorgando a la autoridad de los escritores lo que queríamos quitar a la del maestro? Si mi alumno solamente ha de ver pinturas de fantasía, prefiero que sea el dibujo trazado por mí que por otro, pues por lo menos los interpretará mejor.
Les pires historiens pour un jeune homme sont ceux qui jugent. Les faits ! les faits ! & qu′il juge lui-même ; c′est ainsi qu′il apprend à connoître les hommes. Si le jugement de guide sans cesse, il ne fait que voir par l′œil d′un autre ; & quand cet œil lui manque, il ne voit plus rien. Los peores historiadores para un joven son los que juzgan. Hechos, hechos, y que juzgue él mismo, pues así aprenderá a conocer a los hombres. Si continuamente se le guía según el juicio del autor, no hace más que ver sirviéndose de ojos ajenos, y en el momento que le falten, ya no ve nada.
Je laisse à part l′histoire moderne, non seulement parce qu′elle n′a plus de physionomie & que nos hommes se ressemblent tous, mais parce que nos historiens, uniquement attentifs à briller, ne songent qu′à faire des portraits fortement coloriés, & qui souvent ne représentent rien [6] . Généralement les anciens font moins de portraits, mettent moins d′esprit & plus de sens dans leurs jugements ; encore y a-t-il entre eux un grand choix à faire, & il ne faut pas d′abord rendre les plus judicieux, mais les plus simples. Je ne voudrois mettre dans la main d′un jeune homme ni Polybe ni Salluste ; Tacite est le livre des vieillards ; les jeunes gens ne sont pas faits pour l′entendre : il faut apprendre à voir dans les actions humaines les premiers traits du cœur de l′homme avant d′en vouloir sonder les profondeurs ; il faut savoir bien lire dans les faits avant de lire dans les maximes. La philosophie en maximes ne convient qu′à l′expérience. La jeunesse ne doit rien généraliser : toute son instruction doit être en règles particulières. Dejo aparte la historia moderna, no sólo porque no tiene una fisonomía marcada y nuestros hombres son todos parecidos, sino porque nuestros historiadores, preocupados por lucirse, no piensan en otro objetivo que el hacer retratos de vivos colores, aunque no se parezcan al original . Generalmente, los antiguos hacen menos retratos, poseen menos agudeza y sus juicios tienen más sentido, y aún entre ellos es necesario mucho tacto para escoger bien, y no se deben tomar al principio los más ,juiciosos, sino los más sencillos. No quisiera poner a Polibio ni a Salustio en manos de un joven; Tácito es el libro de los ancianos, puesto que los jóvenes no son capaces de comprenderlo. Debemos aprender a mirar en las acciones humanas los primeros contornos del corazón del hombre antes de querer sondear sus abismos, y saber leer bien en los hechos antes de leer en las máximas. Solamente a la experiencia conviene la filosofía en máximas; la juventud nada debe generalizar, y toda su instrucción se debe ceñir a reglas particulares.
Thucydide est, à mon gré, le vrai modèle des historiens. Il rapporte les faits sans les juger ; mais il n′omet aucune des circonstances propres à nous en faire juger nous-mêmes. Il met tout ce qu′il raconte sous les yeux du lecteur ; loin de s′interposer entre les événements & les lecteurs, il se dérobe ; On ne croit plus lire, on croit voir. Malheureusement il parle toujours de guerre, & l′on ne voit presque dans ses récits que la chose cru monde la moins instructive, savoir les combats. La Retraite des Dix mille & les Commentaires de Cesar ont à peu près la même sagesse & le même défaut. Le bon Hérodote, sans portraits, sans maximes, mais coulant, naïf, plein de détails les plus capables d′intéresser & de plaire, seroit peut-être le meilleur des historiens, si ces mêmes détails ne dégénéroient souvent en simplicités puériles, plus propres à gâter le goût de la jeunesse qu′à le former : il faut déjà du discernement pour le lire. Je ne dis rien de Tite-Live son tour viendra ; mais il est politique, il est rhéteur, il est tout ce qui ne convient as à cet âge. Según mi opinión, Tucídides es el verdadero modelo de los historiadores. Expone los hechos sin juzgarlos, pero no omite ninguna de las circunstancias que nos pueden poner en estado de juzgarlos por nosotros mismos. Todo cuanto relata lo pone a la vista del lector; lejos de interponerse entre el lector y los acontecimientos, se esconde, y cree uno que ve, no que lee. Lástima que siempre habla de guerras, y en casi todas sus narraciones no vemos otra cosa que batallas, que es lo que instruye menos. La misma discreción y el mismo defecto tienen la Retirada de los diez mil y los Comentarios de César. Sin retratos ni máximas, pero fluido, llano, con detalles capaces de interesar y complacer, el buen Herodoto tal vez sería el mejor de los historiadores si no degenerasen con frecuencia estos mismos detalles en simplicidades, más propias para viciar el gusto de la juventud que para encauzarlo; por lo tanto su lectura necesita discernimiento. Nada digo de Tito Livio, pues ya llegará su turno, pero es político, es retórico, es todo lo que no conviene a esta ciudad.
L′histoire en général est défectueuse, en ce qu′elle ne tient registre que de faits sensibles & marqués, qu′on peut fixer par des noms, des lieux, des dates ; mais les causes lentes & progressives de ces faits, lesquelles ne peuvent s′assigner de même, restent toujours inconnues. On trouve souvent dans une bataille gagnée ou perdue la raison d′une révolution qui, même avant cette bataille, étoit déjà devenue inévitable. La guerre ne fait guère que manifester des événements déjà déterminés par des causes morales que les historiens savent rarement voir. La historia en general es defectuosa porque solo registra los hechos sensibles y señalados, los cuales pueden fijarse con nombres, lugares y fechas, pero siempre permanecen desconocidos las lentas y progresivas causas de estos hechos, que no pueden asignarse del mismo modo. Muchas veces atribuyen a una batalla perdida o ganada el motivo de una revolución que ya era inevitable antes de la batalla. La guerra no hace más que expresar acontecimientos determinados ya por unas causas morales que los historiadores raramente saben ver.
L′esprit philosophique a tourné de ce côté les réflexions de plusieurs écrivains de ce siècle ; mais je doute que la vérité gagne à leur travail. La fureur des systèmes s′étant emparée d′eux tous, nul ne cherche à voir les choses comme elles sont, mais comme elles s′accordent avec son système. El espíritu filosófico ha vuelto hacia esta parte las reflexiones de varios escritores de este siglo, pero dudo de que la verdad salga más depurada de su trabajo. Habiéndose apoderado de todos ellos la manía de los sistemas, ninguno procura ver las cosas como son, sino como concuerdan con su sistema.
Ajoutez à toutes ces réflexions que l′histoire montre bien plus les actions que les hommes, parce qu′elle ne saisit ceux-ci que dans certains moments choisis, dans leurs vêtements de parade ; elle n′expose que l′homme public qui s′est arrangé pour être vu : elle ne le suit point dans sa maison, dans son cabinet, dans sa famille, au milieu de ses amis ; elle ne le peint que quand il représente : c′est bien plus son habit que sa personne qu′elle peint. Se añade a todas estas reflexiones que la historia revela mucho mejor las acciones que los hombres, pues sólo en ciertos instantes privilegiados los coge con sus vestidos de ceremonia, y únicamente expone al hombre público, el cual se ha ataviado para ser visto; no le sigue dentro de su casa, de su gabinete, en medio de su familia, de sus amigos; sólo le pinta cuando está representado, y más nos explica su atuendo que su persona.
J′aimerois mieux la lecture des vies particulières pour commencer l′étude du cœur humain ; car alors l′homme a beau se dérober, l′historien le poursuit partout ; il ne lui laisse aucun moment de relâche, aucun recoin pour éviter l′œil perçant du spectateur ; & c′est quand l′un croit mieux se cacher, que l′autre le fait mieux connaître. Ceux, dit Montaigne, qui écrivent les vies, d′autant qu′ils s′amusent plus aux conseils qu′aux événements, plus à ce qui part du dedans qu′à ce qui arrive au dehors, ceux-là me sont plus propres : voilà pourquoi, en toutes sortes, c′est mon homme que Plutarque. Para comenzar el estudio del corazón humano preferiría la lectura de vidas particulares, porque entonces en vano se oculta el hombre, ya que el historiador le persigue por todas partes, no le deja parar ni un momento, ni un rincón en que pueda evitar la mirada penetrante del espectador, y cuando uno cree que está más escondido, mejor lo da a conocer. «Aquellos, dice Montaigne, que describen vidas, cuando tratan más de los consejos que de los sucesos, más de lo que sucede dentro que de lo que acontece fuera, tanto más me gustan; por eso Plutarco es mi hombre.»
Il est vrai que le génie des hommes assemblés ou des peuples est fort différent du caractère de l′homme en particulier, & que ce seroit connoître très imparfaitement e cœur humain que de ne pas l′examiner aussi dans la multitude ; mais il n′est pas moins vrai qu′il faut commencer par étudier l′homme pour juger les hommes, et que qui connoîtroit parfaitement les penchants de chaque individu pourroit prévoir tous leurs effets combinés dans le corps du peuple. Es verdad que el genio de los hombres reunidos o de los pueblos es muy diferente del carácter del hombre en particular, y que sería conocer muy imperfectamente el corazón humano si no le examinásemos también en la multitud. Pero no es menos cierto que antes de juzgar a los hombres es necesario estudiar al hombre, y quien conociese perfectamente las inclinaciones de cada individuo, podría prever todos sus efectos en el cuerpo del pueblo.
Il faut encore ici recourir aux anciens par les raisons que j′ai déjà dites, & de plus, parce que tous les détails familiers & bas, mais vrais & caractéristiques, étant bannis du style moderne, les hommes sont aussi parés par nos auteurs dans leurs vies privées que sur la scène du monde. La décence, non moins sévère dans les écrits que dans les actions, ne permet plus de dire en public que ce qu′elle permet d′y faire, &, comme on ne peut montrer les hommes que représentant toujours, on ne les connaît pas plus ans nos livres que sur nos théâtres. On aura beau taire et refaire cent fois la vie des rois, nous n′aurons plus de Suétones [7] . Todavía aquí es necesario recurrir a los antiguos por las razones que ya he expuesto, y porque desterradas del estilo moderno todas las circunstancias familiares y bajas, aunque verdaderas y características, con tanto adorno aparecen los hombres en las vidas privadas de nuestros autores como en la escena del mundo. La decencia, no menos severa en los escritos que en las acciones, sólo permite decir en público lo que permite que en público se haga, y como no es posible mostrar a los hombres sino en perpetua representación, no los conocemos mejor en nuestros libros que en nuestros teatros. Se harán y volverán a hace cien veces la vida de los reyes, sin que tengamos Suetonios .
Plutarque excelle par ces mêmes détails dans lesquels nous n′osons plus entrer. Il a une grâce inimitable à peindre les grands hommes dans les petites choses ; & il est si heureux dans le choix de ses traits, que souvent un mot, un sourire, un geste lui suffit pour caractériser son héros. Avec un mot plaisant Annibal rassure son armée effrayée, & la fait marcher en riant à la bataille qui lui livra l′Italie ; Agésilas, à cheval sur un bâton, me fait aimer le vainqueur du grand roi ; César, traversant un pauvre village & causant avec ses amis, décèle, sans y penser, le fourbe qui disoit ne vouloir qu′être l′égal de Pompée ; Alexandre avale une médecine & ne dit pas un seul mot : c′est le plus beau moment de sa vie ; Aristide écrit son propre nom sur une coquille, & justifie ainsi son surnom ; Philopoemen, le manteau bas, coupe du bois dans la cuisine de son hôte. Voilà le véritable art de peindre. La physionomie ne se montre pas dans les grands traits, ni le caractère dans les grandes actions ; c′est dans les bagatelles que le naturel se découvre. Les choses publiques sont ou trop communes ou trop apprêtées, & c′est presque uniquement à celles-ci que la dignité moderne permet à nos auteurs de s′arrêter. Plutarco destaca en detalles que nosotros no nos atrevemos a imitar. Tiene una gracia inevitable para pintar a los grandes hombres en sus nimiedades, y es tan certero en la elección de sus rasgos que muchas veces una palabra, una sonrisa, un gesto, son suficientes para caracterizar a su héroe. Con un chiste Aníbal devuelve el coraje a su ejército asustado, y le hace afrontar riendo la batalla que libró en Italia; Agesilao, montado en una caña, me hace querer al vencedor del gran rey; César, atravesando una mísera aldea y discutiendo con sus amigos, sin pensarlo deja ver al astuto que decía que sólo quería igualarse con Pompeyo; Alejandro se bebe una medicina sin decir una palabra, siendo el más hermoso instante de su vida:- Arístides escribe su propio nombre en una concha y así justifica su mote; Filipemeno se desprende de su capa y corta leña en la cocina de su huésped. Este es el verdadero arte de pintar. No se demuestra la fisonomía en los grandes rasgos, ni el carácter en las grandes acciones; es en lo insignificante que se descubre al natural. Las cosas públicas, o son muy comunes o están muy arregladas y la dignidad moderna casi no permite a nuestros historiadores que hablen de otras.
Un des plus grands hommes du siècle dernier fut incontestablement M. de Turenne. On a eu le courage de rendre sa vie intéressante par de petits détails qui le font connoître & aimer ; mais combien s′est-on vu forcé d′en supprimer qui l′auroient fait connoître & aimer davantage ! Je n′en citerai qu′un, que je tiens de bon lieu, & que Plutarque n′eût eu garde d′omettre, mais que Ramsai n′eût eu garde d′écrire quand il l′auroit su. Turena fue sin duda uno de los más grandes hombres del siglo pasado, y un escritor ha sabido hacer interesante su vida relatando pasajes que le dan a conocer y que se le quiera, ¿:pero cuántos se ha visto obligado a suprimir, a pesar de que habrían valido para conocerlo mejor y quererle más? Citaré uno solo, que sé de buen origen y que Plutarco se hubiera guardado de omitir, pero que Ramsai no se habría atrevido a escribir, aun cuando lo hubiese conocido.
Un jour d′été qu′il faisoit fort chaud, le vicomte de Turenne, en petite veste blanche & en bonnet, étoit à la fenêtre dans son antichambre : un de ses gens survient, &, trompé par l′habillement, le prend pour un aide de cuisine avec lequel ce domestique étoit familier. Il s′approche doucement par derrière, & d′une main qui n′étoit pas légère lui applique un grand coup sur les fesses. L′homme frappé se retourne à l′instant. Le valet voit en frémissant le visage de son maître. Il se jette à genoux tout éperdu : Monseigneur, j′ai cru que c′étoit George. & quand c′eut été George, s′écrie Turenne en se frottant le derrière, il ne falloit pas frapper si fort. Voilà donc ce que vous n′osez dire, misérables ? Soyez donc à jamais sans naturel, sans entrailles ; trempez, durcissez vos cœurs de fer dans votre vile décence ; rendez-vous méprisables à force de dignité. Mais toi, bon jeune homme qui lis ce trait, & qui sens avec attendrissement toute la douceur d′âme qu′il montre, même dans le premier mouvement, lis aussi les petitesses de ce grand homme, dès qu′il étoit question de sa naissance & de son nom. Songe que c′est le même Turenne qui affectoit de céder partout le pas à son neveu, afin qu′on. vît bien que cet enfant étoit le chef d′une maison souveraine. Rapproche ces contrastes, aime la nature, méprise l′opinion, & connois l′homme. Un día de verano que apretaba mucho el calor, estaba asomado a la ventana de su antecámara el vizconde de Turena, con faldellín blanco y gorro; llega uno de sus criados, y engañado con el vestido, cree que es un pinche de cocina con quien tenía mucha familiaridad. Se le acerca sigilosamente por detrás y le arrea el más rotundo guantazo en las nalgas. El se vuelve al instante, el criado ve quién es, y temblando se le pone de rodillas y gime: «Excelentísimo señor, creí que era Jorge». « Pues aunque hubiese sido Jorge -dice Turena tentándose el trasero-, no era motivo para pegar tan fuerte. Pues esto es lo que os atrevéis a decir miserables. No seáis nunca naturales; templad, endureced vuestro corazón de acero en vuestra vil decencia, v a fuerza de dignidad haceos despreciables. Pero tú, buen muchacho que lees este rasgo y te sientes enternecido por la blandura de ánimo que en el primer movimiento acredita, lee también las miserias de este gran varón, pues lo era por su cuna y su nombre. Piensa que ese mismo Turena era quien en todas partes ponía cuidado en ceder el sitio preferente a su sobrino para que viesen que el niño era jefe de una casa soberana. Reúne estos contrastes, ama la naturaleza, desprecia la opinión v conoce al hombre.
Il y a bien peu de gens en état de concevoir les effets que des lectures ainsi dirigées peuvent opérer sur l′esprit tout neuf d′un jeune homme. Appesantis sur des livres dès notre enfance, accoutumés à lire sans penser, ce que nous lisons nous frappe d′autant moins que, portant déjà dans nous-mêmes les passions & les préjugés qui remplissent l′histoire & les vies des hommes, tout ce qu′ils font nous paraît naturel, parce que nous sommes hors de la nature, & que nous jugeons des autres par nous. Mais qu′on se représente un jeune homme élevé selon mes maximes, qu′on se figure mon Émile, auquel dix-huit ans de soins assidus n′ont eu pour objet que de conserver un jugement intègre & un cœur sain ; qu′on se le figure, au lever de la toile, jetant pour la première fois les yeux sur la scène du monde, ou plutôt, placé derrière le théâtre, voyant les acteurs prendre & poser leurs habits, & comptant les cordes & les poulies dont le grossier prestige abuse les yeux des spectateurs : bientôt a sa première surprise succéderont des mouvements de honte & de dédain pour son espèce ; il s′indignera de voir ainsi tout le genre humain, dupe de lui-même, s′avilir à ces jeux d′enfants ; il s′affligera de voir ses frères s′entre-déchirer pour des rêves, & se changer en bêtes féroces pour n′avoir pas su se contenter d′être hommes. Muy pocas personas son capaces de comprender el efecto que en el inexperto espíritu de un joven pueden producirle lecturas dirigidas de esta forma. Cargados de libros desde nuestra niñez, habituados a leer sin pensar, nos produce menos impresión lo que leemos, pues como ya tenemos dentro de nosotros las pasiones y las preocupaciones de que están llenas las historias y las vidas de los hombres, nos parece natural todo lo′ que hacen, porque estamos fuera de la naturaleza y juzgamos por nosotros a los demás. Pero representémonos a un joven educado según mis máximas. Figurémonos a mi Emilio, al que hemos dedicado dieciocho años de cuidados continuos, sin otra finalidad que la de conservarle recto el juicio y sano el corazón; figurémonos que, al levantar el telón, por vez primera pone la vista en la comedia del mundo, o colocado detrás del escenario mira cómo los actores se ponen y quitan sus trajes y cuenta las cuerdas y poleas, cuyo montaje engaña a los espectadores. Pronto, tras el primer asombro, seguirán sentimientos de vergüenza y desdén por su especie; se indignará al ver cómo se manifiesta el género humano, burlándose de sí mismo, empequeñeciéndose con juegos de niños; se afligirá al observar que destrozan sus hermanos por sueños, y que se convierten en fieras por no haberse sabido contentar con ser hombres.
Certainement, avec les dispositions naturelles de l′élève, pour peu que le maître apporte de prudence & de choix dans ses lectures, pour peu qu′il le mette sur la voie des réflexions qu′il en doit tirer, cet exercice sera pour lui un cours pratique, meilleur sûrement & mieux entes les vaines spéculations dont on brouille l′esprit des jeunes gens dans nos écoles. Qu′après avoir suivi les romanesques projets de Pyrrhus Cyneas lui demande quel bien réel lui procurera la conquête du monde, dont il ne puisse jouir dès à présent sans tant de tourments ; nous ne voyons là qu′un bon mot qui passe. Mais Émile y verra une réflexion très sage, qu′il eût faite le premier, & qui ne s′effacera jamais de son esprit, parce qu′elle n′y trouve aucun préjugé contraire qui puisse en empêcher l′impression. Quand ensuite, en lisant la vie de cet insensé, il trouvera que tous ses grands desseins ont abouti à s′aller faire tuer par la main d′une femme, au lieu d′admirer cet héroïsme prétendu, que verra-t-il dans tous les exploits d′un si grand capitaine, dans toutes les intrigues d′un si grand politique, si ce n′est autant de pas pour aller chercher cette malheureuse tuile qui devoit terminer sa vie & ses projets par une mort déshonorante ? Ciertamente, con las naturales disposiciones del alumno, si el maestro escoge con un poco de tacto y prudencia sus lecturas y le sugiere un poco las reflexiones que de ellas ha de sacar, este ejercicio será para él un curso de filosofía práctica, mejor y más acertado que las vanas especulaciones con que embrollan en las aulas el entendimiento de la juventud. Cuando después de escuchar los novelescos proyectos de Pirro, le pregunta Cineas qué utilidad real le habrá de proporcionar la conquista del mundo que no pueda disfrutarla sin tanto afán, entonces solamente oímos una frase aguda, pero Emilio verá en ella una muy sabia reflexión, que hubiera hecho igualmente y que no se borrará de su espíritu, porque no topa con ningún prejuicio contrario que pueda alterar su impresión. Cuando después, al leer la vida de ese insensato, encuentre que todos sus ambiciosos propósitos vinieron a parar en morir a manos de una mujer, en vez de quedarse maravillado de este pretendido heroísmo, ¿:qué otra cosa ha de ver en todas las proezas de tan ilustre capitán y en todas las intrigas de tan hábil político, que otros tantos pasos en busca de la desdichada teja que con una ignominiosa muerte había de acabar con sus proyectos y su vida?
Tous les conquérants n′ont pas été tués ; tous les usurpateurs n′ont pas échoué dans leurs entreprises, plusieurs paraîtront heureux aux esprits prévenus des opinions vulgaires : mais celui qui, sans s′arrêter aux apparences, ne juge du bonheur des hommes que par l′état de leurs cœurs, verra leurs cœurs, verra leurs misères dans leurs succès mêmes ; il verra leurs désirs & leurs soucis rongeans s′étendre & s′accroître avec leur fortune ; il les verra perdre haleine en avançant, sans jamais parvenir à leurs termes, il les verra semblables à ces voyageurs inexpérimentés qui, s′engageant pour la première fois dans les Alpes, pensent les franchir à chaque montagne, &, quand ils sont au sommet, trouvent avec découragement de plus hautes montagnes au-devant d′eux. No han sido matados todos los conquistadores, ni todos los usurpadores han fracasado en sus empresas; muchos parecerán dichosos ante la candidez de los juicios sin condición, pero el que no se detiene en las apariencias y sólo juzga de la felicidad de los hombres por el estado de sus corazones, en sus mismos triunfos verá sus miserias, se dará cuenta de que con la fortuna crecen sus deseos, sin llegar jamás a la meta; los verá semejantes a aquellos viajeros inexpertos que por primera vez atraviesan los Alpes y a cada montaña creen que los dejan atrás, y cuando a fuerza de fatigas han trepado a la cumbre, ven con desaliento que se les oponen montañas todavía más altas que las ya vencidas.
Auguste, après avoir soumis ses concitoyens & détruit ses rivaux, régit durant quarante ans le plus grand empire qui ait existé : mais tout cet immense pouvoir l′empêchait-il de frapper les murs de sa tête & de remplir son vaste palais de ses cris, en redemandant à Varus ses légions exterminées ? Quand il auroit vaincu tous ses ennemis, de quoi lui auroient servi ses vains triomphes, tandis que les peines de toute espèce naissoient sans cesse autour de lui, tandis que ses plus chers amis attentoient à sa vie & qu′il étoit réduit à pleurer la honte ou la mort de tous ses proches ? L′infortuné voulut gouverner le monde, & ne sut pas gouverner sa maison ! Qu′arriva-t-il de cette négligence ? Il vit périr à la fleur de l′âge son neveu, son fils adoptif, son gendre ; son petit-fils fut réduit à manger la bourre de son lit pour prolonger de quelques heures sa misérable vie ; sa fille & sa petite-fille, après l′avoir couvert de leur infamie, moururent l′une de misère & de faim dans une île déserte, l′autre en prison par la main d′un archer. Lui-même enfin, dernier reste de sa malheureuse famille, fut réduit par sa propre femme à ne laisser après lui qu′un monstre pour lui succéder. Tel fut le sort de ce maître du monde tant célébré pour sa gloire & son bonheur. Croirai-je qu′un seul de ceux qui les admirent les voulût acquérir au même prix ? Augusto, después de someter a sus conciudadanos y de aniquilar a sus rivales, rigió durante cuarenta años el más vasto imperio que ha existido, ¿:pero todo ese inmenso poder evitaba que golpease con la cabeza las paredes y que con sus gritos aturdiese su palacio pidiendo a Varo sus legiones exterminadas? Aun cuando hubiera vencido a todos sus enemigos, ¿:de qué le servían sus inútiles triunfos si a su alrededor nacía todo género de pesares y sus amigos más queridos aspiraban a quitarle la vida, viéndose reducido a llorar la ignominia o la muerte de todos sus deudos? El desventurado quiso gobernar al mundo y fue incapaz de gobernar su casa. ¿:Qué resultó de su incapacidad? En la flor de su edad vio morir a su sobrino, a su hijo adoptivo y a su yerno; su nieto tuvo que comerse la borra de su cama para prolongar algunas horas su miserable existencia; su hija y su nieta, después de haberle cubierto de infamia, murieron una de hambre y miseria en una isla desierta, y la otra en la cárcel a manos de un arquero, y finalmente, él mismo, último resto de su desdichada familia, se vio obligado por su propia mujer a dejar por sucesor suyo a un monstruo. Tal fue la suerte de este árbitro del mundo tan célebre por su felicidad y su gloria. ¿:Cómo he de creer que uno solo de los que tanto las admiran quisiese comprarlas a este precio?
J′ai pris l′ambition pour exemple ; mais le jeu de toutes les passions humaines offre de semblables leçons à qui veut étudier l′histoire pour se connoître & se rendre sage aux dépens des morts. Le tems approche où la vie d′Antoine aura pour le jeune homme une instruction plus prochaine que celle d′Auguste. Emile ne se reconnoîtra guère dans les étranges objets qui frapperont ses regards durant ses nouvelles études ; mais il saura d′avance écarter l′illusion des passions avant qu′elles naissent, & voyant que de tous les tems elles ont aveugle les hommes, il sera prevenu de la maniere dont elles pourront l′aveugler à son tour, si jamais il s′y livre. Ces leçons, je le sais, lui sont mal appropriées ; peut-être au besoin seront-elles tardives, insuffisantes : mais souvenez-vous que ce ne sont point celles que j′ai voulu tirer de cette étude. En la commençant, je me proposois un autre objet ; & sûrement, si cet objet est mal rempli, ce sera la faute du maître. Songez qu′aussitôt que l′amour-propre est développé, le moi relatif se met en jeu sans cesse, & que jamais le jeune homme n′observe les autres sans revenir sur lui-même et se comparer avec eux. Il s′agit donc de savoir à quel rang il se mettra parmi ses semblables après les avoir examinés. Je vois, à la manière dont on fait lire l′histoire aux jeunes gens, qu′on les transforme, pour ainsi dire, dans tous les personnages qu′ils voient, qu′on s′efforce de les faire devenir tantôt Cicéron, tantôt Trajan, tantôt Alexandre ; de les décourager lorsqu′ils rentrent dans eux-mêmes ; de donner à chacun le regret de n′être que soi. Cette méthode a certains avantages dont je ne disconviens pas ; mais, quant à mon Emile, s′il arrive une seule fois, dans ces parallèles, qu′il aime mieux être un autre que lui, cet autre, fût-il Socrate, fût-il Caton, tout est manqué : celui qui commence à se rendre étranger à lui-même ne tarde pas à s′oublier tout à fait. He puesto como ejemplo la ambición, pero lecciones semejantes presenta el juego de todas las humanas pasiones al que quiere estudiar la historia para conocerse y llegar a ser sabio a costa de los muertos. Se aproxima el tiempo en que la vida de Antonio tendrá una instrucción más inmediata para el joven que la de Augusto. En los extraños objetos que se presentan a su vista durante sus nuevos estudios, Emilio no se reconocerá a sí mismo, pero previamente sabrá apartar la ilusión de las pasiones antes de que nazcan, y al observar que en todos los tiempos han cegado a los hombres vivirá prevenido de que también podrán cegarle a él si se dejan arrastrar por ellas . Ya sé que estas lecciones no le son muy apropiadas, y que tal vez cuando las necesiten serán insuficientes y tardías, pero debéis acordaron de que no son ésas las que he querido sacar de este estudio. Cuando lo empecé me propuse otro fin, y, ciertamente, si este fin no se consigue, la culpa será del maestro. Debéis tener presente que tan pronto como se ha desarrollado el amor propio, se pone en acción el «yo» relativo, y nunca observa el joven a los otros sin mirarse a sí mismo y compararse con ellos. Por consiguiente, se trata de saber en qué sitio se colocará entre sus semejantes cuando los haya examinado. Por el método que siguen para que lean la historia los jóvenes, veo que los transforman, por decirlo así, en todos los personajes que ven, que hacen esfuerzos para suponerse unas veces Cicerón, otras Trajano, otras Alejandro; que los desalientan cuando se hallan identificados con ellos, que a cada uno le imponen el desconsuelo de no ser más que él propio. Este método posee ciertas ventajas que yo no discuto, mas si en estas comparaciones ocurriese una única vez que mi Emilio deseara ser otro que no fuera él, aun que este otro fuera Sócrates, aunque fuera Catón, todo habría fallado, pues quien comienza a tenerse por extraño no tarda en olvidarse de sí mismo.
Ce ne sont point les philosophes qui connoissent le mieux les hommes ; ils ne les voient qu′à travers les préjugés de la philosophie ; & je ne sache aucun état où on en ait tant. Un sauvage nous juge plus sainement que ne fait un philosophe. Celui-ci sent ses vices, s′indigne des nôtres, & dit en lui-même : Nous sommes tous méchants ; l′autre nous regarde sans s′émouvoir, & dit : Vous êtes des fous. Il a raison, car nul ne fait le mal pour le mal. Mon élève est ce sauvage, avec cette différence qu′Emile, ayant plus réfléchi, plus comparé d′idées, vu nos erreurs de plus près, se tient plus en garde contre lui-même & ne juge que de ce qu′il connoît. Ce sont nos passions qui nous irritent contre celles des autres ; c′est notre intérêt qui nous fait haïr les méchants ; s′ils ne nous faisoient aucun mal, nous aurions pour eux plus dé pitié que de haine. Le mal que nous font les méchants nous fait oublier celui qu′ils se font à eux-mêmes. Nous leur pardonnerions plus aisément leurs vices, si nous pouvions connoître combien leur propre cœur les en punit. Nous sentons l′offense & nous ne voyons pas le châtiment ; les avantages sont apparents, la peine est intérieure. Celui qui croit jouir du fruit de ses vices n′est pas moins tourmenté que s′il n′eût point réussi ; l′objet est changé, l′inquiétude est la même ; ils ont beau montrer leur fortune & cacher leur cœur, leur conduite le montre en dépit d′eux : mais pour le voir, il n′en faut pas avoir un semblable. Los filósofos no son en verdad los que mejor conocen a los hombres, pues únicamente los miran a través de los prejuicios de la filosofía, y no sé de estado alguno en el que haya tantos. Más certero juicio forma de nosotros un salvaje que un filósofo. Este siente sus vicios, se indigna con los nuestros y dice: «Todos somos malos», pero el otro nos ve sin emoción y exclama: «Sois locos». Tiene razón, porque nadie hace el mal por hacerlo. Mi alumno es este salvaje, con la diferencia de que como Emilio ha reflexionado más, ha comparado más ideas y ha visto más de cerca nuestros errores, pone la mayor atención en sí mismo y sólo juzga lo que conoce. Nuestras pasiones son las que nos irritan contra los demás, y nuestro interés el que obra en nosotros de forma que aborrezcamos a los perversos, y si no nos hiciesen algún daño les tendríamos más lástima que odio, pues ese daño de que somos víctimas nos hace olvidar del daño que se hacen a sí mismos. Con mayor facilidad les perdonaríamos sus vicios si pudiéramos saber cómo les castiga su propio corazón. Sentimos la ofensa y no nos damos cuenta del castigo; las ventajas son aparentes y la pena es interior. El que cree disfrutar con sus vicios no vive menos atormentado que si tratase de vencerlos; el objetivo es otro, pero la inquietud es la misma; inútilmente alardean de su fortuna y esconden su corazón, sin pensar que su conducta nos lo descubre a pesar suyo, pero para darnos cuenta importa que el nuestro no se parezca al de ellos.
Les passions que nous partageons nous séduisent ; celles qui choquent nos intérêts nous révoltent, &, par une inconséquence qui nous vient d′elles, nous blâmons dans les autres ce que nous voudrions imiter. L′aversion & l′illusion sont inévitables, quand on est forcé de souffrir de la part d′autrui le mal qu′on feroit si l′on étoit à sa place. Nos atraen en los otros las pasiones que coinciden con las nuestras, y nos asquean las que topan con nuestros sentimientos; por una inconsecuencia que se deriva de ellas odiamos en los otros lo que quisiéramos imitar. No se pueden evitar la aversión y la ilusión cuando se ve uno forzado a sufrir de otro el mismo mal que él haría si se hallase en su lugar.
Que faudroit-il donc pour bien observer les hommes ? Un grand intérêt à les connaître, une grande impartialité à les juger, un cœur assez sensible out concevoir toutes l′es passions humaines, & assez calme pour ne les pas éprouver. S′il est dans la vie un moment favorable à cette étude, c′est celui que j′ai choisi pour Émile : plus tôt ils lui eussent été étrangers, plus tard il leur eût été semblable. L′opinion dont il voit le jeu n′a point encore acquis sur lui d′empire ; les passions dont il sent l′effet n′ont point agité son cœur. Il est homme, il s′intéresse à ses frères ; il est équitable, il juge ses pairs. Or, sûrement, s′il les juge bien, il ne voudra être à la place d′aucun d′eux ; car le but de tous les tourments qu′ils se donnent, étant fondé sur des préjugés qu′il n′a pas, lui paraît un but en l′air. Pour lui, tout ce qu il désire est à sa portée. De qui dépendrait-il, se suffisant a lui-même et libre de préjugés ? Il a des bras, de la santé [8] , de la modération, peu de besoins & de quoi les satisfaire. Nourri dans la plus absolue liberté, le plus grand des maux qu′il conçoit est la servitude. Il plaint ces misérables rois, esclaves de tout ce qui leur obéit ; il plaint ces faux sages enchaînés à leur vaine réputation ; il plaint ces riches sots, martyrs de leur faste ; il plaint ces voluptueux de parade qui livrent leur vie entière à l′ennui, pour paraître avoir du plaisir. Il plaindroit l′ennemi qui lui feroit du mal à lui-même ; car dans ses méchancetés, il verroit sa misère. Il se dirait : En se donnant le besoin de me nuire, cet homme a fait dépendre son sort du mien. ¿:Qué se necesitaría, pues, para observar a los hombres? Un gran interés en conocerlos y una gran imparcialidad para juzgarlos; un corazón tan sensible que concibiese todas las pasiones humanas y tan tranquilo que no las experimentase. Si en la vida hay un momento propicio para este estudio, es el que he escogido para nuestro Emilio; antes hubieran sido los hombres distintos, y después los que se le pareciesen. La opinión, cuya influencia no ignora, no se adueñó todavía de él, m las pasiones, cuyo efecto intuye, han agitado aún su pecho. Es hombre y se interesa por sus herma nos; es justo y trata de juzgarlos. Si los juzga bien, no deseará hallarse en el lugar de ninguno de ellos, por que advirtiendo sus desvelos y sus preocupaciones, no le interesa seguir sus huellas. Todo lo que él desea lo tiene a mano. ¿:De quién ha de depender si se basta a sí mismo y está libre de preocupaciones? Tiene brazos, moderación, salud , necesidades mínimas y puede satisfacerlas. Criado en absoluta libertad, el mayor mal que concibe es la servidumbre. Compadece a esos miserables reyes esclavos de todo lo que les obedece, a esos fingidos sabios esclavizados con la vana reputación, a esos necios ricos esclavos de su opulencia, y a esos que alardean de su sensualidad, viviendo siempre sometidos a sus excesos. Tendría compasión de un enemigo que le dañara porque en su maldad vería su miseria, y se diría: «Cuando este hombre se ha propuesto hacerme daño, ha hecho que su suerte dependa de la mía».
Encore un pas & nous touchons au but. L′amour-propre est un instrument utile, mais dangereux ; souvent il blesse la main qui s′en sert, & fait rarement du bien sans mal. Émile, en considérant son rang dans l′espèce humaine & s′y voyant si heureusement placé, sera tenté de faire honneur à sa raison de l′ouvrage de la vôtre, & d′attribuer à son mérite l′effet de son bonheur. Il se dira : je suis sage, et les hommes sont fous. En les plaignant il les méprisera, en se félicitant il s′estimera davantage &, se sentant plus heureux qu′eux, il se croira plus digne de l′être. Voilà l′erreur la plus à craindre, parce qu′elle est la plus difficile à détruire. S′il restoit dans cet état il auroit peu gagné à tous nos soins : & s′il faloit opter, je ne sais si je n′aimerois pas mieux encore l′illusion des préjugés que celle de l′orgueil. Otro paso más y llegamos a la meta. El amor propio es un instrumento útil pero peligroso; hiere con frecuencia la mano que de él se sirve y rara vez rinde un provecho sin hacer estragos. Considerando Emilio su lugar entre la especie humana y viéndose felizmente situado sentirá el impulso de honrar su razón en armonía con la vuestra y de atribuir a su mérito lo que ha sido resultado de su dicha. Dirá para su interior: «Soy sabio y los hombres son necios». Se compadecerá de ellos despreciándolos; dándose la enhorabuena se tendrá en más, y sintiéndose más feliz que ellos, se creerá con más mérito para serlo. Este es el error que más debe temerse, porque es el que se desarraiga con mayor dificultad. Si no pudiera salir de este estado, de poco le servirían todos nuestros desvelos, y si fuera necesario escoger, quizá yo preferiría la ilusión de las preocupaciones a la de la soberbia.
Les grands hommes ne s′abusent point sur leur supériorité ; ils la voient, la sentent, et n′en sont pas moins modestes. Plus ils ont, plus ils connoissent tout ce qui leur manque. Ils sont moins vains de leur élévation sur nous qu′humiliés du sentiment de leur misère ; &, dans les biens exclusifs qu′ils possèdent, ils sont trop sensés pour tirer vanité d′un don qu′ils ne se sont pas fait. L′homme de bien peu ! être fier de sa vertu, parce qu′elle est à lui ; mais de quoi l′homme d′esprit est-il fier ? Qu′a fait Racine, pour n′être pas Pradon ? Qu′a fait Boileau, pour n′être pas Cotin ? Los grandes hombres no se engañan acerca de su superioridad, que la ven, la sienten y no por eso son menos modestos. Cuanto más tienen, más saben lo mucho que les falta. Menos les enorgullece lo elevados que se hallan en relación con nosotros, que los humilla el sentimiento de su miseria, y en los bienes que ellos monopolizan exclusivamente, poseen razones sobradas para vanagloriarse del preciado don que se les concedió. Puede el hombre de bien ufanarse de su virtud porque es suya, pero, ¿:por qué debe estarlo un hombre de talento? ¿:Qué hizo Racine para no ser Pradón? ¿:Qué hizo Boileau para no ser Cotin?
Ici c′est tout autre chose encore. Restons toujours dans l′ordre commun. Je n′ai supposé dans mon élève ni un génie transcendant, ni un entendement bouché. Je l′ai choisi parmi les esprits vulgaires pour montrer ce que peut l′éducation sur l′homme. Tous les cas rares sont hors des règles. Quand donc, en conséquence de mes soins, Émile préfère sa manière d′être, de voir, de sentir, à celle des autres hommes, Émile a raison. Mais quand il se croit pour cela d′une nature plus excellente, & plus heureusement né qu′eux, Émile a tort : il se trompe, il faut le détromper, ou plutôt prévenir l′erreur, de peur qu′il ne soit trop tard ensuite pour la détruire. Aquí aun es otra cosa mucho más diferente. Permanezcamos siempre en el orden común. A mi alumno no le he supuesto un ingenio trascendental ni un entendimiento, obtuso; lo he escogido de una inteligencia común para demostrar lo que puede significar la educación en el hombre. Están fuera de la regla los casos excepcionales. De esta forma cuando a consecuencia de mis desvelos Emilio prefiere su modo de ser, ver y sentir al de los demás, tiene razón, pero cuando se cree de más excelente naturaleza y de mejor carácter que el de ellos, Emilio está en un error; es necesario desengañarle, para que no sea demasiado tarde cuando queramos advertirle.
Il n′y a point de folie dont on ne puisse guérir un homme qui n′est pas fou, hors la vanité ; pour celle-ci, rien n′en corrige que l′expérience, si toutefois quelque chose en peut corriger ; à sa naissance, au moins, on peut l′empêcher de croître. N′allez donc pas vous perdre en beaux raisonnements, pour prouver à l′adolescent qu′il est homme comme les autres & sujet aux mêmes faiblesses. Faites-le lui sentir, ou jamais il ne le saura. C′est encore ici un cas d′exception à mes propres règles ; c′est le cas d′exposer volontairement mon élève à tous les accidents qui peuvent lui prouver qu′il n′est pas plus sage que nous. L′aventure du bateleur seroit répétée en mille manières, je laisserais aux flatteurs prendre tout leur avantage avec lui : si des étourdis l′entraînaient dans quelque extravagance, je lui en laisserois courir le danger : si des filous l′attaquoient au jeu, je le leur livrerois pour en faire leur dupe [9] ; je le laisserois encenser, plumer, dévaliser par eux ; & quand, l′ayant mis à sec, ils finiroient par se moquer de lui, je les remercierois encore en sa présence des leçons qu′ils ont bien voulu lui donner. Les seuls pièges dont je le garantirois avec soin seroient ceux des courtisans. Les seuls ménagements que j′aurois pour lui seroient de partager tous les dangers que je lui laisserois courir & tous les affronts que le lui laisserois recevoir. J′endurerais tout en silence, sans plainte, sans reproche, sans jamais lui en dire un seul mot, et soyez sûr qu′avec cette discrétion bien soutenue, tout ce qu′il m′aura vu souffrir pour lui fera plus d′impression sur son cœur que ce qu′il aura souffert lui-même. No existe locura que un hombre no pueda curársela si no es demente, si no es la de la vanidad, la cual únicamente se corrige con la experiencia, si alguna cosa de ella puede ser corregida; quizá en sus inicios podamos evitar que tome incremento. No profundicéis en larga argumentación para hacer demostrar al muchacho que es hombre como los demás, y que está expuesto a idénticas flaquezas. Haced que se dé cuenta por la experiencia o no se dará cuenta nunca. Aquí nos hallamos en un caso de excepción a mis propias reglas, que es el de exponer voluntariamente a mi discípulo a todas las dificultades que le prueben que no es más discreto que nosotros. De mil formas se repetiría la aventura del titiritero; dejaría que los aduladores obtuviesen de él el partido que se les antojase; si unos atolondrados le hacían cometer algún disparate, le dejaría que padeciese sus consecuencias; si unos tahúres le instaban a que jugase con ellos, le dejaría que le sacasen su dinero con trampas ; permitiría que le adulasen, que le esquilmasen, que le vaciasen el bolsillo, y que cuando le vieran sin un céntimo se burlasen de él; les agradecería delante de él por las lecciones que le habrían dado. De lo único que con cuidado le preservaría sería de los lazos tendidos por las cortesanas, y la única contemplación que con él tendría sería participar de todos los riesgos que le dejara correr y de todos los desaires que consintiera le hiciesen. Todo lo soportaría en silencio, sin quejarme, sin echárselo en cara, sin articular palabra, y estad seguros de que con esta prudencia nunca desmentida, todo cuanto por él me vea sufrir le producirá más impresión que lo qué él mismo sufriese.
Je ne puis m′empêcher de relever ici la fausse dignité des gouverneurs qui, pour jouer sottement les sages, rabaissent leurs élèves, affectent de les traiter toujours en enfants & de se distinguer toujours d′eux dans tout ce qu′ils leur font faire. Loin de ravaler ainsi leurs jeunes courages, n′épargnez rien leur élever l′âme ; faites en vos égaux afin qu′ils le deviennent ; &, s′ils ne peuvent encore s′élever à vous, descendez à eux sans honte, sans scrupule. Songez que votre honneur n′est plus dans vous, mais dans votre élève ; partagez ses fautes pour l′en corriger ; chargez-vous de sa honte pour l′effacer ; imitez ce brave Romain qui, voyant fuir son armée & ne pouvant la rallier, se mit à fuir à la tête de ses soldats, en criant ils ne fuient pas, ils suivent leur capitaine. Fut-il déshonoré pour cela ? Tant s′en faut : en sacrifiant ainsi sa gloire, il l′augmenta. La force du devoir, la beauté de la vertu entraînent malgré nous nos suffrages & renversent nos insensés préjugés. Si je recevois un soufflet en remplissant mes fonctions auprès d′Émile, loin de me venger de ce soufflet, j′irois partout m′en vanter ; & je doute qu′il y eût dans le monde un homme assez vil [10] , pour ne pas m′en respecter davantage. No puedo menos de poner aquí en evidencia la pretendida dignidad de los ayos, que por representar el impertinente papel de sabios desairan a sus alumnos, tratándolos con afectación, como si fueran niños, y distinguiéndose siempre de ellos en todo lo que les obligan a hacer. Muy lejos de abatir así su pecho juvenil, no omitáis nada para el fin de levantar su ánimo, hacedlos iguales vuestros, para que de esta forma lo sean, y si aún no pueden subir hasta vosotros, bajaos sin escrúpulos ni vergüenza hasta ellos. Pensad que vuestro honor se cifra más en vuestro alumno que en vos; tomad parte en sus yerros, con el fin de que se enmiende en ellos; haceos responsable de su ignominia con el fin de que se borre; imitad a aquel valiente romano que, viendo huir a su ejército y no pudiendo reunirle, corrió al frente de sus soldados gritando: «No huyen, sino que siguen a su capitán». ¿:Se deshonró con eso? Al contrario, aumentó su gloria. La fuerza de la obligación y la hermosura de la virtud nos arrastran involuntariamente y arruinan nuestras desatinadas preocupaciones. Si me propinaran una bofetada desempeñando mis obligaciones en presencia de Emilio, lejos de vengarme me alegraría haberla recibido y dudo que se hallara hombre tan despreciable que por eso no me respetase más aún.
Ce n′est pas que l′élève doive supposer dans le maître des lumières aussi bornées que les siennes & la même facilité à se laisser séduire. Cette opinion est bonne pour un enfant, qui, ne sachant rien voir, rien comparer, met tout le monde à sa portée, & ne donne sa confiance qu′à ceux qui savent s′y mettre en effet. Mais un jeune homme de l′âge d′Emile, & aussi sensé que lui, n′est plus assez sot pour prendre ainsi le change, & il ne seroit pas bon qu′il ce prit. La confiance qu′il doit avoir en son gouverneur est d′une autre espèce : elle doit porter sur l′autorité de la raison, sur la supériorité des lumières, sur les avantages que le jeune homme est en état de connaître, & dont il sent l′utilité pour lui. Une longue expérience l′a convaincu qu′il est aimé de son conducteur ; que ce conducteur est un homme sage, éclairé, qui, voulant son bonheur, sait ce qui peut le lui procurer. Il doit savoir que, pour son propre intérêt, il lui convient d′écouter ses avis. Or, si le maître se laissoit tromper comme le disciple, il perdroit le droit d′en exiger de la déférence & de lui donner des leçons. Encore moins l′élève doit-il supposer que le maître le laisse à dessein tomber dans des pièges, & tend des embûches à sa simplicité. Que faut-il donc faire pour éviter à la fois ces deux inconvénients ? Ce qu′il y a de meilleur & de plus naturel : être simple & vrai comme lui ; l′avertir des périls auxquels il s′expose ; les lui montrer clairement, sensiblement, mais sans exagération, sans humeur, sans pédantesque étalage, surtout sans lui donner vos avis pour des ordres, jusqu′à ce qu′ils le soient devenus, & que ce ton impérieux soit absolument nécessaire. S′obstine après cela, comme il fera très souvent ? alors ne lui dites plus rien ; laissez-le en liberté, suivez-le, imitez-le, & cela gaiement, franchement ; livrez-vous, amusez-vous autant que lui, s′il est possible. Si les conséquences deviennent trop fortes, vous êtes toujours là pour les arrêter ; & cependant combien le jeune homme, témoin de votre prévoyance & de votre complaisance, ne doit-il pas être à la fois frappé de l′une & touché de l′autre ! Toutes ses fautes sont autant de liens, qu′il vous fournit pour le retenir au besoin. Or, ce qui fait ici le plus grand art du maître, c′est d′amener les occasions & de diriger les exhortations de manière qu′il sache d′avance quand le jeune homme cédera, et quand il s′obstinera, afin de l′environner partout des leçons de l′expérience, sans jamais. l′exposer à de trop grands dangers. Esto no significa que deba suponer el alumno las luces del maestro tan exiguas como las suyas y que se deje atraer con tanta facilidad. Esta opinión es buena para un niño que no sabiendo ver ni comparar nada, coloca todo el mundo a nivel suyo y únicamente se fía de aquellos que efectivamente saben nivelarse con él. Pero un joven de la edad de Emilio y de tanta razón como él, no es tan insensato que de esta forma se deje deslumbrar, ni sería conveniente que así sucediera. De otra especie es la confianza que ha de poseer en su ayo; ha de estribar en la autoridad de la razón, en la superioridad de las luces, en las ventajas que ya es capaz de conocer el joven y cuya utilidad aprecia para sí. Convencido está por una larga experiencia de que su conductor le aprecia; ahora es necesario que se convenza de que es un hombre discreto, ilustrado, que desea su felicidad y sabe lo que puede proporcionársela. Debe saber que por su propio interés le conviene es cuchar sus consejos, pues si se dejase el maestro engañar como el discípulo, perdería el derecho de darle lecciones y exigir de él deferencia. Aún menos debe suponer el alumno que a sabiendas le deje el maestro caer en celadas y que ponga emboscadas a su simplicidad. ¿:Pues qué se ha de hacer para evitar estos dos inconvenientes? Lo mejor y más natural: ser sincero y sencillo como él, avisarle de los riesgos a que se expone, manifestarlos con claridad, palpablemente a él pero sin exageración, sin cólera, sin pedantes perífrasis, sin dictarle como preceptos vuestros consejos, hasta que se conviertan en tales, y se haga absolutamente necesario este estilo imperioso. Y si tras esto se empeña, como acontecerá con harta frecuencia, no le digáis entonces nada, seguidle, imitadle con alegría, osadamente; abandonaos, divertíos tanto como él si fuese posible. Si las consecuencias aparecen muy serias, siempre estáis a tiempo de detenerlas y, mientras, al muchacho que observa vuestra previsión y condescendencia, ¡cuánta impresión le producirá la una y cuánto le enternecerá la otra! Todas sus equivocaciones son otros tantos lazos que os da para contenerle cuando sea necesario Lo que constituye aquí el mayor arte del maestro es traer a punto las ocasiones y dirigir de tal manera las exhortaciones, que de antemano sepa cuándo ha de ceder y cuándo se ha de obstinar el joven, para rodearle por todas partes con las lecciones de la experiencia, sin exponerle nunca a riesgos muy graves.
Avertissez-le de ses fautes avant qu′il y tombe : quand il y est tombé, ne les lui reprochez point ; vous ne feriez qu′en & mutiner son amour-propre. Une leçon qui révolte ne profite pas. je ne connois rien de plus inepte que ce mot : Je vous l′avois bien dit. Le meilleur moyen de faire qu′il se souvienne de ce qu′on lui a dit est de paraître l′avoir oublié. Tout au contraire, quand vous le verrez honteux de ne vous avoir pas cru, effacez doucement cette humiliation par de bonnes paroles. Il s′affectionnera sûrement à vous en voyant que vous vous oubliez pour lui, et qu′au lieu d′achever de l′écraser, vous le consolez. Mais si à son chagrin vous ajoutez des reproches, il vous prendra en haine, & se fera une loi de ne vous plus écouter, comme pour vous prouver qu′il ne pense pas comme vous sur l′importance de vos avis. Advertirle sus faltas antes de que caiga en ellas; cuando las haya cometido, no se las reprendáis, pues no haríais más que excitar y enfurecer su amor propio. Lección que repugna no aprovecha. No sé que haya mayor torpeza que la expresión: «¿:No te lo había yo advertido?» El mejor procedimiento de lograr que se acuerde de lo que le advertimos es hacer como que lo hemos olvidado. Contrariamente, cuando le veáis confuso por no haberos creído, templad con buenas palabras su humillación. Ciertamente os tomará aprecio, viendo que por él lo olvidáis, y en lugar de aumentar su dolor le consoláis. Pero si a su desconsuelo juntáis reprensiones, os tomará aversión y tendrá empeño en no escucharos, aunque sólo sea para probaros que no es de vuestro parecer sobre la utilidad de vuestros consejos.
Le tour de vos consolations peut encore être pour lui une instruction d′autant plus utile qu′il ne s′en défiera pas. En lui disant, je suppose, que mille autres font les mêmes fautes, vous le mettez loin de son compte ; vous le corrigez en ne paraissant que le plaindre : car, pour celui qui croit valoir mieux que les autres hommes, c′est une excuse bien mortifiante que de se consoler par leur exemple ; c′est concevoir que le plus qu′il peut prétendre est qu′ils ne valent pas mieux que lui. La forma de consolarle también puede ser para él una lección más útil porque no desconfía de ella. Si le decís que creéis que otros mil incurren en iguales equivocaciones, es lo que él más desea, y le corregís pareciendo que le compadecéis, porque es disculpa que deja mortificado al que se precia de valer más que los otros hombres el consolarle con su ejemplo; es hacerle entender que puede creer que no valen más que él.
Le tems des fautes est celui des fables. En censurant le coupable sous un masque étranger, on l′instruit sans l′offenser ; & il comprend alors que l′apologue n′est pas un mensonge, par la vérité dont il se fait l′application. L′enfant qu′on n a jamais trompé par des louanges n′entend rien à la fable que j′ai ci-devant examinée, mais l′étourdi qui vient d′être la dupe d′un flatteur conçoit à merveille que le corbeau n′étoit qu′un sot. Ainsi, d′un fait il tire une maxime ; & l′expérience qu′il eût bientôt oubliée se grave, au moyen de la fable, dans son jugement. Il n′y a point de connaissance morale qu′on ne puisse acquérir par l′expérience d′autrui ou par la sienne. Dans les cas où cette expérience est dangereuse, au lieu de la faire soi-même, on tire sa leçon de l′histoire. Quand l′épreuve est sans conséquence, il est bon que le jeune homme y reste exposé ; puis, au moyen de l′apologue, on rédige en maximes les cas particuliers qui lui sont connus. El tiempo de los yerros es el de las fábulas, que censurado el culpado bajo un disfraz extraño le instruyen sin ofenderle, y entonces comprende que no es mentira el apólogo, por la verdad que a sí mismo se aplica. El niño que nunca fue engañado con alabanzas no entiende nada de la fábula que antes examiné, pero el atolondrado que acaba de servir de irrisión a un adulador, concibe maravillosamente que el cuervo era un majadero. Así, de un hecho saca una máxima, y la experiencia que pronto habría olvidado se graba en su juicio con el auxilio de la fábula. No hay ningún conocimiento moral que no pueda adquirirse con la experiencia ajena o con la propia. Cuando la experiencia es peligrosa, la lección se logra a través de la historia; cuando no ha de traer la prueba funestas consecuencias, conviene que el joven se exponga a ella, y luego, por medio del apólogo, se compendien en máximas los casos que conoce.
Je n′entends pas pourtant que ces maximes doivent être développées, ni même énoncées. Rien n′est si vain, si mai entendu, que la morale par laquelle on termine la plupart des fables ; comme si cette morale n′étoit pas ou ne devoit pas être étendue dans la fable même, de manière à la rendre sensible au lecteur ! Pourquoi donc, en ajoutant cette morale à la fin, lui ôter le plaisir de la trouver de son chef ? Le talent d′instruire est de faire que le disciple se plaise à l′instruction. Or, pour qu′il s′y plaise, il ne faut pas que son esprit reste tellement : passif à tout ce que vous lui dites, qu′il n′ait absolument rien à faire pour vous entendre. Il faut que l′amour propre du maître laisse toujours quelque prise au sien ; il faut qu′il se puisse dire : je conçois, je pénètre, j′agis, je m′instruis. Une des choses qui rendent ennuyeux le pantalon de la comédie italienne, est le soin qu′il prend d′interpréter au parterre des platises qu′on n′entend déjà que trop. Je ne veux point qu′un gouverneur soit Pantalon, encore moins un auteur. Il faut toujours se faire entendre ; mais il ne faut pas toujours tout dire : celui qui dit tout dit peu de choses, car à la fin on ne l′écoute plus. Que signifient ces quatre vers que La Fontaine ajoute à la fable de la grenouille qui s′enfle ? A-t-il peur qu′on ne l′ait pas compris ? A-t-il besoin, ce grand peintre, d′écrire les, noms au-dessous des objets qu′il peint ? Loin de généraliser par là sa morale, il la particularise, il la restreint en quelque sorte aux exemples cités, & empêche qu′on ne l′applique à d′autres. Je voudrois qu′avant de mettre les fables de cet auteur inimitable entre les mains d′un jeune homme, on en retranchât toutes ces conclusions par lesquelles il prend la peine d′expliquer ce qu′il vient de dire aussi clairement qu′agréablement. Si votre élève n′entend la fable qu′à l′aide de l′explication, soyez sûr qu′il ne l′entendra pas même ainsi. No obstante, con esto no quiero decir que se deban desenvolver ni enunciar estas máximas. La cosa más vana y peor entendida es la moralidad con que concluyen la mayor parte de las fábulas, como si no debiera estar difundida esta moralidad en el contexto de cada una, de tal forma que fuese palpable para el lector. ¿:Pues por qué poniendo al final esta moralidad, le quitan la satisfacción de encontrarla por sí mismo? El talento de instruir consiste en que el discípulo adquiera gusto por la instrucción, y para ello no ha de quedar de tal manera pasiva su inteligencia en todo cuanto le digáis, que nada tenga que hacer para entenderos. Es preciso que el amor propio del maestro deje siempre algún lugar al suyo; es necesario que pueda decir para sí: «Concibo, penetro, actúo y me instruyo». Una de las cosas que hacen inaguantable el Pantalón de la comedia italiana es su cuidado en explicar al público las simplezas que éste entiende de sobra. No quiero que su ayo sea Pantalón, y menos un autor. Uno debe hacerse entender, pero no siempre lo ha de decir todo, pues el que lo hace dice muy poco, debido a que nadie le escucha. ¿:Qué significan los cuatro versos que añade La Fontaine a la fábula del ratón y el león? ¿:Teme que no le hayan entendido? ¿:Tan buen pintor necesita poner su nombre al pie de lo que pinta? Lejos de generalizar su moralidad, la particulariza, la ciñe de algún modo a los ejemplos que cita y evita que se aplique a otros. Quisiera que antes de poner en manos de un joven las fábulas de este excelente autor, se quitasen todas las conclusiones en que se toma el trabajo de explicar lo que con tanto donaire como claridad acaba de decir. Si vuestro alumno no entiende la fábula sin explicación, estad seguro de que tampoco con ella la entenderá.
Il importeroit encore de donner à ces fables un ordre plus didactique & plus conforme aux progrès des sentiments & des lumières cru jeune adolescent. Conçoit-on rien de moins raisonnable que d′aller suivre exactement l′ordre numérique du livre, sans égard au besoin ni à l′occasion ? D′abord le corbeau, puis la cigale [11] , puis la grenouille, puis les deux mulets, etc. J′ai sur le cœur ces deux mulets, parce que je me souviens d′avoir vu un enfant élevé pour la finance, & qu′on étourdissoit de l′emploi qu′il alloit remplir, lire cette fable, l′apprendre, la dire, la redire cent & cent fois, sans en tirer jamais la moindre objection contre le métier auquel il étoit destiné. Non seulement je n′ai jamais vu d′enfants faire aucune application solide des fables qu′ils apprenaient, mais je n′ai jamais vu que personne se souciât de leur faire faire cette application. Le prétexte de cette étude est l′instruction morale ; mais le véritable objet de la mère & de l′enfant n′est que d′occuper de lui toute une compagnie, tandis qu′il récite ses fables ; aussi les oublie-t-il toutes en grandissant, lorsqu′il n′est plus question de les réciter, mais d′en profiter. Encore une fois, il n′appartient qu′aux hommes de s′instruire dans les fables ; & voici pour Emile le tems de commencer. Del mismo modo sería conveniente dar a estas fábulas un orden más didáctico y más conforme con el progreso de los afectos y las luces del adolescente. ¿:Qué hay más desatinado que seguir puntualmente el orden numérico del libro, sin contar con la ocasión y la necesidad? Por ejemplo, la zorra y las uvas, después la cierva y la viña, luego el asno cargado de reliquias, etc. Aún tengo ojeriza al dichoso asno, porque recuerdo haber visto a un hijo de un marqués, destinado a ser gentilhombre y a quien todo el día estaban hablando de tan ilustre destino, que leyó esta fábula, la aprendió de memoria y la repitió cien y mil veces, sin oponer nunca el más leve reparo contra el oficio que le querían dar. Yo nunca he visto a ningún niño que hiciera una aplicación sólida de las fábulas que aprendía, ni tampoco que nadie procurara que hiciese esa aplicación. El pretexto de este estudio es el de su aplicación moral, pero el verdadero objetivo de la madre y del niño no es otro que hacer que una concurrencia le oiga recitar las fábulas, y esta es la causa de que se le olviden cuando llega a mayor, pero no se trata de recitarlas de corrido, sino de aprovecharse de ellas. Repito que el instruirse en las fábulas es cosa de hombres, y este es el tiempo de que empiece Emilio.
Je montre de loin, car je ne veux pas non plus tout dire, les routes qui détournent de la bonne, afin qu′on apprenne à les éviter. je crois qu′en suivant celle que j′ai marquée, votre élève achètera la connoissance des hommes & de soi-même au meilleur marché qu′il est possible ; que vous le mettrez au point de contempler les jeux de la fortune sans envier le sort de ses favoris, & d′être content de lui sans se croire plus sage que les autres. Vous avez aussi commencé à le rendre acteur pour le rendre spectateur : il faut achever ; car du parterre on voit les objets tels qu′ils paraissent, mais de la scène on les voit tels qu′ils sont. Pour embrasser le tout, il faut se mettre dans le point de vue ; il faut approcher pour voir les détails. Mais à quel titre un jeune homme entrera-t-il dans les affaires du monde ? Quel droit a-t-il d′être initié dans ces mystères ténébreux ? Des intrigues de plaisir bornent les intérêts de son âge ; il ne dispose encore que de lui-même ; c′est comme s′il ne disposoit de rien. L′homme est la plus vile des marchandises, &, parmi nos importants droits de propriété, celui de la personne est toujours le moindre de tous. Señalo desde lejos, ya que tampoco quiero decirlo todo, las sendas que desvían del camino recto, para que se sepan evitar. Creo que siguiendo la que he indicado, comprará vuestro alumno el conocimiento de los hombres y de sí mismo lo más barato posible, y le dais ocasión de contemplar los vaivenes de la fortuna sin envidiar la suerte de los validos, y de estar satisfecho consigo sin creerse más sabio que los demás. También habéis empezado por hacerle actor para que sea espectador; es preciso concluir puesto que desde las butacas se ve la apariencia de los objetos, pero en las tablas se ven como son en realidad. Para abarcar la totalidad, hay que colocarse bajo el punto de vista verdadero y acercarse con el fin de ver mejor los pormenores. ¿:Pero con qué título se introducirá un joven en los negocios del mundo? ¿:Qué derecho tiene para que le inicien en estos tenebrosos misterios? Enredos de galanteos son los que ligan a los intereses de su edad; todavía dispone sólo de sí mismo, que es como si no dispusiera de nada. El hombre es la más′ vil de las mercaderías, y de nuestros derechos importantes de propiedad el de la persona es siempre el de menos valor.
Quand je vois que, dans l′âge de la plus grande activité, l′on borne les jeunes gens à dés études purement spéculatives, & qu′après, sans la moindre expérience, ils sont tout d′un coup jetés dans le monde & dans les affaires, je trouve qu′on ne choque pas moins la raison que la nature, & je ne suis plus surpris que si peu e gens sachent se conduire. Par quel bizarre tour d′esprit nous apprend-on tant de choses inutiles, tandis que l′art d′agir est compté pour rien ? On prétend nous former pour la société, & l′on nous instruit comme si chacun de nous devait passer sa vie à penser seul dans sa cellule, ou à traiter des sujets en l′air avec des indifférents. Vous croyez apprendre à vivre à vos enfants, en leur enseignant certaines contorsions du corps & certaines formules de paroles qui ne signifient rien. Moi aussi, j′ai appris à vivre à mon Émile ; car je lui ai appris à vivre avec lui-même, &, de plus, à savoir gagner son pain. Mais ce n′est pas assez. Pour vivre dans le monde, il faut savoir traiter avec les hommes, il faut connoître les instruments qui donnent prise sur eux ; il faut calculer l′action & réaction de l′intérêt particulier dans la société civile, & prévoir si juste les événements, qu′on soit rarement trompé dans ses entreprises, ou qu′on ait du moins toujours pris les meilleurs moyens pour réussir. Les lois ne permettent pas aux jeunes gens de faire leurs propres affaires, & de disposer de leur propre bien : mais que leur serviroient ces précautions, si, jusqu′à l′âge prescrit, ils ne pouvoientacquérir aucune expérience ? Ils n′auroient rien gagne d′attendre, & seroient tout aussi neufs à vingt-cinq ans qu′à quinze. Sans doute il faut empêcher qu′un jeune homme, aveuglé par son ignorance, ou trompé pas ses passions, ne se fasse du mal à lui-même ; mais à tout âge il est permis d′être bienfaisant, à tout âge on peut protéger, sous la direction d′un homme sage, les malheureux qui n ont besoin que d′appui. Cuando me doy cuenta que en la edad de mayor actividad los estudios de los jóvenes quedan limitados a estudios meramente especulativos, y que después, sin la menor experiencia, son lanzados a destiempo al mundo y a los negocios, encuentro que no pugnan menos con la razón que con la naturaleza, y no me extraña que haya tan poca gente que sepa conducirse. ¿:Qué idea tan extravagante ha sido la de enseñarnos tantas cosas inútiles, cuando para nada se ha tenido en cuenta el arte de obrar? Pretenden formarnos para la sociedad, y nos instruyen como si debiera cada uno de nosotros vivir solo, meditando en el interior de una celda o tratando de negocios fútiles con personas indiferentes. Pensáis que enseñáis a vuestros hijos a vivir, cuando les enseñáis ciertas contorsiones del cuerpo y ciertas expresiones rutinarias que nada significan. Yo también he enseñado a vivir a mi Emilio, quien ha aprendido a vivir consigo y, además, a ganar su pan. Pero esto no es suficiente. Para vivir en el mundo es indispensable que sepa tratar con los hombres, que sea conocedor de los instrumentos que en ellos influyen; es preciso que calcule la acción y la reacción del interés particular en la sociedad civil, y que prevea con tanta exactitud los sucesos, que rara vez quede engañado en sus empresas, o que tome siempre los mejores medios para llevarlas a cabo. Las leyes no permiten a los jóvenes que cuiden sus asuntos propios ni que dispongan de su caudal, ¿:pero de qué les servirían estas precauciones si pudiesen adquirir experiencia de alguna clase hasta la edad prescrita en las mismas? No habrían adelantado nada con la dilación, y tan ineptos serían a los veinte años como a los quince. Sin duda se ha de evitar que un joven obcecado por su ignorancia o engañado por sus pasiones se perjudique a sí mismo, pero el ser benéfico es permitido en una edad cualquiera, y en cualquier edad puede uno, bajo la dirección de un hombre prudente, amparar a los menesterosos que sólo precisan un apoyo.
Les nourrices, les mères s′attachent aux enfants par les soins qu′elles leur rendent ; l′exercice des vertus sociales forte au fond des cœurs l′amour de l′humanité : c′est en faisant le bien qu′on devient bon ; je ne connois point de pratique plus sûre. Occupez votre élève à toutes les bonnes actions qui sont à sa portée ; que l′intérêt des indigents soit toujours le sien ; qu il ne les assiste pas seulement de sa bourse, mais de ses soins ; qu′il les serve, qu′il les protège, qu′il leur consacre sa personne et son temps ; qu′il se fasse leur homme d′affaires : il ne remplira de sa vie un si noble emploi. Combien d′opprimés, qu′on n′eût jamais écoutés, obtiendront justice, quand il la demandera pour eux avec cette intrépide fermeté que donne l′exercice de la vertu ; quand il forcera les portes des grands & des riches, quand il ira, s′il le faut, jusqu au pied du trône faire entendre la voix des infortunés, à qui tous les abords sont fermés par leur misère, & que la crainte d′être punis des maux qu′on leur fait empêche même d′oser s′en plaindre ! Las nodrizas y las madres ponen su afecto a las criaturas por los afanes que les cuestan; el ejercicio de las virtudes sociales planta en el interior de los corazones el amor de la humanidad, y haciendo el bien nos hacemos buenos. No conozco una práctica más segura. Debéis ocupar a vuestro alumno en todas las obras buenas que estén a su alcance, que siempre se interese por los desvalidos, que no les ayude sólo con su dinero, sino también con su solicitud, que los sirva, ampare y les consagre su persona y su tiempo; que se convierta en su agente de negocios, puesto que no hay más noble empleo. Muchos oprimidos que nunca hubieran sido escuchados, alcanzarán justicia cuando la solicite por ellos con la entereza que infunde la práctica de la virtud, cuando vaya a las casas de los ricos y poderosos, o se postre a los pies del monarca para que oiga la voz de los menesterosos, a quienes su miseria cierra todos los caminos y que, por miedo de recibir castigo por los males que padecen, ni siquiera se atreven a quejarse.
Mais ferons-nous d′Émile un chevalier errant, un redresseur de torts, un paladin ? Ira-t-il s′ingérer dans les affaires, publiques, faire le sage & le défenseur des lois chez les grands, chez les magistrats, chez le prince, faire le solliciteur chez les juges & l′avocat dans les tribunaux ? Je ne sais rien de tout cela. Les noms badins & ridicules ne changent rien à la nature des choses. Il fera tout ce qu′il sait être utile & bon. Il ne fera rien de plus, & il sait que rien n′est utile & bon pour lui de ce qui ne convient pas a son age ; il sait que son premier devoir est envers lui-même ; que les jeunes gens doivent se défier d′eux, être circonspects dans leur conduite, respectueux devant les gens plus âgés, retenus & discrets à parler sans sujet, modestes dans les choses indifférentes, mais hardis à bien faire, et courageux à dire la vérité. Tels étoient ces illustres Romains qui, avant d′être admis dans les charges, passoient leur jeunesse à poursuivre le crime & à défendre l′innocence, sans autre intérêt que celui de s′instruire en servant la justice et protégeant les bonnes mœurs. ¿:Pero hemos de hacer que Emilio sea un caballero andante, un enderecedor de entuertos, un paladín? ¿:Se irá a meter en los asuntos públicos para hacer de sabio y defensor de las leyes, con los grandes, con los magistrados y con el príncipe, de procurador en casa de los jueces y de abogado en los tribunales? No sé nada de eso. Los nombres necios y ridículos no cambian la esencia de las cosas. Hará lo que vea que es bueno y provechoso y nada más, y él sabe muy bien que todo aquello que desdice de su edad no puede ser útil ni conveniente. Sabe que consigo mismo ha contraído sus primeros deberes, que deben desconfiar los jóvenes de sí mismos, ser circunspectos en su conducta, respetuosos delante de los mayores, moderado y discretos para no hablar sin que venga al caso, modestos en las cosas indiferentes, pero atrevidos para hacer el bien y resueltos para decir verdad. Así eran aquellos ilustres romanos que, antes de ser admitidos en los cargos, pasaban su juventud persiguiendo el crimen y defendiendo la inocencia, sin otro interés que el de instruirse en servicio de la justicia y amparar las buenas costumbres.
Émile n′aime ni le bruit ni les querelles, non seulement entre les hommes [12] , pas même entre les animaux. Il n′excita jamais deux chiens à se battre ; jamais il ne fit poursuivre un chat par un chien. Cet esprit de paix est un effet de son éducation, qui n′ayant point fomenté l′amour-propre & la haute opinion de lui-même, l′a détourné de chercher ses dans la domination & dans le malheur d′autrui. Il quand il voit souffrir ; c′est un sentiment naturel. Ce qui fait qu′un jeune homme s′endurcit & se complaît à voir tourmenter un être sensible, c′est quand un retour de vanité le fait se regarder comme exempt des mêmes peines par sa sagesse ou par sa supériorité. Celui qu′on a garanti de ce tour d′esprit ne sauroit tomber dans le vice qui en est l′ouvrage. Émile aime donc la paix. L′image du bonheur le flatte, & quand il eut contribuer à le produire, c′est un moyen de plus de re partager. je n′ai pas supposé qu′en voyant des malheureux il n′auroit pour eux que cette pitié stérile & cruelle qui se contente de plaindre les maux qu′elle peut guérir. Sa bienfaisance active lui donne bientôt des lumières qu′avec un cœur plus dur il n′eût point acquises, ou qu′il eût acquises beaucoup plus tard. S′il voit régner la discorde entre ses camarades, il cherche à les réconcilier ; s′il voit des affligés, il s′informe du sujet de leurs peines ; s′il voit deux hommes se haïr, il veut connoître la cause de leur inimitié ; s′il voit un opprimé gémir des vexations du puissant & du riche, il cherche de quelles manœuvres se couvrent ces vexations ; &, dans l′intérêt qu′il prend à tous les misérables, les moyens de finir leurs maux ne sont jamais indifférents pour lui. Qu′avons-nous donc à faire pour tirer parti de ces dispositions d′une manière convenable à son age ? De régler ses soins & ses connaissances, & d′employer son zèle à les augmenter. Emilio no ama ni los ruidos ni las disputas, no sólo entre hombres [11] , sino tampoco entre los animales. Jamás excita a dos perros para que riñan, ni azuza a un perro para que persiga a un gato. Este espíritu pacífico es efecto de su educación, que no habiendo dado pábulo al amor propio y a una opinión de sí mismo, le ha impedido que buscase sus placeres en la dominación y en la desgracia ajena. Sufre cuando ve sufrir, que es un efecto natural. Lo que hace que un hombre joven se endurezca y se complazca en ver atormentar a otro ser sensible es que por vanidad se mira exento de las mismas penas por su discreción o su superioridad. No puede incurrir en el vicio que de ella es consecuencia el que ha sido preservado de esta disposición de ánimo. De este modo, a Emilio le complace la paz; la imagen de la felicidad es para él halagüeña, y ve como un medio para participar de ella el contribuir a lograrla. No he supuesto que cuando ve a seres desventurados se limite a una conmiseración estéril y cruel que tiene por límites el compadecerse de los males que se pueden remediar. Pronto le proporciona su activa beneficencia luces que un pecho más duro no hubiera adquirido, o lo hubiera hecho más tarde. Si ve discordias entre sus camaradas, procura reconciliarlos; si ve afligidos, procura informarse de la causa de su aflicción; si observa que dos sujetos se aborrecen, quiere saber el motivo de su enemistad; si ve que gime un oprimido por las vejaciones de un poderoso y un rico, procura enterarse de las malas antes que se ocultan en esas vejaciones, y el interés que le inspiran los desvalidos hace que jamás le sean indiferentes los medios de poner fin a sus males. ¿:Pues qué debe hacer para sacar provecho de estas disposiciones de una forma tal que no desdiga de su edad? Debe regular sus solicitudes y sus conocimientos y poner su fervor en aumentarlos.
Je ne me lasse point de le redire : mettez toutes les leçons des jeunes gens en actions plutôt qu′en discours ; qu′ils n′apprennent rien dans les livres de ce que l′expérience peut leur enseigner. Quel extravagant projet de les exercer à parler, sans sujet de rien dire ; de croire leur faire sentir, sur les bancs d′un collège, l′énergie du langage des passions & toute la force de l′art de persuader, sans intérêt de rien persuader à personne ! Tous les préceptes de la rhétorique ne semblent qu′un pur verbiage à quiconque n′en sent pas l′usage pour son profit. Qu′importe à un écolier de savoir comment s′y prit Annibal pour déterminer ses soldats à passer les Alpes ? Si, au lieu de ces magnifiques harangues, vous lui disiez comment il doit s′y prendre pour porter son préfet à lui donner congé, soyez sûr qu′il seroit plus attentif a vos règles. No me cansaré de repetirlo; todas las lecciones que deis a la juventud debéis reducirlas a ejemplos y nunca a razones; no deben aprender en los libros lo que les puede enseñar la experiencia. Extravagante es ejercitarlos a que hablen sin tener nada que decir, creer que les hacen sentir en los bancos de un aula la energía del idioma de las pasiones, y toda la fuerza del arte de la persuasión, sin que tengan interés en persuadir a nadie de algo. Todos los preceptos de la retórica parecen pura palabrería a quien no ve cómo ha de usarlos en beneficio propio. ¿:Qué le importa a un estudiante saber cómo consiguió Aníbal que sus soldados atravesaran los Alpes? Si en lugar de estas magníficas arengas le dijerais lo que ha de hacer para conseguir que su catedrático le dé vacaciones, podéis estar seguros de que pondría más atención en vuestras reglas.
Si je voulois enseigner la rhétorique à un jeune homme dont toutes les passions fussent déjà développées, je lui présenterois sans cesse des objets propres à flatter ses passions, & j′examinerois avec lui quel langage il doit tenir aux autres hommes pour les engager à favoriser ses désirs. Mais mon Émile n′est pas dans une situation si avantageuse à l′art oratoire ; borné presque au seul nécessaire physique, il a moins besoin des autres que les autres n′ont besoin de lui ; & n′ayant rien à leur demander pour lui-même, ce qu′il veut leur persuader ne le touche pas d′assez près pour l′émouvoir excessivement. Il suit de là qu′en général il doit avoir un langage simple & peu figuré. Il parle ordinairement au propre & seulement pour être entendu. Il est peu sentencieux, parce qu′il n′a pas appris à généraliser ses idées : il a peu d′images, parce qu′il est rarement passionné. Si quisiera enseñar la retórica a un joven cuyas pasiones estuviesen ya desenvueltas, le presentaría objetos propios para halagar estas pasiones, y examinaría con él qué estilo debería usar con los demás hombres para inducirles a que fuesen propicios a sus deseos. Pero Emilio no está en una situación tan ventajosa para el arte de la oratoria. Limitado en lo físico casi a lo indispensable, necesita menos de los demás que los demás necesitan de él, y como no tiene que pedirles nada para sí, lo que quiere conseguir de ellos no le importa tanto que le tenga obsesionado. Se desprende de esto que generalmente debe usar un estilo sencillo y poco figurado. Comúnmente se explica con propiedad, y sólo con el fin de que se le entienda. Hace poco uso de las sentencias debido a que no ha aprendido a generalizar sus ideas y emplea escasas imágenes porque rara vez se apasiona.
Ce n′est pas pourtant qu′il soit tout à fait flegmatique & froid ; ni son âge, ni ses mœurs, ni ses goûts ne le permettent : dans le feu de l′adolescence, les esprits vivifiants, retenus, & cohobés dans son sang, portent à son jeune cœur une chaleur qui brille dans ses regards, qu′on sent dans ses discours, qu′on voit dans ses actions. Son langage a pris de l′accent, & quelquefois de la véhémence. Le noble sentiment qui l′inspire lui donne de la force & de l′élévation : pénétré du tendre amour de l′humanité, il transmet en parlant les mouvements de son âme ; sa généreuse franchise a je ne sais quoi de plus enchanteur que l′artificieuse éloquence des autres ; ou plutôt lui seul est véritablement éloquent, puisqu′il n′a qu′à montrer ce qu′il sent pour le communiquer à ceux qui l′écoutent. Esto no quiere decir, sin embargo, que sea flemático y frío, pues ni su edad, ni sus costumbres, ni sus inclinaciones se lo permiten; en el ardor de la adolescencia, contenidos y destilados en su sangre los espíritus vivificantes, producen en su juvenil corazón un calor que brilla en sus miradas, que siente en sus discursos y manifiesta en sus acciones. Su estilo ha adquirido acento, y alguna vez vehemencia. El noble afecto que le inspira le da elevación y fuerza; penetrado del tierno amor de la humanidad, cuando habla expresa sus sentimientos; su generosa ingenuidad tiene un no sé qué más encantador que la elocuencia artificiosa de los demás, pues no tiene más que manifestar lo que siente para comunicárselo a los que le escuchan.
