Jean-Jacques Rousseau

Émile: ou, De l′education -- Emilio o De la educación


LIVRE SECOND

LIBRO II

C’est ici le second terme de la vie, et celui auquel proprement finit l’enfance ; car les mots infans et puer ne sont pas synonymes. Le premier est compris dans l’autre, et signifie qui ne peut parler ; d’où vient que dans Valère Maxime on trouve puerum infantem[1]. Mais je continue à me servir de ce mot selon l’usage de notre langue, jusqu’à l’âge pour lequel elle a d’autres noms. Este es el segundo plazo de la vida, y en el que propiamente termina la infancia, pues las voces infans y puer no son sinónimas. La primera está comprendida en la otra y significa «que no puede hablar», de donde viene que en Valerio Máximo se encuentre puerum infantem. Pero yo continúo sirviéndome de esta palabra según el uso de nuestra lengua, hasta la edad en que adopta otros nombres.
Quand les enfants commencent à parler, ils pleurent moins. Ce progrès est naturel : un langage est substitué à l’autre. Sitôt qu’ils peuvent dire qu’ils souffrent avec des paroles, pourquoi le diraient-ils avec des cris, si ce n’est quand la douleur est trop vive pour que la parole puisse l’exprimer ? S’ils continuent alors à pleurer, c’est la faute des gens qui sont autour d’eux. Dès qu’une fois Émile aura dit : J’ai mal, il faudra des douleurs bien vives pour le forcer de pleurer. Cuando los niños comienzan a hablar, lloran menos. Este progreso es natural: un lenguaje es substituido por el otro. Cuando pueden expresar que sufren por medio de palabras, ¿:por qué lo harán sirviéndose de los gritos? Si entonces siguen llorando, se debe a la gente que les rodea. En cuanto Emilio diga «tengo daño» será porque siente agudos dolores que le hacen llorar.
Si l’enfant est délicat, sensible, que naturellement il se mette à crier pour rien, en rendant ces cris inutiles et sans effet, j’en taris bientôt la source. Tant qu’il pleure, je ne vais point à lui ; j’y cours sitôt qu’il s’est tu. Bientôt sa manière de m’appeler sera de se taire, ou tout au plus de jeter un seul cri. C’est par l’effet sensible des signes que les enfants jugent de leur sens, il n’y a point d’autre convention pour eux : quelque mal qu’un enfant se fasse, il est très rare qu’il pleure quand il est seul, à moins qu’il n’ait l’espoir d’être entendu. Si el niño es delicado y sensible hasta llorar por nada, al darse cuenta de que- sus gritos son inútiles y no producen efecto, pronto agota sus lágrimas. Mientras llore, yo no me acerco a él, y cuando calla acudo a su lado. Pronto su manera de llamarme será la de callarse, o a lo más dará un solo grito. Esto es debido a que los niños juzgan su significación por el resultado sensible, única forma para hacerse entender, y cuando está solo, aunque el niño se haga algún daño, es muy raro que llore, a no ser que tenga esperanzas de que le oigan.
S’il tombe, s’il se fait une bosse à la tête, s’il saigne du nez, s’il se coupe les doigts, au lieu de m’empresser autour de lui d’un air alarmé, je resterai tranquille, au moins pour un peu de temps. Le mal est fait, c’est une nécessité qu’il l’endure ; tout mon empressement ne servirait qu’à l’effrayer davantage et augmenter sa sensibilité. Au fond, c’est moins le coup que la crainte qui tourmente, quand on s’est blessé. Je lui épargnerai du moins cette dernière angoisse ; car très sûrement il jugera de son mal comme il verra que j’en juge : s’il me voit accourir avec inquiétude, le consoler, le plaindre, il s’estimera perdu ; s’il me voit garder mon sang-froid, il reprendra bientôt le sien, et croira le mal guéri quand il ne le sentira plus. C’est à cet âge qu’on prend les premières leçons de courage, et que, souffrant sans effroi de légères douleurs, on apprend par degrés à supporter les grandes. Si cae, si se hace un chichón, si le sale sangre por la nariz, si se da un golpe en los dedos, en lugar de acudir alarmado, me quedaré tranquilo, siquiera durante un rato. El mal ya está hecho y es preciso que lo soporte y se habitúe; mi precipitación sólo serviría para asustarle más y para aumentar su sensibilidad. En el fondo, le atormenta más el temor que el golpe cuando se ha lastimado. Esta inquietud yo se la evitaré, puesto que dará importancia al mal según vea la que yo le doy; si me ve inquieto, que le consuelo y le compadezco, pensará que la cosa es grave, pero si me ve tranquilo, recobrará el sosiego y se creerá sano tan pronto como le desaparezca el dolor. Las primeras lecciones de valor se inician en esta edad, y padeciendo sin asustarse dolores leves, se aprende gradualmente a soportar los mayores.