Plus j′y pense, plus je trouve qu′en mettant ainsi la bienfaisance en action & tirant de nos bons ou mauvais succès des réflexions sur leurs causes, il y a peu de connaissances utiles qu′on ne puisse cultiver dans l′esprit d′un jeune homme, et qu′avec tout le vrai savoir qu′on peut acquérir dans les collèges, il acquerra de plus une science plus importante encore, qui est, l′application de cet acquis aux usages de la vie. Il n′est as possible que, prenant tant d′intérêt à ses semblables, i n′apprenne de bonne heure à peser & apprécier leurs actions, leurs goûts, leurs plaisirs, & à donner en général une plus juste valeur à ce qui peut contribuer ou nuire au bonheur des hommes, que ceux qui, ne s′intéressant à personne, ne font jamais rien pour autrui. Ceux qui ne traitent jamais que leurs propres affaires se passionnent trop pour juger sainement des choses. Rapportant tout à eux seuls, et réglant sur leur seul intérêt les idées du bien & du mal, ils se remplissent l′esprit de mille préjugés ridicules, & dans tout ce qui porte atteinte à leur moindre avantage, ils voient aussitôt le bouleversement de tout l′univers. Cuanto más pienso en ello más me convenzo de que poniendo de esta manera la beneficencia en actividad y sacando de nuestro buen o mal éxito reflexiones acerca de la causa de uno o de otro, pocos conocimientos útiles existen que no puedan cultivarse en el espíritu de un joven, y que con todo el saber verdadero que se puede aprender en los colegios, aprenderá además una ciencia más importante todavía, que es la aplicación de esta doctrina a los usos de la vida. No es posible que interesándose tanto por sus semejantes, no aprenda muy pronto a pesar y apreciar las acciones, los gustos y las inclinaciones de ellos, y a dar en general un más justo valor a lo que puede ser útil o puede perjudicar a los hombres, con más acierto que aquellos que, no interesándose por nadie, no hacen nada por otro. Los que sólo tratan de sus propios asuntos, se apasionan demasiado para que puedan juzgar con rectitud. Refiriéndolo todo a sí mismos, y sacando de su interés las ideas del bien y del mal, se llenan la cabeza de mil prejuicios ridículos, y en lo que puede oponer el menor obstáculo a su utilidad, en seguida ven el trastorno del universo.
étendons l′amour-propre sur les autres êtres, nous le transformerons en vertu, & il n′y a point de cœur d′homme dans lequel cette vertu n′ait sa racine. Moins l′objet de nos soins tient immédiatement à nous-mêmes, moins l′illusion de l′intérêt particulier est à craindre ; plus on généralise cet intérêt, plus il devient équitable ; et l′amour du genre humain n′est autre chose en nous que l′amour de la justice. Voulons-nous donc qu′Émile aime la vérité, voulons-nous qu′il la connaisse ; dans les affaires tenons-le toujours loin de lui. Plus ses soins seront consacrés au bonheur d′autrui, plus ils seront éclairés & sages, & moins il se trompera sur ce qui est bien ou mal ; mais ne souffrons jamais en lui de préférence aveugle, fondée uniquement sur des acceptions de personnes ou sur d′injustes préventions. Et pourquoi nuirait-il à l′un pour servir l′autre ? Peu lui importe à qui tombe un plus grand bonheur en partage, pourvu qu′il concoure au plus grand bonheur de tous : c′est là le premier intérêt du sage après l′intérêt privé ; car chacun est partie de son espèce & non d′un autre individu. Extendamos el amor propio a todos los demás seres y lo convertiremos en virtud, pues no hay corazón humano que no tenga su raíz. Cuanto menos inmediata conexión tiene con nosotros el objeto de nuestra solicitud, menos temible es la ilusión del interés particular; cuanto más se generaliza este interés, más equitativo se hace, y el amor del linaje humano no es otra cosa en nosotros que el amor de la justicia. Por tanto, si queremos que Emilio ame la verdad, si queremos que la conozca, tengámosle siempre lejos de los negocios. Mientras más consagra su solicitud a la dicha ajena, más discreta y sagaz será aquélla y menos se engañará acerca de lo que es bueno o malo, pero no le consintamos nunca ciegas preferencias, fundadas en la excepción de personas o en injustas preocupaciones. ¿:Y por qué ha de perjudicar a uno para servir a otro? Poco le importará a quien le alcance más dicha con tal que contribuya él a la mayor dicha de todos. Ese es el primer interés del sabio después del interés privado, porque cada uno es parte de su especie y no de otro individuo.
Pour empêcher la pitié de dégénérer en faiblesse, il faut donc la généraliser et l′étendre sur tout le genre humain. Alors on ne s′y livre qu′autant qu′elle est d′accord avec la justice, parce que, de toutes les vertus, la justice est celle qui concourt le plus au bien commun des hommes. Il faut par raison, par amour pour nous, avoir pitié de notre espèce encore plus que de notre prochain ; & c′est une très grande cruauté envers les hommes que la pitié pour les méchants. Para evitar que la piedad degenere en flaqueza, es necesario generalizarla y extenderla a todo el género humano. Cuando no va acorde con la justicia, no nos dejemos llevar de ella, porque entre todas las virtudes, la justicia es la que más contribuye al bien común de los hombres. Por razón y por nuestro amor, debemos aún más piedad a nuestra especie que a nuestro prójimo, y es mayor crueldad para con los hombres la piedad que se siente por los malvados.
Au reste, il faut se souvenir que tous ces moyens, par lesquels je jette ainsi mon élève hors de lui-même, ont cependant toujours un rapport direct à lui, puisque non seulement il en résulte une jouissance intérieure, mais qu′en le rendant bienfaisant au profit des autres, je travaille à sa propre instruction. Por lo demás, es preciso recordar que todos estos medios mediante los cuales lanzo a mi alumno fuera de su propio ser, tienen siempre una relación directa .con él, ya que no sólo resulta un gozo interior, sino que haciéndole generoso en beneficio ajeno, trabajo en su propia instrucción.
J′ai d′abord donné les moyens, & maintenant j′en montre l′effet. Quelles grandes vues je vois s′arranger peu à peu dans sa tête ! Quels sentiments sublimes étouffent dans son cœur le germe des petites passions ! Quelle netteté de judiciaire, quelle justesse de raison je vois se former en lui de ses penchants cultivés, de l′expérience qui concentre les vœux d′une âme grande dans l′étroite orne des possibles, & fait qu′un homme supérieur aux autres, ne pouvant les élever à sa mesure, sait s′abaisser à la leur ! Les vrais principes du juste, les vrais modèles du beau, tous les rapports moraux des êtres, toutes les idées de l′ordre, se gravent dans son entendement ; il voit la place de chaque chose & la cause l′en écarte : il voit ce qui peut faire le bien & ce qui l′empêche. Sans avoir éprouve les passions humaines, il connaît leurs illusions & leur jeu. Presenté primeramente los medios, y ahora hago ver el efecto. ¡Cuán grandes ideas veo que paulatinamente se coordinan en su cabeza! ¡Qué sublimes sentimientos estrujan en su corazón el germen de las mezquinas pasiones! ¡Qué rectitud de juicio, qué atinada razón observo que se forma en él con el cultivo de sus inclinaciones, con la experiencia que aprisiona los deseos de un alma grande en el estrecho sitio de la posibilidad y hace que un hombre superior a los demás, no pudiendo elevarlos hasta su esfera, sepa descender a la de ellos! Se gravan en su entendimiento los principios verdaderos de la justicia, los verdaderos modelos de la hermosura, todas las relaciones morales de los seres y todas las ideas de orden; ve el lugar de cada cosa y la causa que la desvía de él, se da cuenta de lo que puede hacer bien y de lo que le estorba; conoce, sin haberlas experimentado, las ilusiones y la fuerza de las pasiones humanas.
J′avance, attiré par la force des choses, mais sans m′en imposer sur les jugements des lecteurs. Depuis longtemps ils me voient dans le pays des chimères ; moi, je les vois toujours dans le pays des préjugés. En m′écartant si fort des opinions vulgaires, je ne cesse de les avoir présentes a mon esprit : je les examine, je les médite, non pour les suivre ni pour les fuir, mais pour les peser à la balance du raisonnement. Toutes les fois qu′il me force à m′écarter d′elles, instruit par l′expérience, je me tiens déjà pour dit qu′ils ne m′imiteront pas je sais que, s′obstinant à n′imaginer possible ce qu′ils voient, ils prendront le jeune homme que je figure pour un être imaginaire & fantastique, parce qu′il diffère de ceux auxquels ils le comparent ; sans songer qu′il faut bien qu′il en diffère, puisque, élevé tout différemment, affecté de sentiments tout contraires, instruit tout autrement qu′eux il seroit beaucoup plus surprenant qu′il leur ressemblât que d′être tel que je le suppose. Ce n′est pas l′homme de l′homme, c′est homme de la nature. Assurément il doit être fort étranger à leurs yeux. Avanzo impulsado por el valor de las cosas, pero sin engañarme acerca del juicio que van a formar mis lectores. Hace mucho tiempo que me ven en los países de la fantasía, cuando yo los veo siempre en los de la preocupación. Aunque me aparto bastante de las opiniones corrientes, no por eso dejo de tenerlas presentes en el entendimiento, y las examino y las medito, no para seguirlas, ni para defenderlas, sino para pesarlas en la balanza de la razón. Siempre que ésta me fuerza a que me aparte de ellas, ya tengo por sabido, instruido por la experiencia, que no me han de imitar; sé que empeñados en no creer que sea posible otra cosa que lo que ven, creerán que el joven que aquí figura como un ser imaginario y fantástico, porque se diferencia de aquellos con quienes le comparan, sin hacerse cargo de que es forzosa esta diferencia, ya que habiendo sido educado de una forma totalmente distinta y movido por afectos diametralmente contrarios, instruido de distinto modo que ellos, sería mucho más extraño que se les pareciese que no que fuera tal como yo le supongo. Este no es el hombre de! hombre, sino el hombre de la naturaleza, y en verdad que debe de ser muy extraño a sus ojos.
En commençant cet ouvrage, je ne supposois rien que tout le monde ne pût observer ainsi que moi, parce qu′il est un point, savoir, la naissance de l′homme, duquel nous partons tous également : mais plus nous avançons, moi pour cultiver la nature, & vous pour la dépraver, plus nous nous éloignons les uns des autres. Mon élève, à six ans, différoit peu des vôtres, que vous n′aviez pas encore eu le temps de défigurer ; maintenant ils n′ont plus rien de semblable ; & l′âge de l′homme fait, dont il approche, doit le montrer sous une forme absolument différente, si je n′ai pas perdu tous mes soins. La quantité d′acquis est peut-être assez égale de part & d′autre ; mais les choses acquises ne se ressemblent point. Vous êtes étonnés de trouver à l′un des sentiments sublimes dont les autres n′ont pas le moindre germe ; mais considérez aussi que ceux-ci sont déjà tous philosophes & théologiens, avant qu′Emile sache seulement ce que c′est que philosophie & qu′il ait même entendu parler de Dieu. Al comienzo de esta obra no suponía nada que no pudiera observar cualquiera lo mismo que yo, ya que hay un punto, que es el nacimiento del hombre, del cual todos salimos igualmente, pero cuanto más avanzamos, yo para cultivar la naturaleza y vosotros para falsearla, más nos desviamos unos de otros. Cuando tenía seis años, mi alumno se diferenciaba muy poco de los vuestros porque aún no habíais tenido tiempo para desfigurarlos; ahora ya no se parecen en nada, y la edad del hombre formado a la cual se va acercando se lo debe mostrar de un modo absolutamente distinto, si no ha perdido mis cuidados. Todo el contenido de cuanto han adquirido puede que con poca diferencia sea igual por una y otra parte, pero las cosas que han adquirido no tienen ninguna semejanza. Os extraña que encontréis en él unos afectos sublimes que no existen en los otros, ni hay el menor germen, pero debéis considerar que éstos son filósofos y teólogos, antes de que Emilio ni siquiera sepa qué es la filosofía ni haya oído todavía nombrar a Dios.
Si donc on venoit me dire : Rien de ce que vous supposez n′existe ; les jeunes gens ne sont point faits ainsi ; ils ont telle ou telle passion ; ils font ceci ou cela : c′est comme si l′on niait que jamais poirier fût un grand arbre, parce qu′on n′en voit que de nains dans nos jardines. Si se me objetara: «Nada de cuanto suponéis existe; los jóvenes no son así, tienen tal o cual pasión, hacen esto o lo otro», es como si afirmasen que un peral nunca es un árbol alto porque los que vemos en nuestros huertos son todos pequeños.
Je prie ces juges, si prompts à a censure, de considérer que ce qu′ils disent là, je le sais tout aussi bien qu′eux que j′y ai probablement réfléchi plus longtemps, & que, n′ayant nul intérêt à leur en imposer, j′ai droit d′exiger qu′ils se donnent au moins le tems de chercher en quoi je me trompe. Qu′ils examinent bien la constitution de l′homme, qu′ils suivent les premiers développements du cœur dans telle ou telle circonstance, afin de voir combien un individu peut différer d′un autre par la force de l′éducation ; qu′ensuite ils comparent la mienne aux effets que je lui donne ; & qu ils disent en quoi j′ai mal raisonné : je n′aurai rien à répondre. Ruego a estos jueces tan dispuestos a censurar que tengan en consideración que lo que dicen yo lo sé lo mismo que ellos, y que he meditado más tiempo, y que no he pretendido nunca engañarlos, y tengo derecho a exigir que se tomen más tiempo para averiguar en qué me equivoco, que examinen bien la constitución del hombre, que sigan los primeros desarrollos del corazón en todas las circunstancias, para que observen cuánto puede diferenciarse un individuo de otro únicamente por la fuerza de la educación; que establezcan comparación después con los efectos que le atribuyo, y me digan en qué he discurrido mal, y nada podré replicarles.
Ce qui me rend plus affirmatif, &, je crois, plus excusable de l′être, c′est qu′au lieu de me livrer à l′esprit de système, je donne le moins qu′il est possible au raisonnement & ne me fie qu′à l′observation. Je ne me fonde point sur ce que j′ai imaginé, mais sur ce que j′ai vu. Il est vrai que je n′ai pas renfermé mes expériences dans l′enceinte des murs d′une ville ni dans un seul ordre d e gens ; mais, après avoir compare tout autant de rangs & de peuples que l′en ai pu voir dans une vie passée a les observer, j′ai retranche comme artificiel ce qui était d′un peuple & non pas d′un autre, d′un état & non pas d′un autre, & n′ai regarde comme appartenant incontestablement à l′homme, que ce qui étoit commun à tous, à quelque âge, dans quelque rang, & dans quelque nation que ce fût. Lo que más me conduce a la afirmación, y según creo me disculpa de ello, es que, en vez de dejarme llevar del espíritu de sistema, otorgo lo menos posible al raciocinio y sólo me fío de la observación. No me fundo en lo que he imaginado, sino en lo que he visto. Verdad es que no he limitado mis experimentos a la vida de un solo pueblo, ni a una sola clase de personas, pero después de haber comparado tantas clases y pueblos como he podido ver durante una vida consagrada a observarlos, he quitado como artificial lo que pertenecía a un pueblo y no a otro y era peculiar de un Estado y no de otro, y sólo he mirado como propio del hombre lo que era común a todos, de cualquier edad, clase y nación que fuesen.
Or, si, selon cette méthode, vous suivez dès l′enfance un jeune homme qui n′aura point reçu de forme particulière, & qui tiendra le moins qu′il est possible à l′autorité & à l′opinion d′autrui, a qui de mon élève ou des vôtres, pensez-vous qu′il ressemblera le plus ? Voilà, ce me semble, la question qu′il faut résoudre pour savoir si je me suis égaré. Ahora, si conforme a este método seguís desde su niñez a un joven que no haya recibido una formación particular y que dependa lo menos posible de la autoridad y la opinión ajena, ¿:a quién creéis que se parecerá más, a mi alumno o a los vuestros? Opino que esta es la cuestión que hace falta resolver para saber si me he extraviado.
L′homme ne commence pas aisément à penser, mais sitôt qu′il commence, il ne cesse plus. Quiconque a pensé pensera toujours, & l′entendement une fois exercé à la réflexion ne peut plus rester en repos. On pourroit donc croire que j′en fais trop ou trop peu, que l′esprit humain n′est point naturellement si prompt à s′ouvrir, & qu′après lui avoir donné des facilités qu′il n′a pas, je le tiens trop longtemps inscrit dans un cercle d′idées qu′il doit avoir franchi. El hombre no comienza prematuramente a pensar, pero así que piensa, ya no cesa de hacerlo. Quien ha pensado, pensará siempre, y ejercitado una vez el entendimiento en la reflexión, ya no puede mantenerse estático. Así, pues, pudiéramos creer que hago mucho o muy poco, que el espíritu humano no se abre tan pronto, y que después de haberle dado facilidades que no tiene, le retengo demasiado tiempo encerrado en un círculo del que ya debería haber salido.
Mais considérez premièrement que, voulant former l′homme de la nature, il ne s′agit pas pour cela d′en faire un sauvage & de le reléguer au fond des bois ; mais qu′enfermé dans le tourbillon social, il suffit qu′il ne s′y laisse entraîner ni par les passions ni par les opinions des hommes ; qu′il voie par ses yeux, qu′il sente par son cœur ; qu′aucune autorité ne le gouverne, hors celle de sa propre raison. Dans cette position, il est clair que la multitude d′objets qui le frappent, les fréquents sentiments dont il est affecté, les divers moyens de pourvoir à ses besoins réels, doivent lui donner beaucoup d′idées qu′il n′auroit jamais eues, ou qu′il eût acquises plus lentement. Le progrès naturel à l′esprit est accéléré, mais non renversé. Le même homme qui doit rester stupide dans les forêts doit devenir raisonnable et sensé dans les villes, quand il y sera simple spectateur. Rien n′est plus propre à rendre sage que les folies qu′on voit sans les partager ; & celui même qui les partage s′instruit encore, pourvu qu′il n′en soit : pas la dupe & qu′il n′y porte pas l′erreur de ceux qui les font. Pero, ante todo, debéis considerar que si queremos formar el hombre de la naturaleza, no se trata de hacerle un salvaje y dejarlo relegado en lo enmarañado de la selva, sino que, metido en el torbellino social, no se deje arrastrar por las pasiones ni las opiniones de los hombres, que siempre vea por sus propios ojos y sienta por su corazón, y que no esté gobernado por ninguna otra autoridad que no sea la de su propia razón. En ese estado, es claro que la multitud de objetos que le impresionan, los frecuentes afectos que le mueven, los distintos medios de satisfacer sus necesidades reales le deben proporcionar muchas ideas que jamás hubiera tenido o que tal vez habría adquirido con mayor lentitud. El progreso natural del espíritu ha sido acelerado, pero no invertido. El mismo hombre que debe ser estúpido en las selvas, debe convertirse en racional y sensato en las ciudades aun cuando sea en ellas un mero espectador. No hay nada más a propósito para que uno se convierta en sabio que las locuras que ve sin tomar parte en ellas, y si se mezcla o participa en esas locuras, se instruye mientras no se contagie ni se deje arrastrar por los que las cometen.
Considérez aussi que bornés par nos facultés aux choses sensibles, nous n′offrons presque aucune prise aux notions abstraites de la philosophie & aux idées purement intellectuelles. Pour y atteindre il faut, ou nous dégager du corps auquel nous sommes si fortement attachés, ou faire d′objet en objet un progrès graduel et lent, ou enfin franchir rapidement & presque d′un saut l′intervalle par un pas de géant dont l′enfance n′est pas capable, & pour lequel il faut même aux hommes bien des échelons faits exprès pour eux. La première idée abstraite est le premier de ces échelons ; mais j′ai bien de la peine à voir comment on s′avise de les construire. También debéis considerar que siendo limitados por nuestras facultades hacia las cosas sensibles casi carecemos de base para las nociones abstractas de la filosofía y para las ideas puramente intelectuales. Para llegar a ellas es preciso desprendernos del cuerpo al cual estamos adheridos con tanta fuerza, o hacer un progreso gradual y lento de objeto en objeto, o bien salvar velozmente y casi de un salto el intervalo con un paso del que no es capaz la niñez y para el cual hasta los adultos precisan de muchos escalones construidos expresamente para ellos. El primero de estos escalones es la primera idea abstracta, pero entiendo que fue muy difícil llegar a la decisión de construirlo.
L′Etre incompréhensible qui embrasse tout, qui donne le mouvement au monde et forme tout le système des êtres, n′est ni visible à nos yeux, ni palpable à nos mains ; il échappe à tous nos sens : l′ouvrage se montre, mais l′ouvrier se cache. Ce n′est pas une petite affaire de connoître enfin qu′il existe, & quand nous sommes parvenus là, quand nous nous demandons : quel est-il ? où est-il ? notre esprit se confond, s′égare, & nous ne savons plus que penser. El Ser incomprensible que lo abarca todo, que da movimiento al mundo y que forma el completo sistema de los seres, ni es visible a nuestros ojos ni palpable a nuestras manos, ni accesible a nuestros sentidos; está patente la obra, pero oculto el artífice. No es un pequeño negocio conocer al fin que existe, y cuando hemos llegado hasta aquí, cuando nos preguntamos «¿:Quién es? ¿:Dónde está?», se confunde y se descarría nuestra inteligencia y no sabemos qué pensar.
Locke veut qu′on commence par l′étude des esprits, & qu′on passe ensuite à celle des corps. Cette méthode est celle de la superstition, des préjugés, de l′erreur : ce n′est point celle de la raison, ni même de la nature bien ordonnée ; c′est se boucher les yeux pour apprendre à voir. Il faut avoir longtemps étudié les corps pour se faire une véritable notion des esprits, & soupçonner qu′ils existent. L′ordre contraire ne sert qu′a établir le matérialisme. Locke pretende que comencemos por el estudio de los espíritus y pasemos luego al de los cuerpos. De esta forma se anda por la senda de las preocupaciones, la superstición y el error, lo que no ocurre si se camina por el de la razón y el de la naturaleza bien ordenada, pues lo otro sería taparse los ojos para aprender a ver. Para formarse una noción de los espíritus y tener sospechas de que existen, es preciso haber estudiado durante mucho tiempo los cuerpos. El orden contrario sólo sirve para fundar el materialismo.
Puisque nos sens sont les premiers instruments de nos connaissances, les êtres corporels & sensibles sont les seuls dont nous ayons immédiatement l′idée. Ce mot esprit n′a aucun sens pour quiconque n′a pas philosophé. Un esprit n′est qu′un corps pour le peuple & pour les enfants. N′imaginent-ils pas des esprits qui crient, qui parlent, qui battent, qui font du bruit ? Or on m′avouera que des esprits qui ont des bras & des langues ressemblent beaucoup à des corps. Voilà pourquoi tous les peuples du monde, sans excepter les juifs, se sont fait des dieux corporels. Nous-mêmes, avec nos termes d′Esprit, de Trinité, de Personnes, sommes pour la plupart de vrais anthropomorphites. J′avoue qu′on nous apprend à dire que Dieu est partout : mais nous croyons aussi que l′air est partout, au moins dans notre atmosphère ; & le mot esprit, dans son origine, ne signifie lui-même que souffle & vent. Sitôt qu′on accoutume les gens à dire des mots sans les entendre, il est facile après cela de leur faire dire tout ce qu′on veut. Puesto que los primeros instrumentos de nuestras luces son nuestros propios sentidos, los seres corpóreos y sensibles serán los únicos de que inmediatamente tengamos idea. Para quien no ha filosofado, la palabra espíritu carece de significado alguno. Para la plebe y para los niños, un espíritu es un cuerpo. ¿:No imaginan espíritus que gritan, hablan, llaman y aturden? Admitiréis que unos espíritus que tienen brazos y lenguas se parecen mucho a los cuerpos. Por eso, todos los pueblos del mundo, sin exceptuar los judíos, se crearon dioses corporales. Nosotros mismos, con nuestros términos de Espíritu, Trinidad, Persona, la mayor parte somos verdaderos antropomorfitas. Nos enseñan a decir que Dios está en todas partes, pero también creemos que el aire está en todas partes, por lo menos en nuestra atmósfera, y la misma voz de espíritu no significa en su origen otra cosa que «soplo» y «viento». Cuando una persona se acostumbra a pronunciar palabras que no entiende, es fácil lograr que diga lo que se quiere que diga.
Le sentiment de notre action sur les autres corps a dû d′abord nous faire croire que, quand ils agissoient sur nous, c′étoit d′une manière semblable à celle dont nous agissons sur eux. Ainsi l′homme a commencé par animer tous les êtres dont il sentoit l′action. Se sentant moins fort de leur plupart de ces êtres, faute de connaître les bornes de leur puissance, il l′a supposée illimitée, & il en fit des dieux aussitôt qu′il en fit des corps. Durant les premiers âges, les hommes, effrayés de tout, n′ont rien vu de mort dans la nature. L′idée de la matière n′a pas été moins lente à se former en eux que celle de l′esprit, puisque cette première idée est une abstraction elle-même. Ils ont ainsi rempli l′univers de dieux sensibles. Les astres, les vents, les montagnes, les fleuves, les arbres, les villes, les maisons même, tout avoit son âme, son dieu, sa vie. Les marmousets de Laban, les manitous des sauvages, les fétiches des Nègres, tous les ouvrages de la nature et des hommes ont été les premières divinités des mortels ; le polythéisme a été leur première religion, l′idolâtrie leur premier culte. Ils n′ont pu reconnaître un seul Dieu que quand, généralisant de plus en plus leurs idées, ils ont été en état de remonter à une première cause, de réunir le système total des êtres sous une seule idée, & de donner un sens au mot substance, lequel est au fond la plus grande des abstractions. Tout enfant qui croit en Dieu est donc nécessairement idolâtre, ou du moins anthropomorphite ; & quand une fois l′imagination a vu Dieu, il est bien rare que l′entendement le conçoive. Voilà précisément l′erreur où mène l′ordre de Locke. La conciencia de nuestra acción sobre los demás cuerpos, al principio debió hacernos creer que cuando actuaban en nosotros, era de un modo semejante al nuestro respecto a ellos. De esta forma comenzó el hombre animando a todos los seres cuya acción sentía. Considerándose menos fuerte que la mayor parte de estos seres, e ignorando hasta dónde alcanzaba su potencia, la consideró ilimitada, haciendo dioses en cuanto hizo cuerpos. En los primeros tiempos, los hombres, asustados ante todo, no vieron ninguna cosa muerta en la naturaleza. Tan lenta como la idea del espíritu fue para formarse en ellos la idea de la materia, porque también es una abstracción. De tal forma que llenaron de dioses sensibles el universo. Los astros, los vientos, las montañas, los ríos, los árboles, las ciudades y hasta las casas, todo tenía su alma, su dios y su vida. Los muñecos de Laban, los fetiches de los salvajes y los negros, todas las obras de la naturaleza y de los hombres fueron las primeras divinidades de los mortales; el politeísmo fue su primera religión, y siempre lo será de todo hombre débil y medroso que no haya cultivado el espíritu, que reúna el sistema total de los seres en una sola idea j que dé significado a la voz sustancia, que en realidad es la mayor de las abstracciones. Por lo tanto, todo niño que cree en Dios, es necesariamente un idólatra, o antropomorfita, y si la imaginación ha visto una vez a Dios, será un milagro que lo conciba luego el entendimiento. Justamente a este error nos lleva la idea de Locke.
Parvenu, je ne sais comment, à l′idée abstraite de la substance, on voit que, pour admettre une substance unique, il lui faudroit supposer des qualités incompatibles qui s′excluent mutuellement, telles que la pensée & l′étendue dont l′une est essentiellement divisible, & dont l′autre exclut toute divisibilité. On conçoit d′ailleurs que la pensée, ou si l′on veut le sentiment, est une qualité primitive et inséparable de la substance à laquelle elle appartient ; qu′il en est de même de l′étendue par rapport à sa substance. D′où l′on conclut que les êtres qui perdent une de ces qualités perdent la substance à laquelle elle appartient, que par conséquent la mort n′est qu′une séparation de substances, & que les êtres où ces deux qualités sont réunies sont composés de deux substances auxquelles ces deux qualités appartiennent. Ignorando como hemos llegado a la idea abstracta de la sustancia, vemos que para admitir una sustancia única sería forzoso suponerle cualidades incompatibles que se excluyen mutuamente como el pensamiento y la extensión, ésta, que esencialmente es divisible, y aquél, que excluye toda divisibilidad. Por otra parte, concebimos que el pensamiento, o si se quiere el sentimiento, es una cualidad primitiva, inseparable de la sustancia a que pertenece, y que lo mismo es la extensión con respecto a sustancia, de donde se deduce que los seres que pierden una de estas cualidades, pierden la sustancia a que pertenece ésta; por consiguiente, la muerte no es otra cosa que una separación de sustancias, y los seres en que se hallan reunidas estas dos cualidades se componen de las dos sustancias a que tales cualidades pertenecen.
Or considérez maintenant quelle distance reste encore entre la notion des deux substances & celle de la nature divine ; entre l′idée incompréhensible de l′action de notre âme sur notre corps & l′idée de l′action de Dieu sur tous les êtres. Les idées de création, d′annihilation, d′ubiquité, d′éternité, de toute-puissance, celle des attributs divins, toutes ces idées qu′il appartient à si peu d′hommes de voir aussi confuses & aussi obscures qu′elles le sont, & qui n′ont rien d′obscur pour le peuple, parce qu′il n′y comprend rien du tout, comment se prés enteront-elles dans toute leur force, c′est-à-dire dans toute leur obscurité, à de jeunes esprits encore occupes aux premières opérations des sens & qui ne conçoivent que ce qu′ils touchent ? C′est en vain que les abîmes de l′infini sont ouverts tout autour de nous ; un enfant n′en sait point être épouvante ; ses faibles yeux n′en peuvent sonder la profondeur. Tout est infini pour les enfants ; ils ne savent mettre de bornes à rien ; non qu′ils fassent la mesure fort longue, mais parce qu′ils ont l′entendement court. J′ai même remarqué qu′ils mettent l′infini moins au delà qu′en deçà des dimensions qui leur sont connues. Ils estimeront un espace immense bien plus par leurs pieds que par leurs yeux ; il ne s′étendra pas pour eux plus loin qu′ils ne pourront voir, mais plus loin qu′ils ne pourront aller. Si on leur parle de la puissance de Dieu, ils l′estimeront presque aussi fort que leur père. En toute chose, leur connoissance étant pour eux la mesure des possibles, ils jugent ce qu′on leur dit toujours moindre que ce qu′ils savent. Tels sont les jugements naturels à l′ignorance & à la faiblesse d′esprit. Ajax eût craint de se mesurer avec Achille, & défie Jupiter au combat, parce qu′il connaît Achille & ne connaît pas Jupiter. Un paysan suisse qui se croyoit le plus riche des nommes, & à qui l′on tâchoit d′expliquer ce que c′étoit qu′un roi, demandoit d′un air fier si le roi pourrait bien avoir cent vaches à la montagne. Considerad ahora la distancia que media todavía entre la noción de las dos sustancias y de la naturaleza divina, entre la idea incomprensible de la acción de nuestra alma en nuestro cuerpo y la de la acción de Dios en todos los seres. Las ideas de creación, de aniquilamiento, de ubicuidad, de eternidad, de omnipotencia, de los divinos atributos, todas esas ideas que a tan pocos hombres es dado ver, son confusas y oscuras, aunque ninguna oscuridad tienen para la plebe porque no comprenden nada de ellas. ¿:Cómo se han de presentar con toda su fuerza, o sea, con toda su oscuridad a su inteligencia inexperta, ocupada todavía en las primeras operaciones de los sentidos y que sólo conciben lo que tocan? Los abismos de lo infinito en vano están abiertos a nuestro alrededor; un niño no se asusta ante ellos porque unos ojos tan débiles son incapaces de medir su profundidad. Para los niños, todo es infinito, no saben poner límites a nada, y no porque supongan extensión, sino porque tienen el entendimiento corto, y he notado casi siempre que colocan el infinito más acá que más allá de las dimensiones que conocen. Un inmenso espacio lo valorarán más por sus pies que por sus ojos, y no lo extenderán hasta más allá de donde pueden ver, sino hasta más allá de donde pueden ir. Si les hablan del poder de Dios, le tendrán por casi tan fuerte como su padre. Como en todas las cosas, su conocimiento es para ellos la medida de las posibilidades, lo que les dicen siempre lo suponen inferior a lo que saben. Así son los juicios naturales de la ignorancia y la flaqueza de entendimiento. Ayax habría rehuido batirse con Aquiles por miedo y, sin embargo, desafía a Júpiter porque conoce a Aquiles y no conoce a Júpiter. A un aldeano suizo que se consideraba el más opulento de los hombres, le preguntaron qué era un rey, y él, a su vez, preguntó, altanero, si el rey podría tener cien vacas en la montaña como él.
Je prévois combien de lecteurs seront surpris de me voir suivre tout le premier âge de mon élève sans lui parler de religion. À quinze ans il ne savoit surpris s′il avait une âme, & peut-être à dix-huit n′est-il pas encore tems qu′il l′apprenne ; car, s′il l′apprend plus tôt qu′il ne faut, il court risque de ne le savoir jamais. Comprendo que muchos lectores quedarán extrañados al verme seguir la primera edad de mi alumno sin que le hable de religión. A los quince años todavía no sabía si tenía un alma, y quizá hasta los dieciocho no es el tiempo adecuado para que lo aprenda, porque si lo aprende antes de que sea oportuno, corre el peligro de que no lo sepa en toda su vida.
Si j′avois à peindre la stupidité fâcheuse, je peindrois un pédant enseignant le catéchisme à des enfants ; si je voulois rendre un enfant fou, je l′obligerais d′expliquer ce qu′il dit en disant son catéchisme. On m′objectera que la plupart des dogmes du Christianisme étant des mystères attendre que l′esprit humain soit capable de les concevoir ce n′est pas attendre que l′enfant soit homme, c′est attendre que l′homme ne soit plus. À cela je réponds premièrement qu′il y a des mystères qu il est non seulement impossible a l′homme de concevoir, mais de croire, & que je ne vois pas ce qu′on gagne à les enseigner aux enfants, si ce n′est de leur apprendre à mentir de bonne heure. Je dis de plus que, pour admettre les mystères, il faut comprendre au moins qu′ils sont incompréhensibles ; & les enfants ne sont pas même capables de cette conception-là. Pour l′âge où tout est mystère, il n′y a pas de mystères proprement dits. Si tuviera que pintar la estupidez enfadosa, retrataría a un pedante enseñando el catecismo a unos niños; si quisiera volver loco a un niño, le obligaría a que explicara lo que dice cuando da su lección de doctrina. Se me objetará que siendo misterio la mayor parte de los dogmas del cristianismo, esperar a que sea capaz de comprenderlos el espíritu humano no es esperar a que el niño sea hombre, sino aguardar lo imposible. A eso respondo primero que es imposible no sólo que un hombre conciba ciertos misterios, sino que los crea, y no ver qué se adelanta con enseñárselos a los niños, sino es otra cosa que enseñarles a mentir desde muy temprano. Digo, además, que para admitir los misterios, lo menos que se necesita es comprender que son incomprensibles, y los niños no son ni siquiera capaces de esta comprensión. No hay verdaderos misterios para la edad en que todo es un misterio.
Il faut croire en Dieu pour être sauvé. «Es necesario creer en Dios para salvarse.»
Ce dogme mal entendu est le principe de la sanguinaire intolérance, & la cause de toutes ces vaines instructions qui portent le coup mortel à la raison humaine en l′accoutumant à se payer de mots. Sans doute il n′y a pas un moment à perdre pour mériter le salut éternel : mais si, pour l′obtenir, il suffit de répéter certaines paroles, le ne vois pas ce qui nous empêche de peupler le ciel de sansonnets & de pies, tout aussi bien que d′enfants. Este dogma mal comprendido es el comienzo de la intolerancia sangrienta y la causa de todas estas vanas instrucciones que han producido un golpe mortal a la razón humana, habiéndola acostumbrado a que se quede satisfecha con palabras. Sin duda no se debe perder un punto para merecer la salvación eterna, pero si basta para alcanzarla repetir ciertas palabras, no existe ningún inconveniente en llenar el cielo de cotorras y papagayos, tanto como de niños.
L′obligation de croire en suppose la possibilité. Le philosophe qui ne croit pas a tort, parce qu′il use mal de la raison qu′il a cultivée, & qu′il est en état d′entendre les vérités qu′il rejette. Mais l′enfant qui professe la religion chrétienne, que croit-il ? ce qu′à conçoit ; & il conçoit si peu ce qu′on lui fait dire, que si vous lui dites le contraire, il l′adoptera tout aussi volontiers. La foi des enfants & de beaucoup d′hommes est une affaire de géographie. Seront-ils récompensés d′être nés à Rome plutôt qu′à la Mecque ? On dit à l′un que Mahomet est le prophète de Dieu, & il dit que Mahomet est le prophète de Dieu ; on dit à l′autre que Mahomet est un fourbe, & il dit que Mahomet est un fourbe. Chacun des deux eût affirmé ce qu′affirme l′autre, s′ils se fussent trouvés transposés. Peut-on partir de deux dispositions si semblables pour envoyer l′un en paradis, l′autre en enfer ? Quand un enfant dit qu′il croit en Dieu, ce n′est pas en Dieu qu′il croit, c′est à Pierre ou a Jacques qui lui disent qu′il y a quelque chose qu′on appelle Dieu ; & il le croit à la manière d′Euripide : La obligación de creer supone su posibilidad. El filósofo que no cree yerra, porque hace mal uso de la razón que ha cultivado y porque está en estado de entender las verdades que rechaza. Pero, ¿:qué es lo que cree el niño que profesa la religión cristiana? Lo que concibe, y concibe tan poco lo que le obligan a decir que si le dicen lo contrario lo admitirá con la misma docilidad. Es asunto de geografía la fe de los niños, y aun de muchos hombres. ¿:Serán mejor premiados por haber nacido en Roma que si hubieran nacido en La Meca? A uno le dicen que se debe honrar a Mahoma, y dice que honra a Mahoma; a otro le dicen que Mahoma es un engaño, y dice que es un engaño. Uno afirmaría lo mismo que el otro si a los dos se hubiese enseñado lo mismo. ¿:Es posible que nos fundemos en dos afectos tan semejantes para enviar al uno-al cielo y al otro al infierno? Cuando un niño dice que cree en Dios no es en Dios en quien cree, sino en Pedro o en Juan, quienes le dicen que existe una cosa que se llama Dios, y lo cree a la manera de Eurípides:
Ô Jupiter ! car de toi rien sinon,
Je ne connois seulement que le nom.
[13 ]
¡Oh, Júpiter! Tu nombre es ése,
mas sólo conozco tu nombre .
Nous tenons que nul enfant mort avant l′âge de raison ne sera privé du bonheur éternel ; les catholiques croient la même chose de tous les enfants qui ont reçu le baptême, quoiqu ils n′aient jamais entendu parler de Dieu. Il y a donc des cas où l′on peut être sauvé sans croire en Dieu, & ces cas ont lieu, soit dans l′enfance, soit dans la démence, quand l′esprit humain est incapable des opérations nécessaires pour reconnaître la Divinité. Toute la différence que je vois ici entre vous & moi est que vous prétendez que les enfants ont à sept ans cette capacité, et que je ne la leur accorde pas même à quinze. Que j′aie tort ou raison, il ne s′agit pas ici d′un article de foi, mais d′une simple observation d′histoire naturelle. Nosotros afirmamos que ningún niño que muera antes de alcanzar el uso de razón será privado de la bienaventuranza eterna; lo mismo creen los católicos de los niños que han recibido el bautismo, aunque jamás hayan oído hablar de Dios. Entonces, pues, hay casos en que uno puede salvarse sin creer en Dios, y esos casos se dan en la infancia y en la demencia, cuando el espíritu humano es incapaz de las lucubraciones precisas para reconocer la Divinidad. Toda la diferencia entre vosotros y yo consiste en que aseguráis que los niños a los siete años ya tienen esta capacidad, y, en cambio, yo no se la concedo ni siquiera a los quince años. Que yo tenga razón o que esté equivocado, no se trata aquí de un artículo de fe, sino de una simple observación de historia natural.
Par le même principe, il est clair que tel homme, parvenu jusqu′à la vieillesse sans croire en Dieu, ne sera pas pour cela privé de sa présence dans l′autre vie si son aveuglement n′a pas été volontaire ; & je dis qu′il ne l′est pas toujours. Vous en convenez pour les insensés qu′une maladie prive de leurs facultés spirituelles, mais non de leur qualité d′homme, ni par conséquent du droit aux bienfaits de leur Créateur. Pourquoi donc n′en pas convenir pour ceux qui, séquestres de toute société des leur enfance, auroient mené une vie absolument sauvage, prives des hommes [17] ? Car il est d′une impossibilité démontrée qu′un pareil sauvage put jamais élever ses réflexions jusqu′a la connaissance du vrai Dieu. La raison nous dit qu′un homme n′est punissable que par les fautes de sa volonté, & qu′une ignorance invincible ne lui sauroit être imputée a crime. D′ou il suit que, devant la justice éternelle, tout homme qui croirait, s′il avoit des lumières nécessaires, est réputé croire, & qu′il n′y aura d′incrédules punis que ceux dont le cœur se ferme a la vérité. Conforme al mismo principio, es claro que el hombre que ha llegado a la vejez sin creer en Dios, no por eso será privado de su presencia en la otra vida si su ceguedad no ha sido voluntaria, y aseguro que no siempre lo es. Lo confesáis así de los insensatos a quienes una enfermedad priva de sus facultades espirituales, pero no de su cualidad de hombre, ni por consiguiente del derecho a los beneficios de su Creador. ¿:Por qué, pues, tampoco estáis de acuerdo en lo mismo respecto a aquellos que desviados de toda sociedad desde su infancia, han llevado una vida completamente salvaje, privados de las luces que sólo se adquieren con el trato de los hombres? . Porque está demostrado que no es posible que ese salvaje eleve jamás sus reflexiones hasta el entendimiento del verdadero Dios. La razón nos dice que sólo por sus culpas voluntarias un hombre es merecedor de castigo, y que no se puede ver delictiva una ignorancia invencible, de donde se deduce que ante la justicia eterna todo hombre que ha creído por tener las necesarias luces, es reputado creyente, y que no habrá otros incrédulos castigados que aquellos que cierren su corazón a la verdad.
Gardons-nous d′annoncer la vérité à ceux qui ne sont as en état de l′entendre, car c′est vouloir y substituer l′erreur. Il vaudroit mieux n′avoir aucune idée de la Divinité que d′en avoir des idées basses, fantastiques, injurieuses, indignes d′elle ; c′est un moindre mal de la méconnaître que de l′outrager. J′aimerois mieux, dit le bon Plutarque, qu′on crût qu′il n′y a point de Plutarque au monde, que si l′on disoit que Plutarque est injuste, envieux, jaloux, & si tyran, qu′il exige plus qu′il ne laisse le pouvoir de faire. Guardémonos de anunciar la verdad a los que no están en estado de entenderla, pues sería sustituirla con el error. Es preferible no tener ninguna idea de la Divinidad que tenerlas groseras, fantásticas, injuriosas e indignas de ella; es peor ultrajarla que desconocerla. Más quisiera, dice el buen Plutarco, que creyesen que no había Plutarco en el mundo, antes que decir que Plutarco es injusto, envidioso, celoso y tan déspota que exige más de lo que pueden hacer.
Le grand mal des images difformes de la divinité qu′on trace dans l′esprit des enfants est qu′elles y restent toute leur vie, & qu′ils ne conçoivent plus, étant hommes, d′autre Dieu que celui des enfants. J′ai vu en Suisse une bonne & pieuse mère de famille tellement convaincue de cette maxime, qu′elle ne voulut point instruire son fils de la religion dans le premier âge, de peur que, content de cette instruction grossière, il n′en négligeât une meilleure a l′age de raison. Cet enfant n′entendoit jamais parler de Dieu qu′avec recueillement & révérence, &, sitôt qu′il en vouloit parler lui-même, on lui imposoit silence, comme sur un sujet trop sublime & trop grand pour lui. Cette réserve excitoit sa curiosité, & son amour-propre aspiroit au moment de connoître ce mystère qu′on lui cachoit avec tant de soin. Moins on lui parloit de Dieu, moins on souffroit qu′il en parlât lui-même, et plus il s′en occupoit : cet enfant voyoit Dieu partout. & ce que je craindrois de cet air de mystère indiscrètement affecté, seroit qu′en allumant trop l′imagination d′un jeune homme on n′altérât sa tête, & qu′enfin l′on n′en fît un fanatique, au lieu d′en faire un croyant. El gran mal de las imágenes deformes de la Divinidad que imprimen en el espíritu de los niños consiste en que permanecen en él durante el resto de la vida, v cuando son hombres no conciben otro Dios que el de los niños. En Suiza vi a una buena y piadosa madre de familia tan convencida de esta máxima, que no quiso instruir en la religión a su hijo en la primera edad, no se diese el caso de que, complacido con esta grosera instrucción, descuidase adquirir otra mejor cuando tuviese uso de razón. Ese niño oía siempre hablar de Dios con recogimiento y reverencia, y cuando él deseaba hablar le imponían silencio, pues era una materia demasiado sublime y delicada para él. Esta reserva excitaba su curiosidad, y su amor propio aspiraba el momento de conocer un misterio que con tanto celo le ocultaban. Cuanto menos le hablaban de Dios y menos permitían que hablase, más se ocupaba de El, y veía a Dios en todas partes. Yo sospecharía que ese acento de misterio indiscretamente afectado, encendiendo exageradamente la imaginación de un joven, le alterase la cabeza, y al fin hiciesen de él un fanático en vez de hacer un creyente.
Mais ne craignons rien de semblable pour mon Émile, qui, refusant constamment son attention à tout ce qui est au-dessus de sa portée, écoute avec la lus profonde indifférence les choses qu′il n′entend pas. Il y en a tant sur lesquelles il est habitué à dire : Cela n′est pas de mon ressort, qu′une de plus ne l′embarrasse guère ; et, quand il commence à s′inquiéter de ces grandes questions, ce n′est pas pour les avoir entendu proposer, mais c′est quand le progrès naturel de ses lumières porte ses recherches de ce côté-là. Pero no hay temor de nada parecido en Emilio, pues desviando su atención constantemente de todo lo que excede a su capacidad, escucha con mayor indiferencia las cosas que no comprende. Hay tantas respecto a las cuales está acostumbrado a decir: «Eso no es de mi competencia», que una más no le apura, y cuando le empiezan a inquietar estas grandes cuestiones, no es por no haber oído hablar de ellas, sino porque su natural evolución encamina sus investigaciones hacia estas materias.
Nous avons vu par quel chemin l′esprit humain cultivé s′approche de ces mystères ; & je conviendrai volontiers qu′il n′y parvient naturellement, au sein de la société même que dans un âge plus avancé. Mais comme il y a dans la même société des causes inévitables par lesquelles le progrès des passions est accéléré, si l′on n′accéléroit de même ce progrès des lumières qui servent à régler ces passions, c′est alors qu′on sortiroit véritablement de l′ordre de la nature, & que l′équilibre seroit rompu. Quand on n′est pas maître de modérer un développement trop rapide, il faut mener avec la même rapidité ceux qui doivent y correspondre ; en sorte que l′ordre ne soit point interverti, que ce qui doit marcher ensemble ne soit point séparé, & que l′homme, tout entier à tous les moments de sa vie, ne soit pas à tel point par une de ses facultés, & à tel autre point par les autres. Ya hemos visto por qué camino se aproxima a estos misterios el espíritu humano cultivado, y de buen grado confesaré que aun en el seno de la sociedad no le alcanza hasta una edad más avanzada, pero como en la misma sociedad hay causas inevitables por las cuales se acelera el progreso de las pasiones, si no aceleramos en la misma proporción el progreso dé las luces que sirven para regular estas pasiones, nos saldríamos entonces del orden de la naturaleza y se rompería el equilibrio. Cuando nos es imposible evitar que las primeras se desarrollen con demasiada rapidez, es necesario encender con la misma las que le han de corresponder de las segundas, para que no se invierta el orden, para que no se separe lo que ha de ir junto, y que el hombre, en todos los instantes de su vida, no esté en este punto por una de sus facultades y en aquel otro por las demás.
Quelle difficulté je vois s′élever ici ! difficulté d′autant plus grande qu′elle est moins dans les choses que dans la pusillanimité de ceux qui n′osent la résoudre : commençons, au moins, par oser la proposer. Un enfant doit être élevé dans la religion de son père ; on lui prouve toujours très bien que cette religion, telle qu′elle soit, est la seule véritable : que toutes les autres ne sont qu′extravagance & absurdité. La force des arguments dépend absolument, sur ce point, du pays où l′on les propose. Qu′un Turc, qui trouve le Christianisme si ridicule à Constantinople, aille voir comment on trouve le Mahométisme à Paris ; c′est surtout en manière de religion que l′opinion triomphe. Mais nous qui prétendons secouer son joug en toute chose, nous qui ne voulons rien donner à l′autorité, nous qui ne voulons rien enseigner à notre Émile qu′il ne pût apprendre de lui-même par tout pays, dans, quelle religion l′élèverons-nous ? à quelle secte aggrégerons-nous l′homme de la Nature ? La réponse est fort simple, ce me semble ; nous ne l′aggrégerons ni à celle-ci ni à celle-là, mais nous le mettrons en état de choisir celle où le meilleur usage de sa raison doit le conduire. ¡Qué dificultad la que veo aquí! Una dificultad que es tanto más grave cuanto que consiste menos en las cosas que en el desánimo de los que no se atreven a resolverla. Comencemos teniendo valor para proponerla. Un niño debe ser educado en la religión de su padre; siempre le demuestran con mucha facilidad y victoriosamente que esa religión, sea la que fuere, es la única verdadera, que todas las demás son extravagancias y disparates. En este punto, la fuerza de los argumentos depende del país donde los proponen. Un `turco que en Constantinopla tiene el cristianismo por ridículo, que venga a ver lo que piensan del mahometismo en París. Donde principalmente se muestra más tiránica la opinión es en lo que hace referencia a la cuestión religiosa. Pero nosotros, que en todo pretendemos romper su yugo, que no queremos dejar nada a la autoridad, y que no queremos enseñar nada a nuestro Emilio que no pudiera aprender por sí mismo en cualquier país, ¿:en qué religión le educaremos?, ¿:a qué secta agregaremos al hombre de la naturaleza? Me parece que es muy sencilla :a respuesta: no le agregaremos ni a la una ni a la otra, pero lo pondremos en condiciones de elegir la que le conduzca al mejor uso de su razón.
Incedo per igne
Suppositos cineri doloso.
Por ascuas encendidas voy andando,
cubiertas bajo pérfidas cenizas.
N′importe ; le zele & la bonne foi m′ont jusqu′ici tenu lieu de prudence. J′espere que ces garants ne m′abandonneront point au besoin. Lecteurs, ne craignez pas de moi des précautions indignes d′un ami de la vérité : je n′oublierai jamais ma devise ; mais il m′est trop permis de me défier de mes jugemens. Au lieu de vous dire ici de mon chef ce que je pense, je vous dirai ce que pensoit un homme qui valoit mieux que moi. Je garantis la vérité des faits qui vont être rapportés ; ils sont réellement arrivés à l′auteur du papier que je vais transcrire : c′est à vous de voir si l′on peut en tirer des réflexions utiles sur le sujet dont il s′agit. Je ne vous propose point le sentiment d′un autre ou le mien pour regle ; je vous l′offre à examiner. No importa; hasta aquí el celo y la buena fe han suplido en mí la prudencia, y confío en que estos auxiliares no me abandonen cuando más los necesito. Lectores, no temáis en mí precauciones indignas de un amante de la verdad, puesto que jamás olvidaré mi emblema, pero me debe ser lícito desconfiar de mis opiniones. En vez de expresaros lo que pienso, os diré lo que pensaba uno que valía más que yo. Respondo de la veracidad de los hechos que voy a referir, y que le ocurrieron al autor del escrito que transcribo aquí. Os toca a vosotros ver si se pueden sacar reflexiones acerca de la materia de que estamos tratando. No os propongo como regla el dictamen de otro ni el mío, sino que os lo presento para que le examinéis.
» Il y a trente ans que dans une ville d′Italie, un jeune homme expatrié se voyoit réduit à la derniere misere. Il étoit né Calviniste ; mais par les suites d′une étourderie, se trouvant fugitif, en pays étranger, sans ressource, il changea de religion pour avoir du pain. Il y avoit dans cette ville un hospice pour les Prosélytes, il y fut admis. En l′instruisant sur la controverse, on lui donna des doutes qu′il n′avoit pas, & on lui apprit le mal qu′il ignoroit : il entendit des dogmes nouveaux, il vit des mœurs encore plus nouvelles ; il les vit, & faillit en être la victime. Il voulut fuir, on l′enferma ; il se plaignit, on le punit de ses plaintes ; à la merci de ses tyrans, il se vit traiter en criminel pour n′avoir pas voulu céder au crime. Que ceux qui savent combien la premiere épreuve de la violence & de l′injustice irrite un jeune cœur sans expérience, se figurent l′état du sien. Des larmes de rage couloient de ses yeux, l′indignation l′étouffoit. Il imploroit le Ciel & les hommes, il se confioit à tout le monde, & n′étoit écouté de personne. Il ne voyoit que de vils domestiques soumis à l′infâme qui l′outrageait, ou des complices du même crime qui se railloient de sa résistance & l′excitoient à les imiter. Il étoit perdu sans un honnête ecclésiastique qui vint à l′hospice pour quelque affaire, & qu′il trouva le moyen de consulter en secret. L′ecclésiastique étoit pauvre & avoit besoin de tout le monde : mais l′opprimé avoit encore plus besoin de lui ; & il n′hésita pas à favoriser son évasion, au risque de se faire un dangereux ennemi." «Hace treinta años que en una ciudad de Italia un joven expatriado se veía reducido a la última miseria. Había nacido calvinista, pero a consecuencia de una locura de joven, hallándose fugitivo en un país extraño y sin recursos, cambió de religión para comer. En esta ciudad había un hospicio para los conversos, y entró en él. Mientras le instruían sobre la controversia, le inspiraron dudas que no tenía y le enseñaron lo malo que no sabía; oyó dogmas nuevos, observó costumbres todavía más nuevas y le faltó poco para que no fuese víctima de ellas. Intentó fugarse y le encerraron, se quejó y le castigaron; puesto a merced de sus tiranos, se vio tratado como un malhechor por no haber querido ceder al delito. Pueden imaginarse el estado de su joven corazón los que saben lo que irrita la primera prueba de la violencia y la injusticia a un corazón sin experiencia. De sus ojos caían lágrimas de ira, le sofocaba la indignación, imploraba al cielo y a los hombres, se confiaba a todo el mundo y nadie le escuchaba. Sólo veía viles criados que estaban sujetos al infame que le ultrajaba, o a cómplices del mismo delito que escarnecían su resistencia y le excitaban a que los imitara. Estaba perdido, pero dio la casualidad de que llegase al hospicio un honrado eclesiástico, a quien logró consultar secretamente. El eclesiástico era pobre y necesitaba de todo el mundo, pero el desventurado todavía necesitaba más que él, y no dudó en ayudarle para que se fugase, aun con el riesgo de ganarse un peligroso enemigo.
" Echappé au vice pour rentrer dans l′indigence, le jeune homme luttoit sans succès contre sa destinée : un moment il se crut au-dessus d′elle. À la première lueur de fortune ses maux & son protecteur furent oubliés. Il fut bientôt puni de cette ingratitude : toutes ses espérances s′évanouirent ; sa jeunesse avoit beau le favoriser, ses idées romanesques gâtoient tout. N′ayant ni assez de talents, ni assez d′adresse pour se faire un chemin facile, ne sachant être ni modéré ni méchant, il prétendit à tant de choses qu′il ne sut parvenir à rien. Retombé dans sa première détresse, sans pain, sans asile, prêt à mourir de faim, il se ressouvint de son bienfaiteur." »El joven, que se había escapado del vicio para caer en la miseria y que luchaba inútilmente contra su estrella, creyó que la había vencido. Al empezar su buena fortuna se olvidó de su protector y de sus desdichas. No tardó en recibir el castigo de esta ingratitud; todas sus esperanzas le fallaron y su juventud no le valía, pues sus ideas novelescas lo malograban todo. Como carecía de talento y de la suficiente habilidad para trazarse un fácil camino, no sabía ser malo ni moderado, tantas cosas pretendió que no pudo conseguir ninguna, y habiendo recaído en su antigua miseria, sin pan y sin techo y al borde de morir de hambre, se volvió a acordar de su bienhechor.
" Il y retourne, il le trouve, il en est bien reçu : sa vue rappelle à l′ecclésiastique une bonne action qu′il avoit faite ; un tel souvenir réjouit toujours l′âme. Cet homme étoit naturellement humain, compatissant ; il sentoit les peines d′autrui par les siennes, & le bien-être n′avoit point endurci son cœur ; les leçons de la sagesse et une vertu éclairée avoient affermi son bon naturel. Il accueille le jeune homme, lui cherche un gîte, l′y recommande ; il partage avec lui son nécessaire, à peine suffisant pour deux. Il fait plus, il l′instruit, le console, apprend l′art difficile de supporter patiemment l′adversité. Gens à préjugés, est-ce d′un prêtre, est-ce en Italie que vous eussiez espéré tout cela ?" »Vuelve a él, le habla y es bien recibido; al verle, recuerda al eclesiástico su buena acción, lo que siempre regocija al alma. Este hombre era, naturalmente, humano y compasivo; sentía como suyas las penas ajenas y las comodidades no habían adormecido su corazón, y su buen natural se había fortalecido con las lecciones de la sabiduría y con una ilustrada virtud. Recibe al joven, le busca un albergue, le recomienda y se parte con él su pobre y escasa comida. Hace más: le instruye, le consuela, le enseña el difícil arte de sufrir con paciencia la adversidad. Hombres preocupados, ¿:habríais esperado esto de un sacerdote y en Italia?
" Cet honnête ecclésiastique étoit un pauvre vicaire savoyard, qu′une aventure de jeunesse avoit mis mal avec son évêque, & qui avoit passé les monts pour chercher les ressources qui lui manquoient dans son pays. Il n′étoit ni sans esprit ni sans lettres ; & avec une figure intéressante il avoit trouvé des protecteurs qui le placèrent chez un ministre pour élever son fils. Il préféroit la pauvreté à la dépendance, & il ignoroit comment il faut se conduite chez les grands. Il ne resta pas longtemps chez celui-ci ; en le quittant, il ne perdit point son estime, et comme il vivoit sagement & se faisoit aimer de tout le monde, il se flattoit de rentrer en grâce auprès de son évêque, & d′en obtenir quelque petite cure dans les montagnes pour y passer le reste de ses jours. Tel étoit le dernier terme de son ambition." »Este honrado eclesiástico era un pobre presbítero saboyano, que por una aventura de juventud se había enemistado con su obispo y había atravesado los Alpes buscando recursos que no encontraba en su país. No carecía de instrucción y talento, y siendo de una presencia agradable, había hallado protectores que lo colocaron en casa de un ministro para ser ayo de su hijo. Prefería la pobreza a la dependencia, y desconocía la manera de comportarse con los grandes, y no siguió mucho tiempo con el cargo, pero cuando lo dejó conservó la estimación de todos, y como vivía prudentemente y se hacía apreciar, vivía con la esperanza de que se reconciliaría con su obispo y que éste le proporcionaría algún humilde curato en la montaña para vivir los años que le quedaban. Era todo lo que anhelaba.
" Un penchant naturel l′intéressoit au jeune fugitif, & le lui fit examiner avec soin. Il vit que la mauvaise fortune avoit déjà flétri son cœur, que l′opprobre & le mépris avoient abattu son courage, & que sa fierté, changée en dépit amer, ne lui montroit dans l′injustice & la dureté des hommes que le vice de leur nature & la chimère de la vertu. Il avoit vu que la religion ne sert que de masque à l′intérêt, et le culte sacré de sauvegarde : il avoit vu, dans la subtilité des vaines disputes, le paradis & l′enfer mis pour prix à des jeux de mots ; il avoit vu la sublime et primitive idée de la Divinité défigurée par les fantasques imaginations des hommes ; &, trouvant que pour croire en Dieu il falloit renoncer au jugement qu′on avoit reçu de lui, il prit dans le même dédain nos ridicules rêveries & l′objet auquel nous les appliquons. Sans rien savoir de ce qui est, sans rien imaginer sur la génération des choses, il se plongea dans sa stupide ignorance avec un profond mépris pour tous ceux qui pensoient en savoir plus que lui." »Sentía un interés natural por el joven fugitivo, y esto hizo que lo observase con atención. Comprobó que la mala suerte había abatido su corazón, que el oprobio y el menosprecio habían reducido su coraje, y que, convertida en amargo despecho su altivez, la dureza de los hombres sólo le dejaban ver el vicio de la naturaleza y lo que imaginaba de quimérico en la virtud. Había visto que la religión sólo servía de máscara al interés; y el culto sagrado de salvaguarda a la hipocresía; había visto en la sutileza de las vanas disputas el cielo y el infierno hecho premio o castigo de juegos de vocablos; había visto la sublime y primitiva idea de la Divinidad desfigurada por las fantásticas imaginaciones de los hombres, y convencido de que para creer en Dios era preciso renunciar a la razón que de él hemos recibido, lo mismo desdeñaba nuestros ridículos sueños que el objeto a que los aplicamos. Sin saber nada de lo que existe, sin imaginar nada acerca de la generación de las cosas, se sumió en una estúpida ignorancia y un profundo desprecio hacia todos los que creían que sabían más que él.
" L′oubli de toute religion conduit à l′oubli des devoirs de l′homme. Ce progrès étoit déjà plus d′à moitié fait dans le cœur du libertin. Ce n′étoit pas pourtant un enfant mal né ; mais l′incrédulité, la misère, étouffant peu à peu le naturel, l′entraînoient rapidement à sa perte, & ne lui préparoient que les mœurs d′un gueux & la morale d′un athée." »El olvido de. toda religión conduce al olvido de los deberes del hombre. Este camino ya estaba andado hasta la mitad en el corazón del joven libertino, aunque no era de mala índole, pero la incredulidad y la pobreza lo llevaron rápidamente a su pérdida, y con las costumbres de un mendigo le aguardaba la moral de un ateo.
" Le mal, presque inévitable, n′étoit pas absolument consommé. Le jeune homme avoit des connaissances, & son éducation n′avoit pas été négligée. Il étoit dans cet âge heureux où le sang en fermentation commence d′échauffer l′âme sans l′asservir aux fureurs des sens. La sienne avoit encore tout son ressort. Une honte native, un caractère timide suppléoient à la gêne & prolongeoient pour lui cette époque dans laquelle vous maintenez votre élève avec tant de soins. L′exemple odieux d′une dépravation brutale & d′un vice sans charme, loin d′animer son imagination, l′avoit amortie. Longtemps le dégoût lui tint lieu de vertu pour conserver son innocence elle ne devoit succomber qu′à de plus douces séductions." »Aunque casi inevitable el mal, no estaba todavía absolutamente consumado. El joven poseía conocimientos, y su educación no había sido descuidada y estaba en aquella feliz y dichosa edad en que fermentando la sangre comienza a proporcionar calor al alma, sin esclavizarle el furor de los sentidos. La suya todavía tenía toda su elasticidad. Su carácter tímido y su vergüenza nativa, suplían la sujeción y prolongaban en él la época en que con tanto celo guiáis a vuestro alumno. El odioso ejemplo de una torpe depravación y de un vicio sin encanto, lejos de exaltar su imaginación, la había amortiguado. Durante mucho tiempo, en vez de la virtud, le sirvió de escudo la repugnancia para conservar su inocencia, que sucumbiría a las más dulces seducciones.
" L′ecclésiastique vit le danger & les ressources. Les difficultés ne le rebutèrent point : il se complaisoit dans son ouvrage ; il résolut de l′achever, & de rendre à la vertu la victime qu′il avoit arrachée à l′infamie. Il s′y prit de loin pour exécuter son projet : la beauté du motif animoit son courage & lui inspiroit des moyens dignes de son zèle. Quel que fût le succès, il étoit sûr de n′avoir pas perdu son temps. On réussit toujours quand on ne veut que bien faire." »El sacerdote vio el peligro y sus remedios, sin desanimarle las dificultades; se complacía en su obra y resolvió perfeccionarla, devolviendo a la virtud la víctima que había librado de las garras de la infamia. Tomó con calma la ejecución de su proyecto; animábase su esfuerzo con lo noble del motivo y le inspiraba medios dignos de su celo. Estaba seguro de que cualquiera que fuese el éxito, no sería tiempo perdido el empleado en conseguirlo, pues siempre triunfa quien sólo quiere hacer bien.
" Il commença par gagner la confiance du prosélyte en ne lui vendant point ses bienfaits, en ne se rendant point importun, en ne lui faisant point de sermons, en se mettant toujours à sa portée, en se faisant petit pour s′égaler à lui. C′était, ce me semble, un spectacle assez touchant de voir un homme grave devenir le camarade d′un polisson, & la vertu se prêter au ton de la licence pour en triompher plus sûrement. Quand l′étourdi venoit lui faire ses folles confidences, et s′épancher avec lui, le prêtre l′écoutait, le mettoit à son aise ; sans approuver le mal il s′intéressoit à tout : jamais une indiscrète censure ne venoit arrêter son babil et resserrer son cœur ; le plaisir avec lequel il se croyoit écouté augmentoit celui qu′il prenoit à tout dire. Ainsi se fit sa confession générale sans qu′il songeât à rien confesser." " Après avoir bien étudié ses sentiments & son caractère, le prêtre vit clairement que, sans être ignorant pour son âge, il avoit oublié tout ce qu′il lui importoit de savoir, & que l′opprobre où l′avoit réduit la fortune étouffoit en lui tout vrai sentiment du bien & du mal. Il est un degré d′abrutissement qui ôte la vie à l′âme ; et la voix intérieure ne sait point se faire entendre à celui qui ne songe qu′à se nourrir. Pour garantir le jeune infortuné de cette mort morale dont il étoit si près, il commença par réveiller en lui l′amour-propre & l′estime de soi-même : il lui montroit un avenir plus heureux dans le bon emploi de ses talents ; il ranimait dans son cœur une ardeur généreuse par le récit des belles actions d′autrui ; en lui faisant admirer ceux qui les avoient faites, il lui rendoit le désir d′en faire de semblables. Pour le détacher insensiblement de sa vie oisive & vagabonde, il lui faisoit faire des extraits de livres choisis ; &, feignant d′avoir besoin de ces extraits, il nourrissoit en lui le noble sentiment de la reconnaissance. Il l′instruisait indirectement par ces livres ; il lui faisoit reprendre assez bonne opinion de lui-même pour ne pas se croire un être inutile à tout bien, & pour ne vouloir plus se rendre méprisable à ses propres yeux." »Comenzó por ganarse la confianza del joven con no venderle sus beneficios, no hacerse importuno ni hacerle sermones, con ponerse siempre a su alcance y hacerse pequeño para igualarse con él. Me parece que era un tierno espectáculo ver a un varón grave que se hacía camarada de un perdulario, y que la virtud se ponía a tono del vicio para triunfar de él con más seguridad. Cuando llegaba el desequilibrado a hacerle sus locas confidencias y a explayarse con él, el sacerdote le escuchaba, le dejaba desahogarse, sin aprobar lo malo se interesaba por todo, y jamás cortaba su conversación con una indiscreta censura, y el gusto con que creía el joven que le escuchaba, aumentaba el que sentía en contárselo todo. De esta forma hizo su confesión general sin pensar confesarse. »Después de estudiar bien sus sentimientos y su carácter, el sacerdote vio que sin ser ignorante para su edad, se había olvidado de lo que le importaba saber, y que el oprobio a que le había reducido la fortuna acallaba en él toda comprensión del bien y el mal. Hay un grado de embrutecimiento que priva de vida al alma, pues la voz interior no se deja oír de aquel que sólo piensa en mantenerse. Para preservar al infortunado joven de esta muerte moral, comenzó despertando en él el amor propio y la estimación de sí mismo, le mostraba un porvenir más dichoso en el buen empleo de su talento, reavivaba en su corazón un generoso ardor contándole las nobles acciones de otros, haciéndole admirar a los que las habían realizado y le exaltaba el deseo de hacer otras similares. Para desprenderle insensiblemente de su vida ociosa y vagabunda, le hacía que extractara libros selectos y fingiendo que necesitaba los extractos mantenía en él el noble sentimiento de la gratitud. Le instruía indirectamente con sus libros, hacía que recobrase la buena opinión de sí mismo para que no se creyese un ser inútil para todo bien, y no quisiese volver a aparecer despreciable a sus propios ojos.
" Une bagatelle fera juger de l′art qu′employoit cet homme bienfaisant pour élever insensiblement le cœur de son disciple au-dessus de la bassesse, sans paraître songer à son instruction. L′ecclésiastique avoit une probité si bien reconnue & un discernement si sûr, que plusieurs personnes aimoient mieux faire passer leurs aumônes par ses mains que par celles des riches curés des villes. Un jour qu′on lui avoit donné quelque argent à distribuer aux pauvres, le jeune homme eut, à ce titre, la lâcheté de lui en demander. Non, dit-il, nous sommes frères, vous m′appartenez, & je ne dois pas toucher à ce dépôt pour mon usage. Ensuite il lui donna de son propre argent autant qu′il en avoit demandé. Des leçons de cette espèce sont rarement perdues dans le cœur des jeunes gens qui ne sont pas tout à fait corrompus." »Un insignificante detalle nos demostrará el arte que empleaba ese bondadoso hombre para que insensiblemente el corazón de su alumno saliera de la bajeza, sin parecer que pensase instruirle. Era el eclesiástico de tan reconocida probidad y tan acertado discernimiento que muchas personas preferían entregarle a él sus limosnas que a los ricos sacerdotes de las ciudades. Un día que le habían dado un dinero para repartirlo entre los pobres, a título de tal, el joven tuvo el atrevimiento de pedirle parte de él. "No -le respondió el sacerdote-. Nosotros somos hermanos, por lo que sois algo más, y no debo tocar esos fondos para mi uso". Seguidamente, de su propio bolsillo le dio lo que le había pedido. Lecciones de esta especie raramente dejan de surtir efecto en el corazón de los jóvenes que no están totalmente corrompidos.
" Je me lasse de parler en tierce personne ; & c′est un soin fort superflu ; car vous sentez bien, cher concitoyen, que ce malheureux fugitif c′est moi-même : je me crois assez loin des désordres de ma jeunesse pour oser les avouer, & la main qui m′en tira mérite bien qu′aux dépens d′un peu de honte je rende au moins quelque honneur à ses bienfaits." »Me canso de hablar en tercera persona, y es un sistema superfluo, porque sabéis, querido conciudadano, que yo mismo soy ese desgraciado fugitivo; me creo que sois algo mío, y no debo tocar esos fondos para no atreverme a confesarlos, y la mano que me salvó de lo que era un bochorno, merece que recuerde con la mayor gratitud sus beneficios.
" Ce qui me frappoit le plus étoit de voir, dans la vie privée de mon digne maître, la vertu sans hypocrisie, l′humanité sans faiblesse, des discours toujours droits et simples, & une conduite toujours conforme à ces discours. Je ne le voyois point s′inquiéter si ceux qu′il aidoit alloient à vêpres, s′ils se confessoient souvent, s′ils jeûnoient les jours prescrits, s′ils faisoient maigre, ni leur imposer d′autres conditions semblables, sans lesquelles, dût-on mourir de misère, on n′a nulle assistance à espérer des dévots." »Lo que más me sorprendía era ver en la vida privada de mi digno maestro la virtud sin hipocresía, la humanidad sin debilidad, las consideraciones siempre rectas y simples y una conducta que respondía a sus enseñanzas. No se preocupaba por si aquellos a quienes ayudaba oían o no misa, si se confesaban, si ayunaban los días de precepto, ni veía que les impusiese otras condiciones parecidas, sabiendo que el que no las obedece, aunque se muera de hambre, ninguna asistencia puede esperar de los devotos.
" Encouragé par ses observations, loin d′étaler moi-même à ses yeux le zèle affecté d′un nouveau converti, je ne lui cachois point trop mes manières de penser, & ne l′en voyois pas plus scandalisé. Quelquefois j′aurois pu me dire : il me passe mon indifférence pour le culte que j′ai embrassé en faveur de celle qu′il me voit aussi pour le culte dans lequel je suis né ; il sait que mon dédain n′est plus une affaire de parti. Mais que devais-je penser quand je l′entendais quelquefois approuver des dogmes contraires à ceux de l′église romaine, et paraître estimer médiocrement toutes ses cérémonies ? Je l′aurois cru protestant déguisé si je l′avois vu moins fidèle à ces mêmes usages dont il sembloit faire assez peu de cas ; mais, sachant qu′il s′acquittoit sans témoin de ses devoirs de prêtre aussi ponctuellement que sous les yeux du public, je ne savois plus que juger de ces contradictions. Au défaut près qui jadis avoit attiré sa disgrâce & dont il n′étoit pas trop bien corrigé, sa vie étoit exemplaire, ses mœurs étaient irréprochables, ses discours honnêtes & judicieux. En vivant avec lui dans la plus grande intimité, l′apprenois à le respecter chaque jour davantage ; & tant de bontés m′ayant tout à fait gagné le cœur, j′attendois avec une curieuse inquiétude le moment d′apprendre sur quel principe il fondoit l′uniformité d′une vie aussi singulière." »Animado por estas observaciones, lejos de hacer yo alarde en su presencia del afectado fervor de un nuevo converso, no le ocultaba mucho mi manera de pensar y no veía que se escandalizase. Algunas veces yo habría podido decirme: Me permite la indiferencia al culto que he abrazado, por la que ve que también profeso en la que he nacido, y sabe que ya no es mi desdén asunto de partido. Pero, ¿:qué había de pensar cuando algunas veces le veía aprobar dogmas contrarios a los de la Iglesia Romana, pareciendo que no tenía en mucha estimación sus ceremonias? Yo le habría creído un protestante encubierto si le hubiera visto observar con menos devoción aquellas mismas prácticas de las que parecía hacer muy poco caso, pero sabiendo que a solas cumplía sus deberes de sacerdote con tanta fidelidad como ante los fieles, no sabía qué pensar de estas contradicciones. Exceptuando el derecho que en otro tiempo había causado su desgracia y del que no parecía muy corregido, su vida era ejemplar, sus costumbres irreprochables y sus palabras honestas y prudentes. Viviendo con él en la mayor intimidad, cada día aprendía a respetarle más, y habiendo con tanta bondad conquistado mi corazón, esperaba con curiosa inquietud el instante de saber en qué principios fundaba la uniformidad de una vida tan singular.
" Ce moment ne vint pas sitôt. Avant de s′ouvrir à son disciple, il s′efforça de faite germer les semences de raison & de bonté qu′il jetoit dans son âme. Ce qu′il y avoit en moi de plus difficile à détruire étoit une orgueilleuse misanthropie, une certaine aigreur contre les riches & les heureux du monde, comme s′ils l′eussent été à mes dépens, & que leur prétendu bonheur eût été usurpé sur le mien. La folle vanité de la jeunesse, qui regimbe contre l′humiliation, ne me donnoit que trop de penchant à cette humeur colère, & l′amour-propre, que mon mentor tâchoit de réveiller en moi, me portant à la fierté, rendoit les hommes encore plus vils à mes yeux, & ne faisoit qu′ajouter pour eux le mépris à la haine." »Este momento no llegó tan pronto. Antes de descubrirse con su alumno, se esforzó para que germinasen en él las semillas de la razón y la bondad que había plantado en su alma. Lo más difícil de destruir en mí era una orgullosa misantropía, cierta irritación contra los ricos y los dichosos del mundo, como si lo fueran a mis expensas y me usurpasen su aparente felicidad. Me inclinaba en forma excesiva a esta indignación la loca vanidad de la juventud, que pugna contra la humillación, y el amor propio, que mi maestro procuraba despertar en mí, incitándome a la soberbia, todavía presentaba a los hombres más viles delante de mis ojos y al odio hacia ellos unía el menosprecio.
" Sans combattre directement cet orgueil, il l′empêcha de se tourner en dureté d′âme ; et sans m′ôter l′estime de moi-même, il la rendit moins dédaigneuse pour mon prochain. En écartant toujours la vaine apparence & me montrant les maux réels qu′elle couvre, il m′apprenoit à déplorer les erreurs de mes semblables, à m′attendrir sur leurs misères, & à les plaindre plus qu′à les envier. ému de compassion sur les faiblesses humaines par le profond sentiment des siennes, il voyoit partout les hommes victimes de leurs propres vices & de ceux d′autrui ; il voyoit les pauvres gémir sous le joug des riches, & les riches sous le joug des préjugés. Croyez-moi, disait-il, nos illusions, loin de nous cacher nos maux, les augmentent, en donnant un prix à ce qui n′en a point, & nous rendant sensibles à mille fausses privations que nous ne sentirions pas sans elles. La paix de l′âme consiste dans le mépris de tout ce qui peut la troubler : l′homme qui fait le plus cas de la vie est celui qui sait le moins en jouir, & celui qui aspire le plus avidement au bonheur est toujours le plus misérable." »Sin combatir directamente esta arrogancia, evitó que se transformara en dureza de alma, y sin quitarme el aprecio de mí mismo, hizo que fuese menos desdeñosa con mi prójimo. Desviando siempre las vanas apariencias y mostrándome los verdaderos males que envuelven, me enseñaba a lamentar los errores de mis semejantes, que sus miserias me enternecieran y que sintiese más compasión que envidia. Movido a conmiseración de las humanas flaquezas por la íntima conciencia de las suyas, en todas partes contemplaba a los hombres como víctimas de sus propios vicios y de los demás; observaba a los pobres gimiendo bajo el yugo de los ricos y a éstos por el de sus preocupaciones. Creedme, me decía, lejos de disimularnos nuestros males, nuestras ilusiones los aumentan, dando valor a lo que no lo tiene, y mil soñadas privaciones que sin ellas no sentiríamos nos vuelven sensibles. La tranquilidad del espíritu consiste en el menosprecio de todo aquello que sea capaz de alterarla; quien menos sabe disfrutar de la vida es el que más aprecio hace de ella, y aquel que con más ilusión aspira a la felicidad, siempre es el más miserable.
" Ah ! quels tristes tableaux ! m′écriais-je avec amertume s′il faut se refuser à tout, que nous a donc servi de naître ? & s′il faut mépriser le bonheur même, qui est-ce qui sait être heureux ? C′est moi, répondit un jour le prêtre d′un ton dont je fus frappé. Heureux, vous si peu fortuné, si pauvre, exile, persécuté, vous êtes heureux & qu′avez-vous fait pour l′être ? Mon enfant, reprit-il, je vous le dirai volontiers." »"¡Ah, qué tristes cuadros! -exclamaba yo, con amargura-. Si nos lo hemos de negar todo, ¿:de qué nos ha servido el nacer? Y si hemos de menospreciar incluso la misma felicidad, ¿:quién es el que sabe ser feliz?". Un día, el sacerdote respondió "Yo", en un tono que me chocó. "¿:Vos feliz, con tan pocos bienes de fortuna, desterrado y perseguido, y sois feliz? Pues, ¿:qué habéis hecho para serlo?" "Hijo mío, con mucho gusto te lo diré."»
" Là-dessus il me fit entendre qu′après avoir reçu mes confessions il vouloit me faire les siennes. J′épancherai dans votre sein, me dit-il en m′embrassant, tous les sentiments de mon cour. Vous me verrez, sinon tel que je suis, au moins tel que je me vois moi-même. Quand vous aurez reçu mon entière profession de foi, quand vous connaîtrez bien l′état de mon âme, vous saurez pourquoi je m′estime heureux, &, si vous pensez comme moi, ce que vous avez à faire pour l′être. Mais ces aveux ne sont pas l′affaire d′un moment ; il faut du tems pour vous exposer tout ce que je pense sur le sort de l′homme & sur le vrai prix de la vie : prenons une heure, un lieu commode pour nous livrer paisiblement à cet entretien." »Al momento me dio a entender que después de haber oído mis confesiones me quería hacer las suyas. "Verteré en vuestro pecho -me dijo, abrazándome-, todos los sentimientos de mi corazón, y me veréis, si no como soy, como yo me veo. Después de que hayáis oído mi confesión, cuando seáis conocedor del estado de mi alma, sabréis por qué me considero feliz, y si pensáis como yo, lo que debéis hacer para serlo vos. Pero estas confesiones no son cosa de un instante; se precisa tiempo para que os explique todo lo que pienso referente al destino del hombre y el verdadero valor de la vida: ahora busquemos un lugar apropiado para esta conferencia."
" Je marquai de l′empressement à l′entendre. Le rendez-vous ne fut pas renvoyé plus tard qu′au lendemain matin. On étoit en été, nous nous levâmes à la pointe du jour. Il me mena hors de la ville, sur une haute colline, au-dessous de laquelle passoit le Po, dont on voyoit le cours à travers les fertiles rives qu′il baigne ; dans l′éloignement, l′immense chaîne des Alpes couronnoit le paysage ; les rayons du soleil levant rassoient déjà les plaines, & projet tant sur les champs par longues ombres les arbres, les coteaux, les maisons, enrichissoient de mille accidents de lumière le plus beau tableau dont l′œil humain puisse être frappé. On eût dit que la nature étaloit à nos yeux toute sa magnificence pour en offrir le texte à nos entretiens. Ce fut là qu′après avoir quelque tems contemplé ces objets en silence, l′homme de paix me parla ainsi. " »Sentí gran prisa por oírle, y el plazo señalado fue para la mañana siguiente. Estábamos en verano y nos levantamos al rayar el día. Me llevó fuera de la ciudad, a una colina erguida a orillas del río Po, y desde donde, por entre las feraces riberas que baña, se veía su curso; la inmensa cordillera de los Alpes coronaba a lo lejos el país; los rayos del sol naciente ya iluminaban los llanos, y las sombras de los árboles, los collados y las casas enriquecían con mil juegos de luz el más hermoso espectáculo que pueda deleitar los ojos humanos. Daba la sensación de que la naturaleza se engalanaba ante nosotros con toda su magnificencia para ofrecer materia a nuestro diálogo. Aquí, después de contemplar silencioso y absorto, estos objetos, el hombre de paz me habló de la siguiente manera»