Loin d’être attentif à éviter qu’Émile ne se blesse, je serais fort fâché qu’il ne se blessât jamais, et qu’il grandît sans connaître la douleur. Souffrir est la première chose qu’il doit apprendre, et celle qu’il aura le plus grand besoin de savoir. Il semble que les enfants ne soient petits et faibles que pour prendre ces importantes leçons sans danger. Si l’enfant tombe de son haut, il ne se cassera pas la jambe ; s’il se frappe avec un bâton, il ne se cassera pas le bras ; s’il saisit un fer tranchant, il ne serrera guère, et ne se coupera pas bien avant. Je ne sache pas qu’on ait jamais vu d’enfant en liberté se tuer, s’estropier, ni se faire un mal considérable, à moins qu’on ne l’ait indiscrètement exposé sur des lieux élevés, ou seul autour du feu, ou qu’on n’ait laissé des instruments dangereux à sa portée. Que dire de ces magasins de machines qu’on rassemble autour d’un enfant pour l’armer de toutes pièces contre la douleur, jusqu’à ce que, devenu grand, il reste à sa merci, sans courage et sans expérience, qu’il se croie mort à la première piqûre et s’évanouisse en voyant la première goutte de son sang ? En vez de estar atento a que Emilio no se haga daño, me disgustaría mucho que nunca se lo hiciera y creciese sin experimentar el dolor. Sufrir es lo primero que debe aprender, y lo que tendrá más necesidad de saber. Parece que los niños, por ser pequeños y débiles, no puedan aprender estas importantes lecciones sin sufrir daño. Si el niño cae al suelo, no se romperá una pierna; si se golpea con un bastón, no se romperá un brazo; si coge un hierro afilado, no apretará mucho, y no será honda la herida. No sé que nunca un niño al que se ha dejado en libertad se haya muerto ni se haya hecho un daño de consideración, a no ser que indiscretamente se le haya puesto en un sitio alto o dejado solo cerca del fuego, o que tenga en su poder instrumentos peligrosos. ¿:Qué decir de esos juguetes peligrosos con que se quiere que se distraigan los niños, para que cuando sean mayores e inexpertos, se crean muertos al pincharse con un alfiler, o se desvanezcan al ver una gota de sangre?
Notre manie enseignante et pédantesque est toujours d’apprendre aux enfants ce qu’ils apprendraient beaucoup mieux d’eux-mêmes, et d’oublier ce que nous aurions pu seuls leur enseigner. Y a-t-il rien de plus sot que la peine qu’on prend pour leur apprendre à marcher, comme si l’on en avait vu quelqu’un qui, par la négligence de sa nourrice, ne sût pas marcher étant grand ? Combien voit-on de gens au contraire marcher mal toute leur vie, parce qu’on leur a mal appris à marcher ! Esa manía pedantesca de enseñar siempre a los niños lo que por sí mismos aprenderían mucho mejor, y olvidarnos de lo que sólo nosotros les podemos enseñar. ¿:Hay nada más ridículo que tomarse la molestia de enseñarles a andar, como si se hubiera visto alguno que, por la negligencia de su nodriza, no supiera andar siendo mayor? ¡Cuántas personas, por el contrario, se ve que andan mal durante su vida precisamente porque no se les enseñó a caminar bien!
Émile n’aura ni bourrelets, ni paniers roulants, ni chariots, ni lisières ; ou du moins, dès qu’il commencera de savoir mettre un pied devant l’autre, on ne le soutiendra que sur les lieux pavés, et l’on ne fera qu’y passer en hâte[2]. Au lieu de le laisser croupir dans l’air usé d’une chambre, qu’on le mène journellement au milieu d’un pré. Là, qu’il coure, qu’il s’ébatte, qu’il tombe cent fois le jour, tant mieux : il en apprendra plus tôt à se relever. Le bien-être de la liberté rachète beaucoup de blessures. Mon élève aura souvent des contusions ; en revanche, il sera toujours gai. Si les vôtres en ont moins, ils sont toujours contrariés, toujours enchaînés, toujours tristes. Je doute que le profit soit de leur côté. Emilio no tendrá ni burletes, ni canasta con ruedas, ni carretilla, ni andadores; desde que comenzara a poner un pie delante del otro, no se le tendrá más que en los sitios enlosados, y se hará que los cruce de prisa. En lugar de dejarle en el aire viciado de una habitación, se le lleva diariamente a un prado, y que corra, que se tienda en el suelo, que caiga cien veces al día, así aprenderá antes a levantarse solo. El bienestar de la libertad compensa el daño de los golpes recibidos. Mi alumno sufrirá con frecuencia contusiones; en compensación, siempre estará alegre. Si los vuestros sufren menos golpes, en cambio están siempre contrariados, siempre encadenados y siempre tristes. Yo dudo que el provecho sea de su parte.
Un autre progrès rend aux enfants la plainte moins nécessaire : c’est celui de leurs forces. Pouvant plus par eux-mêmes, ils ont un besoin moins fréquent de recourir à autrui. Avec leur force se développe la connaissance qui les met en état de la diriger. C’est à ce second degré que commence proprement la vie de l’individu ; c’est alors qu’il prend la conscience de lui-même. La mémoire étend le sentiment de l’identité sur tous les moments de son existence ; il devient véritablement un, le même, et par conséquent déjà capable de bonheur ou de misère. Il importe donc de commencer à le considérer ici comme un être moral. Otra evolución hace que a los niños les sea menos necesario el quejarse: es la del aumento de sus fuerzas. Poseyendo más poder para realizar las cosas por sí mismos, tienen con menor frecuencia necesidad de recurrir a los demás. Con su fuerza se desenvuelve el conocimiento que los hace capaces de dirigirla. Es en esta segunda evolución cuando empieza propiamente la vida del individuo; es entonces cuando él toma conciencia de sí mismo. La memoria extiende el sentimiento de la identidad sobre todos los momentos de su existencia; se vuelve verdaderamente uno, él mismo, y por consiguiente capaz de felicidad o de desgracia. Importa, pues, comenzar a considerarle aquí como un ser moral.
Quoiqu’on assigne à peu près le plus long terme de la vie humaine et les probabilités qu’on a d’approcher de ce terme à chaque âge, rien n’est plus incertain que la durée de la vie de chaque homme en particulier ; très peu parviennent à ce plus long terme. Les plus grands risques de la vie sont dans son commencement ; moins on a vécu, moins on doit espérer de vivre. Des enfants qui naissent, la moitié, tout au plus, parvient à l’adolescence ; et il est probable que votre élève n’atteindra pas l’âge d’homme. Aunque se asigne de un modo aproximado el más largo fin de la vida humana y las probabilidades que se tienen de aproximarse a este término, nada es más incierto que la duración de la vida en particular, y son muy pocos los que llegan al término supuesto. Los mayores peligros de la vida están en sus principios, y quien menos ha vivido, menos esperanza de vivir puede tener. De los niños que nacen, todo lo más la mitad llegan a la adolescencia, y quizá vuestro alumno no llegue a la edad del hombre.
Que faut-il donc penser de cette éducation barbare qui sacrifie le présent à un avenir incertain, qui charge un enfant de chaînes de toute espèce, et commence par le rendre misérable, pour lui préparer au loin je ne sais quel prétendu bonheur dont il est à croire qu’il ne jouira jamais ? Quand je supposerais cette éducation raisonnable dans son objet, comment voir sans indignation de pauvres infortunés soumis à un joug insupportable et condamnés à des travaux continuels comme des galériens, sans être assuré que tant de soins leur seront jamais utiles ! L’âge de la gaieté se passe au milieu des pleurs, des châtiments, des menaces, de l’esclavage. On tourmente le malheureux pour son bien ; et l’on ne voit pas la mort qu’on appelle, et qui va le saisir au milieu de ce triste appareil. Qui sait combien d’enfants périssent victimes de l’extravagante sagesse d’un père ou d’un maître ? Heureux d’échapper à sa cruauté, le seul avantage qu’ils tirent des maux qu’il leur a fait souffrir est de mourir sans regretter la vie, dont ils n’ont connu que les tourments. ¿:Qué habrá que pensar, pues, de esa inhumana educación que sacrifica el tiempo presente a un porvenir incierto, que carga con cadenas de toda especie a un niño, y lo tortura preparándole para una lejana época una ignota felicidad, la cual tal vez no disfrutará jamás? Aunque yo supusiera esta educación razonable en su objeto, ¿:cómo ver sin indignación a unos pobres desventurados sometidos a un yugo insoportable y condenados a trabajos continuos como galeotes, sin estar seguros de obtener ningún fruto de tantos sufrimientos? La edad de la alegría se pasa entre llantos, castigos, amenazas y esclavitud. Por su bien, se atormenta al desventurado, y no se dan cuenta que es a la muerte a quien llaman, y que le llegará en mitad de este triste aparato. ¿:Quién sabe cuántos niños perecen víctimas de la extravagante sabiduría de un padre o de un maestro? Felices son en escapar así de su crueldad, ya que el único fruto que obtienen de tanta crueldad de la que han sido víctimas es morir sin lamentar una vida de la que únicamente han conocido los tormentos.
Hommes, soyez humains, c’est votre premier devoir ; soyez-le pour tous les états, pour tous les âges, pour tout ce qui n’est pas étranger à l’homme. Quelle sagesse y a-t-il pour vous hors de l’humanité ? Aimez l’enfance ; favorisez ses jeux, ses plaisirs, son aimable instinct. Qui de vous n’a pas regretté quelquefois cet âge où le rire est toujours sur les lèvres, et où l’âme est toujours en paix ? Pourquoi voulez-vous ôter à ces petits innocents la jouissance d’un temps si court qui leur échappe, et d’un bien si précieux dont ils ne sauraient abuser ? Pourquoi voulez-vous remplir d’amertume et de douleurs ces premiers ans si rapides, qui ne reviendront pas plus pour eux qu’ils ne peuvent revenir pour vous ? Pères, savez-vous le moment où la mort attend vos enfants ? Ne vous préparez pas des regrets en leur ôtant le peu d’instants que la nature leur donne : aussitôt qu’ils peuvent sentir le plaisir d’être, faites qu’ils en jouissent ; faites qu’à quelque heure que Dieu les appelle, ils ne meurent point sans avoir goûté la vie. Hombres, sed humanos; es vuestro primer deber; sedlo en todos los estados, en todas las edades y por todo lo que no le es extraño al hombre. ¿:Qué sabiduría tendréis fuera de la humanidad? Amad la infancia, favoreced sus juegos, sus deleites y su ingenuo instinto. ¿:Quién de vosotros no ha sentido deseos alguna vez de retornar a la edad en que la risa no falta de los labios y en la cual el alma siempre está serena? ¿:Por qué queréis evitar que disfruten los inocentes niños de esos rápidos momentos que tan pronto se marchan, y de un bien tan precioso del que no pueden excederse? ¿:Por qué queréis colmar de amarguras y dolores esos primeros años tan cortos, que pasarán para ellos y ya no pueden volver para vosotros? Padres, ¿:sabéis tal vez en qué instante la muerte espera a vuestros hijos? No motivéis nuevos llantos privándoles de los escasos momentos que la naturaleza les ofrece; tan pronto como puedan gozar del placer de la existencia, haced que disfruten de él, y que cuando llegue la hora en que Dios los llame, no mueran sin haber disfrutado de la vida.