PROFESSION DE FOI DU VICAIRE SAVOYARD

PROFESION DE FE DEL VICARIO SABOYANO

Mon enfant, n′attendez de moi ni des discours savants ni de profonds raisonnements. Je ne suis pas un grand philosophe, & je me soucie peu de l′être. Mais j′ai quelquefois du bon sens, & j′aime toujours la vérité. je ne veux pas argumenter avec vous, ni même tenter de vous convaincre ; il me suffit de vous exposer ce que je pense dans la simplicité de mon cœur. Consultez le vôtre durant mon discours ; c′est tout′ce que je vous demande. Si je me trompe, c′est de bonne foi ; cela suffit pour que mon erreur ne me soit point imputée à crime : quand vous vous tromperiez de même, il y auroit peu de mal à cela. Si je pense bien, la raison nous est commune, & nous avons le même intérêt à l′écouter ; pourquoi ne penseriez-vous pas comme moi ? «Hijo mío, no esperéis de mí profundos discursos ni razonamientos científicos. Yo no soy un gran filósofo, ni me interesa serlo. Pero tengo alguna vez buen sentido y siempre amé la verdad. Yo no quiero argumentar con vos ni menos tratar de, convenceros ; me es suficiente deciros todo lo que pienso con la sencillez de mi corazón. Consultad el vuestro durante mi relato, que es lo único que os ruego. Si me equivoqué, no es que lo hiciese adrede y con malicia; esto basta para que no sea imputado mi error a delito, y aunque de la misma forma os engañarais vos, resultaría poco perjuicio. Si pienso bien, la razón es común a ambos y tenemos el mismo empeño en atenderla. ¿:Por qué no tenéis que pensar lo mismo que yo?
Je suis né pauvre & paysan, destiné par mon état à cultiver la terre ; mais on crut plus beau que j′apprisse à gagner mon pain dans le métier de prêtre, & on trouva le moyen de me faire étudier. Assurément ni mes parents ni moi ne songions guère à chercher en cela ce qui étoit bon, véritable, utile, mais ce qu′il fallait savoir pour être ordonné. J′appris ce qu′on vouloit que j′apprisse, je dis ce qu′on vouloit que je disse, je m′engageai comme on voulut, & je fus fait prêtre. Mais je ne tardai pas à sentir qu′en m′obligeant de n′être pas homme j′avois promis plus que je ne pouvois tenir. »Yo nací pobre y aldeano, destinado al cultivo de la tierra por mi condición, pero creyeron que era mejor que aprendiese a ganar el pan con el ejercicio del ministerio sacerdotal, y encontraron la forma de que yo pudiese estudiar. Ni yo ni mis padres llevábamos intención aluna de averiguar lo que era bueno, verdadero y útil, sino lo que precisaba saber para poder ser ordenado. Aprendí lo que querían que aprendiese, dije lo que querían que dijese, me obligué como quisieron, y fui sacerdote, pero pronto me di cuenta de que cuando me obligué a dejar de ser hombre, había prometido más de lo que podía cumplir.
On nous dit que la conscience est l′ouvrage des préjugés ; cependant, je sais par mon expérience qu′elle s′obstine à suivre l′ordre de la nature contre toutes les lois des hommes. On a beau nous défendre ceci ou cela, le remords nous reproche toujours faiblement ce que nous permet la nature bien ordonnée, à plus forte raison ce qu′elle nous prescrit. Ô bon jeune homme, elle n′a rien dit encore à vos sens : vivez longtemps dans l′état heureux où sa voix est celle de l′innocence. Souvenez-vous qu′on l′offense encore plus quand on la prévient que quand on la combat ; il faut commencer par apprendre à résister pour savoir quand on peut céder sans crime. »Se nos dice que la conciencia es el fruto de las preocupaciones; no obstante, sé por experiencia que contra todas las leyes humanas se empeña en seguir siempre el orden natural. Inútilmente se nos prescribe que dejemos de hacer esto o aquello, pero jamás el remordimiento nos acusa con energía de lo que nos permite la naturaleza bien ordenada, y con mayor razón de cuanto nos ordena. ¡Oh, mi buen joven! Aún no ha sido explicado a vuestros sentidos; vivid mucho tiempo en el feliz estado en que su voz no es otra que la de la inocencia; debéis acordares que es mayormente ofendida por aquel que la adelanta que por quien se le opone; primeramente es necesario aprender a resistir, con el fin de saber cuándo es posible el ceder careciendo de culpa.
Dès ma jeunesse j′ai respecté le mariage comme la première & la plus sainte institution de la nature. M′étant ôté le droit de m′y soumettre, je résolus de ne le point profaner car, malgré mes classes & mes études, ayant toujours mené une vie uniforme & simple, j′avois conservé dans mon esprit toute la clarté des lumières primitives : les maximes du monde ne les avoient point obscurcies, & ma pauvreté m′éloignoit des tentations qui dictent les sophismes du vice. Cette résolution fut précisément ce qui me perdit ; mon respect pour le lit d′autrui laissa mes fautes à découvert. Il fallut expier le scandale : arrêté, interdit, chassé, je fus bien plus la victime de mes scrupules que de mon incontinence ; & j′eus lieu de comprendre, aux reproches dont ma disgrâce fut accompagnée, qu′il ne faut souvent qu′aggraver a faute pour échapper au châtiment. »Desde mi juventud he respetado el matrimonio como la primera y más sacrosanta institución natural. Habiéndose apartado del derecho de sujetarme a él, determiné no profanarle, ya que, a pesar de mis aulas y mis estudios, siempre me sometí a una vida de sencillez y uniformidad, y había conservado en mi espíritu toda la brillantez de las primitivas luces, que nos habían oscurecido las máximas del mundo, desviado por mi pobreza de las tentaciones que dictan los sofismas del vicio. »Esta resolución fue justamente la que me perdió; mi respeto por el tálamo ajeno puso mis faltas al descubierto; fue indispensable la expiación del escándalo: arrestado, suspenso, expulsado, fui víctima en mayor grado de mis escrúpulos que de mi incontinencia, y a causa de las reprensiones que se juntaron con mi desgracia, me llegó el convencimiento de que es suficiente muchas veces agravar la culpa para evitar el castigo.
Peu d′expériences pareilles mènent loin un esprit réfléchit. Voyant par de tristes observations renverser les idées que j′avois du juste, de l′honnête, & de tous les devoirs de l′homme, je perdois chaque jour quelqu′une des opinions que j′avais reçues ; celles qui me restoient ne suffisant plus pour faire ensemble un corps qui pût se soutenir par lui-même, je sentis peu à peu s′obscurcir dans mon esprit l′évidence des principes, &, réduit enfin à ne savoir plus que penser, je parvins au même point où vous êtes ; avec cette différence, que mon incrédulité, fruit tardif d′un âge plus mur, s′étoit formée avec plus de peine, & devoit être plus difficile à détruire. »Bastan pocas experiencias semejantes para llevar muy lejos a un espíritu reflexivo. Al ver alteradas mediante tristes observaciones las ideas que tenía de la justicia, de la honestidad y de todas las obligaciones humanas, cada día perdía alguna de las opiniones en que me habían criado, y no siendo suficientes las que me quedaban para formar un cuerpo capaz de sustentarse por sí solo, noté que poco a poco se iba oscureciendo en mi entendimiento la evidencia de los principios, hasta que, por último, reducido a no saber qué pensar, llegué al mismo caso en que vos os halláis, con la diferencia de que mi incredulidad, fruto tardío de una edad madura y más lentamente formada, debía ser mucho más difícil de desarraigar.
J′étois dans ces dispositions d′incertitude & de doute que Descartes exige pour la recherche de la vérité. Cet état est peu fait pour durer, il est inquiétant & pénible ; il n′y a que l′intérêt du vice ou la paresse de l′âme qui nous y laisse. Je n′avais point le cœur assez corrompu pour m′y plaire ; & rien ne conserve mieux l′habitude de réfléchir e d′être plus content de soi que de sa fortune. »Estaba en aquellas disposiciones de incertidumbre y duda que exige Descartes para la investigación de la verdad: estado de poca duración, repleto de inquietud y zozobra, y que solamente nos deja el interés del vicio o la pereza del ánimo. Mi corazón aún no estaba tan estragado para que encontrase una satisfacción en él, puesto que no hay nada que conserve tanto el hábito de reflexionar como el vivir satisfecho en mayor grado consigo mismo que con su fortuna.
Je méditois donc sur le triste sort des mortels flottant sur cette mer des opinions humaines, sans gouvernail, sans boussole, & livrés à leurs passions orageuses, sans autre guide qu′un pilote inexpérimenté qui méconnaît sa route, & qui ne sait ni d′où il vient ni où il va. Je me disois : J′aime la vérité, je la cherche, & ne puis la reconnaître ; qu′on me la montre & j′y demeure attaché : pourquoi faut-il qu′elle se dérobe a l′empressement d′un cœur fait pour l′adorer ? »Meditaba, pues, acerca de la triste suerte de los mortales fluctuando en este mar de opiniones humanas, sin timón ni brújula y abandonados a sus tempestuosas pasiones, sin otra guía que la de un piloto inexperto que conoce el camino y no sabe de dónde viene ni adónde va. Yo me decía: "Amo la verdad, la busco y no doy con ella; muéstrenmela, y la abrazo con pasión. ¿:Por qué debe esconderse el anhelo de un corazón que fue hecho para adorarla?"
Quoique j′aie souvent éprouvé de plus grands maux, je n′ai jamais mené une vie aussi constamment désagréable que dans ces tems de trouble & d′anxiétés, où, sans cesse errant de doute en doute, je ne rapportois de mes longues méditations qu′incertitude, obscurité, contradictions sur la cause de mon être & sur la règle de mes devoirs. »Aunque he pasado por otros males peores muchas veces, jamás tuve una vida tan ingrata de una forma tan constante como en los tiempos de alborotos, disturbios y congoja, pues vagando continuamente de una duda a otra, de mis largas meditaciones sólo obtenía incertidumbre, contradicciones y oscuridad acerca de la causa de mi ser y de la regla de mis obligaciones.
Comment peut-on être sceptique par système & de bonne foi ? je ne saurois le comprendre. Ces philosophes, ou n′existent pas, ou sont les plus malheureux des hommes. Le doute sur les choses qu′il nous importe de connoître est un état trop violent pour l′esprit humain : il n′y résiste pas longtemps ; il se décide malgré lui de manière ou d′autre, & il aime mieux se tromper que ne rien croire. »¿:Cómo es posible que uno sea escéptico por sistema y de buena fe? No puedo comprenderlo. O dejan de existir estos filósofos, o son los más desventurados de los mortales. Además, para el espíritu es violento el estado de duda acerca de las cosas que nos importa conocer; no persevera en él mucho tiempo, pues de un modo o de otro se resuelve mal de su grado, y más prefiere engañarse que no creer en nada.
Ce qui redoubloit mon embarras, étoit qu′étant né dans une église qui décide tout, qui ne permet aucun doute, un seul point rejeté, me faisoit rejeter tout le reste, et que l′impossibilité d′admettre tant de décisions absurdes me détachoit aussi de celles qui ne l′étoient pas. En me disant : Croyez tout, on m′empêchoit de rien croire, & je ne savois plus où m′arrêter. »Lo que aumentaba mi confusión era el haber nacido en el seno de una Iglesia que lo decide todo, que no permite ninguna duda; un solo punto que rechazase me obligaba a rechazarlo todo, y la imposibilidad de admitir tantas decisiones absurdas hacía que me repugnasen también las que no lo eran. Diciéndome «Créelo todo», me impedían que creyera en nada, y no sabía dónde detenerme.
Je consultai les philosophes, je feuilletai leurs livres, j′examinai leurs diverses opinions ; je les trouvai tous fiers, affirmatifs, dogmatiques, même dans leur scepticisme prétendu, n′ignorant rien, ne prouvant rien, se moquant les uns des autres ; & ce point commun à tous me parut le seul sur lequel ils ont tous raison. Triomphants quand ils attaquent, ils sont sans vigueur en se défendant. Si vous pesez les raisons, ils n′en ont que pour détruire ; si vous comptez les voies, chacun est réduit à la sienne ; ils ne s′accordent que pour disputer ; les écouter n′étoit pas le moyen de sortir de mon incertitude. »Consulté a los filósofos, examiné sus libros, estudié sus distintas opiniones, y los encontré arrogantes, afirmativos y dogmáticos hasta en su pretendido escepticismo; no ignoraban nada, no probaban nada, y se burlaban unos de otros; este punto común de todos me pareció el único en que tuviesen razón. Triunfantes cuando atacan, son débiles cuando se defienden. Si pesáis las razones sólo para destruir, la tienen; si contáis los votos, cada uno está reducido al suyo; sólo en discutir están de acuerdo, y escucharlos era el modo de salir de mi incertidumbre.
Je conçus que l′insuffisance de l′esprit humain est la première cause de cette prodigieuse diversité de sentiments, & que l′orgueil est la seconde. Nous n′avons point la mesure de cette machine immense, nous n′en pouvons calculer les rapports ; nous n′en connaissons ni les premières lois ni la cause finale ; nous nous ignorons nous-mêmes ; nous ne connaissons ni notre nature ni notre principe actif ; à peine savons-nous si l′homme est un être simple ou compose : des mystères impénétrables nous environnent de toutes parts ; ils sont au-dessus de la région sensible ; pour les percer nous croyons avoir de l′intelligence, & nous n′avons que de l′imagination. Chacun se fraye, à travers ce monde imaginaire, une route qu′il croit la bonne ; nul ne peut savoir si la sienne mène au but. Cependant nous voulons tout pénétrer, tout connaître. La seule chose que nous ne savons point, est d′ignorer ce que nous ne pouvons savoir. Nous aimons mieux nous déterminer au hasard, & croire ce qui n′est pas, que d′avouer qu′aucun de nous ne peut voir ce qui est. Petite partie d′un grand tout dont les bornes nous échappent, & que son auteur livre à nos folles disputes, nous sommes assez vains pour vouloir décider ce qu′est ce tout en lui-même, & ce que nous sommes par rapport à lui. »Me di cuenta de que la insuficiencia del espíritu humano es el primer motivo de esta prodigiosa diversidad de pareceres y que el segundo consiste en el orgullo. No tenemos la medida de esta máquina inmensa, no podemos calcular sus relaciones, no conocemos ni sus primeras leyes, ni su causa final; nos ignoramos a nosotros mismos y no conocemos ni nuestra naturaleza ni nuestro principio activo; apenas sabemos si el hombre es un ser simple o compuesto; por todas partes nos acosan impenetrables misterios, superiores a la región sensible; creemos tener inteligencia para penetrarlos y sólo tenemos imaginación. Por medio de este mundo imaginario, cada uno se abre una ruta que cree es la buena, pero ninguno puede saber si la suya conduce al término deseado. No obstante, queremos penetrarlo y conocerlo todo. La única cosa que no sabemos es ignorar lo que no nos fue dado saber. Queremos mejor determinarnos a la aventura y creer lo que no existe que confesar que ninguno de nosotros puede ver lo que existe. Pequeñas partes de un gran todo, cuyos extremos se nos esconden y que su autor abandona a nuestras locas disputas; somos tan inútiles y vanos que pretendemos fallar lo que este todo es en sí y lo que con relación a él somos nosotros.
Quand les philosophes seroient en état de découvrir la vérité, qui d′entre eux prendroit intérêt à elle ? Chacun sait bien que son système n′est pas mieux fondé que les autres ; mais il le soutient parce qu′il est à lui. Il n′y en a pas un seul qui, venant à connoître le vrai & le faux, ne préférât le mensonge qu′il a trouvé à la vérité découverte par un autre. Où est le philosophe qui, pour sa gloire, ne tromperoit pas volontiers le genre humain ? Où est celui qui, dans le secret de son cœur, se propose un autre objet que de se distinguer ? Pourvu qu′il s′élève au-dessus du vulgaire, pourvu qu′il efface l′éclat de ses concurrents, que demande-t-il de plus ? L′essentiel est de penser autrement que les autres. Chez les croyants il est athée, chez les athées il seroit croyant. »Y aun cuando los filósofos estuvieran en condiciones de averiguar la verdad, ¿:quién de ellos se interesaría por ella? Cada uno sabe muy bien que su sistema no tiene otro fundamento que el de los otros, llegase lo sostiene porque es suyo. No hay ninguno que si llegase a conocer lo verdadero y lo falso, no tuviera preferencia por la mentira que ha encontrado antes que por la verdad descubierta por otro. ¿:Dónde está el filósofo que por su gloria no engañase a sabiendas al linaje humano? ¿:Dónde el que en el interior de su corazón no se propone otro fin que el de distinguirse? Con tal que se coloque en una esfera superior a la vulgar y que eclipse el brillo de sus émulos, ¿:qué más pide? Lo esencial consiste en pensar de un modo distinto de los demás. Con los creyentes es ateo, y con los ateos sería creyente.
Le premier fruit que je tirai de ces réflexions fut d′apprendre à borner mes recherches à ce qui m′intéressoit immédiatement, à me reposer dans une profonde ignorance sur tout le reste, & à ne m′inquiéter, jusqu′au doute, que des choses qu′il m′importoit de savoir. »El primer fruto que obtuve de estas reflexiones fue aprender a marcar un límite a mis investigaciones sobre lo que me interesaba de una forma inmediata, a vivir con sosiego en una profunda ignorancia de todo lo demás y a no sentir inquietud ante la duda, sino por las cosas que me importaba saber.
Je compris encore que, loin de me délivrer de mes doutes inutiles, les philosophes ne feroient que multiplier ceux qui me tourmentoient & n′en résoudroient aucun. je pris donc un autre guide & je me dis : Consultons la lumière intérieure, elle m′égarera moins qu′ils ne m′égarent, ou, du moins, mon erreur sera la mienne, et je me dépraverai moins en suivant mes propres illusions qu′en me livrant à leurs mensonges. »Además, comprendí que en vez de sacarme de mis dudas inútiles, los filósofos no harían otra cosa que aumentar en gran número las que me producían congoja y sin que me resolvieran ninguna. Recurrí a otro guía y me dije: "Consultemos la luz interior. que me extraviará menos que ellos, o bien mi error será mío, y me extraviaré menos siguiendo mis propias ilusiones que abandonándome a sus mentiras."
Alors, repassant dans mon esprit les diverses opinions qui m′avoient tour à tour entraîné depuis ma naissance, le vis que, bien qu′aucune d′elles ne fût assez évidente pour produire immédiatement la conviction, elles avoient divers degrés de vraisemblance, & que l′assentiment intérieur s′y prêtoit ou s′y refusoit à différentes mesures. Sur cette première observation, comparant entre elles toutes ces différentes idées dans le silence des préjugés, je trouvai que la première & la plus commune étoit aussi la plus simple & la plus raisonnable, & qu′il ne lui manquait, pour réunir tous les suffrages, que d′avoir été proposée la dernière. Imaginez tous vos philosophes anciens & modernes ayant d′abord épuisé leurs bizarres systèmes de force, de chances, de fatalité, de nécessité, d′atomes, de monde animé, de matière vivante, de matérialisme de toute espèce, & après eux tous, l′illustre Clarke éclairant le monde, annonçant enfin l′Etre des êtres & le dispensateur des choses : avec quelle universelle admiration, avec quel applaudissement unanime n′eût point été reçu ce nouveau système, si rand, si consolant, si sublime, si propre à élever l′âme, à donner une base à la vertu, & en même tems si frappant, si lumineux, si simple, &, ce me semble, offrant moins de choses incompréhensibles à l′esprit humain qu′il n′en trouve d′absurdes en tout autre système ! Je me disois : Les objections insolubles sont communes à tous, parce que l′esprit de l′homme est trop borné pour les résoudre ; elles ne prouvent donc contre aucun par préférence : mais quelle différence entre les preuves directes ! celui-là seul qui explique tout ne doit-il pas être préféré quand il n′a pas plus de difficulté que les autres ? »Repasando entonces en mi espíritu las distintas opiniones que se habían sucedido con el tiempo, observé que aunque alguna de ellas fuese tan evidente que al punto determinase el convencimiento, poseían distintos grados de verosimilitud, y el consentimiento interno las admitía o las rechazaba en distinta medida. De conformidad con esta primera observación y estableciendo una comparación entre estas distintas ideas en el silencio de las preocupaciones, encontré que la primera y la más común también era la más sencilla y la más racional, y que para reunir todos los votos no le faltaba más que ser la última que se hubiese propuesto. Si os imagináis que vuestros filósofos antiguos y modernos primero han apurado sus extravagantes sistemas de fuerzas, de dudas, de fatalidad, de necesidad, de átomos, de mundo animado, de materia viviente, de toda clase de materialismo, y después de ellos, el ilustre Clarke iluminando el mundo, anunciando por último al Ser de los seres y el dispensador de las cosas, ¡con qué universal admiración, con qué unánimes aplausos hubiese sido recibido este nuevo sistema tan vasto, consolador y sublime, tan a propósito para enaltecer el ánimo, para cimentar en una base la virtud, y al mismo tiempo tan pasmoso, tan luminoso, tan sencillo, y que a mi parecer muestra menos cosas incomprensibles al espíritu humano que absurdos se hallan en cualquier otro! Yo me decía: son comunes a todos las objeciones que carecen de solución, puesto que el espíritu humano es muy limitado para poder resolverlas; así no prueban nada en contra de ninguno en particular, ¡pero qué diferencia en las pruebas directas! ¿:No debería ser preferido el único que todo lo explica, cuando no tiene mayores dificultades que los otros?
Portant donc en moi l′amour de la vérité pour toute philosophie, & pour toute méthode une règle facile & simple qui me dispense de la vaine subtilité des arguments, je reprends sur cette règle l′examen des connaissances qui m′intéressent, résolu d′admettre pour évidentes toutes celles auxquelles, dans la sincérité de mon cœur, je ne refuser mon consentement, pour vraies toutes celles qui me paraîtront avoir une liaison nécessaire avec ces premières, & de laisser toutes les autres dans l′incertitude, sans les rejeter ni les admettre, & sans me tourmenter à les éclaircir quand elles ne mènent à rien d′utile pour la pratique. »Llevando, pues, conmigo y como filosofía única el amor a la verdad, y por todo método una fácil y simple regla que me dispense de la vana sutileza de los argumentos, por esta regla vuelvo al examen de los conocimientos que me interesan, resuelto a admitir como evidentes a todos aquellos que en la sinceridad de mi corazón no pueda negar asentimiento, como verdaderos todos los que me parezca que necesariamente tienen conexión con estos primeros, y a dejar todos los demás en la incertidumbre, sin reprocharlos ni admitirlos, y sin atormentarme en aclararlos cuando no pueden conducir a nada práctico.
Mais qui suis-je ? quel. droit ai-je de juger les choses ? & qu′est-ce qui détermine mes jugements ? S′ils sont entraînés, forcés par les impressions que je reçois, je me fatigue en vain à ces recherches, elles ne se feront point, ou se feront d′elles-mêmes sans que je me mêle de les diriger. Il faut donc tourner d′abord mes regards sur moi pour connoître l′instrument dont je veux me servir, & jusqu′à quel point je puis me fier à son usage. »¿:Pero quién soy yo?, ¿:qué derecho tengo para juzgar las cosas, y qué es lo que determina mis juicios? Si van arrastrados, obligados por las impresiones que recibo, inútilmente me fatigo en estas investigaciones, que se harán o dejarán de hacerse, o bien serán hechas por sí solas, sin que me meta yo a dirigirlas. Por consiguiente, es indispensable poner antes el objeto de contemplación en mí mismo, con el fin de conocer el instrumento del cual quiero servirme, y ver hasta qué punto puedo fiarme de su uso.
J′existe, & j′ai des sens par lesquels je suis affecté. Voilà la première vérité qui me frappe & à laquelle je suis forcé d′acquiescer. Ai-je un sentiment propre de mon existence, ou ne la sens-je que par mes sensations ? Voilà mon premier doute, qu′il m′est, quant à présent, impossible de résoudre. Car, étant continuellement affecté de sensations, ou immédiatement, ou par la mémoire, comment puis-je savoir si le sentiment du moi est quelque chose hors de ces mêmes sensations, et. s′il peut être indépendant d′elles ? »Existo, y tengo sentidos por los cuales estoy conmovido. Esta es la primera verdad que impresiona, y a la que estoy obligado a asentir. ¿:Tengo un sentimiento peculiar de mi existencia, o la siento sólo por mis sensaciones? Esta es mi primera duda, que hasta el momento no he podido resolver, porque como continuamente me mueven sensaciones, o inmediatamente o por la memoria, ¿:cómo he de poder saber si el sentir del "yo" es una cosa fuera de estas mismas sensaciones y si puede ser independiente de ellas?
Mes sensations se passent en moi, puisqu′elles me font sentir mon existence ; mais leur cause m′est étrangère, puisqu′elles m′affectent malgré que j′en aye, & qu′il ne dépend de moi ni de les produire ni de les anéantir. je conçois donc clairement que ma sensation qui est en moi, & sa cause ou son objet qui est hors de moi, ne sont pas la même chose. »Acontecen en mí mis sensaciones, ya que me hacen sentir mi existencia, pero su causa está fuera de mí, puesto que me mueven sin mi voluntad, y que no depende de mí el producirlas ni aniquilarlas. Así veo claramente que no son una misma cosa mi sensación, que está en mí, y su causa o su objeto, que está fuera de mí.
Ainsi, non seulement j′existe, mais il existe d′autres êtres, savoir, les objets de mes sensations ; & quand ces objets ne seroient que des idées, toujours est-il vrai que ces idées ne sont pas moi. »Así no solamente existo yo, sino que también existen otros seres, eso es, los objetos de mis sensaciones, y aunque estos objetos no fuesen más que meras ideas, siempre es cierto que yo no soy estas ideas.
Or, tout ce que le sens hors de moi & qui agit sur mes sens, je l′appelle matière ; et toutes les portions de matière que je conçois réunies en êtres individuels, je les appelle des corps. Ainsi toutes les disputes des idéalistes & des matérialistes ne signifient rien pour moi : leurs distinctions sur l′apparence & la réalité des corps sont des chimères. »Ahora bien, a todo cuanto siento fuera de mí y que obra en mis sentidos, le doy el nombre de materia, y a todas las porciones de materia que concibo reunidas en seres individuales, les llamo cuerpos. Así, todas las disensiones de idealistas y de materialistas no significan nada para mí; sus distinciones sobre la apariencia y la realidad de los cuerpos no son más que quimeras.
Me voici déjà tout aussi sûr de l′existence de l′univers que de la mienne. Ensuite je réfléchis sur les objets de mes sensations ; &, trouvant en moi la faculté de les comparer, je me sens doué d′une force active que je ne savois pas avoir auparavant. »Ya estoy tan seguro de la existencia del universo como de la mía. Luego reflexiono sobre los objetos de mis sensaciones, y encontrando en mí la facultad de compararlas, me siento poseído de una fuerza activa que antes ignoraba que poseyera.
Appercevoir, c′est sentir ; comparer, c′est juger ; juger & sentir ne sont pas la même chose. Par la sensation les objets s′offrent à moi séparés, isolés, tels qu′ils sont dans la nature ; par la comparaison, je les remue, le les transporte pour ainsi dire, je les pose l′un sur l′autre pour prononcer sur leur différence ou sur leur similitude, & généralement sur tous leurs rapports. Selon moi la faculté distinctive de l′être actif ou intelligent est de pouvoir donner un sens à ce mot est. je cherche en vain dans l′être purement sensitif cette force intelligente qui superpose & puis qui prononce ; je ne la saurois voir dans sa nature. Cet être passif sentira chaque objet séparément, ou même il sentira l′objet total formé des deux ; mais, n′ayant aucune force pour les replier l′un sur l′autre, il ne les comparera jamais, il ne les jugera point. »Percibir es sentir, comparar es juzgar, pero juzgar y sentir no son una misma cosa. Por la sensación, se me presentan los objetos separados, aislados, como están en la naturaleza; por la comparación, los muevo, los trasplanto, por así decirlo, y los pongo uno encima de otro para juzgar de su diferencia o de su semejanza, y en general de todas sus relaciones. A mi modo de entender, la facultad que distingue el ser activo o inteligente consiste en poder dar un significado a la palabra "es". Busco en vano en el ser puramente sensitivo aquella fuerza inteligente que se sobrepone y luego falla, sin poder descubrirla en su naturaleza. Este ser pasivo sentirá separadamente cada objeto; también sentirá el objeto total formado de ambos, pero como carece de fuerza para colocarlos uno encima del otro, nunca los comparará ni los juzgará.
Voir deux objets à la fois, ce n′est pas voir leurs rapports ni juger de leurs différences ; apercevoir plusieurs objets les uns hors des autres n′est pas les nombrer. Je puis avoir au même instant l′idée d′un grand bâton & d′un petit bâton sans les comparer, sans juger que l′un est plus petit que l′autre, comme je puis voir à la fois ma main entière, sans faire le compte de mes doigts [15] . Ces idées comparatives, plus grand, plus petit, de même que les idées numériques d′un, de deux, etc., ne sont certainement pas des sensations, quoique mon esprit ne les produise qu′à l′occasion de mes sensations. On nous dit que l′être sensitif distingue les sensations les unes des autres par les différences qu ont entre elles ces mêmes sensations : ceci demande explication. Quand les sensations sont différentes, l′être sensitif les distingue par leurs différences : quand elles sont semblables, il les distingue parce qu′il sent les unes hors des autres. Autrement, comment dans une sensation simultanée distinguerait deux objets égaux ? il faudroit nécessairement qu′il confondît ces deux objets et les rit pour le même, surtout dans un système où l′on prétend que les sensations représentatives de l′étendue ne sont point étendues. »Ver dos objetos a la vez no es ver sus relaciones ni juzgar sus diferencias; percibir muchos objetos, unos fuera de otros, no es numerarlos. En un mismo instante puedo tener idea de un palo grande y un palo pequeño sin compararlos, sin juzgar que uno es más pequeño que otro, como puedo ver de una vez mi mano entera sin contar mis dedos . Estas ideas comparativas, "más grande, más pequeño", lo mismo que las ideas numéricas de "uno" de "dos" no son sensaciones, aunque mi espíritu solamente las produzca con ocasión de las sensaciones. »Se nos dice que el ser sensitivo distingue unas sensaciones de otras por las diferencias que tienen entre sí estas mismas sensaciones. Esto precisa una explicación. Cuando las sensaciones son diferentes, el ser sensitivo la distingue por sus diferencias; cuando son semejantes, las distingue porque las siente unas fuera de otras. Si no, ¿:cómo había de distinguir en una sensación simultánea dos objetos iguales? Precisamente sería necesario que confundiese estos dos objetos y los creyese uno solo, especialmente en un sistema que pretende que no son extensas las ideas representativas de la extensión.
Quand les deux sensations à comparer sont aperçues, leur impression est faite, chaque objet est senti, les deux sont sentis, mais leur rapport n′est pas senti pour cela. Si le jugement de ce rapport n′étoit qu′une sensation, & me venait uniquement de l′objet, mes jugements ne me tromperoient jamais, puisqu′il n′est jamais faux que je ente ce que je sens. »Cuando se han percibido las dos sensaciones que se han de comparar, ya está hecha su impresión-, cada objeto está sentido así, pero no su relación, y. si únicamente me viniese del objeto, no me engañaran mis juicios, ya que nunca es falso que sienta lo que siento.
Pourquoi donc est-ce que je me trompe sur le rapport de ces deux bâtons, surtout s′ils ne sont pas parallèles ? Pourquoi, dis-je, par exemple, que le petit bâton est le tiers du grand, tandis qu′il n′en est que le quart ? Pourquoi l′image, qui est la sensation, n′est-elle pas conforme à son modèle, qui est l′objet ? C′est que je suis actif quand je juge, que l′opération qui compare est fautive, & que mon entendement, qui juge les rapports, mêle ses erreurs à la vérité des sensations qui ne montrent que les objets. »¿:Por qué me engaño yo acerca de las relaciones de estos dos palos, principalmente cuando no están paralelos? ¿:Por qué digo, por ejemplo, que el palo pequeño es la tercera parte del grande, cuando en realidad no es más que la cuarta? ¿:Por qué la imagen, que es la sensación, no es conforme con su modelo, que es el objeto? Porque cuando hago juicios soy activo, porque la operación que comparo es defectuosa y porque mi entendimiento, que juzga las relaciones, mezcla sus errores con la verdad de las sensaciones, que sólo muestran los objetos.
Ajoutez a cela une réflexion qui vous frappera, je m′assure, quand vous y aurez pensé ; c′est que, si nous étions purement passifs dans l′usage de nos sens, il n′y auroit entre eux aucune communication ; il nous seroit impossible de connoître que le corps que nous touchons & l′objet que nous voyons sont le même. Ou nous ne sentirions jamais rien hors de nous, ou il y auroit pour nous cinq substances sensibles, dont nous n′aurions nul moyen d′apercevoir l′identité. »Se añade a esto una reflexión que admirará si se piensa bien en ella, y es que si fuéramos puramente pasivos en el uso de nuestros sentidos, no existiría entre ellos comunicación ni nos sería posible conocer el cuerpo que tocamos y el objeto que vemos si fueran uno mismo. O nunca sentiríamos nada fuera de nosotros, o habría para nosotros cinco sustancias sensibles, cuya identidad no tendríamos medio alguno de conocer.
Qu′on donne tel ou tel nom à cette force de mon esprit qui rapproche & compare mes sensations ; qu′on l′appelle attention, méditation, réflexion, ou comme on voudra ; toujours est-il vrai qu′elle est en moi & non dans les choses, que c′est moi seul qui la produis, quoique je ne la produise qu′à l′occasion de l′impression que font sur moi les objets. Sans être maître de sentir ou le ne pas sentir, je le suis d′examiner plus ou moins ce que je sens. »Que se dé el nombre que se quiera a aquella fuerza de mi espíritu que aproxima y compara mis sensaciones; llámese atención, meditación, reflexión o como queramos, siempre es cierto que está en mí y no en las cosas, que sólo yo soy quien la produzco, aunque sea con motivo de la impresión que los objetos me causan. Sin ser dueño de sentir o dejar de sentir, en cambio lo soy de examinar con mayor o menor intensidad lo que siento.
Je ne suis donc pas simplement un être sensitif & passif, mais un être actif et intelligent, &, quoi qu′en dise la philosophie, j′oserai prétendre à l′honneur de penser. Je sais seulement que la vérité est dans les choses & non pas dans mon esprit qui les juge, & que moins je mets du mien dans les jugements que j′en porte, plus je suis sûr d′approcher de la vérité : ainsi ma règle de me livrer au sentiment plus qu′à la raison est confirmée par la raison même. »No soy, pues, un ser sensitivo y pasivo, sino un ser inteligente y activo, y diga lo que quiera la filosofía, osaré concederme el honor de pensar. Sólo sé que la verdad está en las cosas y no en mi espíritu que las juzga, y cuanto menos pongo de mi parte en mis juicios, más seguro estoy de acercarme a la verdad, por lo que mi norma de entregarme más al sentimiento que a la razón queda confirmada por la misma razón.
M′étant, pour ainsi dire, assuré de moi-même, je commence à regarder hors de moi, & je me considère avec une sorte de frémissement, jeté, perdu dans ce vaste univers, & comme noyé dans l′immensité des êtres, sans rien savoir de ce ils sont qu′ils sont entre eux, ni par rapport à moi. je les étudie, je les observe ; &, le premier objet qui se présente à moi pour les comparer, c′est moi-même. »Habiéndome asegurado, por decirlo así, de mí mismo, empiezo a mirar fuera de mí, y me considero, no sin estremecimiento, perdido en este vasto universo y como anegado en la inmensidad de los seres, sin saber nada de lo que son, ni de un modo absoluto, ni entre sí, ni con respecto a mí. Los estudio y los observo, y el primer objeto que se me presenta para compararlos soy yo mismo.
Tout ce que j′aperçois par les sens est matière, & je déduis toutes les propriétés essentielles de la matière des qualités sensibles qui me la font apercevoir, & qui en sont inséparables. Je la vois tantôt en mouvement & tantôt en repos [16] , d′où j′infère lue ni le repos ni le mouvement ne lui sont essentiels ; mais le mouvement étant une action, est l′effet d′une cause dont le repos n′est que l′absence. Quand donc rien n′agit sur la matière, elle ne se meut point, &, par cela même qu′elle est indifférente au repos & au mouvement, son état naturel est d′être en repos. »Todo lo que percibo mediante los sentidos en materia, y deduzco todas las propiedades esenciales de la materia, de las cualidades sensibles que me hacen conocer y que son inseparables. Unas veces la observo en movimiento y otras en quietud , de donde colijo que no son esenciales ni la quietud ni el movimiento, pero que siendo el movimiento una acción, es efecto de una causa cuya ausencia es la quietud. Así, cuando nada obra en la materia, permanece en reposo, y por lo mismo que es indiferente para la quietud y para el movimiento, su estado natural es permanecer en reposo.
J′apperçois dans les corps deux sortes de mouvements, savoir, mouvement communiqué, & mouvement spontané ou volontaire. Dans le premier, la cause motrice est étrangère au corps mû, & dans le second elle est en lui-même. Je ne conclurai pas de là que le mouvement d′une montre, par exemple, est spontané ; car si rien d′étranger au ressort n′agissoit sur lui, il ne tendroit point à se redresser, et ne tireroit pas la chaîne. Par la même raison, je n′accorderai point non plus la spontanéité aux fluides, ni au feu même qui fait leur fluidité ="#17">[17
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»En los cuerpos percibo dos clases de movimientos movimiento comunicado y movimiento espontáneo. En el primero la causa del movimiento está fuera del cuerpo movido, y en el segundo está en el mismo cuerpo. No voy, a deducir por esto que el movimiento de un reloj de bolsillo, por ejemplo, sea espontáneo, puesto que si no obrara en él ninguna cosa ajena al muelle no haría esfuerzo para enderezarse, ni le daría cuerda. Por la misma razón, tampoco voy a conceder la espontaneidad a los fluidos, ni siquiera al fuego que causa su fluidez .
Vous me demanderez si les mouvements des animaux sont spontanés ; je vous dirai que je n′en sais rien, mais que l′analogie est pour l′affirmative. Vous me demanderez encore comment je sais donc qu′il y a des mouvements spontanés ; je vous dirai que je le sais parce que je le sens. je veux mouvoir mon bras & je le meus, sans e ce mouvement ait d′autre cause immédiate que ma volonté. C′est en vain qu′on voudroit raisonner pour détruire en moi ce il est plus fort que toute évidence ; autant sentiment, prouver que je n′existe pas vaudroit me prouver que je n′existe pas. »Me vais a preguntar si los movimientos de los animales son espontáneos, y yo os diré que lo ignoro, pero la analogía induce a la afirmación. También me preguntaréis cómo sé yo que hay movimiento espontáneo, y os contestaré que lo sé porque lo siento. Quiero mover mi brazo y lo muevo, sin que este movimiento tenga otra causa inmediata que mi propia voluntad. Sería inútil querer destruir con argumentos esta íntima conciencia mía, que es más fuerte que toda evidencia; sería lo mismo que querer probarme que yo no existo.
S′il n′y avoit aucune spontanéité dans le actions des hommes, ni dam rien de ce qui se fait sur la terre, on n′en seroit que plus embarrassé à imaginer la première cause de tout mouvement. Pour moi, je me sens tellement persuade que l′état naturel de la matière est d′être en repos, & qu′elle n′a par elle-même aucune. force pour agir, qu′en voyant un corps en mouvement le juge aussitôt, ou que animé ou que ce mouvement lui a été communique. Mon esprit refuse tout acquiescement a l′idée de la matière non organisée se mouvant d′elle-même, ou produisant quelque action. »Si no hubiese ninguna espontaneidad en las acciones de los hombres ni en nada de lo que se hace, aún nos encontraríamos con mayores apuros para imaginar la causa primera de todo el movimiento. Yo me siento de tal modo convencido de que el estado natural de la materia es el de permanecer en reposo, y de que por sí misma carece de toda fuerza para obrar, que en cuanto veo un cuerpo en movimiento, juzgo o que es un cuerpo animado o que el movimiento le ha sido comunicado, y mi espíritu rehúsa conceder que una materia no organizada se mueva por sí misma o sea capaz de alguna acción.
Cependant cet univers visible est matière, matière éparse & morte [18] , qui n′a rien dans son tout de l′union, de l′organisation, du sentiment commun des parties d′un corps animé, puisqu′il est certain que nous qui sommes parties ne nous sentons nullement dans le tout. Ce même univers est en mouvement, & clans ses mouvements réglés, uniformes, assujettis à des lois constantes, il n′a rien de cette liberté qui paraît dans les mouvements spontanés de l′homme & des animaux. Le monde n′est donc pas un grand animal qui se meuve de lui-même ; il y a donc de ses mouvements quelque cause étrangère à lui, laquelle je n′aperçois pas ; mais la persuasion intérieure me rend cette cause tellement sensible, que je ne puis voir rouler le soleil sans imaginer une force qui le pousse, ou que, si la terre tourne, je crois sentir une main qui la fait tourner. »No obstante, este universo visible es materia esparcida y muerta , que no tiene nada en su todo de cuanto constituye la unión, la organización y el sentimiento común de las partes de un cuerpo animado, ya que nosotros, que somos partes, de ninguna manera nos sentimos en el todo. Este mismo universo está en movimiento, y en sus movimientos regulares y uniformes, sujetos a unas leyes constantes, nada tiene de aquella libertad que se observa en los movimientos espontáneos del hombre y de los animales. Por tanto, el mundo no es un gran animal que por sí mismo se mueva ; sus movimientos poseen una causa que está fuera de él y que yo no percibo, pero la persuasión interior me hace sensible esta causa de tal manera que no puede moverse el sol sin que yo me imagine una fuerza que -le empuja, y si la tierra gira creo ver una mano que la hace girar.
S′il faut admettre des lois générales dont je n′aperçois point les rapports essentiels avec la matière, de quoi serai-je avancé ? Ces lois, n′étant point des êtres réels, des substances, ont donc quelque autre fondement qui m′est inconnu. L′expérience & l′observation nous ont fait connoître les lois du mouvement ; ces lois déterminent les effets sans montrer les causes ; elles ne suffisent point pour expliquer le système du monde & la marche de l′univers. Descartes avec des dés fermoit le ciel & la terre ; mais il ne put donner le premier branle à ces dés, ni mettre en jeu sa force centrifuge qu′à l′aide d′un mouvement de rotation. Newton a trouvé la loi de l′attraction ; mais l′attraction seule réduiroit bientôt l′univers en une masse immobile : à cette loi il a fallu joindre une force projectile pour faire décrire des courbes aux corps célestes. Que Descartes nous dise quelle loi physique a fait tourner ses tourbillons ; que Newton nous montre la main qui lança les planètes sur la tangente de leurs orbites. »Si es preciso admitir leyes generales cuyas relaciones esenciales con la materia no percibo, ¿:qué habré adelantado? Estas leyes no son seres reales o sustancias; luego tienen algún otro fundamento que no conozco. La experiencia y la observación nos han dado a conocer las leyes del movimiento; estas leyes determinan los efectos sin manifestar las causas, y son insuficientes para explicar el sistema del mundo y los fenómenos celestes. Descartes formaba con cubos el cielo y la tierra, pero fue incapaz de dar el primer impulso a estos cubos y de poner en acción su fuerza centrífuga sin valerse del movimiento de rotación, pero la atracción sola pronto reduciría al universo a una masa inmóvil, y ha sido preciso juntar con la ley de la atracción, inventada por Newton, una fuerza proyectil, para lograr que los cuerpos celestes describan curvas. Que nos diga Descartes cuál es la ley física que ha hecho dar vueltas a sus órbitas.
Les premières causes du mouvement ne sont point dans la matière ; elle reçoit le mouvement &, le communique, mais elle ne le produit pas. Plus j′observe l′action & réaction des forces de sa nature agissant les unes sur les autres, plus je trouve que, d′effets en effets, il faut toujours remonter a quelque volonté pour première cause ; car supposer un progrès de causes à l′infini, c′est n′en point supposer du tout. En un mot, tout mouvement qui n′est pas produit par un autre ne peut venir que d′un acte spontané, volontaire ; les corps inanimés n′agissent que par le mouvement, & il n′y a point de véritable action sans volonté. Voilà mon premier principe. Je crois donc qu′une volonté meut l′univers & anime la nature. Voilà mon premier dogme, ou mon premier article de foi. »Las primeras causas del movimiento no existen en la materia, pues recibe el movimiento y lo comunica, pero no lo produce. Cuanto más observo la acción de las fuerzas de la naturaleza, las cuales actúan unas sobre otras, más me convenzo de que de efecto en efecto siempre vendremos a parar a una voluntad que es la causa primera, puesto que el suponer un progreso infinito de causas es no suponer ninguna. Resumiendo, que todo movimiento que no es producido por otro sólo puede provenir de un acto espontáneo y voluntario; los cuerpos inanimados no obran de otra forma que por el movimiento, y sin voluntad no existe una verdadera acción. Este es mi primer principio. Creo que una voluntad mueve el universo y animó la materia. Este es mi primer dogma o mi primer artículo de fe.
Comment une volonté produit-elle une action physique & corporelle ? je n′en sais rien, mais j′éprouve en moi qu′elle la produit. Je veux agir, & j′agis ; je veux mouvoir mon corps, & mon corps se meut ; mais qu′un corps inanimé & en repos vienne à se mouvoir de lui-même ou produise-le mouvement cela est incompréhensible & sans exemple. La volonté m′est connue par ses actes, non par sa nature. je connois cette volonté comme cause motrice ; mois concevoir la matière productrice du mouvement, c′est clairement concevoir un effet sans cause, c′est ne concevoir absolument rien. »¿:Cómo es posible que una voluntad produzca una acción física y corporal? Lo ignoro, pero experimento en mí que es producida por ella. Quiero obrar, y obro; quiero mover mi cuerpo, y lo muevo, pero que un cuerpo inanimado y en reposo llegue a moverse por sí mismo, o que produzca el movimiento, es concebir un efecto sin causa, es no concebir absolutamente nada.
Il ne m′est pas plus possible de concevoir comment ma volonté meut mon corps, que comment mes sensations affectent mon âme. Je ne sais pas même pourquoi l′un de ces mystères a paru plus explicable que l′autre. Quant à moi, soit quand je suis passif, soit quand je suis actif, le moyen d′union des deux substances me paraît absolument incompréhensible. Il est bien étrange qu′on parte de cette incompréhensibilité même pour confondre les deux substances, comme si des opérations de natures si différentes s′expliquoient mieux dans un seul sujet que dans deux. »Tan imposible es concebir que mi voluntad mueve mí cuerpo como que mis sensaciones queden impresas en mi alma. No sé adivinar por qué ha parecido uno de estos misterios más fácil de explicar que el otro. Por lo que a mí hace referencia, tanto si es pasivo como si es activo, me parece absolutamente incomprensible el medio de unión de ambas sustancias. Es muy extraño que aleguen esta misma imposibilidad para confundir las dos sustancias, como si operaciones de tan distinta naturaleza quedaran mejor explicadas con un solo sujeto que con dos.
Le dogme que je viens d′établir est obscur, il est vrai ; mais enfin il offre un sens, et il n′a rien qui répugne à la raison ni à l′observation : en peut-on dire autant matérialisme ? N′est-il pas clair que si le mouvement étoit essentiel à la matière, if en seroit inséparable, il y seroit toujours en même degré, toujours le même dans chaque portion de matière, il seroit incommunicable, il ne pourroit ni augmenter ni diminuer, & l′on ne pourroit pas même concevoir la matière en repos ? Quand on me dit que le mouvement lui est pas essentiel, mais nécessaire, on veut me donner change par des mots qui seroient plus aisés à réfuter s′ils avoient un peu plus de sens. Car ou le mouvement de la matière lui vient d′elle-même, & alors il lui est essentiel, ou, s′il lui vient d′une cause étrangère, il n′est nécessaire à la matière qu′autant que la cause motrice agit sur elle : nous rentrons dans la première difficulté. »El dogma que acabo de establecer, en verdad que resulta oscuro, pero presenta un significado, y no tiene nada que repugne a la razón ni a la observación. ¿:Podemos decir lo mismo del materialismo? ¿:No es una cosa clara que si el movimiento en su esencia fuese de la materia, sería inseparable de ésta, que siempre estaría en el mismo grado, que siempre sería el mismo en cada porción de materia, que sería incomunicable, que no podría aumentar ni disminuir, y que ni siquiera podríamos concebir la materia en reposo? Cuando me dicen que el movimiento le es necesario pero no esencial, quieren alucinarme con palabras que serían más fáciles de refutar si significasen algo más, porque si le viene el movimiento a la materia de sí misma, entonces es esencial de ella, mas si le viene de alguna causa extraña, sólo es necesario en la materia en cuanto obra en ella la causa motriz, y entonces volvemos a la primera dificultad.
Les idées ; générales & abstraites sont la source des plus grandes erreurs des hommes ; jamais le jargon de la métaphysique n′a fait découvrir une seule vérité, et il a rempli a philosophie d′absurdités dont on a honte, sitôt qu′on les dépouille de leurs grands mots. Dites-moi, mon ami, si, quand on vous parle d′une force aveugle, répandue dans toute la nature, on porte quelque véritable idée à votre esprit. On croit dire quelque chose par ces mots vagues de force universelle, de mouvement nécessaire, & l′on ne dit rien du tout. L′idée du mouvement n′est autre chose que l′idée du transport d′un lieu à un autre : il n′y a point de mouvement sans quelque direction ; car un être individuel ne sauroit se mouvoir a la fois dans tous les sens. Dans quel sens donc la matière se meut-elle nécessairement ? Toute la matière en corps a-t-elle un mouvement uniforme, ou chaque atome a-t-il son mouvement propre ? Selon la première idée, l′univers entier doit former une masse solide & indivisible ; selon la seconde, il ne doit former qu′un fluide épars & incohérent, sans qu′il soit jamais possible que deux atomes se réunissent. Sur quelle direction se fera ce mouvement commun de toute la matière ? Sera-ce en droite ligne, en haut, en bas, à droite ou à gauche ? Si chaque molécule de matière a sa direction particulière quelles seront les causes de toutes ces directions & de toutes ces différences ? Si chaque atome ou molécule de matière ne faisoit que tourner sur son propre centre, jamais rien ne sortiroit de sa place, & il n′y auroit point de mouvement communiqué ; encore même faudroit-il que ce mouvement circulaire fût déterminé dans quelque sens. Donner à la matière le mouvement par abstraction, c′est dire des mots qui ne signifient rien ; & lui donner un mouvement déterminé, c′est supposer une cause qui le détermine. Plus je multiplie les forces particulières, plus j′ai de nouvelles causes à expliquer, sans jamais trouver aucun agent commun qui les dirige. Loin de pouvoir imaginer aucun ordre dans le concours fortuit des éléments, je n′en puis pas même imaginer le combat, & le chaos de l′univers m′est plus inconcevable que son harmonie. Je comprends que le mécanisme du′monde peut n′être pas intelligible à l′esprit humain ; mais sitôt qu′un homme se mêle de l′expliquer, il doit dire des choses que les hommes entendent. »Las ideas generales y las abstractas son el origen de los más grandes errores, jamás los hombres dados a la metafísica descubrieron una verdad, y han llenado la filosofía de insensateces que causan rubor en cuanto se les despojan de esas palabras tan grandilocuentes con que vienen disfrazadas. Decidme, amigo mío, si cuando os hablan de una fuerza ciega esparcida por toda la naturaleza ofrecen alguna idea a vuestro espíritu. Creen decir cualquier cosa con los vocablos vagos de "fuerza universal", de "movimiento necesario", y no han dicho nada. La idea de movimiento no es otra cosa que la de transporte de un lugar a otro; no existe movimiento sin una dirección, porque no puede un ser individual moverse en todos los sentidos a la vez. ¿:Pues, en qué sentido se mueve necesariamente la materia? ¿:Toda la materia en conjunto tiene un movimiento uniforme a cada átomo tiene el suyo propio? Según la primera idea, todo el universo debe formar una masa sólida e indivisible; según la última, sólo formará un fluido incoherente y desparramado sin que sea posible que dos átomos se reúnan. ¿:En qué dirección se efectuará ese movimiento de toda la materia? ¿:Será en línea recta o circular, hacia arriba o hacia abajo, a la derecha o a la izquierda? Si cada molécula de materia tiene su dirección propia, ¿:cuáles serán las causas de todas estas direcciones y diferencias? Si cada molécula de materia no hiciera otra cosa que girar sobre su propio centro, nunca saldría nada de su lugar, ni habría comunicación de movimiento, y todavía sería preciso que este movimiento circular fuera determinado en algún sentido. Atribuir a la materia el movimiento por abstracción, es decir, una cosa que no significa nada, y darle movimiento determinado, es suponer que una causa lo determina. Cuanto más multiplique las fuerzas particulares, más causas nuevas tendré que explicar, sin encontrar nunca ningún agente común que las dirija. Distanciados de poder imaginar ningún orden en el concurso fortuito de los elementos, ni siquiera puedo imaginar su historia, y para mí es más incomprensible el caos del universo que su armonía. Comprendo que no pueda ser inteligible para el espíritu humano el mecanismo del mundo, pero tan pronto como un hombre trate de explicarlo debe decir cosas que los hombres comprendan.
Si la matière mue me montre une volonté, la matière mue selon de certaines lois me montre une intelligence : c′est mon second article de foi. Agir, comparer, choisir, sont les opérations d′un être actif & pensant : donc cet être existe. Où le voyez-vous exister ? m′allez-vous dire. Non seulement dans les Cieux qui roulent, dans l′astre qui nous éclaire ; non seulement dans moi-même, mais dans la brebis qui paît, dans l′oiseau qui vole, dans la pierre qui tombe, dans la feuille qu′emporte le vent. »Si la materia movida me demuestra una voluntad, la materia movida según ciertas leyes me demuestra una inteligencia. Este es mi segundo artículo de fe. Obrar, comparar, escoger son las operaciones de un Ser activo y pensador; luego existe este Ser. ¿:Dónde veo su existencia?, me vais a preguntar. No sólo en .los cielos que giran, en el astro que nos alumbra; no sólo en mí mismo, sino en la oveja que pace, en el pájaro que vuela, en la hoja que se lleva el viento y en la piedra que cae.
Je juge de l′ordre du monde quoique j′en ignore la fin, parce que pour juger de cet ordre il me suffit de comparer les parties entre elles, d′étudier leur concours, leurs rapports, d′en remarquer le concert. J′ignore pourquoi l′univers existe ; mais je ne laisse pas de voir comment il est modifié : je ne laisse pas d′apercevoir l′intime correspondance par laquelle les êtres qui le composent se prêtent un secours mutuel. Je suis comme un homme qui verroit pour la première fois une montre ouverte, & qui ne laisseroit pas d′en admirer l′ouvrage, quoiqu′il ne connût pas l′usage de la machine & qu′il n′eût point vu le cadran. Je ne sais, dirait-il, à quoi le tout est bon ; mais je vois que chaque pièce est faite pour les autres ; j′admire l′ouvrier dans le détail de son ouvrage, & je suis bien sûr que tous ces rouages ne marchent ainsi de concert que pour une fin commune qu′il m′est impossible d′apercevoir. »Juzgo del orden del mundo, aunque ignore el fin del mismo, porque para juzgar de este orden me basta comparar entre sí las partes, estudiar su concurso, sus relaciones y notar su armonía. No sé por qué existe el universo, pero no dejo de ver cómo está ordenado; ni tampoco dejo de conocer la correspondencia interna por la cual se dan mutuo auxilio los seres que lo componen. Soy como un hombre que por primera vez viese un reloj, quien no dejaría de admirarlo aunque no supiese el uso de la máquina ni viese el horario. No sé, diría él, para qué sirve todo esto, pero veo que cada pieza está hecha para las demás; me maravilla su trabajo, y estoy seguro de que todas estas ruedas que andan acordes tienden a un fin común que no puedo determinar.
Comparons les fins particulières, les moyens, les rapports ordonnés de toute espèce, puis écoutons le sentiment intérieur ; quel esprit sain peut se refuser à son témoignage ? À quels yeux non prévenus l′ordre sensible de l′univers n′annonce-t-il pas une suprême intelligence ? & que de sophismes ne faut-il point entasser pour méconnaître l′harmonie des êtres & l′admirable concours de chaque pièce pour la conservation des autres ? Qu′on me parle tant qu′on voudra de combinaisons & de chances ; que vous sert de me réduire au silence, si vous ne pouvez m′amener à la persuasion ? & comment m′ôterez-vous le sentiment involontaire qui vous dément toujours malgré moi ? Si les corps organisés se, sont combinés fortuitement de raille manières avant de prendre des formes constantes, s′il s′est formé d′abord des estomacs sans bouches, des pieds sans têtes, des mains sang bras, des organes imparfaits de toute espèce qui sont péris faute de pouvoir se conserver, pourquoi nul de ces informes essais ne frappe-t-il plus nos regards ? Pourquoi la nature s′est-elle enfin prescrit des lois auxquelles elle n′étoit pas d′abord assujettie ? Je ne dois point être surpris qu′une chose arrive lorsqu′elle est possible, & que la difficulté de l′événement est compensée par la quantité des jets ; j′en conviens. Cependant, si l′on venoit me dire que des caractères d′imprimerie projetés au hasard ont donné l′Enéide tout arrangée, je ne daignerois pas faire un pas pour aller vérifier je mensonge. Vous oubliez, me dira-t-on, la quantité des jets. Mais de ces jets-là combien faut-il que j′en suppose pour rendre la combinaison vraisemblable ? Pour moi, qui n′en vois qu′un seul, j′ai l′infini à parier contre un que son produit n′est point effet du hasard. Ajoutez que des combinaisons & des chances ne donneront jamais que des produits de même nature que les éléments combinés, que l′organisation & la vie ne résulteront point d′un jet d′atomes, & qu′un chimiste combinant des mixtes ne les fera point sentir et penser dans son creuset [10] . »Comparemos los fines particulares, los medios, las relaciones coordinadas de todo género; luego escuchemos el sentimiento interno. ¿:Qué entendimiento sano se puede negar a su testimonio? ¿:A qué ojos no advertidos no les anuncia una inteligencia suprema el orden sensible del universo? ¡Cuántos sofismas deben ser amontonados para desconocer la armonía de los seres y el concurso admirable de cada pieza para la conservación de las demás! Me pueden hablar cuanto quieran de combinaciones y casualidades. ¿:De qué sirve que me reduzcan al silencio si no logran persuadirme? ¿:Y cómo me han de quitar el sentimiento involuntario que los desmiente a pesar mío? Si los cuerpos organizados se combinaron de mil maneras antes de tomar formas constantes, si se formaron estómagos sin bocas, pies sin cabezas, manos sin brazos, órganos imperfectos de todo género que han perecido por no haberse podido conservar, ¿:por qué no ofrece ya a nuestra vista ninguna de estas pruebas informes? ¿:Por qué al fin se ha prescrito la naturaleza leyes a que al principio se había sujetado? No debe extrañar que suceda una cosa cuando es posible y cuando la dificultad del suceso es compensada por la cantidad de suertes; convengo en ello. Sin embargo, si viniesen a decirme que unos caracteres de imprenta lanzados al azar habían producido la Eneida, yo no daría un paso para demostrar que era mentira. Os olvidáis, me dirán, de la cantidad de suertes. ¿:Pero cuántas de estas suertes es necesario que suponga para que sea verosímil la combinación? Por mí, que sólo veo una, tengo lo infinito para apostar contra uno que no es su producción un efecto del acaso. Añádase que suertes y combinaciones jamás darán otra cosa que productos de la misma naturaleza que los elementos que se combinan, que nunca la organización y la vida resultarán de un choque de átomos, y que un químico que combine mixtos no hará que en su crisol sientan y piensen .
J′ai lu Nieuwentit avec surprise, & presque avec scandale. Comment cet homme a-t-il pu vouloir faire un livre des merveilles de la nature, qui montrent la sagesse de son auteur ? Son livre seroit aussi gros que le monde qu′il n′auroit pas épuise son sujet ; & sitôt qu′on veut entrer dans les détails plus grande merveille échappe, qui est l′harmonie & l′accord du tout. La seule génération des corps vivants et organisés est l′abîme de l′esprit humain ; la barrière insurmontable que la nature a mise entre les diverses espèces, afin qu′elles ne se confondissent pas, montre ses intentions avec la dernière évidence. Elle ne s′est pas contentée d′établir l′ordre, elle a pris des mesures certaines pour que rien ni. pût le troubler. »He leído a Nieuwentit, con sorpresa y casi con escándalo. ¿:Cómo quiso este hombre hacer un libro de las maravillas de la naturaleza, que demuestran la sabiduría de su autor? Su libro sería tan grande como el mundo, y cuando hubiese de entrar en detalles, habría olvidado la mayor maravilla, que es la armonía y la concordancia del todo. La generación de los cuerpos vivientes y organizados es por sí sola el abismo del espíritu humano; la valla insuperable que ha puesto la naturaleza entre las varias especies, para que no se confundieran, manifiesta sus intenciones con la más palpable evidencia. No se ha conformado con establecer el orden, sino que ha tomado medidas seguras para que nada le pudiera perturbar.
Il n′y a pas un être dans l′univers qu′on ne puisse, à quelque égard, regarder comme le centre commun de tous les autres, autour duquel ils sont tous ordonnés, en sorte qu′ils sont tous réciproquement fins & moyens les uns relativement aux autres. L′esprit se confond & se perd dans cette infinité de rapports, dont pas un n′est confondu ni perdu dans la foule. Que d′absurdes suppositions pour déduire toute cette harmonie de l′aveugle mécanisme de la matière mue fortuitement ! Ceux, qui nient l′unité d′intention qui se manifeste dans les rapports de toutes les parties de ce grand tout, ont beau couvrir leur galimatias d′abstractions, de coordinations, de principes généraux, de termes emblématiques ; quoi qu′ils fassent, il m′est impossible de concevoir un système d′êtres si constamment ordonnés, que je ne conçoive une intelligence qui l′ordonne. Il ne dépend pas de moi de croire que la matière passive & morte a pu produire des êtres vivants et sentans, qu′une fatalité aveugle a pu produire des êtres intelligents, que ce qui ne pense point a pu produire des êtres qui pensent. »No existe un ser en el universo a quien no se pueda considerar bajo algún aspecto como centro común de los demás, en torno del cual se coordinen de tal forma que todos son recíprocamente fines y medios unos con relación a otros. Se pierde y confunde nuestro espíritu en esta infinidad de relaciones que ni una sola está perdida o confundida en la naturaleza. ¡Cuántas suposiciones absurdas hay que realizar para deducir esta armonía del ciego mecanismo de la materia movida fortuitamente! Los que niegan la unidad de intención que se manifiesta en las relaciones en todas las partes de este gran todo, en vano cubren su confusión con abstracciones, coordinaciones, principios generales y términos emblemáticos; hagan los que quieran, yo no puedo concebir un sistema de seres tan constantemente ordenados sin concebir una inteligencia que los ordene. Me es imposible creer que la materia pasiva y muerta haya podido producir seres vivientes y sensitivos, que una fatalidad ciega haya podido producir seres inteligentes, y que lo que no piensa haya podido producir seres que piensen.
Je crois donc crue le monde est gouverné par une volonté puissante & sage ; je le vois, ou plutôt je le sens, & cela m′importe à savoir. Mais ce même monde est-il éternel ou crée ? Y-t-il un principe unique des choses ? Y en a deux ou plusieurs ? Et quelle est leur nature ? Je n′en sais rien, & que m′importe. À mesure que ces connaissances me deviendront intéressantes, je m′efforcerai de les acquérir ; jusque-là je renonce à des questions oiseuses qui peuvent inquiéter mon amour-propre, mais qui sont inutiles à ma conduite & supérieures à ma raison. Creo, pues, que el mundo está gobernado por una voluntad poderosa y sabia; lo veo así, o más bien lo siento y me importa saberlo, ¿:pero ese mismo mundo es eterno o creado? ¿:Hay un principio único de las cosas? ¿:Hay dos o muchos, y cuál es su naturaleza? No lo sé, ¿:y qué me importa? Al paso que me interesan estos conocimientos haré esfuerzos para adquirirlos; mientras tanto renuncio a cuestiones ociosas que pueden causar inquietudes a mi amor propio, y son, además, inútiles para conducirme, y exceden los alcances de mi razón.
Souvenez-vous toujours que je n′enseigne point mon sentiment, je l′expose. Que la matière soit éternelle créée, qu′il y ait un principe passif ou qu′il n′y en ait point ; toujours est-il certain que le tout est un, & annonce une intelligence unique ; car je ne vois rien qui ne soit ordonné dans le même système, & qui ne concoure à la même fin, savoir la conservation du tout dans l′ordre établi. Cet être qui veut et qui peut, cet être actif par lui-même, cet être enfin, quel qu′il soit, qui m′eut l′univers & ordonne toutes choses, je l′appelle Dieu. Je joins à ce nom les idées d′intelligence, de puissance, de volonté, que j′ai rassemblées, & celle de bonté qui en est une suite nécessaire ; mais je n′en connois pas mieux l′être auquel je l′ai donné ; il se dérobe également à mes sens & à mon entendement ; plus j′y pense, plus je me confonds ; je sais très certainement qu′il existe, & qu′il existe par lui-même : je sais que mon existence est subordonnée à la sienne, & que toutes les choses qui me sont connues sont absolument dans le même cas. J′aperçois Dieu partout dans ses œuvres ; je le sens en moi, je le vois tout autour de moi ; mais sitôt que je veux le contempler en lui-même, sitôt que je veux chercher où il est, ce qu′il est, quelle est sa substance, il m′échappe & mon esprit troublé n′aperçoit plus rien. »Acordaos siempre que no ofrezco como doctrina mi dictamen, sino que lo manifiesto. Tanto si es eterna como creada la materia, tanto si hay o no un principio pasivo, siempre es verdad que el todo es uno y anuncia una inteligencia única, porque nada veo que no esté coordinado a un mismo sistema y no concurra a un mismo fin, que es la conservación del todo en el orden establecido. Este ser que quiere y puede, este ser activo por sí mismo, este ser, sea cual sea, que mueve el universo y coordina todas las cosas, yo le llamo Dios. A este nombre agrego las ideas de inteligencia, potencia y voluntad que he reunido, y la de bondad, que es consecuencia de ellas, mas no por eso conozco mejor al ser que he llamado de este modo; se esconde por igual a mis sentidos y a mi entendimiento; cuanto más pienso en él, más me confundo; sé con toda seguridad que existe y que existe por sí mismo; sé que mi existencia está subordinada a la suya, y que todas cuantas cosas conozco se encuentran en el mismo caso. En todas partes reconozco a Dios en sus obras, le siento en mí, le veo alrededor mío, pero tan pronto como quiero contemplarlo en sí mismo, así que quiero averiguar dónde está, quién es, cuál es su sustancia, huye de mí, y perturbado mi espíritu, nada distingo.
Pénétré de mon insuffisance, je ne raisonnerai jamais sur la nature de Dieu, que je n′y sois forcé par le sentiment de ses rapports avec moi. Ces raisonnements sont toujours téméraires, un homme sage ne doit s′y livrer qu′en tremblant, & sûr qu′il n′est pas fait pour les approfondir : car ce qu′il y a de plus injurieux à la Divinité n′est pas de n′y point penser, mais d′en mal penser. »Convencido de mi insuficiencia, "jamás discurriré acerca de la naturaleza de Dios, a no ser que me vea forzado por la conciencia de sus relaciones conmigo. Estos razonamientos son siempre temerarios, y un hombre prudente jamás debe entregarse a ellos sin estremecerse y estar convencido de que no es capaz de profundizarlos, porque lo más injurioso para la Divinidad no es que no pensemos en ella, sino que pensemos mal.
Après avoir découvert ceux de ses attributs par lesquels le conçois mon existence, je reviens à moi, & je cherche quel rang j′occupe dans l′ordre des choses qu′elle gouverne, que je puis examiner. je me trouve incontestablement au premier par mon espèce. ; car, par ma volonté & par les instruments qui sont en mon pouvoir pour l′exécuter, j′ai plus de force pour agir sur tous les corps qui m′environnent, ou pour me prêter ou me dérober comme il me plaît à leur action, qu′aucun d′eux n′en a pour agir sur moi malgré moi par la seule impulsion physique ; &, par mon intelligence, je suis le seul qui ait inspection sur le tout. Quel être ici-bas, hors l′homme, sait observer tous les autres, mesurer, calculer, prévoir leurs mouvements, leurs effets, & joindre, pour ainsi dire, le sentiment de l′existence commune a celui de son existence individuelle ? Qu′y a-t-il de si ridicule à penser que tout est fait pour moi, si le suis le seul qui sache tout rapporter à lui ? »Habiendo descubierto los atributos por los cuales concibo su existencia, vuelve a mí y averiguo qué lugar ocupo en el orden de las cosas que gobierna la providencia, y que yo puedo examinar. Me encuentro sin duda en el primero por mi especie, pues por mi voluntad y por los instrumentos que para ejecutarla están en mi mano, tengo más fuerza para lograr en todos los cuerpos que me rodean, o para aumentar o atenuar la eficacia de su acción en mí, según me conviene, que la que tiene ninguno de ellos para obrar en mí contra mi voluntad únicamente por el impulso físico, y por mi inteligencia soy el único que tiene inspección en el todo. ¿:Qué ser en la tierra, si no es el hombre, sabe observar a todos los demás, medir, calcular, prever sus movimientos y afectos y enlazar, por decirlo así, el sentimiento de la existencia común con el de su existencia individual? ¿:Qué hay más ridículo que pensar que Dios lo hizo todo para mí, si soy el único que sabe referirlo todo a él?
Il est donc vrai que l′homme est le roi de la terre qu′il habite ; car non seulement il dompte tous les animaux, non seulement il dispose des éléments par son industrie, mais lui seul sur la terre en sait disposer, & il s′approprie encore, par la contemplation, les astres mêmes dont il ne peut approcher. Qu′on me montre un autre animal sur la terre qui sache faire usage du feu, & qui sache admirer le soleil. Quoi ! je puis observer, connoître les êtres & leurs rapports ? je puis sentir ce que c′est qu′ordre, beauté, vertu ; je puis contempler l′univers, m′élever à la main qui le gouverne ; je puis aimer le bien, le faire ; & je me comparerais aux bêtes ! Ame abjecte, c′est ta triste philosophie qui te rend semblable à elles : ou plutôt tu veux en vain t′avilir, ton génie dépose contre tes principes, ton cœur bienfaisant dément ta doctrine, & l′abus même de tes facultés prouve leur excellence en dépit de toi. »Es verdad que el hombre es el rey de la tierra que habita, porque no sólo doma a los animales y dispone con su industria de los elementos, sino que sólo él en la tierra sabe disponer de ellos, y por la contemplación se apropia hasta de los mismos astros a los que no puede acercarse. Muéstrenme otro animal en la tierra que sepa hacer uso del fuego, que sepa producir luz. Ved: he de poder observar y conocer los seres y sus relaciones, sentir qué es el orden, la belleza, la virtud y contemplar el universo, enaltecerme hasta la mano que me rige; he de poder amar lo bueno, practicarlo, ¿:y se me ha de comparar a los animales? Alma vil, tu triste filosofía es la que te hace semejante a ellos, o en vano pretendes envilecerte porque tu ingenio reclama contra tus principios, tu generoso pecho desmiente tu doctrina y hasta el abuso de tus facultades comprueba a despecho tuyo su excelencia.
Pour moi qui n′ai point de système à soutenir, moi, homme simple & vrai, que la fureur d′aucun parti n′entraîne & qui n′aspire point à l′honneur d′être chef de secte, content de la place où Dieu m′a mis, je ne vois rien, après lui, de meilleur que mon espèce ; & si j′avois à choisir ma place dans l′ordre des êtres, que pourrais-je choisir de plus que d′être homme ? »Por mi parte, como carezco de sistema que imponer, yo, hombre sencillo y sincero, a quien no arrastra la manía de ningún partido, y que no aspiro al honor de ser jefe de secta, contento con el puesto en que me ha colocado Dios, después de El no veo cosa, mejor que mi especie, y si hubiese de escoger mi lugar en el orden de los seres, ¿:qué otro más alto pudiera escoger que el de hombre?
Cette réflexion m′enorgueillit moins qu′elle rie me touche ; car cet état n′est point de mon choix, & il n′étoit pas dû au mérite d′un être qui n′existoit pas encore. Puis-je me voir ainsi distingué sans me féliciter de remplir ce poste honorable, et sans bénir la main qui m′y a placé ? De mon premier retour sur moi naît dans mon cœur un sentiment de reconnaissance & de bénédiction pour l′auteur de mon espèce, & de ce sentiment mon premier hommage à la Divinité bienfaisante. J′adore la puissance suprême & je m′attendris sur ses bienfaits. Je n′ai pas besoin qu′on m′enseigne ce culte, il m′est dicté par la nature elle-même. N′est-ce pas une conséquence naturelle de l′amour de soi, d′honorer ce qui nous protège, & d′aimer ce qui nous veut du bien ? »Esta reflexión no me enorgullece tanto como me conmueve, porque este estado no lo escogí yo, ni es debido al mérito de un ser que todavía no existía. ¿:Cómo puedo mirarme tan privilegiado sin felicitarme por desempeñar tan honroso puesto y bendecir la mano que me colocó en él? De mi primera reflexión sobre mí, nace en mi corazón un sentimiento de gratitud y bendición al autor de mi especie, y de este sentimiento mi primer homenaje a la Divinidad benéfica. Adoro el supremo poder y me enternecen sus beneficios. No necesito que me enseñen ese culto, ya que me lo dicta la misma naturaleza. ¿:No es tal vez una consecuencia natural del amor de sí mismo amar lo que nos ampara y honrar lo que nos hace bien?
Mais quand, pour connoître ensuite ma place individuelle dans mon espèce, j′en considère les divers rangs & les hommes qui les remplissent, que deviens-je ? Quel spectacle ! Où est l′ordre que j′avois observé ? Le tableau de la nature ne m′offroit qu′harmonie & proportions, celui du genre humain ne m′offre que confusion, désordre ! Le concert règne entre les éléments, & les hommes sont dans le chaos ! Les animaux sont heureux, leur roi seul est misérable ! Ô sagesse, où sont tes lois ? Ô Providence, est-ce ainsi que tu régis le monde ? être bienfaisant, qu′est devenu ton pouvoir ? je vois le mal sur la terre. Croiriez-vous, mon bon ami, que de ces tristes réflexions & de ces contradictions apparentes se formèrent dans mon esprit les sublimes idées de l′âme, qui n′avaient point jusque-là résulté de mes recherches ? En méditant sur la nature de l′homme, j′y crus découvrir deux principes distincts, dont l′un l′élevoit à l′étude des vérités éternelles, à l′amour de la justice & du beau moral, aux régions du monde intellectuel dont la contemplation fait les délices du sage, & dont l′autre le ramenoit bassement en lui-même, l′asservis soit à l′empire des sens, aux passions qui sont leurs ministres, & contrarioit par elles tout ce que lui inspiroit le sentiment du premier. En me sentant entraîné, combattu par ces deux mouvements contraires je me disois : Non, l′homme n′est point un : je veux & je ne veux pas, je rue sens à la fois esclave & libre ; je vois le bien, je l′aime, & je fais le mal ; je suis actif quand j′écoute la raison, passif quand mes passions m′entraînent ; & mon pire tourment quand je succombe est de sentir que j′ai pu résister. »Pero cuando para conocer después mi puesto individual en mi especie, tengo en consideración sus diversas jerarquías y los hombres que las ocupan, ¿:dónde estoy? ¡Qué espectáculo! ¿:Qué se ha hecho del orden que había observado? La imagen de la naturaleza solamente me presentaba armonía y proporciones; la del linaje humano sólo ofrece confusión y desorden. Reina la concordia entre los elementos, ¡y los hombres se hallan en el caos! Los brutos son felices, y sólo su ley es miserable. Oh, sabiduría, ¿:dónde están tus leyes? Oh, Providencia, ¿:así gobiernas el mundo? Ser benéfico, ¿:en qué ha parado tu poder? Veo el mal sobre la tierra.  »Creeríais, amigo mío, que de estas tristes reflexiones y de estas aparentes contradicciones se formaron en mi entendimiento las ideas sublimes del alma, que hasta aquí no habían resultado de mis investigaciones? Meditando acerca de la naturaleza del hombre, creí descubrir en él dos principios distintos: uno que le elevaba al estudio de las eternas verdades, al amor de la justicia y a la belleza moral, a las regiones del mundo intelectual, en cuya contemplación se cifran las delicias del sabio, y otro que groseramente le retraía a sí mismo, que le esclavizaba al imperio de los sentidos y de las pasiones que son sus ministros, y por ellas anulaba cuantas ideas grandes y nobles le dictaba el sentimiento del primero. Sintiéndome arrastrado y combatido por estos dos movimientos contrarios, me decía: No, el hombre no es uno; yo quiero y no quiero; me siento esclavo y libre al mismo tiempo; veo lo bueno, lo apruebo y obro mal; soy activo cuando escucho la razón, pasivo cuando me arrastran mis pasiones, y cuando me rindo, mi mayor tormento es ver que era capaz de resistirme.
Jeune homme, écoutez avec confiance, je serai toujours de bonne foi. Si la conscience est l′ouvrage des préjugés, J′ai tort, sans doute, & il n′y a point de morale démontrée ; mais si se préférer à tout est un penchant naturel à l′homme, et si pourtant le premier sentiment de la justice est inné dans le cœur humain, que celui qui fait de l′homme un être simple lève ces contradictions, & je ne reconnais plus qu′une substance. »Escuchad, joven confiado, porque yo siempre seré ingenuo. Si la conciencia es obra de las preocupaciones, sin duda voy equivocado, y no existe moral demostrada, pero si el preferirse a todo es una inclinación natural del hombre, y si, no obstante, es innato el sentimiento de justicia en el corazón humano, que remueva estas contradicciones quien hizo del hombre un ser sencillo, y entonces no reconoceré en él más que una sola sustancia.
Vous remarquerez que, par ce mot de substance, j′entends en général l′être doué de quelque qualité primitive, & abstraction faite de toutes modifications particulières ou secondaires. Si donc toutes les qualités primitives qui nous sont connues peuvent se réunir dans un même être, on ne doit admettre qu′une substance ; mais s′il y en a qui s′excluent mutuellement, il y a autant de diverses substances qu′on peut faire de pareilles exclusions. Vous réfléchirez sur cela ; pour moi, je n′ai besoin, quoi qu′en dise Locke, de connoître la matière que comme étendue & divisible, pour être assuré qu′elle ne peut penser ; & quand un philosophe viendra me dire que les arbres sentent & que les roches pensent [20] , il aura beau m′embarrasser dans ses arguments subtils, je ne puis voir en lui qu′un sophiste de mauvaise foi, qui aime mieux donner le sentiment aux pierres que d′accorder une âme à l′homme. »Observaréis que por la palabra "sustancia" entiendo al ser dotado de una cualidad primitiva, haciendo abstracción de toda modificación particular o secundaria, de modo que si todas las cualidades primitivas que conocemos se pueden reunir en un mismo ser, no debemos admitir más que una sustancia, pero si existen cualidades que se excluyen recíprocamente, habrá tantas sustancias distintas cuantas exclusiones de esta especie pueden hacerse. Esto lo reflexionaréis; que diga lo que quiera Locke, pero me basta el conocer la materia como extensa y divisible para estar seguro de que no puede pensar, y cuando venga un filósofo a decirme que los árboles sienten y que piensan las peñas , en vano me enredará en argumentos sutiles, pues sólo podré considerarle un sofista de mala fe que prefiere conceder sentimiento a las piedras que otorgar alma al hombre.
Supposons un sourd qui nie l′existence des sons, parce qu′ils n′ont jamais frappé son oreille. Je mets sous ses yeux un instrument à corde, dont je fais sonner l′unisson par un autre instrument caché : le sourd voit frémir la corde ; je lui dis : C′est le son qui fait cela. Point du tout, répond-il ; la cause du frémissement de la corde est en elle-même ; c′est une qualité commune à tous les corps de frémir ainsi. Montrez-moi donc, reprends-je, ce frémissement dans les autres Corps, ou du moins sa cause dans cette corde. Je ne puis, réplique le sourd ; mais, parce que je ne conçois pas comment frémit cette corde, pourquoi faut-il que j′aille expliquer cela par vos sons, dont je n′ai pas la moindre idée ? C′est expliquer cela par vos sons, dont je n′ai pas la moindre idée ? C′est expliquer un fait obscur par une cause encore plus obscure. Ou rendez-moi vos sons sensibles, ou je dis qu′ils n′existent pas. »Imaginémonos a un sordo que niegue la existencia de sonidos porque jamás han echo impresión en su oído. Coloco delante de él un instrumento oculto; el sordo ve que vibra la cuerda, y yo le digo que lo hace el sonido. "Nada de eso -me responde-; la causa de la vibración de la cuerda está en ella misma; es una cualidad común a todos los cuerpos vibrar de este modo." "Pues mostradme -le replicó- esta vibración en los demás cuerpos, o su causa en esta cuerda." "No puedo -me dice el sordo-, pero porque no concibo cómo vibra esta cuerda, ¿:queréis que lo explique por medio de vuestros sonidos, de los que yo no poseo la más leve idea? Eso sería explicar un hecho oscuro por una causa todavía más oscura. Haced que yo sienta vuestros sonidos, o digo que no existen."
Plus je réfléchis sur la pensée & sur la nature de l′esprit humain, plus je trouve que le raisonnement des matérialistes ressemble à celui de ce sourd. Ils sont sourds, en effet, à la voix intérieure qui leur crie d′un ton difficile à méconnaître : Une machine ne pense point, il n′y a ni mouvement, ni figure qui produise la réflexion : quelque chose en toi cherche à briser les liens qui le compriment ; l′espace n′est pas ta mesure, l′univers entier n′est pas assez grand pour toi : tes sentiments, tes désirs, ton inquiétude, ton orgueil même, ont un autre principe que ce corps étroit dans lequel tu te sens enchaîné. »Cuanto más me detengo en reflexionar acerca del pensamiento y sobre la naturaleza del espíritu humano, me quedo más convencido de que el raciocinio de los materialistas tiene un parecido muy semejante al de este sordo, y verdaderamente, son sordos a la voz interior que les grita en un tono que es muy difícil no escuchar. Una máquina no piensa, no hay movimiento ni figura que produzca la reflexión; en su interior existe algo que procura romper los vínculos que se estrechan; el espacio no es tu medida, ni el mundo entero es suficiente para ti; tus afectos, tus deseos, tu inquietud, tu mismo orgullo tienen otro principio que este cuerpo estrecho en que te sientes encadenado.
Nul être matériel n′est actif par lui-même, & moi. je le suis. On a beau me disputer cela, je le sens, & ce sentiment qui me parle est plus fort que la raison qui le combat. J′ai un corps sur lequel les autres agissent & qui agit sur eux ; cette action réciproque n′est pas douteuse ; mais ma volonté est indépendante de mes sens ; je consens ou le résiste, je succombe ou je suis vainqueur, & je sens parfaitement en moi-même quand je fais ce que j′ai voulu faire, ou quand le ne fais que céder à mes passions. J′ai toujours la puissance de vouloir, non la force d′exécuter. Quand je me livre aux tentations, j′agis selon l′impulsion des objets externes. Quand je me reproche cette faiblesse, je n′écoute que ma volonté ; je suis esclave par mes vices, & libre par mes remords ; le sentiment de ma liberté ne s′efface en moi que quand je me déprave, & que j′empêche enfin la voix e l′âme de s′élever contre la loi du corps. »No existe ningún ser material que sea activo por sí mismo, y no obstante yo lo soy. En vano me lo ruegan; lo siento así, y este sentimiento que habla en mí es más fuerte que la razón que le oponen. Tengo un cuerpo en que obran los otros y que obra en ellos; esta acción recíproca es indudable, pero mi voluntad es independiente de mis sentidos, consiento o resisto, me rindo o soy vencedor, y en mi interior siento perfectamente todo lo que hago, lo que he querido hacer o cuando no hago más que ceder a mis pasiones. Siempre soy poseedor de una potencia para querer, pero no la poseo siempre para ejecutar. Cuando me dejo llevar de las tentaciones, obro según el impulso de los objetos externos; cuando me reprocho por esta debilidad sólo escucho mi voluntad; soy esclavo por mis vicios y soy libre por mis remordimientos; sólo cuando me depravo y cuando se levante la voz del alma contra la del cuerpo queda borrada en mí la conciencia de mi libertad.
Je ne connois la volonté que par le sentiment de la mienne, & l′entendement ne m′est pas mieux connu. Quand on me demande quelle est la cause qui détermine ma volonté, je demande à mon tour quelle est la cause qui détermine mon jugement : car il est clair que ces deux causes n′en une ; font qu′une : & si l′on comprend bien que l′homme est actif dans ses jugements, que son entendement n′est que le pouvoir de comparer & de juger, on verra que sa fierté n′est qu′un pouvoir semblable, ou dérivé de celui-là ; n′est qu′un pouvoir semblable, ou dérivé de celui-la ; il choisit le bon comme il a jugé le vrai ; s′il juge faux, il choisit mal. Quelle est donc la cause qui, détermine sa volonté ? C′est son jugement. Et quelle est la cause qui détermine son jugement ? C′est sa faculté intelligente, c′est sa puissance de juger ; la cause déterminante est en lui-même. Passé cela, je n′entends plus rien. »No soy conocedor de la voluntad sino por la íntima conciencia de la mía, y no conozco el entendimiento de otra manera. Al preguntarme cuál es la causa que determina mi voluntad, yo pregunto cuál es la que determina mi juicio, porque se ve claramente que estas dos causas no son más que una, y si comprendemos perfectamente que el hombre es activo en sus juicios, que su entendimiento no es otra cosa que la potestad de comparar y juzgar, nos podremos dar cuenta de que la libertad es otra potestad semejante, o derivada de aquélla; elige el bien como ha juzgado la verdad, y si juzga erróneamente, entonces elige mal. ¿:Cuál es la causa que determina su voluntad? Su juicio. ¿:Y cuál es la que determina su juicio? Su facultad inteligente, su potestad de juzgar; la causa determinante está dentro de sí misma. Pasando más adelante, nada entiendo.
Sans doute je ne suis pas libre de ne pas vouloir mon propre bien, je ne suis pas libre de vouloir mon mal ; mais ma liberté consiste en cela même que je ne puis vouloir que ce qui m′est convenable, ou que j′estime tel, sans que rien d′étranger à moi me détermine. S′ensuit-il que je ne sois pas mon maître, parce que je ne suis pas le maître d′être un autre que moi ? »No cabe duda alguna de que no soy libre para no querer mi propio bien, ni soy libre para querer mi mal, pero mi libertad consiste en eso mismo, en que sólo puedo querer lo que me conviene, o lo que pienso que me conviene, sin que ninguna causa extraña a mí me determine. Porque no soy dueño de ser otro que yo, ¿:se infiere que no soy dueño de mí mismo?
Le principe de toute action est dans la volonté d′un être libre ; on ne saurait remonter au delà. Ce n′est pas le mot de liberté qui ne signifie rien, c′est celui de nécessité. Supposer quelque acte, quelque acte, quelque effet qui ne dérivé pas d′un principe actif, c′est vraiment supposer des effets sans cause, c′est tomber dans le cercle vicieux. Ou il n′y a point de première impulsion, ou toute première impulsion n′a nulle cause antérieure & il n′y a point de véritable volonté sans liberté. L′homme est donc libre dans ses actions, &, comme tel, animé d′une substance immatérielle, c′est mon troisième article de foi. De ces trois premiers vous déduirez aisément tous les autres, sans que je continue à les compter. Si l′homme est actif & libre, il agit de lui-même ; tout ce qu′il fait librement n′entre point dans le système ordonné de la Providence, & ne peut lui être imputé. Elle ne veut point le mal que fait l′homme, en abusant de la liberté qu′elle lui donne ; mais elle ne l′empêche pas de le faire, soit que de la art d′un être si faible ce mal soit nul à ses yeux, soit qu′elle ne put l′empêcher sans gêner sa liberté & faire un mal plus grand en dégradant sa nature. Elle l′a fait libre afin qu′il fît non le mal, mais le bien par choix. Elle l′a mis en état de faire ce choix en usant bien des facultés dont elle l′a doué ; mais elle a tellement borné ses forces, que l′abus de la liberté qu′elle lui laisse ne peut troubler l′ordre général. Le mal que l′homme fait retombe sur lui sans rien changer au système du monde, sans empêcher que l′espèce humaine elle-même ne se conserve malgré qu′elle en ait Murmurer de ce que Dieu ne l′empêche pas de faire le mal, c′est murmurer de ce qu′il la fit d′une nature excellente, de ce qu′il mit à ses actions la moralité qui les ennoblit, de ce qu′il lui donna droit à la vertu. La suprême jouissance est ans le contentement de soi-même ; c′est pour mériter ce contentement que nous sommes placé, sur la terre et doués de la liberté, que nous sommes tentés par les passions & retenus par la conscience. Que pouvoit de plus en notre faveur la divine elle même ? Pouvait-elle mettre de la contradiction dans notre nature & donner le prix d′avoir bien fait à qui n′eut pas le pouvoir de mal faire ? Quoi ! pour empêcher l′homme d′être méchant, fallait-il le borner à l′instinct & le faire bête ? Non, Dieu de mon âme, je ne te reprocherai jamais de l′avoir faite à ton image, afin que je pusse être libre, bon & heureux comme toi. »El principio de toda acción tiene su asiento en la voluntad de un ser libre y no cabe la posibilidad de ascender más arriba. La palabra que no significa nada no es de libertad, sino de necesidad. El suponer algún acto, algún efecto que no derive de un principio activo es verdaderamente suponer efectos-sin causa, e incurrir en un círculo vicioso. O no hay primer impulso, o todo primer impulso carece de causa interior alguna, y no existe verdadera voluntad sin libertad. Por lo tanto, el hombre es libre en sus acciones, y como tal, está animado por una sustancia inmaterial. Este es un tercer artículo de fe. Por estos tres primeros podréis deducir fácilmente los demás, sin que yo siga contándolos.  »Si el hombre es activo y libre, otra por sí propio; todo lo que hace de un modo libre está fuera del sistema ordenado por la Providencia, y no puede ser imputado a ésta. Dios no′ quiere el mal que comete el hombre cuando usa indebidamente la libertad que le da, pero no le evita que lo haga, porque proviene de un ser tan débil el mal es nulo a sus ojos o porqué no podría evitarlo sin violentar su libertad causarle un mayor perjuicio rebajando su naturaleza. Le hizo libre, no para que obrase mal, sino bien por su propio impulso. Le puso en estado de que hiciera esta elección, haciendo un buen uso de las facultades de ′ que le dotó, pero limitó sus fuerzas de tal manera que no pudiese, abusando de la libertad, alterar el orden general. En el hombre recae el mal que él hace sin que varíe en nada el sistema del mundo, y sin evitar que a despecho de sí mismo el género humano se conserve. El quejarse de que Dios no le impida obrar mal, es quejarse de que le hizo de excelente naturaleza, de que juntó con sus acciones la moralidad que las ennoblece y de que le dio derecho a la virtud. La suprema felicidad está en el contento de sí mismo, y para ser merecedores de este contento somos moradores de la tierra y todos estamos dotados de libertad, aunque somos tentados por las pasiones y frenados por la conciencia. ¿:Qué otra cosa podía hacer que fuera más en beneficio nuestro la misma potencia divina? ¿:Podía hacer que fuera contradictoria nuestra naturaleza, dando el premio de las buenas obras a quien no tuviese la facultad de obrar mal? ¿:Cómo? ¿:Para impedir que fuese malo el hombre, le había de limitar al instinto y hacerle bestia? No, no, Dios de mi alma; jamás te acusaré de que formaste a tu imagen la mía, para que pudiera ser libre, venturoso y bueno como tú.
C′est l′abus de nos facultés qui nous rend malheureux & méchants. Nos chagrins, nos soucis, nos peines, nous viennent de nous. Le mal moral est incontestablement notre ouvrage, & le mal physique ne seroit rien sans nos vices, qui nous l′ont rendu sensible. N′est-ce pas pour nous conserver que la nature nous fait sentir nos besoins ? La douleur du corps n′est-elle pas un signe que la machine se dérange, & un avertissement d′y pourvoir ? La mort… Les méchants n′empoisonnent-ils pas leur vie & la nôtre ? Qui est-ce qui voudrait toujours vivre ? La mort est le remède aux maux que vous vous faites ; la nature a voulu que vous ne souffrissiez pas toujours. Combien l′homme vivant dans la simplicité primitive est sujet à peu de maux ! Il vit presque sans maladies ainsi que sans passions, & ne prévoit ni ne sent la mort ; quand il la sent, ses misères la lui rendent désirable : dès lors elle n′est plus un mal pour lui. Si nous nous contentions d′être ce que nous sommes, nous n′aurions point à déplorer notre sort ; mais pour chercher un bien-être imaginaire, nous nous donnons mille maux réels. Qui ne sait pas supporter un peu de souffrance doit s′attendre à beaucoup souffrir. Quand on a gâté sa constitution par une vie déréglée, on la veut rétablir par des remèdes ; au mal qu′on sent on ajoute celui qu′on craint ; la prévoyance de la mort la rend horrible & l′accélère ; plus on la veut fuir, plus on la sent ; & l′on meurt de frayeur durant toute sa vie, en murmurant contre la nature des maux qu′on s′est faits en l′offensant. »El abuso de nuestras facultades es lo que nos convierte en desgraciados y malos. De nosotros mismos provienen nuestros pesares, nuestras zozobras y nuestras congojas; el mal moral, no cabe duda, es obra nuestra, y el mal físico no seria nada sin nuestros vicios, que nos lo han hecho sensible. ¿:No nos hace sentir la naturaleza nuestras necesidades para nuestra conservación? ¿:No es un signo el dolor corporal de que la máquina se descompone, y un aviso para que acudamos remedio? La muerte... Los perversos, ¿:no envenenan su vida y la nuestra? ¿:Quién querría vivir siempre en medio de ellos? La muerte es el remedio de los males que os hacéis, pues la naturaleza no ha querido que siempre padezcáis. A muy pocos males está sujeto el hombre que vive en la sencillez primitiva. Sin dolencias, casi como sin pasiones, ni prevé, ni siente la muerte; cuando la siente, sus achaques hacen que la desee, y entonces ya no es un daño para él. Si nos conformásemos en ser lo que somos, no tendríamos motivo alguno para lamentar nuestra suerte, pero buscando un bienestar imaginario nos acarreamos mil males reales. Le espera mucho que sufrir a quien no sabe padecer un leve dolor. Quien con el desarreglo de su vida ha estragado su constitución y con remedios quiere restablecerla, añade al mal que siente el otro que teme. La previsión de la muerte le aterra y se la acelera; cuanto más se esfuerza en huir de ella, con mayor intensidad la siente, y durante toda su vida está muerto de miedo, quejándose de la naturaleza por los males que, ofendiéndola, se ha hecho él a sí mismo.
Homme, ne cherche plus l′auteur du mal ; cet auteur, c′est toi-même. Il n′existe point d′autre mal que celui que tu fais ou que tu souffres, & l′un & l′autre te vient de toi. Le mal général ne peut être que dans le désordre, & je vois dans le système du monde un ordre lui ne se dément point. Le mal particulier n′est que dans e sentiment de l′être qui souffre ; & ce sentiment, l′homme ne l′a pas reçu de la nature, il se l′est donné. La douleur a peu de prise sur quiconque, ayant peu réfléchi, n′a ni souvenir ni prévoyance. Otez nos funestes progrès, ôtez nos erreurs & nos vices, ôtez l′ouvrage de l′homme, & tout est bien. Hombre, no busques el autor del mal, puesto que ese autor eres tú mismo. No hay otro mal que el que tú haces o padeces, y tanto el uno como el otro vienen de ti. El mal general sólo se puede encontrar en el desorden, y en el sistema del mundo observo un orden que jamás se desmiente. El mal particular consiste en el sentimiento del ser que lo sufre, y el hombre no ha recibido este sentimiento de la naturaleza, sino que se lo ha dado él mismo. El dolor poco halla donde cebarse en quien, habiendo reflexionado poco, no tiene previsión ni memoria. Quitad nuestros fatales progresos, nuestros errores y nuestros vicios, apartad la obra del hombre, y todo está bien.
Où tout est bien, rien n′est injuste. La justice est inséparable de la bonté ; or la bonté est l′effet nécessaire d′une puissance sans borne & de l′amour de soi, essentiel à tout être qui se sent. Celui qui peut tout étend, pour ainsi dire, son existence avec celle des êtres. Produire & conserver sont l′acte perpétuel de la puissance ; elle n′agit point sur ce qui n′est pas ; Dieu n′est pas le Dieu des morts, il ne pourroit être destructeur & méchant sans se nuire. Celui qui peut tout ne peut vouloir que ce qui est bien [21
. Donc l′être souverainement bon parce qu′il est. souverainement juste, autrement il se contrediroit lui-même ; car l′amour de l′ordre qui le produit s′appelle bonté, & l′amour de l′ordre qui le conserve s′appelle justice. Dieu, dit-on, ne doit rien à ses créatures. je crois qu′il leur doit tout ce qu′il leur promit en leur donnant l′être. or c′est leur promettre un bien que de leur en donner l′idée & de leur en faire sentir le besoin. Plus je rentre en moi, plus je me consulte, & plus je lis ces mots écrits dans mon âme : sois juste, & tu seras heureux. Il n′en est rien pourtant, à considérer l′état présent des choses ; le méchant prospère, & le juste reste opprimé. Voyez aussi quelle indignation s′allume en nous quand cette attente est frustrée ! La conscience s′élève et murmure contre son auteur ; elle lui crie en gémissant : Tu m′as trompé !
»Donde todo está bien no hay nada que sea injusto. La justicia es inseparable de la bondad, y la bondad es efecto necesario de una potencia ilimitada y del amor de sí mismo esencial en todo ser que siente. El que todo lo puede, extiende, por decirlo así, su existencia con la de los seres. Producir y conservar son el acto perpetuo de la potencia, que no obra en lo que no existe; Dios no es el Dios de los muertos, y no podría ser destructor y malo sin perjudicarse. El que lo puede todo, sólo puede querer lo que es bueno [20
. Entonces, el ser soberanamente bueno, porque es soberanamente poderoso, también debe ser soberanamente justo, sin lo cual se contradecirá a sí mismo, porque el amor del orden que da origen al orden se llama ′bondad" v el amor del orden que le conserva se llama "justiciar". »Se dice "Dios no debe nada a sus criaturas". Yo opino que les debe todo lo que les prometió cuando les dio el ser, y prometerles un bien es darles la idea del bien y hacer que sientan su necesidad. Cuanto más me concentro, cuanto más me examino más claramente veo escritas estas palabras en mi alma: "Sé justo y serás feliz". Pero no es así si consideramos el presente estado de las cosas, el malo prospera y el justo vive oprimido. Ved la indignación que nos produce ver frustrada esta esperanza. La conciencia se exalta y murmura contra su autor; gimiendo le grita: "¡Me has engañado!"
Je t′ai trompé, téméraire ! & qui te l′a dit ? Ton âme est-elle anéantie ? As-tu cessé d′exister ? Ô Brutus, ô mon fils ! ne souille point ta noble vie en la finissant ; ne laisse point ton espoir & ta gloire avec ton corps aux champs de Philippes. Pourquoi dis-tu : La vertu n′est rien, quand tu vas jouir du prix de la tienne ? Tu vas mourir, penses-tu :non, tu vas vivre, & c est alors que je tiendrai tout ce que je t′ai promis. »¿:Que yo te he engañado, temerario? ¿:Y quién te lo ha dicho? ¿:Está tu alma aniquilada? ¿:Has dejado de existir? ¡Oh, Bruto, oh, hijo mío! No mancilles en la muerte tu noble vida, no dejes en los campos de Filipo, con tu cuerpo, tu gloria y tus esperanzas. ¿:Por qué dices "La virtud no es nada" cuando va la tuya a gozar el premio merecido? Piensas que vas a morir, y vas a vivir, y entonces yo cumpliré todo lo que te he prometido.
On diroit, aux murmures des impatients mortels, que Dieu leur doit la récompense avant le mérite, & qu′il est obligé de payer leur vertu d′avance. Oh ! soyons bons premièrement, & puis nous serons heureux. N′exigeons pas le prix avant la victoire, ni le salaire avant le travail. Ce n′est point dans la lice, disoit Plutarque, que les vainqueurs de nos jeux sacrés sont couronnés, c′est après qu′ils l′ont parcourue lu. »Se diría, al oír las murmuraciones de los impacientes mortales, que Dios les debe la recompensa antes del mérito, y que está obligado a pagar por adelantado su virtud. Primeramente seamos buenos, y después seremos felices. No exijamos el premio antes que la victoria, ni el salario antes que el trabajo. No son coronados en la liza, decía Plutarco, los vencedores de nuestros juegos sacros, sino cuando han terminado.
Si l′âme est immatérielle, elle peut survivre au corps ; & si elle lui survit, la Providence est justifiée. Quand je n′aurois d′autre preuve de l′immatérialité de l′âme que le triomphe du méchant & l′oppression du juste en ce monde, cela seul m′empêcheroit d′en douter. Une si choquante dissonance dans l′harmonie universelle me feroit chercher à la résoudre je me dirois : Tout ne finit pas pour nous avec la vie, tout rentre dans l′ordre à la mort. J′aurais, à la vérité, l′embarras de me demander où est l′homme, quand tout ce qu′il avoit de sensible est détruit. Cette question n′est plus une difficulté pour moi, sitôt que j′ai reconnu deux substances. Il est très simple que, durant ma vie corporelle, n′apercevant rien que par mes sens, ce qui ne leur est point soumis m′échappe. Quand l′union lu corps et de l′âme est rompue, je conçois que l′un peut se dissoudre, & l′autre, se conserver. Pourquoi la destruction de l′un entraînerait-elle la destruction de l′autre ? Au contraire, étant de natures si différentes, ils étaient, par leur union, dans un état violent ; & quand cette union cesse, ils rentrent tous deux dans leur état naturel : la substance active & vivante regagne toute la force qu′elle employoit à mouvoir la substance passive & morte. Hélas ! Je le sens trop par mes vices, l′homme ne vit qu′à moitié durant sa vie, & la vie de l′âme ne commence qu′à la mort du corps. »Si el alma es inmaterial, puede sobrevivir al cuerpo, si le sobrevive, la Providencia está justificada. Aunque no tuviese otra prueba de la inmaterialidad del alma que el triunfo del malo y la opresión del justo en este mundo, esto sólo me libraría de toda duda. Tan chocante disonancia dentro de la universal armonía haría que procurase resolverla. Me diría: No se acaba todo para nosotros con la vida, y todo vuelve al orden con la muerte. La verdad es que me vería detenido con la cuestión de saber dónde está el hombre, cuando todo lo sensible que en él había es destruido, pero esta dificultad no lo es para mí, que he reconocido en él dos sustancias. Es muy sencillo que percibiéndolo todo por mis sentidos durante mi vida corporal se me oculte lo que no se halle en la esfera de éstos. Cuando se ha roto la unión del cuerpo con el alma, concibo que se pueda destruir el uno y conservar la otra. ¿:Por qué la destrucción del cuerpo ha de significar la del alma? Por el contrario, como son de naturaleza tan diferente, se hallan por su unión en un estado violento, y cuando cesa esta unión vuelven a su estado natural, y la sustancia activa y viviente recobra aquella fuerza que empleaba en mover la pasiva y muerta. ¡Ay!, demasiado lo conozco por mis vicios; el hombre vive sólo a medias durante su vida, y la vida del alma empieza cuando muere el cuerpo.