Que de voix vont s’élever contre moi ! J’entends de loin les clameurs de cette fausse sagesse qui nous jette incessamment hors de nous, qui compte toujours le présent pour rien, et, poursuivant sans relâche un avenir qui fuit à mesure qu’on avance, à force de nous transporter où nous ne sommes pas, nous transporte où nous ne serons jamais. ¡Cuántas voces se van a levantar contra mí! ¡Oigo de lejos los clamores de esa falsa sabiduría que nos echa incesantemente fuera de nosotros, que desprecia siempre el tiempo presente, y, persiguiendo sin descanso un porvenir que huye a medida que nos adelantamos, y que a fuerza de querer trasladarnos adonde no estamos, nos transporta hacia donde no estaremos jamás!
C’est, me répondez-vous, le temps de corriger les mauvaises inclinations de l’homme ; c’est dans l’âge de l’enfance, où les peines sont le moins sensibles, qu’il faut les multiplier, pour les épargner dans l’âge de raison. Mais qui vous dit que tout cet arrangement est à votre disposition, et que toutes ces belles instructions dont vous accablez le faible esprit d’un enfant ne lui seront pas un jour plus pernicieuses qu’utiles ? Qui vous assure que vous épargnez quelque chose par les chagrins que vous lui prodiguez ? Pourquoi lui donnez-vous plus de maux que son état n’en comporte, sans être sûr que ces maux présents sont à la décharge de l’avenir ? Et comment me prouverez-vous que ces mauvais penchants dont vous prétendez le guérir ne lui viennent pas de vos soins mal entendus, bien plus que de la nature ? Malheureuse prévoyance, qui rend un être actuellement misérable, sur l’espoir bien ou mal fondé de le rendre heureux un jour ! Que si ces raisonneurs vulgaires confondent la licence avec la liberté, et l’enfant qu’on rend heureux avec l’enfant qu’on gâte, apprenons-leur à les distinguer. Este es el tiempo, me contestaréis, de corregir las malas inclinaciones del hombre; en la edad de la infancia, en que las penas son menos sensibles, las cuales hace falta multiplicarlas con el fin de eludirlas en la edad de la razón. ¿:Pero, quién os ha dicho que todo este arreglo está a vuestra disposición, y que todas esas bellas instrucciones con que agobiáis el débil entendimiento de un niño no le hayan de ser un día más perniciosas que útiles? ¿:Quién os asegura que le evitáis algo con las penas que ahora le prodigáis? ¿:Por qué le proporcionáis un mayor número de males que el que puede soportar su estado, sin tener la certeza de que los males presentes le servirán de alivio para los futuros? ¿:Y cómo me probaréis que estas malas inclinaciones de las cuales queréis curarle no le vienen más de vuestros deseos mal entendidos que de la naturaleza? Infeliz previsión, que hace un ser actualmente miserable, sobre la bien o mal fundada esperanza de hacerle un día feliz. Y si estos razonadores vulgares confunden la licencia con la libertad, que aprendan a distinguirlos.
Pour ne point courir après des chimères, n’oublions pas ce qui convient à notre condition. L’humanité a sa place dans l’ordre des choses ; l’enfance a la sienne dans l’ordre de la vie humaine : il faut considérer l’homme dans l’homme, et l’enfant dans l’enfant. Assigner à chacun sa place et l’y fixer, ordonner les passions humaines selon la constitution de l’homme, est tout ce que nous pouvons faire pour son bien-être. Le reste dépend de causes étrangères qui ne sont point en notre pouvoir. Con el fin de no correr detrás de quimeras, no nos olvidemos tampoco de lo que conviene a nuestra condición. La humanidad tiene su puesto en el orden de las cosas; la infancia posee también el suyo en el orden de la vida humana; es indispensable considerar al hombre en el hombre, y al niño en el niño. Debemos asignar a cada uno su lugar y fijarle en el mismo, ordenar las pasiones humanas según la constitución del hombre, y es todo esto lo que nosotros podemos hacer para su bienestar. Lo restante depende de causas extrañas que no están en nuestro poder.
Nous ne savons ce que c’est que bonheur ou malheur absolu. Tout est mêlé dans cette vie ; on n’y goûte aucun sentiment pur, on n’y reste pas deux moments dans le même état. Les affections de nos âmes, ainsi que les modifications de nos corps, sont dans un flux continuel. Le bien et le mal nous sont communs à tous, mais en différentes mesures. Le plus heureux est celui qui souffre le moins de peines ; le plus misérable est celui qui sent le moins de plaisirs. Toujours plus de souffrances que de jouissances : voilà la différence commune à tous. La félicité de l’homme ici-bas n’est donc qu’un état négatif ; on doit la mesurer par la moindre quantité de maux qu’il souffre. No sabemos lo que es la dicha o desdicha absoluta. Todo está mezclado en esta vida; uno no se complace con ningún sentimiento puro, ni permanecemos dos momentos en el mismo estado. Las inclinaciones de nuestras almas, como las modificaciones de nuestro cuerpo, están en un flujo continuo. El bien y el mal son comunes a todos, aunque en medidas diferentes. El más feliz es el que menos penas padece, y el más miserable es el que menos placeres disfruta. Siempre se poseen más sufrimientos que goces: he ahí la diferencia que es común a todos. La felicidad del hombre en este mundo no es otra cosa que un estado negativo; se la debe medir por la menor cantidad de males que se sufren.
Tout sentiment de peine est inséparable du désir de s’en délivrer ; toute idée de plaisir est inséparable du désir d’en jouir ; tout désir suppose privation, et toutes les privations qu’on sent sont pénibles ; c’est donc dans la disproportion de nos désirs et de nos facultés que consiste notre misère. Un être sensible dont les facultés égaleraient les désirs serait un être absolument heureux. Todo sentimiento de dolor es inseparable del deseo de librarse del mismo; toda idea de placer va unida al deseo de disfrutarlo; todo deseo supone privación, y todas las privaciones que sentimos son penosas; nuestra miseria consiste, pues, en la desproporción entre nuestros deseos y la de nuestras facultades. Un ser sensible en el cual las facultades fuesen iguales a los deseos sería un ser absolutamente feliz.