Mais quelle est cette vie ? & l′âme est-elle immortelle par sa nature ? Mon entendement borné ne conçoit rien sans bornes : tout ce qu′on appelle infini m′échappe. Que puis-je nier, affirmer ? quels raisonnement puis-je faire sur ce que je ne puis concevoir ? Je crois que l′âme survit au corps assez pour le maintien de l′ordre : qui soit si c′est assez pour durer toujours ? Toutefois je conçois comment le corps s′use & se détruit par la division des parties : mais je ne puis concevoir une destruction pareille de l′être pensant ; & n′imaginant point comment il peut mourir, je présume qu′il ne meurt pas. Puisque cette présomption me console & n′a rien de déraisonnable, pourquoi craindrais-je de m′y livrer ? »¿:Pero cuál es esa vida? ¿:Es inmortal el alma por su naturaleza? No lo sé. Mi limitado entendimiento no concibe nada sin límites; todo lo que considera infinito se me oculta. ¿:Qué puedo negar o afirmar, qué juicios puedo formar acerca de lo que no puedo concebir? Creo que el alma sobrevive al cuerpo lo suficiente para la conservación del orden, y quién sabe si lo suficiente para que dure siempre? No obstante, concibo cómo se gasta y destruye el cuerpo con la división de sus partes, pero yo no puedo concebir una destrucción semejante del ser pensador, y no imaginándome de qué modo puede morir, presumo que no morirá. Una vez que me consuela esta presunción, que no pugna con la razón, ¿:por qué he de temer el abandonarme a ella?
Je sens mon âme, je la connois par le sentiment & par la pensée, je sais qu′elle est, sans savoir quelle est son essence ; je ne pu, raisonner sur des idées que je n′ai pas. Ce que je sais bien, c′est que l′identité du moi ne se prolonge que par la mémoire, et que, pour être le même en effet, il faut que je me souvienne d′avoir été. Or, je ne saurois me rappeler, après ma mort, ce que ai été durant ma vie, que je ne me rappelle aussi ce que j′ai senti, par conséquent ce que j′ai fait ; & je ne doute point que ce souvenir ne fasse un jour la félicité des bons & le tourment des méchants. Ici-bas, mille passions ardentes absorbent le sentiment interne, & donnent le change aux remords. Les humiliations, les disgrâces qu′attire l′exercice des vertus, empêchent d′en sentir tous les charmes. Mais quand délivrés des illusions que nous font le corps & les sens, nous jouirons de la contemplation de l′être suprême & des vérités éternelles dont il est la source, quand la beauté de l′ordre frappera toutes les puissances de notre âme, & que nous serons uniquement occupés à comparer ce que nous avons fait avec ce que nous avons dû faire, C′est alors que la voix de la conscience reprendra sa force & son empire, c′est alors que la volupté pure qui naît du contentement de soi-même, & le regret amer de s′être avili, distingueront par des sentiments inépuisables le sort que chacun se sera préparé. Ne me demandez point, ô mon bon ami, s′il y aura d′autres sources de bonheur & de peines ; je l′ignore ; & c′est assez de celles que j′imagine pour me consoler de cette vie, & m′en faire espérer une autre je ne dis point que les bons seront récompensés ; car quel autre bien peut attendre un être excellent que d′exister selon sa nature ? Mais je dis qu′ils seront heureux, parce que leur auteur, l′auteur de toute justice, les ayant faits sensibles, ne les a pas faits pour souffrir ; et que, n′ayant point abusé de leur liberté sur la terre, ils n′ont pas trompé leur destination par leur faute : ils ont souffert pourtant dans cette vie, ils seront donc dédommagés dans une autre. Ce sentiment est moins fondé sur le mérite de l′homme que sur la notion de bonté qui me semble inséparable de l′essence divine. je ne fais que supposer les lois de l′ordre observées, & Dieu constant à lui-même [22] . »Siento mi alma, la conozco por el sentimiento y por el pensamiento y sé que existe, sin saber cuál es su esencia, porque no puedo razonar sobre ideas que no poseo. Lo que sé bien es que la identidad del "yo" solamente se prolonga por la memoria, y que para ser efectivamente el mismo, es necesario que me acuerde de haber sido. Ahora bien, no podría acordarme después de mi muerte de lo que he sido durante mi vida sin acordarme de lo que he sentido, y por consiguiente de lo que he realizado, y yo no dudo que este recuerdo constituya un día la felicidad de los buenos y el tormento de los malos. En la tierra, mil pasiones absorben el sentimiento interno y acallan el remordimiento. Las humillaciones, las desgracias que acarrea la práctica de las virtudes, impiden que se sienta su encanto. Pero cuando, libres de las ilusiones que nos causan el cuerpo y los sentidos, gocemos de la contemplación del Ser Supremo y de las eternas verdades cuyo manantial es El; cuando la belleza del orden embargue todas las potencias de nuestra mente, y cuando únicamente nos ocupemos en comparar lo que hemos realizado con lo que debíamos realizar, entonces la voz de la conciencia recobrará su fuerza y su poderío; entonces el deleite puro que nace de la satisfacción de sí mismo y el amargo desconsuelo de haberse envilecido distinguirá con inagotables sentimientos el destino que cada uno se hubiese preparado. No me preguntéis, buen amigo mío, si habrá otras fuentes de felicidad y de pena, pues no lo sé, y las que me imagino son suficientes para consolarme en esta vida y hacerme esperar otra. No digo que los buenos serán recompensados, porque, ¿:qué otro bien puede aguardar un ser excelente que vivir conforme a su naturaleza? Digo, sí, que serán dichosos, porque habiéndolos creado sensibles el autor de toda justicia, no los hizo para sufrir, y no habiendo ellos abusado de su libertad en la tierra, no han frustrado por culpa suya su destino, pero han sufrido en esta vida y serán recompensados en la otra. Este sentimiento se funda menos en el mérito del hombre que en la noción de bondad que me parece inseparable de la esencia divina. No hago otra cosa que suponer la observación de las leyes del orden, y Dios constante consigo mismo .
Ne me demandez pas non plus si les tourments des méchants seront éternels ; je l′ignore encore, & n′ai point la vaine curiosité d′éclaircir des questions inutiles. Que m′importe ce que deviendront les méchants ? Je prends peu d′intérêt à leur sort. Toutefois j′ai peine à croire qu′ils soient condamnés à des tourments sans fin. Si la suprême justice se venge, elle se venge dès cette vie. Vous & vos erreurs, ô nations ! êtes ses ministres. Elle emploie les maux que vous vous faites à punir les crimes qui les ont attirés. C′est dans vos cœurs insatiables, rongés d′envie, d′avarice & d′ambition, qu′au sein de vos fausses prospérités les passions vengeresses punissent vos forfaits. Qu′est-il besoin d′aller chercher l′enfer dans l′autre vie ? il est dès celle-ci dans le cœur des méchants. »No me preguntéis tampoco si los tormentos de los malos serán eternos, pues lo ignoro, y no tengo la vana curiosidad de aclarar cuestiones inútiles. ¿:Qué me importa lo que ha de ser de los malos? Tampoco me interesa su suerte. Incluso me costará creer que sean condenados a eternos tormentos. Si se venga la suprema justicia, se venga en esta vida. Vosotras y vuestros errores, !oh naciones!, sois sus ministros. Los males que os hacéis los emplea en castigar los delitos que habéis sufrido. En vuestros insaciables corazones, roídos por la envidia, la avaricia y la ambición, las vengativas pasiones castigan vuestra engañosa prosperidad. ¿:Para qué es necesario buscar el infierno en la otra vida si desde ésta reside en el corazón de los malos?
Ou finissent nos besoins périssables, où cessent nos désirs insensés doivent cesser aussi nos passions & nos crimes. De quelle perversité de purs esprits seraient-ils susceptibles ? N′ayant besoin de rien, pourquoi seraient-ils méchants ? Si, destitués de nos sens grossiers, tout leur bonheur est dans la contemplation des êtres, ils ne sauroient vouloir que le bien ; & quiconque cesse d′être méchant peut-il être à jamais misérable ? Voilà ce j′ai du penchant à croire, sans prendre peine à me décider là-dessus. Ô Etre clément & bon ! quels que soient tes décrets, je les adore ; si tu unis les méchants, j′anéantis ma faible raison devant ta justice. Mais si les remords de ces infortunés doivent s′éteindre avec le temps, si leurs maux doivent finir, & si la même paix nous attend tous également un jour, je t′en loue. Le méchant n′est-il pas mon frère ? Combien de fois j′ai été tenté de lui ressembler ! Que, délivré de sa misère, il perde aussi la malignité lm l′accompagne ; qu′il sait heureux ainsi que moi : loin d′exciter ma jalousie, son bonheur ne fera qu′ajouter au mien. Donde finalizan nuestras perecederas necesidades, donde cesan insensatos deseos, también deben cesar nuestras pasiones y nuestros delitos. ¿:De qué perversidad podrán ser susceptibles unos espíritus tan puros? No necesitando nada, ¿:por qué han de ser malos? Si libres de nuestros torpes sentidos se cifra toda su felicidad en la contemplación de los seres, sólo pueden querer lo bueno. ¿:Y es posible que el que deja de ser malo haya de ser siempre miserable? Esto es lo que me inclinó a creer, sin tener afán por resolverme. ¡Oh Ser clemente y bueno!, sean los que sean tus decretos, los adoro; si castigas a los malos para toda la eternidad, mi débil razón queda anonadada ante tu justicia, pero si el tiempo tiene que ahogar los remordimientos de este desventurado, si sus males han de tener fin, y si nos espera a todos la misma paz, te doy las gracias. El malo, ¿:no es hermano mío? ¡Cuántas veces sentido la tentación de imitarle! Con su miseria debe desprenderse de la malignidad de que va acompañada; que sea feliz como yo, y lejos de excitar mi envidia su dicha, la mía se acrecentará con ella.
C′est ainsi que, contemplant Dieu dans ses œuvres, & l′étudiant par ceux de ses attributs qu′il m′importoit de connaître, je suis parvenu à étendre & augmenter par degrés l′idée, d′abord imparfaite & bornée, que je me faisois de cet être immense. Mais si cette idée est devenue plus noble & plus grande, elle est aussi moins proportionnée à la raison humaine. À mesure que j′approche en esprit de l′éternelle lumière, son éclat m′éblouit, me trouble, & je suis forcé d′abandonner toutes les notions terrestres qui m′aidoient à l′imaginer. Dieu n′est plus corporel et sensible ; la suprême Intelligence qui régit le. monde n′est plus le monde même. j′élève & fatigue en vain mon esprit à concevoir son essence. Quand je pense que c′est elle qui donne la vie & l′activité à la substance vivante & active qui régit les corps animés ; quand j′entends dire que mon âme est spirituelle & que Dieu est un esprit, je m′indigne contre cet avilissement de l′essence divine ; comme si Dieu et mon âme étoient de même nature ; comme si Dieu n′étoit pas le seul être absolu, le seul vraiment actif, sentant, pensant, voulant par lui-même, & duquel nous tenons la pensée, le sentiment, l′activité, la volonté, la liberté, l′être ! Nous ne sommes libres que parce qu′il veut que nous le soyons, & sa substance inexplicable est à nos âmes ce que nos âmes sont à nos corps. S′il a créé la matière, les corps, les esprits, le monde, je n′en sais rien. L′idée de création me confond & passe ma portée : je la crois autant que je la puis concevoir ; mais je sais qu′il a formé l′univers & tout ce qui existe, qu′il a tout fait, tout ordonné. Dieu est éternel, sans doute ; mais mon esprit peut-il, embrasser l′idée de l′éternité ? pourquoi me payer de mots sans idée ? Ce que je conçois, c′est qu′il est avant les choses, qu′il sera tant qu′elles subsisteront, & qu′il seroit même au delà, si tout devoit finir un jour. Qu′un être que je ne conçois pas donne l′existence à d′autres êtres, cela n′est qu obscur & incompréhensible ; mais que l′être & le néant se convertissent d′eux-mêmes l′un dans l′autre, c′est une contradiction palpable, c′est une claire absurdité. »De este modo, contemplando a Dios en sus obras, y estudiándole por aquellos atributos suyos que me importa conocer, he llegado a extender y aumentar gradualmente la idea, antes imperfecta y limitada, que me formaba de este Ser inmenso. Pero si se ha hecho más noble y más vasta esta idea, también guarda menos proporción con la razón humana. A medida que me acerco en espíritu a la luz eterna, me turba y deslumbra su resplandor, y me veo obligado a abandonar todas las nociones terrenales que me ayudaban a imaginarla. Dios ya no es sensible y corpóreo; la suma inteligencia que gobierna al mundo, ya no es el mismo mundo; en vano exalto y trabajo mi mente por concebir su incomprensible esencia. Cuando veo que ella es la que da actividad y vida a la sustancia viviente activa que gobierna los cuerpos animados; cuando me dicen que mi alma es espiritual y que Dios es un espíritu me indigno contra este envilecimiento de la divina esencia, como si fueran de la misma naturaleza Dios y mi alma, como si no fuera el único ser absoluto, el único verdaderamente activo, el que siente, piensa y quiere por sí mismo, y del cual hemos recibido el pensamiento, el sentimiento, la actividad, la voluntad, la libertad y el ser. Somos libres porque él quiere que lo seamos, y su inexplicable sustancia es con respecto a nuestras almas lo que son nuestras almas con respecto a nuestros cuerpos. ¿:Ha creado la materia, los cuerpos, los espíritus y el mundo? Lo ignoro. La idea de creación me confunde y excede a mi capacidad; la creo hasta donde puedo concebirla, pero sé que ha formado el universo y todo lo que existe, que todo lo ha hecho y todo lo ha ordenado. Sin duda, Dios es eterno, ¿:pero mi espíritu puede abarcar la idea de eternidad? ¿:Por qué me he de contentar con voces sin ideas? Yo concibo que Dios es antes que todas las cosas, que será mientras éstas subsistan y más allá si un día todo hubiera de acabarse. Si un ser que yo no concibo da la existencia a otros seres, es una cosa oscura e incomprensible, pero que se conviertan por sí mismos el ser y la nada uno en otro, es una palpable contradicción y un visible absurdo.
Dieu est intelligent ; mais comment l′est-il ? l′homme est intelligent quand il raisonne, & la suprême Intelligence n′a pas besoin de raisonner ; il n′y a pour elle ni prémisses ni conséquences, il n′y a pas même de proposition : elle est purement intuitive, elle voit également tout ce qui est & tout ce qui peut être. toutes les vérités ne sont pour elle qu′une seule idée, comme tous les lieux un seul point, et tous les tems un seul moment. La puissance humaine agit par des moyens, la puissance divine agit par elle-même. Dieu peut parce qu′il veut ; sa volonté fait son pouvoir. Dieu est bon ; rien n′est plus manifeste : mais la bonté dans l′homme est l′amour de ses semblables, & la bonté de Dieu est l′amour de l′ordre, car c′est par l′ordre qu′il maintient ce qui existe, & lie chaque partie avec le tout. Dieu est juste ; j′en suis convaincu, c′est une suite de sa bonté ; l′injustice des hommes est leur œuvre & non pas la sienne ; le désordre moral, qui dépose contre la Providence aux yeux des philosophes, ne fait que la démontrer aux miens. Mais la justice de l′homme est de rendre à chacun ce qui lui appartient, & la justice de Dieu, de demander compte à chacun de ce qu′il lui a donné. »Dios es inteligente, ¿:pero cómo lo es? El hombre es inteligente cuando raciocina, y la inteligencia suprema no necesita raciocinar; para ella no existen premisas ni consecuencias, como tampoco hay proposición; es puramente intuitiva, igualmente ve todo cuanto es y todo cuanto puede ser, todas las verdades son para ella una sola idea, como todos los lugares un solo punto, y todos los tiempos un solo momento. La potencia humana obra por medios, pero la potencia divina obra por sí misma. Dios puede porque quiere, y su voluntad constituye su poder. Dios es bueno, no hay nada más manifiesto, pero la bondad en el hombre es el amor hacia sus semejantes, y la bondad de Dios es el amor del orden, porque por el orden mantiene todo lo que existe y liga con el todo cada parte. Dios es justo; estoy convencido de ello, y es una consecuencia de su bondad: la injusticia de los hombres es obra de ellos, no de Dios; el desorden moral, que a los ojos de los filósofos da testimonio contra la Providencia, a los míos la demuestra. Pero la justicia humana consiste en dar a cada uno lo que le pertenece y la divina en pedir a todos cuenta de lo que les ha dado.
Que si le viens à découvrir successivement ces attributs dont je n′ai nulle idée absolue, c′est par des conséquences forcées, c′est par le bon usage de ma raison ; mais je les affirme sans les comprendre, &, dans le fond, c′est n′affirmer rien. J′ai beau me dire : Dieu est ainsi, je le sens, je me le prouve ; je n′en conçois pas mieux comment Dieu peut être ainsi. »Y si de un modo sucesivo llego a descubrir estos atributos de los cuales no tengo ninguna idea, es por medio de consecuencias forzosas y haciendo buen uso de mi razón, pero los afirmo sin comprenderlos, y en realidad esto no es afirmar nada. En vano digo: Dios es de tal manera, le conozco y lo pruebo; pero no por eso concibo cómo puede ser Dios de tal manera.
Enfin, plus je m′efforce de contempler son essence infinie, moins je la conçois ; mais elle est, cela me suffit moins je la conçois, plus je l′adore je m′humilie, & lui dis : Etre des êtres, je suis parce que tu es ; c′est m′élever à ma source que de te méditer sans cesse. Le plus digne usage de ma raison est de s′anéantir devant toi : c′est mon ravissement d′esprit, c′est le charme de ma faiblesse, de me sentir accablé de ta grandeur. »En fin, cuanto más me esfuerzo en contemplar su infinita esencia, menos la concibo, pero existe, y esto me basta; cuanto menos la concibo más la adoro. Humillado, le digo: Ser de los seres, yo existo porque existes Tú; meditando continuamente en Ti, yo me encumbro hacia mi fuente. El más sublime uso de mi razón consiste en anonadarse en tu presencia; el rapto de mi espíritu, el encanto de mi poquedad consiste en mirarme absorto ante tu grandeza.
Après avoir ainsi, de l′impression des objets sensibles & du sentiment intérieur qui me porte à juger des causes selon mes lumières naturelles, déduit les principales vérités qu′il m′importoit de connaître, il me reste a chercher que, es maximes j′en dois tirer pour ma conduite, & quelles règles je dois me prescrire pour remplir ma destination sur la terre, selon l′intention de celui qui m′y a placé. En suivant toujours ma méthode, je ne tire point ces règles des principes d′une haute philosophie, mais je les trouve au fond de mon cœur écrites par la nature en caractères ineffaçables. Je n′ai qu′à me consulter sur ce que je veux faire : tout ce que je sens être bien est bien, tout ce que je sens être mal est mal : le meilleur de tous les casuistes est la conscience ; & ce n′est que quand on marchande avec elle qu′on a recours aux subtilités du raisonnement. Le premier de tous les soins est celui de soi-même : cependant combien de fois la voix intérieure nous dit qu′en faisant notre bien aux dépens d′autrui nous faisons mal ! Nous croyons suivre l′impulsion de la nature, & nous lui résistons ; en écoutant ce qu′elle dit à nos sens, nous méprisons ce qu′elle dit à nos cœurs ; l′être actif obéit, l′être passif commande. La conscience est la voix de l′âme, ces passions sont la voix du corps. Est-il étonnant que souvent ces deux langages se contredisent ? & alors lequel faut-il écouter ? Trop souvent la raison nous trompe, nous n′avons que trop acquis le droit de la récuser ; mais la conscience ne trompe jamais ; elle est le vrai guide de l′homme : elle est à l′âme ce que l′instinct est au corps [23] ; qui la suit obéit à la nature, & ne craint point de s′égarer. Ce point est important, poursuivit mon bienfaiteur, voyant que j′allais l′interrompre : souffrez que je m′arrête un peu plus à l′éclaircir. Toute la moralité de nos actions est dans le jugement que nous en portons nous-mêmes. S′il est vrai que le bien soit bien, il doit l′être au fond de nos cœurs comme dans nos œuvres, & le premier prix de la justice est de sentir qu′on la pratique. Si la bonté morale est conforme à notre nature, l′homme ne sauroit être sain d′esprit ni bien constitué qu′autant : qu′il est bon. Si elle ne l′est pas, & que l′homme soit méchant naturellement, il ne peut cesser de l′être sans se corrompre, et la bonté n′est en lui qu′un vice contre nature. Fait pour nuire à ses semblables comme le loup pour égorger sa proie, un homme humain seroit un animal aussi dépravé qu′un loup pitoyable ; & la vertu seule nous laisseroit des remords. »Después de haber deducido de este modo las principales verdades que me importaba averiguar, ahora me falta indagar cuáles son las máximas de conducta que debo sacar de la impresión de los objetos sensibles y del sentido interno que me incita a que juzgue de las causas según mis luces naturales, y que reglas me he de prescribir para desempeñar mi destino en la tierra según la intención del que en ella me ha colocado. Siguiendo siempre mi método, no saco estas reglas de los principios de una recóndita filosofía, pero las hallo en lo interior de mi corazón grabadas con indelebles caracteres por la naturaleza. Es suficiente con que yo me consulte acerca de lo que quiero hacer; todo lo que siento que es bueno, lo es; todo lo que siento que es malo, es malo; el mejor de todos los casuistas es la conciencia y sólo cuando discrepamos con ella recurrimos a las sutilezas del raciocinio. Nuestra primera solicitud es por nosotros mismos; no obstante, ¡cuántas veces la voz interior nos dice que obramos mal al procurar nuestro bien a costa del ajeno! Creemos seguir el impulso de la naturaleza,′ y le resistimos; escuchamos lo que dice a nuestros corazones: el ser activo obedece, el pasivo manda. La conciencia es la voz del alma, las pasiones son las del cuerpo. ¿:Es extraño que se contradigan tan frecuentemente estos dos idiomas? ¿:Y a cuál debemos escuchar en tal caso? La razón nos engaña con tanta frecuencia que nos sobra derecho para recusarla, pero la conciencia nunca nos engaña, puesto que es la verdadera guía del hombre, y en lo referente al alma viene a ser lo que es el instinto con respecto al cuerpo . Aquel que le sigue obedece a la naturaleza y no teme extraviarse. Este punto es importante -prosiguió mi bienhechor cuando se dio cuenta de que yo le iba a interrumpir-. Permitidme que me detenga un poco más en aclararlo. »Toda la moralidad de nuestras acciones está en el juicio que nosotros nos formamos de ellas. Si es cierto que el bien es el bien, debe serlo en lo interior de nuestro corazón como en nuestras obras, y la primera paga de la virtud consiste en saber uno mismo que la practica. Si la bondad moral es conforme con nuestra naturaleza, el hombre no puede tener sano y bien constituido el espíritu, sino en cuanto es bueno; si no lo es, y el hombre es malo naturalmente, no puede dejar de serlo sin corromperse, y en él la bondad no es más que un vicio contra naturaleza. Destinado a dañar a sus semejantes, como el lobo a degollar a la oveja, un hombre humano sería un animal tan depravado como un lobo compasivo, y la virtud sola nos dejaría remordimientos.
Rentrons en nous-mêmes, ô mon jeune ami ! examinons, tout intérêt personnel à part, à quoi nos penchans nous portent. Quel spectacle nous flatte le plus, celui des tourments ou du bonheur d′autrui ? Qu′est-ce qui nous est le plus doux à faire, & nous laisse une impression plus agréable après l′avoir fait, d′un acte de méchanceté ? Pour qui vous intéressez-vous sur vos théâtres ? Est-ce aux forfaits que vous prenez plaisir ? est-ce à leurs auteurs punis que vous donnez des larmes ? Tout nous est indifférent, disent-ils, hors notre intérêt : &, tout au contraire, les douceurs de l′amitié, de l′humanité, nous consolent dans nos peines : et, même dans nos plaisirs, nous serions trop seuls, trop misérables, si nous n′avions avec qui les partager. S′il n′y a rien de moral dans le cœur de l′homme, d′où lui viennent donc ces transports d′admiration pour les actions héroïques, ces ravissements d′amour pour les grandes âmes ? Cet enthousiasme de la vertu, quel rapport a-t-il avec notre intérêt privé ? Pourquoi voudrais-je être Caton qui déchire ses entrailles, plutôt que César triomphant ? Otez de nos cœurs cet amour du beau, vous ôtez tout le charme de la vie. Celui dont les viles passions ont étouffé dans son âme étroite ces sentiments délicieux ; celui qui, à force de se concentrer au dedans de lui, vient à bout de n′aimer que lui-même, n′a plus de transports, son cœur glacé ne palpite plus de joie ; un doux attendrissement n′humecte jamais ses yeux ; il ne jouit plus de rien ; le malheureux ne sent plus, ne vit plus ; il est déjà mort. »Retornemos a nuestro interior, mi joven amado; veamos, dejando aparte todo interés personal, adónde nos conducen nuestras inclinaciones. ¿:Qué espectáculo más halagüeño es para nosotros, el de la dicha o el de los tormentos ajenos? ¿:Qué es lo que hacemos con mayor placer y que después de hecho nos deja más grata impresión, un acto de beneficencia o un agravio? ¿:Por quién os interesáis en vuestros teatros? ¿:Los delitos atroces os complacen? ¿:Vertéis lágrimas por el castigo de los facinerosos que los cometieron? Para nosotros todo es indiferente, dicen, menos nuestro interés, y es todo lo contrario. Los atractivos de la amistad o de la humanidad nos consuelan de nuestros pesares, y hasta en nuestros gustos estaríamos muy solitarios y seríamos muy miserables si no tuviésemos con quién compartirlos. Si en el pecho humano no existe ningún afecto moral, de dónde le vienen esos arrebatos de admiración de las acciones heroicas, esos raptos de amor de los espíritus sublimes? ¿:Qué relación tiene este entusiasmo de la virtud con nuestro interés privado? ¿:Por qué quisiera ser Catón, que despedaza sus entrañas, más que César victorioso? Quitad de nuestros corazones el amor de la belleza y quitáis todo el encanto de la vida. Aquel en cuya mezquina alma han sofocado las villanas pasiones estos deliciosos afectos; aquel que a fuerza de reconcentrarse consigue no amar sino a sí mismo, no siente arrebatos; su helado corazón nunca palpita de júbilo, nunca humedece sus párpados una suave ternura, de nada disfruta, no siente ni vive; el desdichado es ya un muerto.
Mais, quel que soit le nombre des méchants sur la terre, il est peu de ces âmes cadavéreuses devenues insensibles, hors leur intérêt, à tout ce qui est juste & bon. L′iniquité ne plaît qu′autant qu′on en profite ; dans tout le reste on veut que l′innocent soit protégé. Voit-on dans une rue ou sur un chemin quelque acte de violence & d′injustice, à l′instant un mouvement de colère & d′indignation s′élève au fond du cœur, & nous porte à prendre la défense de l′opprimé : mais un devoir plus puissant nous retient, & les lois nous ôtent le droit de protéger l′innocence. Au contraire, si quelque acte de démence ou de générosité frappe nos yeux, quelle admiration, quel amour il nous inspire ! Qui est-ce qui ne se dit pas : J′en voudrois avoir fait autant ? Il nous importe sûrement fort eu qu′un homme ait été méchant ou juste il y a deux mille ans ; & cependant le même intérêt nous affecte dans l′histoire ancienne, que si tout cela s′étoit passé de nos jours. Que me font à moi les crimes de Catilina ? ai-je peur d′être sa victime ? Pourquoi donc ai-je de lui la même horreur que s′il étoit mon contemporain ? Nous ne haïssons pas seulement les méchants parce qu′ils nous nuisent, mais parce qu′ils sont méchants. Non seulement nous voulons être heureux, nous voulons aussi le bonheur d′autrui, & quand ce bonheur ne coûte rien au nôtre, il l′augmente. Enfin l′on a, malgré soi, pitié des infortunés ; quand on est témoin de leur mal on en souffre. Les plus pervers ne sauroient perdre tout à fait ce penchant ; souvent il les met en contradiction avec eux-mêmes. Le voleur qui dépouille les passants couvre encore la nudité du pauvre ; & le plus féroce assassin soutient un homme tombant en défaillance. »Pero cualquiera que sea el número de malos en la tierra, pocas hay de aquellas almas cadavéricas que se han vuelto insensibles para todo lo que no les interesa, aunque sea justo y bueno. Sólo nos place la iniquidad cuando de ella nos aprovechamos; en todo lo demás queremos que el inocente sea protegido. ¿:Vemos en una calle, o en un camino, un acto de violencia o de injusticia? Al momento surge en el interior de nuestro corazón un movimiento de indignación y cólera y nos induce a tomar la defensa del oprimido, pero nos retiene un deber más poderoso, y las leyes nos quitan el derecho de proteger la inocencia. Si, por el contrario, observamos un acto de clemencia o de generosidad, ¡qué afecto, qué admiración nos inspira! ¿:Quién no dice que quisiera haber hecho otro tanto? Verdaderamente nos importa muy poco que haya sido malo o justo un hombre dos mil años atrás, y, sin embargo, nos despierta el mismo interés la historia antigua que si hubieran ocurrido aquellos hechos en nuestro tiempo. ¿:Qué me importan a mí los delitos de Catilina? ¿:Tengo miedo de ser víctima suya? ¿:Pues, por qué le miro con tanto horror como si fuera mi contemporáneo? No sólo aborrecemos a los perversos porque nos causan mal, sino porque son malos. No sólo queremos ser felices, sino que también deseamos la felicidad ajena, y esta felicidad, cuando no nos cuesta nada, acrecienta la nuestra. Finalmente, aun a pesar suyo, tiene uno piedad de los desgraciados y sufre con su mal quien es testigo de él. Ni siquiera los más malvados pueden desprenderse totalmente de esta propensión, que algunas veces los pone en contradicción consigo mismos. El ladrón que despoja a los caminantes cubre la desnudez del pobre, y el más feroz asesino socorre al hombre que cae desmayado.
On parle du cri des remords, qui punit en secret les crimes cachés & les met si souvent en évidence. Hélas ! qui de nous n′entendit jamais cette importune voix ? On parle par expérience ; & l′on voudroit étouffer ce sentiment tyrannique qui nous donne tant de tourment. Obéissons à la nature, nous connaîtrons avec quelle douceur elle règne, & quel charme on trouve, après l′avoir écoutée, à se rendre un bon témoignage de soi. Le méchant se craint & se fuit ; il s′égaye en se jetant hors de lui-même ; il tourne autour de lui des yeux inquiets, & cherche un objet qui l′amuse ; sans la satire amère, sans la raillerie insultante, il seroit toujours triste ; le ris moqueur est son seul plaisir. Au contraire, la sérénité du juste est intérieure ; son ris n′est point de malignité, mais de joie ; il en porte la source en lui-même ; il est aussi gai seul qu′au milieu d′un cercle ; il ne tire pas son consentement de ceux qui l′approchent, il le leur communique. »Se habla de la voz del remordimiento, que castiga en secreto los crímenes ocultos, y a veces los pone en evidencia. ¡Ay!, ¿:quién de nosotros no oyó jamás esta importuna voz? Hablamos por experiencia y quisiéramos sofocar ese tiránico sentimiento que nos atormenta tanto. Obedezcamos a la naturaleza y comprenderemos con cuánta dulzura reina, y cuando la hemos escuchado, ¡qué placer hallamos en formar buen concepto de nosotros mismos! El malo se teme y huye, se distrae saliendo de sí mismo; vuelve alrededor los ojos inquietos, y busca un objeto que le divierta; sin la amarga sátira, sin la sarcástica burla, siempre estaría triste; su único gusto es la risa que escarnece. Por el contrario, la serenidad del justo es interior, su risa no es maligna, sino alegre; lleva la causa de ella en sí mismo, y tan alegre está cuando permanece solo como cuando se ve acompañado, y no saca su contento de los que se le acercan, sino que se lo comunica.
Jettez les yeux sur toutes les nations du monde, parcourez toutes les histoires. Parmi tant de cultes inhumains & bizarres, parmi cette prodigieuse diversité de mœurs & de caractères, vous trouverez partout les mêmes idées de justice et d′honnêteté, partout les mêmes notions de bien & de mal. L′ancien paganisme enfanta des dieux abominables, qu′on eût punis ici-bas comme des scélérats, et qui n′offroient pour tableau du bonheur suprême que de, forfaits à commettre et des passions à contenter. Mais le vice, armé d′une autorité sacrée, descendoit en vain du séjour éternel, l′instinct moral le repoussoit du cœur de, humains. En célébrant les débauches de Jupiter, on admiroit la continence de Xénocrate ; la chaste Lucrèce adoroit l′impudique Vénus ; l′intrépide Romain sacrifioit à la peur ; il invoquoit le dieu qui mutila son père & mouroit sans murmure de la main du sien. Les plus méprisables divinités furent servies par les plus grands hommes. La sainte voix de la nature, plus forte que celle des dieux, se faisoit respecter sur la terre, & sembloit reléguer dans le ciel le crime avec les coupables. »Tended la mirada por todas las naciones del mundo y recorred todas las historias; entre tantos cultos inhumanos y extravagantes, en medio de esta diversidad prodigiosa de costumbres y caracteres, en todas partes hallaréis las mismas ideas de justicia y honestidad, los mismos principios de moral y las mismas nociones del bien y del mal. El antiguo paganismo creó dioses abominables, que en la tierra hubieran sido castigados como fascinerosos, que no ofrecían otra imagen de la suprema felicidad que atrocidades que cometer y pasiones que saciar. Pero vanamente descendía de la morada eterna el vicio armado de una autoridad sagrada; el instinto moral le repelía del corazón humano. Los que celebraban la disolución de Júpiter, tributaban su admiración a la continencia de Jenócrates ; la casta Lucrecia adoraba a la impúdica Venus; el intrépido romano realizaba sacrificios al Pavor; invocaba al dios que mutiló a su padre, y sin proferir una queja recibía la muerte de manos del suyo. Las divinidades más despreciables fueron acatadas por los más encumbrados varones. Pero más fuerte que la de los dioses, la voz sacrosanta de la naturaleza se hacía respetar en la tierra, y parecía que confinaba el delito con los culpables en el cielo.
Il est donc au fond des âmes un principe inné de justice & de vertu, sur lequel, malgré nos propres maximes, nous jugeons nos actions & celles d′autrui comme bonnes ou mauvaises, & c′est à ce principe que je donne le nom de conscience. »Hay, pues en el fondo de nuestras almas un principio innato de justicia y de virtud, conforme al cual juzgamos, a pesar de nuestras propias máximas, por buenas o malas las acciones nuestras y las de los demás, y a este principio yo doy el nombre de conciencia.
Mais à ce mot j′entends s′élever de toutes parts la clameur des prétendus sages : Erreurs de l′enfance, préjugés de l′éducation ! s′écrient-ils tous de concert. Il n′y a rien dans l′esprit humain que ce qui s′y introduit par l′expérience, & nous ne jugeons d′aucune chose que sur des idées acquises. Ils font plus : cet accord évident & universel de toutes les nations, ils l′osent rejeter ; &, contre l′éclatante uniformité du jugement des hommes, ils vont chercher dans les ténèbres quelque exemple obscur & connu d′eux seuls ; comme si tous les penchants de la nature étoient anéantis par la dépravation d′un peuple, & que, sitôt qu′il est des monstres, l′espèce ne fût plus rien. Mais que servent au sceptique Montaigne les tourments qu′il se donne pour déterrer en un coin du monde une coutume opposée aux notions de la justice Que lui sert de donner aux plus suspects voyageurs l′autorité qu′il refuse aux écrivains les plus célèbres ? Quelques usages incertains & bizarres fondés sur des causes locales qui nous sont inconnues, détruiront-ils l′induction générale tirée du concours de tous les peuples, opposés en tout le reste, et d′accord sur ce seul point ? Ô Montaigne ! toi qui te piques de franchise & de vérité, sois sincère & vrai, si un philosophe peut l′être, & dis-moi s′il est quelque pays sur la terre où ce soit un crime de garder sa foi, être clément, bienfaisant, généreux ; où l′homme de bien soit méprisable, & le perfide honoré. »Pero ante esta palabra se producen por todas partes los clamores de los pretendidos sabios. Errores de la infancia, preocupaciones de la educación, todos exclaman de una forma unánime. No existe nada en el espíritu humano que no haya sido introducido en él por la experiencia, y no emitimos ningún juicio sobre cosa alguna, a no ser por las ideas adquiridas. Todavía hacen más; se atreven a desechar esta evidente y universal concordancia de todas las naciones, y contra la uniformidad que resplandece en los juicios de los hombres van a buscar en las tinieblas algún oscuro ejemplo conocido de ellos mismos, como si la perversión de un pueblo aniquilara todas las propensiones de la naturaleza, y como si por encontrar a un monstruo, ya lo fueran todos. ¿:De qué le sirve al escéptico Montaigne el afán que se toma para desenterrar en un rincón de la tierra una costumbre opuesta a las nociones de justicia? ¿:De qué le sirve conceder a los más sospechosos viajeros una autoridad que niega a los autores más célebres? ¿:Destruirán tal vez algunos inciertos y estrambóticos estilos, fundados en causas locales, la general inducción que se saca del concurso de todos los pueblos, opuestos en todo lo demás y sólo acordes en este punto? ¡Oh, Montaigne!, tú que alardeas de ingenuidad y veracidad, sé sincero y verídico, si es que puede serlo un filósofo, y dime si hay un país donde constituye un delito el guardar la fe, el ser clemente, generoso y benéfico, donde sea despreciable un hombre de bien, y que el pérfido sea acatado.
Chacun, dit-on, concourt au bien public pour son intérêt. Mais d′où vient donc que le juste y concourt à son préjudice ? Qu′est-ce qu′aller à la mort pour son intérêt ? Sans doute nul n′agit que pour son bien ; mais s′il est un bien moral dont il faut tenir compte, on n′expliquera jamais par l′intérêt propre que les actions des méchants. Il est même à croire qu′on ne tentera point d′aller plus loin. Ce serait une trop abominable philosophie que celle où l′on seroit embarrassé des actions vertueuses ; où l′on ne pourroit se tirer d′affaire qu′en leur controuvant des intentions basses & des motifs sans vertu ; où l′on seroit forcé d′avilir Socrate & de calomnier Régulus. Si jamais de pareilles doctrines pouvoient germer parmi nous, la voix de la nature, ainsi que celle de la raison, s′élèveroient incessamment contre elles, & ne laisseroient jamais à un seul de leurs partisans l′excuse de l′être de bonne foi. »Se dice que cada uno contribuye al bien público por su interés; ¿:pues de dónde viene que el justo contribuya en perjuicio propio? ¿:Cómo se explica eso de correr a morir por su propio interés? No cabe duda de que nadie actúa como no sea por su bien, pero si no contamos con los bienes morales, nunca explicaremos por el interés personal otras acciones que las de los malvados, y hay que creer que nadie intentará explicar las otras. Sería una filosofía muy abominable la que tropezara con las acciones virtuosas, que no pudiera liberarse de las dificultades sin suponer en ellas bajas intenciones y motivos ajenos a la virtud; que se viera forzada a envilecer a Sócrates y a calumniar a Régulo. Si doctrinas de esta naturaleza pudieran brotar en nuestro país, la voz de la naturaleza, unida a la de la razón, se levantaría contra ellas y no dejaría ni a uno de sus partidarios la disculpa de que lo fuese de buena fe.
Mon dessein n′est pas d′entrer ici dans des discussions métaphysiques qui passent ma portée & la vôtre, & qui, dans le fond, ne mènent à rien. Je vous ai déjà dit que e ne voulois pas philosopher avec vous, mais vous aider à consulter votre cœur. Quand tous les philosophes prouveroient que j′ai tort, si vous sentez que j′ai raison, je n′en veux pas davantage. »No tengo intención de entrar aquí en discusiones metafísicas que exceden de mi capacidad y de la vuestra, y que en realidad a nada conducen. Ya os he dicho que no quería filosofar con vos, sino sólo ayudaros a que consultéis vuestro corazón. Cuando todos los filósofos del mundo demostrasen que estoy equivocado, si vos creéis que tengo razón, no necesito más.
Il ne faut pour cela que vous faire distinguer nos idées acquises de nos sentiments naturels ; car nous sentons avant de connaître ; & comme nous n′apprenons point à vouloir notre bien & à fuir notre mal, mais que nous tenons cette volonté de la nature, de même l′amour du bon & la haine du mauvais nous sont aussi naturels que l′amour de nous-mêmes. Les actes de la conscience ne sont pas des jugements, mais des sentiments. Quoique toutes nos idées nous viennent du dehors, les sentiments qui les apprécient sont au dedans de nous, & c′est par eux seuls que nous connaissons la convenance ou disconvenance qui existe entre nous et les choses que nous devons respecter ou fuir. »Para esto no hay más que haceros distinguir nuestras ideas adquiridas de nuestros afectos naturales, porque necesariamente sentimos antes de conocer, y como no aprendemos a querer nuestro bien y a evitar nuestro mal, sino que la naturaleza nos infunde esta voluntad, del mismo modo el amor hacia lo bueno y el odio a lo malo son tan naturales en nosotros como el amor hacia nosotros mismos. Los actos de la conciencia no son juicios, sino afectos, y aunque todas nuestras ideas provienen del exterior, los afectos que las valoran son internos, y por eso sólo conocemos la discrepancia o la analogía que existe entre nosotros y las cosas que debemos evitar o buscar.
Exister pour nous, c′est sentir ; notre sensibilité est incontestablement antérieure à notre intelligence, & nous avons eu des sentiments avant des idées [24] . Quelle que soit la cause de notre être, elle a pourvu à notre conservation en nous donnant des sentiments convenables à notre nature, & l′on ne sauroit nier qu′au moins ceux-là ne soient innés. Ces sentiments, quant à l′individu, sont l′amour de soi, la crainte de la douleur, l′horreur de la mort, le désir du bien-être. Mais si, comme on n′en peut douter, l′homme est sociable par sa nature, ou du moins fait pour le devenir, il ne peut l′être que par d′autres sentiments innés, relatifs à son espèce ; car, à ne considérer que le besoin physique, il doit certainement disperser les hommes au lieu de les rapprocher. Or c′est du système moral forme par ce double rapport à soi-même & à ses semblables, que naît l′impulsion de la conscience. Connoître le bien, ce n′est pas l′aimer : l′homme n′en a pas la connoissance innée, mais sitôt que sa raison le lui fait connoître, sa conscience le porte à l′aimer : c′est ce sentiment qui est inné. »El existir, para nosotros, es sentir; nuestra sensibilidad es anterior a nuestra inteligencia, y antes de tener ideas hemos tenido afectos . Sea cual sea la causa de nuestro ser, ella ha provisto nuestra conservación dándonos sentimientos que convienen a nuestra naturaleza, y no se puede negar que nos son innatos. En lo que se refiere al individuo, estos afectos son el amor propio, el miedo al dolor, el horror a la muerte y el deseo de bienestar. Pero si, lo que no se puede dudar, el hombre es sociable por naturaleza, o por lo menos creado para serlo, lo será únicamente por efectos innatos relativos a su especie, porque si atendemos a la necesidad física, con seguridad que debe dispersar a los hombres en lugar de acercarlos. Después, del sistema moral formado por estas dos clases de relaciones consigo mismo y con sus semejantes, nace el impulso de la conciencia del hombre. Conocer el bien no es amarlo; en el hombre no es innato ese conocimiento, pero en el momento en que se hace conocer su razón, la conciencia le incita a que lo ame, y ese afecto sí que es innato.
Je ne crois donc pas, mon ami qu′il soit impossible d′expliquer par des conséquences de notre nature le principe immédiat de la conscience, indépendant de la raison même ; & quand cela seroit impossible, encore ne serait-il pas nécessaire : car, puisque ceux qui nient ce principe admis & reconnu par tout le genre humain ne prouvent point qu′il n′existe pas, mais se contentent de l′affirmer ; quand nous affirmons qu′il existe, nous sommes tout aussi bien fondés qu′eux, et nous avons de plus le témoignage intérieur, & la voix de la conscience qui dépose, pour elle-même. Si les premières lueurs du jugement nous éblouissent et confondent d′abord les objets à nos regards, attendons que nos faibles yeux se rouvrent, se raffermissent ; & bientôt nous reverrons ces mêmes objets aux lumières de la raison, tels que nous les montroit d′abord la nature : ou plutôt soyons plus simples & moins vains ; bornons-nous aux premiers sentiments que nous trouvons en nous-mêmes, puisque c′est toujours à eux que l′étude nous ramène quand elle ne nous a point égarés. »No creo, pues, amigo mío, que sea imposible explicar por consecuencias de nuestra naturaleza el principio inmediato de la conciencia, independiente de la misma razón. Y aunque fuera imposible, no seria necesaria esta explicación, porque cuando los que niegan este principio admitido y reconocido por toda la humanidad no prueban que no exista, sino que se limitan a asegurarlo; cuando nosotros aseguramos que existe, tenemos el mismo fundamento que ellos, y está de nuestra parte el testimonio interno y la voz de la conciencia, que testimonia a su favor. Si los primeros albores del juicio nos deslumbran, y al principio confunden los objetos a nuestra vista, aguardemos a que se vuelvan a abrir y se fortifiquen nuestros débiles ojos, y pronto volveremos a ver esos mismos objetos con la luz de la razón, tal como nos los mostraba la naturaleza, o seamos más sencillos y menos vanos; limitémonos a los primeros sentimientos que hallamos dentro de nosotros, ya que al cabo nos vuelve a ellos el estudio, cuando no nos ha descaminado.
Conscience ! conscience ! instinct divin, immortelle & céleste voix ; guide assuré d′un être ignorant & borné, mais intelligent & libre ; juge infaillible du bien & du mal, qui rends l′homme semblable à Dieu, c′est toi qui de sa nature & la moralité de ses actions ; sans toi le sens rien en moi qui in élève au-dessus des bêtes, que le triste privilège de m′égarer d′erreurs en erreurs à l′aide d′un entendement sans règle & d′une raison sans principe. »¡Conciencia, conciencia!, divino instinto, inmortal y celeste voz, guía segura de un ser ignorante y limitado pero inteligente y libre, juez infalible de lo bueno y de lo malo, que haces al hombre semejante a Dios. Tú constituyes la excelencia de su naturaleza y la moralidad de sus acciones; sin ti nada siento en mí que me eleve sobre los animales, como no sea el triste privilegio de extraviarme de errores en errores tras un entendimiento sin reglas y una razón sin principios.
Grâce au ciel, nous voilà délivrés de tout cet effrayant appareil de philosophie : nous pouvons être. hommes sans être savants ; dispensés de consumer notre vie à l′étude de la morale, nous avons à moindres frais un guide plus assuré dans ce dédale immense des opinions humaines. Mais ce n′est pas assez que ce guide existe, il faut savoir le reconnaître & le suivre. S′il parle a tous les cœurs, pourquoi donc y en a-t-il si peu qui l′entendent ? Eh ! c′est qu′il nous parle la langue de la nature, que tout nous a fait oublier. La conscience est timide, elle aime la retraite & la paix ; le monde & le bruit l′épouvantent : les préjugés dont on la fait naître sont ses plus cruelle ennemis ; elle fuit ou se tait devant eux : leur voix bruyante étouffe la sienne & l′empêche de se faire entendre ; le fanatisme ose la contrefaire, & dicter le crime en son nom. Elle se rebute enfin à force d′être éconduite ; elle ne nous parle plus, elle ne nous répond plus, &, après de si longs mépris pour elle, il en coûte autant de la rappeler qu′il en coûta ma bannir. »Gracias al cielo, ya estamos libres de ese espantoso aparato de filosofía y podemos ser hombres sin ser sabios; no tendremos necesidad de consumir nuestra vida estudiando la moral, pues con menos esfuerzo hemos encontrado un guía más seguro en el inmenso laberinto de opiniones humanas. Pero no es suficiente con que haya este guía, pues es necesario saber comprenderle y seguirle. Si habla a todos los corazones, ¿:por qué son tan pocos los que le comprenden? ¡Ah!, porque nos habla la lengua de la naturaleza mientras que todo contribuye a que la olvidemos. La conciencia es tímida, ama el retiro y la paz, el mundo y el bullicio la aturden, y las preocupaciones son sus más crueles enemigos; huye o se calla ante ella y la estrepitosa voz de éstas ahoga la suya e impide que la oigan; el fanatismo se atreve a desfigurarla y a definir en su nombre el delito. A fuerza de verse despedida, se incomoda, calla y no nos contesta, y después de haberla menospreciado largo tiempo, cuesta tanto llamarla como costó arrojarla.
Combien de fois je me suis lassé dans mes recherches de la froideur que je sentais en moi ! Combien de fois la tristesse & l′ennui, versant leur poison sur mes premières méditations, me les rendirent insupportables ? Mon cœur aride ne donnoit qu′un zèle languissant & tiède à l′amour de la vérité. je me disais : Pourquoi me tourmenter à chercher ce qui n′est pas ? Le bien moral n′est qu′une chimère ; il n′y a rien de bon que les plaisirs des sens. Ô quand on a une fois perdu le goût des plaisirs de l′âme, qu′il est difficile de le reprendre ! Qu′il est plus difficile encore de le prendre quand on ne l′a jamais eu ! S′il existoit un homme-assez misérable pour rien fait en toute sa vie dont le souvenir le rendit content de lui-même & bien aise d′avoir vécu, cet homme seroit incapable de jamais se connaître ; &, faute de sentir quelle bonté convient à sa nature, il resteroit méchant par force & seroit éternellement malheureux. Mais croyez-vous qu′il y ait sur la terre entière un seul homme assez déprave pour n′avoir jamais livre son cœur à la tentation de bien faire ? Cette tentation est si naturelle & si douce, qu′il est impossible de lui résister toujours ; & le souvenir du plaisir qu′elle a produit une fois suffit pour la rappeler sans cesse. Malheureusement elle est d′abord pénible a satisfaire ; on a mille raisons pour se refuser au penchant de son cœur ; la fausse prudence le resserre dans les bornes du moi humain ; il faut mille efforts de courage pour oser les franchir. Se plaire à bien faire est le prix d′avoir bien fait, et ce prix ne s′obtient qu′après l′avoir mérité. Rien n′est plus aimable que la vertu ; mais il en faut jouir pour la trouver telle. Quand on la veut embrasser, semblable au Protée de la fable, elle prend d′abord mâle formes effrayantes, & ne se montre enfin sous la sienne qu′à ceux qui n′ont point lâché prise. »¡Cuántas veces me he fatigado al realizar mis investigaciones con la frialdad que sentía en mí! ¡Cuántas veces se me hicieron insoportables mis primeras meditaciones por la ponzoña que vertían sobre ellas el aburrimiento y el disgusto! Mi árido corazón se entregaba con un tibio y decaído celo al amor de la verdad. Yo preguntaba: ¿:Por qué he de poner tanto afán en buscar lo que no existe? El bien moral es una quimera; no hay nada tan bueno como el placer de los sentidos. ¡Oh, qué difícil es recobrar el gusto de los deleites del espíritu una vez se ha perdido, y qué difícil es que lo adquiera quien nunca lo ha tenido! Si existiese un hombre tan miserable que no hubiese hecho nada en toda su vida, cuyo recuerdo le dejase contento de sí mismo y satisfecho de haber vivido, sería incapaz de conocerse nunca, y no habiendo sentido la bondad que conviene a su naturaleza, seguiría siendo malo, y sería infeliz eternamente. ¿:Creéis, no obstante, que haya en el mundo un hombre tan depravado que no haya cedido a la tentación de hacer obras buenas? Esta tentación es tan natural y dulce, que no es posible resistirle siempre, y el recuerdo del deleite que ha causado una vez es suficiente para que siempre nos acordemos. Desgraciadamente cuesta mucho satisfacerla; aparecen mil razones para resistirse a la inclinación del corazón; una falsa prudencia le coarta en los bordes del "yo" humano, y se necesitan mil esfuerzos para atreverse a dejarlos atrás. En complacerse en las buenas obras consiste su premio, pero no se alcanza sin haberlo merecido. No hay condición más preciosa que la virtud, pero es preciso gozar de ella para verlo así. Cuando queremos abrazarla, de un modo semejante al Proteo de la fábula, al principio se reviste de mil figuras espantosas, y sólo al fin se deja ver en la suya por aquellos que no la dejaron.
Combattu sans cesse par mes sentiments naturels qui parloient pour l′intérêt commun, & par ma raison qui rapportoit tout à moi, j′aurois flotté toute ma vie dans cette continuelle alternative, faisant le mal, aimant le bien, & toujours contraire à moi-même, si de nouvelles lumières n′eussent éclairé mon cœur, si la vérité, qui fixa mes opinions, n′eût encore assuré ma conduite & ne m′eût mis d′accord avec moi. On a beau vouloir établir la vertu par la raison seule, quelle solide base peut-on lui donner ? La vertu, disent-ils, est l′amour de l′ordre. Mais cet amour peut-il donc & doit-il l′emporter en moi sur celui de mon bien-être ? Qu′ils me donnent une raison claire & suffisante pour le préférer. Dans le fond leur prétendu principe est un pur jeu de mots ; car je dis aussi, moi, que le vice est l′amour de l′ordre, pris dans un sans différent. Il y a quelque ordre moral partout où il y a sentiment & intelligence. La différence est que le bon s′ordonne par rapport au tout, & que le méchant ordonne le tout par rapport à lui. Celui-ci se fait le centre de toutes choses ; l′autre mesure son rayon & se tient à la circonférence. Alors il est ordonné par rapport au centre commun, qui est Dieu, et par rapport a tous les cercles concentriques, qui sont les créatures. Si la Divinité n′est pas, il n′y a que le méchant qui raisonne, le bon n′est qu′un insensé. »Combatido sin cesar por mis sentimientos naturales, que me hablaban en favor del interés común, y mi razón, que todo lo refería a mí, habría fluctuado toda mi vida en esta continua alternativa, obrando mal, amando el bien, y siempre contrario a mí mismo si otras nuevas luces no hubieran iluminado mi corazón, si la verdad, que fijó mis opiniones, no hubiera también asegurado mi conducta y no me hubiera puesto de acuerdo conmigo. El querer apoyar la virtud en la sola razón es vano. ¿:Qué base sólida le podemos dar? Dicen que la virtud es el amor del orden. ¿:Pero acaso puede más conmigo y ha de poder más que el de mi bienestar? Que me den una razón clara y suficiente para que yo le prefiera a éste. En realidad, su pretendido principio es un simple juego de palabras, porque yo también digo que el vicio es el amor del orden, pero tomándolo en otro sentido. Existe un orden moral en todas partes donde hay sentimiento e inteligencia. La diferencia está en que el bueno se coordina con referencia al todo, y el malo coordina al todo con referencia a él. Este se constituye en el centro de todas las cosas y el otro mide su radio y se queda en la circunferencia. Entonces está coordinado con referencia a todos los círculos concéntricos, que son las criaturas. Si no existe la Divinidad, entonces sólo discurre el malo, y el bueno no sería más que un insensato.
Ô mon enfant, puissiez-vous sentir un jour de quel poids on est soulagé, quand, après avoir épuisé la vanité des opinions humaines & goûté l′amertume des passions, on trouve enfin si près de soi la route de la sagesse, le prix des travaux de cette vie, & la source du bonheur dont on a désespéré ! Tous les devoirs de la loi naturelle, presque effacés de mon cœur par l′injustice des hommes, s′y retracent au nom de l′éternelle justice qui me les impose & qui me les voit remplir plus en moi que l′ouvrage & l′instrument du veut le bien, qui le fait, qui fera le mien par mes volontés aux siennes & par le bon usage, de ma liberté : j′acquiesce à l′ordre qu′il établit, sûr de jouir moi-même un jour de cet ordre & d′y trouver ma félicité ; car quelle félicité plus douce que de se sentir ordonné dans un système où tout est bien ? En proie à la douleur, je la supporte avec patience, en songeant qu′elle est passagère & qu′elle vient d′un corps qui n′est point à moi. Si je fais une bonne action sans témoin, je sais qu′elle est vue, & je prends acte pour l′autre vie de ma conduite en celle-ci. En souffrant une injustice, je me dis : l′Etre juste qui régit tout saura bien m′en dédommager, les besoins de mon corps, les misères de ma vie me rendent l′idée de la mort plus supportable. Ce seront autant de liens de moins à rompre quand il faudra tout quitter. »¡Ah, hijo mío!, ojalá que un día sintáis de qué peso se siente aliviado uno cuando, después de agotar la vanidad de las opiniones humanas y probar la amargura de las pasiones, encuentra tan cerca de sí el camino de la sabiduría, el premio de los afanes de esta vida y la fuente de felicidad de la que había desesperado. Todas las obligaciones de la ley natural, casi borradas de mi corazón por la injusticia de los hombres, se retratan en él en nombre de la justicia. Ya sólo siento en mí la obra y el instrumento del gran Ser que quiere el bien, que lo hace y que hará el mío mediante el concurso de mi voluntad con la suya, y el buen uso de mi libertad. Me conformo con el orden que ha establecido, seguro de disfrutar yo un día de ese orden y hallar en él mi felicidad, porque, ¿:qué felicidad hay más dulce que sentirse ordenado en un sistema en el cual todo está bien? Acosado por el dolor, lo sufro con paciencia, pensando que es transitorio y que viene de un cuerpo que no es mío. Si hago sin testimonios una buena acción, sé que es vista, y saco testigo para la otra vida de mi conducta en ésta. Cuando padezco una injusticia, digo: El Ser justo que todo lo rige sabrá indemnizarme; las necesidades de mi cuerpo y las miserias de mi vida me hacen más tolerable la idea de la muerte. Así tendré que romper menos vínculos cuando lo tenga que dejar todo.
Pourquoi mon âme est-elle soumise à mes sens & enchaîné, ce corps qui l′asservit et la gêne ? je n′en sais rien : suis-je entré dans les décrets de Dieu ? Mais je puis, sans témérité, former de modestes conjectures. Je me dis : Sil′esprit de l′homme fût resté libre & pur, quel mérite aurait-il d′aimer & suivre l′ordre qu′il verrait établi & qu′il n′auroit nul intérêt à troubler ? Il seroit heureux, il est vrai ; mais il manqueroit à son bonheur le degré le plus sublime, la gloire de la vertu & le bon témoignage de soi ; il ne seroit lie comme les anges ; & sans doute l′homme vertueux sera plus qu′eux. Unie à un corps mortel par des liens non moins puissants qu′incompréhensibles, le soin de la conservation de ce corps excite l′âme à rapporter tout à lui, & lui donne un intérêt contraire à l′ordre général, qu′elle est pourtant capable de voir & d′aimer ; c′est alors que le bon usage de sa liberté devient à la fois le mérite & la récompense, & qu′elle se prépare un bonheur inaltérable en combattant ses passions terrestres & se maintenant dans sa première volonté. »¿:Por qué mi alma está sujeta a mis sentidos y encadenada a este cuerpo que la esclaviza y la oprime? Lo ignoro. ¿:Me fueron comunicados acaso los juicios de Dios? Mas yo puedo formar, sin caer en la temeridad, modestas conjeturas. Si el espíritu humano hubiera permanecido libre y puro, ¿:qué mérito contraería amando y siguiendo el orden que viese establecido y que ningún interés tuviese en perturbar? Es cierto que sería feliz, pero faltaría a su felicidad el más alto grado, la gloria de la virtud y el buen testimonio de sí mismo; sería semejante a los ángeles, y el varón virtuoso sin duda será más que ellos. El alma unida a un cuerpo mortal con lazos no menos poderosos que incomprensibles, el afán de la conservación de este cuerpo la excita para que todo lo refiera a él, y le da un interés contrario al orden general, que, no obstante, es capaz de ver y amar; entonces el buen empleo de su libertad se convierte al mismo tiempo en mérito y recompensa y se labra una inalterable felicidad luchando contra sus pasiones terrenales y manteniéndose en su primera voluntad.
Que si, même dans l′état d′abaissement où nous sommes durant cette vie, tous nos premiers penchants sont légitimes ; si tous nos vices nous viennent de nous, pourquoi nous plaignons-nous d′être subjugués par eux ? pourquoi reprochons-nous à l′auteur des choses les maux que nous nous faisons & les ennemis que nous armons contre nous-mêmes ? Ah 1 ne gâtons point l′homme ; il sera, toujours bon sans peine, & toujours heureux sans remords. Les coupables qui se disent forcés au crime sont aussi menteurs que méchants : comment ne voient-ils point que la faiblesse dont ils se plaignent est leur propre ouvrage ; que leur première dépravation vient de leur volonté ; qu′à force de vouloir céder à leurs tentations ils leur cèdent enfin malgré eux & les rendent irrésistibles ? Sans doute il ne dépend plus d′eux de n′être pas méchants & faibles, mais il dépendit d′eux de ne le pas il devenir. Ô que nous resterions aisément maîtres de nous et de nos passions, même durant cette vie, si, lorsque nos habitudes ne sont point encore acquises, lorsque notre esprit commence à s′ouvrir, nous savions l′occuper des objets qu′il doit connoître pour apprécier ceux qu′il ne connaît pas ; si nous voulions sincèrement nous éclairer, non pour briller aux yeux des autres, mais pour être bons & sages selon notre nature, pour nous rendre heureux en pratiquant nos devoirs ! Cette étude nous paraît ennuyeuse & pénible, parce que nous n′y songeons que déjà corrompus par le vice, déjà livrés à nos passions. Nous fixons nos jugements & notre estimé avant de connoître le bien et. le mal ; et puis, rapportant tout à cette fausse mesure, nous ne donnons à rien sa juste valeur. »Puesto que aun en el estado de abatimiento en que nos hallamos durante esta vida, todas nuestras inclinaciones son legítimas, y si nuestros vicios provienen de nosotros, ¿:por qué nos quejamos de que nos dominen? ¿:Por qué culpamos al autor de las cosas de los males que nos hacemos nosotros y de los enemigos que contra nosotros armamos? No acosemos al hombre, y siempre será bueno sin dificultad, lo mismo que sin remordimientos, siempre será feliz. Los culpables que se creen forzados al delito son tan mentirosos como perversos. ¿:Cómo no se dan cuenta de que la flaqueza de que se quejan es producida por ellos mismos, que su primera depravación proviene de su voluntad, que a fuerza de querer ceder a las tentaciones, al final ceden a despecho suyo y las hacen irresistibles? Sin duda ya no depende de ellos el dejar de ser malos y débiles, pero dependió de ellos no llegar a serlo. Con qué facilidad seríamos siempre árbitros de nosotros y de nuestras pasiones, aun durante esta vida, si cuando todavía no están formados nuestros hábitos y comienza a abrirse el entendimiento, le supiéramos ocupar en los objetos que debe conocer para valorar los que no conoce; si de verdad quisiéramos ilustrarnos, no para lucirnos a los ojos ajenos, sino para ser buenos y acordes con nuestra naturaleza, para hacernos felices con el cumplimiento de nuestras obligaciones. Si nos parece fastidioso y difícil tal estudio, se debe a que cuando pensamos en él ya estamos agotados por el vicio y entregados a nuestras pasiones. Antes de conocer lo que es bueno y lo que es malo ya hemos sentado nuestros juicios, y aplicándolo después todo a esta falsa medida, no damos su justo valor a nada.
Il est un âge où le cœur, libre encore, mais ardent, inquiet, avide du bonheur qu′il ne connaît pas, le cherche avec une curieuse incertitude, &, trompé par les sens, se fixe enfin sur sa vaine image, & croit le trouver où il n′est point. Ces illusions ont duré trop longtemps pour moi. Hélas ! je les ai trop tard connues, & n′ai pu tout à fait les détruire : elles dureront autant que ce corps mortel qui les cause. Au moins elles ont beau me séduire, elles ne m′abusent pas ; je les connois pour ce qu′elles sont ; en les suivant je les méprise ; loin d′y voir l′objet de mon bonheur, j′y vois son obstacle. J′aspire au moment où, délivré des entraves du corps, je serai moi sans contradiction, sans partage, & n′aurai besoin que de moi pour être heureux ; en attendant, je le suis dès cette vie, parce que j′en compte pour peu tous les maux, que je la regarde comme presque étrangère à mon être, & que tout le vrai bien que j′en peux : retirer dépend de moi. »Hay una edad en la cual el corazón todavía está libre, pero ardiente, inquieto, ansioso de una felicidad que aún no conoce, y la busca con una agotadora incertidumbre, y, engañado por los sentidos, se fija en su vana imagen y tiene la presunción de hallarla donde no reside. Estas ilusiones han permanecido en mí durante un tiempo excesivo, y, ¡ay! las he conocido muy tarde y no he podido disiparlas totalmente y durarán tanto como este cuerpo mortal que las causa. Ahora me parecen vanas, ya no me engañan, las tengo por lo que son, las sigo, pero las desprecio, y lejos de mirar en ellas el objeto de mi felicidad, veo su dificultad. De este modo, al instante aspiro en que libre de las ligaduras del cuerpo, sea "yo" sin contradicción, sin partición, y sólo necesito de mí para ser feliz; mientras tanto, desde esta vida lo soy, porque todos sus males no cuentan ya para mí, porque la miro como extraña a mi ser, y porque todo el bien que de ella puedo sacar depende de mí.
Pour m′élever d′avance autant qu′il se peut à cet état de bonheur, de force & de liberté, je m′exerce aux sublimes contemplations. je inédite sur l′ordre de l′univers, non pour l′expliquer par de vains systèmes, mais pour l′admirer sans pour adorer le sage auteur qui s′fait sentir. Je converse avec lui, je pénètre toutes mes facultés de sa divine je m′attendris à ses bienfaits, je les bénis de ses dons ; mais je ne le prie pas. Que lui demanderais-je ? qu′il changeât pour moi le cours des choses, qu′il fît des miracles en ma faveur ? Moi qui dois aimer par-dessus tout l′ordre sagesse & maintenu par sa providence, voudrais-je que cet ordre fut troublé pour moi ? Non, ce vœu téméraire mériteroit d′être plutôt puni qu′exaucé. Je ne lui demande pas non plus le pouvoir de bien faire : pourquoi lui demander ce qu′il m′a donné ? Ne m′a-t-il pas donné la conscience pour aimer le bien, la raison pour le connaître, la liberté pour le choisir ? Si je fais le mal, je n′ai point d′excuse ; je le fais parce que je le veux : lui demander de changer ma volonté, c′est lui demander ce qu′il me demande ; c′est vouloir qu′il fasse mon œuvre et que en recueille le salaire ; n′être pas content de mon état, c′est ne vouloir plus être homme, c′est vouloir autre chose que ce qui est, c′est vouloir le désordre & le mal. Source de justice & de vérité, Dieu clément & bon ! dans ma confiance en toi, le suprême vœu de mon cœur est que ta volonté soit faite. En y joignant la mienne, je fais ce que tu fais, j′acquiesce a ta bonté ; je crois partager d′avance la suprême félicité qui en est le prix. »Con el fin de elevarme de antemano todo lo posible a este estado de felicidad, de fuerza y libertad, me ejercito en las sublimes contemplaciones. Medito sobre el orden del Universo, no para explicarlo con vanos sistemas, sino para maravillarme de él sin cesar, para adorar al sabio Autor que en él se hace sentir. Hablo con El, saturo todas mis facultades de su divina esencia, me enternezco con sus beneficios, le bendigo por sus dádivas, pero no hago oración. ¿:Qué le podría pedir? ¿:Que cambiara el curso de las cosas por mí y que hiciese milagros en beneficio mío? No; este ruego temerario, mejor que escuchado, merecería ser castigado. Tampoco le pido el poder de obrar bien. ¿:Por qué he de pedirle lo que ya me ha dado? ¿:No me ha dado la conciencia para amar lo bueno, la razón para conocerlo y la libertad para elegirlo? Si obro mal, no tengo disculpa; obro así porque quiero; pedirle que cambie mi voluntad es pedirle lo que me pide él, es querer que haga mi trabajo y cobrando yo el salario; no estar satisfecho con mí estado es no querer ser hombre, y querer otra cosa de lo que existe, es querer el desorden y el mal. Manantial de justicia y verdad, Dios clemente y bueno... Tengo en ti tal confianza que el supremo deseo de mi corazón es que se cumpla tu voluntad. Uniendo la mía con ella, hago lo que haces tú, me conformo con tu bondad y creo que gozo adelantada la suma felicidad que es su premio.
Dans la juste défiance de moi-même, la seule chose que je lui demande que j′attends de sa justice, est de redresser mon erreur si je m′égare & si cette erreur m′est dangereuse. Pour être de bonne foi je ne me crois pas infaillible : mes opinions qui me semblent les plus vraies sont peut-être autant de mensonges ; car quel homme ne tient pas aux siennes ? & combien d′hommes sont d′accord en tout ? L′illusion qui m′abuse a beau me venir de moi, c′est lui seul qui m′en peut guérir. J′ai fait ce que j′ai pu pour atteindre à la vérité ; mais sa source est trop élevée : quand les forces me manquent pour aller plus loin, de quoi puis-je être coupable ? C′est a elle a s′approcher. »En la justa desconfianza de mí mismo, la única cosa que le pido, o que de su justicia aguardo, es que corrija mí error si voy descaminado y si este error me pone en peligro. Aunque procedo de buena fe, no me creo infalible; mis opiniones, las que más acertadas me parecen, quizá son otras tantas falsedades, porque, ¿:qué hombre no se empeña en las suyas? ¿:Y cuántos están conformes en todo? La ilusión que me engaña viene de mí, y él es el único que puede sanarme. He hecho todo lo que he podido por alcanzar la verdad, pero está muy alta su fuente, y cuando me faltan las fuerzas para ir más lejos, ¿:de qué puedo ser culpado? Le corresponde a ella acercarse.»
LE BON PRÊTRE avoit parlé avec véhémence ; il étoit ému, je l′étois aussi. Je croyois entendre le divin Orphée chanter les premiers hymnes, & apprendre aux hommes le culte des dieux. Cependant je voyois des foules d′objections à lui faire : je n′en fis pas une, parce qu′elles étoient moins solides qu′embarrassantes, & que la persuasion étoit pour lui. À mesure qu′il me parloit selon sa conscience, la mienne sembloit me confirmer ce qu′il m′avoit dit. Les sentiments que vous venez de m′exposer, lui dis-je, me paraissent plus nouveaux par ce que vous avouez ignorer que par ce que vous dites croire. J′y vois, à peu de chose près le théisme ou la religion naturelle, que les chrétiens affectent de confondre avec l′athéisme ou l′irréligion, qui est la doctrine directement opposée. Mais, dans l′état actuel de ma foi, j′ai plus à remonter qu′à descendre pour adopter vos opinions, & je trouve difficile de rester précisément au point où vous êtes, à moins d′être aussi sage que vous. Pour être au moins aussi sincère, je veux consulter avec moi. C′est le sentiment intérieur qui doit me conduire à votre exemple ; & vous. m′avez appris vous-même qu′après lui avoir longtemps impose silence, le rappeler n′est pas l′affaire d′un moment. emporte vos discours dans mon cœur, il faut que je les médite. Si, après m′être bien consulté, j′en demeure aussi convaincu que vous, vous serez mon dernier apôtre, & je serai votre prosélyte jusqu′à la mort. Continuez cependant à m′instruire, vous ne m′avez dit que la moitié de ce que je dois savoir. Parlez-moi de la révélation, des écritures, de ces dogmes obscurs sur lesquels je vais errant dès mon enfance, sans pouvoir les concevoir ni les croire, & sans savoir ni les admettre ni les rejeter. »El buen sacerdote había hablado con vehemencia; estaba conmovido y yo también; me pareció que oía al divino Orfeo cantar los primeros himnos y enseñar a los hombres el culto de los dioses. Sin embargo, yo veía una serie de objeciones que oponerle, y no le opuse ni una, porque la persuasión estaba en su favor. A medida que me hablaba según su conciencia, parecía que la mía me confirmaba lo que él había manifestado. »Las ideas que me acabáis de exponer -le dije-, me parecen mucho más nuevas por lo que confesáis ignorar que por lo decís creer. Me parece encontrar en ello el teísmo o la religión natural, que la afectación de los cristianos confunde con el ateísmo o la irreligión, una doctrina que es directamente opuesta. Pero en el estado actual de mi fe, tengo que subir mejor que bajar para admitir vuestras opiniones, y encuentro que es difícil quedarse precisamente en el punto en que estáis, si no soy tan prudente como vos. Para ser tan sincero, quiero consultar conmigo. El sentido interno es el que a ejemplo vuestro me debe guiar, y vos mismo me habéis enseñado que no es cuestión de un instante el contestar cuando le hemos impuesto silencio. Llevo en mi corazón vuestros razonamientos, y es necesario que los medite. Si después de pensar bien en ello, quedo tan convencido como vos, seréis mi último apóstol, y yo seré prosélito vuestro hasta la muerte. No obstante, continuad instruyéndome. Sólo me habéis expresado la mitad de lo que debo saber. Habladme de la revelación de las escrituras, de esos dogmas oscuros por los cuales voy a tientas desde mi infancia, sin poder concebirlos m creerlos y sin saber admitirlos ni rechazarlos.»
Oui, mon enfant, dit-il en m′embrassant, j′achèverai de vous dire ce que je pense ; je ne veux point vous ouvrir mon cœur à demi : mais le désir que vous me témoignez étoit nécessaire pour m′autoriser à n′avoir aucune réserve avec vous. Je ne vous ai rien dit jusqu′ici que je ne crusse pouvoir vous être utile & dont je ne fusse intimement persuade. L′examen qui me reste à faire est bien différent ; je n′y vois qu′embarras, mystère, obscurité ; je n′y porte qu′incertitude & défiance. Je ne me déterminé qu′en tremblant & je vous dis plutôt mes doutes que mon avis. Si vos sentiments étoient plus stables, j′hésiterois de vous exposer les miens ; mais, dans l′état où vous êtes, vous gagnerez à penser comme moi [25] . Au reste, ne donnez a mes discours que l′autorité de la raison ; j′ignore si je suis dans l′erreur. Il est difficile, quand on discute, de ne pas prendre quelquefois le ton affirmatif ; mais souvenez-vous qu′ici toutes mes affirmations ne sont que des raisons de douter. Cherchez la vérité vous-même : pour moi, je ne vous promets que de la bonne foi. «Sí, hijo mío -me respondió, abrazándome-. Acabaré de deciros lo que pienso, pues no quiero abriros a medias mi corazón, pero era necesario el deseo que me manifestáis, el cual es autorizarme a no guardaros ninguna reserva. Hasta aquí no os he dicho nada que no crea que puede seros útil, y de lo que no esté yo íntimamente convencido. El examen que me falta hacer es bien diferente; sólo veo confusión, oscuridad, misterio y camino con incertidumbre y desconfianza. Me decido temblando, y más bien que mi dictamen os digo mis dudas. Si vuestros sentimientos fueran más estables, titubearía en deciros los míos, pero en el estado en que os halláis ganaréis al pensar como yo [24
. Referente a lo demás, no deis a mis palabras otra autoridad que la razón, porque ignoro si estoy en un error. Cuando alguien argumenta es difícil que no tome alguna vez el estilo afirmativo; pero recordad que todas mis afirmaciones son simples motivos de duda. Averigua, vos mismo la verdad, pues sólo os prometo buena fe.
Vous ne voyez dans mon expose que la religion naturelle, bien étrange qu′il en faille une autre. Par où connaîtrai-je cette nécessité ? De quoi puis-je être coupable en servant Dieu selon les lumières qu′il donne à mon esprit & selon les sentiments qu′il inspire à mon cœur ? Quelle pureté de morale, quel dogme utile à l′homme & honorable à son auteur puis-je tirer d′une doctrine positive, que je ne puisse tirer sans elle du bon usage de mes facultés ? Montrez-moi ce qu′on peut ajouter, pour la gloire de Dieu, pour le bien de la société, & pour mon propre avantage, aux devoirs de la loi naturelle, & quelle vertu vous ferez naître d′un nouveau culte, qui ne soit pas une conséquence du mien. Les plus grandes idées de la divinité nous viennent par la raison seule. Voyez le spectacle de la nature, écoutez la voix intérieure. Dieu n′a-t-il pas tout : dit à nos yeux, à notre conscience, à notre jugement ? Qu′est-ce que les hommes nous diront de plus ? Leurs révélations ne font que dégrader Dieu, en lui donnant les passions humaines. Loin d′éclaircir les notions du grand Etre, je vois que les dogmes particuliers les embrouillent ; que loin de les ennoblir, ils les avilissent ; qu′aux mystères inconcevables qui l′environnent ils ajoutent des contradictions absurdes ; qu′ils rendent l′homme orgueilleux, intolérant, cruel ; qu′au lieu d′établir la paix sur la terre, ils y portent le fer & le feu. Je me demande à quoi bon tout cela sans savoir me répondre. je n′y vois que les crimes des hommes & les misères du genre humain. »En lo expuesto por mí, habéis visto la religión natural, y es extraño que se necesite otra. ¿:Por dónde he de llegar yo al conocimiento de esta necesidad? ¿:Cuál puede ser mi culpa al servir a Dios según las luces que ha dado a mi entendimiento y los afectos que inspira a mi corazón? ¿:Qué pureza de moral, qué dogma provechoso para el hombre y que honre a su autor puedo yo sacar de una doctrina positiva, que sin ella no pudiera sacar del buen uso de mis facultades? Mostradme lo que podamos añadir, para gloria de Dios, para bien de la sociedad y para mi utilidad propia, a las obligaciones de la ley natural, y qué virtud derivaréis de un culto nuevo que no sea consecuencia del mío. Por la razón sola adquirimos las más altas ideas de la Divinidad. Observad el espectáculo de la naturaleza, escuchad la voz interior. ¿:No lo ha dicho Dios todo a nuestros ojos, a nuestra conciencia, a nuestro juicio? ¿:Qué más nos han de decir los hombres? Con sus revelaciones no hacen otra cosa que degradar a Dios, atribuyéndole pasiones humanas. Lejos de aclarar las nociones del gran Ser, veo que las complican los dogmas particulares, que, lejos de ennoblecerlas, las envilecen, que a los incomprensibles misterios que le rodean añaden absurdas contradicciones, que en vez de establecer la paz en la tierra, la talan a hierro y fuego y vuelve al hombre orgulloso, intolerante y cruel. Me propongo averiguar para qué sirve todo esto y no sé qué respuesta dar. Sólo veo los delitos de los hombres y las miserias del género humano.
On me dit qu′il falloit une révélation pour hommes la manière dont Dieu voulait être servi ; on assigne en preuve la diversité des cultes bizarres qu′ils ont institués, et l′on ne voit pas que cette diversité même vient de la fantaisie des révélations. Dès que les peuples se sont avisés de faire parler Dieu, chacun l′a fait parler à sa mode & lui a fait dire ce qu′il a voulu. Si l′on n′eût écouté que ce que Dieu dit au cœur de l′homme, il n′y auroit jamais eu qu′une religion sur la terre. »Se me ha dicho que hacía falta una revelación para enseñar a los hombres el modo cómo Dios quería ser servido, y para probarlo consignaban la diversidad de cultos extravagantes que han instituido y no ven que esta misma diversidad proviene de la manía le las revelaciones. Desde que los pueblos quisieron que Dios hablase, cada uno le hizo hablar a su manera, y le hizo decir lo que él quiso. Si no hubiesen escuchada más que lo que Dios le dijo al corazón el hombre, sólo habría una religión en la tierra.
Il faloit un culte uniforme ; je le veux bien : mais ce point était-il donc si important qu′il fallût tout l′appareil de la puissance divine pour l′établir ? Ne confondons point le cérémonial de la religion avec la religion. Le culte que Dieu demande est celui du cœur ; & celui-là, quand il est sincère, est toujours uniforme. C′est avoir une vanité bien folle de eu prenne un si grand intérêt à la forme de à l′ordre des mots qu′il prononce, aux à l′autel, & à toutes ses génuflexions. Eh ! mon ami, reste de toute ta hauteur, tu seras toujours assez près de terre. Dieu veut être adoré en esprit & en vérité : ce devoir est de toutes les religions, de tous les pays, de tous les hommes. Quant au culte extérieur, S′il doit être uniforme pour le bon ordre, c′est purement une affaire de police ; il ne faut point de révélation pour cela. »Hacía falta un culto uniforme, lo admito; pero, ¿:era tan importante este punto que fuese preciso todo el aparato de la potencia divina para establecerle? No debemos confundir la religión con su ceremonial. El culto que pide Dios es del corazón, y éste, cuando es sincero, siempre es uniforme. Es una loca vanidad imaginarse que Dios tenga el menor interés en la forma de vestir del sacerdote, en el orden de las palabras que pronuncia, en los ademanes que hace en él altar y en todas sus genuflexiones. Amigo mío, por mucho que te eleves, te quedarás siempre a ras de tierra; Dios quiere ser adorado en espíritu y en verdad. Esta es la obligación de todas las religiones, de todos los países y de todos los hombres. En cuanto al culto exterior, si debe ser uniforme para el buen orden, ése es puro asunto de policía, y para eso no se necesita revelación.
Je ne commençai pas par toutes ces réflexions. Entraîné par les préjugés de l′éducation & par ce dangereux amour-propre qui veut toujours porter l′homme au-dessus de sa sphère, ne pouvant élever mes faibles conceptions jusqu′au grand Etre, je m′efforçois de le rabaisser jusqu′à moi. Je rapprochois les rapports infiniment éloignés qu′il a mis entre sa nature & la mienne. Je voulois des communications plus immédiates, des instructions plus particulières ; & non content de faire Dieu semblable à l′homme, pour être privilégié moi-même parmi mes semblables, je voulois des lumières surnaturelles ; je voulois un culte exclusif ; je voulois que Dieu m′eût dit ce qu′il n′avoit pas dit à d′autres, ou ce que d′autres n′auroient pas entendu comme moi. »No empecé por todas estas reflexiones. Arrastrado por las preocupaciones de la educación y por aquel peligroso amor propio que siempre quiere poner al hombre más alto que su esfera, no pudiendo encumbrar mis débiles conceptos hasta el gran Ser, me afanaba por bajarle hasta mí. Acercaba las relaciones infinitamente distantes que median entre su naturaleza y la mía, quería comunicaciones más inmediatas e instrucciones más peculiares, y no satisfecho con hacer que Dios se asemejara al hombre, para ser yo un privilegiado entre mis semejantes, deseaba luces sobrenaturales, un culto exclusivo y que Dios me dijera lo que no había dicho a otros, o lo que otros no habían entendido del mismo modo que yo.
Regardant le point où j′étois parvenu comme le point commun d′où partoient tous les croyants pour arriver à un culte plus éclairé, je ne trouvois dans les dogmes de la religion naturelle que les éléments de toute religion. Je considérois cette diversité de sectes qui règnent sur la terre & qui s′accusent mutuellement de mensonge & d′erreur ; je demandois : quelle est la bonne ? Chacun me répondoit : C′est la mienne ; chacun disoit : Moi seul & mes partisans pensons juste ; tous les autres sont dans l′erreur. Et comment savez-vous que votre secte est la bonne ? Parce que Dieu l′a dit [26] . Et qui vous dit que Dieu l′a dit ? Mon pasteur, qui le bien. Mon pasteur me dit d′ainsi croire, & ainsi je crois : il m′assure que tous ceux qui disent autrement que lui mentent, & je ne les écoute pas. »Considerando el punto a que había llegado como el punto de donde salían todos los creyentes para llegar a un culto más ilustrado, sólo en los dogmas de la religión natural hallaba los elementos de toda religión. Contemplaba la diversidad de sectas que reinan en el mundo y que mutuamente se acusan de error y mentira, y preguntaba: "¿:Cuál es la buena?". Y me respondía cada uno: "La mía; sólo yo y mis partidarios pensamos bien; todos los demás están equivocados". "¿:Y cómo sabéis que es buena vuestra secta?". "Porque lo ha dicho Dios ". "¿:Quién os dijo que lo había dicho Dios?". "Mi pastor que lo sabe. Me dice que crea esto y lo creo; me asegura que todos los que dicen otra cosa distinta que él, mienten, y no los escucho".
Quoi ! pensais-je, la vérité n′est-elle as une ? & ce qui est vrai chez moi peut-il être faux chez vous ? Si la méthode de celui qui suit la bonne route & celle de celui qui s′égare est la même, quel mérite ou quel tort a l′un de plus que l′autre ? Leur choix est l′effet du hasard ; le leur imputer est iniquité, c′est récompenser ou punir pour être né dans tel ou tel pays. Oser dire que Dieu nous juge ainsi, c′est outrager sa justice. »¿:Conque no es una misma la verdad, pensaba yo, y lo que para mi es verdad, puede ser mentira para otro? Si es uno mismo el método del que sigue el camino recto y del que va extraviado, ¿:qué mérito o qué culpa tiene más uno que otro? Siendo su elección un efecto de la casualidad, es una iniquidad imputársela, es recompensar o castigar por haber nacido en tal o cual país. El atreverse a decir que Dios nos juzga de ese modo, es agraviar su justicia.
Ou toutes les religions sont bonnes & agréables à Dieu, ou, s′il en est une qu′il prescrive aux hommes, & qu′il les punisse de méconnaître, il lui a donné des signes certains & manifestes pour être distinguée & connue pour la seule véritable. Ces signes sont de tous les tems & de tous les lieux, également sensibles à tous les hommes, grands & petits, savants & ignorants, Européens, Indiens, Africains, Sauvages. S′il étoit une religion sur la terre hors de laquelle il n′y eût que peine éternelle, & qu′en quelque lieu du monde seul mortel de bonne foi n′eût pas été frappé de son évidence, le Dieu de cette religion seroit le plus inique & le lus cruel des tyrans. »O todas las religiones son buenas y agradables a Dios, o si existe una que El prescribe a los hombres, o los castigue porque no la conocen, habrá dado indicios ciertos y manifiestos para que la distingan y conozcan por la única verdadera; estos indicios son de todos los tiempos y de todos los países, igualmente sensibles para todos los hombres, grandes y pequeños, ignorantes y sabios, europeos, indios, africanos y salvajes. Si hubiera una religión en la tierra, fuera de la cual solamente hubiese pena eterna, y si en un país cualquiera del mundo a un solo mortal de buena fe no le hubiera hecho impresión su evidencia, el Dios de esta religión sería el más inicuo y el más cruel de los tiranos.
Cherchons-nous donc sincèrement la vérité ? Ne donnons rien au droit de la naissance & à l′autorité des pères & des pasteurs, mais rappelons à l′examen de la conscience & de raison tout ce qu′ils nous ont appris dès notre enfance. Ils ont beau me crier : Soumets ta raison ; autant m′en peut dire celui qui me trompe : il me faut des raisons pour soumettre ma raison. »¿:Buscamos, pues, la verdad sinceramente? Pues no atribuyamos nada al derecho del nacimiento ni a la autoridad de nuestros padres y pastores, pero sometamos al examen de conciencia v a la razón todo lo que nos enseñaron desde nuestra niñez. Puede decírseme: "Sujeta tu razón", pero lo mismo me puede decir el que me engañe; para sujetar mi razón necesito razones.
Toute la théologie que je puis acquérir de moi-même par l′inspection de l′univers, et par le bon usage de mes facultés, se borne à ce que je vous ai ci-devant expliqué. Pour en savoir davantage, il faut recourir à des moyens extraordinaires. Ces moyens ne sauroient être l′autorité des hommes ; car, nul homme n′étant d′une autre espèce que moi, tout ce qu′un homme connaît naturellement, le puis aussi le connaître, & un autre homme peut se tromper aussi bien que moi : quand je crois ce qu′il dit, ce n′est pas parce qu′il le dit, mais parce qu′il le prouve. Le témoignage des hommes n′est donc au fond que celui de ma raison même, & n′ajoute rien aux moyens naturels que Dieu m′a donnés de connaître la vérité. »Toda la teología que puedo adquirir por mí mismo mediante la contemplación del universo y el buen uso de mis facultades, se limita a lo que os expliqué anteriormente. Para saber más, es preciso hacer uso de medios extraordinarios, y éstos no pueden ser la autoridad de los hombres, porque no siendo ningún hombre de distinta especie que yo, todo lo que él conoce naturalmente, puedo conocerlo yo, como también puede engañarse lo mismo que yo; cuando creo lo que él dice, no es porque lo dice, sino porque lo prueba. Así el testimonio de los hombres no es otro que el de mi razón, y no añade nada a los medios naturales con que Dios me ha dotado para conocer la verdad.
Apôtre de la vérité, qu′avez-vous donc à me dire dont je ne reste pas le juge ? Dieu lui-même a parlé : écoutez sa révélation. C′est autre chose. Dieu a parlé ! voilà certes un grand mot. & à qui a-t-il parlé ? Il a parlé aux hommes. Pourquoi donc n′en ai-je rien entendu ? Il a chargé d′autres hommes de vous rendre sa parole. J′entends ! ce sont des hommes qui vont me dire ce que Dieu a dit. J′aimerois mieux avoir entendu Dieu lui-même ; il ne lui en auroit pas coûté davantage, & j′aurois été à l′abri de la séduction. Il vous en garantit en manifestant la mission de ses envoyés. Comment cela ? Par des prodiges. & où sont ces prodiges ? Dans les livres. & qui a fait ces livres ? Des hommes. & qui a vu ces prodiges ? Des hommes qui les attestent. Quoi ! toujours des témoignages humains ! toujours des hommes qui me rapportent ce que d′autres hommes ont rapporté ! que d′hommes entre Dieu & moi ! Voyons toutefois, examinons, comparons, vérifions. Ô si Dieu eût daigné me dispenser de tout ce travail, l′en aurais-je servi de moins bon cœur ? »Apóstol de la verdad ¿:qué habréis de decirme que yo no pueda juzgarlo? Dios mismo ha hablado: escuchad su revelación. Eso es otra cosa. Dios ha hablado; gran palabra es esa. ¿:Y a quién ha hablado? A los hombres. Pues, ¿:cómo yo no he oído lo que ha dicho? Ha encargado a otros hombres que os repitieran sus palabras. Ya entiendo: son hombres los que me van a decir lo que Dios ha dicho. Hubiera preferido oírselo a Dios mismo; no le habría costado más trabajo y yo estaría a salvo de toda seducción. Os preserva de ella manifestando la misión de sus enviados. ¿:Cómo así? Con milagros. ¿:Y dónde están estos milagros? En los libros. ¿:Y quién ha compuesto estos libros? Hombres. ¿:Y quién ha visto esos milagros? Hombres que lo aseguran. ¡Siempre testimonios humanos! ¡Siempre hombres que me cuentan lo que han contado otros hombres! ¡Cuántos hombres entre Dios y yo! Veamos, no obstante; examinemos, comparemos, verifiquemos. Si Dios se hubiera dignado dispensarme de todo este trabajo, ¿:le habría servido yo con menos buena voluntad?
Considérez, mon ami, dans quelle horrible discussion me voila engage ; de quelle immense érudition j′ai besoin pour remonter dans les plus hautes antiquités, pour examiner, peser, confronter les prophéties, les révélations, les faits, tous les monuments de foi proposés dans tous les pays du monde, pour en assigner les temps, les lieux, les auteurs, les occasions ! Quelle justesse de critique m′est nécessaire pour distinguer les pièces authentiques pièces supposées ; pour comparer les objections aux réponses, les traductions aux originaux ; pour juger de l′impartialité des témoins, de leur bon sens, de leurs lumières ; pour savoir si l′on n′a rien supprimé, rien ajouté, rien transpose, changé, falsifié ; pour lever les contradictions qui restent, pour juger quel poids doit avoir le silence des adversaires dans les faits allégués contre eux ; si ces allégations leur ont été connues ; s′ils en ont fait assez de cas pour daigner y répondre ; si les livres étaient assez communs pour que les nôtres leur parvinssent ; si nous avons été d′assez, bonne foi pour donner cours aux leurs parmi nous, & pour y laisser leurs plus fortes objections telles qu′ils les avoient faites. »Considerad, amigo mío, en qué horrible discusión me he metido, de cuánta erudición he precisado para retroceder a las más lejanas antigüedades, para examinar, pesar, confrontar las profecías, las revelaciones, los sucesos, los monumentos de fe propuestos en todos los países del mundo; para señalar las épocas, los lugares, los autores, las ocasiones... Cuánta exactitud de crítica preciso para distinguir las piezas auténticas de las supuestas, para comparar las objeciones con las respuestas y las versiones de los originales, para decidir de la imparcialidad de los testigos, de su sano juicio y de sus luces; para saber si han suprimido nada, añadido, invertido, cambiado o falsificado; para airear las contradicciones que aún quedan, para fallar acerca del peso que debe tener el silencio de los contrarios en los hechos que contra ellos se alegan; si han conocido estas alegaciones, si han hecho de ellas el aprecio suficiente para responder, si eran tan comunes los libros que fuesen a sus manos los nuestros, si hemos tenido la bastante buena fe para dejar correr entre nosotros los suyos, y que subsistiesen sus más fuertes objeciones como ellos las habían hecho.
Tous ces monuments reconnus pour incontestables, il faut passer ensuite aux preuves de la mission de leurs auteurs ; il faut bien savoir les lois des sorts, les probabilités éventives, pour juger quelle prédiction ne peut s′accomplir sans miracle ; le génie des langues originales pour distinguer ce qui est prédiction dans ces langues, & ce qui n′est que figure oratoire ; quels faits sont dans l′ordre de la nature, & quels autres faits n′y sont pas ; pour dire jusqu′à quel point un homme adroit peut fasciner les yeux des simples, peut étonner même les gens éclairés ; chercher de quelle espèce doit être un prodige, & quelle authenticité il doit avoir non seulement pour être cru, mais pour qu′on soit punissable d′en douter ; comparer les preuves des vrais & des, faux prodiges, & trouver les règles sûres pour les discerner ; dire enfin pourquoi Dieu choisit, pour attester sa parole, des moyens qui ont eux-mêmes si grand besoin d′attestation, comme s′il se jouoit de la crédulité des hommes, & qu′il évitât à dessein les vrais moyens de les persuader. »Reconocidos como indudables todos estos monumentos, se debe pasar en seguida a las pruebas de la misión de sus autores, saber a fondo las leyes de las suertes, las probabilidades eventuales, para señalar qué predicción se puede cumplir sin milagro; la índole de los idiomas originales, para distinguir lo que en estos idiomas es predicción de lo que sólo es figura oratoria; qué sucesos se hallan en el orden para decir hasta qué punto un hombre astuto puede engañar a los ignorantes y hasta asombrar a personas ilustradas; averiguar de qué especie debe ser un portento y qué autenticidad ha de tener, no sólo para ser creído, sino para que merezca ser castigado quien dude de él; comparar las pruebas de los falsos y verdaderos milagros y hallar reglas ciertas para discernirlos; en fin, decir por qué escogió Dios, para comprobar su palabra, medios que tienen tanta necesidad de ser comprobados, como si se burlara de la credulidad de los hombres y evitase a sabiendas los verdaderos medios de persuadirlos.
Supposons que la majesté divine daigne s′abaisser assez pour rendre un homme l′organe de ses volontés sacrées ; est-il raisonnable, est-il juste d′exiger que tout le genre humain obéisse à la voix de ce ministre sans le lui faire connoître pour tel ? Y a-t-il de l′équité à ne lui donner, pour toutes lettres de créance, que quelques signes particuliers faits devant peu de gens obscurs, & dont tout le reste des hommes ne saura jamais rien que par ouï-dire ? Par tous les pays du monde, si l′on tenoit pour vrais tous les prodiges que le peuple & les simples disent avoir vus, chaque secte seroit la bonne ; il y auroit plus de prodiges que d′événements naturels lu ; & le plus grand de tous les miracles seroit que là où il y a des fanatiques persécutés, il n′y eût point de miracles. C′est l′ordre inaltérable de la nature qui montre le mieux la sage main qui la régit ; s′il arrivoit beaucoup d′exceptions, je ne saurois plus qu′en penser ; & pour moi, je crois trop en Dieu pour croire à tant de miracles si peu dignes de lui. »Supongamos que la majestad divina se digna descender lo bastante para hacer a un hombre órgano de sus voluntades sagradas. ¿:Es racional y justo exigir que obedezca todo el género humano la voz de este ministro, sin dársele a conocer como tal? ¿:Es equitativo no darle otras credenciales que algunos signos particulares obrados en presencia de pocas personas oscuras, y que todos los demás hombres jamás sabrán de otro modo que de oídas? En todos los países del mundo, si se tuviesen por verdaderos los prodigios que la plebe y los crédulos dicen haber visto, cada secta sería la buena, existirían más portentos que sucesos naturales, y el mayor de todos los milagros sería que donde haya fanáticos perseguidos no hubiese milagros. El inalterable orden de la naturaleza es lo que más patentiza la sabia mano que la rige; si se diesen frecuentes excepciones, yo no sabría qué pensar, y creo en Dios demasiado para admitir esos milagros tan poco dignos de El.
Qu′un homme vienne nous tenir ce langage : Mortels, je vous annonce la volonté du Très-Haut ; reconnaissez à ma voix celui qui m′envoie ; j′ordonne au soleil de changer sa course, aux étoiles de former un autre arrangement, aux montagnes de s′aplanir, aux flots de s′élever, à la terre de prendre un autre aspect. À ces merveilles, qui ne reconnaîtra pas à l′instant le maître de la nature ! Elle n′obéit point aux imposteurs ; leurs miracles se font dans des carrefours, dans des déserts, dans des chambres ; & c′est là qu′ils ont bon marché d′un petit nombre de spectateurs déjà disposés à tout croire. Qui est-ce qui m′osera dire combien il faut de témoins oculaires pour rendre un prodige digne de foi ? Si vos miracles, faits pour prouver votre doctrine, ont eux-mêmes besoin d′être prouvés, de quoi servent-ils ? autant valoit n′en point faire. »Si viene un hombre hablando de esta forma: "Mortales, yo os anuncio la voluntad del Altísimo; en mi voz reconoced al que me envía; mando que el sol cambie de curso, que las estrellas se coloquen de distinto modo, que los montes reduzcan su altivez, que las olas se levanten y que tome otro aspecto la tierra". Ante estas maravillas, ¿:quién no reconocería al árbitro de la naturaleza? Esta no obedece a los impostores cuyos milagros se realizan en encrucijadas, en desiertos, en aposentos, y sugestionan a su antojo a un corto número de espectadores ya dispuestos a creerlo todo. ¿:Quién se atreverá a decirme cuántos testigos son necesarios para que un prodigio sea digno de fe. Si vuestros milagros, destinados a probar vuestra doctrina, necesitan pruebas, ¿:para qué sirven? Se adelantaba lo mismo no haciéndolos.
Reste enfin l′examen le plus important dans la doctrine annoncée ; car, puisque ceux sent que Dieu fait ici-bas des miracles prétendent que le diable les imite quelquefois, avec les prodiges les mieux attestés, nous ne sommes pas plus avancés qu′auparavant ; & puisque les magiciens de Pharaon osaient, en présence même de moïse, faire les mêmes signes qu′il faisoit par l′ordre exprès de Dieu, pourquoi, dans son absence, n′eussent-ils pas, aux mêmes titres, prétendu la même autorité ? Ainsi donc, après avoir prouvé la doctrine par le miracle, il faut prouver le miracle par la doctrine [27] , de peur de prendre l′œuvre du démon pour l′œuvre de Dieu. Que pensez-vous de ce diallèle ? »Resta, por último, el examen más importante en la doctrina que se anuncia, porque como los que dicen que Dios hace milagros en la tierra pretenden que algunas veces los imite el diablo, con los portentos mejor averiguados no estamos más adelantados que antes, y una vez que, aun en presencia de Moisés, se atrevían los magos del faraón a repetir los mismos signos que hacía aquél por orden expresa de Dios, ¿:por qué en su ausencia no habrían aspirado a la misma autoridad con los mismos títulos? Así, después de probar la doctrina con el milagro, es precisó probar el milagro con la doctrina , con el fin de no confundir la obra del demonio con la de Dios. ¿:Qué es lo que vosotros pensáis de este círculo vicioso?
Cette doctrine, venant de Dieu, doit porter le sacré caractère de la Divinité ; non seulement elle doit nous éclaircir les idées confuses que le raisonnement en trace dans notre esprit, mais elle doit aussi nous proposer un culte, une morale & des maximes convenables aux attributs par lesquels seuls nous concevons son essence. Si donc elle ne nous apprenoit que des choses absurdes & sans raison, si elle ne nous inspiroit que des sentiments d′aversion pour nos semblables & de frayeur pour nous-mêmes, si elle ne nous peignoit qu′un Dieu colère, jaloux, vengeur, partial, haïssant les hommes, un Dieu de la guerre & des combats, toujours prêt à détruire & foudroyer, toujours parlant de tourments, de peines, et se vantant de punir même les innocents, mon cœur ne seroit point attiré vers ce Dieu terrible, & je me garderois de quitter la religion naturelle pour embrasser là ; car vous voyez bien qu′il faudroit nécessairement opter. Votre Dieu n′est pas le nôtre, dirais-je à ses sectateurs. Celui qui commence par se choisir un seul peuple et proscrire le reste du genre humain, n′est pas le père commun des hommes ; celui qui destine au supplice éternel le plus grand nombre de ses créatures n′est pas le Dieu clément & bon que ma raison m′a montré. »Esta doctrina que viene de Dios es preciso que lleve estampado el carácter sagrado de la Divinidad; no sólo debe aclarar las ideas confusas que acerca de ella ha bosquejado el raciocinio en nuestra mente, sino que también debe proponernos un culto, una moral y máximas que convengan a los atributos por los que únicamente concebimos su esencia. De modo que si sólo nos mostrase cosas absurdas y disparatadas, si sólo nos inspirase afectos de aversión a nuestros semejantes y de espanto de nosotros mismos; si nos pintase un Dios airado, celoso, vengativo, parcial y rencoroso con los hombres, un Dios de guerra y de combates, dispuesto siempre a destruir y a fulminar, siempre hablando de tormentos y de penas y que se alabase de castigar incluso a los inocentes, este Dios terrible no atrae ría mi corazón, y me guardaría de dejar mi religión natural para abrazar la suya, pues ya veis claramente que sería forzoso elegir. Yo diría a sus sectarios: vuestro Dios no es el nuestro. El que comienza por escoger a un solo pueblo, y proscribe a los demás del linaje humano, no es el padre común de los hombres; el que destina al fuego eterno la mayor parte de sus criaturas, no es el Dios clemente y bueno que me ha asegurado mi razón,
À l′égard des dogmes, elle me dit qu′ils doivent être clairs, lumineux, frappants par leur évidence. Si la religion naturelle est insuffisante, c′est par l′obscurité qu′elle laisse dans les grandes vérités qu′elle nous enseigne : c′est à la révélation de nous enseigner ces vérités d′une manière sensible à l′esprit de l′homme, de les mettre à sa portée, de les lui faire concevoir, afin qu′il les croie. La foi s′assure et s′affermit par l′entendement ; la meilleure de toutes les religions est infailliblement la plus claire : celui qui charge de mystères, de contradictions le culte qu′il me prêche, m′apprend par cela même à m′en défier. Le Dieu que j′adore n′est point un Dieu de ténèbres, il ne m′a point doué d′un entendement pour m′en interdire l′usage : me dire de soumettre ma raison, c′est outrager son auteur. Le ministre de la vérité ne tyrannise point ma raison, il l′éclaire. la cual, me dice,  por lo que se refiere a los dogmas, que deben ser claros, luminosos, de una evidencia irresistible. La religión natural es insuficiente debido a la oscuridad que deja en las altas verdades que nos enseña; corresponde a la revelación el enseñarnos estas verdades de una forma palpable para el espíritu humano, hacen que las conciba para que las crea. La fe se fortalece y afianza por el entendimiento; la más clara es infaliblemente la mejor de todas las religiones; el que llena de misterios y contradicciones el culto que me predica, me enseña a que desconfíe de él. El Dios que yo adoro no es un Dios de tinieblas ni me ha dotado de entendimiento para prohibirme que haga uso de él; decirme que sujete mi razón es agraviar a su autor. Un ministro de la verdad jamás tiraniza la razón, sino que la alumbra.
Nous avons mis à part toute autorité humaine ; &, sans elle, je ne saurois voir comment un homme en peut convaincre un autre en lui prêchant une doctrine déraisonnable. Mettons un moment ces deux hommes aux prises, & cherchons ce qu′ils pourront se dire dans cette âpreté de langage ordinaire aux deux partis. »Hemos dejado aparte toda autoridad humana, y sin ella no veo cómo puede convencer un hombre a otro cuando le predica una doctrina contraria a la razón. Por un instante procuremos que se encuentren estos dos hombres y averigüemos lo que se podría decir con aquella aspereza de lenguaje tan generalizada en ambos partidos.»
L′INSPIRE:
La raison vous apprend que le tout est plus grand que sa partie ; mais moi je vous apprends, de la part de Dieu, que c′est la partie qui est plus grande que le tout.
EL INSPIRADO:
  