En quoi donc consiste la sagesse humaine ou la route du vrai bonheur ? Ce n’est pas précisément à diminuer nos désirs ; car, s’ils étaient au-dessous de notre puissance, une partie de nos facultés resterait oisive, et nous ne jouirions pas de tout notre être. Ce n’est pas non plus à étendre nos facultés, car si nos désirs s’étendaient à la fois en plus grand rapport, nous n’en deviendrions que plus misérables : mais c’est à diminuer l’excès des désirs sur les facultés, et à mettre en égalité parfaite la puissance et la volonté. C’est alors seulement que, toutes les forces étant en action, l’âme cependant restera paisible, et que l’homme se trouvera bien ordonné. ¿:En qué consiste, pues, la sabiduría o la ruta de la verdadera felicidad? Precisamente no está en disminuir nuestros deseos, ya que si estuvieran por debajo de nuestro poder, una parte de nuestras facultades quedaría ociosa, y nosotros no gozaríamos de todo nuestro ser. Esto no consiste en otra cosa que extender nuestras facultades, pues si nuestros deseos se extendieran al mismo tiempo en mayor cantidad, seríamos más infelices. Pero esto es disminuir el exceso de los deseos sobre las facultades y poner en perfecta igualdad el poder y la voluntad. Solamente entonces es cuando todas las fuerzas están en actividad; el ánimo, sin embargo, permanecerá tranquilo, y el hombre disfrutará de un justo equilibrio.
C’est ainsi que la nature, qui fait tout pour le mieux, l’a d’abord institué. Elle ne lui donne immédiatement que les désirs nécessaires à sa conservation et les facultés suffisantes pour les satisfaire. Elle a mis toutes les autres comme en réserve au fond de son âme, pour s’y développer au besoin. Ce n’est que dans cet état primitif que l’équilibre du pouvoir et du désir se rencontre, et que l’homme n’est pas malheureux. Sitôt que ses facultés virtuelles se mettent en action, l’imagination, la plus active de toutes, s’éveille et les devance. C’est l’imagination qui étend pour nous la mesure des possibles, soit en bien, soit en mal, et qui, par conséquent, excite et nourrit les désirs par l’espoir de les satisfaire. Mais l’objet qui paraissait d’abord sous la main fuit plus vite qu’on ne peut le poursuivre ; quand on croit l’atteindre, il se transforme et se montre au loin devant nous. Ne voyant plus le pays déjà parcouru, nous le comptons pour rien ; celui qui reste à parcourir s’agrandit, s’étend sans cesse. Ainsi l’on s’épuise sans arriver au terme ; et plus nous gagnons sur la jouissance, plus le bonheur s’éloigne de nous. Es así como la naturaleza a primera vista lo ha constituido, ya que ella lo ha hecho todo de la mejor manera. No le da inmediatamente más que los deseos necesarios a su conservación y las facultades suficientes para satisfacerlas. Ha puesto todas las otras en el fondo de su alma como de reserva para desenvolverse a medida que las necesite. Es en este estado primitivo cuando el equilibrio del poder y del deseo se encuentran y cuando el hombre deja de ser desgraciado. Tan pronto como sus facultades virtuales se ponen en acción, la imaginación, la más activa de todas, se despierta y las adelanta. Es la imaginación lo que extiende por nosotros la medida de las cosas posibles, tanto si es en bien como en mal, y por consiguiente excita y nutre los deseos con la esperanza de satisfacerlos. Mas el objeto que parecía a primera vista estar al alcance de la mano huye tan velozmente que no se le puede perseguir; cuando uno cree alcanzarlo, se transforma y se presenta a mucha distancia de nosotros. No viendo más el terreno ya recorrido, no lo contamos por nada; el que nos falta recorrer se nos ha aumentado y se extiende sin cesar. Así uno se rinde sin llegar a su término, y cuanto más nos acercamos hacia el goce, más la desgracia se aleja de nosotros.
Au contraire, plus l’homme est resté près de sa condition naturelle, plus la différence de ses facultés à ses désirs est petite, et moins par conséquent il est éloigné d’être heureux, il n’est jamais moins misérable que quand il paraît dépourvu de tout ; car la misère ne consiste pas dans la privation des choses, mais dans le besoin qui s’en fait sentir. Por el contrario, cuanto más el hombre está cerca de su condición natural, más pequeña es la diferencia entre sus facultades y la de sus deseos, y por consiguiente está menos lejos de ser un hombre feliz. Jamás es menos miserable que cuando parece desprovisto de todo, pues la miseria no consiste en la privación de las cosas, sino en el deseo o necesidad que uno siente de ellas.
Le monde réel a ses bornes, le monde imaginaire est infini ; ne pouvant élargir l’un, rétrécissons l’autre ; car c’est de leur seule différence que naissent toutes les peines qui nous rendent vraiment malheureux. Otez la force, la santé, le bon témoignage de soi, tous les biens de cette vie sont dans l’opinion ; ôtez les douleurs du corps et les remords de la conscience, tous nos maux sont imaginaires. Ce principe est commun, dira-t-on ; j’en conviens ; mais l’application pratique n’en est pas commune ; et c’est uniquement de la pratique qu’il s’agit ici. El mundo real tiene sus límites y el imaginario es infinito; no pudiendo ensanchar el uno, estrechamos el otro, ya que sólo de su diferencia nacen todas las penas que nos hacen verdaderamente desgraciados. Separad la fuerza, la salud, y el buen testimonio de sí propio; todos los demás bienes de esta vida consisten en la opinión; si hacéis caso omiso de los dolores del cuerpo y de los remordimientos de conciencia, todos nuestros males son imaginarios. Este principio es común, se dirá; de acuerdo, pero su aplicación práctica no es ninguna cosa común, y aquí únicamente se trata de la práctica.