  La razón os enseña que el todo es mayor que la parte, pero yo os enseño, de parte de Dios, que la parte es mayor que el todo.
LE RAISONNEUR:
  Et qui êtes-vous pour m′oser dire que Dieu se contredit ? & à qui croirai-je par préférence, de lui qui m′apprend par la raison les vérités éternelles, ou de vous qui m annoncez de sa part une absurdité ?
EL RAZONADOR:
   ¿:Y quién sois vos para atreveros a decirme que Dios se contradice? ¿:A quién he de creer mejor, al que me enseña por la razón las verdades eternas, o a vos que de su parte me anunciáis un absurdo?
L′INSPIRE:
À moi, car mon instruction est plus positive ; vous prouver invinciblement que c′est lui qui m′envoie.
EL INSPIRADO:
   A mí, porque mi instrucción es más positiva, y voy a probaros de un modo indudable que él me envía.
LE RAISONNEUR:
  Comment ? vous me prouverez que c′est Dieu qui vous envoie déposer contre lui ? Et de quel genre seront vos preuves pour me convaincre qu′il est plus certain que Dieu me parle par votre bouche que par l′entendement qu′il m′a donné ?
EL RAZONADOR- ¡Cómo! ¿:Me probaréis que Dios es quien os envía a dar testimonio contra él? ¿:De qué género serán vuestras pruebas para convencerme de que es más cierto que me habla Dios por boca vuestra que por el entendimiento que me ha dado?
L′INSPIRÉ:
  L′entendement qu′il vous a donné ! Homme petit & vain ! comme si vous étiez le premier impie qui s′égare dans sa raison corrompue par le péché !
EL INSPIRADO:
   ¿:El entendimiento que os ha dado? ¡Hombre mezquino y vano! ¡Como si fueseis vos el primer impío que se extravía con su razón corrompida por el pecado!
LE RAISONNEUR:
  Homme de Dieu, vous ne seriez pas non plus le premier fourbe qui donne son arrogance pour preuve de sa mission.
EL RAZONADOR:
   Varón de Dios, tampoco seríais vos el primer bellaco que presenta su arrogancia como prueba de su misión.
L′INSPIRÉ:
  Quoi ! les philosophes disent aussi des injures !
EL INSPIRADO:
   ¡Qué! ¿:También injurian los filósofos?
LE RAISONNEUR:
  Quelquefois, quand les saints leur en donnent l′exemple.
EL RAZONADOR:
   Algunas veces, cuando les dan ejemplo los santos.
L′INSPIRÉ:
  Oh ! moi, j′ai le droit d′en dire, je parle de la part de Dieu.
EL INSPIRADO:
   Yo tengo derecho para hacerlo, puesto que hablo de parte de Dios.
LE RAISONNEUR:
  Il seroit bon de montrer vos titres avant d′user de vos privilèges.
EL RAZONADOR:
   Sería bueno mostrar el título antes de usar ese privilegio.
L′INSPIRÉ:
  Mes titres sont authentiques, la terre & les cieux déposeront pour moi Suivez bien mes raisonnements je vous prie.
EL INSPIRADO:
   Mi título es auténtico; la tierra y los cielos sirven de testimonio en mi favor. Seguid atentamente mis razonamientos.
LE RAISONNEUR:
  Vos raisonnements ! vous n′y pensez pas. M′apprendre que ma raison me trompe, n′est-ce pas réfuter ce qu′elle m′aura dit pour vous ? Quiconque veut récuser la raison doit convaincre sans se servir d′elle. Car, supposons qu′en raisonnant vous m′ayez convaincu ; comment saurai-je si ce n′est point ma raison corrompue par le péché qui me fait acquiescer à ce que vous me lites ? D′ailleurs, quelle preuve, quelle démonstration pourrez-vous jamais employer plus évidente que l′axiome qu′elle doit détruire ?il est tout aussi croyable qu′un bon syllogisme est un mensonge, qu′il l′est que la partie est plus grande que le tout.
EL RAZONADOR:
   ¡Vuestros razonamientos! No os dais cuenta de lo que decís. Enseñarme que me engaña mi razón, ¿:no es refutar lo mismo que me dijera en vuestro abono? El que recusa la razón sin valerse de ella, ha de convencer, porque supongamos que me convencéis con vuestros argumentos; ¿:cómo puedo saber yo si mi razón no está corrompida por el pecado, lo que hace que me rinda a lo que decís? Por otra parte, ¿:qué prueba, qué demostración podréis hacer que sea más evidente que el axioma que ha de destruir? Es tan creíble que un buen silogismo sea una falsedad, como que la parte sea mayor que el todo.
L′INSPIRÉ:
  Quelle différence ! Mes preuves sont sans réplique ; elles sont d′un ordre surnaturel.
EL INSPIRADO:
   ¡Qué diferencia! Mis pruebas no tienen réplica, pues son de un orden sobrenatural.
LE RAISONNEUR:
  Surnaturel ! Que signifie ce mot ? Je ne l′entends pas.
EL RAZONADOR:
   ¡Sobrenatural! ¿:Qué significa esta palabra? No la entiendo.
L′INSPIRÉ:
  Des changements dans l′ordre de la nature, des prophéties, des miracles, des prodiges de toute espèce.
EL INSPIRADO:
   Son mutaciones en el orden de la naturaleza, profecías, milagros, prodigios de toda especie.
LE RAISONNEUR:
  Des prodiges ! des miracles ! je n′ai jamais rien vu de tout cela.
EL RAZONADOR:
   ¡Prodigios! ¡Milagros! Nunca vi nada de eso.
L′INSPIRÉ:
  D′autres l′ont vu pour vous. Des nuées de témoins… le témoignage des peuples…
EL INSPIRADO:
   Otros los vieron por vos. Infinidad de testigos..., el testimonio de los pueblos...
LE RAISONNEUR:
  Le témoignage des peuples est-il d′un ordre surnaturel ?
EL RAZONADOR:
   ¿:El testimonio de los pueblos es de orden sobrenatural?
L′INSPIRÉ:
  Non ; mais quand il est unanime, il est incontestable.
EL INSPIRADO:
   No, pero cuando es unánime, es indisputable.
LE RAISONNEUR:
  Il n′y a rien de plus incontestable que les principes de la raison, & l′on ne peut autoriser une a surdité sur le témoignage des hommes. Encore une fois, voyons des preuves surnaturelles, car l′attestation du genre humain n′en est pas une.
EL RAZONADOR:
   No hay nada más incontestable que los principios de la razón y no es posible comprobar un absurdo con el testimonio de los hombres. Vuelvo a repetirlo:
   veamos estas pruebas sobrenaturales, puesto que el testimonio del género humano no lo es.
L′INSPIRÉ:
  Ô cœur endurci ! la grâce ne vous parle point.
EL INSPIRADO:
   ¡Oh, corazón endurecido!, no os habla la gracia.
LE RAISONNEUR:
  Ce n′est pas ma faute ; car, selon vous, il faut avoir déjà reçu la grâce pour savoir la demander. Commencez donc a me parler au lieu d′elle.
EL RAZONADOR:
   No es culpa mía, porque, según decís, es necesario haber recibido ya la gracia para saber pedirla. Habladme vos en vez de ella.
L′INSPIRÉ:
  Ah ! c′est ce que je fais, & vous ne m′écoutez pas. Mais que dites-vous des prophéties ?
EL INSPIRADO:
   Eso es lo que estoy haciendo, y no me escucháis. Pero, ¿:qué decís de las profecías?
LE RAISONNEUR:
  Je dis premièrement que je n′ai pas plus entendu de prophéties que je n′ai vu de miracles. Je dis de plus qu′aucune prophétie ne sauroit faire autorité pour moi.
EL RAZONADOR:
   Digo que del mismo modo que he oído profecías, he visto milagros. Además, digo que ninguna profecía puede tener autoridad para mí.
L′INSPIRE: 
Satellite du démon ! & pourquoi les prophéties ne font-elles pas autorité pour vous ?
EL INSPIRADO:
   ¡Satélite del demonio! ¿:Y por qué no tienen autoridad las profecías para vos?
LE RAISONNEUR:
  Parce que, pour qu′elles la fissent, il faudroit trois choses dont le concours est impossible ; savoir que j′eusse été témoin de la prophétie, que je fusse témoin de l′événement, & qu′il me fût démontré que cet événement n′a pu cadrer fortuitement avec la prophétie ; car, fût-elle plus précise, plus claire, plus lumineuse qu′un axiome de géométrie, puisque la clarté d′une prédiction faite au hasard n′en rend pas l′accomplissement impossible, cet accomplissement, quand il a lieu, ne prouve rien à la rigueur pour celui qui l′a prédit.
EL RAZONADOR:
   Porque para que la tuvieran serían necesarias tres cosas, cuyo concurso es imposible:
   que yo hubiese sido testigo de la profecía, que lo fuese del suceso y que estuviese demostrado que éste no ha podido casar casualmente con la profecía, porque aunque fuese más determinada, más clara, más luminosa que un axioma de geometría, puesto que la claridad de una predicción hecha a la ventura no imposibilita que se cumpla, y cuando sucede este cumplimiento, nada prueba que favorezca al que la predijo.
Voyez donc à quoi se réduisent vos prétendues preuves surnaturelles, vos miracles, vos prophéties. À croire tout cela sur la foi d′autrui, & à soumettre à l′autorité des hommes l′autorité de Dieu parlant à ma raison. Si les vérités éternelles que mon esprit conçoit pouvoient souffrir quelque atteinte, il n′y aurait plus pour moi nulle espèce de certitude ; &, loin d′être sûr que vous me parlez de la part de Dieu, je ne serois pas même assuré qu′il existe. «Contemplad a lo que se reducen vuestras pretendidas pruebas sobrenaturales, vuestros milagros y vuestras profecías. A creer todo esto sobre la palabra de otro y a sujetar a la autoridad de los hombres la autoridad de Dios que habla a mi razón. Si pudieran recibir algún desprecio las verdades eternas que concibe mi inteligencia, para mí dejaría de haber ningún género de incertidumbre, y lejos de estar cierto de que me habláis de parte de Dios, ni siquiera estaría seguro de que Dios existe.
Voilà bien des difficultés, mon enfant, & ce n′est pas tout. Parmi tant de religions diverses qui se proscrivent & s′excluent mutuellement, une seule est la bonne, si tant est qu′une le soit. Pour la reconnaître il ne suffit pas d′en examiner une, il faut les examiner toutes ; &, dans quelque matière que ce soit, on ne doit pas condamner sans entendre [28
; il faut comparer les objections aux preuves ; il faut savoir ce que chacun oppose aux autres, & ce qu′il leur répond. Plus un sentiment nous paraît démontré, plus nous devons chercher sur quoi tant d′hommes se fondent pour ne pas le trouver tel. Il faudroit être bien simple pour croire qu′il suffit d′entendre les docteurs de son parti pour s′instruire des raisons du parti contraire. Où sont les théologiens qui se piquent de bonne foi ? Où sont ceux qui, pour réfuter les raisons de leurs adversaires, ne commencent pas par les affaiblir ? Chacun brille dans son parti : mais tel au milieu des siens est tout fier de ses preuves qui feroit un fort sot personnage avec ces mêmes preuves parmi des gens d′un autre parti. Voulez-vous instruire dans les livres ; quelle érudition il faut acquérir ! que de langues il faut apprendre ! que de bibliothèques il faut feuilleter ! quelle immense lecture il faut faire ! Qui me guidera dans le choix ? Difficilement trouvera-t-on dans un pays les meilleurs livres du parti contraire, à plus forte raison ceux de tous les partis : quand on les trouverait, ils seroient bientôt réfutés. L′absent a toujours tort, & de mauvaises raisons dites avec assurance effacent aisément les bonnes exposées avec mépris. D′ailleurs souvent rien n′est plus trompeur que les livres & ne rend moins fidèlement les sentiments de ceux qui les ont écrits. Quand vous avez voulu juger de la foi catholique sur le livre de Bossuet, vous vous êtes trouvé loin de compte après avoir vécu parmi nous. Vous avez vu que la doctrine avec laquelle on répond aux protestants n′est point celle qu′on enseigne au peuple, & que le livre de Bossuet ne ressemble guère aux instructions du prône. Pour bien juger d′une religion, il ne faut pas l′étudier dans les livres de ses sectateurs, il faut aller l′apprendre chez eux ; cela est fort différent. Chacun a ses traditions, son sens, ses coutumes, ses préjugés, qui font l′esprit de sa croyance, & qu′il y faut joindre pour en juger,
Estas son grandes dificultades, hijo mío, y todavía hay más. Entre tantas religiones diversas que se proscriben y mutuamente se excluyen, una sola es la buena, si hay alguna que lo sea. Para reconocerla, no es suficiente examinar una sola; es preciso examinarlas todas, puesto que en ninguna materia debemos condenar sin antes oír ; es indispensable establecer una comparación entre las objeciones y las pruebas; saber lo que opone cada uno a los demás y lo que responde. Cuanto más demostrada nos parezca una opinión, más debemos indagar en qué se fundan tantos hombres para no creer que están equivocados. Ha de ser muy sencillo quien crea que es suficiente oír a los doctores de su partido para instruirse en las razones del partido contrario. ¿:Dónde están los teólogos que hagan gala de su buena fe? ¿:Dónde los que para rebatir las razones de sus contrarios no las debiliten primero? Cada uno se luce en su partido, pero hay quien entre los suyos está muy ufano con sus pruebas y haría un papel muy tonto entre las personas de otro partido. ¿:Queréis instruiros en los libros? Cuánta erudición tendréis que adquirir, cuántas lenguas que aprender, cuántas bibliotecas que ver y libros y más libros que leer. Por la elección, ¿:quién me guiará? Difícilmente habrá en un país los mejores libros del partido contrario, y con más razón no se encontrarán los de todos los partidos, y aun cuando los hubiera, pronto los rebatirían. Siempre queda mal el ausente, y razones fútiles expresadas con arrogancia fácilmente eclipsan las irrebatibles que se exponen con desdén. Además, regularmente no hay nada que engañe más que los libros, ni que con menos fidelidad represente la idea de quien los ha escrito. Cuando habéis querido realizar juicios sobre la fe católica por medio del libro de Bossuet, os habéis hallado muy desviados de vuestra idea después de haber vivido con nosotros. Habéis visto que la doctrina con que se responde a los protestantes no es la misma que se enseña al pueblo, y que no tienen ningún parecido con el libro de Bossuet las enseñanzas de nuestros sermones. Para apreciar bien una religión, no debe ser estudiada en los libros de sus partidarios, sino que es preciso ir a aprenderla en el país, lo que es muy distinto. Cada país tiene sus tradiciones, su sentido, sus prácticas, sus preocupaciones, que forman el espíritu de su creencia y que se ha de unir con ella para juzgar bien.
Combien de grands peuples n′impriment point de livres & ne lisent pas les nôtres ! Comment jugeront-ils de nos opinions ? comment jugerons-nous des leurs ? Nous les raillons, ils nous méprisent, &, si nos voyageurs les tournent en ridicule, il ne leur manque, pour nous le rendre, que de voyager parmi nous. Dans quel. pays n′y a-t-il pas des gens sensés, des gens de bonne foi, d′honnêtes gens amis de la vérité, qui, pour la professer, ne cherchent qu′à la connaître ? Cependant chacun la voit dans son culte, & trouve absurdes les cultes des autres nations : donc ces cultes étrangers ne sont pas si extravagants qu′ils nous semblent, ou la raison que nous trouvons dans les nôtres ne prouve rien. »Si hay tantos países populosos que no imprimen libros ni leen los nuestros, ¿:cómo juzgarán nuestras opiniones y cómo decidiremos nosotros de las suyas? Nos reímos de ellos y ellos nos desprecian, y si nuestros viajeros los ridiculizan, para pagárnoslo no les falta más que viajar por nuestros países. ¿:En qué tierra no hay personas de juicio, de buena fe, de honradez y amantes de la verdad, que para abrazarla sólo desean conocerla? No obstante, cada uno siente su culto y cree absurdos los de las demás naciones; luego, o estos cultos de países extraños no son tan extravagantes como nos parecen, o la razón que en los nuestros encontramos nada prueba.
Nous avons trois principales religions en Europe. L′une admet une seule révélation, l′autre en admet deux, l′autre en admet trois. Chacune déteste, maudit les autres, les accuse d′aveuglement, d′endurcissement, d′opiniâtreté, de mensonge. Quel homme impartial osera juger entre elles, s′il n′a premièrement bien pesé leurs preuves, bien écouté leurs raisons ? Celle qui n admet qu′une révélation est la plus ancienne, & paraît la plus sûre ; celle qui en admet trois est la plus moderne, & paraît la plus conséquente ; celle qui en admet deux, & rejette la troisième, peut bien être la meilleure, mais elle a certainement tous les préjugés contre elle, l′inconséquence saute aux yeux. »En Europa tenemos tres principales religiones: la una admite una sola revelación, la otra admite dos y la otra tres. Cada una detesta y maldice las otras, las acusa de ceguedad, de endurecimiento, de obstinación y de mentira. ¿:Qué hombre imparcial osará juzgarlas sin antes haber medido con detalle sus pruebas y escuchado con atención sus razones? La que sólo admite una revelación es la más antigua y parece la más segura; la que admite tres es la más moderna y parece la más consciente; la que admite dos y detesta la tercera, puede ser la mejor, pero tiene todas las preocupaciones en contra suya, la inconsecuencia salta a la vista.
Dans les trois révélations, les livres sacrés sont écrits en des langues inconnues aux peuples qui les suivent. Les juifs n′entendent plus l′hébreu, les Chrétiens n′entendent ni l′hébreu ni le grec ; les Turcs ni les Persans n′entendent point l′arabe ; & les Arabes modernes eux-mêmes ne parlent plus la langue de Mahomet. Ne voilà-t-il pas une manière bien simple d′instruire les hommes, de leur parler toujours une langue qu′ils n′entendent point ? On traduit ces livres, dira-t-on. Belle réponse ! Qui m′assurera que ces livres sont fidèlement traduits, qu′il est même possible qu′ils le soient ? & quand Dieu fait tant que de parler aux hommes, pourquoi faut-il qu′il ait besoin d′interprète ? »En las tres revelaciones, los libros sagrados están escritos en lenguas ignoradas de los pueblos que las siguen; los judíos ya no entienden el hebreo, los cristianos no entienden el hebreo ni el griego, y ni los turcos ni los persas entienden el árabe, lo mismo que los árabes modernos no entienden ni hablan la lengua de Mahoma. ¿:No es verdaderamente una manera muy simple de instruir a los hombres y hablarles en una lengua que no entienden? Estos libros están traducidos, dirán. ¡Buena respuesta! ¿:Quién me asegurará que estos libros están traducidos fielmente ni que sea posible que lo estén? Y cuando Dios hace tanto tiempo que habla con los hombres, ¿:por qué necesitó" El un intérprete?
Je ne concevrai jamais que ce que tout homme est obligé de savoir soit enfermé dans des livres, & que celui qui n′est à portée ni de ces livres, ni des gens qui les entendent soit puni d′une ignorance involontaire. Toujours des livres ! quelle manie ! Parce que l′Europe est pleine de livres, les Européens les regardent comme indispensables, Sans songer que, sur les trois quarts de la terre, on n′en a jamais vu. Tous les livres n′ont-ils pas été écrits par des hommes ? Comment donc l′homme en aurait-il besoin pour connoître ses devoirs ? & quels moyens avait-il de les connoître avant que ces livres fussent faits ? Ou il apprendra ses devoirs de lui-même, ou il est dispensé de les savoir. »Jamás concebiré que lo que todo hombre esté obligado a saber esté contenido en los libros, y que el que no pueda consultar estos libros y los que no los entiendan sean castigados por una involuntaria ignorancia. ¡Siempre libros! ¡Qué manía! Porque Europa está abarrotada de libros, los europeos los tienen por indispensables, sin ver que en las tres cuartas partes de la tierra nunca han visto uno. ¿:No están escritos por hombres todos los libros? Pues, ¿:cómo ha de precisar de ellos para conocer sus deberes? ¿:Y qué medios tenía para conocerlos antes de que se hubieran escrito esos libros? O aprenderá estos deberes por sí mismo, o está dispensado de saberlos.
Nos Catholiques font grand bruit de l′autorité de l′église ; mais que gagnent-ils à cela, s′il leur faut un aussi grand appareil de preuves pour établit cette autorité, qu′aux autres sectes pour établir directement leur doctrine ? se décide que l′église a droit de décider. Ne voilà-t-il pas une autorité bien prouvée ? Sortez de là, vous rentrez dans toutes nos discussions. »Nuestros católicos hacen mucho ruido con la autoridad de la Iglesia. ¿:Qué ganan con eso, si necesitan para imponer su autoridad, tanto aparato de pruebas como las otras sectas para establecer directamente su doctrina? La Iglesia decide que la Iglesia tiene derecho de decidir. Cierto, la autoridad está bien probada. Salid de esto y os metéis en todas nuestras discusiones.
Connaissez-vous beaucoup de chrétiens qui oient pris la peine d′examiner avec soin ce que le judaïsme allègue contre eux ? Si quelques-uns en ont vu quelque chose, c′est dans les livres des chrétiens. Bonne manière de s′instruire des raisons de leurs adversaires ! Mais comment faire ? Si quelqu′un osoit publier parmi nous des livres où l′on favoriseroit ouvertement le judaïsme, nous punirions l′auteur, l′éditeur, le libraire [29
. Cette police est commode & sûre, pour avoir toujours raison. Il y a plaisir à réfuter des gens qui n′osent parler.
»¿:Conocéis a muchos cristianos que se hayan tomado la molestia de examinar escrupulosamente lo que alega el judaísmo contra ellos? Si hay alguien que ha visto algo, ha sido en los libros de los cristianos. ¡Buena forma de instruirse en los razonamientos de sus contrarios! Pero, ¿:qué se puede hacer? Si hubiera alguien en nuestro país que se atreviera a publicar un libro afirmando y esforzándose en probar que Jesucristo no es el Mesías, se castigaría al autor, al editor y al librero . Este camino es cómodo y seguro para tener siempre razón; es muy fácil refutar a quien no se atreve a responder.
Ceux d′entre nous qui sont à portée de converser avec des juifs ne sont guère plus avancés. Les malheureux se sentent à notre discrétion ; la tyrannie qu′on exerce envers eux les rend craintifs ; ils savent combien peu l′injustice & la cruauté coûtent à la charité chrétienne : qu′oseront-ils dire sans s′exposer à nous faire crier au blasphème ? L′avidité nous donne du zèle, & ils sont trop riches pour n′avoir pas tort. Les plus savants, les plus éclairés sont toujours les plus circonspects. Vous convertirez quel que misérable, payé pour calomnier sa secte ; vous ferez parler quelques vils fripiers, qui. céderont pour vous flatter vous triompherez de leur ignorance ou de leur lâcheté, tandis que leurs docteurs souriront en silence de votre ineptie. Mais croyez-vous que dans des lieux où ils se sentiroient en sûreté l′on eût aussi bon marché d′eux ? En Sorbonne, il est clair comme le jour que les prédictions du Messie se rapportent à Jésus-Christ. Chez les rabbins d′Amsterdam, il est tout aussi clair qu′elles n′y ont pas le moindre rapport. je ne croirai jamais avoir bien entendu les raisons des juifs, qu′ils n′aient un état libre, des écoles, des universités, où ils puissent parler & disputer sans risque. Alors seulement nous pourrons savoir ce qu′ils ont à dire. »Aquellos de nosotros que pueden conversar con los judíos están poco más adelantados. Los desgraciados están a nuestra merced; la tiranía que con ellos se ejerce los atemoriza. Sabiendo lo fácil que le es a la caridad cristiana la crueldad y la injusticia, ¿:cómo se han de atrever a lamentarse sin exponerse que les gritemos "al blasfemo"? La codicia nos espolea, y para que no se les culpe son demasiado ricos. Los más eruditos y los más ilustrados son siempre los más circunspectos. Convertiréis a algún miserable sobornado para calumniar su secta; haréis hablar a algunos pordioseros viles que cederán para adularos; triunfaréis de su ignorancia y su cobardía, mientras que sus doctores se reirán en silencio de vuestra estupidez. Pero, ¿:creéis que en países donde se viesen seguros sería tan fácil arrollarlos? En la Sorbona, es claro como la luz del día que las predicciones del Mesías se aplican a Jesucristo, y entre los rabinos de Amsterdam, no deja de ser claro que ninguna conexión tienen con él. Nunca creeré que me hayan dicho todas sus razones los judíos mientras no tengan un Estado libre, escuelas y universidades donde puedan hablar y disputar sin peligro; sólo entonces sabremos lo que pueden alegar.
À Constantinople les Turcs disent leurs raisons, mais nous n′osons dire les nôtres ; là c′est notre tour de ramper. Si les Turcs exigent de nous pour Mahomet, auquel nous ne croyons point le même respect que nous exigeons pour Jésus-Christ des Juifs qui n′y croient pas davantage, les Turcs ont-ils tort ? avons-nous raison ? sur quel principe équitable résoudrons-nous cette question ? »En Constantinopla, los turcos dicen sus razones, allí nosotros no nos aventuramos a decir las nuestras; allí nos toca ceder. Si los turcos nos exigen su mismo respeto a Mahoma, en quien no creemos, nosotros lo exigimos de los judíos a Jesucristo, en quien ellos tampoco creen. ¿:Obran mal los turcos? ¿:Obramos nosotros bien? ¿:Por qué principio de equidad resolveremos esta cuestión?
Les deux tiers du genre humain ne sont ni juifs, ni Mahométans, ni Chrétiens ; et combien de millions d′hommes n′ont jamais oui parler de moïse, de Jésus-Christ, ni de Mahomet ! On le nie ; on soutient que nos missionnaires vont partout. Cela est bientôt dit. Mais vont-ils dans le cœur de l′Afrique encore inconnue, & où jamais Européen n′a pénétré jusqu, à présent ? Vont-ils ans la Tartarie méditerranée suivre à cheval les hordes ambulantes, dont jamais étranger n′approche, & qui, loin d′avoir ouï parler du pape, connoissent à peine le grand lama ? Vont-ils dans les continents immenses de Amérique, où des nations entières ne savent pas encore que des peuples d′un autre monde ont mis les pieds dans le leur ? Vont-ils au Japon, dont leurs manœuvres les ont fait chasser pour jamais, & où leurs prédécesseurs ne sont connus des générations qui naissent que comme des intrigants ruses, venus avec un zèle hypocrite pour s′emparer doucement de l′empire ? Vont-ils dans les harems des princes de l′Asie annoncer l′évangile à des milliers de pauvres esclaves ? Qu′ont fait les femmes de cette partie du monde pour qu′aucun missionnaire ne puisse leur prêcher la foi ? Iront-elles toutes en enfer pour avoir été recluses ? »Las dos terceras partes del linaje humano no son ni judíos, ni mahometanos, ni cristianos, ¡y cuántos millones de hombres jamás han oído hablar de Moisés, ni de Jesucristo, ni de Mahoma! Los niegan, y sostienen que nuestros misioneros van a todas partes, lo que es muy fácil decir. Pero, ¿:acaso van al interior de África todavía desconocido, allí donde hasta ahora nunca se adentró un europeo? ¿:Van a la Tartaria mediterránea, siguiendo a caballo las hordas errantes, a las que nunca se acercó un extranjero, y que lejos de haber oído hablar del papa, apenas tienen idea del gran lama? ¿:Van a los inmensos continentes de América, donde naciones enteras aún no saben que han puesto el pie en el suyo pueblos de otro mundo? ¿:Van a Japón, de donde sus malas artes los han hecho arrojar para siempre, y donde las generaciones que nacen solamente conocen a sus predecesores como a entrometidos astutos, que con un fervor hipócrita y una fingida blandura habían ido a apoderarse del imperio? ¿:Van a los serrallos de los príncipes de Asia a anunciar el Evangelio a millones de pobres esclavos? ¿:Qué delito han cometido las mujeres de esta parte del mundo para que ningún misionero les pueda predicar la fe? ¿:Irán todas al infierno por haber vívido recluidas?
Quand il seroit vrai que l′évangile est annoncé par toute la terre, qu′y gagnerait-on ? la veille du jour que le premier missionnaire est arrivé dans un pays, il y est sûrement mort quelque′un qui n′a pu l′entendre. Or, dites-moi ce que nous ferons de ce quelque′un-là. N′y eût-il dans tout l′univers qu′un seul homme à qui l′on n′auroit jamais prêché Jésus-Christ, l′objection seroit aussi forte pour ce seul homme que pour le quart du genre humain. »Aun cuando fuese verdad que se anunciara el Evangelio en toda la tierra, ¿:qué se adelantaría con eso? La víspera del día que llegó un misionero a un país, murió alguien que no pudo oírle. Decidme, pues, ¿:qué haremos si en todo el universo no se hallase más que con ese alguien, ese solo hombre a quien no hubiesen predicado la ley de Jesucristo? Sería tan fuerte la objeción con respecto a este hombre único como con respecto a la cuarta parte del género humano.
Quand les ministres de l′évangile se sont fait entendre aux peuples éloignés, que leur ont-ils dit qu′on pût raisonnablement admettre sur leur parole, & qui ne demandât pas la plus exacte vérification ? Vous m′annoncez un Dieu né & mort il y a deux mille ans, à l′autre extrémité du monde, dans je ne sais quelle petite ville, et vous me dites que tous ceux qui n′auront point cru à ce mystère seront damnés. Voilà des choses bien étranges pour les croire si vite sur la seule autorité d′un homme que le ne connois point ! Pourquoi votre Dieu a-t-il fait arriver si loin de moi les événements dont il vouloit m′obliger d′être instruit ? Est-ce un crime d′ignorer ce qui se passe aux antipodes ? Puis-le deviner qu′il y a eu dans un autre hémisphère un peuple hébreu & une ville de Jérusalem ? Autant vaudrait m′obliger de savoir ce qui se fait dans la lune. Vous venez, dites-vous, me l′apprendre ; mais pourquoi n′êtes-vous pas venu l′apprendre à mon père ? ou pourquoi damnez-vous ce bon vieillard pour n′en avoir jamais rien su ? Doit-il être éternellement puni de votre paresse, lui qui étoit si bon, si bienfaisant, & qui ne cherchoit que la vérité ? Soyez de bonne foi, puis mettez-vous à ma place : voyez si je dois, sur votre seul témoignage, croire toutes les choses incroyables que vous me dites, & concilier tant d′injustices avec le Dieu juste que vous m′annoncez. Laissez-moi, de grâce, aller voir ce pays lointain où s′opérèrent tant de merveilles inouïes dans celui-ci, que j′aille savoir pourquoi les habitants de cette Jérusalem ont traité Dieu comme un brigand. Ils ne l′ont pas, dites-vous, reconnu pour Dieu. Que ferai-je donc, moi qui n′en ai jamais entendu parler que par vous ? Vous ajoutez qu′ils ont été punis, dispersés, opprimés, asservis, qu′aucun d′eux n′approche plus de la même ville. Assurément ils ont bien mérité tout cela ; mais les habitants d′aujourd′hui, que disent-ils du déicide de leurs prédécesseurs ? Ils le nient ils ne reconnaissent pas non plus Dieu pour Dieu. Autant valoit donc laisser les enfants des autres. »Cuando los ministros del Evangelio se hicieron oír de los pueblos remotos, ¿:qué les dijeron que pudiesen creer sobre su palabra, que fuese conforme a la razón y que no exigiese la más escrupulosa comprobación? Me anunciáis un Dios nacido y muerto hace dos mil años, al otro extremo del mundo, en no sé qué pueblecito, y me decís que se condenarán todos los que no crean en este misterio. Son cosas muy extrañas para ser creídas tan pronto v sólo por la autoridad de un hombre que no conocen. ¿:Por qué ha hecho vuestro Dios que sucedieran allá, tan lejos, todos estos acontecimientos, queriendo obligarme a que me instruyera de ellos? ¿:Ignorar lo que sucede en los antípodas es un delito? ¿:Yo puedo adivinar que existe en otro hemisferio un pueblo hebreo y una ciudad de Jerusalén? Eso sería equivalente a que me obligaran a saber lo que pasa en la luna. Decís que habéis venido a enseñármelo, pero, ¿:por qué no vinisteis a enseñárselo a mi padre? ¿:O por qué condenáis a aquel anciano porque nunca lo supo? ¿:Ha de ser eternamente castigado por vuestra pereza, él, que era tan bueno, tan generoso y que sólo buscaba la verdad? Poneos de buena fe en mi lugar, ved si por vuestro único testimonio debo creer todas las cosas increíbles que decís y conciliar tantas injusticias con el Dios justo que me anunciáis. Permitidme que vaya a conocer ese milagroso país, donde paren las vírgenes, donde nacen, comen y padecen los dioses, y que vaya a saber por qué trataron a Dios como a un facineroso los moradores de esa Jerusalén. Decís que no le reconocieron como a Dios; ¿:qué haré yo, que jamás le había oído nombrar, hasta que me habéis hablado de él? Añadís que han sido castigados, dispersos, oprimidos, esclavizados; que ninguno de ellos se aproxima ya a aquella ciudad. Bien merecido lo tienen, pero, ¿:qué dicen los habitantes de ahora del deicidio de sus predecesores? Lo niegan, y tampoco reconocen por Dios a Dios. Pues para eso, bien podían dejar allí a los descendientes de los primeros.
Quoi ! dans cette même ville où Dieu est mort, les anciens ni les nouveaux habitants ne l′ont point reconnu, & vous voulez que je le reconnaisse, moi qui suis né deux mille ans après à deux mille lieues de là ! Ne voyez-vous pas qu′avant que j′ajoute foi à ce livre que vous appelez sacré, & auquel je ne comprends rien, je dois savoir par d′autres que vous quand & par qui il a été fait, comment il s′est conservé, comment il vous est parvenu, ce que disent dans le pays, pour leurs raisons, ceux qui le rejettent, quoiqu′ils sachent aussi bien que vous tout ce que vous m′apprenez ? Vous sentez bien qu′il faut nécessairement que j′aille en Europe, en Asie, en Palestine, examiner tout par moi-même : il faudroit que je fusse fou pour vous écouter avant ce temps-là. »¡Cómo! En esa misma ciudad donde murió Dios, ni los antiguos ni los nuevos moradores le han reconocido. ¿:Y queréis que le reconozca yo, que he nacido dos mil años después y a dos mil leguas de distancia? ¿:No veis que antes de dar crédito a ese libro que llamáis sagrado, y del cual nada comprendo, debo saber por otros, no por vos, cuándo y por quién fue compuesto, cómo se han conservado, cómo han llegado a vosotros, las razones que alegan los que en su país lo repudian, aunque sepan tan bien como vos todo lo que me enseñáis? Ya veis que es necesario que yo vaya a Europa, a Asia, a Palestina, a examinarlo todo por mí mismo; sería necesario que hubiese perdido el juicio para escucharos antes de entonces.
Non seulement ce discours me paraît raisonnable, mais je soutiens que tout homme sensé doit, en pareil cas, parler ainsi & renvoyer bien loin le missionnaire qui, avant la vérification des preuves, veut se dépêcher de l′instruire & de le baptiser. Or je soutiens qu′il n′y a pas de révélation contre laquelle les mêmes objections n′aient autant & plus de force que contre le christianisme. D′où il suit que s′il n′y a qu′une religion véritable, & que tout homme soit obligé de la suivre sous peine de damnation, il faut passer sa vie à les étudier toutes, à les approfondir, à les comparer, à parcourir les pays où elles sont établies : nul n′est exempt du premier devoir de l′homme, nul n′a droit de se fier au jugement d′autrui. L′artisan qui ne vit que de son travail, le laboureur qui ne sait pas lire, la jeune fille délicate & timide, l′infirme qui peut à peine sortir de son lit, tous, sans exception, doivent étudier, méditer, disputer, voyager, parcourir le monde : il n′y aura plus de peuple fixe & stable ; la terre entière ne sera couverte que de pèlerins allant à grands frais, & avec de longues fatigues, vérifier, comparer, examiner par eux-mêmes les cultes divers qu′on y suit. Alors, adieu les métiers, les arts, les sciences humaines, & toutes les occupations civiles, il ne peut plus y avoir d′autre étude que celle de la religion : à grand′peine celui qui aura joui de la santé la plus robuste, le mieux employé son temps, le mieux usé de sa raison, vécu le plus d′années, saura-t-il dans sa vieillesse à quoi s′en tenir ; & ce sera beaucoup s′il apprend avant sa mort dans quel culte il auroit dû vivre. »El discurso no sólo me parece razonable, sino que sostengo que en semejante caso todo hombre de juicio debe hablar así, despidiendo al misionero que antes de presentar sus pruebas se apresura a instruirle y a bautizarle. Y sostengo que no hay revelación contra la cual no tengan las mismas objeciones tantas fuerza como contra el cristianismo, y todavía más, de donde se deduce que si no hay más que una religión verdadera, y si está obligado todo hombre a seguirla, bajo pena de condenación eterna, es preciso pasar la vida estudiándolas todas, profundizándolas, comparándolas, recorriendo los países donde están establecidas. Nadie está exento del primer deber del hombre, nadie tiene derecho a fiar en el juicio ajeno. El artesano que sólo vive de su trabajo, el labrador que no sabe leer, la joven tímida y delicada, el enfermo que apenas se puede levantar de la cama, todos sin excepción deben estudiar, meditar, viajar; no habrá pueblo estable y fijo y toda la tierra estará llena de peregrinos que irán con grandes gastos e innumerables fatigas a comprobar, comparar, examinar por sí mismos los diversos cultos que se siguen. Entonces, adiós oficios, artes, ciencias humanas y todas las ocupaciones civiles; ya no puede haber otro estudio que el de la religión, con grandes penas, el que haya disfrutado de ,más robusta salud, empleado mejor el tiempo, hecho mejor uso de la razón y vivido más años, sabrá, cuando sea viejo, a qué se debe atener, y será mucho que antes de su muerte sepa en qué culto hubiera debido vivir.
Voulez-vous mitiger cette méthode, & donner la moindre prise à l′autorité des hommes ? À l′instant vous lui rendez tout ; & si le fils d′un Chrétien fait bien de suivre, sans un examen profond & impartial, la religion de son père, pourquoi le fils d′un Turc ferait-il mal de suivre de même la religion du sien ? je défie tous les intolérants de répondre à cela rien qui contente un homme sensé. »¿:Queréis suavizar ese método y conceder algo a la autoridad de los hombres? Al instante se lo restituís todo, y si el hijo de un cristiana obra bien, aun cuando sin un profundo examen sigue la religión de su padre, ¿:por qué ha de obrar mal el hijo de un turco que igualmente sigue la religión del suyo? Desafío a todos los intolerantes del mundo a que respondan a esto de modo que complazca a un hombre sensato.
Pressés par ces raisons, les uns aiment mieux faire Dieu injuste, & punir les innocents du péché de leur père, que de renoncer à leur barbare dogme. Les autres se tirent d′affaire en envoyant obligeamment un ange instruire quiconque, dans une ignorance invincible, auroit vécu moralement bien. La belle invention que cet ange ! Non contents de nous asservir à leurs machines, ils mettent Dieu lui-même dans la nécessité d′en employer. »Forzados por estas razones, unos prefieren hacer injusto a Dios y castigar a los inocentes por el pecado de su padre antes que renunciar a este bárbaro dogma; los otros escapan de la dificultad enviando cortésmente a un ángel para que instruya a aquel que por una invencible ignorancia haya vivido moralmente bien. ¡Qué bella invención la de este ángel! No satisfechos con esclavizarnos a sus máquinas, ponen a Dios en la necesidad de emplearlas.
Voyez, mon fils, à quelle absurdité mènent l′orgueil & l′intolérance, quand chacun veut abonder dans son sens, & croire avoir raison exclusivement au reste du genre humain je prends à témoin ce Dieu de paix que j′adore & que je vous annonce, que toutes mes recherches ont été sincères- ; mais voyant qu′elles étaient, qu′elles seroient toujours sans. succès, & que je m′abymois dans un océan sans rives, le suis revenu sur mes pas, & j′ai resserré ma foi dans mes notions primitives. Je n′ai jamais pu croire que Dieu m′ordonnât, sous peine de l′enfer, d′être savant. J′ai donc refermé tous les livres. Il en est un seul ouvert à tous les yeux, c′est celui de la nature. C′est dans ce grand & sublime livre que j′apprends à servir & adorer son divin auteur. Nul n′est excusable de n′y pas lire, parce qu′il parle à tous les hommes une langue intelligible à tous les esprits. Quand je serois né dans une île déserte, quand je n′aurois point vu d′autre homme que moi, quand je n′aurais jamois appris ce qui s′est fait anciennement dans un coin du monde ; si j′exerce ma raison, si je la cultive, si j′use bien des facultés immédiates que Dieu me donne, j′apprendrai de moi-même à le connaître, à l′aimer, à aimer ses œuvres, à vouloir le bien qu′il veut, & à remplir pour lui plaire tous mes devoirs sur la terre. Qu′est-ce que tout le savoir des hommes m′apprendra de plus ? »Ved, hijo mío, a qué absurdos conducen el orgullo y la intolerancia cuando cada uno se obstina en sus ideas y quiere tener más razón que el resto del género humano. Tomo por testigo a este Dios de paz, que adoro y os anuncio, que han sido sinceras todas mis investigaciones, pero viendo que eran y serían siempre sin fruto, y que me sumergía en un océano sin riberas, he vuelto atrás y he mantenido mi fe en mis primitivas nociones. Nunca he podido creer que Dios me ordenara saber tanto, so pena del infierno. He cerrado, pues, todos mis libros. Sólo hay uno abierto a los ojos de todos, y ése es el de la naturaleza; en este grande y sublime libro aprendo a servir, a adorar a su divino autor. No tiene excusa el que no lo lee, porque habla a los hombres en una lengua comprensible a todos los espíritus. Aunque yo hubiera nacido en una isla desierta y no hubiese visto a ningún hombre, ni me hubiesen explicado lo que aconteció antiguamente en un rincón del mundo, si ejercito mi razón, si la cultivo, si hago buen uso de las facultades inmediatas que Dios me ha dado, aprenderé por mí mismo a conocerle, a amarle, a estimar sus obras, a querer el bien que quiere El y a desempeñar por complacerle todas mis obligaciones en la tierra. ¿:Qué otra cosa me enseñará todo el saber de los hombres?
À l′égard de la révélation, si j′étois meilleur raisonneur ou mieux instruit, peut-être sentirais-je sa vérité, son utilité pour ceux qui ont le bonheur de la reconnaître ; mais si je vois en sa faveur des preuves que. Je ne puis combattre, je vois aussi contre elle des objections que je ne puis résoudre. Il y a tant de raisons solides pour & contre, que, ne sachant à quoi me déterminer, je ne l′admets ni ne la rejette ; je rejette seulement l′obligation de la reconnaître, parce que cette obligation prétendue est incompatible avec la justice de Dieu, & que, loin de lever par là les obstacles au salut, il les eût multipliés, il les eut rendus insurmontables pour la grande partie du genre humain. À cela près, je reste sur ce point dans un doute respectueux. Je n′ai la présomption de me croire infaillible : d′autres hommes ont pu décider ce qui me semble indécis ; je raisonne pour moi & non pas pour eux ; je ne les blâme ni ne les imite : leur jugement peut être meilleur que le mien ; mais il n′y a pas de ma faute si ce n′est pas le mien. »Referente a la revelación, si yo razonase mejor o fuese más instruido, acaso vería su verdad y su utilidad para los que tienen la dicha de reconocerla, pero si hallo en su favor pruebas que no puedo rebatir, veo también objeciones que no puedo resolver. Hay tantas razones sólidas en favor y en contra que no sabiendo cómo determinarme, ni la admito ni la desecho; solamente rechazo la obligación de reconocerla para salvarse, porque esta pretendida obligación es incompatible con la justicia de Dios, y lejos de remover así los obstáculos para la salvación, los hubiera multiplicado y hecho insuperables para la mayor parte del género humano. Exceptuando este punto, permanezco en una respetuosa duda. No tengo la presunción de creerme infalible; otros han podido decidir lo que me parece indeciso, pero yo razono por mí, no por ellos; ni los censuro, ni los imito. Su juicio puede ser más acertado que el mío, pero yo no tengo la culpa de pensar de otro modo.
Je vous avoue aussi que la majesté des écritures m′étonne, que la sainteté de l′évangile parle à mon cœur. Voyez les livres des philosophes avec toute leur pompe : qu′ils il y sont petits près de celui-là ! Se peut-il qu′un livre a la fois si sublime & si simple soit l′ouvrage des hommes ?Se peut-il que celui dont il fait l′histoire ne soit qu′un homme lui-même ? Est-ce là le ton d′un enthousiaste ou d′un ambitieux sectaire ? Quelle douceur, quelle pureté dans ses mœurs ! quelle grâce touchante dans ses instructions ! quelle élévation dans ses maximes ! quelle profonde sagesse dans ses discours ! quelle présence d′esprit, quelle finesse et quelle justesse dans ses réponses ! quel empire sur ses passions ! Où est l′homme, où est le sage qui sait agir, souffrir & mourir sans faiblesse & sans ostentation ? Quand Platon peint son juste imaginaire [30
couvert de tout l′opprobre du crime, et tous les prix de la vertu, il peint trait pour trait Jésus-Christ : la ressemblance est si frappante, que tous les Pères l′ont sentie, & qu′il n′est pas possible de s′y tromper. Quels préjugés, quel aveuglement ne faut-il point avoir pour oser comparer le fils de Sophronisque au fils de Marie ? Quelle distance de l′un à l′autre ! Socrate, mourant sans douleur, sans ignominie, soutint aisément jusqu′au bout son personnage ; & si cette facile mort n′eût honoré sa vie, on douteroit si Socrate, avec tout son esprit, fut autre chose qu′un sophiste. Il inventa, dit-on, la morale ; d′autres avant lui l′avoient mise en pratique ; il ne fit que dire ce qu′ils avoient fait, il ne fit que mettre en leçons leurs exemples. Aristide avoit été juste avant que Socrate eût dit ce que c′étoit que justice ; Léonidas étoit mort pour son pays avant que Socrate eût fait un devoir d′aimer la patrie ; Sparte étoit sobre avant que Socrate eût loué la sobriété ; avant qu′il eut défini la vertu, la Grèce abondoit en hommes vertueux. Mais où jésus avait-il pris chez les siens cette morale élevée et pure dont lui seul a donné les leçons & l′exemple
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? Du sein du plus furieux fanatisme la plus haute sagesse se fit entendre ; & la simplicité des plus héroïques vertus honora le plus vil de tous les peuples. La mort de Socrate, philosophant tranquillement avec ses amis, est la plus douce qu′on puisse désirer ; celle de Jésus expirant dans les tourments, injurié, raillé. maudit de tout un peuple, est la plus horrible qu′on puisse craindre. Socrate prenant la coupe empoisonnée bénit celui qui la lui présente & qui pleure ; Jésus, au milieu d′un supplice affreux, prie pour ses bourreaux acharnés. Oui, si la vie & la mort de Socrate sont d′un sage, la vie & la mort de Jésus sont d′un Dieu. Dirons-nous que l′histoire de l′évangile est inventée à plaisir ? Mon ami, ce n′est pas ainsi qu′on invente ; & les faits de Socrate, dont personne ne doute, sont moins attestés que ceux de Jésus-Christ. Au fond c′est reculer la difficulté sans la détruire ; il seroit plus inconcevable que plusieurs hommes d′accord eussent fabriqué ce livre qu′il ne l′est qu′un seul en ait fourni le sujet. Jamais les auteurs juifs n′eussent trouvé ni ce ton ni cette morale ; et l′évangile a des caractères de vérité si grands, si frappants, si parfaitement inimitables, que l′inventeur en seroit plus étonnant que le héros. Avec tout cela, ce même évangile est plein de choses incroyables, de choses qui répugnent à la raison, & qu′il est impossible à tout homme sensé de concevoir ni d′admettre. Que faire au milieu de toutes ces contradictions ? être toujours modeste & circonspect, mon enfant ; respecter en silence ce qu′on ne sauroit ni rejeter, ni comprendre, et s′humilier devant le grand être qui seul sait la vérité.
»Os confieso igualmente que la santidad del Evangelio es un argumento que habla a mi corazón y que sentiría encontrar alguna verdadera objeción contra él. Mirad los libros de los filósofos con todo su aparato. ¡Qué ridículos son al lado de éste! ¿:Es posible que un libro tan sencillo, tan sublime haya salido de los hombres? ¿:Es posible que aquel cuya historia narra no sea más que un hombre? ¿:Es ése el estilo de un ardiente seguidor o de un ambicioso sectario? ¡Qué blandura, qué costumbres más puras! ¡Qué delicada gracia en sus instrucciones! ¡Qué máximas más sublimes! ¡Qué sabiduría más honda en sus juicios! ¡Qué claridad y qué justas sus respuestas! ¡Qué gobierno de sus pasiones! ¿:Dónde está el hombre, dónde el sabio que sabe obrar, sufrir y ser conducido al patíbulo sin temor ni orgullo? Cuando retrata Platón un justo imaginario, cubierto con el oprobio del delito y merecedor de todas las recompensas de la virtud, pinta escena a escena a Jesucristo, y la semejanza tiene tal perfección que se han dado cuenta todos los padres y no es posible caer en el error. ¿:Qué preocupaciones, qué obcecación o qué mala intención ha de poseer quien se atreva a poner en comparación al hijo de Sofronisco con el hijo de María? ¡Qué distantes uno del otro! Sócrates, muriendo sin dolor, sin ignominia, sostuvo con facilidad hasta el final su papel, y si esta muerte tan fácil no hubiera adornado su vida, acaso creeríamos que con toda su sabiduría, Sócrates no pasó de ser un sofista. Se opina que inventó la moral, pero otros la habían practicado antes que él; no hizo otra cosa que colocar en lecciones sus ejemplos. Arístides había sido justo antes de que hubiera dicho Sócrates qué cosa era la justicia. Leónidas fue muerto por su pueblo antes de que Sócrates dictase como una obligación el amor a la patria. Esparta se distinguía por su sobriedad antes de que Sócrates distinguiese la sobriedad en virtuosas figuras. Pues, ¿:dónde había aprendido Jesús aquella pura y sublime moral, cuyo ejemplo y lecciones únicamente El nos ha legado? . En la entraña del más feroz fanatismo se hizo oír la más elevada sabiduría, y la sencillez de las virtudes más nobles honró al más despreciable de todos los pueblos. La muerte de Sócrates, filosofando tranquilo y rodeado de sus amigos, es la más dulce que pueda esperarse; la de Jesús expirando en el patíbulo, afrentado, escarnecido, maldito de un pueblo entero, es la más horrible que puede temerse. Sócrates, bebiendo la copa envenenada, da la bendición al verdugo que lloroso se la presenta; Jesús, en medio de un horroroso suplicio, pide perdón para los que le martirizan. Si la vida y la muerte de Sócrates son de un sabio, la vida y la muerte de Jesús son únicamente de Dios. ¿:Pensaremos que la historia del Evangelio ha sido inventada? Amigo mío, nada inventa así, y los hechos de Sócrates, de los que nadie duda, están menos comprobados que los de Jesucristo. En realidad, esto es desviar la dificultad sin destruirla; más incomprensible sería que varios hombres, puestos de acuerdo, hubiesen escrito este libro que el que uno solo haya dado materia para él. Jamás hubieran imaginado unos autores judíos ni aquel estilo ni aquella moral, y el Evangelio presenta caracteres de verdad tan grandes, tan de relieve, tan perfectamente inimitables, que aún sería el inventor más admirable que el héroe. A pesar de todo, el mismo Evangelio está lleno de cosas increíbles, que repugnan a la razón y no es posible que las conciba ni las admita ningún hombre sensato. ¿:Qué se ha de hacer ante todas estas contradicciones? Ser siempre circunspecto y modesto, hijo mío: respetar en silencio lo que no podemos ni rechazar ni entender, y humillarnos en presencia del gran Ser, pues El es el único que sabe la verdad.
Voilà le scepticisme involontaire où je suis resté ; mais ce scepticisme ne m′est nullement pénible, parce qu′il ne s′étend pas aux points essentiels à la pratique, et que je suis bien décidé sur les principes de tous mes devoirs. Je sers Dieu dans la simplicité de mon cœur. Je ne cherche à savoir que ce qui importe à ma conduite. Quant aux dogmes qui n′influent ni sur les actions ni sur la morale, & dont tant de gens se tourmentent, je ne m′en mets nullement en peine. Je regarde toutes les religions particulières comme autant d′institutions salutaires qui prescrivent dans chaque pays une manière uniforme d′honorer Dieu par un culte public, & qui peuvent toutes avoir leurs raisons dans le climat, dans le gouvernement, dans le génie du peuple, ou dans quelqu′autre cause locale qui rend l′une préférable à l′autre, selon les tems & les lieux. Je les crois toutes bonnes quand on y sert Dieu convenablement. Le culte essentiel est celui du cœur. Dieu n′en rejette point l′hommage, quand il est sincère, sous quelque forme qu′il lui soit offert. Appellé dans celle que je professe au, service de l′église, j′y remplis, avec toute l′exactitude possible les soins qui me sont prescrits, & ma conscience me reprocheroit d′y manquer volontairement en quelque point. Après un long interdit, vous savez que j′obtins, par le crédit de M. de Mellarède, la permission de reprendre mes fonctions pour m′aider à vivre. Autrefois je disois la messe avec la légèreté qu′on met à la longue aux choses les plus graves quand on les fait trop souvent. Depuis mes nouveaux principes, je la célèbre avec plus de vénération : je me pénètre de la majesté de l′être suprême, de sa présence, de l′insuffisance de l′esprit humain qui conçoit si ce qui se rapporte à son Auteur. En songeant que je lui porte les vœux du peuple sous une forme prescrite, je suis avec soin tous les Rites ; je récite attentivement : je m′applique à n′omettre jamais ni le moindre mot, ni la moindre cérémonie ; quand j′approche du moment de la consécration, je me recueille pour la faire avec toutes les dispositions qu′exige l′église & la grandeur du sacrement ; je tâche d′anéantir ma raison devant la suprême Intelligence ; je me dis, qui es-tu, pour mesurer la Puissance infinie ? Je prononce avec respect les mots sacramentaux, & je donne à leur effet toute la foi qui dépend de moi. Quoi qu′il en soit de ce mystère inconcevable, le ne crains pas qu′au jour du jugement je sois puni pour l′avoir jamais profané dans mon cœur. »He aquí el escepticismo involuntario en que me he quedado, pero no es un escepticismo en manera alguna penoso, porque no se extiende a los puntos esenciales en la práctica y porque ya estoy decidido respecto a los principios de todos mis deberes. Yo sirvo a Dios en la simplicidad de mi corazón y no procuro saber más de lo que importa para mi conducta. En cuanto a los dogmas que no influyen ni sobre las acciones ni sobre la moral, y que tantos se atormentan en observar atentamente, no me preocupan. Miro las religiones particulares como otras tantas instituciones saludables que en cada país prescriben un modo uniforme de honrar a Dios con un culto público, y todas pueden tener sus motivos en el clima, en el Gobierno v_ en la índole del pueblo, o en alguna otra causa local que haga preferible una a la otra, según los tiempos y lugares. Las creo todas buenas cuando en ellas se sirve a Dios como conviene. El culto esencial está en el corazón; Dios no desecha su homenaje cuando es sincero, sea cual fuere la forma en que se le ofrezca. Llamado en la que profeso al servicio de la Iglesia, desempeño con toda la posible exactitud las funciones que se me dictan, y me remordería la conciencia si faltase voluntariamente a ellas en un punto. Después de una dilatada suspensión, sabéis que por la mediación de una persona influyente, M. de Mellaréde, conseguí licencia de volver al ejercicio de mis funciones para ganarme la vida. Antes decía la misa con la ligereza a que se acostumbra uno, aun en las cosas más serias, cuando las hace con mucha frecuencia, pero desde mis nuevos principios la celebro con más veneración: me lleno de la majestad del Ser supremo, de su presencia, de la insuficiencia del espíritu humano, que concibe escasamente lo que tiene referencia con su autor. Teniendo en cuenta que le ofrezco las preces del pueblo en la forma prescrita, sigo con cuidado todos los ritos, recito atentamente, procuro no omitir la menor palabra, ni la menor ceremonia cuando se acerca el momento de la consagración; me recojo para hacerla con todas las disposiciones que exigen la Iglesia y la grandeza del sacramento; procuro excluir mi razón ante la inteligencia suprema, y digo en mí ¿:Quién eres tú para medir el poder infinito? Pronuncio con respeto las palabras sacramentales, y doy a su eficacia toda la fe que depende de mí. Sea lo que fuere este incomprensible misterio, no temo ser castigado el día del juicio por haberlo profanado nunca en mi corazón.
Honoré du ministère sacré, quoique dans le dernier rang, je ne ferai ni ne dirai jamais rien qui me rende indigne d′en remplir les sublimes devoirs je prêcherai toujours la vertu aux hommes, je les exhorterai toujours à bien taire &, tant que je pourrai, je leur en donnerai l′exemple. Il ne tiendra pas à moi de leur rendre la religion aimable il ne tiendra pas à moi d′affermir leur foi dans les dogmes, vraiment utiles & que tout homme est obligé de croire : mais à Dieu ne plaise que jamais je leur prêche le dogme cruel de l′intolérance ; que jamais e les porte à détester leur prochain, à dire à d′autres hommes : Vous serez damnés [32] . Si j′étois dans un rang plus remarquable, cette réserve pourroit rn′attirer des affaires ; mais je suis trop petit pour avoir beaucoup à craindre, & je ne puis guère tomber plus bas que je ne suis. Quoi qu′il arrive, je ne blasphémerai point contre la justice divine, & ne mentirai point contre le Saint-Esprit. »Honrado con el sagrado ministerio, aunque en la última clase, no haré ni diré nunca nada que me haga indigno del desempeño de las sublimes obligaciones. Explicaré siempre la virtud a los hombres, exhortándolos a que obren bien, y mientras pueda seré ejemplo para ellos. Por mí no quedará el lograr que amen la religión, ni el reafirmar su fe en los dogmas verdaderamente útiles y que están todos obligados a creer, pero no permita Dios que les predique nunca el tiránico dogma de la intolerancia ni los incite a odiar a su prójimo v a decir a otros hombres que serán condenados, que fuera de la Iglesia no hay salvación . Si estuviese en un puesto más elevado, quizá pudiera esta reserva traerme malas consecuencias, pero soy muy humilde para tener que temer y no puedo caer mucho más bajo de donde estoy. Ante cualquier obstáculo, no blasfemaré contra la divina justicia, ni mentiré contra el Espíritu Santo.
J′ai longtemps ambitionné l′honneur d′être curé ; je l′ambitionne encore, mais je ne l′espère plus. Mon bon ami, je ne trouve rien de si beau que d′être curé. Un bon curé est un ministre de bonté, comme un bon magistrat est un ministre de justice. Un curé n′a jamais de mal à faire ; s′il ne peut pas toujours faire le bien par lui-même, il est toujours à sa place quand il le sollicite, & souvent il l′obtient quand il sait se faire respecter. Ô si jamais dans nos montagnes j′avais quelque cure de bonnes gens à desservir ! je serois heureux, car il me semble que je ferois le bonheur de mes paroissiens. je ne les rendrois pas riches, mais je partagerois leur pauvreté ; j′en ôterois a flétrissure & le mépris, plus insupportable que l′indigence. Je leur ferois aimer la concorde & l′égalité, qui chassent souvent la misère, & la font toujours supporter. Quand ils verroient que je ne serois en rien mieux qu′eux, et que pourtant je vivrois content, ils apprendroient à se consoler de leur sort & à vivre contents comme moi. Dans mes instructions je m′attacherois moins à l′esprit de l′église qu′à l′esprit de l′évangile, où le dogme est simple & la morale sublime, où l′on voit peu de pratiques religieuses & beaucoup d′œuvres de charité. Avant de leur enseigner ce qu′il faut faire, je m′efforcerois toujours de le pratiquer afin qu′ils vissent bien que tout ce que je leur dis, je le pense. Si j′avois des protestants dans mon voisinage ou dans ma paroisse, je ne les distinguerois point de mes vrais paroissiens en tout ce qui tient à la charité chrétienne ; je les porterois tous également à s′entr′aimer, à se regarder comme frères, à respecter toutes les religions, & à vivre en paix chacun dans la sienne. Je pense que solliciter quelqu′un de quitter celle où il est né, c′est le solliciter de mal faire, & par conséquent faire mal soi-même. En attendant de plus grandes lumières, gardons l′ordre public ; dans tout pays respectons les lois, ne troublons point le culte qu′elles prescrivent ; ne portons point les citoyens à la désobéissance ; car nous ne savons point certainement si c′est un bien pour eux de quitter leurs opinions pour d′autres, & nous savons très certainement que c′est un mal de désobéir aux lois. »Durante mucho tiempo tuve la ambición de ser honrado con un curato; todavía la conservo, pero ya no lo espero. Mi buen amigo, no hallo cargo más hermoso que el de cura. Un buen cura es ministro de bondad, como un buen magistrado un ministro de la justicia. Un cura nunca tiene que hacer mal; si no puede hacer siempre bien por propia voluntad, debe estar siempre dispuesto cuando se le solicita, y frecuentemente lo consigue cuando se sabe hacer respetar. ¡Ah! Si alguna vez en nuestras montañas yo tuviera un humilde curato sirviendo a buenos aldeanos, sería feliz, porque me parece que haría felices a mis feligreses. No los haría ricos, pero yo compartiría su pobreza; les evitaría el abatimiento y el menosprecio, más insoportables que la indigencia. Haría que amasen la concordia y la igualdad, que a veces repelen, y la miseria siempre la hacen tolerable. Cuando viesen que en nada lo pasaba yo mejor que ellos y que, sin embargo, vivía contento, aprenderían a no renegar de su suerte y a vivir felices como yo. En mis sermones, seguiría menos el espíritu de la Iglesia que el del Evangelio, donde el dogma es sencillo y la moral sublime, donde se ven pocas prácticas de religión y muchas obras de caridad. Antes de mostrarles lo que se debe hacer, siempre me esforzaría en practicarlo, para que se dieran cuenta de que era fiel a todo lo que predicaba. Si hubieran protestantes cerca o en mi parroquia, no haría distingos con mis feligreses por lo que respecta a la caridad cristiana; los convencería a todos por igual para que se amasen los unos a los otros, que se considerasen como hermanos, que respetasen todas las religiones y que viviesen en paz cada uno en la suya. Creo que excitar a uno para que abandone la religión en que nació, es incitarle a que obre mal, y, por tanto, quien lo propone incurre en pecado. Mientras carezcamos de luces más claras, debemos mantener el orden público respetando las leyes en todos los países; no produzcamos ninguna perturbación al culto que profesen, no incitemos a los ciudadanos a la desobediencia, puesto que en realidad no sabemos si es un bien para ellos abandonar sus opiniones por otras, y sabemos con seguridad que es un mal desobedecer las leyes.
Je viens, mon jeune ami, de vous réciter de bouche ma profession de foi telle que Dieu la lit dans mon cœur : vous êtes le premier à qui je l′aie faite ; vous êtes le seul peut-être à qui je la ferai jamais. Tant qu′il reste quelque bonne croyance parmi les hommes, il ne faut point troubler les âmes paisibles, ni alarmer la foi des simples par des difficultés qu′ils ne peuvent résoudre & qui les inquiètent sans les éclairer. Mais quand une fois tout est ébranlé, on doit conserver le tronc aux dépens des branches. Les consciences agitées, incertaines, presque éteintes, et dans l′état où j′ai vu la vôtre, ont besoin d′être affermies & réveillée. ; &, pour les rétablir sur la base des vérités éternelles, il faut achever d′arracher les piliers flottants auxquels elles pensent tenir encore. »Os he expuesto, querido joven, mi profesión de fe tal como la lee Dios en mi corazón; sois el primero a quien se la he descrito, y tal vez el único a quien la explique en mi vida. Mientras subsista alguna buena creencia entre los hombres, los espíritus serenos no deben ser perturbados ni sobresaltar la fe de los sencillos con dificultades que no pueden resolver y que los inquieten sin alumbrarlos, pero cuando todo está resentido, es preciso conservar el tronco a costa de las ramas. Las conciencias agitadas, inciertas, casi apagadas, y en el estado en que he visto la vuestra, necesitan que se las fortalezca y se las despierta, y para restablecerlas sobre la base de verdades eternas importa acabar de arrancar los pilares que se bambolean y en los que todavía creen encontrar apoyo.
Vous êtes dans l′âge critique où l′esprit s′ouvre à la certitude, où le cœur reçoit sa forme & son caractère, & où l′on se détermine pour toute la vie, soit en bien, soit en mal. Plus tard, la substance est durcie, & les nouvelles empreintes ne marquent plus jeune homme, recevez dans votre âme, encore flexible, le cachet de la vérité. Si j′étois plus sûr de moi-même, j′aurois pris avec vous un ton dogmatique et décisif : mais je suis homme, ignorant, sujet à l′erreur ; que pouvais-je faire ? je vous ai ouvert mon cœur sans réserve ; ce que je tiens pour sûr, je vous l′ai donné pour tel ; je vous ai donné mes doutes pour des doutes, mes opinions pour des opinions ; je vous ai dit mes raisons de douter & de croire. Maintenant, c′est à vous de juger : vous avez pris du temps ; cette précaution est sage & me fait bien penser de vous. Commencez par mettre votre conscience en état de vouloir être éclairée. Soyez sincère avec vous-même. Appropriez-vous de mes sentiments ce qui vous aura persuade, rejetez le reste. Vous n′êtes pas encore assez dépravé par le vice pour risquer de mal choisir. Je vous proposerois d′en conférer entre nous ; mais sitôt qu′on dispute on s′échauffe ; la vanité, l′obstination s′en mêlent, la bonne foi n′y est plus. Mon ami, ne disputez jamais, car on n′éclaire par la dispute ni soi ni les autres. Pour moi, ce n′est qu′après bien des années de méditation que j′ai pris mon parti : je m′y tiens ; ma conscience est tranquille, mon cœur est content. Si je voulois recommencer un nouvel examen de mes sentiments, je n′y porterais pas un plus pur amour de la vérité ; & mon esprit, déjà moins actif, seroit moins en état de la connaître. Je resterai comme je suis, de peur qu′insensiblement le goût de la contemplation, devenant une passion oiseuse, ne m′attiédit sur l′exercice de mes devoirs, & de peur de retomber dans mon premier pyrrhonisme, sans retrouver la force d′en sortir. Plus de la moitié de ma vie est écoulée ; je n′ai plus que le tems qu′il me faut pour en mettre à profit le reste, & pour effacer mes erreurs par mes vertus. Si je me trompe, c′est malgré moi. Celui qui lit au fond de mon cœur sait bien que je n′aime pas mon aveuglement. Dans l′impuissance de m′en tirer par mes propres lumières, le seul moyen qui tue reste pour en sortir est une bonne vie ; & si des pierres mêmes Dieu peut susciter des enfants à Abraham, tout homme a droit d′espérer d′être éclairé lorsqu′il s′en rend digne. »Estáis en la edad crítica en que el entendimiento se abre a la certidumbre, en que el corazón adquiere su forma y su carácter y en que uno se determina para toda la vida, sea para lo bueno, sea para lo malo. Más tarde la sustancia se endurece y ya no recibe impresiones nuevas. Joven, acoged en vuestra alma, todavía flexible, el sello de la verdad. Si no estuviese más seguro de mí mismo, con vos hubiera usado un estilo dogmático y decisivo, pero soy hombre, soy ignorante, y, por lo tanto expuesto a error. ¿:Qué podía hacer? Os he mostrado sin reserva mi corazón; lo que yo considero cierto, os lo he presentado como cierto, como dudas mis dudas y como opiniones mis opiniones; os he expresado mis razones para dudar y para creer; por consiguiente, os toca a vos decidir. Os habéis tomado tiempo; sensata precaución que me hace tener una buena idea de vos. Primero poned vuestra conciencia en estado de que quiera que la iluminen; sed sincero con vos mismo, y de mí tomad opinión sobre lo que os haya convencido y rechazad lo demás. Aún no os ha depravado tanto el vicio que corráis el riesgo de escoger. Os propondría que debatiésemos largamente, pero el que discute se exalta; en la argumentación se introducen la vanidad y la obstinación, y ya no hay buena fe. Amigo mío, no discutáis nunca, pues en la discusión no se ilustra uno ni ilustra a los demás. Hasta después de meditar durante años, yo no me he decidido, y me atengo a mi resolución; mi conciencia está serena y mi corazón complacido. Si quisiera hacer un nuevo examen de mi sentir, no lo emprendería con más puro amor a la verdad, y siendo ya menos activo mi espíritu, no sería tan apto para comprenderla. Me quedaré como estoy, no sea que convirtiéndose insensiblemente el gusto por la contemplación en pasión ociosa, me entibie en el ejercicio de mis obligaciones o que recaiga en aquel anterior escepticismo, sin encontrar fuerzas para salir de él. Ha pasado ya más de la mitad de mi vida; sólo me resta el tiempo preciso para aprovechar lo que me queda de ella y borrar mis yerros con mis virtudes. Si me equivoco, es contra mi voluntad. Sabe muy bien el que lee en lo íntimo de mi corazón que no estoy apegado a mi ceguedad. No pudiendo desecharla por mis propias luces, el único medio que me queda para salir de ella es una noble vida, y si de las mismas piedras Dios pudo dar hijos a Abraham, todo hombre tiene derecho a esperar que será iluminado, con tal que se haga merecedor.
Si mes réflexions vous amènent à penser comme je pense, que mes sentiments soient les vôtres, & que nous ayons la même profession de foi, voici le conseil que je vous donne : N′exposez plus votre vie aux tentations de la misère & du désespoir ; ne la traînez plus avec ignominie à la merci des étrangers, & cessez de manger le vil pain de l′aumône. Retournez dans votre patrie, reprenez la religion de vos pères, suivez-la dans la sincérité de votre cœur, & ne la quittez plus : elle est très simple & très sainte ; je la crois de toutes les religions qui sont sur la terre celle dont la morale est la plus pure & ont la raison se contente le mieux. Quant aux frais du voyage, n′en soyez point en peine, on y pourvoira. Ne craignez pas non plus la mauvaise honte d′un retour humiliant ; il faut rougir de faire une faute, et non de la réparer. Vous êtes encore dans l′âge où tout se pardonne, mais où l′on ne pèche plus impunément. Quand vous voudrez écouter votre conscience, mille vains obstacles disparaîtront à sa voix. Vous sentirez que, dans l′incertitude où nous sommes, c′est une inexcusable présomption de professer une autre religion que celle où l′on est né, & une fausseté de ne pas pratiquer sincèrement celle qu′on professe. Si l′on s′égare, on s′ôte une grande excuse au tribunal du souverain juge. Ne pardonnera-t-il pas plutôt l′erreur où l′on fut nourri, que celle qu′on osa choisir soi-même ? »Si mis reflexiones os conducen a que penséis como yo, a adoptar mi modo de sentir, y a que tengamos la misma profesión de fe, escuchad el consejo que os doy: No expongáis de nuevo vuestra vida a las tentaciones de la miseria y de la desesperación; no la dejéis arrastrar ignominiosamente a merced de los extraños y dejad de comer el vil pan de la limosna. Volved a vuestra patria, reconciliaos con la religión de vuestros padres y seguidla con espíritu sincero y no la abandonéis jamás. Es muy sencilla y muy santa, y entre todas las religiones de la tierra, creo que es la que tiene una moral más pura y la que más satisface a la razón. No deben preocuparos los gastos del viaje, pues se os facilitarán. Tampoco temáis al escrúpulo de un arrepentimiento vergonzoso; la culpa debe sonrojar si no se repara. Todavía estáis en la edad en que se perdona todo, pero en la que ya no se peca impunemente. Cuando queráis escuchar vuestra conciencia, mil vanos obstáculos desvanecerán su grito. Reconoceréis que en la incertidumbre en que vivimos, es presunción que no tiene disculpa profesar otra religión que aquella en que uno ha nacido, y sería una falsedad no practicar sinceramente la que uno profesa. Si nos extraviamos, tenemos una disculpa poderosa delante del tribunal del juez soberano. ¿:No perdonará mejor el error en que uno fue criado que el de aquel que se atrevió a escoger por sí mismo?
Mon fils, tenez votre âme en état de désirer toujours qu′il y ait un Dieu, & vous n′en douterez jamais. Au surplus, quelque parti que vous puissiez prendre, songez que les vrais devoirs de la religion sont indépendants des institutions des hommes ; qu′un cœur juste est le vrai temple de la Divinité ; qu′en tout pays & dans toute secte, aimer Dieu pardessus tout & son prochain comme soi-même, est le sommaire de la loi ; qu′il n′y a point de religion qui dispensé des devoirs de la morale ; qu′il n′y a de vraiment essentiels que ceux-là ; que le culte intérieur est le premier de ces devoirs, & que sans la foi nulle véritable vertu n′existe. »Hijo mío, conservad vuestra alma en situación de desear siempre que hay un Dios, y nunca lo dudaréis. En cuanto a lo demás, sea cual fuere la resolución que toméis, penetraos bien de que las verdaderas obligaciones de la religión son independientes de las instituciones humanas; que el verdadero templo de la Divinidad es el corazón del justo; que en todo país y en toda secta el sumario de la ley_ se cifra en amar a Dios sobre todas las cosas, y al prójimo como a sí mismo: que no hay religión que dispense de las obligaciones de la moral, pues son las únicas verdaderamente esenciales; que la primera de estas obligaciones consiste en el culto interno, y que sin la fe no existe ninguna verdadera virtud.
Fuyez ceux qui, sous prétexte d′expliquer la nature, sèment dans les cœurs des hommes de désolantes doctrines, & dont le scepticisme apparent est cent fois plus affirmatif & que le ton décidé de leurs adversaires. Sous te qu′eux seuls sont éclairés, vrais, de bonne impérieusement à leurs décisions tranchantes, et prétendent nous donner pour les vrais principes des choses les inintelligibles systèmes qu′ils ont bâtis dans leur imagination. Du reste, renversant, détruisant, foulant aux pieds tout ce que les hommes respectent, ils ôtent aux affligés la dernière consolation de leur misère, aux puissants & aux riches le seul frein de leurs passions ; ils arrachent du fond des cœurs le remords du crime, l′espoir de la vertu, & se vantent encore d′être les bienfaiteurs du genre humain. jamais, disent-ils, la vérité n′est nuisible aux hommes. Je le crois comme eux, &, c′est, à mon avis, une grande preuve que ce qu′ils enseignent n′est pas la vérité [33] . Bon jeune homme, soyez sincère & vrai. sans orgueil ; sachez être ignorant : vous ne tromperez ni vous ni les autres. Si jamais vos talents cultivés vous mettent en état de parler aux hommes, ne leur parlez jamais que selon votre conscience, sans vous embarrasser s′ils vous applaudiront. L′abus du savoir produit l′incrédulité. Tout savant dédaigne le sentiment vulgaire ; chacun en veut avoir un à soi. L′orgueilleuse philosophie mène au fanatisme. évitez ces extrémités ; restez toujours ferme dans la voie de la vérité, ou de ce qui vous paraîtra l′être dans la simplicité de votre cœur, sans jamais vous en détourner par vanité ni par faiblesse. Osez confesser Dieu chez les philosophes ; osez prêcher l′humanité aux intolérants. Vous serez seul de votre parti peut-être ; mais vous porterez en vous-même un témoignage qui vous dispensera de ceux des hommes. Qu′ils vous aiment ou vous haïssent, qu′ils lisent ou méprisent vos écrits, il n′importe. Dites ce qui est vrai, faites ce qui est bien ; ce qui importe à l′homme est de remplir ses devoirs sur la terre ; & c′est en s′oubliant qu′on travaille pour soi. Mon enfant, l′intérêt particulier nous trompe ; il n′y a que l′espoir du juste qui ne trompe point. AMEN. »Apartaos de aquellos que, con pretexto de explicar la naturaleza, siembran en el corazón humano doctrinas desconsoladoras y cuyo escepticismo aparente es cien veces más afirmativo y dogmático que el estilo decisivo de sus contrarios. Con el arrogante pretexto de que sólo ellos son ilustrados, sinceros y de buena fe, nos sujetan imperiosamente a sus tajantes decisiones y pretenden darnos por principio verdadero de las cosas los sistemas ininteligibles que se han forjado en su imaginación. Por otra parte, derribando, destruyendo, pisando a sus plantas todo lo que respetan los hombres, privan a los afligidos del último consuelo de su miseria, quitan a los ricos y a los potentados el único freno de sus pasiones, desarraigan de los corazones el remordimiento del delito, la esperanza de la virtud, y todavía se jactan de ser los bienhechores del género humano. Dicen que la verdad nunca es perniciosa a los hombres, y a mi entender eso es una prueba decisiva de que no es la verdad lo que enseñan . »Buen joven, sed sincero y verídico sin arrogancia, sabed ser ignorante, y no os engañaréis ni engañaréis a los demás. S1 un día la cultura de vuestro talento os pone en estado de hablar con los hombres, habladles siempre conformes a vuestra conciencia, sin preocuparos de los aplausos. El abuso y el saber origina la incredulidad. Todo sabio desdeña la opinión vulgar, y cada uno quiere imponer la suya. La orgullosa filosofía conduce al fanatismo. Evitad estos extremos, permaneced siempre firmes en el camino de la verdad o de lo que os parezca que lo es en la sencillez de vuestro corazón, sin desviaros nunca de ella por vanidad o por debilidad. Atreveos a confesar a Dios entre los filósofos, y a predicar la humanidad a los intolerantes. Os veréis solo en vuestro partido, pero con vos mismo llevaréis un testimonio, que os dispensará del de los hombres. Que os amen, que os aborrezcan, que lean o desprecien vuestros escritos, nada importa. Decid lo que sea cierto, haced lo que sea bueno. Lo que le importa al hombre es cumplir con sus deberes en la tierra, olvidándose de si trabaja para sí. Hijo mío, el interés particular nos engaña, y sólo la esperanza del justo es la que nunca engaña.»
J′ai transcrit cet écrit, non comme une règle des sentiments qu′on doit suivre en matière de religion, mais comme un exemple de la manière dont on peut raisonner avec son élève, pour ne point s′écarter de la méthode que j′ai tâché d′établir. Tant qu′on ne donne rien à l′autorité des hommes, ni aux préjugés du pays où l′on est né, les seules lumières de la raison ne peuvent, dans l′institution de la nature, nous mener loin que la religion naturelle ; & c′est à quoi je me borne avec mon Émile. S′il en doit avoir une autre, je n′ai plus en cela le droit d′être son guide ; c′est à lui seul de la choisir. He trasladado este escrito, no como regla de las ideas que deben seguirse en materia de religión, sino como un ejemplo del modo que se puede razonar con un alumno para no desviarse del método que he procurado establecer. Si no queremos ceder a la autoridad de los hombres, ni a las preocupaciones del país donde hemos nacido, las luces solas de la razón no pueden en la institución de la naturaleza llevarnos más lejos que a la religión natural, y a ésta me limito con mi Emilio. Si ha de tener otra, no me considero con derecho a ser su guía en esta parte; sólo a él le toca elegirla.
Nous travaillons de concert avec la nature, & tandis qu′elle forme l′homme physique, nous tâchons de former l′homme moral ; mais nos progrès ne sont pas les mêmes. Le corps est déjà robuste & fort, que l′âme est encore languissante et faible ; & quoi que l′art humain puisse faire, le tempérament précède toujours la raison. C′est à retenir l′un & à exciter l′autre que nous avons jusqu′ici donné tous nos soins, afin que l′homme fût toujours un, le plus qu′il étoit possible. En développant le naturel, nous avons donné le change à sa sensibilité naissante ; nous l′avons réglé en cultivant la raison. Les objets intellectuels modéroient l′impression des objets sensibles. En remontant au principe des choses, nous l′avons soustroit à l′empire des sens ; il étoit simple de s′élever de l′étude de la nature à la recherche de son auteur. Trabajemos de concierto con la naturaleza, y mientras ésta forma el hombre físico, formemos nosotros el hombre moral, pero nuestros progresos no son los mismos. Es ya fuerte y robusto el cuerpo cuando el alma es todavía indecisa y débil, y por más que haga el arte humano, siempre el temperamento antecede a la razón. Hasta aquí todo nuestro cuidado lo hemos puesto en retener el uno y excitar la otra, para que el hombre sea siempre el mismo en lo posible. Desenvolviendo su naturaleza, hemos ofuscado su sensibilidad naciente, y la hemos regulado cultivando su razón. Los objetos intelectuales moderaban la impresión de los objetos sensibles. Remontando al principio de las cosas, le hemos sustraído del imperio de los sentidos; era muy fácil elevarse desde el estudio de la naturaleza a la investigación de su autor.
Quand nous en sommes venus là, quelles nouvelles prises nous nous sommes données sur notre élève ! que de nouveaux moyens nous avons de parler à son cœur ! C′est alors seulement qu′il trouve son véritable intérêt à être bon, à faire le bien loin des regards des hommes, & sans y être forcé par les lois, à être juste entre Dieu & lui, à remplir son devoir, me aux dépens de sa vie, & à porter dans son cœur la vertu, non seulement pour l′amour de l′ordre, auquel chacun préfère toujours l′amour de soi, mais pour l′amour de l′auteur de son être, amour qui se confond avec ce même amour de soi, pour jouir enfin du bonheur durable tic le repos d′une bonne conscience & la contemplation de cet Etre suprême lui promettent dans l′autre vie, après avoir bien usé de celle-ci. Sortez de là, je ne vois plus qu′injustice, hypocrisie & mensonge parmi les hommes. L′intérêt particulier, qui, dans la concurrence, l′emporte nécessairement sur toutes choses, apprend à chacun d′eux à parer le vice du masque de la vertu. Que tous les autres hommes fassent mon bien aux dépens du leur ; que tout se rapporte à moi seul ; que tout le genre humain meure, s′il le faut, dans la peine & dans la misère pour m′épargner un moment de douleur ou de faim : tel est le langage intérieur de tout incrédule qui raisonne. Oui, je le soutiendrai toute ma vie, quiconque a dit dans son cœur : il n′y a point de Dieu, & parle autrement, n′est qu′un menteur ou un insensé. Al llegar a esto, ¡qué nuevos medios tenemos para influir en nuestro alumno! ¡Cuántas maneras nuevas de hablar a su corazón! Es sólo entonces cuando encuentra su verdadero interés por ser bueno, en hacer el bien lejos de las miradas de los hombres, y sin que a ello le fuercen las leyes; en ser justo entre Dios y él, en cumplir con su deber, aunque dependa de su vida, y en llevar en su corazón estampada la virtud, no sólo por el amor del orden, al cual siempre prefiere cada uno el amor de sí mismo, sino por el amor del autor de su ser, amor que se confunde con este mismo amor de sí, para gozar al fin de la felicidad eterna que, después de haber hecho buen uso de esta vida, le prometen en la otra la serenidad de una buena conciencia y la contemplación del Ser Supremo. Fuera de esto, sólo veo injusticia, hipocresía y mentira entre los hombres; el interés particular, que en la concurrencia puede necesariamente más que todas las cosas, enseña a cada uno a disfrazar el vicio con máscara de virtud. Que todos los otros hombres hagan mi bien a costa del suyo, que todo se refiera a mí solo, que perezca si es preciso el género humano en la pena y la miseria para ahorrarme un momento de dolor o de hambre; éste es el lenguaje interior de todo incrédulo que razone. Sí, lo sostendré toda mi vida; cualquiera que en su corazón ha dicho: «No hay Dios», y habla de otro modo, es un mentiroso o un insensato.
Lecteur, j′aurai beau faire, je sens bien que vous & moi ne verrons jamais mon Émile sous les mêmes traits ; vous. Vous le figurez toujours semblable à vos jeunes gens, toujours étourdi, pétulant, volage, errant de fête en fête, d′amusement en amusement, sans jamais pouvoir se fixer à rien. Vous rirez de me voir faire un contemplatif, un philosophe, un vrai théologien, d′un jeune homme ardent, vif, emporté, fougueux, dans l′âge le plus bouillant de la vie. Vous direz : Ce rêveur poursuit toujours sa chimère ; en nous donnant un élève de sa façon, il ne le forme pas seulement, il le crée, il le tire de son cerveau ; &, croyant toujours suivre la nature, il s′en écarte à chaque instant. Moi, comparant mon élève aux vôtres, je trouve a peine ce qu′ils peuvent avoir de commun. Nourri si différemment, c′est presque un miracle s′il leur ressemble en quelque chose. Comme il a passé son enfance dans toute la liberté′ils prennent dans leur jeunesse, il commence à prendre dans sa jeunesse la règle à laquelle on les a soumis enfants : cette règle devient leur fléau, ils la prennent en horreur, ils n′y voient que la longue tyrannie es maîtres, ils croient ne sortir de l′enfance qu′en secouant toute espèce de joug [34] ; ils se dédommagent alors de la longue contrainte où on les a tenus, comme un prisonnier, délivré des fers, étend, agite & fléchit ses membres. Lector, haga lo que quiera, sé que vos y yo jamás veremos a mi Emilio bajo el mismo aspecto; siempre os lo figuráis parecido a vuestros jóvenes, siempre atolondrado, petulante, veleidoso, vagando de fiesta en fiesta, de diversión en diversión, sin poder fijarse nunca en nada, y os reiréis al ver que le presento como un contemplativo, un filósofo, un verdadero teólogo, en vez de un joven ardiente, vivo, arrebatado fogoso en la edad más ferviente de la vida. Diréis: «Este soñador siempre sigue con su fantástica imagen; cuando nos da un alumno a su manera no sólo id forma, sino que lo crea, lo saca de su cerebro, y convencido de que sigue sin cesar la naturaleza, se aparta de ella a cada estante». Siempre que comparo a mi alumno con los vuestros, apenas encuentro nada en que puedan parecerse. Educado tan diferente, es casi un milagro si se asemeja en algo. Como ha pasado su infancia con toda la libertad que ellos se toman en su juventud, en ésta comienza a seguir la regla a que sujetaron a los otros en su niñez; esta regla para ellos es un castigo, le cogen horror y no ven en ella otra cosa que la larga tiranía de los maestros; no creen que salen de la infancia si no sacuden toda especie de yugo ; entonces se cobran de la larga sujeción en que los retuvieron, como un prisionero, libre de rejas, extiende, agita y flexibiliza sus miembros.
Émile, au contraire, s′honore de se faire homme, & de s′assujettir au joug de la raison naissante ; son corps, déjà formé, n′a plus besoin des mêmes mouvements, & commence à s arrêter de lui-même, tandis que son esprit, à moitié développé, cherche à son tour à prendre l′essor. Ainsi l′âge de raison n′est pour les uns que l′âge de la licence ; pour l′autre, il devient l′âge du raisonnement. Por el contrario, Emilio se honra con hacerse hombre y sujetarse al yugo de la razón naciente; ya formado su cuerpo, no necesita los mismos movimientos y comienza a detenerse por sí mismo, mientras que su espíritu medio desenvuelto procura recíprocamente tomar su vuelo. De modo que la edad de razón, para unos, es la edad de la licencia, y para el otro es la edad del raciocinio.
Voulez-vous savoir lesquels d′eux ou de lui sont mieux en cela dans l′ordre de la nature ? considérez les différences dans ceux qui en sont plus ou moins éloignés : observez les jeunes gens chez les villageois, & voyez s′ils sont aussi pétulants que les vôtres. Durant l′enfance des sauvages, dit le sieur Le Beau, on les voit toujours actifs, & s′occupant sans cesse à différents jeux qui leur agitent le corps ; mais à peine ont-ils atteint l′âge de l′adolescence, qu′ils deviennent tranquilles, rêveurs ; ils ne s′appliquent plus guère qu′à des jeux sérieux ou de hasard [35] . Émile, ayant été élevé dans toute la liberté des jeunes paysans & des jeunes sauvages, doit changer & s′arrêter comme eux en grandissant. Toute la différence est qu′au lieu d′agir uniquement pour jouer ou pour se nourrir, il a, dans ses travaux & dans ses jeux, appris a penser. Parvenu donc à ce terme par cette route, il se trouve tout disposé pour celle où je introduis : les sujets de réflexion que je fui présente irritent sa curiosité, parce qu′ils sont beaux far eux-mêmes, qu′ils sont tout nouveaux pour lui, & qu′i est en état de les comprendre. Au contraire, ennuyés, excédés de vos fades leçons, de vos longues morales, de vos éternels catéchismes, comment vos jeunes gens ne se refuseraient-ils pas à l′application d′esprit qu′on leur a rendue triste, aux lourds préceptes dont on n′a cessé de les accabler, aux méditations sur l′auteur de leur être, dont on a fait l′ennemi de leurs plaisirs ? Ils n′ont conçu pour tout cela qu′aversion, dégoût, ennui ; la contrainte les en a rebutés : le moyen désormais qu′ils s′y livrent quand ils commencent à disposer d′eux ? il leur faut du nouveau pour leur plaire, il ne leur faut plus rien de ce qu′on dit aux enfants. C′est la même chose pour mon élève ; quand il devient homme, je lui parle comme à un homme, et ne lui dis que des choses nouvelles ; c′est précisément parce qu′elles ennuient les autres qu′il doit les trouver de son goût. ¿:Queréis saber si están ellos o él más cerca de la naturaleza? Observad las diferencias en los que se han alejado menos de ella, contemplad los jóvenes de las aldeas y ved si son tan petulantes como los vuestros. «Durante su infancia, los salvajes -dice Le Beau-, siempre están en actividad, y se ocupan en varios juegos que les agitan el cuerpo, pero al llegar a la edad de la adolescencia, se vuelven tranquilos, pensativos y no se aplican más que a juegos serios o de azar» . Emilio, habiéndose educado con toda la libertad de los jóvenes campesinos y salvajes, debe cambiar y quedarse quieto como ellos cuando sea mayor; toda la diferencia consiste en que, en vez de obrar únicamente por jugar o alimentarse, en sus ocupaciones y en sus juegos ha aprendido a pensar. Cuando por este camino ha llegado a tal término, se encuentra va dispuesto para aquel en que le introduzco; los objetos de reflexión que le presento excitan su curiosidad, porque son hermosos en sí, nuevos para él, y está en estado de comprenderlos. En cambio, vuestros jóvenes, hastiados, aburridos con vuestras insípidas lecciones, con vuestras prácticas, con vuestros continuos catecismos, ¿:cómo no se han de negar a la aplicación que tan tristes les han hecho, a los pesados preceptos con que no han cesado de abrumarlos, a las meditaciones sobre el autor de su ser, que les han presentado como enemigo de sus gustos? A todo esto le han tomado aversión, tedio y repugnancia, y si la violencia ha engendrado en ellos la antipatía, ¿:cómo queréis que en ello se ocupen cuando pueden disponer de sí? Hacen falta novedades para agradarles, y no les gusta nada de cuanto se dice a los niños. Lo mismo sucede con mi alumno cuando es hombre, le hablo como a hombre, y sólo le digo cosas nuevas, y precisamente porque aburren a los otros deben ser de su gusto.
Voilà comment je lui fais doublement gagner du temps, en retardant au profit de la raison le progrès de la nature. Mais ai-je en effet retardé ce progrès ? Non ; je n′ai fait qu′empêcher l′imagination de l′accélérer ; j′ai balancé par des leçons d′une autre espèce des leçons précoces que le jeune homme reçoit d′ailleurs. Tandis que le torrent de nos institutions l′entraîne, l′attirer en sens contraire par d′autres institutions, ce n′est pas l′ôter de sa place, c′est l′y maintenir. He aquí cómo le hago ganar tiempo de dos modos, retardando, en beneficio de la razón, los progresos de la naturaleza. Pero, ¿:he retardado efectivamente estos progresos? No. pues sólo he impedido que los acelere la imaginación; he contrapesado con lecciones de otra especie las precoces lecciones que de otra parte recibe el joven. Mientras el torrente de nuestras instituciones le arrastra, atraerle en sentido contrario por otras distintas no es sacarle de su puesto, es mantenerle en él.
Le vrai moment de la nature arrive enfin, il faut qu′il arrive. Puisqu′il faut que l′homme meure, il faut qu′il se reproduise, afin que l′espèce dure & que l′ordre du monde soit conservé. Quand, par les signes dont j′ai parlé, vous pressentirez le moment critique, à l′instant quittez avec lui pour jamais votre ancien ton. C′est votre disciple encore, mais ce n′est plus votre élève. C′est votre ami, c′est un homme, traitez-le désormois comme tel. Llega por fin el verdadero momento de la naturaleza, y es necesario que llegue, porque hace falta que el hombre muera y se reproduzca, para que dure la especie y se conserve el orden del mundo. Cuando por los signos de que he hablado presintáis el momento crítico, al instante abandonad para siempre vuestro antiguo procedimiento. Todavía es vuestro discípulo, pero ya no es vuestro alumno, sino vuestro amigo; es un hombre y tratadle como tal.
Quoi ! faut-il abdiquer mon autorité lorsqu′elle m′est le plus nécessaire ? Faut-il abandonner l′adulte à lui-même au moment qu′il sait le moins se conduire, & qu′il fait les plus grands écarts ? Faut-il renoncer à mes droits quand il lui importe le plus que j′en use ? Vos droits ! Qui vous dit d′y renoncer ? ce n′est qu′à présent qu′ils commencent pour lui. Jusqu′ici vous n′en obteniez rien que par force ou par ruse ; l′autorité, la loi du devoir lui étoient inconnues ; il falloit le contraindre ou le tromper pour vous faire obéir. Mais vous voyez de combien de nouvelles chaînes vous avez environné son cœur. La raison, l′amitié, la reconnaissance, mille affections, lui parlent d′un ton qu′il ne peut méconnaître. Le vice ne l′a point encore rendu sourd à leur voix. Il n′est sensible encore qu′aux passions de la nature. La première de toutes, qui est l′amour de soi, le livre à vous ; l′habitude vous le livre encore. Si le transport d′un moment vous l′arrache, le regret vous le ramène à l′instant ; le sentiment qui l′attache à vous est le seul permanent ; tous les autres passent & s′effacent mutuellement. Ne le laissez point corrompre, il sera toujours docile, il ne commence d′être rebelle que quand il est déjà perverti. J′avoue bien que si, heurtant de front ses désirs naissants, vous alliez sottement traiter de crimes les nouveaux besoins qui se font sentir à lui, vous ne seriez pas longtemps écouté ; mais sitôt que vous quitterez ma méthode, je ne réponds plus de rien. Songez toujours que vous êtes le ministre de la nature ; vous n′en serez jamais l′ennemi. ¡Cómo! ¿:He de renunciar a mi autoridad cuando más necesaria la creo? ¿:He de abandonar al adulto a sí mismo en el momento que menos se sabe conducir y que son mayores sus extravíos? ¿:He de renunciar a mis derechos cuando más le importa que use de ellos? ¡Vuestros derechos! ¿:Quién os dice que renunciéis? Ahora es cuando comienzan en beneficio suyo. Hasta aquí sólo por habilidad o por fuerza obteníais de él lo que deseabais. No conocía la autoridad ni la ley de la obligación; era preciso que le apremiarais o le engañaseis para que os obedeciera. Pero mirad con cuántas nuevas cadenas habéis aprisionado su corazón. La razón, la amistad, la gratitud, mil afectos le hablan con un tono que no puede desconocer, y el vicio todavía no le ha ensordecido; todavía sólo es sensible a las pasiones de la naturaleza. La primera de todas, que es el amor de sí mismo, os lo entrega, y también os lo entrega el hábito. Si un arrebato momentáneo os lo arrebata, el arrepentimiento os lo devuelve al instante; el sentimiento que le une con vos es el único permanente; los demás todos se siguen y se borran mutuamente. No dejéis que se corrompa, y siempre será dócil: cuando comienza a demostrar rebeldía, ya está pervertido. Confieso que si oponiéndoos abiertamente a sus nacientes deseos calificáis neciamente de delitos sus nuevas necesidades, pronto dejará de escucharon, pero en, cuanto abandonéis mi método, no respondo de nada. No perdáis nunca de vista que sois el ministro de la naturaleza, y nunca seréis su enemigo.
Mais quel parti prendre ? On ne s′attend ici qu′à l′alternative de favoriser ses penchants ou de les combattre d′être son tyran ou son complaisant ; & tous deux ont de si dangereuses conséquences, qu′il n′y a que trop à balancer sur le choix. Pero, ¿:qué determinación se debe tomar? No queda aquí otra alternativa que favorecer sus inclinaciones o combatirlas, ser con él condescendiente o tirano, y tan peligrosas consecuencias traen consigo ambas posturas, por lo que se debe meditar mucho para la elección.
Le premier moyen qui s′offre pour résoudre cette difficulté est de le marier bien vite ; c′est incontestablement l′expédient le plus sûr & le plus naturel. Je doute pourtant que ce soit le meilleur, ni le plus utile. je dirai ci-après mes raisons ; en attendant, je conviens qu′il faut marier les jeunes gens à l′âge nubile. Mais cet âge vient pour eux avant le temps ; c′est nous qui l′avons rendu précoce ; on doit le prolonger jusqu′à la maturité. El primer medio que se ofrece para resolver esta dificultad es casarlo cuanto antes; sin duda es el procedimiento más seguro y más natural, pero dudo que sea lo mejor ni lo más útil. Después expondré mis razones; ahora entiendo que los jóvenes deben casarse desde la edad núbil, pero llegan a esta edad antes de tiempo; nosotros somos los culpables de su precocidad, y esa edad debe prolongarse hasta la madurez.
S′il ne falloit qu′écouter les penchants & suivre les indications, cela seroit bientôt fait : mais il y a tant de contradictions entre les droits de la nature & nos lois sociales, que pour les concilier il faut gauchir & tergiverser sans cesse : il faut employer beaucoup d′art pour empêcher l′homme social d′être tout à fait artificiel. Si bastase con escuchar las inclinaciones y seguir su inclinación, sería asunto concluido en breve, pero median tantas contradicciones entre los derechos de la naturaleza y las leyes sociales que poseemos, que para conciliarlos es preciso mucho arte para impedir que el hombre social sea totalmente artificial.
Sur les raisons ci-devant exposées, j′estime que, par les moyens que j′ai donnés, et d′autres semblables, on peut au moins étendre jusqu′à vingt ans l′ignorance des désirs & la pureté des sens : cela est si vrai, que, chez les Germains, un jeune homme qui perdoit sa virginité avant cet âge en restoit diffamé : & les auteurs attribuent, avec raison, à la continence de ces peuples durant leur jeunesse la vigueur de leur constitution & la multitude de leurs enfants. Por las razones que antes he expuesto, creo que con los medios que he indicado y otros parecidos, puede por lo menos adargarse hasta los veinte años la ignorancia de los deseos y la pureza de los sentidos, y tan cierto es esto, que entre los germanos el joven que perdía la virginidad antes de esta edad era considerado indigno, y con razón los autores atribuyen a la continencia de estos pueblos durante su mocedad el vigor de su constitución y la numerosa prole.
On peut même beaucoup prolonger cette époque, & il y a peu de siècles que rien n′étoit plus commun dans la France même. Entre autres exemples connus, le père de Montaigne, homme non moins scrupuleux & vrai que fort & bien constitué, juroit s′être marié vierge à trente-trois ans, après avoir servi longtemps dans les guerres d′Italie ; & l′on peut voir dans les écrits du fils quelle vigueur & quelle gaîté conservoit le père à plus de soixante ans. Certainement l′opinion contraire tient plus à nos mœurs & à nos préjugés, qu′à la connoissance de l′espèce en général. Esta prole puede prolongarse mucho, y hace pocos años que no había nada más natural, incluso en Francia. Entre otros ejemplos notables, el padre de Montaigne, hombre no menos escrupuloso y verídico que robusto y bien constituido, aseguraba que había contraído matrimonio siendo virgen, a los treinta y tres años, después de haber servido mucho tiempo en las guerras de Italia, y en los escritos del hijo se puede ver el vigor y la jovialidad que conserva el padre pasados sus sesenta años. Ciertamente la opinión contraria se funda más en el conocimiento de la especie en general que en nuestras preocupaciones y en nuestras costumbres.
Je puis donc laisser à part l′exemple de notre jeunesse : il ne prouve rien pour qui n′a pas été élevé comme elle. Considérant que la nature n′a point là-dessus de terme fixe qu′on ne puisse avancer ou retarder, je crois pouvoir, sans sortir de sa loi, supposer Émile resté jusque-là par mes soins dans sa primitive innocence, et je vois cette heureuse époque prête à finir. Entouré de périls toujours croissants, il va m′échapper, quoi que je fasse, à la première occasion, & cette occasionne tardera pas à naître ; il va suivre l′aveugle instinct des sens il y a mille à parier contre un qu′il va se perdre. J′ai trop réfléchi sur les mœurs des hommes pour ne pas voir l′influence invincible de ce premier moment sur le reste de sa vie. Si je dissimule & feins de ne rien voir, il se prévaut de ma faiblesse ; croyant me tromper, il me méprise, & je suis le complice de sa perte. Si j′essaye de le ramener, il n′est plus temps, il ne m′écoute plus ; je lui deviens incommode, odieux, insupportable ; il ne tardera guère à se débarrasser de moi. Je n′ai donc plus qu′un parti raisonnable à prendre ; c′est de le rendre comptable de ses actions à lui même, de le garantir au moins ses surprises de l′erreur, & de lui montrer à découvert les périls dont il est environné. Jusqu′ici je l′arrêtois par son ignorance ; c′est maintenant par des lumières qu′il faut l′arrêter. Puedo, pues, dejar aparte el ejemplo de nuestra juventud, que no prueba nada para quien no ha sido educado como ella. Teniendo en cuenta que la naturaleza en esta materia no tiene época fija que no se pueda avanzar o retardar, creo posible, sin salir de su ley, suponer que Emilio, por mis desvelos, ha permanecido hasta ahora en su primitiva inocencia, y veo que va a finalizar esta época. Rodeado de peligros, que aumentan continuamente, va a escapárseme por más que yo quiera evitarlo. En la primera ocasión, que no tardará en presentarse, seguirá el ciego instinto de los sentidos, y se puede apostar mil contra uno que se va a perder. He reflexionado mucho sobre las costumbres de los hombres para que se me oculte el invencible influjo de este primer instante en lo restante de su vida. Si disimulo y finjo que no veo nada, se vale de mi debilidad; creyendo que me engaña, me desprecia, y soy cómplice de su pérdida; si intento traerle al buen camino, ya no es tiempo y no me escucha; me hago molesto, odioso, insoportable para él; no tardará mucho en desembarazarse de mí. Un solo partido razonable tengo que tomar, y es hacerle a él mismo responsable de sus acciones, preservarle de los lazos del error y hacer que vea palpables los peligros que le rodean. Hasta aquí le contenía por su ignorancia; ahora es necesario contenerle por sus luces.
Ces nouvelles instructions sont importantes, & il convient de reprendre les choses de plus haut. Voici l′instant de lui rendre, pour ainsi dire, mes comptes ; de lui montrer l′emploi de son tems & du mien ; de lui déclarer ce qu′il est & ce que je suis ; ce que j′ai fait, ce qu′il a fait ; ce que nous nous devons l′un à l′autre ; toutes ses relations morales, tous les engagements qu′il a contractés, tous ceux qu′on a contractés avec lui, à quel point il est parvenu dans le progrès de ses facultés, quel chemin lui reste à faire, les difficultés qu′il y trouvera, les moyens de franchir ces difficultés ; en quoi je lui puis aider encore, en quoi lui seul peut désormois s′aider, enfin le point critique où il se trouve, les nouveaux périls qui l′environnent, et toutes les solides raisons qui doivent l′engager à veiller attentivement sur lui-même avant d′écouter ses désirs naissants. Estas nuevas instrucciones son muy importantes, y es conveniente tomar las cosas con más anticipación. Este es el instante de rendir, por decirlo así, cuentas con él, de exponerle el empleo de su tiempo y el mío, de declararle lo que es él y lo que soy yo, lo que he hecho y lo que él ha hecho, lo que nos debemos mutuamente, todas sus relaciones morales, todos los compromisos que ha contraído, hasta qué punto ha llegado en el progreso de sus facultades, el camino que le queda por andar, las dificultades que hallará y los medios de salvarlas, en qué le puedo yo valer todavía, y en qué puede valerse él solo; por último. el punto crítico en que se encuentra, los nuevos peligros que le rodean y todas las razones sólidas que le deben persuadir de que ha de vigilarse a sí mismo con la mayor atención antes de escuchar sus nacientes deseos.
Songez que, pour conduire un adulte, il faut prendre le contrepied de tout ce que vous avez fait pour conduire un enfant. Ne balancez point à l′instruire de ces dangereux mystères que vous lui avez cachés si longtemps avec tant de soin. Puisqu′il faut enfin qu′il les sache, il importe qu′il ne les apprenne ni d′un autre, ni de lui-même, mais de vous seul : puisque le voilà désormois forcé de combattre, il faut, de peur de surprise, qu′il connaisse son ennemi. Pensad que para conducir a un adulto es necesario practicar lo opuesto de todo lo que habéis hecho para conducir a un niño. No dudéis en instruirle de los peligrosos misterios que por tanto tiempo y con tanto cuidado le habéis ocultado. Ya que es preciso que al fin lo sepa, importa que no los aprenda de otro ni de sí mismo, sino de vos sólo, pues como desde hoy está destinado a combatir, para que no le cojan de sorpresa, que conozca a su enemigo.
Jamais les jeunes gens qu′on trouve savants sur ces matières, sans savoir comment ils le sont devenus, ne le sont devenus impunément. Cette indiscrète instruction, ne pouvant avoir un objet honnête, souille au moins l′imagination de ceux qui la reçoivent, & les dispose aux vices de ceux qui la donnent. Ce n′est pas tout ; des domestiques s′insinuent, ainsi dans l′esprit d′un enfant, gagnent sa confiance, lui font envisager son gouverneur comme un personnage triste & fâcheux ; & l′un des sujets favoris de leurs secrets colloques est de médire de lui. Quand l′élève en est là, le maître peut se retirer, il n′a plus rien de bon à faire. Los jóvenes que llegan a conocer bien estas materias, sin saber cómo, no se han instruido impunemente. Como esta imprudente instrucción no puede tener objeto honesto, mancha por lo menos la imaginación de quienes la adquíeren y los dispone para los vicios de los que se la dan. Y no es esto todo: los criados se insinúan en el ánimo del niño, se ganan su confianza, le hacen que mire a su ayo como un personaje triste y fastidioso, y uno de los principales asuntos de sus secretos coloquios es hablar mal de él. Cuando el alumno hace esto, el maestro se debe retirar, pues nada bueno puede ya conseguir.
Mais pourquoi l′enfant se choisit-il des confidents particuliers ? Toujours par la tyrannie de ceux qui le gouvernent. Pourquoi se cacherait-il d′eux, s′il n′étoit forcé de s′en cacher ? Pourquoi s′en plaindrait-il, s′il n′avoit nul sujet de s′en plaindre ? Naturellement ils sont ses premiers confidents ; on voit, à l′empressement avec le que il vient leur dire ce qu′il pense, qu′il croit ne l′avoir pensé qu′à moitié jusqu′à ce qu′il le leur ait dit. Comptez que si l′enfant ne craint de votre part ni sermon ni réprimande, il vous dira toujours tout, & qu′on dosera lui rien confier qu′il vous doive taire, quand on sera bien sûr qu′il ne vous taira rien. Ce qui me fait le plus compter sur ma méthode, c′est qu′en suivant ses effets le plus exactement qu′il m′est possible, je ne vois pas une situation dans la vie de mon élève qui ne rue laisse de lui quelque image agréable. Au moment même où les fureurs du tempérament l′entraînent, & où, révolté contre la main qui l′arrête, il se débat & commence à m′échapper, dans ses agitations, dans ses emportements, je retrouve encore sa première simplicité ; son cœur, aussi pur que son corps, ne connaît pas plus le déguisement que le vice ; les reproches ni le mépris ne l′ont point rendu lâche ; jamais la vile crainte ne lui a rit à se déguiser. Il a toute l′indiscrétion de l′innocence ; il est naïf sans scrupule ; il ne sait encore à quoi sert de tromper. Il ne se passe pas un mouvement dans son âme que sa bouche ou ses yeux ne le disent ; & souvent les sentiments qu′il éprouve me sont connus plus tôt qu′à lui. Pero, ¿:por qué el niño escoge confidentes particulares? Siempre es por la tiranía de los que le gobiernan. ¿:Por qué se había de esconder de ellos si no se viera obligado a hacerlo? ¿:Por qué se había de quejar si no tuviera motivo? Naturalmente, ellos son sus primeros confidentes, y por el ansia con que les dice lo que piensa, vemos que cree que sólo a medias ha pensado, hasta que se lo ha dicho. Estad seguro de que si el niño no teme de vos, sermones ni reprimendas, siempre os lo dirá todo y no se atreverán a confiarle nada que deba callaros cuando estén seguros de que todo os lo ha de relatar. Lo que más me hace confiar en mi método es que, siguiendo sus efectos con la mayor exactitud posible, no veo una situación en la vida de mi alumno que no me deje alguna agradable imagen de él. En el mismo momento en que le arrastran los furores del temperamento, y en que, sublevado contra la mano que le sujeta, forcejea y comienza a deslizarse, en sus agitaciones y arrebatos todavía encuentro primitiva su sencillez; su corazón, tan puro como su cuerpo, no conoce otro disfraz que el vicio; ni las reprensiones ni el menosprecio le han acobardado y nunca el miedo le enseñó a disfrazarse. Tiene la falta de cautela de la inocencia; es ingenuo sin escrúpulo, y todavía no sabe para qué sirve el engañar. No pasa un movimiento por su mente que no me lo digan sus ojos o su boca, y muchas veces los sentimientos que experimenta los advierto yo antes que él.
Tant qu′il continue de m′ouvrir ainsi librement son âme, & de me dire avec plaisir ce qu′il sent, je n′ai rien à craindre, le péril n′est pas encore proche ; mais s′il devient plus timide, plus réservé, que j′aperçoive dans ses entretiens le premier embarras de la honte, déjà l′instinct se développe, déjà la notion du mal commence à s′y joindre, il n′y a plus un moment à perdre ; &, si je ne me hâte de l′instruire, il sera bientôt instruit malgré moi. Mientras continúe abriéndome su alma con esta libertad, y diciéndome con gusto lo que siente, nada tengo que temer, el peligro todavía no está próximo, pero si se vuelve más tímido, más reservado, si advierto en sus conversaciones la primera confusión de la vergüenza, ya se abre paso al instinto, ya comienza a juntarse con él la noción del mal; no hay que perder un momento más, y si no me apresuro a instruirle, pronto se instruirá él a despecho mío.