Quand on dit que l’homme est faible, que veut-on dire ? Ce mot de faiblesse indique un rapport, un rapport de l’être auquel on l’applique. Celui dont la force passe les besoins, fût-il un insecte, un ver, est un être fort ; celui dont les besoins passent la force, fût-il un éléphant, un lion ; fût-il un conquérant, un héros ; fût-il un dieu ; c’est un être faible. L’ange rebelle qui méconnut sa nature était plus faible que l’heureux mortel qui vit en paix selon la sienne. L’homme est très fort quand il se contente d’être ce qu’il est ; il est très faible quand il veut s’élever au-dessus de l’humanité. N’allez donc pas vous figurer qu’en étendant vos facultés vous étendez vos forces ; vous les diminuez, au contraire, si votre orgueil s’étend plus qu’elles. Mesurons le rayon de notre sphère, et restons au centre comme l’insecte au milieu de sa toile ; nous nous suffirons toujours à nous-mêmes, et nous n’aurons point à nous plaindre de notre faiblesse, car nous ne la sentirons jamais. Cuando se dice que el hombre es débil, ¿:qué es lo que se pretende decir? La palabra debilidad indica una condición, una cualidad del ser al cual se aplica. Está donde la fuerza rebasa las necesidades; sea un insecto, o un gusano, es un ser fuerte, pero aquel en el cual las necesidades exceden a la fuerza, sea un elefante o un león, un conquistador o un héroe, y aunque sea un dios, éste es un ser débil. El ángel rebelde que desconoció su naturaleza era más débil que el venturoso mortal que vive en paz según la suya. El hombre es muy fuerte cuando está contento de ser lo que es, y es muy débil cuando quiere encumbrarse por encima de la humanidad. No penséis, pues, que dando más extensión a vuestras facultades queden dilatadas vuestras fuerzas; por el contrario, disminuyen si vuestro orgullo toma mayor extensión que ellas. Midamos el radio de nuestra esfera, y quedémonos en el centro, como hace el insecto en medio de su tela; nos bastaremos siempre para nosotros mismos y no tendremos que lamentar nuestra flaqueza, ya que no la sentiremos jamás.
Tous les animaux ont exactement les facultés nécessaires pour se conserver. L’homme seul en a de superflues. N’est-il pas bien étrange que ce superflu soit l’instrument de sa misère ? Dans tout pays les bras d’un homme valent plus que sa subsistance. S’il était assez sage pour compter ce surplus pour rien, il aurait toujours le nécessaire, parce qu’il n’aurait jamais rien de trop. Les grands besoins, disait Favorin, naissent des grands biens ; et souvent le meilleur moyen de se donner les choses dont on manque est de s’ôter celles qu’on a. C’est à force de nous travailler pour augmenter notre bonheur, que nous le changeons en misère. Tout homme qui ne voudrait que vivre, vivrait heureux ; par conséquent il vivrait bon ; car où serait pour lui l’avantage d’être méchant ? Todos los animales tienen exactamente las facultades necesarias para conservarse. Solamente el hombre las tiene superfluas. ¿:No es bien extraño que esta superfluidad sea el instrumento de su miseria? En todos los países, los brazos de un hombre tienen más valor que el de su subsistencia. Si tuviera el suficiente juicio para despreciar este sobrante, siempre tendría lo necesario, porque nunca le sobraría nada. «Las grandes necesidades, dice Favorin, tienen su origen en los grandes bienes, y con frecuencia el mejor medio de adquirir las cosas que nos hacen falta consiste en privarnos de las que poseemos.» Es a fuerza de trabajar para aumentar nuestra felicidad como la convertimos en miseria. Todo hombre que no deseara más que vivir, sería feliz; por consiguiente, sería bueno, porque, ¿:qué utilidad sacaría de ser malo?
Si nous étions immortels, nous serions des êtres très misérables. Il est dur de mourir, sans doute ; mais il est doux d’espérer qu’on ne vivra pas toujours, et qu’une meilleure vie finira les peines de celle-ci. Si l’on nous offrait l’immortalité sur la terre, qui est-ce[3] qui voudrait accepter ce triste présent ? Quelle ressource, quel espoir, quelle consolation nous resterait-il contre les rigueurs du sort et contre les injustices des hommes ? L’ignorant, qui ne prévoit rien, sent peu le prix de la vie, et craint peu de la perdre ; l’homme éclairé voit des biens d’un plus grand prix, qu’il préfère à celui-là. Il n’y a que le demi-savoir et la fausse sagesse qui, prolongeant nos vues jusqu’à la mort, et pas au delà, en font pour nous le pire des maux. La nécessité de mourir n’est à l’homme sage qu’une raison pour supporter les peines de la vie. Si l’on n’était pas sûr de la perdre une fois, elle coûterait trop à conserver. Si nosotros fuésemos inmortales, seríamos los seres más miserables. Es duro morir, sin duda, mas es muy dulce saber que no viviremos siempre, y que las penalidades de esta vida han de terminar en otra mejor. Si nos ofrecieran la inmortalidad sobre la tierra, ¿:quién es el que quisiera aceptar esta triste ofrenda?. ¿:Qué remedio, qué esperanza, qué consuelo nos quedaría contra los rigores de la suerte y contra las injusticias de los hombres? El ignorante, quien no prevé nada, aprecia poco el valor de la vida, y le asusta poco el perderla; el hombre ilustrado ve otros bienes que tienen mayor valor y los prefiere a la vida. Los hay de mediana ciencia y una falsa sabiduría, quienes, prolongando sus miras hasta la muerte, y no más allá, la ven como el peor de los males. La necesidad de morir no es para el hombre sabio otra cosa que una razón para soportar las penas de la vida. Si no estuviéramos seguros de perderla un día, nos costaría mucho conservarla.
Nos maux moraux sont tous dans l’opinion, hors un seul, qui est le crime ; et celui-là dépend de nous : nos maux physiques se détruisent ou nous détruisent. Le temps ou la mort sont nos remèdes ; mais nous souffrons d’autant plus que nous savons moins souffrir ; et nous nous donnons plus de tourment pour guérir nos maladies, que nous n’en aurions à les supporter. Vis selon la nature, sois patient, et chasse les médecins ; tu n’éviteras pas la mort, mais tu ne la sentiras qu’une fois, tandis qu’ils la portent chaque jour dans ton imagination troublée, et que leur art mensonger, au lieu de prolonger tes jours, t’en ôte la jouissance. Je demanderai toujours quel vrai bien cet art a fait aux hommes. Quelques-uns de ceux qu’il guérit mourraient, il est vrai ; mais des millions qu’il tue resteraient en vie. Homme sensé, ne mets point à cette loterie, où trop de chances sont contre toi. Souffre, meurs ou guéris ; mais surtout vis jusqu’à ta dernière heure. Todos nuestros males morales están en la opinión, excepto uno sólo, que es el delito, y éste depende de nosotros; nuestros males físicos o se destruyen o nos destruyen; nuestros remedios son el tiempo o la muerte, pero padecemos tanto más cuanto menos sabemos padecer, y tenemos más prisa por curar nuestras dolencias que el que precisaríamos para tolerarlas. Vive según la naturaleza, sé sufrido y despide a los médicos; no evitarás la muerte, cero no la sentirás más que una vez, en tanto que ellos la llevan cada día a tu turbada imaginación, y su arte engañador, en vez de prolongar tus días, te priva de su goce. Preguntaré siempre cuál es el verdadero bien que ha hecho este arte a los hombres. Algunos de los que han curado hubieran muerto, es verdad, pero quedarían con vida los millones que matan. Hombre sensato, no juegues, pues, en esta lotería, la mayor parte de las probabilidades están contra ti. Sufre, muérete o cúrate, pero sobre todo vive hasta tu última hora.
Tout n’est que folie et contradiction dans les institutions humaines. Nous nous inquiétons plus de notre vie à mesure qu’elle perd de son prix. Les vieillards la regrettent plus que les jeunes gens ; ils ne veulent pas perdre les apprêts qu’ils ont faits pour en jouir ; à soixante ans, il est bien cruel de mourir avant d’avoir commencé de vivre. On croit que l’homme a un vif amour pour sa conservation, et cela est vrai ; mais on ne voit pas que cet amour, tel que nous le sentons, est en grande partie l’ouvrage des hommes. Naturellement l’homme ne s’inquiète pour se conserve qu’autant que les moyens en sont en son pouvoir ; sitôt que ces moyens lui échappent, il se tranquillise et meurt sans se tourmenter inutilement. La première loi de la résignation nous vient de la nature. Les sauvages, ainsi que les bêtes, se débattent fort peu contre la mort, et l’endurent presque sans se plaindre. Cette loi détruite, il s’en forme une autre qui vient de la raison ; mais peu savent l’en tirer, et cette résignation factice n’est jamais aussi pleine et entière que la première. No hay más que locura y contradicción en las instituciones humanas. Nos inquietamos más por nuestra vida a medida que el valor de la misma disminuye. Los viejos la temen más que los jóvenes; ellos no quieren perderla después que han hecho todo lo posible para gozarla; a los sesenta años es bien cruel morir antes de haber empezado a vivir. Se cree que el hombre tiene un vivo amor a su conservación, y esto es verdad, pero no se da cuenta de que este amor, tal como nosotros lo sentimos, es en gran parte la obra de los hombres. Naturalmente, el hombre siente el afán de conservarse mientras tiene los medios necesarios en su poder, mas así que estos medios le faltan, se tranquiliza y muere sin atormentarse inútilmente. La primera ley de la resignación nos viene de la naturaleza. Los salvajes, lo mismo que los animales, se debaten poco contra la muerte y expiran casi sin quejarse. Destruida esta ley, se forma otra que viene de la razón, pero pocos saben atraerla, y esa resignación ficticia jamás es tan llena y entera como la primera.