Plus d′un lecteur, même en adoptant mes idée penser qu′il ne s′agit ici que d′une conversation prise au hasard avec le jeune homme, & que tout est fait. Oh ! que ce n′est pas ainsi que le cœur humain se gouverne ! Ce qu′on dit ne signifie rien si l′on n′a préparé le moment de le dire. Avant de semer, il faut labourer la terre : la semence de la vertu lève difficilement ; il faut de longs apprêts pour lui faire prendre racine. Une des choses qui rendent les prédications le plus inutiles est qu′on les fait indifféremment à tout le monde sans discernement & sans choix. Comment peut-on penser que le même sermon convienne à tant d′auditeurs si diversement disposés, si différents d′esprit, d′humeurs, d′âges, de sexes, d′états et d′opinions ? Il n′y en a peut-être pas deux auxquels ce qu′on dit à tous puisse être convenable ; & toutes nos affections ont si peu constance, qu′il n′y a peut-être pas deux moments dans la vie de chaque homme où le même discours fît sur lui la même impression. Jugez si, quand les sens enflammés aliènent l′entendement et tyrannisent la volonté, c′est le tems d′écouter les graves leçons de la sagesse. Ne parlez donc jamais raison aux jeunes gens, même en âge de raison, que vous ne les ayez premièrement mis en état de l′entendre. La plupart des discours perdus le sont bien plus par la faute des maîtres que par celle des disciples. Le pédant et l′instituteur disent à peu près les mêmes choses : mais le premier les dit tout à propos ; le second ne les dit il est sûr de leur effet. Más de un lector, aun cuando adopte mis ideas, creerá que sólo se trata aquí de una conversación entablada por casualidad con el joven, y que con esto es suficiente. ¡Ah, el corazón humano no se gobierna así! Nada significa lo que dice si no se ha preparado al momento de decirlo. Antes de sembrar es necesario cavar la tierra; la semilla de la virtud brota difícilmente y exige muchas labores para que eche raíces. Una de las causas de que sean inútiles las predicaciones es que las dirigen indistintamente a todo el mundo, sin elección ni discernimiento. ¿:Cómo pueden pensar que un mismo sermón convenga a tantos oyentes de tan diverso modo dispuestos y que tanto se diferencian en talento, en genio, en edad, en sexo, en estado y en opinión? Acaso no hay dos a quienes pueda convenir lo que se dice a todos, y tan poca constancia tienen todas nuestras afecciones, que no hay seguramente dos momentos en la vida de cada hombre en el que el mismo razonamiento produzca en él la misma impresión. Júzguese si cuando inflamados los sentidos enajenan el entendimiento y tiranizan la voluntad es el momento de escuchar las graves lecciones de la sabiduría. No vayáis, pues, con razones a los jóvenes, si aún no han llegado a la edad del razonamiento, si antes no les habéis preparado para entenderos. La mayor parte de los razonamientos perdidos lo son más por culpa de los maestros quede los discípulos. El pedante y el instructor dicen aproximadamente las mismas cosas, pero el primero las dice sin ton ni son, y el segundo cuando está seguro de su efecto.
Comme un somnambule, errant durant son sommeil, marche en dormant sur les bords d′un précipice, dans lequel il tomberoit s′il étoit éveillé tout à coup ; ainsi mon Émile, dans le sommeil de l′ignorance, échappe à des périls qu′il n′aperçoit point : si je l′éveille en sursaut, il est perdu. Tâchons premièrement de l′éloigner du précipice, & puis nous l′éveillerons pour le lui montrer de plus loin. La lecture, la solitude, l′oisiveté, la vie molle & sédentaire, le commerce des femmes & des jeunes gens : voilà les sentiers dangereux à frayer à son âge, & qui le tiennent sans cesse à côté du péril. C′est par d′autres objets sensibles que je donne le change à ses sens, c′est en traçant un autre cours aux esprits que je les détourne de celui qu′ils commençoient à prendre ; c′est en exerçant son corps à des travaux pénibles que j′arrête l′activité de l′imagination qui l′entraîne. Quand les bras travaillent beaucoup, l′imagination se repose ; quand le corps est bien las, le cœur ne s′échauffe point. La précaution la plus prompte & la plus facile est de l′arracher au danger local. Je l′emmène d′abord hors des villes, loin des objets capables de le tenter. Mais ce n′est pas assez ; dans quel désert, dans quel sauvage asile échappera-t-il aux images qui le poursuivent ? Ce n′est rien d′éloigner les objets dangereux, si je n′en éloigne aussi le souvenir ; si je ne trouve l′art de le détache de tout, si je ne le distrois de lui-même, autant valoit le laisser où il était. Como un sonámbulo, andando mientras duerme, puede llegar al borde de un precipicio, en el que caería si de repente le despertaran, así mi Emilio, en el sueño de la ignorancia, evita peligros que no percibe; si le despierto sobresaltándole, está perdido. Procuraremos primero alejarle del precipicio y después le despertaremos para mostrárselo desde lejos. La lectura, la soledad, la ociosidad, la vida regalada y sedentaria, el trato con las mujeres y con los jóvenes son los peligrosos senderos por los que a su edad puede andar y que le tienen constantemente al lado del peligro. Distraigo sus sentidos con otros objetos sensibles; abriendo otro curso en su espíritu le desvío del que comenzaban a tomar; ejercitando su cuerpo con trabajos fatigosos detengo la actividad de la imaginación que le espolea. Cuando trabajan mucho los brazos, la imaginación descansa; cuando el cuerpo está muy cansado, el corazón no se agita. La precaución más rápida y más fácil es sacarle del peligro local. Primero me lo llevo fuera de la ciudad, lejos de todo lo que puede tentarle. Pero esto no es suficiente, porque, ¿:en qué desierto, en qué agreste asilo se librará de las imágenes que le persiguen? Es inútil apartar los objetos peligrosos si no se aparta también su memoria; si no encuentro la manera de desprenderle de todo, si no le distraigo de sí mismo, era igual dejarle donde estaba.
Émile sait un métier, mais ce métier n′est pas ici notre ressource ; il aime & entend l′agriculture, mais l′agriculture ne nous suffit pas : les occupations qu′il connaît deviennent une routine ; en s′y livrant, il est comme ne faisant rien ; il pense à toute autre chose ; la tête & les bras agissent séparément. Il lui faut une occupation nouvelle qui l′intéresse par sa nouveauté, qui le tienne en haleine, qui lui plaise, qui l′applique, qui l′exerce, une occupation dont il se passionne, & à laquelle il soit tout entier. Or, la seule qui me paroit réunir toutes ces conditions est la chasse. Si la chasse est jamais un plaisir innocent, si jamais elle est convenable à l′homme, c′est à présent qu′il y faut avoir recours. Émile a tout ce qu′il faut pour y réussir ; il est robuste, adroit, patient, infatigable. Infailliblement il prendra du goût pour cet exercice ; il y mettra toute l′ardeur de son âge ; il y perdra, du moins pour un temps, les dangereux penchants qui naissent de la mollesse. La chasse endurcit le cœur aussi bien que le corps ; elle accoutume au sang, à la cruauté. On a fait Diane ennemie de l′amour ; & l′allégorie est très juste : les langueurs de l′amour ne naissent que dans un doux repos ; un violent exercice étouffe les sentiments tendres. Dans les bois, dans les lieux champêtres, l′amant, le chasseur sont si diversement affectés, que sur les mêmes objets ils portent des images toutes différentes. Les ombrages frais, les bocages, les doux asiles des forts, premier, ne sont pour l′autre que des viandes, des forts, des remises ; où l′un n′entend que chalumeaux, que rossignols, que ramages, l′autre se figure les cors & les cris des chiens ; l′un n′imagine que dryades & nymphes, l′autre que piqueurs, meutes et chevaux. Promenez-vous en camp avec ces deux sortes d′hommes ; à la différence de leur âge, vous connaîtrez bientôt que la terre n′a pas pour eux un aspect semblable, & que le tour de leurs idées est aussi divers que le choix de leurs plaisirs.  Emilio sabe un oficio, pero no está en él nuestro recurso; quiere y entiende la agricultura, pero no basta; las ocupaciones que conoce se vuelven una rutina para él, y cuando las práctica es como si no hiciera nada, porque piensa en otra cosa; la cabeza y los brazos obran separadamente. Necesito otra ocupación que le interese por su novedad, que desee atenderla, que le guste y se la apropie; una ocupación con la que se apasione y a la que se dé por entero. La única que, según mi parecer, reúne todas estas condiciones, es la caza. Si alguna vez es un placer inocente y conveniente al hombre, ahora es cuando necesitamos sus recursos. Emilio posee todo lo que se precisa para salir airoso de la caza: es robusto, hábil, paciente, infatigable. Con toda seguridad se aficionará a este ejercicio, se entregará a él con el ardor propio de su edad y por lo menos irá perdiendo por algún tiempo las peligrosas inclinaciones que nacen de la molicie. La caza endurece tanto el corazón como el cuerpo; acostumbra a la sangre, a la crueldad. A Diana la han hecho enemiga del amor, y la alegoría es muy justa. Los delirios del amor sólo nacen de un blando sosiego; un violento ejercicio sofoca los sentimientos tiernos. En los bosques, en los sitios agrestes, son tan diferentes las impresiones del amante y del cazador que lo mismos objetos les presentan imágenes totalmente distintas. Las frescas umbrías, los sotos, los gratos parajes del primero, son para el otro ojeos, batidas y jarales; donde el uno no oye más que pastoriles flautas, ruiseñores y dulces trinos, el otro piensa en los ladrídos de la jauría y en los gritos de los cazadores; uno imagina driadas y ninfas y el otro jinetes, caballos y rastreadores. Pasead por el campo con estas clases de hombres tan opuestos y pronto advertiréis la diferencia de su estilo, veréis que la tierra no tiene para ellos igual aspecto y el curso de sus ideas es tan diferente como distintas son sus aficiones.
Je comprends comment ces goûts se réunissent & comment on trouve enfin du temps pour tout. Mais les passions de la jeunesse ne se partagent pas ainsi : donnez-lui une seule occupation qu′elle aime, & tout le reste sera bientôt oublié. La variété désirs vient de celle des connaissances, & les premiers plaisirs qu′on connaît sont longtemps les seuls u′on recherche. Je ne veux pas que toute la jeunesse d′Émile se passe à tuer des bêtes, & je ne prétends pas même justifier en tout cette féroce passion ; il me suffit qu′elle serve assez à suspendre une passion plus dangereuse pour me faire écouter de sang-froid parlant d′elle, & me donner le tems de la peindre sans l′exciter. Comprendo cómo se desarrollan esos gustos y cómo se halla al fin tiempo para todo, pero no se reparten así las pasiones de la juventud, a la cual, con darle una ocupación que le subyugue, pronto se olvidará de las demás. La variedad de los deseos viene de los conocimientos, y los primeros placeres que conocemos son durante mucho tiempo los únicos que anhelamos. No quiero que Emilio pase su juventud matando animales, ni pretendo justificar en todo esta feroz pasión; me basta con que me sirva lo suficiente para atajar otra pasión todavía más peligrosa y me escuche con serenidad cuando le hable de ella y me dé tiempo para pintársela sin excitarle.
Il est des époques dans la vie humaine qui sont faites pour n′être jamais oubliées. Telle est, pour Émile, celle de instruction dont je parle ; elle doit influer sur le reste de ses jours. Tâchons donc de la graver dans sa mémoire en sorte qu′elle ne s′en efface point. Une des erreurs de notre âge est d′employer la raison trop nue, comme si les hommes n′étoient qu′esprit. En négligeant la langue des signes qui parlent à l′imagination, l′on a perdu le plus énergique lues langages. L′impression de la parole est toujours faible, & l′on parle au cœur par les yeux bien mieux que par les oreilles. En voulant tout donner au raisonnement, nous avons réduit en mots nos préceptes ; nous n′avons rien mis dans les actions. La seule raison n′est point active ; elle retient quelquefois, rarement elle excite, & jamais elle n′a rien fait de grand. Toujours raisonner est la manie des petits esprits. Les âmes fortes ont bien un autre langage ; c′est par ce langage qu′on persuade & qu′on fait agir. Hay épocas en la vida humana hechas para que jamás se olviden. De esta especie es para Emilio la instrucción de que hablo y que debe influir en él para el resto de sus días. Procuremos, pues, grabarla en su memoria de tal suerte que jamás la olvide. Uno de los errores de nuestro siglo es emplear la razón demasiado desnuda, como si los hombres fueran puro espíritu. Descuidando la lengua de los signos que hablan a la imaginación, hemos perdido el más enérgico de los idiomas. Siempre es débil la impresión de la palabra, y mejor hablan al corazón los ojos que el oído. Queriendo dejárselo todo al raciocinio, hemos reducido a palabras nuestros preceptos, y nada hemos explicado con acciones. La razón sola no es activa, y aunque algunas veces retiene, raramente excita y nunca hizo nada grande. Razonar siempre, es la manía de los espíritus apocados, pero las almas fuertes tienen otro idioma, y ese idioma es el que persuade y hace actuar.
J′observe que, dans les siècles modernes, les hommes n′ont plus de prise les uns sur les autres que par la force & par l′intérêt, au lieu que les anciens agissaient beaucoup plus par la persuasion, par les affections de l′âme, parce qu ils ne négligeoient pas la langue des signes. Toutes les conventions se passoient avec solennité pour les rendre plus inviolables : avant que la force fût établie, les dieux étoient les magistrats du genre humain ; c′est par-devant eux que les particuliers faisoient leurs traités, leurs alliances, prononçoient leurs promesses ; la face de la terre étoit le livre où s′en conservoient les archives. Des rochers, des arbres, des monceaux de pierres consacrés par ces actes, & rendus respectables aux hommes barbares étoient les feuillets de ce livre, ouvert sans cesse à tous les yeux. Le puits du serment, le puits du vivant & du voyant, le vieux chêne de Mambré, le monceau du témoin ; voilà quels étoient les monuments grossiers, mais augustes, de la sainteté des contrats ; nul n′eût osé d′une main sacrilège attenter à ces monuments ; & la foi des hommes étoit plus assurée par la garantie de ces témoins muets, qu′elle ne l′est aujourd′hui par toute la vaine rigueur des lois. Observo que en los siglos modernos no influyen los hombres unos con otros sino por la fuerza y el interés, mientras que los antiguos actuaban mucho más por la persuasión y por las afecciones del alma, porque no descuidaban el lenguaje de los signos. Todos los contratos se realizaban con gran solemnidad para que fuesen más inviolables; antes de que se estableciese la fuerza, eran los dioses los magistrados del género humano; delante de ellos hacían los particulares sus tratos, sus alianzas, pronunciaban sus promesas; la faz de la tierra era el libro donde se conservaban sus archivos; las rocas, los árboles, los pedregales, consagrados por estos actos, y acatados con respeto por aquellos hombres bárbaros, eran las hojas de este libro, abierto siempre a todos los ojos. El pozo del juramento, el pozo del vidente y el del viviente, el viejo roble de Mambré, el montón del testigo; he aquí los rudos pero augustos monumentos de la santidad de los contratos. Nadie habría osado atentar con mano sacrílega contra estos monumentos, y más segura estaba la fe de los hombres con la garantía de estos mudos testigos que no lo está hoy con todo el vano rigor de las leyes.
Dans le gouvernement, l′auguste appareil de la puissance royale en imposoit aux peuples. Des marques de dignité, un trône, un sceptre, une robe de pourpre, une couronne, un bandeau, étoient pour eux des choses sacrées. Ces signes respectés leur rendoient vénérable l′homme qu′ils en voyoient orné : sans soldats, sans menaces, sitôt qu′il parloit il étoit obéi. Maintenant qu′on affecte d′abolir ces signes [36
, qu′arrive-t-il de ce mépris ? Que la majesté royale s′efface de tous les cœurs, que les rois ne se font plus obéir qu′à force de troupes, & que le respect des sujets n′est que dans la crainte du châtiment. Les rois n′ont plus la peine de porter leur diadème, ni les grands les marques de leurs dignités ; mais il faut avoir cent mille bras toujours prêts pour faire exécuter leurs ordres. Quoique cela leur semble plus beau peut-être, il est aisé de voir qu′à la longue cet échange ne leur tournera pas à profit.
En el gobierno, el augusto aparato del poder real imponía respeto a los pueblos. Las señales de dignidad, un trono, el cetro, la vestidura de púrpura, la corona, la diadema, eran para ellos cosas sagradas. Estos respetados signos hacían venerable al hombre que veían adornado con ellos; sin soldados y sin amenazas, en cuanto hablaba era obedecido. Ahora que se llega a la abolición de estos signos , ¿:qué resulta del menosprecio? Resulta que se borra de todos los corazones la majestad real, que los reyes sólo contando con sus tropas se hacen obedecer, y que el respeto de los súbditos únicamente se debe al temor al castigo. Los reyes ya no se toman la molestia de llevar su diadema, ni los grandes los signos de su dignidad, pero necesitan tener siempre cien mil brazos dispuestos para hacer ejecutar sus órdenes, y aunque esto les parezca más hermoso, es fácil comprobar que a la larga este cambio no les traerá ningún provecho.
Ce que les anciens ont fait avec l′éloquence est prodigieux : mais cette éloquence ne consistoit pas seulement en beaux discours bien arrangés ; & jamais elle n′eut plus d′effet que quand l′orateur parloit le moins. Ce qu′on disoit le plus vivement rie s′exprimoit pas par des mot, mais par des signes ; on ne le disoit pas, on le montrait. L′objet qu′on expose aux yeux ébranle l′imagination, excite la curiosité, tient l′esprit dans l′attente de ce qu′on va dire : & souvent cet objet seul a tout dit. Thrasybule & Tarquin coupant des têtes de pavots, Alexandre appliquant son sceau sur la bouche de son favori, Diogène marchant devant Zénon, ne parlaient-ils pas mieux que s′ils avoient fait de longs discours ? Quel circuit de paroles eût aussi bien rendu les mêmes idées ? Darius, engagé dans la Scythie avec son armée, reçoit de la part du roi des Scythes un oiseau, une grenouille, une souris et cinq flèches. L′ambassadeur remet son présent, & s′en retourne sans rien dire. De nos jours cet homme eût passé pour fou. Cette terrible harangue fut entendue, et Darius n′eut plus grande hâte que de regagner son pays comme il put. Substituez une lettre à ces signes ; plus elle sera menaçante, & moins elle effrayera ; ce ne sera qu une fanfaronnade dont Darius n′eût fait que rire. Lo que los antiguos hicieron con la elocuencia es prodigioso, pero su elocuencia no consistía sólo en bellos y bien ordenados discursos, y nada produjo mejor efecto que la brevedad del orador. Lo que con más intensidad sentían no lo expresaban con palabras, sino con signos; no lo decían, sino que lo demostraban. El objeto que nos ponen ante los ojos conmueve la imaginación, excita la curiosidad, retiene el espíritu en expectativa de lo que van a decir, y muchas veces este objeto se lo dice todo. ¿:Trasíbulo y Tarquino cortando las cabezas de adormideras, Alejandro poniendo su sello en la boca de su privado, Diógenes andando delante de Zenón, no hablaban mejor que con largos discursos? ¿:Qué palabras hubieran expuesto con tanta propiedad las mismas ideas? Darío, metido con su ejército en la Escitia, recibe de parte del rey de los escitas un pájaro, una rana, un ratón y cinco flechas; el embajador entrega su presente, y sin decir nada se vuelve. En nuestros días ese hombre pasaría por loco. Tan terrible comunicación fue entendida, y Darío se volvió a su país con toda la rapidez que pudo. Sustituid estos signos con una carta; cuanto más amenazadora sea menos asustará; será una fanfarronada que sólo conseguirá la risa de Darío.
Que d′attention chez les Romains à la langue des signes ! Des vêtements divers selon les âges, selon les conditions ; des toges, des saies, des prétextes, des bulles, des laticlaves, des chaires, des licteurs, des faisceaux, des haches, des couronnes d′or, d′herbes, de feuilles, des ovations, des triomphes : tout chez eux était appareil, représentation, cérémonie & tout faisoit impression sur les cœurs des citoyens. Il importoit à l′état que le peuple s′assemblât en tel lieu plutôt qu′en tel autre ; qu′il vît ou ne vît pas le Capitole ; qu′il fut ou ne fût pas tourné du côté du sénat ; qu′il délibérât tel ou tel jour par préférence. Les accusés changeaient d′habit, les candidats en changeaient ; les guerriers ne vantoient pas leurs exploits, ils montroient leurs blessures. À la mort de César, j′imagine un de nos orateurs, voulant émouvoir le peuple, épuiser tous les lieux communs de l′art pour faire une pathétique description de ses plaies, de son sang, de son cadavre : Antoine, quoique éloquent, ne dit point tout cela ; il fait apporter le corps. Quelle rhétorique ! ¡Cuánta atención ponían los romanos en el lenguaje de los signos! Distintas vestiduras según las edades y condiciones; togas, sayos, pretextas, bulas, sillas corules, lictores, haces, hachas, coronas de oro, de hierbas, de hojas, oraciones y triunfos; entre ellos todo era aparato, representación, ceremonia, y todo quedaba impreso en el corazón de los ciudadanos. Al Estado le importaba que se juntase el pueblo en tal sitio mejor que en otro, que viese o no viese el Capitolio, que estuviese o no vuelto hacia el Senado, que deliberase este día y no aquel otro. Los acusados mudaban de traje, y lo hacían los candidatos; los militares no ensalzaban sus proezas bélicas, sino que mostraban sus heridas. Cuando la muerte de César, me imagino que uno de vuestros oradores, queriendo inflamar al pueblo, habría agotado todos los lugares comunes de la oratoria para hacer una patética descripción de sus heridas, de su sangre y su cadáver. Antonio, aunque elocuente, no dice nada de eso: hace traer el cuerpo. ¡Qué retórica!
Mais cette digression m′entraîne insensiblement loin de mon sujet, ainsi que font beaucoup d′autres, & mes écarts sont trop fréquents pour pouvoir être longs et tolérables je reviens donc. Pero esta digresión de un modo insensible me lleva lejos de mi asunto, como me sucede con otras muchas, y son demasiado frecuentes mis desviaciones para que puedan ser largas y tolerables; así, vuelvo a mi tema.
Ne raisonnez jamais sèchement avec la jeunesse. Revêtez la raison d′un corps si vous voulez la lui rendre sensible. Faites passer par le cœur le langage de l′esprit, afin qu′il se fasse entendre. Je le répète, les arguments froids peuvent déterminer nos opinions, non nos actions ; ils nous font croire & non pas agir ; on démontre ce qu′il faut penser, & non ce qu′il faut faire. Si cela est vrai pour tous les hommes, à plus forte raison l′est-il pour les jeunes gens encore enveloppés dans leurs sens, et qui ne pensent qu′autant qu′ils imaginent. Jamás debéis razonar secamente con la juventud; revestid de un cuerpo la razón si queréis hacérsela sensible. Procurad que se le hinque en el corazón el idioma del entendimiento, para que se haga escuchar. Vuelvo a repetir que los argumentos fríos pueden determinar nuestras opiniones, pero nunca nuestras acciones; nos hacen creer y no obrar; se demuestra lo que se debe pensar, pero no lo que se debe hacer. Si esto es cierto tratándose de los hombres, con mayor razón lo será tratándose de los jóvenes todavía envueltos en sus sentidos y que sólo piensan en lo que imaginan.
Je me garderai donc bien, même après les préparations dont j′ai parlé, d′aller tout d′un coups dans la chambre d′Emile lui faire lourdement un long discours sur le sujet dont je veux l′instruire. Je commencerai par émouvoir son imagination ; je choisirai le temps, le lieu, les objets les plus favorables à l′impression que je veux faire ; j′appellerai, pour ainsi dire, toute la nature à témoin de nos entretiens ; j′attesterai l′Etre éternel, dont elle est l′ouvrage, de la vérité de mes discours ; je le prendrai pour juge entre Émile & moi ; je marquerai la place où nous sommes, les rochers, les bois, les montagnes qui nous entourent pour monuments de ses engagements & des miens ; je mettrai dans mes yeux, dans mon accent, dans mon geste, l′enthousiasme & l′ardeur que je lui veux inspirer. Alors je lui parlerai & il m′écoutera, je m′attendrirai & il sera ému. En me pénétrant de la sainteté de mes devoirs, je lui rendrai les siens plus respectables ; j′animerai la force du raisonnement d′images & de figures ; je ne serai point long & diffus en froides maximes, mais abondant en sentiments qui débordent ; ma raison sera grave et sentencieuse, mais mon cœur n′aura jamais assez dit. C′est alors qu′en lui montrant tout ce que j′ai fait pour lui, je le lui montrerai comme fait pour moi-même, il verra dans ma tendre affection la raison e tous mes soins. Quelle surprise, quelle agitation je vais lui donner en changeant tout à coup de langage ! au lieu de lui rétrécir l′âme en lui parlant toujours de son intérêt, c′est du mien seul que je lui parlerai désormais, & je le toucherai davantage ; j′enflammerai son jeune cœur de tous les sentiments d′amitié, de générosité, de reconnaissance, que j′ai fait naître, & qui sont si doux à nourrir. Je le presserai contre mon sein en versant sur lui des larmes d′attendrissement ; je lui dirai : Tu es mon bien, mon enfant, mon ouvrage ; c′est de ton bonheur que j′attends le mien : si tu frustres mes espérances, tu me voles vingt ans de ma vie, & tu fais le malheur de mes vieux jours. C′est ainsi qu′on se fait écouter d′un jeune homme, & u′on grave au fond de son cœur le souvenir de ce qu′ont dit. Entonces, me guardaré muy bien, aun después de los preparativos indicados, de ir a deshora al dormitorio de Emilio para hacerle un largo y pesado razonamiento sobre el asunto en que le quiero instruir. Primero conmoveré su imaginación, escogeré el tiempo, el sitio, los objetos más propicios a la impresión que deseo excitar; llamaré, por decirlo así, a la naturaleza entera por testigo de nuestras conferencias; atestiguaré con el Ser eterno, pues es su obra, la verdad de mis palabras; le haré juez entre Emilio y yo, señalaré el sitio donde estamos, las rocas, los bosques, las montañas que nos rodean por monumentos de sus promesas y las mías; en mis ojos, en mi acento y en mi ademán brillarán el entusiasmo y el ardor que quiero inspirarle. Entonces hablaré, y me escuchará; me enterneceré, y se conmoverá. Adentrándole en la santidad de mis obligaciones haré que respete más las su as; animaré la fuerza del argumento con imágenes y figuras; no seré largo y difuso con frías máximas, sino abundante en afectos; mi razón será grave y sentenciosa, pero mi corazón nunca dirá lo suficiente. Entonces, mostrándole todo lo que por él hice, se lo haré ver como hecho por mi propia conveniencia, y en mi tierno cariño verá la razón de mis afanes. ¡Qué sorpresa, qué agitación le voy a causar cambiando repentinamente de expresión! En vez de turbar su espíritu hablándole siempre de su interés, de hoy en adelante sólo le hablaré del mío, y le tocaré más en lo vivo; inflamaré su tierno corazón con los afectos de amistad, de generosidad, de gratitud, los cuales ya he procurado que nazcan en él y que tan fácil es alimentar. Le estrecharé sobre mi pecho, derramando lágrimas de ternura, y le diré «Tú eres mi caudal, mi hijo y mi obra; de tu dicha espero la mía, si frustras mis esperanzas, me robas veinte años de vida y serás la desventura de mi vejez». De esta forma es como uno se hace escuchar de un joven y grava en lo íntimo de su corazón todo lo que le dice.
Jusqu′ici j′ai tâché de donner des exemples dans la manière dont un gouverneur doit instruire son disciple dans les occasions difficiles. J′ai tenté d′en faire autant dans celle-ci ; mais, après bien des essais, j′y renonce, convaincu que la langue française est trop précieuse pour supporter jamais dans un livre la naïveté des premières instructions sur certains sujets. Hasta aquí he procurado dar ejemplos de cómo un ayo debe instruir a su discípulo en las ocasiones difíciles. Lo mismo he intentado hacer con éste, pero después de repetidas pruebas renuncio a ello, convencido de que la lengua francesa es demasiado delicada para soportar nunca en un libro el candor de las primeras instrucciones sobre ciertas materias.
La langue française est, dit-on, la plus chaste des langues ; je la crois, moi, la plus obscène : car il me semble que la chasteté d′une langue ne consiste pas à éviter avec soin les tours déshonnêtes, mais à ne les pas avoir. En effet, pour les éviter, il faut qu′on y pense ; & il n′y a point de langue où il soit plus difficile de parler purement en tout sens que la française. Le lecteur toujours plus habile à trouver des sens obcènes que l′auteur à les écarter, se scandalise & s′effarouche de tout. Comment ce qui passe par des oreilles impures ne contracterait-il pas leur souillure ? Au contraire, un peuple de bonnes mœurs a des termes propres pour toutes choses ; & ces termes sont toujours honnêtes, parce qu′ils sont toujours employés honnêtement. Il est impossible′imaginer un langage plus modeste que celui de la Bible, précisément parce que tout y est dit avec naïveté. Pour rendre immodestes les mêmes choses, il suffit de les traduire en français. Ce que je dois dire à mon Émile n′aura rien que d′honnête & de chaste à son oreille ; mais, pour le trouver tel à la lecture, il faudroit avoir un cœur aussi pur que le sien. Dicen que la lengua francesa es la más casta de todas, y a mi parecer es la más obscena, porque opino que la castidad de un idioma no consiste en evitar con esmero las expresiones lascivas, sino en no tenerlas. Efectivamente, para evitarlas es preciso pensar en ellas, y no existe ninguna lengua en que sea más difícil huir de toda malignidad que en la francesa. El lector, siempre más hábil en hallar significaciones obscenas que el autor en removerlas, se escandaliza y se revuelve. ¿:Cómo no se ha de mancillar lo que pasa por oídos impuros? Por el contrario, un pueblo de buenas costumbres tiene términos propios para todas las cosas, los cuales son todos castos, porque siempre se usan castamente. No es posible imaginar idioma más modesto que el de la Biblia, precisamente porque todo está dicho con candor; pues para hacer inmodestas las mismas cosas, basta con traducirlas en francés. En cuanto a lo que yo he de decirle a mi Emilio no habrá nada que no sea honesto y casto a sus oídos, pero para que los lectores lo creyesen, sería necesario que tuvieran el corazón tan puro como el suyo.
Je penserais même que des réflexions sur la véritable pureté du discours & sur la fausse délicatesse du vice pourroient tenir une place utile dans les entretiens de morale où ce sujet nous conduit ; car, en apprenant le langage de l′honnêteté, il doit apprendre aussi celui de la décence, & il faut bien qu′il sache pourquoi ces deux langages sont si différents. Quoi qu′il en soit, je soutiens qu′au lieu des vains préceptes, dont on rebat avant le tems les oreilles de la jeunesse, & dont elle se moque à l′âge où ils seroient de saison ; si l′on attend, si l′on prépare le moment de se faire entendre ; qu′alors on lui expose les lois de la nature dans toute leur vérité ; qu′on lui montre la sanction de ces mêmes lois dans les maux physiques et moraux qu′attire leur infraction sur les coupables ; qu′en lui parlant de cet inconcevable mystère de la génération, l′on joigne à l′idée de l′attroit que l′auteur de la nature donne à cet acte celle de l′attachement exclusif qui le rend délicieux, celle des devoirs de fidélité, de pudeur, qui l′environnent, & qui redoublent son charme en remplissant son objet ; qu′en lui peignant le mariage, non seulement comme la plus douce des sociétés, mais comme le plus inviolable & e plus saint de tous les contrats, on lui dise avec force toutes les raisons qui rendent un nœud si sacré respectable à tous les hommes, & qui couvrent de haine & de malédictions quiconque ose en souiller la pureté ; qu′on lui fasse un tableau frappant & vrai des horreurs de la débauche, de son stupide abrutissement, de la pente insensible par laquelle un premier désordre conduit à tous, & traîne enfin celui qui s′y livre à sa perte ; si, dis-je, on lui montre avec évidence comment au goût de la chasteté tiennent la santé, la force, le courage, es vertus, l′amour même, et tous les vrais biens de l′homme ;. je soutiens qu′alors on lui rendra cette même chasteté désirable & chère, & qu′on trouvera son esprit docile aux moyens qu′on lui donnera pour la conserver : car tant qu′on la conserve, on la respecte ; on ne la méprise qu′après l′avoir perdue. Creo también que pudieran ocupar un lugar útil, en las conferencias de moral a que este asunto nos dará materia, algunas reflexiones acerca de la pureza del discurso y de la falsa delicadeza del vicio, porque cuando aprende el idioma de la honestidad, también debe aprender el de la decencia, y es preciso que sepa la causa de porqué son tan diferentes estas dos lenguas. Sea como fuere, yo sostengo que en vez de los vanos preceptos con que antes de tiempo fatigan las ideas de la juventud, y de que ésta se burla en llegando a la edad en que le serían oportunos; si se espera y se prepara al instante de hacerse escuchar; si entonces se le exponen las leyes de la naturaleza con toda su verdad; si se le .manifiesta la sanción de estas mismas leyes en los males ¡físicos y morales que a los delincuentes les acarrea su infracción; si hablándole del incomprensible misterio de la generación, con la idea del atractivo que dio a este acto el Autor de la naturaleza, se junta la del cariño exclusivo que lo hace delicioso, la de las obligaciones ′ ′e fidelidad y pudor que le cercan, y que publican su encanto desempeñando su objeto; si pintándole el matrimonio, no solamente como la más dulce de las sociedades, sino como el más inviolable y sacrosanto de todos los contratos, describiéndole las razones que hacen respetable para todos los hombres un vínculo tan sagrado, y cubren de odio y maldición a cualquiera que se atreve a ofender su pureza; si se le hace una pintura verdadera de los horrores de la disolución, de su estúpido embrutecimiento, del declive insensible por el cual el primer desorden conduce a los demás, y por último arrastra a su pérdida a quien se entrega a él; si se le demuestra de forma evidente de qué manera con el amor de la castidad van unidos la salud, la fuerza, las virtudes, el mismo amor y todos los verdaderos bienes del hombre... ; sostengo que entonces se conseguirá que desee y llame esta misma castidad y que su espíritu acogerá dócilmente los medios que para conservarla le diéramos, porque la castidad la respeta el que aún la conserva, y sólo la desprecia el que la ha perdido.
Il n′est point vrai que le penchant au mal soit indomptable, & qu′on ne soit pas maître de le vaincre avant d′avoir pris l′habitude d′y succomber. Aurélius Victor dit que plusieurs hommes transportés d′amour achetèrent volontairement de leur vie une nuit de Cléopâtre, & ce sacrifice n′est pas impossible à l′ivresse de la passion. Mais supposons que l′homme le plus furieux, & ce le qui commande le moins à ses sens, vit l′appareil du supplice, sûr d′y périr dans les tourments un quart d′heure après ; non seulement cet homme, dès cet instant, deviendrait supérieur aux tentations, il lui en coûteroit même peu de leur résister : bientôt l′image affreuse dont elles seroient accompagnées le distrairoit d′elles ; &, toujours rebutées, elles se lasseroient de revenir. C′est la seule tiédeur de notre volonté qui fait toute notre faiblesse, & l′on est toujours fort pour faire ce qu′on veut fortement ; volenti nihil difficile. Oh ! si nous détestions le vice autant que nous aimons la vie, nous nous abstiendrions aussi aisément d′un crime agréable que d′un poison mortel dans un mets délicieux. No es cierto que la inclinación al mal sea invencible, y que uno no sea dueño de dominarla antes de haber adquirido el hábito de rendirse a ella. Dice Aurelio Víctor que muchos arrebatados de amor compraron voluntariamente con su vida una noche pasada con Cleopatra, y no es imposible este sacrificio en la embriaguez de la pasión. Pero supongamos que viese el aparato del suplicio, seguro de perecer en los tormentos pasado un cuarto de hora, el hombre más bárbaro y que menos domine sus sentidos, no sólo desde aquel instante vencería sus tentaciones, sino que no le costaría nada resistirlas; pronto le distraería de su obsesión la horrorosa imagen que las acompañaría, y siempre rechazadas se cansarían de volver. Es la tibieza de nuestra voluntad lo que constituye nuestra flaqueza; siempre somos fuertes para realizar lo que con fuerza queremos: volenti nihil difficile; «nada es difícil para quien quiere. ¡Ah!, si detestásemos el vicio tanto como amamos la vida, nos abstendríamos tan fácilmente de una culpa agradable como de un veneno mortal en un manjar delicioso.
Comment ne voit-on pas que, si toutes les leçons qu′on donne sur ce point à un jeune homme sont sans succès, c′est qu′elles sont sans raison pour son age, & qu′il importe à tout âge de revêtir la raison des formes qui la fassent aimer ? Parlez-lui gravement quand il le faut ; mais que ce que vous lui dites ait toujours un attrait qui le force à vous écouter. Ne combattez pas ses désirs avec sécheresse ; n′étouffez pas son imagination, guidez-la de peur qu′elle n′engendre des monstres. Parlez-lui de l′amour, des femmes, des plaisirs ; faites qu′il trouve dans vos conversations un charme qui flatte son jeune cœur ; n′épargnez rien pour devenir son confident : ce n′est qu′à ce titre que vous serez vraiment son maître. Alors ne craignez plus que vos entretiens l′ennuient ; il vous fera parler plus que vous ne voudrez. ¿:Cómo no se ve que si todas las lecciones que se dan sobre este punto a un joven no tienen éxito, se debe a que no corresponden a sus años y que en todas las edades importa revestir la razón de formas que la hagan amable? Habladle seriamente cuando sea preciso, pero que tenga siempre lo que le decís un atractivo que le impulse a escucharon. No os opongáis a sus deseos con sequedad, no ahoguéis su imaginación, guiadla y evitaréis que engendre monstruos. Habladle del amor, de las mujeres, de los placeres; haced que halle en vuestras conversaciones un agrado que halague su juvenil corazón; procurad por todos los medios que os haga su confidente, y al conseguirlo seréis verdaderamente su maestro. No temáis entonces que le aburran vuestras confidencias; lo que él querrá será haceros hablar más de lo que queréis.
Je ne doute pas un instant que, si sur ces maximes j′ai su prendre toutes les précautions nécessaires, & tenir à mon Émile les discours convenables à la conjoncture où le progrès des ans l′a fait arriver, il ne vienne de lui-même au point où je veux le conduire, qu′il ne se mette avec empressement sous ma sauvegarde, et qu′il ne me dise avec toute la chaleur de son âge, frappé des dangers dont il se voit environné : Ô mon ami, mon protecteur, mon maître, t′éprenez l′autorité que vous voulez déposer au moment qu′il m′importe que vous reste ; vous ne l′aviez jusqu′ici que par ma faiblesse, vous l′aurez maintenant par ma volonté, & elle m′en sera plus sacrée. Défendez-moi de tous les ennemis qui m′assiègent, & surtout de ceux que je porte avec moi, & qui me trahissent ; veillez sur votre ouvrage, afin qu′il demeure digne de vous. Je veux obéir à vos lois, je le veux toujours, c′est ma volonté constante ; si jamais je vous désobéis, ce sera malgré moi : rendez-moi libre en me protégeant contre mes passions qui me font violence ; empêchez-moi d′être leur esclave, & forcez-moi d′être mon propre maître en n′obéissant point à mes sens, mais à ma raison. No dudo un instante de que si, conforme a estas máximas, he sabido tomar todas las precauciones necesarias y decir a Emilio las cosas que se adaptan con la situación a que ha llegado con el progreso de los años, él mismo vendrá al punto a que le quiero conducir, y se pondrá con deseo bajo mi amparo, y con toda la vehemencia propia de su edad me dirá atemorizado ante los peligros que ve que le rodean: «¡Oh, amigo, protector y maestro mío!, volved a tomar la autoridad que queréis abandonar en el momento que más necesito que la conservéis; hasta aquí la teníais por mi debilidad, pero ahora la tendréis por mi voluntad y será para mí más sagrada. Libradme de todos los enemigos que me rodean, y principalmente de los más traidores que llevo dentro de mí; velad vuestra obra para que sea digna de vos. Deseo obedecer vuestras leyes, y si alguna vez os desobedezco, será a pesar mío; hacedme libre protegiéndome contra las pasiones que me asedian y sea yo dueño de mí mismo, no obedeciendo a mis sentidos, sino a mi corazón».
Quand vous aurez amené votre élève à ce point (et s′il n′y vient pas, ce sera votre faute), gardez-vous de le prendre trop vite au mot, de peur que, si jamais votre empire lui paroit trop rude, il ne se croie en droit de s′y soustraire en vous accusant de l′avoir surpris. C′est en ce moment que la réserve & la gravité sont à leur place ; & ce ton lui en imposera d′autant plus, que ce sera la première fois qu′il vous l′aura vu prendre. Cuando hayáis conducido a vuestro alumno a este punto (y si no acudiera a él sería vuestra la culpa), guardaos de tomarle muy pronto la palabra, para que si un día encuentra vuestro imperio muy rudo, no se crea con derecho a librarse de él acusándoos de haberle sorprendido. En ese momento son adecuadas la gravedad y la discreción, y vuestro tono le afectará más porque será la primera vez que lo habréis empleado.
Vous lui direz donc : Jeune homme, vous prenez légèrement des engagements pénibles ; il faudroit les connoître pour être en droit de les former : vous ne savez pas avec quelle fureur les sens entraînent vos pareils dans le gouffre es vices, sous l′attroit du plaisir. Vous n′avez point une âme abjecte, je le sais bien ; vous ne violerez jamais votre foi ; mais combien de fois peut-être vous vous repentirez de l′avoir donnée ! combien de fois vous maudirez celui qui vous aime, quand, pour vous dérober aux maux qui vous menacent, il se verra forcé de vous déchirer le cœur ! Tel qu′Ulysse, ému du chant des Sirènes, crioit à ses conducteurs de le déchaîner, séduit par l′attroit des plaisirs, vous voudrez briser les liens qui vous gênent ; vous m′importunerez de vos plaintes ; vous me reprocherez ma tyrannie quand je serai le plus tendrement occupé de vous ; en ne songeant qu′à vous rendre heureux, je m′attirerai votre haine. Ô mon Émile, je ne supporterai jamais la douleur de t′être odieux ; ton bonheur même est trop cher à ce prix. Bon jeune homme, ne voyez-vous pas qu′en vous obligeant à m obéir, vous m′obligez à vous conduire, à m′oublier pour me dévouer à vous, à n′écouter ni vos plaintes, ni vos murmures, à combattre incessamment vos désirs & les miens. Vous m′imposez un joug plus dur que le vôtre. Avant de nous en charger tous deux, consultons nos forces ; prenez du temps, donnez-m′en pour y penser, & sachez que le plus lent à promettre est toujours le plus fidèle à tenir. Sachez aussi vous-même que plus vous vous rendez difficile sur l′engagement, et plus vous en facilitez l′exécution. Il importe que le jeune homme sente qu′il promet beaucoup, & que vous promettez encore plus. Quand le moment sera venu & qu′il aura, pour ainsi dire, signé le contrat, changez alors clé langage, mettez autant de douceur dans votre empire que vous avez annoncé de sévérité. Vous lui direz : Mon jeune ami, l′expérience vous manque, mais j′ai fait en sorte que la raison ne vous manquât pas. Vous êtes en état de voir partout les motifs de ma conduite ; il ne faut pour cela qu′attendre que vous soyez de sang-froid. Commencez toujours par obéir, & puis demandez-moi compte de mes ordres ; je serai prêt, à vous en rendre raison sitôt que vous serez en état de m′entendre, & je ne craindrai jamais de vous prendre pour juge entre vous & moi. Vous promettez d′être docile, & moi je promets de n′user de cette docilité que pour vous rendre le plus heureux des hommes. J′ai pour garant de ma promesse le sort dont vous avez joui jusqu′ici. Trouvez quelqu′un de votre âge qui ait passé une vie aussi douce que la vôtre, & je ne vous promets plus rien. Le diréis pues: «Joven, con mucha ligereza contraéis obligaciones difíciles, y sería necesario que las conocieseis antes para tener derecho a imponéroslas ; no sabéis con qué furor arrastran los sentidos a vuestros semejantes en el remolino de los vicios, debido al atractivo del placer. No tenéis el alma abyecta, bien lo sé; nunca violaréis vuestra fe, pero muchas veces quizá os arrepentiréis de haberla empeñado. ¡Cuántas veces maldeciréis a quien os ama cuando por libraros de los males que os amenazan se vea obligado a destrozaros el corazón! Así agitado Ulises con el canto de las sirenas, suplicaba a sus conductores que le desatasen; seducido por los atractivos del placer trataréis de romper vuestras ligaduras, me importunaréis con vuestros lamentos, me reprocharéis mi tiranía cuando con más ternura me ocupe de vos; sin pensar en otra cosa que en vuestra felicidad, me ganaré vuestro aborrecimiento. ¡Oh, mi Emilio!, nunca podré soportar la idea de serte odioso, tu misma felicidad es muy cara a este precio. No os dáis cuenta, buen joven, que obligándoos a obedecerme me obligáis a que os conduzca, a que me olvide de mí para dedicarme a vos, a no escuchar vuestros lamentos ni vuestras murmuraciones, a combatir continuamente vuestros deseos y los míos? Me imponéis un yugo más duro que el vuestro. Antes de que los dos carguemos con él, consultemos nuestras fuerzas, tomaos tiempo, concedédmelo para que lo medite, y sabed que el que promete con más lentitud, siempre es el más fiel en cumplir». Sabed también que cuanto más dificultades pongáis en esta promesa, más facilitaréis su cumplimiento. Importa que el joven reconozca que promete mucho y que vos prometéis aún más. Cuando haya llegado el momento, y cuando haya firmado, por decirlo así, el contrato, cambiad de lenguaje, usad de tanta dulzura en vuestro imperio como severidad le habíais anunciado. Decidle «Querido joven, os falta experiencia, pero yo he procurado que no os faltase razón; estáis en estado de ver siempre los motivos de mi conducta, y para eso sólo necesitáis estar sereno. Obedeced siempre, y entonces pedidme cuentas de mis órdenes; estaré siempre dispuesto a haceros ver la razón de ellas en cuanto estéis en estado de comprenderme, y jamás temeré haceros juez entre vos y yo. Prometéis ser dócil y yo prometo aprovechar vuestra docilidad para hacer que seáis el más dichoso de los hombres. Os doy por garantía de mi promesa la suerte que hasta aquí habéis gozado; encontradme alguno de vuestra edad que haya vivido una vida tan dulce como la vuestra, y no os prometo nada más»
Après l′établissement de mon autorité, mon premier soin sera d′écarter la nécessité d′en faire usage. Je n′épargnerai rien pour m′établir de plus en plus dans sa confiance, pour me rendre de plus en plus le confident de son cœur & l′arbitre de ses plaisirs. Loin de combattre les penchants de son âge, je les consulterai pour en être le maître ; j′entrerai dans ses vues pour les diriger, je ne lui chercherai point aux dépens du présent un bonheur éloigné. Je ne veux point qu′il soit heureux une fois, mais toujours, s′il est possible. Después de fijar mi autoridad, mi primer cuidado será evitar los casos que obligan a hacer uso de ella. No omitiré nada para ganarme más y más su confianza, para hacerme el confidente de su corazón y el árbitro de sus placeres. Lejos de combatir los gustos de su edad, los consultaré para adueñarme de ellos-, me acomodaré a sus proyectos para dirigirlos, y no le proporcionaré una lejana felicidad a costa de la presente. No quiero que sea dichoso una vez, sino que lo sea siempre, si eso es posible.
Ceux qui veulent conduire sagement la jeunesse pour la garantir des pièges des sens lui font horreur de l′amour, & lui feroient volontiers un crime d′y songer à son âge, comme si l′amour étoit fait pour les vieillards. Toutes ces leçons trompeuses que le cœur dément ne persuadent point. Le jeune homme, conduit par un instinct plus sûr, rit en secret des tristes maximes auxquelles il feint d′acquiescer, & n′attend que le moment de les rendre vaines. Tout cela est contre la nature. En suivant une route opposée, j′arriverai plus sûrement au même but. je ne craindrai point de flatter en lui le doux sentiment dont il est avide ; je le lu′feindrai comme le suprême bonheur de la vie, parce qu′il l′est en effet ; en le lui peignant, je veux il s′y livre ; en lui faisant sentir quel charme ajoute a l′attroit des sens l′union des cœurs, je le dégoûterai du libertinage, & je le rendrai sage en le rendant amoureux. Los que quieren guiar prudentemente a la juventud para preservarla de los lazos de los sentidos, le inspiran horror al amor y consideran un delito que a su edad piense en él, como si el amor fuera para los ancianos. Jamás convencen todas estas engañosas lecciones que el corazón desmiente. El joven conducido por un instinto más cierto, se ríe en secreto de las tristes máximas que finge admitir, y sólo espera el momento para rechazarlas. Todo esto va contra la naturaleza. Siguiendo una dirección opuesta, llegaré con más seguridad al mismo punto; no temeré avivar en él el dulce sentimiento que le embarga; se lo pintaré como la dicha suprema de la vida, porque lo es en efecto; cuando yo se lo pinté, quiero que se abandone a él-, haciéndole sentir el encanto que al deleite sensual añade la unión de los corazones, le apartaré del libertinaje, y por el amor será recatado.
Qu′il faut être borné pour ne voir dans le naissants d′un jeune homme qu′un obstacle aux leçons de la raison ! Moi, j′y vois le vrai moyen de le rendre docile à ces mêmes leçons. On n′a de prise sur les passions que par les passions ; c′est par leur empire qu′il faut combattre leur tyrannie, & c′est toujours de la nature elle-même qu′il faut tirer les instruments propres à la régler. ¡Qué cortos alcances ha de tener quien en los nacientes deseos de un joven sólo ve un obstáculo en las lecciones de la razón! Yo veo el verdadero medio de hacer que sea dócil a estas lecciones. Las pasiones sólo se contrarrestan con otras; por su imperio se ha de resistir su tiranía, y siempre se han de sacar de la misma naturaleza los instrumentos propios para regularla.
Émile n′est pas fait pour rester toujours solitaire ; membre de la société, il en doit remplir les devoirs. Fait pour vivre avec les hommes, il doit les connaître. Il connaît l′homme en général ; il lui reste à connoître les individus. Il sait ce il qu′on fait dans le monde : il lui reste à voir comment on y vit. Il est tems de lui montrer l′extérieur de cette grande scène dont il connaît déjà tous les jeux cachés. Il n′y portera plus l′admiration stupide d′un jeune étourdi, mais le discernement d′un esprit droit & juste. Ses passions pourront l′abuser, sans doute ; quand est-ce qu′elles n′abusent pas ceux qui s′y livrent ? mais au moins il ne sera point trompé par celles des autres. S′il les voit, il les verra de l′œil du sage, sans être entraîné par leurs exemples ni séduit par leurs préjugés. Emilio no está destinado a vivir siempre solitario; miembro de la sociedad, debe cumplir sus deberes; nacido para vivir con los hombres, debe conocerlos. Cono» ce al hombre en general, pero le falta conocer al individuo. Sabe lo que hace cada uno en el mundo, y le falta ver cómo viven. Es hora de mostrarle el exterior de esta gran escena, cuyo oculto juego conoce ya. No se presentará con la inconsciente admiración de un joven atolondrado, sino con el discernimiento de un espíritu recto y justo. Sin duda sus pasiones le podrán engañar, ¿:y cuándo no engañan a quien se deja arrastrar por ellas?, pero por lo menos no le engañarán las ajenas. Si las ve, las verá con los ojos del sabio, sin que tiren de él sus ejemplos ni le seduzcan sus preocupaciones.
Comme il y a un âge propre à l′étude des sciences, il y en a un pour bien saisir l′usage du monde. Quiconque apprend cet usage trop jeune le suit toute sa vie, sans choix, sans réflexion, &, quoique avec suffisance, sans jamais bien savoir ce qu′il fait. Mais celui qui l′apprend & qui en voit les raisons, le suit avec plus de discernement, & par conséquent avec plus de justesse & de grâce. Donnez moi un enfant de douze ans qui ne sache rien du tout, à quinze ans je dois vous le rendre aussi savant que celui que vous avez instruit dès le premier age avec la différence que le savoir du vôtre ne sera que dans sa mémoire, & que celui du mien sera dans son jugement. De même, introduisez un jeune homme de vingt ans dans le monde ; bien conduit, il sera dans un an plus aimable & plus judicieusement poli que celui qu′on y aura nourri dès son enfance : car le premier, étant capable de sentir les raisons de tous les procédés relatifs à l′âge, a l′état, au sexe, qui constituent cet usage, les peut réduire en principes, & les étendre aux cas non prévus ; au lieu que l′autre, n′ayant que sa routine pour toute règle, est embarrassé sitôt qu′on l′en sort. Así como hay una edad apropiada para el estudio de las ciencias, hay otra en que mejor se aprenden los hábitos del mundo. El que los aprende de muy joven, los sigue toda su vida sin reflexión ni discernimiento, y aunque con mucha suficiencia, nunca sabe lo que se hace. Pero el que los aprende y ve sus razones, los sigue con más juicio y por consiguiente con más sensatez. Dadme un muchacho de doce años que no sepa nada de nada, y a los quince os lo devuelvo sabiendo tanto como el que desde sus primeros años habéis instruido, con la diferencia de que el saber del vuestro residirá en su memoria y el del mío en su juicio. De igual modo introducid a un joven de veinte años en el mundo; bien educado, será dentro de un año más amable y más juicioso que el que se hubiera criado en él desde su infancia, porque el primero es capaz de conocer las razones de todos los procederes relativos a la edad, condición y sexo, que constituyen este uso, y puede reducirlos a principios y aplicarlos a los casos no previstos, mientras que el otro, que no tiene más regla que la práctica, se encuentra con grandes dificultades en cuanto sale de ella.
Les jeunes demoiselles françaises sont toutes élevées dans des couvents jusqu′à ce qu′on les marie. S′aperçoit on qu′elles aient peine alors à prendre ces manières qui leur sont si nouvelles ? & accusera-t-on les femmes de Paris d′avoir l′air gauche, embarrassé, & d′ignorer l′usage du monde pour n′y avoir pas été mises dès leur enfance ? Ce préjugé vient des gens du monde eux-mêmes, qui, ne connaissant rien de plus important que cette petite science, s′imaginent faussement qu′on ne peut s′y prendre de trop bonne heure pour l′acquérir. Las muchachas francesas se educan todas en conventos hasta que contraen matrimonio. ¿:Es que tal vez se pretende que se amolden sin dificultad a modales para ellas tan nuevos? ¿:Acusará alguien a las mujeres de París de que carezcan de desenvoltura y de gracia, o que ignoran los hábitos del mundo porque no se han criado en él desde su infancia? Sostienen este prejuicio las mismas personas de la corte, que no conociendo nada más importante que esta insignificante ciencia, se imaginan, sin fundamento, que nunca es demasiado pronto para adquirirla.
Il est vrai qu′il ne faut pas non lus trop attendre. Quiconque a passé toute sa jeunesse foin du grand monde y porte le reste de sa vie un air embarrassé, contraint, un propos toujours hors de propos, des manières lourdes et maladroites, dont l′habitude d′y vivre ne le défait plus, & qui n′acquièrent qu′un nouveau ridicule par l′effort de s en délivrer. Chaque sorte d′instruction a son temps propre qu′il faut connaître, & ses dangers qu′il faut éviter. C′est surtout′pour celle-ci qu′ils se réunissent ; mais je n′y expose pas non plus mon élève sans précaution pour l′en garantir. Es cierto que tampoco hay que esperar hasta muy tarde. El que ha pasado su juventud lejos de la vida social tiene después un aire contraído y temeroso, dice siempre cosas fuera del caso, sus modales son pesados y desmañados, sin que el hábito de vivir con personas distinguidas se los pula, y no obstante su deseo de refinarse, se vuelve más ridículo. Cada clase de instrucción tiene su tiempo oportuno, que es preciso conocer, y sus peligros, que se han de evitar, y en ésta se reúnen más particularmente, pero tampoco expongo a ella a mi alumno sin las precauciones que le libren de estos peligros.
Quand ma méthode remplit d′un même objet toutes les vues, & quand, parant un inconvénient, elle en prévient un autre, je juge alors qu′elle est bonne, & que je suis dans le vrai. C est ce que je crois voir dans l′expédient qu′elle me suggère ici. Si je veux être austère & sec avec mon disciple, je perdrai sa confiance, & bientôt il se cachera de moi. Si je veux être complaisant, facile, ou fermer les yeux, de quoi lui sert d′être sous ma garde ? Je ne fais qu′autoriser son désordre, et soulager sa conscience aux dépens de la mienne. Si je l′introduis dans le monde avec le seul projet de l′instruire, il s′instruira plus que le ne veux. Si je l′en tiens éloigné jusqu′à la fin, qu′aura-t-il appris de moi ? Tout, peut-être, hors l′art le plus nécessaire a l′homme & au citoyen, qui est de savoir vivre avec ses semblables. Si je donne à ces soins une utilité trop éloignée, elle sera pour lui comme nulle, il ne fait cas que du présent. Si je me contente de lui fournir des amusements, quel bien lui fais-je ? il s′amollit & ne s′instruit point. Cuando mi método guarda perfecta unidad bajo todos los conceptos, y cuando remedia un inconveniente evitando otro, entonces creo que es bueno y que no me aparto de la verdad. Esto creo hallarlo en el recurso que se me sugiere aquí. Si quiero ser austero y rígido con mi discípulo, perderé su confianza y pronto se ocultará de mí; si quiero ser complaciente y fácil o cerrar los ojos, ¿:de qué le serviría estar bajo mi protección? No hago más que autorizar sus desórdenes y descargar su conciencia a expensas de la mía. Si le introduzco en el mundo con sólo el propósito de que se instruya, se instruirá más de lo que deseo. Si le tengo alejado de él hasta el fin, ¿:qué habrá aprendido conmigo? Tal vez todo, menos el arte más necesario al hombre y al ciudadano, que es saber vivir con sus semejantes. Si yo doy a sus atenciones una utilidad muy lejana, será como nula para él, que sólo aprecia lo presente. Si me contento con ofrecerle pasatiempos, ¿:qué bien le hago? Se amolda y no se instruye.
Rien de tout cela. Mon expédient seul pourvoit à tout. Ton cœur, dis-je au jeune homme, a besoin d′une compagne ; allons chercher celle qui te convient : nous ne la trouverons pas aisément peut-être, le vrai mérite est toujours rare ; mais ne nous pressons ni ne nous rebutons point. Sans doute il en est une & nous la trouverons à la fin, ou du moins celle qui en approche le plus. Avec un projet si flatteur pour lui je l′introduis dans le monde. Qu′ai-je besoin d′en dire davantage ? Ne voyez-vous pas que j′ai tout fait ? Nada de esto. Mi expediente solo lo soluciona todo. «Tu corazón, digo al joven, necesita una compañera; vamos a buscar la que te conviene; tal vez no la hallaremos fácilmente, pues el verdadero mérito siempre es raro, pero no nos precipitemos ni nos decepcionemos. Sin duda habrá alguna, y la encontraremos.» Con proyecto tan esperanzador le introduzco en el mundo. ¿:Qué más necesito decirle? ¿:No veis que ya está todo hecho?
En lui peignant la maîtresse. que je lui destine, imaginez si je saurai m′en faire écouter, si je saurai lui rendre agréables & chères les qualités qu′il doit aimer, si je saurai disposer tous ses sentiments à ce qu′il doit rechercher ou fuir ? Il faut que je sois le plus maladroit des hommes, si je ne le rends d′avance passionné sans savoir de qui. Il n′importe que l′objet que je lui peindrai soit imaginaire, il suffit qu′il le dégoûte de ceux qui pourroient le tenter, il suffit qu′il trouve partout des comparaisons qui lui fassent préférer sa chimère aux objets réels qui le frapperont : et qu′est-ce que le véritable amour lui-même, si ce n′est chimère, mensonge, illusion ? On aime bien plus l′image qu′on se fait que l′objet auquel on l′applique. Si l′on voyoit ce qu′on aime exactement tel qu′il est, il n′y auroit plus d′amour sur la terre. Quand on cesse d′aimer, la personne qu′on aimoit reste la même qu′auparavant, mais on ne la voit plus la même ; le voile du prestige tombe, et l′amour s′évanouit. Or, en fournissant l′objet imaginaire, je suis maître des comparaisons, & j′empêche aisément l′illusion des objets réels. Cuando le pinte la dama que le destino, imaginaos si sabré conseguir que me escuche, que mire con estimación y complacencia las cualidades que debe amar y que estén dispuestos sus sentimientos para lo que ha de buscar o rechazar. Sería necesario que yo fuese el más inhábil de los hombres si no le apasionara de antemano sin que él supiera por quién. No importa que el objeto que yo le pinto sea imaginario; es suficiente con que le inspire aversión a los que pudieran tentarle; es suficiente con que en todas partes encuentre comparaciones que le hagan preferir su fantástico objeto a los reales que se le presentasen, y el mismo amor verdadero, ¿:no es fantasía, ilusión, mentira? Se ama más la imagen que uno se crea que el objeto a que la aplica. Si lo que amamos se viese exactamente como es, no habría amor en la tierra. Cuando se deja de amar, la persona amada sigue lo mismo que era antes, pero ya no la ve igual; se cae el velo del prestigio y el amor se desvanece. Luego, formando el objeto imaginario, soy árbitro de las comparaciones, e impido con facilidad la ilusión de los objetos reales.
Je ne veux pas pour cela qu′on trompe un jeune homme en peignant un modèle de perfection qui ne puisse exister ; mais le choisirai tellement les défauts de sa maîtresse, qu′ils lui conviennent, qu′ils lui plaisent, & qu′ils servent à corriger les siens. je ne veux pas non plus qu′on lui mente, en affirmant faussement que l′objet qu′on lui peint existe ; mais s′il se complaît à l′image, il lui souhaitera bientôt un original. Du souhoit à la supposition, le trajet est facile ; c′est l′affaire de quelques descriptions adroites qui, sous des traits plus sensibles donneront à cet objet imaginaire un plus grand air de vérité. Je voudrois aller jusqu′à le nommer ; je dirois en riant : Appelons Sophie votre future maîtresse : Sophie est un nom de bon augure : si celle que vous choisirez ne le porte pas, elle sera digne au moins de le porter ; nous pouvons lui en faire honneur d′avance. Après tous ces détails, si, sans affirmer, sans nier, on s′échappe par des défaites, ses soupçons se changeront en certitude ; il croira qu′on lui fait mystère de l′épouse qu′on lui destine, & qu′il la verra quand il sera temps. S′fl en est une fois là, & qu′on ait bien choisi les traits qu′il faut lui montrer, tout le resté est facile ; on peut l′exposer dans le monde presque sans risque : défendez-le seulement de ses sens, son cœur est en sûreté. No por eso quiero que engañemos a un joven pintándole un modelo de perfección que no pueda existir, pero elegiré los defectos de su dama de forma que a él le agraden y sirvan para corregirle de los suyos. Tampoco quiero que se le engañe, asegurándole que en realidad existe el objeto que le pintamos, pero si se le complace en la imagen, pronto deseará hallar el original. Este deseo está muy próximo a la suposición; es tarea de algunas descripciones hechas con habilidad, que bajo perfiles más sensibles den a este imaginario objeto algún aire de veracidad. Si quisiéramos darle un nombre, le diría riendo: «Llamemos Sofía a vuestra futura dama. Sofía es un nombre de buena suerte; si no es el de la que escojáis, será digna por lo menos de llevarlo, y podemos honrarla con él por adelantado. Después de todos estos detalles, sin afirmar ni sin negar, le esquivaré con pretextos y sus recelos se transformarán en certeza; creerá que hago un misterio de la esposa que le destino y que la verá cuando sea el momento. Una vez le hemos interesado, y ha sido buena la elección de la imagen que le hemos formado, todo lo demás es fácil; podemos exponerlo en el mundo casi sin riesgo. Defendedle sólo de sus sentidos, que su corazón está seguro.
Mais, soit qu′il personnifie ou non le modèle que j′aurai su lui rendre aimable, ce modèle, s′il est bien fait, ne l′attachera pas moins à tout ce qui lui ressemble, & ne lui donnera pas moins d′éloignement pour tout ce qui ne lui ressemble pas, que s′il avoit un objet réel. Quel avantage pour préserver son cœur des dangers auxquels sa personne doit être exposée, pour réprimer ses sens par son imagination, l′arracher surtout à ces donneuses d′éducation qui la font payer si cher, & ne forment un jeune homme à la politesse qu′en lui ôtant toute honnêteté ! Sophie est si modeste ! de quel œil verra-t-il leurs avances ? Sophie a tant de simplicité ! comment aimera-t-il leurs airs ? il y a trop loin de ses idées à ses observations, pour que celles-ci lui soient jamais dangereuses. Pero personifique o no el modelo que yo haya sabido hacerle amar, si este modelo está bien hecho, no le atraerá menos todo lo que se le asemeje, y no tendrá menos aversión a lo que se le diferencia que si fuese un objeto real. ¡Qué ventaja para preservar su corazón de los peligros a que debe estar expuesto, para reprimir con su imaginación sus sentidos, para sacarle sobre todo de las redes de esas educadoras de los jóvenes, cuya enseñanza cuesta tan cara y que solamente muestran cómo es el trato fino con que se pierde toda honestidad! ¡Sofía es tan modesta! Cómo verá sus acicalamientos? ¡Sofía es tan sencilla! ¿:Cómo amará su compostura? Mucho distan de sus ideas sus observaciones, para que nunca le sean peligrosas.
Tous ceux qui Parlent du gouvernement des enfants suivent les mêmes préjugés et les mêmes maximes, parce qu′ils observent mal & réfléchissent plus mal encore. Ce n′est ni par le tempérament ni par le sens que commence l′égarement de la jeunesse, c′est par l′opinion. S′il étoit ici question des garçons qu′on élève dans les collèges, & des filles qu′on élève dans les couvents, je ferois voir que cela est vrai, même à leur égard ; car les premières leçons que prennent les uns & les autres, les seules qui fructifient sont celles du vice ; & ce n′est pas la nature qui les corrompt, c′est j′exemple. Mais abandonnons les pensionnaires des collèges & des couvents à leurs mauvaises mœurs ; elles seront toujours sans remède. Je ne parle que de l′éducation domestique. Prenez un jeune homme élevé sagement dans la maison de son père en province, & l′examinez au moment qu′il arrive à Paris, ou qu′il entre dans le inonde ; vous le trouverez pensant bien sur les choses honnêtes, et ayant la volonté même aussi saine que la raison ; vous lui trouverez du mépris pour le vice & de l′horreur pour la débauche ; au nom seul d′une prostituée, vous verrez dans ses yeux le scandale de l′innocence. Je soutiens qu′il n′y en a pas un qui put se résoudre à entrer seul dans les tristes demeures de ces malheureuses, quand même il en sauroit l′usage, & qu′il en sentiroit le besoin. Todos los que hablan de dirigir a los niños siguen las mismas preocupaciones y máximas, porque observan mal y reflexionan todavía peor. Ni por el temperamento ni por los sentidos comienza el extravío de la juventud, sino por la opinión. Si se tratase aquí de los muchachos que se educan en los colegios y de las niñas que se educan en los conventos, haría ver que hasta con relación a éstos es cierta mi proposición, porque las primeras lecciones que aprenden ambos, las únicas que fructifican, son las del vicio, y no es la naturaleza quien los corrompe, sino el ejemplo. Pero dejemos los pensionistas de los colegios y de los conventos con sus malos hábitos, pues siempre serán irremediables. Hablo de la educación doméstica. Tomad a un joven educado con recato en casa de su padre en provincias, y examinadle en el momento que llega a París o se introduce en el mundo; veréis que opina bien sobre las cosas honestas, y tiene la voluntad tan sana como la razón; que desprecia el vicio y tiene horror al libertinaje, y al solo nombre de una prostituta veréis en sus ojos el escándalo de la inocencia. Sostengo que no hay uno que se decida a entrar solo en las tristes moradas de estas desgraciadas, aun cuando sepa a qué se dedican y sienta necesidad de ellas.
À six mois de là, considérez de nouveau le même jeune homme, vous ne le reconnaîtrez plus ; des propos libres, des maximes du haut ton, des airs dégagés le feroient prendre pour un autre homme, si ses plaisanteries sur sa première simplicité, sa honte quand on la lui rappelle, ne montroient qu′il est le même et qu′il en rougit. Ô combien il s′est formé dans peu de temps ! D′où vient un changement si grand & si brusque ? Du progrès du tempérament ? Son tempérament n′eût-il pas fait le même progrès dans la maison paternelle ? et sûrement il n′y eût pris ni ce ton ni ces maximes. Des premiers plaisirs des sens ? Tout au contraire : quand on commence à s′y livrer, on est craintif, inquiet, on fuit le grand jour & le bruit. Les premières voluptés sont toujours mystérieuses, la pudeur les assaisonne & les cache : la première maîtresse ne rend pas effronté, mais timide. Tout absorbé dans un état si nouveau pour lui, le jeune homme se recueille pour le goûter, & tremble toujours de le perdre. S′il est bruyant, il n′est ni voluptueux ni tendre ; tant qu′il se vante, il n′a pas joui. Examinad de nuevo al joven después de seis meses, y no le reconoceréis. Sus libres conversaciones, sus máximas de salón, su ademán desenvuelto harían creer que era otro hombre si las bromas sobre su pasada inocencia, su vergüenza cuando se le recuerda no demostrasen que es el mismo. ¡Oh, cómo se ha formado en poco tiempo! ¿:De dónde procede tan grande y brusca transformación? ¿:Del progreso del temperamento? ¿:Es que no hubiera hecho los mismos progresos en la casa paterna? Y allí seguramente no habría adquirido ese estilo ni aprendido esas máximas. ¿:De los primeros placeres de los sentidos? Todo lo contrario; el que comienza a entregarse a ellos está inquieto, medroso, huye del bullicio y evita ser visto. Los primeros deleites son siempre misteriosos, el pudor los sazona y los oculta; la primera dama le hace tímido, no descarado. Absorto en un estado tan nuevo para él, el joven se recoge para gozarlo y siempre teme perderlo. Si es estrepitoso, ni goza ni ama; el que se jacta no ha gozado.
D′autres manières de penser ont produit seules ces différences. Son cœur est encore le même, mais ses opinions ont changé. Ses sentiments, plus lents à s′altérer, s′altéreront enfin par elles ; & c′est alors seulement qu′il sera véritablement corrompu. À peine est-il entré dans le monde qu′il y prend une seconde éducation tout opposée à la première, par laquelle il apprend à mépriser ce qu′il estimoit & à estimer ce qu′il méprisoit : on lui fait regarder les leçons de ses parents & de ses maîtres comme un jargon pédantesque, & les devoirs qu′ils lui ont prêchés comme une morale puérile qu′on doit dédaigner étant grand. Il se croit obligé par honneur à chan de conduite ; il devient entreprenant sans désirs et fat par mauvaise honte. Il raille les bonnes mœurs avant d′avoir ris du goût pour les mauvaises, & se pique de débauche sans savoir être débauché. Je n′oublierai jamais l′aveu d′un jeune officier aux gardes suisses, qui s′ennuyoit beaucoup des plaisirs bruyants de ses camarades, & n′osoit s′y refuser de peur d′être moqué d′eux. Je m′exerce à cela, disait-il, comme à prendre du tabac malgré ma répugnance : le goût viendra par l′habitude ; il ne faut pas toujours être Enfant. Ainsi donc, c′est bien moins de la sensualité que de la vanité qu faut préserver un jeune homme entrant dans le monde : il cède plus aux penchants d′autrui qu′aux siens, & l′amour-propre fait plus de libertins que l′amour. Otras maneras de pensar son las que han originado estas diferencias. Su corazón aún es el mismo, pero sus opiniones han cambiado. Sus sentimientos, más tardos en alterarse, al fin se alterarán por ellas, y entonces sí que estará verdaderamente corrompido. Apenas se ha introducido en el mundo, adquiere una segunda educación totalmente contraria a la primera, por la cual aprende a despreciar lo que estimaba y a estimar lo que despreciaba; le hacen ver las lecciones de sus padres y maestros como una jerga de pedantes y los deberes que le han enseñado con sus prédicas como una moral pueril, que cuando hombre debe desechar. Por su prestigio se cree obligado a cambiar de conducta; se vuelve emprendedor sin deseos y presumido para que no le avergüencen; se burla de las buenas costumbres, antes de haber cogido gusto a las malas y presume de libertinaje sin ser libertino. Nunca olvidaré la confesión de un joven oficial de guardias suizos, quien se aburría mucho con las ruidosas diversiones de sus camaradas y no osaba apartarse de ellos por temor de que se burlasen de él. «Me ejercito en esto -decía-, como con el tabaco, no obstante mi repugnancia; con el hábito vendrá el gozo, pues no hay que ser niño toda la vida.»
Cela posé, je demande s′il en est un sur la terre entière mieux armé que le mien contre tout ce qui peut attaquer ses mœurs, ses sentiments, ses principes, s′il en est un plus en état de résister au torrent. Car contre quelle séduction n′est-il pas en défense ? Si ses désirs l′entraînent vers le sexe, il n′y trouve point ce qu′il cherche, et son cœur préoccupé le retient. Si ses sens l′agitent & le pressent, où trouvera-t-il à les contenter ? L′horreur de l′adultère & de la débauche l′éloigne également des filles publiques & des femmes mariées, & c′est toujours par l′un de ces deux états que commencent les désordres de la jeunesse. Une fille à marier peut être coquette ; mais elle ne sera pas effrontée, elle n′ira pas se jeter à la tête d′une jeune homme qui peut l′épouser s′il la croit sage ; d′ailleurs elle aura quelqu′un pour la surveiller. Emile, de son côté, ne sera pas tout à fait livré à lui-même ; tous deux auront au moins pour gardes la crainte & la honte, inséparables des premiers désirs ; ils ne passeront point tout d′un coup aux dernières familiarités, & n′auront pas le tems d′y venir par degrés sans obstacles. Pour s′y prendre autrement, il faut qu′il ait déjà pris leçon de ses camarades, qu′il ait appris d′eux à se moquer de sa retenue, à devenir insolent à leur imitation. Mais quel homme au inonde est moins imitateur qu′Émile ? Quel homme se mène moins par le ton plaisant que celui qui n′a point de préjugés & ne sait rien donner à ceux des autres ? J′ai travaillé vingt ans à l′armer contre les moqueurs : il leur faudra plus d′un jour pour en faire leur dupe ; car le ridicule n′est à ses yeux que la raison des sots, & rien ne rend plus insensible à la raillerie que d′être au-dessus de l′opinion. Au lieu de plaisanteries, il lui faut des raisons ; &, tant qu′il en sera là, je n′ai pas peur que de jeunes fous me l′enlèvent ; j′ai pour moi la conscience & la vérité. S′il faut que le préjuge s′y mêle, un attachement de vingt ans est aussi quelque chose : on ne lui fera jamais croire que je l′aie ennuyé de vaines leçons ; & dans un cœur droit & sensible, la voix d′un ami fidèle & vrai saura bien effacer les cris de vingt séducteurs. Comme il n′est alors question que de lui montrer qu′ils le trompent, & qu′en feignant de le traiter en homme ils le traitent réellement enfant, j′affecterai d′être toujours simple, mais grave & clair dans mes raisonnements, afin qu′il sente que c′est moi qui le traite en homme. je lui dirai : "vous voyez que votre seul intérêt, qui est le mien, dicte mes discours, je n′en peux avoir aucun autre. Mais pourquoi ces jeunes gens veulent-ils vous persuader ? C′est qu′ils veulent vous séduire : ils ne vous aiment point, ils ne prennent aucun intérêt a vous ; ils ont pour tout motif un dépit secret de voir que vous valez mieux qu′eux ; ils veulent vous rabaisser à leur petite mesure, & ne vous reprochent de vous laisser gouverner qu′afin de vous gouverner eux-mêmes. Pouvez-vous croire qu′il y eût à gagner pour vous dans ce changement ? Leur sagesse est-elle donc si supérieure, & leur attachement d′un jour est-il plus fort que le mien ? Pour donner quelque poids à leur raillerie, il faudroit en pouvoir donner à leur autorité ; & quelle expérience ont-ils pour élever leurs maximes au-dessus des nôtres ? Ils dont fait qu′imiter d′autres étourdis, comme ils veulent être imités à leur tour. Pour se mettre au-dessus des prétendus préjugés de leurs pères, ils s′asservissent à ceux de leurs camarades. Je ne vois point ce qu′ils gagnent à cela : mais je vois qu′ils y perdent sûrement deux grands avantages, celui de l′affection paternelle, dont les conseils sont tendres et sincères, & celui de l′expérience, qui fait juger de ce que on connaît ; car les pères ont été enfants, & les enfants n′ont pas été peres." Así, pues, cuando un joven se introduce en el mundo se le debe preservar más de la vanidad que de la sensualidad; cede más a las propensiones ajenas que a las suyas, y el amor propio hace más libertinos que el amor. Supuesto esto, pregunto si existe en la tierra otro mejor acorazado que el mío contra todo lo que puede atacar sus costumbres, sus sentimientos y sus principios ; si hay uno que esté más en estado de resistir al torrente. Porque, ¿:contra qué seducción no está protegido? Si sus deseos le impulsan hacia el sexo, no halla en él lo que busca, y su corazón ya lleno le sujeta. Si sus sentidos le agitan y le acosan, ¿:dónde hallará cómo contentarlos? El horror al adulterio y al libertinaje le aleja igualmente de las mujeres públicas como de las mujeres casadas, y los desórdenes de la juventud siempre comienzan por uno de estos dos estados. Una soltera puede ser coqueta, pero no será provocativa; no irá a ofrecer su persona a un joven que se puede casar con ella si la cree honesta, además de que siempre habrá alguien que la vigile. Por su parte no estará Emilio totalmente abandonado a sí mismo; los dos tendrán por guardianes el temor y la vergüenza, inseparables de los primeros deseos; no llegarán de repente a las últimas familiaridades y no tendrán tiempo de llegar sin obstáculo a ellas poco a poco. Para que sea de otro modo, es necesario que haya tomado ya lecciones de sus camaradas, que le hayan enseñado a burlarse de su propio recato y a volverse insolente a imitación de ellos. ¿:Pero qué hombre hay en el mundo menos imitador que Emilio y que menos le afecten burlas, pues no tiene preocupaciones, ni cede nada a las de los demás? He tardado veinte años en armarle contra los burlones; necesitan más de un día para que se deje llevar de ellos, porque a sus ojos el ridiculizar es la razón de los necios, y no hay nada que haga más insensible a la ironía que ser superior a la opinión. En lugar de ingeniosidades, necesita razones, y mientras de aquí no salga, poco temo que le saquen de mi poder jóvenes alocados, sabiendo que están en mí la conciencia y la verdad, y si la preocupación ha de entrar a la parte, algo representa un cariño de veinte años; nunca le convencerán de que yo le haya aburrido con inútiles lecciones, y en un corazón recto y sensible, la voz de un fiel amigo sabrá imponer silencio a los gritos de veinte seductores. Como entonces sólo se trata de demostrarle que le engañan y que fingiendo tratarle como a un hombre le tratan como a un niño, me presentaré siempre sencillo, pero grave y claro en mis razones, para que se dé cuenta de que yo soy quien le trata como hombre. Le diré así «Ya veis que vuestro interés, que es el mío, es el único que dicta mis razones y que no puedo tener otro. ¿:Pero, por qué os quieren convencer esos jóvenes? ¿:Por qué quieren seduciros? Ni os aman, ni se interesan por vos; su único motivo es un secreto despecho de que valgáis más que ellos; quieren rebajaros hasta su pequeña medida, y si os reprochan el que os dejéis gobernar, es por gobernaros ellos. ¿:Podéis creer que ganaríais algo con este cambio? ¿:Su prudencia es superior? ¿:Es su cariño de un día más fuerte que el mío? Para que sus burlas tuviesen algún peso, sería preciso que lo tuviese su autoridad, ¿:y cuál es su experiencia para que hayan de preferirse sus máximas a las nuestras? No han hecho otra cosa que imitar a otros atolondrados, y quieren que recíprocamente los imiten a ellos. Por hacerse superiores a las pretendidas preocupaciones de sus padres, se esclavizan con las de sus camaradas. No veo lo que ganan con esto, pero sí que pierden dos grandes ventajas: la del amor paterno, cuyos consejos son sinceros y tiernos, y la de la experiencia que hace que uno opine sobre lo que conoce, porque los padres han sido hijos y los hijos no han sido padres.
"Mais les croyez-vous sincères au moins dans leurs folles maximes ? Pas même cela, cher Émile ; ils se trompent pour vous tromper ; ils ne sont point d′accord avec eux-mêmes : leur cœur les dément sans cesse, & souvent leur bouche les contredit. Tel d′entre eux tourne en dérision tout ce qui est honnête, qui seroit au désespoir que sa femme pensât comme lui. Tel autre poussera cette indifférence de mœurs jusqu′à celles de la femme qu′il n′a point encore, ou, pour comble d′infamie, à celles de la femme qu′il a déjà. Mais allez plus loin, parlez-lui de sa mère, & voyez s′il passera volontiers pour être un enfant d′adultère & le fils d′une femme de mauvaise vie, pour prendre à faux le nom d′une famille, pour en voler le patrimoine à l′héritier naturel ; enfin s′il se laissera patiemment traiter de bâtard. Qui d′entre eux voudra qu′on rende à sa fille le déshonneur dont il couvre celle d′autrui ? Il n′y en a pas un qui n′attentât même à votre vie, si vous adoptiez avec lui, dans la pratique, tous les principes s′efforce de vous donner. C′est ainsi qu′ils décèlent enfin leur inconséquence, & qu′on sent qu′aucun d′eux ne croit ce qu′il dit. Voilà des raisons, cher Émile : pesez les leurs, s′ils en ont, & comparez. Si je voulois user comme eux de mépris & de raillerie, vous les verriez prêter le flanc au ridicule autant peut-être & plus que moi. Mais je n′ai pas peur d′un examen sérieux. Le triomphe des moqueurs est de courte durée ; la vérité demeure, & leur rire insensé s′évanouit." »¿:Pero al menos los creéis sinceros en sus locas máximas? No, querido Emilio; por engañaros, se engañan ellos; no están conformes consigo mismos ; su corazón los desmiente a cada instante, y frecuentemente su boca los contradice. Entre ellos los hay que se mofan de todo lo que es honesto, y se desesperarían si su esposa pensase como ellos. Algún otro lleva tan adelante la licencia de costumbres, que comprenderá en ella las de la mujer que todavía no tiene, o para mayor infamia las de la mujer que ya tiene, pero id más lejos: habladle de su madre, y ved sí admitirá voluntariamente que se le considere fruto de adulterio, hijo de una mujer de mala vida, que lleve sin corresponderle el nombre de su familia, que usurpe el patrimonio a su legítimo heredero; por último, que nos diga si soportará que le traten de bastardo. ¿:Quién de ellos toleraría que cayese sobre su hija el deshonor que atribuyen a la ajena? Ni uno hay que no lo hiciera todo por quitaros la vida si practicaseis con él esos principios que intenta inspiraros. Así es como a la larga demuestran su inconsecuencia, sin que ninguno sienta ni crea lo que dice. He aquí mis razones, querido Emilio; pesad las de ellos, si tienen algunas, y comparad. Si quisiera recurrir a la ironía y al desprecio que les es habitual, veríais qué fácil es encontrar su flaco para ridiculizarlos, tanto como ellos a mí, o tal vez más. Pero yo no temo un examen serio. El triunfo de los burlones es de corta duración; la verdad permanece y su insensata risa desaparece.»
Vous n′imaginez pas comment, à vingt ans, Émile peut être docile. Que nous pensons différemment ! Moi, je ne conçois pas comment il a pu l′être à dix ; car quelle prise avais-je sur lui à cet âge ? Il m′a fallu quinze ans de soins pour me ménager cette prise. Je ne l′élevois pas alors, je le préparois pour être élevé. Il l′est maintenant assez pour être docile ; il reconnaît la voix de l′amitié, & il sait obéir à la raison. Je lui laisse, il est vrai, l′apparence de l′indépendance, mais jamais il ne me fut mieux assujetti, car il l′est parce qu′il veut l′être. Tant que je n′ai pu me rendre maître de sa volonté, je le suis demeure de sa personne ; je ne le quittais pas d′un pas. Maintenant je le laisse quelquefois à lui-même, parce que je le gouverne toujours. En le quittant je l′embrasse, & je lui dis d′un air assuré : Émile, je te confie à mon ami ; je te livre à son cœur honnête ; c′est lui qui me répondra de toi. No os podéis imaginar la docilidad de Emilio al llegar a los veinte años. ¡Qué diferente pensamos! Yo no comprendo que pudiese serlo a los diez, porque a esta edad, ¿:qué influencia tenía yo sobre él? He necesitado quince años dé cuidados para conseguirla. Entonces no le educaba, sino que le preparaba para ser educado; ahora lo está lo bastante para ser dócil; conoce la voz de la amistad y sabe obedecer a la razón. Es verdad que aparento abandonarle y dejarle en completa independencia, pero nunca estuvo tan sujeto a mí, y lo está porque quiere estarlo. Mientras no he podido apoderarme de su voluntad, no lo he dejado suelto, no he permitido que caminase a su antojo. Ahora le abandono alguna vez a sí mismo, porque siempre le gobierno. Cuando lo dejo le abrazo y le digo con mi mayor confianza: «Emilio, te confío a mi amigo, te entrego a su corazón honrado; él me responderá de ti».
Ce n′est pas l′affaire d′un moment de corrompre des affections saines qui n′ont reçu nulle altération précédente, & d′effacer des principes dérivés immédiatement des premières lumières de la raison. Si quelque changement s y fait durant mon absence, elle ne sera jamais assez longue, il ne saura jamais assez bien se cacher de moi pour que je n′aperçoive as le danger avant le mal, & que le ne sois pas à temps d′y porter remède. Comme cri ne se déprave pas tout d′un coup, on n′apprend pas tout d′un coup à dissimuler ; & si jamais homme est maladroit en cet art, c′est Émile, qui n′eut de sa vie une seule occasion d′en user. No es labor de un momento anular afecciones sinceras que no han sufrido ninguna alteración anteriormente, ni borrar principios derivados de las primeras luces de la razón. Si acontece algún cambio durante mi ausencia, nunca será tan larga ni sabrá él ocultarse tan bien de mí que no vea yo el peligro antes de que se declare la enfermedad y que no esté a tiempo de remediarla. Como nadie se corrompe de repente, tampoco aprende de repente a disimular, y si hay un hombre torpe para este arte, es Emilio, que nunca tuvo ocasión de practicarlo.
Par ces soins & d′autres semblables je le crois si bien & des objets étrangers et des maximes vulgaires, que j′aimerois mieux le voir au milieu de la plus mauvaise société de Paris, que seul dans sa chambre ou dans un parc livré à toute l′inquiétude de son âge. On a beau faire, de tous les ennemis qui peuvent attaquer un jeune homme, le plus dangereux & le seul qu′on ne peut écarter, c′est lui-même : cet ennemi pourtant n′est dangereux que par notre faute ; car, comme je l′ai dit mille fois, c′est par la seule imagination que s′éveillent les sens. Leur besoin proprement n′est point un besoin physique : il n′est pas vrai que ce soit un vrai besoin. Si jamais objet lascif n′eût frappé nos yeux, si jamais idée déshonnête rie fût entrée dans notre esprit, jamais peut-être ce prétendu besoin ne se fut fait sentir à nous ; & nous serions demeurés chastes, sans tentations, sans efforts et sans mérite. On ne sait pas quelles fermentations sourdes certaines situations et certains spectacles excitent dans le sang de la jeunesse, sans qu′elle sache démêler elle-même la cause de cette première inquiétude, qui n′est pas facile à calmer, et qui ne tarde pas à renaître. Pour moi, plus je réfléchis à cette importante crise & à ses causes prochaines ou éloignées, plus je me persuade qu′un solitaire élevé dans un désert, sans livres, sans instruction & sans femmes, y mourroit vierge à quelque âge qu′il fût parvenu. Con estos cuidados y otros parecidos, creo que está tan protegido de los objetos extraños y de las máximas vulgares, que preferiría verle entre la peor sociedad de París antes que solo en su habitación o en un jardín, entregado a las inquietudes de su edad. Por más que hagamos, entre los enemigos que pueden atacar a un joven, el más peligroso y el único que no se puede evitar es ese enemigo que uno lleva en sí mismo, pero ese enemigo sólo es peligroso por culpa nuestra, porque, como he advertido mil veces, es por la imaginación que se despiertan los sentidos. Su deseo no es propiamente un deseo físico, ni es cierto que sea un verdadero deseo. Si nunca se hubiera presentado ante nuestros ojos un objeto lascivo ni se hubiera metido en nuestro espíritu una idea deshonesta, seguramente que nunca habríamos sentido ese pretendido deseo, y habríamos continuado castos, sin tentaciones, sin esfuerzos y sin mérito. No sabemos las fermentaciones sordas que en la sangre de la juventud excitan ciertas situaciones y ciertos espectáculos, sin que ella sepa distinguir la causa de esa primera inquietud, que no es fácil calmar y que no tarda en renacer. Por mí, cuanto más pienso en esta importante crisis y en sus causas, próximas o remotas, más me convenzo de que un solitario educado en un desierto, sin libros, sin instrucciones y sin mujeres, moriría virgen a cualquier edad que le llegara la muerte.
Mais il n′est pas ici question d′un sauvage de cette espèce. En élevant un homme parmi ses semblables & pour la société, il est impossible, il n′est même pas à propos de le nourrir toujours dans cette salutaire ignorance ; & ce qu′il y a de pis pour la sagesse est d′être savant à demi. Le souvenir des objets qui nous ont frappés, les idées que nous avons acquises, nous suivent dans, la retraite, la peuplent, malgré nous, d′images plus séduisantes que les objets mêmes, & rendent la solitude aussi funeste à celui qui les y porte, qu′elle est utile à celui qui s′y maintient toujours seul. Pero aquí no se trata de un salvaje de esta especie. Educamos a un hombre entre sus semejantes y para la sociedad, y es imposible, ni tampoco conveniente, que 1e criemos en esta saludable ignorancia, y lo peor que hay para la castidad es saber a medias. El recuerdo de los objetos que nos han impresionado, las ideas que hemos conseguido, nos siguen en nuestro retiro, y a pesar nuestro lo pueblan de imágenes más seductoras que los mismos objetos, y es tan funesta la soledad para el que no puede desprenderse de ellas como es benéfica para el que las ignora y vive siempre solo.
Veillez donc avec soin sur le jeune homme, il pourra se garantir de tout le reste ; mais c′est à vous de le garantir de lui. Ne le laissez seul ni jour ni nuit, couchez tout au moins dans sa chambre : qu′il ne se mette au lit qu′accablé de sommeil et qu′il en sorte à l′instant qu′il s′éveille. Défiez-vous de l′instinct sitôt que vous ne vous y bornez plus : il est bon tant qu′il agit seul ; il est suspect dès qu′il se mêle aux institutions des hommes : il ne faut pas le détruire, il faut le régler ; & cela peut-être est plus difficile que de l′anéantir. Il seroit très dangereux qu′il apprit à votre élève à donner le change à ses sens & à suppléer aux occasions de les satisfaire : s′il connaît une ois ce dangereux supplément, il est perdu. Dès lors il aura toujours le corps & le cœur énervés ; il portera jusqu′au tombeau les tristes effets de cette habitude, la plus funeste à laquelle un jeune homme puisse être assujetti. Sans doute il vaudroit mieux encore… Si les fureurs d′un tempérament, ardent deviennent invincibles, mon cher Émile, je le te plains ; mais je ne balancerai pas un moment, le ne souffrirai point que la fin de la nature soit éludée. S′il faut qu′un tyran te subjugue, le te livre par préférence à celui ont je peux te délivrer : quoi qu′il arrive, je t′arracherai plus aisément aux femmes qu′à toi. Observad, pues, con mucho cuidado al joven; de todo lo demás él podrá resguardarse, pero a -vos os toca resguardarlo de sí mismo. No le dejéis solo ni de noche ni de día; dormid en su habitación, procurad que no se acueste hasta que le rinda el sueño, y que se levante así que se despierte. Desconfiad del instinto en el momento en que no estéis a su lado; es bueno en tanto que actúa solo, pero es sospechoso cuando se mezcla con las instituciones de los hombres; no se le debe destruir, sino regular, y regularlo quizá sea más difícil que aniquilarlo. Sería muy peligroso que enseñáseis a vuestro alumno a frenar sus sentidos y falsear las ocasiones de satisfacerlo, pues si llega a conocer ese peligroso suplemento está perdido; su corazón y su cuerpo quedarán enervados y hasta el final conservará los tristes efectos de ese hábito, el más funesto a que se puede exponer un joven. Sin duda sería preferible... Si los impulsos de un temperamento ardiente llegan a ser invencibles, mi querido Emilio, yo te compadezco, pero no vacilaré un instante, no sufriré porque el fin de la naturaleza sea eludido. Si te debe sojuzgar un tirano, prefiero entregarte a aquel de quien te puedo librar. Sea como fuere, te arrancaré más fácilmente de las manos de las mujeres que de ti mismo.
Jusqu′à vingt ans le corps croit, il a besoin de toute sa substance : la continence est alors dans l′ordre de la nature, & l′on n′y manque guère qu′aux dépens de sa constitution. Depuis vingt ans la continence est un devoir de morale ; elle importe pour apprendre à régner sur soi-même, à rester le maître de ses appétits. Mais les devoirs moraux ont leurs modifications, leurs exceptions, leurs règles. Quand la faiblesse humaine rend une alternative inévitable, de deux maux préférons le moindre ; en tout état de cause il vaut mieux commettre une faute que de contracter un vice. Hasta los veinte años el cuerpo crece y necesita de toda su sustancia; la continencia se halla entonces en el orden de la naturaleza, y sólo a costa de su constitución falta uno a ella. Después de los veinte años la continencia es un deber moral, que interesa para aprender a dominarse a sí mismo y a ser dueño de sus apetitos. Pero los deberes morales tienen sus modificaciones, sus excepciones, sus reglas. Cuando la debilidad humana hace inevitable una alternativa, prefiramos el menor de los dos males, pues en todo estado vale más cometer una falta que contraer un vicio.
Souvenez-vous que ce n′est plus de mon élève que je parle ici c′est du vôtre. Ses passions, que vous avez laissées &, vous subjuguent : cédez-leur donc ouvertement, & sans lui déguiser sa victoire. Si vous savez la lui montrer dans son vrai, il en sera moins fier que honteux, & vous vous ménagerez le droit de le guider durant son égarement, pour lui faire au moins éviter les précipices. Il importe que le disciple ne fasse rien que le maître ne le sache & ne le veuille, pas même ce qui est mal ; & il vaut cent fois mieux que le gouverneur approuve une faute & se trompe, que s′il étoit trompé par son élève, & que la faute se fît sans qu′il en sût rien. Qui croit devoir fermer les yeux sur quelque chose, se voit bientôt forcé de les fermer sur tout : le premier abus toléré en amène un autre, & cette chaîne ne finit plus qu′au renversement de tout ordre & au mépris de toute loi. Recordad que aquí yo no hablo de mi alumno, sino del vuestro. Sus pasiones, que habéis dejado fermentar, os dominan; ceded, pues, abiertamente, y sin regatearle su victoria, que si sabéis mostrársela en su verdadero sentido, antes se avergonzará que se enorgullecerá de ella, y os reservaréis el derecho de guiarle durante su extravío, para que por lo menos, evite los precipicios. Importa que nada, ni aun lo malo, haga el discípulo que no lo sepa y quiera el maestro, y cien veces vale más que el ayo apruebe una falta y se equivoque que ser engañado por su alumno y que la falta se hiciera sin que él lo supiese. Quien cree que debe cerrar los ojos para algo, pronto se ve obligado a cerrarlos para todo. La tolerancia ante el primer abuso acarrea otro, y esta cadena no se acaba hasta el trastorno de todo orden y el desprecio de toda ley.
Une autre erreur que j′ai déjà combattue, mais qui ne sortira jamais des petits esprits, c′est d′affecter toujours la dignité magistrale, & de vouloir passer pour un homme parfait dans l′esprit de son disciple. Cette méthode est à contresens. Comment ne voient-ils pas qu′en voulant affermir leur autorité ils la détruisent, que pour faire écouter ce qu′on dit il faut se mettre à la place de ceux à qui l′on s′adresse, & qu′il faut être homme pour savoir parler au cœur humain ? Tous ces gens parfaits ne touchent ni ne persuadent : on se dit toujours qu′il leur est bien aisé de combattre des passions qu ils ne sentent pas. Montrez vos faiblesses à votre élève, si vous voulez le guérir des siennes ; qu′il voye en vous les mêmes combats qu′il éprouve, qu′il apprenne à se vaincre à votre exemple, & qu′il ne dise pas comme les autres : ces vieillards dépités de n′être plus jeunes, veulent traiter les jeunes gens en vieillards & parce que tous leurs désirs sont éteints, ils nous font un crime des nôtres. Montaigne dit qu′il demandoit un jour au seigneur de Langey combien de fois, dans ses négociations d′Allemagne, il étoit enivré pour le service du roi. Je demanderois volontiers au gouverneur de certain jeune homme combien de fois il est entré dans un mauvais lieu pour le service de son élève. Combien de fois ? je me trompe. Si la première n′ôte à jamais au libertin le désir d′y rentrer, s′il n′en rapporte le repentir & la honte, s′il ne verse dans votre sein des torrents de larmes, quittez-le à l′instant ; il n′est qu′un monstre, ou vous n′êtes qu′un imbécile ; vous ne lui servirez jamais à rien. Mais laissons ces expédients extrêmes, aussi tristes que dangereux, & qui n′ont aucun rapport à notre éducation. Otro error que ya he combatido, pero que nunca saldrá de los espíritus apocados, es afectar siempre la dignidad magistral, y querer pasar por un hombre perfecto en el espíritu de su discípulo. Este método es contrario al juicio. ¿:Cómo no se dan cuenta de que, pretendiendo afianzar su autoridad la destruyen, que para hacer escuchar lo que dicen es preciso que se coloquen en lugar de aquel a quien se dirigen y que es necesario ser hombre para saber hablar al corazón humano? Todos estos varones perfectos ni mueven ni convencen; siempre decimos que les es muy fácil combatir las pasiones que no sienten. Mostrad vuestras debilidades a vuestro alumno si queréis corregir las, suyas; que vea en vos los mismos combates que experimenta él; que aprenda a vencerse a ejemplo vuestro y no diga como los demás «Estos viejos despechados, porque ya no son jóvenes, quieren tratarnos como si fuéramos viejos, y porque ya están apagados sus deseos juzgan los nuestros como un delito». Dice Montaigne que preguntó un día a De Langey: «Cuántas veces, por servir al rey, se había embriagado en sus negociaciones con Alemania». Igualmente yo le preguntaría al ayo de cierto joven cuántas veces había entrado en un burdel por servir a su alumno. ¿:Cuántas veces? Me engaño. Si la primera no le quita al libertino el deseo de volver a ella, si no sale arrepentido y avergonzado, si no derrama sobre vuestro pecho torrentes de lágrimas, abandonadle al instante; o él es un monstruo o vos sois un imbécil, y nunca le serviréis para nada. Pero dejemos estos expedientes extremos, tan tristes como peligrosos y que no tienen conexión alguna con nuestra educación.
Que de précautions à prendre avec un jeune homme bien né avant de l′exposer au scandale des mœurs du siècle ! Ces précautions sont pénibles, mais elles sont indispensables ; c′est la négligence en ce point qui perd toute la jeunesse ; c′est par le désordre du premier âge que les hommes dégénèrent, & qu′on les voit devenir ce qu′ils sont aujourd′hui. Vils & lâches dans leurs vices mêmes, ils n′ont que de petites âmes, parce que leurs corps usés ont été corrompus de bonne heure ; à peine leur reste-t-il assez de vie pour se mouvoir. Leurs subtiles pensées marquent des esprits sans étoffe ; ils ne savent rien sentir de grand & de noble ; ils n′ont ni simplicité ni, vigueur ; abjects en toute chose, & bassement méchants, ils ne sont que vains, fripons, faux ; ils n′ont pas même assez de courage pour être d′illustres scélérats. Tels sont les méprisables hommes que forme la crapule de la jeunesse : s′il s′en trouvoit un seul qui sût être tempérant & sobre, qui sût, au milieu d′eux, préserver son cœur, son sang, ses mœurs, de la contagion de l′exemple, à trente ans il écraseroit tous ces insectes, & deviendroit leur maître avec moins de peine qu′il n′en eut à rester le sien. ¡Cuántas precauciones hay que tomar con un joven decente antes de exponerle al escándalo de las costumbres del siglo! Estas precauciones son lamentables, pero indispensables; en este punto la negligencia echa a perder toda la juventud; por el desorden de la primera edad degeneran los hombres y les vemos llegar a lo que son después. Viles y cobardes en sus mismos vicios, tienen el alma mezquina, porque desde muy pronto se han corrompido sus castigados cuerpos y apenas les queda suficiente vida para moverse. Sus sutiles pensamientos descubren un espíritu sin calidad; nada grande y noble saben sentir, carecen de sencillez y vigor, son groseros en todo y la abyección y la falsedad les son comunes; ni siquiera poseen el suficiente coraje para ilustrarse en la perversidad. Estos son los hombres despreciables que se forman con nuestra crapulosa juventud; si se encontrase uno solo que supiese ser templado y sobrio, y que en medio de ellos consiguiese )reservar su corazón, su sangre y sus costumbres del contagio del ejemplo, a los treinta años aplastaría todos esos insectos y con menos dificultad que le costó ser dueño de sí mismo se convertiría en el dueño de todos ellos.
Pour peu que la naissance ou la fortune eût fait pour Émile, il seroit cet homme s′il vouloit l′être : mais il les mépriseroit trop pour daigner les asservir. Voyons-le maintenant au milieu d′eux, entrant dans le monde, non pour y primer, mais pour le connoître & pour y trouver une compagne digne de lui. Por poco que el nacimiento o la fortuna hubiese hecho en favor de Emilio, sería él ese hombre, si quisiera serlo, pero los desprecia mucho para dignarse esclavizarlos. Observémosle ahora conviviendo con ellos, introducido en su mundo, no para sobresalir, sino para conocerlo y hallar una compañera digna de él.
Dans quelque rang qu′il puisse être né, dans quelque société qu′il commence à s′introduire, son début sera simple & sans éclat : à Dieu ne plaise qu′il soit assez malheureux pour y briller ! Les qualités qui frappent au premier coup d′œil ne sont pas les siennes ; il ne les a ni ne les veut avoir. Il met trop peu de prix aux jugements des hommes pour en mettre à leurs préjugés, & ne se soucie point qu′on l′estime avant que de le connaître. Sa manière de se présenter n′est ni modeste ni vaine, elle est naturelle & vraie ; il ne connaît ni gêne ni déguisement, et il est au milieu d′un cercle ce qu′il est seul & sans témoin. Sera-t-il pour cela grossier, dédaigneux, sans attention pour personne ? Tout au contraire ; si seul il ne compte pas pour rien les autres hommes, pourquoi les compterait-il pour rien, vivant avec eux ? Il ne les préfère point à lui dans es manières parce qu′il ne les préfère pas à lui dans son cœur ; mais il ne leur montre pas, non plus une indifférence est bien éloigné d′avoir ; s′il n′a pas les formules de la politesse, il a les soins de l′humanité. Il n′aime à voir souffrir il n′offrira pas sa place à un autre par simagrée, mais il la lui cédera volontiers par bonté, si, le voyant oublie, il juge que cet oubli le mortifie ; car il en coûtera moins a mon jeune homme de rester debout volontairement, que de voir l′autre y rester par force. Sea cual sea la condición de su cuna y la sociedad que empieza a frecuentar, su debut será simple y sin lucimiento, ¡y no permita Dios que tenga la desgracia de brillar! Sus cualidades que observa a primera vista no le impresionan, pues ni las posee ni quiere. Tiene en muy poco aprecio los juicios de los hombres para que lo tenga por sus preocupaciones, y no pretende que le aprecien antes de conocerle. Su forma de presentarse no es modesta ni vana; él es natural y sincero y desconoce la sujeción y el disimulo, y en medio de una concurrencia es el mismo que solo y sin testigos. ¿:Será por esto grosero y desdeñoso, sin ser atención con nadie? Todo lo contrario, pues si cuando está solo no estima en nada a los demás hombres, ¿:por qué no los ha de estimar en algo cuando convive con ellos? En sus modales no los prefiere a sí mismo porque en su corazón no los prefiere, pero tampoco les demuestra una indiferencia, de la que está muy distante; si no usa las fórmulas de la cortesía, no falta a las atenciones de la humanidad. No quiere ver sufrir a nadie, no ofrecerá su sitio a otro por cumplido, pero se lo cederá voluntariamente por bondad si ve que se han olvidado de él y entiende que le mortifica ese olvido, porque menos le molestará estarse voluntariamente de pie que ver que otro lo está por fuerza.
Quoique en général Émile n′estime pas les hommes, il ne leur montrera point de mépris, parce qu′il les plaint & s′attendrit sur eux. Ne pouvant leur donner le goût des biens réels, il, leur laisse les biens de l′opinion dont ils se contentent, de peur que, les leur ôtant à pure perte, il ne les rendît plus malheureux qu′auparavant. Il n′est donc point disputeur ni contredisant ; il n′est pas non plus complaisant et flatteur ; il dit son avis sans combattre celui de personne, parce qu′il aime la liberté par-dessus toute chose, & que franchise en est un des plus beaux droits. Aunque Emilio no estime a los hombres en general, no les demostrará desprecio, porque los plañe y se compadece de ellos. No pudiendo inculcarles afición a los bienes reales, les deja los de la opinión con que se contentan, no sea que, quitándoselos sin resarcírselos, les haga más desgraciados de lo que ya eran. Así pues, no es disputador, ni tiene espíritu de contradicción; tampoco es contemplativo ni adulador, y expone su opinión sin atacar la de nadie, porque ama la libertad por encima de todo y la sinceridad es uno de sus más bellos derechos.
Il parle peu, parce qu′il ne se soude guère qu′on s′occupe de lui, par la même raison il ne dit que des choses utiles : autrement, qu′est-ce qui l′engageroit à parler ? Émile est trop instruit pour être jamais babillard. Le grand caquet vient nécessairement, ou de la prétention à l′esprit, dont je parlerai ci-après, ou du prix qu′on donne à des bagatelles, ont on croit sottement que les autres font autant de cas que nous. Celui qui connaît assez de choses pour donner a toutes leur véritable prix, ne parle jamais trop ; car il sait apprécier aussi l′attention qu′on lui donne & l′intérêt qu′on peut prendre à ses discours. Généralement les gens qui savent peu parlent beaucoup, & les gens qui savent peu parlent peu. Il est simple qu′un ignorant trouve important tout ce qu′il sait, & le dise a tout le monde. Mais un homme instruit n′ouvre pas aisément son répertoire ; il auroit trop à dire, & il voit encore plus a dire après lui ; il se tait. Habla poco, porque no le interesa que se ocupen de él, y por la misma razón sólo dice lo que cree útil, y si no, ¿:qué es lo que le obligaría a hablar? Emilio es demasiado instruido para caer en el defecto de hablador. El hablar mucho proviene necesariamente o de la pretensión de viveza, de que más tarde hablaré, o del aprecio de insignificancias y de la tontería de creer que los demás hacen de ellas el mismo caso que nosotros. El que conoce bastantes cosas para apreciarlas en lo que verdaderamente valen, nunca habla mucho, porque también sabe apreciar la atención que excita y el interés que inspiran sus palabras. Generalmente, las personas que saben poco hablan mucho, y las personas que saben mucho hablan poco. Es muy sencillo que un ignorante encuentre importante todo lo que sabe y se lo diga a todo el mundo, pero los instruidos no abren fácilmente su repertorio, pues tendrían mucho que decir, y ven que todavía quedan otros para hablar después de ellos, y se callan.
Loin de choquer les manières des autres, Émile s′y conforme assez volontiers, non pour paraître instruit des usages, lu pour affecter les airs d′un homme poli, mais au contraire de peur qu′on ne le distingue, pour éviter d′être aperçu ; & jamais il n′est plus à son aise que quand on ne prend pas garde à lui. Lejos de chocar con las maneras de los demás, Emilio las admite con la mejor voluntad, no por parecer conforme con todo ni por afectar modales de hombre cortés, sino porque no le interesa que le distingan, para evitar que le noten, y nunca está más a gusto que cuan-do no reparan en él.
Quoique entrant dans le monde, il en ignore absolument les manières ; il n′est pas pour cela timide & craintif ; s′il se dérobe, ce n′est point par embarras, c′est que pour bien voir, il faut n′être pas vu ; car ce qu′on pense de lui ne l′inquiète guère, et le ridicule ne lui fait pas la moindre peur. Cela lait qu′étant toujours tranquille et de sang-froid, il ne se trouble point par la mauvaise honte. Soit qu′on le regarde ou non, il fait toujours de son mieux ce qu′il fait ; &, toujours tout à lui pour bien observer les autres il saisit leurs manières avec une aisance que ne peuvent avoir les esclaves de l′opinion. On peut dire qu′il prend plutôt l′usage du monde, précisément parce qu′il en fait peu de cas. Aunque al introducirse en el mundo ignore absolutamente sus hábitos, no por eso es tímido y pusilánime; si se oculta no es por turbación, sino porque para ver bien es mejor no ser visto; lo que opinen de él no le inquieta, ni le asusta que le ridiculicen. Esto es la causa de que estando siempre sereno y tranquilo no le perturba la vergüenza. Tanto si le observan como no, lo que él hace siempre lo hace lo mejor que sabe; dueño siempre de sí para observar bien a los demás, comprende los esclavos de la opinión. Podemos decir que toma más pronto el estilo del mundo, precisamente porque le hace poco caso.
Ne vous trompez pas cependant sur sa contenance, & n′allez pas la comparer à celle de vos jeunes agréables. Il est ferme & non suffisant ; ses manières sont libres et non dédaigneuses : l′air insolent n′appartient qu′aux esclaves, l′indépendance n′a rien d′affecté. Je n′ai jamais vu d′homme ayant de la fierté dans l′âme en montrer dans son maintien : cette affectation est bien plus propre aux âmes viles & vaines, qui ne peuvent en imposer que par là. Je lis dans un livre, qu′un étranger se présentant un jour dans la salle du fameux Marcel, celui-ci lui demanda de quel pays il étoit : Je suis Anglois, répond l′étranger.Vous Anglois ? réplique le danseur ; vous seriez de cette île où les citoyens ont part à l′administration publique, & sont une portion de la puissance souveraine [37] ! Non, monsieur ; ce front baissé, ce regard timide, cette démarche incertaine, ne m′annoncent que l′esclave titré d′un électeur. Sin embargo; no os engañéis acerca de su aspecto; no vayáis a compararle con el de vuestros agradables jóvenes. Es firme, no es vanidoso, sus modales son libres, pero no desdeñosos; el aire insolente es propio de los esclavos y la independencia no tiene nada de afectación. Nunca he visto que un hombre de espíritu altivo lo demuestre en su actitud; esta afectación es propia de las almas mediocres, que sólo así pueden imponer respeto. He leído en un libro que habiéndose presentado un día en la sala del famoso Marcel un extranjero, le preguntó de qué país era. «Soy inglés.» «¿:Vos inglés? -exclamó el bailarín-; ¿:vos de aquella isla donde los ciudadanos participan de la administración pública y son parte del poder soberano? . No, señor; ese semblante abatido, ese mirar tímido, ese andar incierto, no anuncian más que un esclavo titulado de algún elector.»
Je ne sais si ce jugement montre une grande connoissance du vrai rapport qui est entre le caractère d′un homme & son extérieur. Pour moi, qui n′ai pas l′honneur d′être maître à danser, j′aurais pensé tout le contraire. J′aurais dit : Cet Anglois n′est pas courtisan, je n′ai jamais ouï dire que les courtisans eussent le front baissé et la démarche incertaine : un homme timide chez un danseur pourroit bien ne l′être pas dans la chambre des Communes. Assurément, ce M. Marcel-là doit prendre ses compatriotes pour autant de Romains. No sé si este juicio demuestra mucho conocimiento de la verdadera conexión que tiene el carácter de un hombre con su exterior. Yo, que no tengo el honor de ser maestro de danza, habría pensado todo lo contrario. Hubiera dicho: «Este inglés no es cortesano, porque jamás he oído decir que los cortesanos tengan el semblante abatido y el andar inseguro; un hombre tímido en casa de un bailarín pudiera muy bien no serlo en la Cámara de los Comunes». Seguramente que Marcel debe considerar a sus compatriotas otros tantos romanos.
Quand on aime, on veut être aimé. Émile aime les hommes, il veut donc leur plaire. À plus forte raison il veut plaire aux femmes ; son âge, ses mœurs, son projet, tout concourt à nourrir en lui ce désir. Je dis ses mœurs, car elles font beaucoup ; les hommes qui en ont sont les vrais adorateurs des femmes. Ils n′ont pas comme les autres je ne sais quel jargon moqueur de galanterie ; mais ils ont un empressement plus vrai, plus tendre, & qui part du cœur. Je connoîtrois près d′une jeune femme un homme qui a des mœurs & qui commande à la nature, entre cent nulle débauchés. Jugez de ce que doit être Émile avec un tempérament tout neuf, & tant de raisons d′y résister ! pour auprès d′elles, je crois qu′il sera quelquefois timide & embarrassé ; mais sûrement cet embarras ne leur déplaira pas, & les moins friponnes n′auront encore que trop souvent l′art d′en jouir & de l′augmenter. Au reste, son empressement changera sensiblement de forme selon les états. Il sera lus modeste & plus respectueux pour les femmes, plus vif & plus tendre auprès des filles à marier. Il ne perd point de vue l′objet de ses recherches, et c′est toujours à ce qui les lui rappelle qu′il marque le plus d′attention. El que ama quiere ser correspondido. Emilio ama a los hombres, y por lo tanto, quiere agradarles. Con más razón quiere agradar a las mujeres; su edad, sus costumbres, sus proyectos, todo contribuye a alimentar en él ese deseo. Digo sus costumbres porque influyen mucho, los hombres que las tienen sanas son los que verdaderamente adoran a las mujeres. No recurren, como muchos, a cierto galanteo burlón, pero demuestran un sentimiento más sincero y más tierno, saliéndole del corazón. Junto a una mujer distinguiría yo entre cien mil libertinos al hombre que tiene buenas costumbres y que domina su naturaleza. Júzguese lo que será Emilio con un temperamento nuevo y tantos motivos para resistirlo. Creo que algunas veces se le verá tímido y confuso al lado de ellas, pero seguramente que esta confusión no les disgustará, y las un poco osadas, tendrán más de una vez el capricho de divertirse con ella y aumentarla. En cuanto a lo demás, su obsequio variará sensiblemente de forma según los estados. Será más modesto y respetuoso con las casadas y más tierno y más vivo con las solteras, pues no pierde de vista el objeto de sus investigaciones, y siempre demuestra más atención a lo que se las recuerda.
Personne ne sera plus exact à tous les égards fondés sur l′ordre de la nature, et même sur le bon ordre de la société ; mais les premiers seront toujours préférés aux autres ; & à respectera davantage un particulier plus vieux que lui, qu′un magistrat de son âge. étant donc pour l′ordinaire, un des plus jeunes des sociétés où il se trouvera, il sera toujours un des plus modestes, non par la vanité de paraître humble, mais par un sentiment naturel & fondé sur la raison. Il n′aura point l′impertinent savoir-vivre d′un jeune fat, qui, pour amuser la compagnie, parle plus haut que les sages & coupe la parole aux anciens : il n′autorisera point, pour sa part, la réponse d′un vieux gentilhomme à Louis XV, qui lui demandait lequel il préféroit de son siècle ou de celui-ci : Sire, j′ai passé ni à respecter les vieillards, & il faut que je passe ma vieillesse à respecter les enfans. Nadie será más exacto que él para todas las atenciones fundadas en el orden de la naturaleza, incluso con el buen orden social, pero siempre preferirá las primeras a las últimas, y respetará más a un insignificante particular de más edad que él que a un magistrado de su misma edad. Como normalmente será uno de los más jóvenes en los círculos que frecuente, siempre será uno de los más modestos, y no por la vanidad′ de parecer humilde, sino por un sentimiento natural y fundado en la razón. No tendrá el impertinente descaro de un joven fastuoso, que por divertir a la reunión habla más alto que la gente discreta e interrumpe a los ancianos, y no autorizará por su parte la respuesta de un noble anciano a Luis XV, quien le preguntó si le parecía mejor su siglo o éste: «Señor, he pasado mi juventud respetando a los ancianos, y ahora tengo que pasar mi vejez respetando a los niños».
Ayant une âme tendre & sensible, mais n′appréciant rien-sur le taux de l′opinion, quoiqu′il aime à plaire aux autres, il se souciera peu d′en être considéré. D′où il suit qu′il sera plus affectueux que poli, qu′il n′aura jamais d′airs ni de faste, et qu′il sera plus touché d′une caresse que de mille éloges. Par les mêmes raisons il ne négligera ni ses manières ni son maintien ; il pourra même avoir quelque recherche dans sa parure, non pour paraître un homme de goût, mais pour rendre sa figure agréable ; il n′aura point recours au cadre doré, & jamais l′enseigne richesse ne souillera son ajustement. Con un alma tierna y sensible, pero que no aprecia nada por la opinión, aunque le plazca agradar a los demás, poco se cuidará de producir efecto. De donde se deduce que será más afectuoso que cortés, que jamás será presuntuoso v que mejor le moverá un halago que mil elogios. Por las mismas razones no descuidará ni sus modales ni su atavío; acaso podrá haber alguna afectación en su traje, no por parecer hombre de gusto, sino por hacer más agradable su presencia, pero no recurrirá al marco dorado, y nunca desprestigiará sus galas con demostraciones de riqueza.
On voit que tout cela n′exige point de ma part un étalage de préceptes, & n′est qu′un effet de sa première éducation. On nous fait un grand mystère de l′usage du monde ; comme si dans l′âge où l′on prend cet usage, on ne le prenoit pas naturellement, & comme si ce n′étoit pas dans un cœur honnête qu′il faut chercher ses premières lois ! La véritable politesse consiste à marquer de la bienveillance aux hommes ; elle se montre sans peine quand on en a ; c′est pour celui qui n′en a pas qu′on est forcé de réduire en art ses apparences. Vemos que todo esto no exige de mi parte mucha exhibición de preceptos y que es simple efecto de su primera educación. Se nos presenta con un gran misterio del uso del mundo, como si en la edad en que se adquiere ese uso no lo adquiriese uno naturalmente y no debiera averiguar sus primeras leyes un corazón recto. La auténtica urbanidad consiste en demostrar benevolencia, y la demuestra sin dificultad el que la tiene; sólo el que carece de ella se ve obligado a aparentarla.
Le plus malheureux effet de la politesse d′usage est d′enseigner l′art de se passer des vertus qu′elle imite. Qu′on nous inspire dans l′éducation l′humanité & la bienfaisance, nous aurons la politesse, ou nous n′en aurons plus besoin. «El efecto más desgraciado de la urbanidad que se usa es que enseña el arte de carecer de las virtudes que imita. Que nos inspiren en la educación la humanidad y la beneficencia, y tendremos urbanidad, o no la necesitaremos.
Si nous n′avons pas celle qui s′annonce par les grâces, nous aurons celle qui annonce l′honnête homme & le citoyen ; nous n′aurons pas besoin de recourir à la fausseté. »Si no tenemos la que se anuncia por los modales, tendremos la que anuncia al hombre honrado y al ciudadano, y no tendremos necesidad de recurrir a la hipocresía.
Au lieu d′être artificieux pour plaire, il suffira d′être bon ; au lieu d′être faux pour flatter les faiblesses des autres, il suffira d′être indulgent. »En lugar de ser artificioso para agradar, será suficiente con ser bueno; en lugar de ser hipócrita para halagar las debilidades ajenas, será suficiente con ser indulgente.
Ceux avec qui l′on aura de tels procédés n′en seront ni enorgueillis ni corrompus ; ils n′en seront que reconnaissants, & en deviendront meilleurs [38] . »Aquellos que procedan así, no se enorgullecerán, ni se corromperán; serán agradecidos y se volverán mejores.»
Il me semble que si quelque éducation doit produire l′espèce de politesse qu′exige ici M. Duclos, c′est celle dont j′ai tracé le plan jusqu′ici. Me parece que si alguna educación puede producir la especie de urbanidad que aquí exige Duclos es aquella cuyo plan he trazado.
Je conviens pourtant qu′avec des maximes si différentes, Émile ne : sera point comme tout le monde, & Dieu le préserve de l′être jamais ! Mais, en ce qu′il sera différent des autres, il ne sera ni fâcheux, ni ridicule : la différence sera sensible sans être incommode. Émile sera, si l′on veut, un aimable étranger. D′abord on lui pardonnera ses singularités en disant : Il se formera. Dans la suite on sera tout accoutumé à ses manières ; & voyant qu′il n′en change pas, on les lui pardonnera encore en disant : Il est fait ainsi. Por lo tanto, convengo que con máximas tan distintas Emilio no será como todo el mundo, y Dios le preserve de serlo. Pero en lo que se diferencie de los demás, no será enfadoso ni ridículo, y la diferencia será sensible sin ser incómoda. Emilio será, si queremos, un forastero amable. Primero le perdonarán sus singularidades, diciendo: «Ya cambiará»; después se habituarán a sus modales, y viendo que no los cambia, también le perdonarán diciendo: «El es así».
Il ne sera point fêté comme un homme aimable, irois on l′aimera sans savoir pourquoi ; personne ne vantera son les esprit, mais on le prendra volontiers pour juge entre les gens d′esprit : le sien sera net & borné, il aura le sens droit & le jugement sain. Ne courant jamais après les idées,es il ne sauroit se piquer d′esprit. Je lui ai fait sentir que toutes les idées salutaires & vraiment utiles aux hommes ont été les premières connues, qu′elles font de tout tems les seuls vrais liens de la société, & qu′il ne reste aux esprits transcendants qu′à se distinguer par des idées pernicieuses & funestes au genre humain. Me manière de se faire admirer ne le touche guère : il sait où il doit trouver le bonheur de sa vie, & en quoi il peut contribuer au bonheur d autrui. La sphère de ses connaissances ne s′étend pas lus loin que ce qui est profitable. Sa route est étroite & bien marquée ; n′étant point tenté d′en sortir, il reste confondu avec ceux qui la suivent ; il ne veut ni s′égarer ni briller. Émile est un homme de bon sens, & rie veut pas être autre chose : on aura beau vouloir l′injurier par ce titre, il s′en tiendra toujours honoré. No será considerado como un hombre amable: pero le querrán sin saber por qué; nadie alabará su ciencia, pero con agrado le harán juez entre los hombres de talento; el suyo será limpio y limitado, tendrá sentido recto y juicio sano. Correrá como nunca en pos de ideas nuevas y no pecará de agudo. Le he hecho ver que todas las ideas saludables y verdaderamente útiles a los hombres fueron las primeras que se conocieron, que en todos los tiempos son los verdaderos vínculos de la sociedad, y que a los espíritus trascendentales no les queda otro medio de distinguirse que ideas perniciosas y funestas al género humano. Esta manera de hacerse admirar no le mueve; sabe dónde ha de hallar la felicidad y con qué puede contribuir a la ajena. La esfera de sus conocimientos no se extiende más lejos de lo que es provechoso. Su ruta es estrecha bien marcada, y como no tiene tentaciones de salirse de ella, le confunden los que la siguen; no quiere extraviarse ni brillar. Emilio es un hombre de sana razón y no desea ser otra cosa; por más que traten de injuriarle con este dictado, él lo tendrá siempre como un honor.
Quoique le désir de plaire ne le laisse plus absolument indifférent sur l′opinion d′autrui, il ne prendra de cette opinion que ce qui se rapporte immédiatement à sa personne, sans se soucier des appréciations arbitraires qui n′ont de loi que la mode ou les préjugés. il aura l′orgueil de vouloir bien faire tout ce qu′il fait, même de le vouloir faire mieux qu′un autre : à la course il voudra être le plus léger ; à la lutte, le plus fort ; au travail le plus habile ; aux jeux d′adresse, le plus adroit ; mais il cherchera peu les avantages qui ne sont pas clairs par eux-mêmes, & qui ont besoin d′être constatés par le jugement d′autrui, comme d′avoir plus d′esprit qu′un autre, de parier mieux, d′être plus savant, etc. ; encore moins ceux qui ne tiennent point du tout à la personne, comme d′être d′une plus grande naissance, d′être estimé plus riche, plus en crédit, plus considéré, d′en imposer par un plus grand faste. Aunque el deseo de agradar no le deje ya absolutamente indiferente acerca de la opinión ajena, sólo tomará aquello que tenga inmediata conexión con su persona, sin interesarse por las apreciaciones arbitrarias que no tienen otra ley que la moda o las preocupaciones. Estará orgulloso de hacer bien todo lo que haga, y aun de hacerlo mejor que-otro; en la carrera querrá ser el más ligero, en la lucha el más fuerte, en el trabajo el más hábil, y en los juegos de destreza el más ingenioso, pero poco aspirará a las ventajas que no son claras en sí y que para comprobarse precisan el juicio ajeno, como tener más entendimiento que otro, hablar mejor, saber más, etc., y menos todavía por las que no tienen conexión con él, como ser de más alto linaje, suponerle más rico, con más crédito, más considerado, etcétera.
Aimant les hommes parce qu′ils sont ses semblables, il aimera surtout ceux qui lui ressemblent le plus, parce qu′il se sentira bon ; &, jugeant de cette ressemblance par la conformité des goûts dans les choses morales, en tout ce qui tient au bon caractère, il sera fort aise d′être approuvé. Il ne se dira pas précisément : je me réjouis parce qu′on m′approuve ; mais, je me réjouis parce qu′on approuve ce que j′ai fait de bien ; je me réjouis ce que les gens qui m′honorent se font honneur : tant qu′ils jugeront aussi sainement il sera beau d′obtenir leur estime. Como ama a los hombres porque son sus semejantes amará sobre todo a los que se le parecen más, porque se reconocerá por bueno, y juzgando de esta semejanza por la conformidad de gustos en las cosas morales, se complacerá mucho en hallar aprobación en todo lo que tiene relación con el buen carácter. No dirá precisamente: «Me alegro porque me aprueban», sino: «Me alegro porque aprueban lo bueno que he hecho y porque las personas que me honran se honran a sí mismas». Mientras sus juicios sean tan sanos, será hermoso obtener su estimación.
étudiant les hommes par leurs mœurs dans le monde, comme il. les étudioit ci-devant par leurs passions dans l′histoire, il aura souvent lieu de réfléchir sur ce qui flatte ou choque le cœur humain. Le voilà philosophant sur les principes du goût ; et voilà l′étude qui lui convient durant cette époque. Al estudiar a los hombres por sus costumbres en el mundo, como antes los estudiaba por sus pasiones en la Historia, tendrá muchas ocasiones de reflexionar acerca de lo que el corazón humano encuentra grato o desagradable. Ya le tenemos filosofando acerca de los principios del buen gusto, y éste es el estudio que le conviene durante esta época.
Plus on va chercher loin les définitions du goût, & plus on s′égare : le goût n′est que la faculté de juger ce qui plaît ou déplaît au plus grand nombre. Sortez de là, vous ne savez plus ce que c′est que le goût. Il ne s′ensuit pas qu′il y ait plus de gens de goût que d′autres ; car, bien que la pluralité juge sainement de chaque objet, il y a peu d′hommes qui jugent comme elle sur tous ; &, bien que le concours des goûts les plus généraux fasse le bon goût, il y a peu de gens de pût, de même qu′il y a peu de belles personnes, quoique l′assemblage des traits les plus communs fasse la beauté. Cuanto más lejos vamos a buscar las definiciones del buen gusto, más nos desviamos. El buen gusto no es otra cosa que la facultad de juzgar lo que agrada o desagrada al mayor número; saliendo de esto, no sabemos qué cosa sea el buen gusto. De aquí no se deduce que haya más hombres de buen gusto que de mal gusto, porque aunque la mayor parte forme un juicio exacto acerca de todos, y aunque el conjunto de gustos generales constituya el buen gusto, hay pocos que tengan buen gusto, como hay pocas personas bellas, aunque la belleza se constituya por un conjunto de rasgos muy comunes.
Il faut remarquer qu′il ne s′agit pas ici de ce qu′on aime parce qu′il nous est utile, ni de ce qu′on hait parce qu′il nous nuit. Le goût ne s′exerce que sur les choses indifférentes ou d′un intérêt d′amusement tout au plus, & non sur celles qui tiennent à nos besoins : pour juger de celles-ci, le goût n′est pas nécessaire, le seul appétit suffit. Voilà ce qui rend si difficiles, &, ce semble, si arbitraires les pures décisions du goût ; car, hors l′instinct qui le détermine, on ne voit plus la raison de ses décisions. On doit distinguer encore ses lois dans les choses morales & ses lois dans les choses physiques. Dans celles-ci, les principes du goût semblent absolument inexplicables. Mais il importe d′observer qu′il entre du moral dans tout ce qui tient à l′imitation [39] : ainsi l′on explique des beautés qui paraissent physiques & qui ne le sont réellement point. J′ajouterai que le goût a des règles locales qui le rendent en mille choses dépendant des climats, des mœurs, du gouvernement, des choses d′institution ; qu′il en a d′autres qui tiennent à l′âge, au sexe, au caractère, & que c′est en ce sens qu′il ne faut pas disputer des goûts. Debe remarcarse que aquí no- ′se trata de lo que amamos porque nos es útil, no de lo que odiamos porque nos es perjudicial. El gusto solamente se ejercita en las cosas indiferentes, o cuando más de un interés transitorio, y no las que se hallan unidas con nuestras necesidades; para juzgar de éstas, no es necesario el gusto, pues con el apetito ya es suficiente. Esto es lo que tan difíciles y al parecer tan arbitrarias hace las decisiones de puro gusto, porque no se ve la razón de estas decisiones fuera del instinto que las determina. También se deben distinguir sus leyes en las cosas morales y sus leyes en las físicas. En éstas los principios del buen gusto parecen absolutamente inexplicables. Pero interesa observar que en todo lo que se relaciona con la imitación tiene parte la moral ; así se explican bellezas que parecen físicas y que realmente no lo son. Añadiré que el gusto tiene reglas locales que en mil casos dependen de los climas, de las costumbres, del gobierno, de las instituciones, y hay otras que se refieren a la edad, al sexo, al carácter, y en este sentido es verdad que sobre gustos no hay disputa.
Le goût est naturel à tous les hommes, mais ils ne l′ont pas tous en même mesure, il ne se développe pas dans tous au même degré, &, dans tous, il est sujet à s′altérer par diverses causes. La mesure du goût qu on peut avoir dépend de la sensibilité qu′on a reçue ; sa culture & sa forme dépendent des sociétés où l′on a vécu. Premièrement il faut vivre dans des sociétés nombreuses pour faire beaucoup de comparaisons. Secondement il faut des sociétés d′amusement et d′oisiveté ; car, dans celles d′affaires, on a pour règle, non le plaisir, mais l′intérêt. En troisième lieu il faut des sociétés où l′inégalité ne soit pas trop grande, où la tyrannie de l′opinion soit modérée, & où règne la volupté plus que la vanité ; car, dans le cas contraire, la mode étouffe le goût ; & l′on ne cherche plus ce qui plaît, mais ce qui distingue. El gusto es natural en todos los hombres, pero no todos lo tienen en una medida igual, ni en todos se desarrolla hasta el mismo grado, y en todos está expuesto a alterarse por diversas causas. La medida del gusto que puede tener cada uno depende de la sensibilidad que ha recibido; su cultura y su forma dependen de las sociedades en que ha vivido. Primero es necesario vivir en numerosas sociedades para hacer muchas comparaciones. Luego son necesarias sociedades de pasatiempos y ociosidad, porque en las de negocios no se tiene por regla el deleite, sino el interés. En tercer lugar son necesarias sociedades donde no sea muy grande la desigualdad de condiciones, donde la tiranía de la opinión sea moderada y donde reine más el deleite que la vanidad, porque de lo contrario la moda avería el gusto, y no se busca lo que agrada, sino lo que distingue.
Dans ce dernier cas, il n′est plus vrai que le bon goût est celui du plus rand nombre. Pourquoi cela ? Parce que l′objet change. Alors la multitude n′a plus de jugement à elle, elle ne juge lus que d′après ceux qu′elle croit plus éclairés qu′elle ; elle approuve, non ce qui est bien, mais ce qu′ils ont approuvé. Dans tous les temps, faites que chaque homme ait son propre sentiment ; & ce qui est le plus agréable en soi aura toujours la pluralité des suffrages. En este último caso, ya no es cierto que sea el buen gusto el de mayor número. ¿:Por qué esto? Porque el objeto cambia. Entonces la muchedumbre no tiene juicio propio y juzga sólo por los que cree más ilustrados; no aprueba lo que está bien, sino lo que han aprobado ellos. Procurad que en todos los tiempos tenga cada uno su propio sentir, y lo que en sí es más agradable se llevará siempre la pluralidad de los votos.
Les hommes, dans leurs travaux, ne font rien de beau que par imitation. Tous les vrais modèles du goût sont dans la nature. Plus nous nous éloignons du maître, plus nos tableaux sont défigurés. C′est alors des objets que nous aimons que nous tirons nos modèles ; & le beau de fantaisie, sujet au caprice & à l′autorité, n′est plus rien que ce qui plaît à ceux qui nous guident. En sus trabajos los hombres no realizan nada bello que no sea por imitación. Todos los auténticos modelos del buen gusto se encuentran en la naturaleza. Cuanto más nos alejamos del maestro, más se desfiguran nuestras pinturas. Entonces sacamos nuestros modelos de los objetos que amamos, y la mejor fantasía, sujeta al capricho y a la autoridad, no es otra cosa que lo que quieren los que nos orientan.
Ceux qui nous guident sont les artistes, les grands, les riches ; & ce qui les guide eux-mêmes est leur intérêt ou leur vanité. Ceux-ci, pour étaler leurs richesses, et les autres pour en profiter, cherchent à l′envi de nouveaux moyens de dépense. Par là le grand luxe établit son empire, & fait aimer ce qui est difficile & coûteux : alors le prétendu beau, loin d′imiter la nature, n′est tel qu′à force de la contrarier. Voilà comment le luxe & le mauvais goût sont inséparables. Par-tout où le goût est dispendieux, il est faux. U Los que nos orientan son los artistas, los poderosos y los ricos, y lo que les guía es su interés y su vanidad. Los unos por hacer alarde de sus riquezas y los otros para aprovecharse de ellas, buscan a propósito nuevos medios de gasto. Así el gran lujo establece su imperio, y hace que guste lo que es difícil y caro; entonces lo que pretende ser bello, lejos de imitar la naturaleza, sólo a fuerza de contrariarla se mira como tal. Así es cómo el lujo y el mal gusto son inseparables. Donde el gusto es dispendioso, es falso.
C′est surtout dans commerce des deux sexes que le goût, bon ou mauvais, prend sa forme ; sa culture est un effet nécessaire de l′objet de cette société. Mais, quand la facilité de jouir attiédit le désir de plaire, le goût doit dégénérer ; & c′est là, ce me semble, une autre raison des plus sensibles, pourquoi le bon goût tient aux bonnes mœurs. Sobre todo en las relaciones de los dos sexos es donde toma su forma el gusto bueno o el malo; su cultivo es efecto necesario del objeto de esta sociedad. Mas cuando la facilidad de gozar entibia el deseo de agradar, el gusto debe degenerar, y ésta me parece otra de las más palpables razones de por qué está unido el buen gusto con las buenas costumbres.
Consultez le goût des femmes dans les choses physiques & qui tiennent au jugement des sens ; celui des hommes dans les choses morales & qui dépendent plus de l′entendement. Quand les femmes seront ce qu′elles doivent. être, elles se borneront aux choses de leur compétence, & jugeront tours bien ; mais depuis qu′elles se sont établies les arbitres de la littérature, depuis qu′elles se sont mises à juger les livres & à en faire à toute force, elles ne connoissent plus rien. Les auteurs qui consultent les savantes sur leurs ouvrages sont toujours sûrs d′être mal conseillés : les galants qui les consultent sur leur parure sont toujours ridiculement mis. J′aurai bientôt occasion de parler des vrais talents de ce sexe, de la manière de les cultiver, & des choses sur lesquelles ses décisions doivent alors être écoutées. Consultad el gusto de las mujeres en las cosas físicas y que tienen relación con el juicio de los sentidos, y el de los hombres en las morales y que dependen más del entendimiento. Cuando las mujeres sean lo que deben ser, se limitarán a las cosas de su competencia, y siempre juzgarán bien pero desde que se han convertido en árbitros de la literatura y a juzgar sobre toda suerte de libros y a escribir uno tras otro, ya no saben nada más. Los autores que consultan a las sabias sobre sus obras, pueden estar seguros de que siempre serán mal aconsejados; los elegantes que las consultan acerca de su traje, siempre van vestidos ridículamente. Pronto tendré ocasión de hablar del verdadero talento de ese sexo, del modo de cultivarlo, y de las cosas sobre las cuales son merecedoras de ser escuchadas sus decisiones.
Voilà les considérations élémentaires que je poserai pour principes en raisonnant avec mon Émile sur une matière qui ne lui est rien moins ; qu′indifférente dans la circonstance où il se trouve, & dans la recherche dont il est occupé. & à qui doit-elle être indifférente ? La connoissance de ce qui peut être agréable ou désagréable aux hommes n′est pas seulement nécessaire à celui qui a besoin d′eux, mais encore à celui qui veut leur être utile : il importe même de leur plaire pour les servir ; & l′art d′écrire n′est rien moins qu′une étude oiseuse quand on l′emploie à faire écouter la vente. Estas son las consideraciones primarias que sentaré como principio cuando con mi Emilio me remita a una materia que no le es indiferente en las circunstancias en que se halla y ante las investigaciones que ahora le absorben. ¿:Y a quién le ha de ser indiferente? El conocer lo que puede ser agradable o desagradable a los hombres no sólo es necesario para el que precisa de ellos, sino también para el que quiere serles útil, pues importa agradarles para servirles, nunca el arte de escribir es un estudio ocioso cuando vale para hacer escuchar la verdad.
Si, pour cultiver le goût de mon disciple, j′avois à choisir entre des pays où cette culture est encore à naître & d′autres où elle auroit déjà dégénéré, je suivrais l′ordre rétrograde ; je commencerois sa tournée par ces derniers, & je finirois par les premiers. La raison de ce choix est que le goût se corrompt par une délicatesse excessive qui rend sensible à des choses que le gros des hommes n′aperçoit pas ; cette délicatesse mène à l′esprit de discussion ; car plus on subtilise les objets, plus ils se multiplient : cette subtilité rend le tact plus délicat & moins uniforme. Il se forme alors autant de goûts qu′il y a de têtes. Dans les disputes sur la préférence, la philosophie & les lumières s′étendent ; & c′est ainsi qu′on apprend à penser. Les observations fines ne peuvent guère être faites que par des gens très répandus, attendu qu elles frappent après toutes les autres, & que les gens peu accoutumés aux sociétés nombreuses y épuisent leur attention sur les grands traits. Il n′y a pas peut-être à présent un lieu sur la terre ou le goût général soit plus mauvais qu′à Paris. Cependant c′est dans cette capitale que le bon goût se cultive ; & il paraît peu de livres estimés dans l′Europe dont l′auteur n′ait été se former à Paris. Ceux qui pensent qu il suffit de lire les livres qui s′y font se trompent : on apprend beaucoup plus dans la conversation des auteurs que dans leurs livres ; & les auteurs eux-mêmes ne sont pas ceux avec qui l′on apprend le plus. C′est l′esprit des sociétés lu, développe une tête pensante, & qui, porte la vue aussi loi, qu′elle peut aller. Si vous avez une étincelle de génie, allez passer une année à Paris : bientôt vous serez tout ce que vous pouvez être, ou vous ne serez jamais rien.. Si para cultivar el gusto de mi discípulo tuviese que elegir entre países donde todavía no ha comenzado su cultivo u otros donde ya ha degenerado, seguiría el orden retrógrado: comenzaría el viaje por estos últimos y acabaría por los primeros. La razón de esta elección consiste en que el gusto se estropea por una excesiva delicadeza que le hace sensible a cosas que no distingue la mayoría de los hombres; esta delicadeza trae el espíritu de discusión, porque cuanto más se utilizan los objetos, más se multiplican, y esta sutileza hace qué el tacto sea más delicado y menos uniforme. Entonces se forman tantos gustos como cabezas, y en las disputas acerca de la preferencia, la filosofía y las luces se extienden y se aprende a pensar. Sólo quien esté muy hecho al trato de gentes puede hacer observaciones sutiles, porque no impresionan hasta después de las demás, y en cuanto a las personas poco acostumbradas a las sociedades numerosas, toda su atención se la llevan los rasgos fuertes. Tal vez en la actualidad no haya un pueblo civilizado donde peor sea el gusto general que en París. Sin embargo, en esta capital es donde se cultiva el buen gusto, y pocos libros salen que sean apreciados en Europa, cuyos autores no hayan ido a formarse en París. Los que opinan que es suficiente con leer los libros que salen de allá se equivocan; se aprende mucho más en la conversación de los autores que en los libros. El espíritu de las sociedades es el que desenvuelve una cabeza pensadora y aclara y alarga la vista todo lo posible. Si tenéis una chispa de ingenio, id a pasar unos años en París: pronto seréis todo lo que podáis ser o no seréis jamás nada.
On peut apprendre à penser dans les lieux où le mauvais goût règne ; mais il ne faut pas penser comme ceux qui ont ce mauvais goût, & il est bien difficile que cela n′arrive quand on reste avec eux trop longtemps. Il faut perfectionner par leurs soins l′instrument qui juge, en évitant de l′employer comme eux. je me garderai de polir le jugement d′Émile jusqu′à l′altérer ; &, quand il aura le tact assez fin pour sentir & comparer les divers goûts des hommes, c′est sur des objets plus simples que je le ramènerai fixer le sien. En los países donde reina el mal gusto, podremos aprender a pensar, pero no debemos pensar como los que tienen este mal gusto, y es difícil que esto no ocurra cuando vivimos largo tiempo con ellos. Hemos de perfeccionar con mucho cuidado el instrumento que juzga, evitando emplearlo como ellos. Me guardaré muy bien de pulir el juicio de Emilio hasta alterarle, y cuando tenga el tacto tan fino que sienta y compare los distintos gustos de los hombres, le llevaré a objetos más simples para que fije el suyo.
Je m′y prendrai de plus encore pour lui conserver un goût pur & sain. Dans le tumulte de la dissipation je saurai ménager avec lui des entretiens utiles ; &, les dirigeant toujours sur des objets qui lui plaisent, j′aurai soin de les lui rendre aussi amusants qu′instructifs. Voici le tems de la lecture & des livres agréables ; voici. le tems de lui apprendre à faire l′analyse du discours, de le rendre sensible à toutes les beautés de l′éloquence & de la diction. C′est peu de chose d′apprendre les langues pour elles-mêmes ; leur usage n′est pas si important qu′on croit ; mais l′étude des langues mène à celle de la grammaire générale. Il faut apprendre le latin pour bien savoir le français ; il faut étudier & comparer l′un & l′autre pour entendre les règles de l′art de parler. Todavía tomaré esto de más lejos, para conservarle puro y sano el gusto. En el tumulto de la disipación sabré tener con él conferencias útiles, y dirigiéndolas siempre a objetos que le agraden, procuraré que le resulten tan entretenidas como instructivas. Ahora es el tiempo de la lectura y de los libros agradables; ahora el de enseñarle el análisis de la oración, y hacerle sensible a toda la belleza de la elocuencia y la dicción. No es suficiente aprender las lenguas por ellas mismas; su uso no es tan importante como se cree, pero su estudio conduce al de la gramática general. Es necesario aprender el latín para saber bien el francés, y para entender las reglas del arte de hablar, es necesario estudiar y comparar uno con otro.
Il y a d′ailleurs une certaine simplicité de goût qui va au cœur, & qui ne se trouve que dans les écrits des anciens. Dans l′éloquence, dans la poésie, dans toute espèce de littérature, il les retrouvera, comme dans l′histoire, abondants en choses, et sobres à juger. Nos auteurs, au contraire, disent peu & prononcent beaucoup. Nous donner sans cesse leur jugement pour loi n′est pas le moyen de former le nôtre. La différence des deux goûts se fait sentir dans tous les monuments et jusque sur es tombeaux. Les nôtres sont couverts d′éloges ; sur ceux des anciens on lisoit des faits. Además, hay una cierta sencillez de gusto que llega al corazón y que sólo se halla en los escritos de los antiguos. En la elocuencia, en la poesía, en toda especie de literatura, los encontrará, como en la historia, abundantes en temas y sobrios en juzgar. Nuestros autores, por el contrario, dicen poco y pronuncian mucho. Darnos sin cesar su juicio por ley no es modo de formar el nuestro. La diferencia de los dos gustos se hace sentir en todos los monumentos y hasta en los sepulcros; los nuestros están abiertos de elogios, en los de los antiguos se leían hechos.
Sta, viator ; heroem calcas.
Sta, viator; heroem calcas
(«Detente, caminante; pisas a un héroe»)
Quand j′aurois trouvé cette épitaphe sur un monument antique, j′aurois d′abord deviné qu′elle étoit moderne ; car rien n′est si commun que des héros parmi nous ; mais chez les anciens ils étoient rares. Au lieu de dire qu′un homme étoit un héros, ils auroient dit ce qu′il avoit fait pour l′être. À l′épitaphe de ce héros comparez celle de l′efféminé Sardanapale : Aunque yo hubiese hallado este epitafio en un monumento antiguo, en el acto habría adivinado que era moderno, porque entre nosotros no hay nada más común que los héroes, pero entre los antiguos eran raros. En vez de decir que uno era un héroe, habrían dicho lo que había hecho para serlo. Comparad con el epitafio de este héroe el del afeminado Sardanápalo:
J′ai bâti Tarse & Anchiale en un jour, & maintenant je suis mort. Yo he edificado Tarso y Anchialo en un día y ahora estoy muerto.
Laquelle dit plus, à votre avis ? Notre style lapidaire, avec son enflure, n′est bon qu′à souffler des nains. Les anciens montroient les hommes au naturel, & l′on voyoit que c′étoient des hommes. Xénophon honorant la mémoire de quelques guerriers tués en trahison dans la retraite des dix mille : Ils moururent, dit-il, irréprochables dans lez guerre & dans l′amitié. Voilà tout : mais considérez, dans cet éloge si court & si simple, de quoi l′auteur devoit avoir le cœur plein. Malheur à qui ne trouve pas cela ravissant ¿:Cuál significa más a vuestro parecer? Nuestro estilo lapidario, con su hinchazón sólo vale para hacer grandes a los enanos. Los antiguos mostraban a los hombres al natural, y se veía que eran hombres. Jenofonte, para honrar la memoria de algunos guerreros muertos a traición en la retirada de los diez mil: «Murieron -dice-, irreprochables en la guerra y en la amistad». Ahí está todo, pero ved en este tan corto y sencillo elogio cómo debía rebosar el corazón del autor. ¡Desventurado quien no halla esto admirable!
On lisoit ces mots gravés sur un marbre aux Thermopyles : Estas palabras grabadas en el mármol se leían en las Termópilas:
Passant, va dire à Sparte que nous sommes morts ici pour obéir a ses saintes lois. Caminante, ve a decir a Esparta que nosotros hemos muerto aquí por obedecer sus santas leyes.
On voit bien que ce n′est pas l′Académie des inscriptions qui a composé celle-là. Se ve claramente que no las dictó la academia de inscripciones.
Je suis trompé si mon élève, qui donne si peu de prix aux paroles, ne porte sa première attention sur ces différences, & si elles n′influent sur le choix de ses lectures. Entraîné par la mâle éloquence de Démosthène, il dira : C′est un orateur ; mais en lisant Cicéron, il dira : C′est un avocat. Mucho me engaño si mi alumno, que en tan poco aprecio tiene las palabras, no pone una gran atención en estas diferencias, y si no influyen en la elección de sus lecturas. Arrastrado por la varonil elocuencia de Demóstenes, dirá: «Este es un orador», pero cuando lea a Cicerón, dirá: «Este es un abogado».
En général, Émile prendra plus de goût pour les livres des anciens que pour les nôtres ; par cela seul qu′étant les premiers, les anciens sont les plus près de la nature, & que leur génie est plus à eux. Quoi qu′en aient pu dire la & l′abbé Terrasson, il n′y a point de vrai progrès de dans l′espèce humaine, parce que tout ce qu′on gagne d′un côté on le perd de l′autre ; que tous les esprits partent toujours du même point, & que le tems qu′on emploie à savoir ce que d′autres ont pense étant perdu pour apprendre à penser soi-même, on a plus de lumières acquises et moins de vigueur d′esprit. Nos esprits sont comme nos bras, exercés à tout faire avec des outils, & rien par eux-mêmes. Fontenelle disoit que toute cette dispute sur les anciens & les modernes se réduisoit à savoir si les arbres d′autrefois étaient plus grands que ceux d′aujourd′hui. Si l′agriculture avoit changé, cette question ne seroit pas impertinente à faire. Generalmente a Emilio le gustarán más los libros de los autores antiguos que los nuestros; aunque no sea por otra causa que la de ser aquéllos los primeros, están más cerca de la naturaleza y su ingenio es más a propósito para él. Digan lo que quieran la Motte y el abate Terrasón, no existen verdaderos progresos de la razón en el género humano, debido a que todo cuanto se gana por una parte se pierde por otra, porque todos los entendimientos salen siempre del mismo punto, y porque siendo perdido el tiempo que se gasta en saber lo que han pensado otros para pensar uno mismo, si se adquieren más luces, también pierde vigor la inteligencia. Nuestros entendimientos están como nuestros brazos, habituados a realizarlo todo con herramientas y nada por sí mismos. «Fontenelle decía que toda disputa sobre los antiguos y los modernos quedaba reducida en saber si los árboles de otro tiempo eran más corpulentos que los de hoy.» Si la agricultura hubiese variado, la cuestión no iría muy fuera de camino.
Après l′avoir ainsi fait remonter aux sources de la pure littérature, je lui en montre aussi les égouts dans les réservoirs des modernes compilateurs, journaux, traductions, dictionnaires ; il jette un coup d′œil sur tout cela, puis le laisse pour n′y jamais revenir. Je lui fais entendre, pour le réjouir, le bavardage des académies ; je lui fais remarquer que chacun de ceux qui les composent vaut toujours mieux seul qu′avec le corps : là-dessus il tirera de lui-même la conséquence de l′utilité de tous ces beaux établissements. Después de haberle ascendido de esta forma hasta las puras fuentes de la literatura, le muestro también los sumideros en los estanques de los compiladores modernos, en diarios, traducciones y diccionarios; da una mirada a todo esto y luego lo deja para no volver a mirarlo. Para divertirle, procuro que oiga la palabrería de las academias y observe que cada uno de los que las componen siempre vale más solo que en corporación; de aquí deducirá por sí mismo la consecuencia de la utilidad de todos estos soberbios establecimientos.
Je le mène aux spectacles, pour étudier, non les mœurs, mais le goût ; car c′est là surtout qu′il se montre à ceux qui savent réfléchir. Laissez les préceptes & la morale, lui dirais-je ; ce n′est pas ici qu′il faut les apprendre. Le théâtre n′est pas fait pour la vérité ; il est fait pour flatter, pour amuser les hommes ; il n′y a point d′école où l′on apprenne si bien l′art de leur plaire & d′intéresser le cœur humain. L′étude du théâtre mène à celle de la poésie ; elles ont exactement le même objet. Qu′il ait une étincelle de goût pour elle, avec quel plaisir il cultivera les langues des poètes, le grec, le latin, l′italien ! Ces études seront pour lui des amusements sans contrainte, & n′en profiteront que mieux ; elles lui seront délicieuses dans un âge & des circonstances où le cœur s′intéresse avec tant de charme à tous les genres de beauté faits pour le toucher. Figurez-vous d′un côté mon Emile, & de l′autre un polisson de collège, lisant le quatrième livre de l′Enéide, ou Tibulle, ou le Banquet de Platon : quelle différence ! Combien le cœur de l′un est remué de ce qui n′affecte pas même l′autre ! Ô bon jeune homme ! arrête suspends ta lecture, le te vois trop ému ; je veux bien que le langage de l′amour te plaise, mais non pas qu′il t′égare ; sois homme sensible, mais sois homme sage. Si tu des que l′un des deux, tu n′es rien. Au reste qu′il réussisse ou non dans les langues mortes, dans les~ belles-lettres, dans la poésie, peu. m′importe. Il n~en′vaudra pas moins S′il ne sait rien de tout cela, & ce n′est pas de tous ces badinages qu′il s′agit dans son éducation. Le llevo a los teatros, no para que estudie la moral, sino el gusto, ya que aquí es donde se manifiesta particularmente a los que saben reflexionar. Dejaos de preceptos y de moral, le diré; no es aquí donde se han de aprender. El teatro no está destinado para la verdad, sino para halagar y divertir a los hombres; no hay escuela donde se aprenda tan bien el arte de agradarles y de interesar el corazón humano. El estudio del teatro lleva al de la poesía, y ambos tienen un mismo objeto. Si tiene una chispa de afición a la poesía, ¡con qué placer cultivará las lenguas de los poetas, el griego, el latín, el italiano! Estos estudios serán para él pasatiempos sin prisas y le aprovecharán más, le serán deliciosos en una edad y circunstancias en que con tanto placer se interesa el corazón en todos los géneros de belleza capaces de conmoverle. Figuraos a un lado a mi Emilio y en el otro a un colegial leyendo el cuarto libro de la Eneida, o a Tíbulo, o el Banquete, de Platón; ¡qué diferencia! ¡Qué agitado está el corazón de uno de ellos con lo que ni siquiera impresiona el del otro! «Oh, buen joven, detén tu lectura, pues te veo demasiado enternecido; quiero que te agrade el idioma del amor, pero no quiero que te extravíe; sé hombre sensible, pero también un hombre cuerdo. Si eres de los dos, no eres nada». En cuanto a lo demás, que rechace o no las lenguas muertas, poco me importa, pues aunque no sepa nada de esto no valdrá menos, ni se trata de estas trivialidades en su educación.
Mon principal objet, en lui apprenant à sentir & aimer le beau dans tous les genres, est d′y fixer ses affections & ses goûts, d′empêcher que ses appétits naturels ne s′altèrent & qu′il ne cherche un jour dans sa richesse les moyens d′être heureux, qu′il doit trouver plus près de lui. J′ai dit ailleurs que le goût n′étoit que l′art le se connoître & petites choses & cela est très vrai ; mais puisque c′est d --i tissu de petites choses que dépend l′agrément de la vie, de tels soins ne sont rien moins qu′indifférents ; c′est par que nous apprenons à la remplir des biens mis à notre portée, dans toute la vérité qu′ils peuvent avoir pour nous. je n′entends point ici les biens moraux qui tiennent à la bonne disposition de l′âme, mais seulement ce qui est de sensualité, de volupté réelle, mis à part les préjugés & l′opinion. Mi principal objeto, cuando le enseño a que sienta y ame la belleza en todos sus géneros, es fijar en ella sus afecciones y sus gustos, evitar que se alteren sus apetitos naturales, y que un día busque en su riqueza los medios de ser feliz, debiéndolos buscar más cerca. He dicho ya que el gusto no es más que el arte de conocerse por pequeños detalles, y es verdad, pero una vez que las satisfacciones de la vida dependen de un cúmulo de ellos, no deja de ser importante esa solicitud; por ella aprendemos a llenarla de los bienes que podemos alcanzar con toda la verdad que para nosotros pueden tener. Aquí no hablo de los bienes morales que dependen de la buena disposición del alma, sino de lo que es propio de la sensualidad, del deleite real, dejando aparte los prejuicios de la opinión.
Qu′on me permette, pour mieux développer mon idée, de laisser un moment Émile, dont le cœur pur & sain ne peut plus servir de règle à personne, & de chercher en moi-même un exemple plus sensible & plus rapproché des mœurs du lecteur. Para desarrollar mejor mi idea que se me permita dejar por un momento a Emilio, cuyo puro y sano corazón no puede servir a nadie de regla, y ofrecer en mí mismo un ejemplo más sensible y más cercano a las costumbres del lector.
Il y a des états qui semblent changer la nature, & refondre, soit en mieux, soit en pis, les hommes qui les remplissent. Un poltron devient brave en entrant dans le régiment de Navarre. Ce n′est pas seulement dans le militaire que l′on prend l′esprit de corps, & ce n′est pas toujours en bien que ses effets se font sentir. J′ai pensé cent fois avec effroi que si j′avois le malheur de remplir aujourd′hui tel emploi que je pense en certains pays, demain je serois presque inévitablement tyran, concussionnaire, destructeur du peuple, nuisible au prince, ennemi par état de toute humanité, de toute équité, de toute espèce de vertu. Hay estados que parece que cambian la naturaleza y vacían, por así decirlo, en un nuevo molde a los hombres, transformándolos en mejores o peores. Un cobarde que ingresa en el regimiento de Navarra se vuelve valiente. No sólo en lo militar se coge el espíritu de cuerpo, ni siempre los efectos que produce son buenos. He pensado cien veces con horror que si tuviese el infortunio de tener el cargo que yo sé en cierto país, mañana seria inevitablemente tirano, concusionario, destructor del pueblo, funesto para el príncipe y enemigo de toda humanidad, toda equidad y toda especie de virtud.
De même, si étois riche, j′aurois fait tout ce qu′il faut pour le devenir ; je serois donc insolent & bas, sensible & délicat pour moi seul, impitoyable & dur pour tout le monde, spectateur dédaigneux des misères de la canaille, car je ne donnerois plus d′autre nom aux indigents pour faire oublier qu′autrefois je fus de leur classe. Enfin je ferois de ma fortune l′instrument de mes plaisirs, dont je serois uniquement occupé ; & jusque-là je serois comme tous les autres. De igual modo, si fuese rico, habría hecho todo lo posible para serlo, y por lo tanto, sería insolente y bajo, pero sensible y delicado para mí solo, despiadado y duro para todo el mundo, desdeñoso espectador de las miserias de la chusma, pues no daría otro nombre a los pobres, para conseguir que se olvidasen de que también lo fui yo en otro tiempo. Por último, sólo me ocuparía de mi fortuna, instrumento de mis placeres. Hasta aquí sería como todos los demás.
Mais en quoi je crois que j′en différerois beaucoup, c′est que je serois sensuel et voluptueux plut^t qu′orgueilleux & vain, & que je me livrerois au luxe de mollesse bien plus qu′au luxe d′ostentation. J′aurois même quelque honte l′étaler trop ma richesse, & je croirois toujours voir l′envieux que j′écraserois de mon faste dire à ses voisins a l′oreille : Voilà un fripon qui a grand′peur de n′être pas connu pour tel. Pero en lo que creo que me diferenciaría mucho de ellos es en que sería sensual y voluptuoso más que orgulloso y vano, y en que me daría más al lujo de la molicie que al de la ostentación, y aún me causaría alguna vergüenza el hacer demasiado alarde de mi riqueza, creyendo ver siempre al envidioso a quien aterrase mi fausto decir al oído de sus vecinos: «He aquí a un tahúr que tiene miedo de que le conozcan por tal».
De cette immense profusion de biens qui couvrent la terre, je chercherois ce qui m′est le plus & que je puis le mieux m′approprier. Pour cela, le premier usage de ma richesse seroit d′en acheter du loisir & la liberté, quoi j′ajouterois la santé, si elle étoit à prix ; mais comme elle ne s′achète qu′avec la tempérance, & qu′il n′y a point sans la santé de vrai plaisir dans la vie, je serois tempérant par sensualité. De esta inmensa profusión de bienes que cubre la tierra, buscaría lo que más me gustase y que pudiese apropiarme con más facilidad. Para esto el primer uso de mi riqueza sería comprar ocio y libertad, a lo cual añadiría la salud si estuviese en venta, pero como sólo se consigue con la templanza, y sin salud no hay deleite verdadero en la vida, por conservación sería templado.
Je resterois toujours aussi près de la nature qu′il seroit possible pour flatter les sens que j′ai reçus d′elle, bien sûr que plus elle mettroit du sien dans mes jouissances, plus trouverois de réalité. Dans le choix des objets d′imitation je la prendrais toujours pour modèle ; dans mes appétits je lui donnerois la préférence ; dans mes goûts je la consulterois toujours ; dans les mets je voudrois toujours ceux dont elle fait le meilleur apprêt & qui passent par le moins de mains pour parvenir sur nos tables. Je préviendrois les falsifications de la fraude, j′irois au-devant du plaisir. Ma sotte & grossière gourmandise s′enrichiroit point un maître d′hôtel ; il ne me vendroit point au poids de l′or du poison pour du poisson ; ma table ne seroit point couverte avec appareil de magnifiques ordures & charognes lointaines ; je prodiguerois ma propre peine pour sa te sensualité puisque alors cette peine est un plaisir elle-même, & qu′elle ajoute à celui qu′on en attend. Si je voulois goûter un mets du bout du monde, j′irais, comme Apicius, plutôt l′y chercher, que de l′en faire venir, car les mets les plus exquis manquent toujours d′un assaisonnement qu′on n′apporte pas avec eux & qu′aucun cuisinier ne leur donne, l′air du climat qui les a produits. Siempre me quedaría lo más cerca posible de la naturaleza, para contentar los sentidos que ella me dio. con la seguridad de que mis deleites serían tanto más reales cuanto más parte tuviese en ellos. Siempre sería mi modelo para la elección de los objetos de imitación; en mis apetitos le daría la preferencia, y en mis gustos le consultaría en todo; en las comidas siempre querría lo que más sazona ella y pasa por menos manos para llegar hasta nuestra mesa. Me guardaría así de las falsificaciones del fraude y saldría al encuentro del placer. No sometería mi grosera gula a las instrucciones de un jefe de comedor que me vendiese veneno por pescado; no se llenaría mi mesa con magníficas inmundicias traídas de lejanas tierras; me atormentaría para satisfacer mi sensualidad, pues el mismo tormento es entonces un nuevo placer y aumenta el que aquélla proporciona. Si quisiera saborear un manjar de un extremo del mundo, iría, como Apicio, a buscarlo, en lugar de hacérmelo traer, porque a los mas exquisitos manjares les falta siempre una sazón que no viene con ellos y ningún cocinero les puede dar, porque es el aire del clima que los ha producido.
Par la même raison, je n′imiterois pas ceux qui, ne se trouvant bien qu′où ils ne sont point, mettent toujours les saisons en contradiction avec elles-mêmes, & les climats en contradiction avec les saisons ; qui, cherchant l′été en hiver, & l′hiver en été, vont avoir froid en Italie & chaud dans le nord, sans songer qu′en croyant fuir la rigueur des saisons, ils la trouvent dans les lieux où l′on n′a point pris à s′en garantir. Moi, je resterois en place, ou je prendrois tout le contre-pied : je voudrois tirer d′une saison tout ce qu′elle a d′agréable, & d′un climat tout ce qu′il a de particulier. J′aurois une diversité de plaisirs & d′habitudes qui ne se ressembleroient point, & qui seroient toujours dans la nature, j′irois passer l′été à Naples, & l′hiver à Pétersbourg ; tantôt respirant un doux zéphyr, à demi couché dans les fraîches grottes de Tarente ; tantôt dans l′illumination d′un palais de glace, hors d′haleine, & fatigué des plaisirs du bal. Por la misma razón no imitaría a los que hallándose bien únicamente donde no están ponen siempre en contradicción consigo mismos a las estaciones, y en contradicción con las estaciones, los climas; buscan el verano en invierno y el invierno en verano; van a tener frío en Italia y calor en el Norte, sin pensar que cuando creen huir del rigor de las estaciones lo encuentran en los países donde no han aprendido a preservarse de él. Yo me quedaría en mi sitio, o haría todo lo contrario. Querría obtener de una estación todo lo agradable de ella y de un clima lo que le es peculiar. Tendría una diversidad de gustos y hábitos que no se pareciesen y que siempre fuesen naturales; iría a pasar el verano en Nápoles y el invierno en San Petersburgo; unas veces respirando un céfiro suave muellemente reclinado en las grutas de Tarento, y otras en la iluminación de un palacio de hielo, cansado y casi sin aliento tras los placeres del baile.
Je voudrois dans le service de ma table, dans la parure de mon logement, imiter par des ornements très simples la variété des saisons, & tirer de chacune toutes ses délices, sans anticiper sur celles qui la suivront. Il y a de la peine & non du goût à troubler ainsi l′ordre de la nature, à lui arracher des productions involontaires qu′elle donne à regret dans sa malédiction, & qui, n′ayant ni qualité ni saveur, ne peuvent ni nourrir l′estomac, ni flatter le palais. Rien n′est plus insipide que les primeurs ; ce n′est qu′à grands frais que tel riche de Paris, avec ses fourneaux et ses serres chaudes, vient à bout de n′avoir sur,a table toute l′année que de mauvais légumes & de mauvais fruits. Si j′avois des cerises quand il gèle, & des melons ambrés au cœur de l′hiver, avec quel plaisir les goûterais-je, quand mon palais n′a besoin d′être humecté ni rafraîchi ? Dans les ardeurs de la canicule, le lourd marron me serait-il fort agréable ? Le préférerais-je sortant de la poêle′à la groseille, à la fraise & aux fruits désaltérants qui me sont offerts sur la terre sans tant de soins ? Couvrir sa cheminée au mois de janvier de végétations forcées, de fleurs pâles & sans odeur, c′est moins parer l′hiver que déparer le printemps ; c′est s′ôter le plaisir d′aller dans les bois chercher la première violette, épier le premier bourgeon, & s′écrier dans un saisissement de joie : Mortels, vous n′êtes pas abandonnés, la nature vit encore. Pour être bien servi, j′aurois peu de domestiques : cela déjà été dit, & cela est bon à redire encore. Un bourgeois tire plus de vrai service de son seul laquais qu′un duc des dix messieurs qui l′entourent. J′ai pensé cent fois qu′ayant à table mon verre à côté de moi, je bois à l′instant qu′il me plaît, au lieu que, si j′avois un grand couvert, il faudroit que vingt voix répétassent :à boire, avant que je pusse étancher ma soif. Tout ce qu′on fait par autrui se fait mal, comme qu′on s′y prenne. Je n′enverrois pas chez les marchands, j′irois moi-même ; j′irois pour que mes gens ne traitassent pas avec eux avant moi, pour choisir plus sûrement, et payer moins chèrement ; j′irois pour faire un exercice agréable, pour voir un peu ce qui se fait hors de chez moi ; cela récrée, & quelquefois cela instruit ; enfin j′irois pour aller, c′est toujours quelque chose. L′ennui commence par la vie trop sédentaire ; quand on va beaucoup, on s′ennuie peu. Ce sont de mauvais interprètes qu′un portier & des laquais ; je ne voudrois point avoir toujours ces gens-là entre moi & le reste du monde, ni marcher toujours avec le fracas d′un carrosse, comme si j′avois peur d′être abordé. Les chevaux d′un homme qui se sert de ses jambes sont toujours prêts ; s′ils sont fatigués ou malades, il le sait avant tout autre ; & il n′a pas peur d′être obligé de garder le logis sous ce prétexte, quand son cocher veut se donner du bon temps ; en chemin mille embarras ne le font point sécher d′impatience, ni rester en place au moment qu′il voudroit voler. Enfin, si nul ne nous sert jamais si bien que nous-mêmes, fût-on plus puissant qu′Alexandre & plus riche que Crésus, on ne doit recevoir des autres que les services qu′on ne peut tirer de soi. Querría en el servicio de mi mesa y en el adorno de mi aposento imitar con ornamentos muy sencillos la variedad de las estaciones, y obtener de cada una de ellas sus delicias, sin gozar anticipadas las de las siguientes. Penoso es y no placentero perturbar así el orden de la naturaleza, arrancándole producciones involuntarias que ella da a pesar suyo y que careciendo de calidad y de sabor no pueden alimentar el estómago ni halagar el paladar. No hay nada más insípido que las frutas primerizas; hay rico en París que con grandes gastos, a fuerza de hornillos y de estufas, consigue servir todo el año en su mesa sólo malas legumbres y peores frutas. Si yo tuviese cerezas cuando hiela y melones en pleno invierno, ¿:con qué placer los habría de gustar cuando mi paladar no tiene necesidad de humedecerse y refrescarse? ¿:Me serían muy agradables las castañas en los ardores de pleno verano? ¿:Las preferiría saliendo de la sartén a la grosella, a la fresa y a las refrescantes frutas con que sin tantos cuidados me ofrece la tierra? Cubrir su chimenea el mes de enero con vegetaciones forzadas, con flores pálidas y sin olor, más que respetar el invierno es desnudar la primavera, es privarse del placer de ir a los bosques a buscar la primera violeta, a esperar el primer retoño y exclamar lleno de gozo: «Mortales, no estáis abandonados; la naturaleza todavía vive». Para estar bien servido tendría pocos criados, lo que ya he dicho, pero es necesario repetirlo. Hace más servicios a un burgués su solo criado que a un duque los diez lacayos que le rodean. Muchas veces he pensado que cuando tengo en la mesa el vaso a mano, bebo cuando quiero y si estuviese en una mesa de etiqueta sería preciso que veinte voces repitieran la orden de servirme antes de que yo pudiese beber, antes de que yo saciase mi sed. Todo lo que se hace por indicación de otro sale mal hágase como se quiera. No enviaría a las tiendas, sino que iría yo mismo, para que negociaran mis sirvientes antes que yo, para hacer un ejercicio agradable. para ver un poco lo que hacen fuera de mi casa, pues eso recrea v algunas veces instruye; por último, iría por ir. que siempre es algo. De la vida inactiva nace el aburrimiento, puesto que quien mucho anda poco se aburre. El portero y los criados son malos intérpretes; yo no quisiera que esas gentes sirvieran de intermediarios entre los demás y yo, ni andar siempre con el traqueteo de un coche como si tuviera miedo de que las gentes se me acercasen. Los caballos de un hombre que hace uso de sus piernas están siempre a punto; si las tiene enfermas o fatigadas, lo sabe antes que nadie, y no tiene miedo de verse obligado a no salir de casa con este pretexto cuando su cochero se quiere divertir; en la calle no hacen que se impaciente y se aburra con mil estorbos imprevistos, ni que se esté parado cuando desea ir volando. Por último, si nadie nos es tan útil como nosotros mismos, aunque sea uno más poderoso que Alejandro y más rico que Creso, sólo se deben admitir de los demás los servicios que no se puede hacer uno mismo.
Je ne voudrois point avoir un palais pour demeure ; car dans ce palais je n′habiterois qu′une chambre ; toute pièce commune n′est à personne, & la chambre de chacun de mes gens me seroit aussi étrangère que celle de mon voisin. Les Orientaux, bien que très voluptueux, sont tous logés & meublés simplement. Ils regardent la vie comme un voyage, & leur maison comme un cabaret. Cette raison prend peu sur nous autres riches, qui nous arrangeons pour vivre toujours : mais j′en aurois une différente qui produiroit le même effet. Il me sembleroit que m′établir avec tant d′appareil dans un lieu seroit me bannir de tous les autres, et m′emprisonner pour ainsi dire dans mon palais. C′est un assez beau palais que le monde ; tout n′est-il pas au riche quand il veut jouir ? Ubi bene, ibi patria ; c′est là sa devise ; ses lares sont les lieux où l′argent petit tout, son pays est partout où peut passer son coffre-fort, comme Philippe tenoit à lui toute place forte où pouvait entrer un mulet chargé d′argent. Pourquoi donc s′aller circonscrire par des murs et par des portes pour n′en sortir jamais ? Une épidémie, une guerre, une révolte me chasse-t-elle d′un lieu, je vais dans un autre, & j′y trouve mon hôtel arrivé avant moi. Pourquoi prendre le soin de m′en faire un moi-même, tandis qu on en bâtit pour moi par tout l′univers ? Pourquoi si pressé de vivre, m′apprêter de si loin des jouissances que je puis trouver dès aujourd′hui ? L′on ne sauroit se faire un sort agréable en se mettant sans cesse en contradiction avec soi. C′est ainsi qu′Empédocle reprochoit aux Agrigentins d′entasser les plaisirs comme s′ils n′avoient qu un jour à vivre & de bâtir comme s′ils ne devoient jamais mourir. No me gustaría vivir en un palacio porque no ocuparía más que una habitación; todo aposento común no es de nadie, y el cuarto de cada uno de mis criados sería tan extraño para mí como el de mi vecino. Los orientales, aunque viven con mucho esplendor, adornan sus habitaciones con una gran sencillez. Miran la vida como una jornada y su casa como un mesón. Esta razón no nos convence a nosotros los ricos, que tomamos nuestras medidas como si tuviéramos que vivir eternamente, pero yo tomaría otra diferente que produciría el mismo efecto. Tendría la sensación de que establecerme con tanto aparato en un sitio sería como desterrarme de todos los demás y ser prisionero, por así decirlo, en mi palacio. Palacio muy hermoso es el universo: ¿:no pertenece siempre a quien quiere disfrutarlo? Ubi tiene, ibi patria, «donde va bien, allí es le patria»; ése es su emblema, sus lares son los países donde todo lo puede conseguir su dinero, como tenía por suya Filipo toda fortaleza donde podía meter un mulo cargado de dinero. ¿:Pues por qué uno se ha de ir a encerrar entre puertas y paredes como si jamás tuviera que salir de allí? Si una epidemia, una guerra o una revolución me obligan a salir de un país y me voy a otro donde en seguida encuentro un hogar, ¿:qué necesidad tengo yo de construirme una casa cuando me la levanta el universo entero? ¿:Por qué cuando me doy tanta prisa en vivir he de preparar con anticipación gustos que desde hoy puedo gozar? ¿:Es imposible vivir una vida placentera estando siempre en contradicción consigo mismo? De esta manera, Empédocles reprochaba a los agrijentinos que acumulaban los deleites como si no tuvieran que vivir más de un día y levantaban edificios igual que si nunca hubieran de morir.
D′ailleurs, que me sert un logement si vaste, ayant si peu de quoi le peupler, et moins de quoi le remplir ? Mes meubles seroient simples comme mes goûts ; je n′aurois galerie ni bibliothèque, surtout si, j′aimois la lecture & que je me connusse en tableaux. Je saurois alors que de telles collections ne sont jamais complètes, & que le défaut de ce qui leur manque donne plus de chagrin que de n′avoir rien. En ceci l′abondance fait la misère : il n′y a, pas un faiseur de collections qui ne l′ait éprouvé. Quand on s′y connaît, on n′en doit point faire ; on n′a guère un cabinet à montrer aux autres quand on sait s′en servir pour soi. Por otra parte, ¿:de qué me sirve un alojamiento tan holgado, teniendo tan poco con qué llenarlo? Tanto mis muebles como mis gustos serían sencillos; no tendría galería ni biblioteca, principalmente si me gustase la lectura y entendiese de pinturas. Entonces sabría que semejantes colecciones nunca son completas y que la privación de lo que les falta produce más sentimiento que el no tener nada. En esto la abundancia es la miseria; no hay nadie que haga colecciones que no lo haya experimentado. Un inteligente no debe formarla, y quien posee un gabinete para enseñar a los otros no se sirve de él para sí mismo.
Le jeu n′est point un amusement d′homme riche, il est la ressource d′un désœuvré ; & mes plaisirs me donneroient trop d′affaires pour me laisser bien du temps à remplir. Je ne joue point du tout, étant solitaire & pauvre, si ce n′est quelquefois aux échecs, & cela de trop. Si j′étois riche, je jouerois moins encore, et seulement un très petit jeu, pour ne voir point de mécontent, ni l′être. L′intérêt du jeu, manquant de motif dans un esprit mal fait. Les profits qu′un homme riche peut faire au jeu lui sont moins sensibles que les pertes ; & comme la forme modérés, qui en use le bénéfice à la longue, fait qu′en général ils vont plus en pertes qu′en gains, on ne peut, en raisonnant bien, s′affectionner beaucoup a un amusement où les risques de toute espèce sont contre soi. Celui qui nourrit sa vanité des préférences de la fortune les peut chercher dans des objets beaucoup plus piquants, & ces préférences ne se marquent pas moins dans le plus petit jeu que dans le plus grand. Le goût du jeu, fruit de l′avarice & de l′ennui, ne prend que dans un esprit & dans un cœur vides ; & il me semble que j′aurois assez de sentiment & de connaissances pour me passer d′un tel supplément. On voit rarement les penseurs se plaire beaucoup au jeu, qui suspend cette habitude, ou a tourne sur d′arides combinaisons ; aussi l′un des biens, & peut-être le seul qu′ait produit le goût des sciences, est d′amortir un peu cette passion sordide ; on aimera mieux s′exercer à prouver l′utilité du jeu que de s′y livrer. Moi, je le combattrais parmi les joueurs, & j′aurois plus de plaisir à me moquer d′eux en les voyant perdre, qu′à leur gagner leur argent. El juego no es la diversión propia de un hombre rico, sino el recurso de un desocupado, y mis placeres me ofrecerían demasiadas ocupaciones para tener tiempo en emplearlo tan mal. Viviendo solo y siendo pobre, yo no juego, o sólo alguna vez al ajedrez, y aun eso es innecesario. Si fuese rico, todavía jugaría menos, y sólo un juego sin importancia, para no ver a nadie disgustado ni disgustarme yo. En la opulencia, estando falto de motivo el interés del juego, nunca puede convertirse en furor, a no ser en un alma avara. Las ganancias que puede sacar un hombre rico del juego, para él son siempre menos sensibles que las pérdidas, y como la forma de los juegos moderados, que al cabo se lleva los beneficios, hace que generalmente lleven más pérdidas que ganancias, no es posible que quien discurra bien se aficione a un pasatiempo en que están contra él riesgos de toda clase. El que halaga su vanidad con las preferencias de la fortuna, puede buscarlas en objetos mucho más importantes, y estas preferencias no son menos manifiestas en el juego más débil que en el más fuerte. La afición al ,juego, fruto de la avaricia y del aburrimiento, sólo arraiga en un entendimiento y un corazón vacío, y creo que yo tendría los necesarios conocimientos y sensibilidad para no precisar ese suplemento. Raramente vemos que los pensadores se diviertan en el juego, pues les lleva el hábito de meditar, o les dirige a combinaciones áridas; por eso uno de los bienes y el único tal vez que ha producido la afición a las ciencias es aminorar en lo posible esta sórdida pasión; más prefiere uno probar la utilidad del juego que entregarse a él. Yo le atacaría entre los jugadores, y me divertiría más burlándome de ellos cuando los viese perder que por ganarles su dinero.
Je serois le même dans ma vie privée & dans le commerce du monde. je voudrais que ma fortune mit partout de l′aisance, & ne fît jamais sentir d′inégalité. Le clinquant de la parure est incommode à mille égards. Pour garder parmi les hommes toute la liberté possible, je voudrois être mis de manière que dans tous les rangs je parusse à ma place, & qu′on ne me distinguât dans aucun ; que, sans affectation, sans changement sur ma personne, je fusse peuple à la guinguette et bonne compagnie au Palais-Royal. Par là plus maître de ma conduite, je mettrais toujours à ma portée les plaisirs de tous les états. Il y a, dit-on, des femmes qui ferment leur porte aux manchettes brodées, & ne reçoivent personne qu′en dentelle ; j′irois donc passer ma journée ailleurs : mais si ces femmes étoient jeunes & jolies, je pourrois quelquefois prendre de la dentelle pour y passer la nuit tout au plus. Sería el mismo en mi vida privada que en el trato de sociedad. Desearía que mi fortuna les fuese útil a todos y no hiciese sentir la desigualdad a nadie. El oropel de los atavíos es incómodo por miles de conceptos. Para conservar con la gente toda la libertad posible, quisiera vestirme de forma que en todas las condiciones pareciese que estaba en mi sitio y que no me distinguiesen en ninguna, que sin afectación ni transformación en mi persona fuese plebe en los barrios bajos y buena compañía en el Palacio Real. Más dueño así de mi conducta, podría siempre gozar de las diversiones de las personas de cualquier condición. Dicen que hay mujeres que cierran la puerta a los que no llevan puños bordados y no reciben a los que no llevan puntillas; yo iría a pasar el día a otra parte, pero si fuesen jóvenes y hermosas me pondría alguna vez una prenda con encajes para pasar en su casa la noche.
Le seul lien de mes sociétés seroit l′attachement mutuel, la conformité des goûts, la convenance des caractères ; je m′y livrerois comme homme & non comme riche ; je ne souffrirois jamais que leur charme fût empoisonné par l′intérêt. Si mon opulence m′avoit laissé quelque humanité, j′étendrois au loin mes services & mes bienfaits ; mais je voudrois avoir autour de moi une société & non une cour, des amis & non des protégés ; je ne serois point le patron de mes convives, je serois leur hôte. L′indépendance & l′égalité laisseroient à mes liaisons toute la candeur de la bienveillance ; & où le devoir ni l′intérêt n′entreroient pour rien, le plaisir et l′amitié feroient seuls la loi. El único lazo de nuestras sociedades sería el mutuo cariño, la conformidad de gustos, la concordancia de caracteres yo me echaría en sus brazos como hombre y no como rico, y nunca consentiría que el interés envenenase el encanto. Si mi opulencia me hubiese dejado alguna humanidad, extendería lejos mis servicios y mis obsequios, pero querría tener alrededor mío una sociedad y no una corte, amigos y no deudos; no sería anfitrión de mis invitados porque sería su huésped. La independencia y la igualdad dejarían a mis relaciones todo el candor de la benevolencia y no teniendo cabida alguna el interés y la obligación, sólo la alegría y la amistad dictarían la ley.
On n′achète ni son ami, ni sa maîtresse. Il est aisé d′avoir des femmes avec de l′argent ; mais c′est le moyen de n′être jamais l′amant d′aucune. Loin que l′amour soit à vendre, l′argent le tue infailliblement. Quiconque paie, fût-il le plus aimable des hommes, par cela seul qu′il paie, ne peut être longtemps aimé. Bientôt il paiera pour un autre, ou plutôt cet autre sera payé de son argent ; &, dans ce double lien formé par l′intérêt, par la débauche, sans amour, sans honneur, sans vrai plaisir, la femme avide, infidèle & misérable, traitée par le vil qui reçoit comme elle traite le sot qui donne, reste ainsi quitte envers tous les deux. Il seroit doux d′être libéral envers ce qu′on aime, si cela ne faisoit un marché. Je ne connois qu′un moyen de satisfaire ce penchant avec sa maîtresse, sans empoisonner l′amour : c′est de lui tout donner & d′être ensuite nourri par elle. Reste à savoir où est la femme avec qui ce procédé ne fût pas extravagant. Nadie compra ni su amigo ni su dama. Es fácil poseer mujeres con dinero, pero es la forma de no ser amado por ninguna. En cuanto el amor se pone a la venta, el dinero lo mata infaliblemente. El que paga, aunque sea el más amable de los hombres, únicamente porque paga no puede ser amado mucho tiempo. Pronto pagará por otro, o será pagado este otro con su dinero, y en este doble enlace, formado por el interés y la distribución sin amor, sin verdadero deleite, sin honor, la mujer ávida, infiel y miserable, tratada por el villano que recibe como trata ella al tonto que da, se desquita así con los dos. Sería muy dulce ser liberal con lo que se quiere si esto no transformase el amor en un trato. Sólo conozco una forma de satisfacer el deseo de dinero de la mujer sin envenenar el amor, y es entregárselo todo y que ella luego mantenga a su amante. Falta saber si hay una mujer con la cual ese procedimiento no fuera una extravagancia.
Celui qui disait : je possède Lacs sans qu′elle me possède, disoit un mot sans esprit. La possession qui n′est pas réciproque n′est rien : c′est tout au plus la possession du sexe, mais non pas de l′individu. Or, où le moral de l′amour n′est pas, pourquoi faire une si grande affaire du reste ? Rien n′est si facile à trouver. Un muletier est là-dessus plus près du bonheur qu′un millionnaire. El que decía: «Yo poseo a Lais, sin que ella me posea», decía una expresión necia. La posesión que no es recíproca no es nada; cuando más es la posesión del sexo, menos la del individuó. Entonces, donde no hay la moral del amor, ¿:por qué afanarse tanto por lo demás? No hay nada más fácil de encontrar. En este sentido es mas dichoso un pobre que un millonario.
Oh ! si l′on pouvoit développer assez les inconséquences du vice, combien, lorsqu′il obtient ce qu′il a voulu, on le trouveroit loin de son compte ! Pourquoi cette barbare avidité de corrompre l′innocence, de se faire une victime d′un jeune objet qu′on eût dû protéger, & que de ce premier pas on traîne inévitablement dans un gouffre de misère dont il ne sortira qu′à la mort ? Brutalité, vanité, sottise, erreur, & rien davantage. Ce plaisir même n′est la nature ; il est de l′opinion, & de l′opinion la plus vile, puisqu′elle tient au mépris de soi. Celui qui se sent le dernier des hommes craint la comparaison de tout autre, & veut : passer le premier pour être moins odieux. Voyez si les plus avides de ce ragoût imaginaire sont jamais de jeunes gens aimables, dignes de plaire, & qui seraient plus excusables d′être difficiles. Non : avec de la figure, du mérite & des sentiments, on craint peu l′expérience de sa maîtresse ; dans une juste confiance, on lui dit : Tu connois les plaisirs, n′importe ; mon cœur t′en promet que tu n′as jamais connus. Si se pudiera desarrollar lo bastante la inconsecuencia del vicio, qué lejos lo vertamos del logro de sus esperanzas cuando consigue lo que deseaba. ¿:Por qué esta bárbara avidez de corromper la inocencia, de hacer una víctima de una flor en capullo que hubiéramos debido proteger y que, dado este primer paso, se hunde inevitablemente en una sima de miserias, de donde no saldrá sino con la muerte? Brutalidad, vanidad, necedad, error y nada más. Este mismo placer no es natural, viene de la opinión, y de la más vil opinión, pues nace del desprecio de sí mismo. El que se cree el último de los hombres teme la comparación con cualquier otro y quiere pasar el primero para ser menos odioso. Mirad si los más ávidos de este guisado imaginario son nunca jóvenes amables, dignos de agradar y más disculpables por ser mal contentadizos. No; con buen aspecto, mérito y sensibilidad, poco se teme la experiencia de su amada, y con una lógica confianza le dice: «Tú conoces los deleites, no importa; mi corazón te promete los que aún ignoras".
Mais un vieux satyre usé de débauche, sans agrément, sans ménagement, sans égard, sans aucune espèce d′honnêteté, incapable, indigne de plaire à toute femme qui se connaît en gens aimables, croit suppléer à tout cela chez une jeune innocente, en gagnant de vitesse sur l′expérience, & lui donnant la première émotion des sens. Son dernier espoir est de plaire à la faveur de la nouveauté ; c′est incontestablement là le motif secret de cette fantaisie ; mais il se trompe, l′horreur qu′il fait n′est pas moins de la nature que n′en sont les désirs qu′il voudroit exciter. il se trompe aussi dans sa folle attente : cette même nature a soin de revendiquer ses droits : toute fille qui se vend s′est déjà donnée ; & s′étant donnée à son choix, elle a fait la comparaison qu′il craint. Il achète donc un plaisir imaginaire, & n′en est pas moins abhorré. Pero un sátiro viejo y gastado con la disolución, sin ninguna gracia, sin miramiento, sin atención, sin ninguna clase de honradez, incapaz e indigno de agradar a toda mujer que sabe lo que es una persona amable, cree que todo esto lo suple con una joven inocente, adelantándose a la experiencia y excitando en ella la primera emoción de los sentidos. Su última esperanza es gustar, valido de la novedad; éste es indiscutiblemente el motivo secreto de su antojo; pero se equivoca, que no está menos en la naturaleza el horror que causa que los deseos que quería excitar. También se le malogra su loca espera; esta misma naturaleza procura reivindicar sus derechos; toda muchacha que se vende se ha dado ya, y habiéndose dado a su gusto ha hecho la comparación que él teme. Así compra un gusto imaginario, el cual no es menos despreciado.
Pour moi, j′aurois beau changer étant riche, il est un point où je ne changer jamais. S′il ne me reste ni mœurs ni vertu, il me restera du moins quelque goût, quelque sens, quelque délicatesse ; & cela me garantira d′user ma fortune en dupe à courir après des chimères, d′épuiser ma bourse & ma vie à me faire trahir et moquer par des enfants. Si j′étois jeune, je chercherois les plaisirs de la jeunesse ; et, les voulant dans toute leur volupté, je ne les chercherois pas en homme riche. Si je restois tel que je suis, ce seroit autre chose ; je me bornerois prudemment aux plaisirs de mon âge ; je prendrois les goûts dont je peux jouir, & j′étoufferois ceux qui ne feroient plus que mon supplice. je n′irois point offrir ma barbe grise aux dédains railleurs des jeunes filles ; je ne supporterois point de voir mes dégoûtantes caresses leur faire soulever le cœur, de leur préparer à mes dépens les récits les plus ridicules, de les imaginer décrivant les vilains plaisirs du vieux singe, de manière à se venger de les avoir endurés. Que si des habitudes mal combattues avoient tourné mes anciens désirs en besoins, j′y satisferois peut-être, mais avec honte, mais en rougissant de moi. J′ôterois la passion du besoin, je m′assortirois le mieux qu′il me seroit possible, & m′en tiendrois là : je ne me ferois plus une occupation de ma faiblesse, & je voudrois surtout n′en avoir qu′un seul témoin. La vie humaine a d′autres plaisirs, quand ceux-là lui manquent ; en courant vainement après ceux qui fuient on s′ôte encore ceux qui nous sont laissés. Changeons de goûts avec les années, ne déplaçons pas plus les âges que les saisons : il faut être soi dan tous les temps, & ne point lutter contre la nature : ces vains efforts usent la vie & nous empêchent d′en user. Por mucho que cambiase yo haciéndome rico, hay un punto en el que jamás cambiaría. Si no me queda ni virtud ni moral, por lo menos me quedará buen gusto, alguna razón, alguna delicadeza, y esto evitaría que emplease mi fortuna convirtiéndome en la burla de todos, corriendo detrás de objetos fantásticos y agotando mi bolsa y mi vida en hacerme traicionar y escarnecer por muchachuelas. Si fuese joven, buscaría los placeres de la juventud, y queriéndolos con toda su delicia, no los buscaría como rico. Si me quedase como soy, sería otra cosa; me limitaría prudentemente a los placeres de mi edad; escogería los que aún puedo gozar y ahogaría los que sólo pueden serme un tormento. No iría a ofrecer mi barba gris a la desdeñosa burla de las muchachas, no podría soportar ver que mis repugnantes caricias producían náuseas, ni daría pie para que contaran de mí las más ridículas historias, ni querría imaginarlas describiendo los torpes deleites del viejo simio, como vengándose por haberlos sufrido. Y si los hábitos mal combatidos hubiesen convertido en necesidades mis antiguos deseos, tal vez los satisfacería, aunque fuese con vergüenza y sonrojándome de mí mismo. Quitaría la pasión de la necesidad, me arreglaría lo mejor que me fuese posible y me limitaría a aquello sólo; no transformaría en ocupación mi debilidad, y, sobre todo, no querría tener más que un testigo. A la vida humana le quedan tantos placeres cuando éstos le faltan, y corriendo vanamente tras los que se nos escapan, nos privamos hasta de los que nos han quedado. Mudemos de gustos con los años, no saquemos de su lugar ni las edades ni las estaciones, seamos nosotros mismos en todo tiempo y no luchemos contra la naturaleza, pues estos vanos esfuerzos consumen la vida y nos impiden que usemos de ella.
Le peuple ne s′ennuie guère, sa vie est active ; si ses amusements ne sont pas varies, ils sont rares ; beaucoup de jours de fatigue lui font goûter avec délices quelques jours de fêtes. Une alternative de longs travaux & de courts loisirs tient lieu d′assaisonnement aux plaisirs de son état. Pour les riches, leur grand fléau, c′est l′ennui ; au sein de tant d′amusements rassemblés à grands frais, au milieu de tant de gens concourans à leur plaire, l′ennui ; les consume & les tue, ils passent leur vie a le fuir & à en être atteints : ils sont accablés de son poids insupportable : les femmes surtout, qui ne savent plus ni s′occuper ni s′amuser, en sont dévorées sous le nom de vapeurs ; il se transforme pour elles en un mal horrible, qui leur ôte quelquefois la raison, & enfin la vie. Pour moi, je ne connois point de sort plus affreux que celui d′une jolie femme de Paris, après celui du petit agréable qui s′attache à elle, qui, changé de même en femme oisive, s′éloigne ainsi doublement de son état, & à qui la vanité d′être homme à bonnes fortunes fait supporter la langueur des plus tristes jours qu′ait jamais passés créature humaine. El pueblo no se aburre y su vida es activa; si sus diversiones no son variadas, son raras; muchos días de trabajo hacen que goce con delicia de algunos de fiesta. Una alternativa de fatigosos trabajos y de cortos descansos sirve de condimento a los gustos de su estado. En cuanto a los ricos, su peor azote es el aburrimiento; entre tantas diversiones a mucha costa reunidas, en medio de tantas gentes como contribuyen a darles gusto, los consume y los mata el aburrimiento; se pasan la vida huyendo de él y dejando que los alcance; viven abrumados con su insoportable peso, sobre todo las mujeres, que no saben ocuparse ni divertirse, y las devora un malestar que llaman melancolía, que se les convierte en un mal incurable, que a veces las priva de la razón, si no de la vida. No conozco más espantosa suerte que la de una hermosa mujer de París, como no sea la de su amante, que convertido también en ser desocupado, se desvía por dos caminos, y por la vanidad de ser hombre, de suerte con las damas, soporta la languidez de los días más tristes que una criatura humana puede vivir.
Les bienséances, les modes, les usages qui dérivent du luxe & du bon air, renferment le cours de la vie dans la plus maussade uniformité. Le plaisir qu′on veut avoir aux yeux des autres est perdu pour tout monde : on ne l′a ni pour eux ni pour soi [49] . Le ridicule que l′opinion redoute sur toute chose, est toujours à côté d′elle pour la tyranniser & pour la punir. On n′est jamais, ridicule que par des formes déterminées : celui qui sait varier ses situations & ses plaisirs efface aujourd′hui l′impression d′hier : il est comme nul dans l′esprit des hommes ; mais il jouit, car il est tout entier à chaque heure & à chaque chose. Ma seule forme constante seroit celle-là ; dans chaque situation je rie m′occuperois d′aucune autre, et je prendrois chaque jour en lui-même, comme indépendant de la veille & du lendemain. Comme je serois peuple avec le peuple, je serois campagnard aux champs ; & quand je parlerois d′agriculture, le paysan ne se moqueroit pas de moi. je n′irois pas me bâtir une ville en campagne, & mettre au fond d′une province les Tuileries devant mon appartement. Sur le penchant de quelque agréable colline bien ombragée, j′aurois une petite maison rustique, une maison blanche avec des contrevents verts ; & quoique une couverture de chaume soit en toute saison la meilleure, je préférerois magnifiquement, non la triste ardoise, mais la tuile, parce qu′elle a l′air plus propre & plus gai que le chaume, qu′on ne couvre pas autrement les maisons dans mon pays, & que cela me rappelleroit un peu l′heureux tems de ma jeunesse. J′aurois pour cour une basse-cour, & pour écurie une étable avec des vaches, pour avoir du laitage que j′aime beaucoup. J′aurois un potager pour jardin, & pour parc un joli verger semblable à celui dont il sera parlé ci-après. Les fruits, à la discrétion dès promeneurs, ne seroient ni comptés ni cueillis par mon jardinier ; & mon avare magnificence n′étaleroit point aux yeux des espaliers superbes auxquels à peine on osât toucher. Or, cette petite prodigalité seroit peu coûteuse, parce que j′aurois choisi mon asile dans quelque province éloignée où l′on voit peu d′argent & beaucoup de denrées, & où règnent l′abondance & la pauvreté. Là, je rassemblerois une société, plus choisie que nombreuse, d′amis aimant le plaisir & s′y connaissant, de femmes qui pussent sortir de leur fauteuil & se prêter aux jeux champêtres, prendre quelquefois, au lieu de la navette & des cartes la ligne, les gluaux, le râteau des faneuses, & le panier des vendangeurs. Là, tous les airs de la ville seroient oubliés, &, devenus villageois au village, nous nous trouverions livrés à des foules d′amusements divers qui ne nous donneraient chaque soir quel′embarras du choix pour le lendemain. L′exercice & a vie active nous feroient un nouvel estomac & de nouveaux goûts. Tous nos repas seraient des festins, où l′abondance plairoit plus que la délicatesse. La gaieté, les travaux rustiques, les folâtres jeux sont les premiers cuisiniers du monde, & les ragoûts fins sont bien ridicules à des gens en haleine depuis le lever du soleil. Le service n′aurait pas plus d′ordre que d′élégance ; la salle à manger seroit partout, dans le jardin, dans un bateau, sous un arbre ; quelquefois au loin, près d′une source vive, sur l′herbe verdoyante & fraîche, sous des touffes d′aunes & de coudriers ; une longue procession de gais convives porteroit en chantant l′apprêt du festin ; on auroit le gazon pour table & pour chaise ; les bords de la fontaine serviroient de buffet, & le dessert pendroit aux arbres. Les mets seroient servis sans ordre, l′appétit dispenseroit des façons ; chacun se préférant ouvertement à tout autre, trouveroit bon que tout autre se préférât de même à lui de cette familiarité cordiale & modérée naîtrait, sans grossièreté, sans fausseté, sans contrainte, un conflit badin plus charmant cent fois que la politesse, & plus fait pour lier les cœurs. Point d′importun laquais épiant nos discours, critiquant tout bas nos maintiens, comptant nos morceaux d′un œil avide, s′amusant à nous faire attendre à boire, & murmurant d′un trop long dîner. Nous serions nos valets pour être nos maîtres, chacun seroit servi par tous ; le tems passeroit sans le compter, le repas seroit le repos, & dureroit autant que l′ardeur du jour. S′il passoit près de nous quelque paysan retournant au travail, ses outils sur l′épaule, je lui réjouirois le cœur par quelques bons propos, par quelques coups de bon vin qui lui feraient porter plus gaiement sa misère ; & moi j′aurois aussi le plaisir de nie sentir émouvoir un peu les entrailles, & de me dire en secret : je suis encore homme. Las conveniencias, las modas, las costumbres que provienen del lujo y del delicado trato encierran el curso de la vida en la más insoportable uniformidad. La diversión que a los ojos ajenos quiere uno aparentar, es perdida para todo el mundo; m la disfruta él ni los otros . El ridículo, que la opinión teme más que todo, siempre está delante de ella para tiranizarla y castigarla. Nunca es uno ridículo, como no sea por formas determinadas; el que sabe variar sus situaciones y sus placeres, hoy borra la impresión de ayer, y es como nula en el espíritu de los demás, pero disfruta porque está él entero en cada hora y en cada cosa. Mi única forma constante sería ésta: en cada situación no me ocuparía de ninguna otra, y cada día lo tomaría por sí mismo, independiente del ayer y del mañana. De igual modo que con la plebe sería plebe, en el campo sena campesino, y cuando hablase de agricultura, el labrador no se burlaría de mí. No iría a levantar una ciudad en el campo, ni a levantar en el interior de la población unos grandes jardines delante de mi aposento. En la ladera de cualquier agradable colina con suficiente sombra tendría una casita rústica, una casa blanca con sus puertas y ventanas verdes, y aunque en todas las estaciones el mejor techo sea el de paja, yo preferiría, no la triste pizarra, sino la teja, porque tiene una apariencia más alegre y limpia que la paja, porque así cubren las casas en mi país y porque su techumbre me haría recordar los dichosos tiempos de mi juventud. Mi patio sería un corral, y mi caballeriza un establo con vacas, para que me dieran leche, a la que soy muy aficionado. Mi jardín sería un huerto, y en vez de parque un bonito vergel, semejante al que describiré luego, y las frutas, a discreción de los que por él se pasearan, no las contaría ni las cogería mi hortelano, y no daría ostentación a mi avara magnificencia con espalderas soberbias que nadie se atreviese a tocar. Y esta pequeña prodigalidad sería poco costosa, puesto que escogería mi asilo en alguna apartada comarca, donde hubiese poco dinero, y muchos comestibles, y donde reinasen la pobreza y la abundancia. Allí formaría una sociedad, más selecta que numerosa, de amigos que gustasen de divertirse y lo entendiesen, de mujeres que pudiesen dejar su butaca y tomar parte en los juegos rústicos, cogiendo alguna vez, en lugar de la almohadilla o los naipes, la caña de pescar, el bieldo para extender el heno y el capazo de la vendimia. Allí olvidaríamos las costumbres de la ciudad y seríamos aldeanos en la aldea, dispondríamos de tal serie de pasatiempos que cada noche no tendríamos más molestia que escoger el del día siguiente. Con el ejercicio y la vida activa nos parecería que habíamos cambiado de cuerpo y tendríamos gustos nuevos. Las comidas serían banquetes y más que el refinamiento de los platos preferiríamos la abundancia. Los mejores cocineros del mundo son la alegría, los trabajos rústicos, jugar y retozar, y para gentes que no paran desde que sale el sol, son muy ridículos los platos finos. En el servicio no habría más elegancia que sencillez; el comedor estaría en todas partes: en el jardín, en una barca, debajo de un árbol, y a veces más lejos, cerca de un manantial, sobre la fresca y verde hierba, debajo de los chopos y los avellanos; una comparsa de alegres convidados traería cantando los preparativos del banquete, el césped sería la mesa y las sillas, servirían de aparador las orillas del manantial y los postres colgarían de las ramas. Los platos serían servidos sin orden alguno, el buen apetito evitaría los cumplidos, y como éste preferiría sin disimulo un plato a otro, encontraría natural que otros prefiriesen el plato que él rechazase. De esa afectuosa y moderada familiaridad nacería, sin ordinarieces, sin fingimiento y sin sujeción, una cordialidad cien veces más deliciosa que la cortesía y más capaz de acercar los corazones. No habría ningún lacayo importuno que nos escuchase, que criticara en voz baja nuestras actitudes, que mirase con envidia lo que comiésemos, que se divirtiera en hacernos esperar para beber y que murmurara de la duración de la comida. Seríamos nuestros criados para ser nuestros amos, todos servirían a cada uno, pasaría el tiempo sin darnos cuenta, la comida sería nuestro descanso y duraría tanto como el calor del día. Si pasase cerca de nosotros algún campesino que volviera a su trabajo y con sus aperos al hombro, yo le animaría con alguna ocurrencia jocosa y algunos tragos de buen vino que le hicieran llevar más alegremente su pobreza, y yo también tendría la satisfacción de sentirme algo enternecido y decirme a mí mismo: «Todavía soy hombre.
Si quelque fête champêtre rassembloit les habitants du lieu, j′y serois des premiers avec ma troupe ; si quelques mariages, plus bénis du ciel que ceux des villes, se faisoient à mon voisinage, on sauroit que j′aime la joie, & j′y serois invité. Je porterois à ces bonnes gens quelques dons simples comme eux, qui contribueroient à la fête ; & j′y trouverois en échange des biens d′un prix inestimable, des biens si peu connus de mes égaux, la franchise & le vrai plaisir. Je souperois gaiement au bout de leur longue table ; j′y ferois chorus au refrain d′une vieille chanson rustique, & je danserois dans leur grange de meilleur cœur qu′au bal de l′Opéra. Si alguna fiesta campestre reuniese a los vecinos del lugar, yo sería uno de los primeros en ir con mis compañeros; si se celebrasen en la vecindad algunas bodas, más benditas del cielo que las de las ciudades, como sabrían que me gusta la alegría, me convidarían, y yo llevaría a esas buenas gentes algunos regalos sencillos como ellos, los cuales serían como una contribución a la fiesta, y en cambio hallaría bienes de inestimable valor, bienes que muy poco conocen mis iguales; la franqueza y el verdadero placer. Comería con mi mayor satisfacción en el sitio que me destinasen de su mesa, haría coro al estribillo de algunas viejas canciones aldeanas y bailaría en el porche de la casa con más júbilo que en un baile de la Opera.
Jusqu′ici tout est à merveille, me dira-t-on ; mais la chasse ? est-ce être en campagne que de n′y pas chasser ? J′entends : je ne voulois qu′une métairie, et j′avois tort. Je me suppose riche, il me faut donc des plaisirs exclusifs, des plaisirs destructifs : voici de tout autres affaires. Il me faut des terres, des bois, des gardes, des redevances, des honneurs seigneuriaux, surtout de l′encens & de l′eau bénite. Hasta aquí todo va a las mil maravillas, me dirán. Pero, ¿:y la caza? ¿:Es vivir en el campo el no cazar? Ya entiendo. Me contentaba con una alquería, y era un error. Me supongo rico y, por tanto, necesito diversiones exclusivas, diversiones que destruyen; esto ya es otra cosa. Necesito tierras, bosques, guardas, censos, honores de señorío y, sobre todo, incienso y agua bendita.
Fort bien. Mais cette terre aura des voisins jaloux de leurs droits & désireux d′usurper ceux des autres ; nos gardes se chamailleront, & peut-être les maîtres : voilà des altercations, des querelles, des haines, des procès tout au moins : cela n′est déjà pas fort agréable. Mes vassaux ne verront point avec plaisir labourer leurs blés par mes lièvres, & leurs fèves par mes sangliers ; chacun, n′osant tuer l′ennemi qui détruit son travail, voudra du moins le chasser de son champ ; près avoir passé le jour à cultiver leurs terres, il faudra qu′ils passent la nuit à les garder ils auront des mâtins, des tambours, des cornets, des sonnettes : avec tout ce tintamarre ils troubleront mon sommeil. Je songerai malgré moi à la misère de ces pauvres gens, & ne pourrai m′empêcher de me la reprocher. Si j′avois l′honneur d′être prince, tout cela ne me toucheroit guère ; mais moi, nouveau parvenu, nouveau riche, j′aurois le cœur encore un peu roturier. Muy bien. Mas esta tierra tendrá vecinos celosos de sus derechos, y deseando usurpar los ajenos; reñirán nuestros guardas, y tal vez los mismos amos; tenemos altercados, riñas, odios, por lo menos pleitos, y todo esto es muy agradable. No verán mis vecinos con agrado que mis liebres se les coman su trigo y ni mis jabalíes sus habas; ninguno de ellos se atreverá a matar al enemigo que destruye sus frutos, pero querrá echarlo de su campo, por lo que después de pasar el día trabajando sus tierras, tendrán que pasar la noche guardándolas, y tendrán mastines, tamboriles, bocinas, cencerros, y con todo ese tantarantán, turbarán mi sueño. Contra mi voluntad pensaré en la miseria de esa pobre gente y tendré que reprochármela. Si tuviera el honor de ser príncipe, todo esto no me conmovería, pero yo, nuevo rico, tendré todavía el corazón plebeyo.
Ce n′est pas tout ; l′abondance du gibier tentera les chasseurs ; j′aurai bientôt des braconniers a punir ; il me faudra des prisons, des geôliers, des archers, des galères : tout cela me paraît assez cruel. Les femmes de ces malheureux viendront assiéger ma porte & m′importuner de leurs cris, ou bien il faudra qu′on les chasse, qu′on les maltraite. Les pauvres gens qui n′auront point. braconné, & dont mon gibier aura fourrage la récolte, viendront se plaindre de leur côté : les uns seront punis pour avoir tué le gibier, les autres ruinés pour l′avoir épargné : quelle triste alternative ! Je ne verrai de tous côtés qu′objets de misère, il n′entendrai que gémissements : cela doit troubler beaucoup, ce me semble, le plaisir de massacrer à son aise des foules de perdrix & de lièvres presque sous ses pieds. Y no es solamente esto; la abundancia de la caza tentará a los cazadores, y pronto habrá cazadores furtivos que convendrá perseguir; se necesitarán cárceles, alcaides, arqueros... Todo esto me parece demasiado cruel. Las esposas de estos desgraciados se clavarán delante de mi puerta y me importunarán con sus lamentaciones, y habrá que echarlas o maltratarlas. Los desdichados que no hayan cazado y cuyas cosechas se las hayan comido mis reses, también vendrán a quejarse, y así unos serán castigados por haber cazado y otros arruinados por haber cazado. ¡Qué triste alternativa! Veré en todas partes objetos de miseria y sólo oiré quejas; creo que esto debe enturbiar mucho el gusto de una matanza de perdices y de liebres, y casi a los pies de uno mismo.
Voulez-vous dégager les plaisirs de leurs peines, ôtez en l′exclusion : plus vous les laisserez communs aux hommes, plus vous les goûterez toujours purs. je ne ferai donc point tout ce que je viens de dire ; mais, sans changer de goûts, je suivrai celui que je me suppose à moindres frais. J′établirai mon séjour champêtre dans un pays où la chasse soit libre à tout le monde, & où j′en puisse avoir l′amusement sans embarras. Le gibier sera plus rare ; mais il y aura plus d′adresse à le chercher et de plaisir à l′atteindre. Je me souviendrai des battements de cœur qu′éprouvait mon père au vol de la première perdrix, & des transports de joie avec lesquels il trouvoit le lièvre qu′il avoit cherché tout le jour. Oui, je soutiens que, seul avec son chien, chargé de son fusil, de son carnier, de son fourniment, de sa petite proie, il revenoit le soir, rendu de fatigue & déchiré des ronces, plus content de sa journée que tous vos chasseurs de ruelle, qui, sur un bon cheval, suivis de vingt fusils chargés, ne font qu′en changer, tirer, & tuer autour d′eux, sans art, sans gloire, & presque sans exercice. Le plaisir n′est donc pas moindre, et l′inconvénient est ôté quand on n′a ni terre à garder, ni braconnier à punir, ni misérable à tourmenter : voilà donc une solide raison de préférence. Quoi qu′on fasse, on ne tourmente point sans fin les hommes qu on n′en reçoive aussi quelque malaise ; & les longues malédictions du peuple rendent tôt ou tard le gibier amer. ¿:Queréis separar las alegrías de las penas que hay en ellas? Quitadles lo exclusivo; cuanto más comunes se las dejéis a los hombres, más puras las gozaréis. Por lo tanto, no haré nada de lo que acabo de decir, pero sin cambiar de gustos seguiré el que me suponga menos gasto. Mi rústica vivienda la tendré en un país donde la caza sea libre para todo el mundo y donde yo pueda gozar de esta diversión sin mayores obstáculos. La caza escaseará, pero exigirá más habilidad para conseguirla, y más gusto dará el encontrarla. Me acuerdo de lo que le latía el corazón a mi padre cuando se le presentaba a vuelo la primera perdiz, y de su júbilo cuando hallaba la liebre que había buscado durante todo el día. Sí; recuerdo que solo con su perro, cargado con su escopeta, la bolsa de los perdigones, la cajita de pólvora y las pocas piezas que había muerto, regresaba de noche rendido y arañado por las jaras, pero más contento con el día que había pasado que todos esos cazadores vuestros, que sin apearse del caballo, seguidos de veinte escopetas cargadas, no hacen otra cosa que cambiar, tirar y matar, y sin arte, sin gloria y casi sin ejercicio. El placer no es, entonces, menor, y se evitan los inconvenientes cuando no tiene uno coto que guardar, ni cazador furtivo que castigar, ni miserable a quien perseguir. Creo que las mías son razones irrebatibles. Hagan lo que quieran, es imposible atormentar a los hombres sin sentir también algún malestar, y las continuas maldiciones del pueblo hacen que, tarde o temprano, la caza nos amargue.
Encore un coup, les plaisirs exclusifs sont la mort du plaisir. Les vrais amusements sont ceux qu′on partage avec le peuple ; ceux qu′on veut avoir à soi seul, on ne les a plus. Si les murs que j élève autour de mon parc m′en font une triste clôture, je n′ai fait à grands frais que m′ôter le plaisir de la promenade : me voilà forcé de l′aller chercher au loin. Le démon de la propriété infecte tout ce qu′il touche. Un riche veut être partout le maître & ne se trouve bien qu′où il ne l′est pas : il est forcé de se fuir toujours. Pour moi, je ferai là-dessus dans ma richesse, ce que j′ai fait dans ma pauvreté. Plus riche maintenant du bien des autres que je ne serai jamais du mien, je m′empare de tout ce qui nie convient dans mon voisinage : il n′y a pas de conquérant plus déterminé que moi ; j′usurpe sur les princes mêmes ; je m′accommode sans distinction de tous les terrains ouverts qui me plaisent ; je leur donne des noms ; je fais de l′un mon parc, de l′autre ma terrasse, & m′en voilà le maître ; dès lors, je m′y promène impunément ; j′y reviens souvent pour maintenir la possession ; j′use autant que je veux le sol à force d′y marcher ; & l′on ne me persuadera jamais que le titulaire du fonds que je m′approprie tire plus d′usage de l′argent qu′il lui produit que j′en tire de son terrain. Que si l′on vient à me vexer par des fossés, par des haies, peu m′importe ; je prends mon parc sur mes épaules, & je vais le poser les emplacements ne manquent pas aux environs, & j′aurai longtemps à piller mes voisins avant de manquer d′asile. Insisto en ello: el exclusivismo de los placeres es la causa de su muerte. Las auténticas diversiones son aquellas de las que participa el pueblo, y las que uno quiere disfrutar solo no las disfruta. Si los muros que levanto alrededor de mi parque lo convierten en una triste clausura, no he hecho más que privarme, y pagándolo muy caro, del placer del paseo, y ya estoy forzado a ir lejos a buscarle. El demonio de la propiedad infecta todo lo que toca. El rico quiere ser dueño en todas partes, y sólo se encuentra a su gusto donde no lo es, así se ve condenado a huir siempre de sí mismo. Yo, cuando sea rico, haré lo que he hecho siendo pobre. Más rico ahora con el caudal de los demás que nunca podré serle con el mío, disfrute con todo lo que tiene la vecindad; no hay conquistador más resuelto que yo, pues les usurpo hasta a los mismos príncipes, me adjudico sin distinción todos los terrenos abiertos que me placen. Este es mi coto, el otro mi terraza, lo mismo que si fuera el dueño, y me paseo por ellos impunemente; vuelvo a menudo para mantenerme en mi posesión, y casi abro un camino de tanto andar de un lado a otro, y nunca me harán creer que el legítimo dueño de ese predio saque más provecho del dinero que le produce que yo de su terreno. Y si vienen a molestarme con fosos, con vallados, poco me importa; cargo con todo lo mío y voy a plantar mi tienda en otra parte, que no faltan sitios en los alrededores, y antes de verme sin techo, todavía tengo muchos vecinos a quienes robar.
Voilà quelque essai du vrai goût dans le choix des loisirs agréables : voilà dans quel esprit on jouit ; tout le reste n′est qu′illusion, chimère, sotte vanité. Quiconque s′écartera de ces règles, quelque riche qu′il puisse être, mangera son or en fumier, & ne connaîtra jamais le prix de la vie. Este es un ensayo del verdadero gusto en la elección de ocios agradables; éste es el espíritu de gozar. Todo lo demás es pura ilusión, devaneo, loca vanidad. Quienquiera que se aparte de estas reglas, por rico que sea, se comerá su oro convertido en estiércol y nunca conocerá el precio de la vida.
On m′objectera sans doute que de tels amusements sont à la portée de tous les hommes, & qu′on n′a pas besoin d′être riche pour les goûter. C′est précisément à quoi j′en voulois venir. On a du plaisir quand on en veut avoir : c′est l′opinion seule qui rend tout difficile, qui chasse le bonheur devant nous ; & il est cent fois plus aisé d′être heureux que de le paraître. L′homme de goût & vraiment voluptueux n′a que faire de richesse ; il lui suffit d′être libre & maître de lui. Quiconque jouit de la santé & ne manque pas du nécessaire, s′il arrache de son cœur les biens de l′opinion, est assez riche ; c′est l′aurea mediocritas d′Horace. Gens à coffres-forts, cherchez donc quelque autre emploi de votre opulence, car pour le plaisir elle n′est bonne a rien. Émile ne saura pas tout cela mieux que moi ; mais, ayant le cœur plus pur & plus sain, il le sentira mieux encore, & toutes ses observations dans le monde ne feront que le lui confirmer les. Sin duda me objetarán que esas diversiones están al alcance de todo el mundo y que no hay que ser rico para gozarlas. Aquí precisamente quería yo venir a parar. Disfruta de los gustos quien quiere disfrutarlos; es la opinión lo que lo hace todo difícil, apartando la felicidad lejos de nosotros, y es cien veces más fácil ser feliz que parecerlo. El hombre de buen gusto y verdaderamente voluptuoso no necesita para nada la riqueza; le basta con ser libre y árbitro de sí mismo. Quien disfruta de salud y tiene lo necesario, si arranca de su corazón los bienes de la opinión es sobradamente rico; ésta es la aurea mediocritas de Horacio. Hombres ricos, buscad otra cosa en que emplear vuestra opulencia, porque para el placer no sirve de nada. Todo esto no lo sabrá Emilio mejor que yo, pero como tiene el corazón más puro y más sano, lo sentirá mejor aún, y todas estas observaciones acerca del mundo no harán más que confirmárselo.
En passant ainsi le temps, nous cherchons toujours Sophie, & nous ne la trouvons point. Il importoit qu′elle ne se trouvât pas si vite, & nous l′avons cherchée où j′étois bien sûr qu′elle n′étoit pas [41
.
Pasando así el tiempo, buscamos siempre a Sofía, y no la encontramos. Era conveniente que no la encontrásemos tan pronto, y la hemos buscado en parajes donde yo estaba seguro que no había de estar .
Enfin le moment presse ; il est tems de la chercher tout de bon, de peur qu′il ne s′en fasse une qu′il prenne pour elle, & qu′il ne connoisse trop tard son erreur. Adieu donc Paris, Ville célebre, Ville de bruit, de fumée & de boue, où les femmes ne croient plus à l′honneur, ni les hommes à la vertu. Adieu, Paris ; nous cherchons l′amour, le bonheur, l′innocence ; nous ne serons jamais assez loin de toi. En fin, el tiempo apremia, ya es el momento de buscarla de veras, no sea que él se forme una que la confunda con ella y sea demasiado tarde cuando descubra su error. Adiós, pues, París, pueblo famoso, pueblo ruidoso, de humo y de cieno, donde las mujeres no creen en el honor ni los hombres en la virtud. Adiós, París. Buscaremos el amor, la felicidad, la inocencia, y nunca estaremos bastante lejos de ti.

Fin du Livre quartrieme.

Fin del cuarto libro

N O T A S









[1]. « Dans les villes, dit M. de Buffon, et chez les gens aisés, les enfants, accoutumés à des nourritures abondantes et succulentes, arrivent plus tôt à cet état ; à la campagne et dans le pauvre peuple, les enfants sont plus tardifs, parce qu’ils sont mal et trop peu nourris ; il leur faut deux ou trois années de plus. » (Hist. nat., t. IV, p. 238, in-12.) J’admets l’observation, mais non l’explication, puisque, dans le pays où le villageois se nourrit très bien et mange beaucoup, comme dans le Valais, et même en certains cantons montueux de l’Italie, comme le Frioul, l’âge de puberté dans les deux sexes est également plus tardif qu’au sein des villes, où, pour satisfaire la vanité, l’on met souvent dans le manger une extrême parcimonie, et où la plupart font, comme dit le proverbe, habits de velours et ventre de son. On est étonné, dans ces montagnes, de voir de grands garçons forts comme des hommes avoir encore la voix aiguë et le menton sans barbe, et de grandes filles, d’ailleurs très formées, n’avoir aucun signe périodique de leur sexe. Différence qui me paraît venir uniquement de ce que, dans la simplicité de leurs mœurs, leur imagination, plus longtemps paisible et calme, fait plus tard fermenter leur sang, et rend leur tempérament moins précoce.
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En las ciudades, dice Buffon, y entre la gente rica acostumbrada a abundantes y suculentos alimentos, los niños llegan antes a este estado; en el campo y entre la gente pobre son más tardíos debido a que se alimentan poco y mal; necesitan dos o tres años más. (Historia Natural, IV, pág. 238 in-12). Admito la observación, pero no la aplicación, puesto que en los países donde los aldeanos comen mucho y viven muy bien, como en el Valois y en ciertas comarcas montañosas de Italia, por ejemplo el Friuli, es donde también es más tardía que en los pueblos grandes la edad de la pubertad, aunque en éstos, por contentar la vanidad, muchas veces comen con escasez y por comprarse un adorno no se alimentan lo suficiente. En esos sitios asombra ver muchachos grandes, fuertes como hombres, que todavía tienen verde la voz y sin bozo la cara, y muchachas altas y muy bien formadas que no dan ninguna señal periódica de su sexo, una diferencia que a mi entender proviene únicamente de que con la sencillez de sus costumbres viven más tiempo con imaginación serena y tranquila, y su sangre tarda más en fermentar y retarda su precocidad.
[2]. Cela paraît changer un peu maintenant : les états semblent devenir plus fixes, et les hommes deviennent aussi plus durs.
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Parece que se va modificando esto. Las condiciones empiezan a ser más estables y los hombres a ser más duros.
[3]. L’attachement peut se passer de retour, jamais l’amitié. Elle est un échange, un contrat comme les autres ; mais elle est le plus saint de tous. Le mot d’ami n’a point d’autre corrélatif que lui-même. Tout homme qui n’est pas l’ami de son ami est très sûrement un fourbe ; car ce n’est qu’en rendant ou feignant de rendre l’amitié, qu’on peut l’obtenir.
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El cariño puede existir sin correspondencia, pero no ocurre lo mismo con la amistad, que es una permuta, un contrato como los demás, y es el más sagrado de todos. La palabra amigo no tiene otro correlativo que ella misma. Es innoble quien no es amigo de su amigo, porque no se puede conquistar la amistad como no sea rindiéndose a ella, o fingiéndolo.
[4]. Le précepte même d’agir avec autrui comme nous voulons qu’on agisse avec nous n’a de vrai fondement que la conscience et le sentiment ; car où est la raison précise d’agir, étant moi, comme si j’étais un autre, surtout quand je suis moralement sûr de ne jamais me trouver dans le même cas ? et qui me répondra qu’en suivant bien fidèlement cette maxime, j’obtiendrai qu’on la suive de même avec moi ? Le méchant tire avantage de la probité du juste et de sa propre injustice ; il est bien aise que tout le monde soit juste, excepté lui. Cet accord-là, quoi qu’on en dise, n’est pas fort avantageux aux gens de bien. Mais quand la force d’une âme expansive m’identifie avec mon semblable, et que je me sens pour ainsi dire en lui, c’est pour ne pas souffrir que je ne veux pas qu’il souffre ; je m’intéresse à lui pour l’amour de moi, et la raison du précepte est dans la nature elle-même qui m’inspire le désir de mon bien-être en quelque lieu que je me sente exister. D’où je conclus qu’il n’est pas vrai que les préceptes de la loi naturelle soient fondés sur la raison seule, ils ont une base plus solide et plus sûre. L’amour des hommes dérivé de l’amour de soi est le principe de la justice humaine. Le sommaire de toute la morale est donné dans l’Évangile par celui de la loi.
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Ni el mismo precepto de obrar con otro como quisiéramos que obraran con nosotros, tiene otro fundamento verdadero que el sentimiento y la conciencia, porque ¿:qué razón exacta precisa mover, siendo yo como si fuera otro, especialmente estando cierto moralmente de no encontrarme nunca en un caso idéntico? ¿:Y quién me dice que conseguir puntualmente esta máxima también haya de lograr que la sigan conmigo? El malo se aprovecha de la probidad del justo y de su propia injusticia, y queda muy satisfecho de que sea todo el mundo justo menos él. Digan lo que quieran, este convenio no es muy ventajoso para los hombres de bien. Pero cuando la fuerza de un alma expansiva me identifica con mis semejantes, cuando me siento, por decirlo así, dentro de él, por no padecer yo, no quiero que él padezca; él me interesa por mi amor, y la razón del precepto se halla en la misma naturaleza que me inspiran el deseo Y el bienestar, en cualquier sitio que sienta mi existencia. De aquí infiero que no es cierto que los preceptos de la ley natural estriben solamente en la razón y que tengan más sólido y seguro cimiento. El principio de la justicia humana es el amor de los hombres derivado del amor de sí mismo. El Evangelio cifra el compendio de toda la moral en el sumario de la ley.
[5]. L’esprit universel des lois de tous les pays est de favoriser toujours le fort contre le faible, et celui qui a contre celui qui n’a rien : cet inconvénient est inévitable et il est sans exception.
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El espíritu universal de las leyes de todos los países es siempre auxiliar al fuerte contra el débil, y al que tiene contra el que no tiene, inconveniente que es inevitable y que no admite excepción.
[6]. Voyez Davila, Guicciardini, Strada, Solis, Machiavel, et quelquefois de Thou lui-même. Vertot est presque le seul qui savait peindre sans faire de portraits.
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Véanse Dávila, Guichardino, Estrada, Solis, Maquiavelo, y a veces el mismo De Thou. Vertot era casi el único que sabía pintar sin hacer retratos.
[7]. Un seul de nos historiens (Duclos), qui a imité Tacite dans les grands traits, a osé imiter Suétone et quelquefois transcrire Comines dans les petits ; et cela même, qui ajoute au prix de son livre, l’a fait critiquer parmi nous.
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Uno solo de nuestros historiadores, Duclós, que imitó a Tácito en las grandes pinceladas, se atreve a imitar a Suetonio, y a veces a copiar Commines en las pequeñas, y esto, que da valor a su libro, ha sido motivo de crítica en nuestro país.
[8]. C’est toujours le préjugé qui fomente dans nos cœurs l’impétuosité des passions. Celui qui ne voit que ce qui est, et n’estime que ce qu’il connaît, ne se passionne guère. Les erreurs de nos jugements produisent l’ardeur de tous nos désirs.
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Este es siempre el prejuicio que fomenta en nuestros corazones la impetuosidad de las pasiones. Aquel que no ve lo que es y no estima lo que conoce no se apasiona. Los errores de nuestros juicios producen el ardor de nuestros deseos.
[9]. Je crois pouvoir compter hardiment la santé et la bonne constitution au nombre des avantages acquis par son éducation, ou plutôt au nombre des dons de la nature que son éducation lui a conservés.
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Creo que puedo destacar sin ningún reparo su salud y su constitución robusta entre las ventajas que por su educación ha logrado, o más bien entre los dones de la naturaleza que su educación le ha conservado.
[10]. Au reste, notre élève donnera peu dans ce piège, lui que tant d’amusements environnent, lui qui ne s’ennuya de sa vie, et qui sait à peine à quoi sert l’argent. Les deux mobiles avec lesquels on conduit les enfants étant l’intérêt et la vanité, ces deux mêmes mobiles servent aux courtisanes et aux escrocs pour s’emparer d’eux dans la suite. Quand vous voyez exciter leur avidité par des prix, par des récompenses, quand vous les voyez applaudir à dix ans dans un acte public au collège, vous voyez comment on leur fera laisser à vingt leur bourse dans un brelan, et leur santé dans un mauvais lieu. Il y a toujours à parier que le plus savant de sa classe deviendra le plus joueur et le plus débauché. Or les moyens dont on n’usa point dans l’enfance n’ont point dans la jeunesse le même abus. Mais on doit se souvenir qu’ici ma constante maxime est de mettre partout la chose au pis. Je cherche d’abord à prévenir le vice ; et puis je le suppose afin d’y remédier.
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Por lo demás, con dificultad caerá nuestro discípulo en este lazo, teniendo tanto en que entretenerse, no aburriéndose en su vida y no sabiendo casi para qué sirve el dinero. Como los dos móviles que conducen a los niños son el interés y la vanidad, sirven estos dos mismos móviles a las mujeres de vida airada y a los buscones para que se apoderen de ellos cuando sean mozos. Cuando observáis que despiertan su codicia con premios y recompensas, que a los diez años los aplauden en un acto público del colegio, también vemos como a los veinte les harán vaciar el bolsillo en un garito o en una mancebía. Siempre se puede apostar que el más aventajado de la clase será con el tiempo el más jugador y el más pervertido. Los medios que no se usaron en la infancia, no están sujetos a los mismos abusos en la mocedad. Pero el lector no pierda de vista que es máxima constante mía suponer siempre que ocurrirá lo peor. En primer lugar procuro precaver el vicio y luego lo doy por supuesto para poner remedio.
[11]. Je me trompais, j’en ai découvert un : c’est M. Formey.
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[12]. Il faut encore appliquer ici la correction de M. Formey. C’est la cigale, puis le corbeau, etc.
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[13]. Mais si on lui cherche querelle à lui-même, comment se conduira-t-il ? je réponds qu’il n’aura jamais de querelle, qu’il ne s’y prêtera jamais assez pour en avoir. Mais enfin, poursuivra t-on, qui est-ce qui est à l’abri d’un soufflet ou d’un démenti de la part d’un brutal, d’un ivrogne, ou d’un brave coquin, qui, pour avoir le plaisir de tuer son homme, commence par le déshonorer ? C’est autre chose ; il ne faut point que l’honneur des citoyens ni leur vie soit à la merci d’un brutal, d’un ivrogne, ou d’un brave coquin ; et l’on ne peut pas plus se préserver d’un pareil accident que de la chute d’une tuile. Un soufflet et un démenti reçus et endurés ont des effets civils que nulle sagesse ne peut prévenir, et dont nul tribunal ne peut venger l’offensé. L’insuffisance des lois lui rend donc en cela son indépendance ; il est alors seul magistrat, seul juge entre l’offenseur et lui ; il est seul interprète et ministre de la loi naturelle ; il se doit justice et peut seul se la rendre, et il n’y a sur la terre nul gouvernement assez insensé pour le punir de se l’être faite en pareil cas. Je ne dis pas qu’il doive s’aller battre ; c’est une extravagance ; je dis qu’il se doit justice, et qu’il en est le seul dispensateur. Sans tant de vains édits contre les duels, si j’étais souverain, je réponds qu’il n’y aurait jamais ni soufflet ni démenti donné dans mes Etats, et cela par un moyen fort simple dont les tribunaux ne se mêleraient point. Quoi qu’il en soit, Émile sait en pareil cas la justice qu’il se doit à lui-même, et l’exemple qu’il doit à la sûreté des gens d’honneur. Il ne dépend pas de l’homme le plus ferme d’empêcher qu’on ne l’insulte, mais il dépend de lui d’empêcher qu’on ne se vante longtemps de l’avoir insulté.
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Mas si se le provoca, ¿:cómo tendrá que conducirse? Respondo que nunca tendrá disputas ni dará pie para que las tengan con él. Pero aún argüirán: ¿:quién está libre de un agravio o de la agresión de un tipejo, de un borracho, o de un tahúr que por tener la satisfacción de quitarle a uno la vida le quita primero la honra? Eso es otra cosa: el honor de los ciudadanos no debe estar a merced de un miserable, de un borracho, ni de un bribón, y el preservarse de semejante desmán es tan imposible como de que le caiga encima una teja. Una agresión, un mentís recibido y sufrido producen efectos civiles que la prudencia no puede prever, y ningún tribunal puede resarcir al agraviado; entonces queda restituida su independencia por la precariedad de las lees; es el único magistrado, el único juez entre el ofensor y él, el único intérprete y ministro de la ley natural; se debe justicia, y sólo puede hacérsela él mismo, y no hay ningún Gobierno tan incauto que por hacérsela él le castigue. No digo que deba desafiarse, puesto que es una extravagancia; digo que se debe justicia a sí mismo, y que es el único dispensador de ella. Sin tanta pragmática inútil contra los duelos, si fuera soberano, yo aseguro que jamás no se daría una bofetada ni un mentís en mis Estados, y eso lo lograría haciendo uso de un medio muy sencillo en el cual los tribunales nunca se meterían. Sea como sea, Emilio sabe la justicia que se debe a sí mismo en este caso y el ejemplo que debe a la seguridad de las personas de honor. El evitar que le insulten no depende del hombre de mayor entereza, pero sí de él el que no se envanezcan durante mucho tiempo de haberle insultado.
[14]. Plutarque, Traité de l’Amour, traduction d’Amyot. C’est ainsi que commençait d’abord la tragédie de Ménalippe ; mais les clameurs du peuple d’Athènes forcèrent Euripide à changer ce commencement.
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Plutarco, Tratado del amor. Así comenzaba la tragedia de Menalipo, pero los clamores del pueblo de Atenas obligaron a Eurípides a cambiar este principio.
[15]. Sur l’état naturel de l’esprit humain et sur la lenteur de ses progrès, voyez la première partie du Discours sur l’inégalité.
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Sobre el estado natural del espíritu humano y de la lentitud de sus progresos, véase la primera parte del Discurso sobre la desigualdad.
[16]. Les relations de M. de la Condamine nous parlent d’un peuple qui ne savait compter que jusqu’à trois. Cependant les hommes qui composaient ce peuple, ayant des mains, avaient souvent aperçu leurs doigts sans savoir compter jusqu’à cinq.
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Las relaciones de M. de la Condamine nos hablan de un pueblo que no sabía contar más que hasta tres; no obstante, los hombres que formaban ese pueblo tenían manos, y habían mirado muchas veces sus dedos sin saber contar hasta cinco.
[17]. Ce repos n’est, si l’on veut, que relatif ; mais puisque nous observons du plus ou du moins dans le mouvement, nous concevons très clairement un des deux termes extrêmes, qui est le repos, et nous le concevons si bien, que nous sommes enclins même à prendre pour absolu le repos qui n’est que relatif. Or il n’est pas vrai que le mouvement soit de l’essence de la matière, si elle peut être conçue en repos.
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Este reposo será, si se quiere, sólo relativo, pero una vez observemos más o menos movimiento, concebimos con mucha claridad uno de los últimos términos, que es quietud, y lo concebimos tan bien que estamos propensos a reputar de absoluto el reposo que sólo es relativo. Por lo tanto no es verdad que el movimiento sea esencial a la materia, si puede concebirse ese reposo.
[18]. Les chimistes regardent le phlogistique ou l’élément du feu comme épars, immobile, et stagnant dans les mixtes dont il fait partie, jusqu’à ce que des causes étrangères le dégagent, le réunissent, le mettent en mouvement, et le changent en feu.
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Los químicos consideran el flogisto, ó el elemento del fuego, como esparcido, inmóvil y estancado en los mixtos de que forma parte, hasta que por la acción de causas extrañas se desprende, se reúne, se pone en movimiento y es convertido en fuego.
[19]. J’ai fait tous mes efforts pour concevoir une molécule vivante, sans pouvoir en venir à bout. L’idée de la matière sentant sans avoir des sens me paraît inintelligible et contradictoire. Pour adopter ou rejeter cette idée, il faudrait commencer par la comprendre, et j’avoue que je n’ai pas ce bonheur-là.
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He hecho los mayores esfuerzos para concebir una molécula viviente, sin poderlo conseguir. Me parece ininteligible y contradictoria la idea de la materia que siente sin tener sentido. Para adaptar o rechazar esta idea sería preciso comprenderla primero, y yo confieso que no tengo esta suerte.
[20]. Croirait-on, si l’on n’en avait la preuve, que l’extravagance humaine put être portée à ce point ? Amatus Lusitanus assurait avoir vu un petit homme long d’un pouce enfermé dans un verre, que Julius Camillus, comme un autre Prométhée, avait fait par la science alchimique. Paracelse, de Natura rerum, enseigne la façon de produire ces petits hommes, et soutient que les pygmées, les faunes, les satyres et les nymphes ont été engendrés par la chimie. En effet, je ne vois pas trop qu’il reste désormais autre chose à faire, pour établir la possibilité de ces faits, si ce n’est d’avancer que la matière organique résiste à l’ardeur du feu, et que ses molécules peuvent se conserver en vie dans un fourneau de réverbère.
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¿:Quién pudiera creer, si no tuviéramos la prueba de ello, que hasta este punto llega la extravagancia humana? Amato Lusitano afirmaba que había visto metido en un vaso a un hombrecillo de una pulgada de alto, que, cual otro Prometeo, había hecho Julio Camilo por la ciencia alquímica. Paracelso, de natura rerum, enseña el modo de producir estos hombrecillos, y sostiene que los pigmeos, los faunos, los tiros y las ninfas fueron engendrados por la química. Efectivamente, para sentar las posibilidades de estos hechos, no veo que quede otra cosa más sino afirmar que la materia orgánica resiste al ardor del fuego, y que sus moléculas se pueden conservar con vida dentro de un horno de reverbero.
[21]. Il me semble que, loin de dire que les rochers pensent, la philosophie moderne a découvert au contraire que les hommes ne pensent point. Elle ne reconnaît plus que des êtres sensitifs dans la nature ; et toute la différence qu’elle trouve entre un homme et une pierre, est que l’homme est un être sensitif qui a des sensations, et la pierre un être sensitif qui n’en a pas. Mais s’il est vrai que toute matière sente, où concevrai-je l’unité sensitive ou le moi individuel ? Sera-ce dans chaque molécule de matière ou dans des corps agrégatifs ? Placerai-je également cette unité dans les fluides et dans les solides, dans les mixtes et dans les éléments ? Il n’y a, dit-on, que des individus dans la nature ! Mais quels sont ces individus ? Cette pierre est-elle un individu ou une agrégation d’individus ? Est-elle un seul être sensitif, ou en contient-elle autant que de grains de sable ? Si chaque atome élémentaire est un être sensitif, comment concevrai-je cette intime communication par laquelle l’un se sent dans l’autre, en sorte que leurs deux moi se confondent en un ? L’attraction peut être une loi de la nature dont le mystère nous est inconnu ; mais nous concevons au moins que l’attraction, agissant selon les masses, il a rien d’incompatible avec l’étendue et la divisibilité. Concevez-vous la même chose du sentiment ? Les parties sensibles sont étendues, mais l’être sensitif est invisible et un ; il ne se partage pas, il est tout entier ou nul ; l’être sensitif n’est donc pas un corps. je ne sais comment l’entendent nos matérialistes, mais il me semble que les mêmes difficultés qui leur ont fait rejeter la pensée leur devraient faire aussi rejeter le sentiment ; et je ne vois pas pourquoi, ayant fait le premier pas, ils ne feraient pas aussi l’autre ; que leur en coûterait-il de plus ? et puisqu’ils sont sûrs qu’ils ne pensent pas, comment osent-ils affirmer qu’ils sentent ?
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Me parece que lejos de decir que las rocas piensan, la filosofía moderna ha descubierto, por el contrario, que no piensan los hombres. No reconocen en la naturaleza más que a seres sensitivos, y la única diferencia que encuentran entre un hombre y una piedra es que el hombre es un ser sensitivo que tiene sensaciones y la piedra es un ser sensitivo que no las tiene. Pero sí es cierto que toda materia siente, donde he de concebir la unidad sensitiva o el yo individual? ¿:Ha de ser en cada molécula de materia o en los cuerpos agregados? He de colocar esta unidad tanto en los fluidos como en los sólidos, en los mixtos como en los elementos? Solo hay individuos, dicen, en la naturaleza. ¿:Cuáles son estos individuos. ¿:Es un solo ser sensitivo, o contiene tantos como granos de arena? Si cada átomo elemental es un ser sensitivo, ¿:cómo he de concebir aquella íntima comunicación en que uno se siente en otro, de manera que uno y otro «yo» se confunden en uno solo? La atracción puede ser una ley de la naturaleza cuyo misterio no conocemos, pero concebimos que actuando esta atracción en razón de las masas, no presenta ninguna incompatibilidad con la extensión y la divisibilidad. ¿:Eso mismo lo concebís en el sentimiento? Las partes sensibles son extensas, pero en el ser sensitivo es indivisible y único, no se parte, sino que es entero o nulo; por lo tanto este ser sensitivo no es cuerpo. No sé de qué modo entienden esto nuestros materialistas; a mí me parece que las mismas dificultades que les han hecho desechar el pensamiento les deberían obligar también a que desechasen el sentimiento, y no veo la causa de que habiendo dado el primer paso no hayan de dar el segundo. ¿:Qué les costaría? Y una vez que tan seguros están de que no piensan, ¿:cómo se atreven a afirmar que sienten?
[22]. Quand les anciens appelaient optimus maximus le Dieu suprême, ils disaient très vrai ; mais en disant maximus optimus, ils auraient parlé plus exactement puisque sa bonté vient de sa puissance ; il est bon parce qu’il est grand.
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@@0 ? Cuando los antiguos llamaban opthnus maximus al Dios supremo, decían verdad, pero diciendo maximus optimus se hubieran expresado más exactamente, porque su bondad procede de su poder, y es bueno porque es grande.
[23">
 Non pas pour nous, non pas pour nous, Seigneur, Mais pour ton nom, mais pour ton propre honneur, O Dieu ! fais-nous revivre ! (Psaumes, 115).
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@@1 ? No por nosotros, Dios; no por nosotros; Porque sea tu gloria esclarecida, Tórnanos a la vida. (salmo 115)
[24]. La philosophie moderne, qui n’admet que ce qu’elle explique, n’a garde d’admettre cette obscure faculté appelée instinct, qui paraît guider, sans aucune connaissance acquise, les animaux vers quelque fin. L’instinct, selon l’un de nos plus sages philosophes (Condillac), n’est qu’une habitude privée de réflexion, mais acquise en réfléchissant ; et de la manière dont il explique ce progrès, on doit conclure que les enfants réfléchissent plus que les hommes ; paradoxe assez étrange pour valoir la peine d’être examiné. Sans entrer ici dans cette discussion, je demande quel nom je dois donner à l’ardeur avec laquelle mon chien fait la guerre aux taupes qu’il ne mange point, à la patience avec laquelle il les guette quelquefois des heures entières, et à l’habileté avec laquelle il les saisit, les jette hors terre au moment qu’elles poussent, et les tue ensuite pour les laisser là, sans que jamais personne l’ait dressé à cette chasse, et lui ait appris qu’il y avait là des taupes. Je demande encore, et ceci est plus important, pourquoi, la première fois que j’ai menacé ce même chien, il s’est jeté le dos contre terre, les pattes repliées, dans une attitude suppliante et la plus propre à me toucher ; posture dans laquelle il se fût bien gardé de rester, si, sans me laisser fléchir, je l’eusse battu dans cet état. Quoi ! mon chien, tout petit encore, et ne faisant presque que de naître, avait-il acquis déjà des idées morales ? savait-il ce que c’étoit que clémence et générosité ? sur quelles lumières acquises espérait-il m’apaiser en s’abandonnant ainsi à ma discrétion ? Tous les chiens du monde font à peu près la même chose dans le même cas et je ne dis rien ici que chacun ne puisse vérifier. Que les philosophes, qui rejettent si dédaigneusement l’instinct, veuillent bien expliquer ce fait par le seul jeu des sensations et des connaissances qu’elles nous font acquérir ; qu’ils l’expliquent d’une manière satisfaisante pour tout homme sensé ; alors je n’aurai plus rien à dire, et je ne parlerai plus d’instinct.
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@@2 ? La filosofía moderna, que sólo admite lo que explica, se guarda de admitir esta oscura facultad llamada «instinto», que encamina, al parecer sin conocimiento alguno adquirido, a los animales hacia un fin. Según uno de nuestros más juiciosos filósofos, el instinto no es más que un hábito privado de reflexión, pero que se ha adquirido reflexivamente, y del modo como explica estas reglas se debe deducir que los niños reflexionan más que los hombres; tan extraña paradoja no merece la pena examinarla. Sin meterme aquí en esta discusión, pregunto cuál es el nombre que habré de poner al ardor con que mi perro hace la guerra a los topos que no come, a la paciencia con que los está acechando, a veces oras enteras, y a la habilidad con que los agarra, los saca de la madriguera así que se asoman, y los mata, dejándolos luego, sin que nadie le haya enseñado esta caza, ni le haya dicho que allí había topos. También pregunto, y esto aún importa más, r qué la primera vez que amenacé a este mismo perro se echó muelo con las patas doblas, en la postura del que suplica y la más capaz de ablandarme; postura en que se hubiera guardado de permanecer si, en vez de perdonarlo, le hubiera pegado. ¿:Con qué mi perro, todavía pequeño y casi recién nacido, ya había adquirido ideas morales? ¿:Ya sabía qué cosa eran la clemencia Y la generosidad? ¿:En virtud de qué luces adquiridas esperaba apaciguarme, abandonándose as[ a mi discreción? Todos los perros del mundo en igual caso casi hacen lo mismo, y aquí no digo una cosa que cualquiera no pueda Wobar. Los filósofos, que con tanto desdén desechan el instinto, que tengan la bondad de explicarme este hecho por la simple acción de las sensaciones y de los conocimientos que se adquieren por ella; que lo expliquen de modo que a todo hombre de razón le deje satisfecho. Entonces nada tendré que replicar, y no hablaré ya nunca del instinto.
[25]. À certains égards les idées sont des sentiments et les sentiments sont des idées. Les deux noms conviennent à toute perception qui nous occupe et de son objet, et de nous-mêmes qui en sommes affectés : il n’y a que l’ordre de cette affection qui détermine le nom qui lui convient. Lorsque, premièrement occupé de l’objet, nous ne pensons à nous que par réflexion, c’est une idée ; au contraire, quand l’impression reçue excite notre première attention, et que nous ne pensons que par réflexion à l’objet qui la cause, c’est un sentiment.
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Bajo ciertos aspectos, las ideas son afectos y los afectos ideas. Los dos nombres convienen a toda percepción que nos ocupa en su objeto. y en nosotros mismos que con este nos movemos. Sólo el orden de esta afección es el que determina el nombre que conviene a la percepción. Cuando, ocupados primero en el objeto, por reflexión pensamos en nosotros, es una idea, y cuando, por el contrario, nuestra primera atención se la lleva la impresión recibida, y única. mente por reflexión pensamos en el objeto que la causa, entonces es un afecto.
[26]. Voilà, je crois, ce que le bon vicaire pourrait dire à présent au public.
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Esto, creo yo, es lo que actualmente podría decir al público buen sacerdote.
[27]. « Tous, dit un bon et sage prêtre, disent qu’ils la tiennent et la croient (et tous usent de ce jargon), que non des hommes, ne d’aucune créature, mais de Dieu. « Mais, à dire vrai sans rien flatter ni déguiser, il n’en est rien., elles sont, quoi qu’on die, tenues par mains et moyens humains ; témoin premièrement la manière que les religions ont été reçues au monde et sont encore tous les jours par les particuliers : la nation, le pays, le lieu donne la religion : l’on est de celle que le lieu auquel on est né et élevé tient : nous sommes circoncis, baptisés, juifs, mahométans, chrétiens, avant que nous sachions que nous sommes hommes : la religion n’est pas de notre choix et élection ; témoin, après, la vie et les mœurs si mal accordantes avec la religion ; témoin que par occasions humaines et bien légères, l’on va contre la teneur de sa religion. » Charron, De la Sagesse, liv. II, chap. v, p. 257, édit. Bordeaux, 1601. Il y a grande apparence que la sincère profession de foi du vertueux théologal de Condom n’eût pas été fort différente de celle du vicaire savoyard.
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«Todos, dice un sacerdote bueno y sensato, afirman que la tienen y la creen (y todos usan esta jerga), no de los hombres ni de criatura alguna, sino de Dios. Pero para decir la verdad, sin adular ni mentir en nada, todas vienen de manos y medios humanos; prueba de ello, el modo como se recibieron las religiones en el mundo y todavía las reciben cada día los particulares, la nación, el país, en lugar de la religión; cada uno es de aquella que se profesa donde nací y se crió; somos circuncisos, bautizados, judíos, mahometanos, cristianos, antes que sepamos que somos hombres. La religión no es de nuestro arbitrio y elección; la vida también prueba cómo las costumbres se avienen tal mal con la religión, y prueba que por ocasiones humanas y muy leves obramos contra el espíritu de nuestra religión., Charron, De la Sabiduría, lib, II, cap. V, pág. 257, edic. Bordeaux, 1601. Es muy presumible que la sincera profesión de fe del virtuoso teologal de Condom no hubiera sido muy diferente de la del presbítero saboyano.
[28]. Cela est formel en mille endroits de l’Écriture, et entre autres dans le Deutéronome, chapitre XIII, où il est dit que, si un prophète annonçant des dieux étrangers confirme ses discours par des prodiges, et que ce qu’il prédit arrive, loin d’y avoir aucun égard, on doit mettre ce prophète à mort. Quand donc les païens mettaient à mort les apôtres leur annonçant un dieu étranger, et prouvant leur mission pu des prédictions et des miracles, je ne vois pas ce qu’on avait à leur objecter de solide, qu’ils ne pussent à l’instant rétorquer contre nous. Or, que faire en pareil cas ? une seule chose : revenir au raisonnement, et laisser là les miracles. Mieux eût valu n’y pas recourir. C’est là du bon sens le plus simple, qu’on n’obscurcit qu’à force de distinctions tout au moins très subtiles. Des subtilités dans le christianisme ! Mais Jésus-Christ a donc eu tort de promettre le royaume des cieux aux simples ; il a donc eu tort de commencer le plus beau de ses discours par féliciter les pauvres d’esprit, s’il faut tant d’esprit pour entendre sa doctrine et pour apprendre à croire en lui. Quand vous m’aurez prouvé que je dois me soumettre, tout ira fort bien : mais pour me prouver cela, mettez-vous à ma portée ; mesurez vos raisonnements à la capacité d’un pauvre d’esprit, ou je ne reconnais plus en vous le vrai disciple de votre maître, et ce n’est pas sa doctrine que vous m’annoncez.
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Esto se contiene de modo formal en mil pasajes de la Escritura, entre otros en el capítulo XIII del Deuteronomio, donde se dice que si un profeta que anuncia dioses extraños confirma su misión con portentos, y si se verifican sus predicciones, lejos de hacer aprecio de ello, se le debe dar muerte al profeta. Así, cuando los paganos daban muerte a los apóstoles que les anunciaban un dios extraño, y probaban con predicciones y milagros su misión, no sé ver qué objeción sólida les podían oponer que ellos no pudiesen revolver inmediatamente contra nosotros. ¿:Pues qué se debe hacer en tal caso? Una sola cosa: volver al raciocinio dejar aparte los milagros. Hubiera sido mejor no hacer uso de e los. Esto lo dicta la sana razón más sencilla, que sólo a fuerza de distinciones, por lo menos muy sutiles, se oscurece. ¡Sutilezas en el Cristianismo! ¿:En qué no tuvo razón Jesucristo al prometer a los sencillos el reino de los Cielos? ¿:No tuvo razón al empezar el más hermoso de sus razonamientos dando el parabién a los pobres de espíritu, si tanta riqueza de espíritu es necesaria para entender su doctrina y aprender a creer en él? Cuando me hayáis probado que me debo someter, todo estará bien, pero para probármelo, debéis poneros al mismo nivel conmigo; adaptad vuestros argumentos a la capacidad de un pobre de espíritu, pues de otra manera no veo en vos el verdadero discípulo de vuestro maestro, y no es su doctrina esa que anunciáis.
[29]. Plutarque rapporte que les stoïciens, entre autres bizarres paradoxes, soutenaient que dans un jugement contradictoire, il était inutile d’entendre les deux parties. Car, disaient-ils, ou le premier a prouvé son dire, ou il ne l’a pas prouvé : s’il l’a prouvé, tout est dit, et la partie adverse doit être condamnée ; s’il ne l’a pas prouvé, il a tort, et doit être débouté. Je trouve que la méthode de tous ceux qui admettent une révélation exclusive ressemble beaucoup à celle de ces stoïciens. Sitôt que chacun prétend avoir seul raison, pour choisir entre tant de partis, il les faut tous écouter, ou l’on est injuste.
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Refiere Plutarco que los estoicos, entre otras paradojas extravagantes, sostenían que en un juicio contradictorio era inútil oír a las dos partes, porque -decían- el primero ha probado su derecho o no lo ha probado; si lo ha probado, todo concluyó y debe ser condenada la parte contraria; si no lo ha probado,′ no tiene razón, y su demanda debe ser rechazada.» Pienso que el método de todos los que admiten una revelación exclusiva es muy parecido al de los estoicos. Puesto que cada uno pretende que sólo él tiene razón para elegir entre tantos partidos, es necesario escucharlos a todos, o no es justo el que hace la elección.
[30]. Entre mille faits connus, en voici un qui n’a pas besoin de commentaire. Dans le XVIe siècle, les théologiens catholiques ayant condamné au feu tous les livres des Juifs, sans distinction, l’illustre et savant Reuchlin, consulté sur cette affaire, s’en attira de terribles qui faillirent le perdre, pour avoir seulement été d’avis qu’on pouvait conserver ceux de ces livres qui ne faisaient rien contre le christianisme, et qui traitaient de matières indifférentes à la religion.
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De mil hechos conocidos solamente citaré uno que no necesita comentario. En el siglo XVI, habiendo condenado los teólogos católicos a ser quemados sin distinción todos los libros de los judíos, consultado acerca del asunto el ilustre sabio Reuchin, se vio en un terrible apuro, y decidieron perderle sólo por haber opinado que se podían conservar entre sus libros los que no atacaban al cristianismo y trataban de materias indiferentes a la religión.
[31]. Voyez, dans le Discours sur la montagne, le parallèle qu’il fait lui-même de la morale de Moïse à la sienne. (Matth., cap. v, vers. 21 et seq.)
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En el Sermón de la Montaña, véase el paralelo que traza él mismo de la moral de Moisés con la suya (Mat. Cap. 5, vers. 21 y siguientes.)
[32]. Le devoir de suivre et d’aimer la religion de son pays ne s’étend pas jusqu’aux dogmes contraires à la bonne morale, tels que celui de l’intolérance. C’est ce dogme horrible qui arme les hommes les uns contre les autres, et les rend tous ennemis du genre humain. La distinction entre la tolérance civile et la tolérance théologique est puérile et vaine. Ces deux tolérances sont inséparables, et l’on ne peut admettre l’une sans l’autre. Des anges mêmes ne vivraient pas en paix avec des hommes qu’ils regarderaient comme les ennemis de Dieu.
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El deber de seguir y amar la religión de su país no se extiende hasta los dogmas contrarios a la sana moral como el de la intolerancia. Este horrible dogma es el que arma los hombres unos contra otros, haciéndolos a todos enemigos del género humano. La distinción entre la tolerancia civil y teológica es pueril y vana; estas dos tolerancias son inseparables, $ no es posible admitir una sin la otra. Ni siquiera los ángeles vivirían en paz con hombres que ellos viesen como enemigos de Dios.
[33]. Les deux partis s’attaquent réciproquement par tant de sophismes, que ce serait une entreprise immense et téméraire de vouloir les relever tous ; c’est déjà beaucoup d’en noter quelques-uns à mesure qu’ils se présentent. Un des plus familiers au parti philosophiste est d’opposer un peuple supposé de bons philosophes à un peuple de mauvais chrétiens : comme si un peuple de vrais philosophes était plus facile à faire qu’un peuple de vrais chrétiens ! Je ne sais si, parmi les individus, l’un est plus facile à trouver que l’autre ; mais je sais bien que, dès qu’il est question de peuples, il en faut supposer qui abuseront de la philosophie sans religion, comme les nôtres abusent de la religion sans philosophie ; et cela me paraît changer beaucoup l’état de la question.

Bayle a très bien prouvé que le fanatisme est plus pernicieux que l’athéisme, et cela est incontestable ; mais ce qu’il n’a eu garde de dire, et qui n’est pas moins vrai, c’est que le fanatisme, quoique sanguinaire et cruel, est pourtant une passion grande et forte, qui élève le cœur de l’homme, qui lui fait mépriser la mort, qui lui donne un ressort prodigieux, et qu’il ne faut que mieux diriger pour en tirer les plus sublimes vertus : au lieu que l’irréligion, et en général l’esprit raisonneur et philosophique, attache à la vie, effémine, avilit les âmes, concentre toutes les passions dans la bassesse de l’intérêt particulier, dans l’abjection du moi humain, et sape ainsi à petit bruit les vrais fondements de toute société ; car ce que les intérêts particuliers ont de commun est si peu de chose, qu’il ne balancera jamais ce qu’ils ont d’opposé.

Si l’athéisme ne fait pas verser le sang des hommes, c’est moins par amour pour la paix que par indifférence pour le bien : comme que tout aille, peu importe au prétendu sage, pourvu qu’il reste en repos dans son cabinet. Ses principes ne font pas tuer les hommes, mais ils les empêchent de naître, en détruisant les mœurs qui les multiplient, en les détachant de leur espèce, en réduisant toutes leurs affections à un secret égoïsme, aussi funeste à la population qu’à la vertu. L’indifférence philosophique ressemble à la tranquillité de l’État sous le despotisme ; c’est la tranquillité de la mort : elle est plus destructive que la guerre même.

Ainsi le fanatisme, quoique plus funeste dans ses effets immédiats que ce qu’on appelle aujourd’hui l’esprit philosophique, l’est beaucoup moins dans ses conséquences. D’ailleurs il est aisé d’étaler de belles maximes dans des livres ; mais la question est de savoir si elles tiennent bien à la doctrine, si elles en découlent nécessairement ; et c’est ce qui n’a point paru clair jusqu’ici. Reste à savoir encore si la philosophie, à son aise et sur le trône, commanderait bien à la gloriole, à l’intérêt, à l’ambition, aux petites passions de l’homme, et si elle pratiquerait cette humanité si douce qu’elle nous vante la plume à la main.

Par les principes, la philosophie ne peut faire aucun bien que la religion ne le fasse encore mieux, et la religion en fait beaucoup que la philosophie ne saurait faire.

Par la pratique, c’est autre chose ; mais encore faut-il examiner. Nul homme ne suit de tout point sa religion quand il en a une : cela est vrai ; la plupart n’en ont guère, et ne suivent point du tout celle qu’ils ont : cela est encore vrai ; mais enfin quelques-uns en ont une, la suivent du moins en partie ; et il est indubitable que des motifs de religion les empêchent souvent de mal faire, et obtiennent d’eux des vertus, des actions louables, qui n’auraient point eu lieu sans ces motifs.

Qu’un moine nie un dépôt ; que s’ensuit-il, sinon qu’un sot le lui avait confié ? Si Pascal en eût nié un, cela prouverait que Pascal était un hypocrite, et rien de plus. Mais un moine !… Les gens qui font trafic de la religion sont-ils donc ceux qui en ont ? Tous les crimes qui se font dans le clergé, comme ailleurs, ne prouvent point que la religion soit inutile, mais que très peu de gens ont de la religion.

Nos gouvernements modernes doivent incontestablement au christianisme leur plus solide autorité et leurs révolutions moins fréquentes ; il les a rendus eux-mêmes moins sanguinaires : cela se prouve par le fait en les comparant aux gouvernements anciens. La religion mieux connue, écartant le fanatisme, a donné plus de douceur aux mœurs chrétiennes. Ce changement n’est point l’ouvrage des lettres ; car partout où elles ont brillé, l’humanité n’en a pas été plus respectée ; les cruautés des Athéniens, des Égyptiens, des empereurs de Rome, des Chinois, en font foi. Que d’œuvres de miséricorde sont l’ouvrage de l’Évangile ! Que de restitutions, de réparations, la confession ne fait-elle point faire chez les catholiques ! Chez nous combien les approches des temps de communion n’opèrent-elles point de réconciliations et d’aumônes ! Combien le jubilé des Hébreux ne rendait-il pas les usurpateurs moins avides ! Que de misères ne prévenait-il pas ! La fraternité légale unissait toute la nation : on ne voyait pas un mendiant chez eux. On n’en voit point non plus chez les Turcs, où les fondations pieuses sont innombrables ; ils sont, par principe de religion, hospitaliers, même envers les ennemis de leur culte.

« Les mahométans disent, selon Chardin, qu’après l’examen qui suivra la résurrection universelle, tous les corps iront passer un pont appelé Poul-Serrho, qui est jeté sur le feu éternel, pont qu’on peut appeler, disent-ils, le troisième et dernier examen et le vrai jugement final, parce que c’est là où se fera la séparation des bons d’avec les méchants… etc.

« Les Persans, poursuit Chardin, sont fort infatués de ce pont ; et lorsque quelqu’un souffre une injure dont, par aucune voie ni dans aucun temps, il ne peut avoir raison, sa dernière consolation est de dire : Eh bien ! par le Dieu vivant, tu me le payeras au double au dernier jour ; tu ne passeras point le Poul-Serrho que tu ne me satisfasses auparavant ; je m’attacherai au bord de ta veste et me jetterai à tes jambes. J’ai vu beaucoup de gens éminents, et de toutes sortes de professions, qui, appréhendant qu’on ne criât ainsi haro sur eux au passage de ce pont redoutable, sollicitaient ceux qui se plaignaient d’eux de leur pardonner : cela m’est arrive cent fois à moi-même. Des gens de qualité, qui m’avaient fait faire, par importunité, des démarches autrement que je n’eusse voulu, m’abordaient au bout de quelque temps qu’ils pensaient que le chagrin en était passé, et me disaient : Je te prie, halal becon antchifra, c’est-à-dire rends-moi cette affaire licite ou juste. Quelques-uns même m’ont fait des présents et rendu des services, afin que je leur pardonnasse en déclarant que je le faisais de bon cœur : de quoi la cause n’est autre que cette créance qu’on ne passera point le pont de l’enfer qu’on n’ait rendu le dernier quatrain à ceux qu’on a oppressés. » (Tome VII, in-12, page 50.)

Croirai-je que l’idée de ce pont qui répare tant d’iniquités n’en prévient jamais ? Que si l’on ôtoit aux Persans cette idée, en leur persuadant qu’il n’y a ni Poul-Serrho, ni rien de semblable, où les opprimés soient vengés de leurs tyrans après la mort, n’est-il pas clair que cela mettrait ceux-ci fort à leur aise, et les délivrerait du soin d’apaiser ces malheureux ? Il est donc faux que cette doctrine ne fût pas nuisible ; elle ne serait donc pas la vérité.

Philosophe, tes lois morales sont fort belles ; mais montre-m’en, de grâce, la sanction. Cesse un moment de battre la campagne, et dis-moi nettement ce que tu mets à la place du Poul-Serrho.

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Los dos partidos se atacan recíprocamente con tantos sofismas, que sería una empresa tan inmensa como temeraria querer rebatirlos todos; basta con notar algunos a medida que se van presentando. Uno de los más corrientes del partido filosofista es oponer un supuesto pueblo de buenos filósofos a uno de malos cristianos, ¡como si fuera más fácil hacer un pueblo de verdaderos filósofos que uno de verdaderos cristianos! No sé si entre los individuos es más fácil hallar uno que otro, pero sé que, tratándose de pueblos, se ha de suponer que abusarán de la filosofía sin religión, como abusan los nuestros de la religión sin filosofía, y creo que esto hace cambiar mucho el estado de la cuestión. Bayle probó muy bien que el fanatismo era más pernicioso que el ateísmo, y eso es indiscutible, pero lo que se guardó de decir. aunque no sea menos cierto, es que el fanatismo, si bien sanguinario y cruel, es una pasión grande y fuerte, que exalta el corazón humano, le hace despreciar la muerte, le comunica una elasticidad prodigiosa, y sabiendo dirigirlo, se obtienen de él las virtudes más sublimes, mientras que la irreligión, y en general el espíritu silogístico y filosófico, ata a la vida, afemina y envilece los ánimos, reconcentra todas las pasiones en la bajeza del interés particular y en el envilecimiento del «yo» humano, y sordamente desmorona los verdaderos fundamentos de toda sociedad, porque los intereses particulares concuerdan en tan pocas cosas que jamás podrán contrapesar aquéllas que se oponen.

Si el ateísmo no hace verter la sangre de los hombres, menos es por amor a la paz que por indiferencia hacia lo bueno; de cualquier modo que vayan las cosas, le importa poco al pretendido sabio, con tal que le dejen tranquilo en su gabinete. Sus principios no hacen que se maten los hombres, pero estorban que nazcan, estragando las costumbres que los multiplican, desprendiéndolos de su especie, reduciendo sus afecciones a un secreto egoísmo, no menos funesto para la población que para la virtud. La indiferencia filosófica se asemeja a la tranquilidad del Estado bajo el despotismo, que es la tranquilidad de la muerte, más destructora que la misma guerra. De manera que el fanatismo, aunque más fatal en sus inmediatos efectos que lo que hoy llaman espíritu filosófico, en sus consecuencias lo es mucho menos. Por otra parte, es fácil hacer alarde de hermosas máximas en los libros, pero la cuestión es saber si están acordes con la doctrina, si necesariamente derivan de ella, y esto hasta aquí nos parece claro. Resta saber también si imperando la filosofía, reprimiría la vanagloria, el interés, la ambición, las mezquinas pasiones humanas, y si ejercería esa tan suave humanidad que nos ofrece por escrito.

Por sus principios no puede la filosofía hacer ningún bien que no lo haga mejor la religión, y ésta hace mucho que filosofía no puede hacer.

Por la práctica, es otra cosa, pero también aquí es preciso examinar. Ningún hombre sigue puntualmente su religión cuando la tiene, pero los más no la tienen, y no siguen en nada la que tienen; también eso es cierto, pero, en fin, algunos la tienen y la siguen, al menos en parte, y es indudable que por motivos de religión se retraen con frecuencia de hacer mal, ejercitan virtudes y realizan acciones loables que sin estos motivos no hubieran realizado.

Si un fraile niega un depósito, ¿:qué se deduce, sino que se lo confió un tonto? Si lo hubiera negado Pascal, probaría que Pascal era un hipócrita, y nada más. Pero un fraile... ¿:Son acaso las personas que trafican con la religión las que la tienen? Todos los delitos que comete el clero, como los que cometen otros, no prueban que la religión sea inútil, sino que son muy escasas las personas que tienen religión.

Nuestros gobiernos modernos deben sin ninguna duda al cristianismo que su autoridad sea más sólida y menos frecuentes las revoluciones, y ellos son también por aquélla menos sanguinarios, lo cual se prueba comparándolos con los gobiernos antiguos. La religión mejor conocida ha descartado el fanatismo suavizando más las costumbres cristianas. Este cambio no es obra de las letras, porque en todas partes donde éstas han brillado ha sido más respetada la humanidad. Lo atestiguan las crueldades de los atenienses, los egipcios, los emperadores de Roma y los chinos. ¡Cuántas obras misericordia se deben al Evangelio! ¡Cuántas restituciones y reparaciones produce la confesión en los países católicos! ¡Cuántas reconciliaciones y limosnas se hacen cuando se aproxima el tiempo de comulgar! ¡Cuán menos codiciosos hacia a los usurpadores el jubileo de los hebreos! ¡Cuántas miserias precavía! La fraternidad legal unía a toda la nación, y no se veía entre ellos un mendigo. Tampoco se ve ninguno entre los turcos, donde hay innumerables fundaciones piadosas, siendo por principio de religión hospitalarios hasta con los enemigos de su culto.

Los mahometanos, según Chardin, dicen .que después del examen que ha de seguirse a la resurrección. universal, todos los cuerpos pasarán por un puente denominado Pul-Serrho, que atraviesa el fuego eterno, puente que miran como el tercero y último examen y el verdadero juicio final, porque allí es donde se ha de hacer la separación de los buenos y los malos..., etc.»

«Los persas -continúa Chardin-, tienen la fantasía tan ocupada con ese puente, que cuando alguno sufre alguna injuria de la que en manera alguna puede alcanzar justicia, su último consuelo es decir: «Te juro por Dios vivo que me lo pagarás doble el último día, y que no pasarás el Pul-Serrho sin darme antes satisfacción; me agarraré del faldón de tu vestido y me enredaré entre tus piernas». He visto a muchas personas eminentes y de toda suerte de profesiones que con el miedo de que les impidiesen el paso por ese terrible puente, suplicaban a los que se quejaban de ellos que les perdonasen, y a mí mismo me ha sucedido cien veces lo mismo. Personas de calidad, que a fuerza de importunidades me habían obligado a que hiciera cosas contra mi voluntad, me buscaban cuando creían que ya se me había pasado el enojo, y me decían: «Yo te ruego, halal becon hantchrlsma», que quiere decir «hazme este negocio lícito o justo». Algunos me han enviado presentes y hecho servicios para que los perdonase, declarando que lo hacían de buen corazón, y no es otra la causa que la creencia en que están de que no han de pasar el puente del infierno sin satisfacer hasta el último maravedí a los que hayan oprimido». (Tomo VII, in, 12, pág. 511.)

¿:He de creer yo la idea de este puente que tantos males repara no evita alguno si quitasen a los persas esta idea, convenciéndoles de que no hay ni Pul-Serrho ni nada parecido, donde después de la muerte se vengan los oprimidos de sus tiranos, ¿:no es claro que esto los tranquilizaría y los libraría del afán de apaciguar a estos desgraciados?

Por tanto, esa negación sería perjudicial y por consiguiente. contraria a la verdad. Filósofo, tus lees morales son muy bellas, pero muéstrame la sanción de ellas deja por un momento de divagar y dime sin rodeos con qué quieres sustituir al Pul-Serrho.
[34]. Il n’y a personne qui voie l’enfance avec tant de mépris que ceux qui en sortent, comme il n’y a pas de pays où les rangs soient gardés avec plus d’affectation que ceux où l’inégalité n’est pas grande, et où chacun craint toujours d’être confondu avec son inférieur.
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No hay nadie que mire a la infancia con tanto desprecio como los que de ella salen, lo mismo que en los países en que es poca la desigualdad y teme cada uno que le confundan con sus inferiores, es donde se observan las distinciones con mayor afectación.
[35]. Aventures du sieur C. Le Beau, avocat au parlement 161bis, t.II, p. 70.
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Aventuras de Lee Beau, abogado del Parlamento; tomo II, página 70.
[36]. Le clergé romain les a très habilement conservés, et, à son exemple, quelques républiques, entre autres celle de Venise. Aussi le gouvernement vénitien, malgré la chute de l’État, jouit-il encore, sous l’appareil de son antique majesté, de toute l’affection, de toute l’adoration du peuple ; et, après le pape orné de sa tiare, il n’y a peut-être ni roi, ni potentat, ni homme au monde aussi respecté que le doge de Venise, sans pouvoir, sans autorité, mais rendu sacré par sa pompe, et paré sous sa corne ducale d’une coiffure de femme. Cette cérémonie du Bucentaure, qui fait tant rire les sots, ferait verser à la populace de Venise tout son sang pour le maintien de son tyrannique gouvernement.
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El clero romano los ha conservado muy hábilmente, y a ejemplo suyo algunas repúblicas, entre otras la de Venecia. Por eso el gobierno veneciano, a pesar de la ruina del Estado, todavía posee el aparato de su antigua majestad, el afecto y la adoración del pueblo, y después del Papa, ornado con su tiara, no hay seguramente rey, ni potentado, ni ningún hombre del mundo tan respetado como el Dux de Venecia, sin poder ni autoridad, pero consagrado por su pompa y adornado su fieltro ducal con una escofieta de mujer. La ceremonia del Bucentauro, que causa tanta risa a los necios, harta verter al pueblo de Venecia hasta la última gota de sangre por mantener su tiránico gobierno. Se daba el nombre de Bucentauro a un grande y magnífico barco sin mástiles ni velamen, bastante parecido a un galeón, en el cual se embarcaba el Dux de Venecia para la ceremonia de sus esponsales con el mar. Esta ceremonia tenía lugar todos los años, el día de la Ascensión: se suprimió en 1797, cuando Venecia pasó al poder de Austria por el tratado de Campo-Formio.
[37]. Comme s’il y avait des citoyens qui ne fussent pas membres de la cité et qui n’eussent pas, comme tels, part à l’autorité souveraine ! Mais les Français, ayant jugé à propos d’usurper ce respectable nom de citoyens, dû jadis aux membres des cités gauloises, en ont dénaturé l’idée, au point qu’on n’y conçoit plus rien. Un homme qui vient de m’écrire beaucoup de bêtises contre la Nouvelle Héloise, a orné sa signature du titre de citoyen de Paimbeuf, et a cru me faire une plaisanterie.
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Como si hubiera ciudadanos que no fuesen miembros de la ciudad, y en calidad de tales, partícipes de la autoridad soberana. Pero en Francia, habiéndoseles ocurrido usurpar el respetable nombre de ciudadanos que se daba antiguamente a los miembros de las ciudades de las Galias, han cambado de tal forma la idea de este vocablo, que ya no se entiende lo que con él quieren decir. Un hombre que acaba de escribir muchas majaderías contra la Nueva Eloisa, ha adornado su firma con el título de ciudadano de P1mbeuf, y ha creído que me brindaba una ingeniosa burla.
[38]. Considérations sur les mœurs de ce siècle, par M. Duclos, p. 65.
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...
[39]. Cela est prouvé dans un Essai sur l’origine des langues, qu’on trouvera dans le recueil de mes écrits.
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Esto está probado en el Ensayo sobre el origen de las lenguas, que se encuentra en la colección de mis escritos.
[40]. Deux femmes du monde, pour avoir l’air de s’amuser beaucoup, se font une loi de ne jamais se coucher qu’à cinq heures du matin. Dans la rigueur de l’hiver, leurs gens passent la nuit dans la rue à les attendre, fort embarrassés à s’y garantir d’être gelés. On entre un soir, ou pour mieux dire, un matin, dans l’appartement où ces deux personnes si amusées laissaient couler les heures sans les compter : On les trouve exactement seules, dormant chacune dans son fauteuil.
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Dos mujeres de mundo, por fingir que se divertían mucho, se habían impuesto la ley de no acostarse hasta las cinco de la mañana. En el rigor del invierno, sus cocheros pasaban la noche esperándolas en la calle y arropándose mucho para no helarse. Una noche, o mejor dicho, una mañana, tuvieron que entrar unas personas en el aposento donde pasaban las horas esas dos mujeres tan divertidas, las encontraron durmiendo cada una en butaca y sin que nadie las acompañase.
[41]. Mulierem fortem quis inveniet ? Procul, et de ultimis finibus pretium ejus. Prov.XXXI, 10.
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¿:Mulierem fortem quis invenie? Procul, el de ultimis finibus pretium ejus. (Prov. XXXI 10.)