La prévoyance ! la prévoyance qui nous porte sans cesse au delà de nous, et souvent nous place où nous n’arriverons point, voilà la véritable source de toutes nos misères. Quelle manie a un être aussi passager que l’homme de regarder toujours au loin dans un avenir qui vient si rarement, et de négliger le présent dont il est sûr ! manie d’autant plus funeste qu’elle augmente incessamment avec l’âge, et que les vieillards, toujours défiants, prévoyants, avares, aiment mieux se refuser aujourd’hui le nécessaire que de manquer du superflu dans cent ans. Ainsi nous tenons à tout, nous nous accrochons à tout ; les temps, les lieux, les hommes, les choses, tout ce qui est, tout ce qui sera, importe à chacun de nous ; notre individu n’est plus que la moindre partie de nous-mêmes. Chacun s’étend, pour ainsi dire, sur la terre entière, et devient sensible sur toute cette grande surface. Est-il étonnant que nos maux se multiplient dans tous les points par où l’on peut nous blesser ? Que de princes se désolent pour la perte d’un pays qu’ils n’ont jamais vu ! Que de marchands il suffit de toucher aux Indes, pour les faire crier à Paris ! ¡La previsión!, la previsión que nos lleva sin cesar más allá de nosotros, con frecuencia nos coloca a donde nunca llegaremos; he ahí el verdadero manantial de todas nuestras miserias. ¡Qué manía tiene un ser tan transitorio como el hombre de mirar siempre a lo lejos, hacia un porvenir que raramente viene, y de descuidar lo presente, donde está lo seguro! Manía tanto más funesta cuanto que ella aumenta incesantemente con la edad, y que los viejos, siempre desconfiados, previsores, avaros, prefieren rehusar lo hoy necesario que carecer de lo superfluo dentro de cien años. De este modo nos ligamos a todo, y nos acogemos a todo; los tiempos, los lugares, los hombres, las cosas, todo cuanto está, todo lo que será, importa a cada uno de nosotros; nuestro propio individuo no es otra cosa que la menor parte de nosotros mismos. Cada uno se extiende, por así decirlo, sobre la tierra entera, y deviene sensible sobre toda esa gran superficie. Es extraño que nuestros males se multipliquen en todos los puntos por donde nos pueden herir. ¡Cuántos príncipes se desconsuelan por la pérdida de un país que no han visto ,jamás! ¡A cuántos comerciantes es suficiente tocarlos en las Indias para que alcen el grito en París!.
Est-ce la nature qui porte ainsi les hommes si loin d’eux-mêmes ? Est-ce elle qui veut que chacun apprenne son destin des autres, et quelquefois l’apprenne le dernier, en sorte que tel est mort heureux ou misérable, sans en avoir jamais rien su ? Je vois un homme frais, gai, vigoureux, bien portant ; sa présence inspire la joie ; ses yeux annoncent le contentement, le bien-être ; il porte avec lui l’image du bonheur. Vient une lettre de la poste ; l’homme heureux la regarde, elle est à son adresse, il l’ouvre, il la lit. À l’instant son air change ; il pâlit, il tombe en défaillance. Revenu à lui, il pleure, il s’agite, il gémit, il s’arrache les cheveux, il fait retentir l’air de ses cris, il semble attaqué d’affreuses convulsions. Insensé ! quel mal t’a donc fait ce papier ? quel membre t’a-t-il ôté ? quel crime t’a-t-il fait commettre ? enfin qu’a-t-il changé dans toi-même pour te mettre dans l’état où je te vois ? ¿:Es la naturaleza la que lleva así a los hombres tan lejos de sí mismos? ¿:Es ella quien quiere que cada uno aprenda su destino de los demás, y que algunas veces sea el último en aprenderlo, de tal forma que murió feliz o desgraciado, sin haberlo sabido jamás? Yo veo un hombre alegre, vigoroso y sano; su presencia inspira alegría, sus ojos anuncian el contento el bienestar, y trae consigo la imagen de la dicha. Lega una carta del correo, la mira el hombre feliz, es para él, la abre y la lee... Al momento cambia de actitud, pierde el color y cae desmayado. Vuelto en sí, llora, se agita, solloza, se arranca los cabellos, el eco repite sus clamores y parece acometido de horribles convulsiones. ¡Loco! ¿:Qué daño te ha hecho este papel? ¿:Qué miembro te ha roto? ¿:Qué delito ha cometido en ti para que te pongas en ese estado?
Que la lettre se fût égarée, qu’une main charitable l’eût jetée au feu, le sort de ce mortel, heureux et malheureux à la fois, eût été, ce me semble, un étrange problème. Son malheur, direz-vous, était réel. Fort bien, mais il ne le sentait pas. Où était-il donc ? Son bonheur était imaginaire. J’entends ; la santé, la gaieté, le bien-être, le contentement d’esprit, ne sont plus que des visions. Nous n’existons plus où nous sommes, nous n’existons qu’où nous ne sommes pas. Est-ce la peine d’avoir une si grande peur de la mort, pourvu que ce en quoi nous vivons reste ? Si la carta se hubiera perdido, si una mano caritativa la hubiera arrojado al fuego, me parece que habría sido un problema extraño la suerte de este mortal, dichoso y desdichado a un tiempo. Se dirá que su desdicha era real. Muy bien, pero él no la sentía. ¿:Dónde estaba pues? Su felicidad era imaginaria. Ya comprendo: la salud, la alegría, la serenidad, el ánimo contento no son otra cosa que visiones. Nosotros no existimos ya donde estamos y existimos donde no estamos. ¿:Merece la pena temerse tanto la muerte, siempre que no muera aquello en que vivimos?
O homme ! resserre ton existence au dedans de toi, et tu ne seras plus misérable. Reste à la place que la nature t’assigne dans la chaîne des êtres, rien ne t’en pourra faire sortir ; ne regimbe point contre la dure loi de la nécessité, et n’épuise pas, à vouloir lui résister, des forces que le ciel ne t’a point données pour étendre ou prolonger ton existence, mais seulement pour la conserver comme il lui plaît et autant qu’il lui plaît. Ta liberté, ton pouvoir, ne s’étendent qu’aussi loin que tes forces naturelles, et pas au delà ; tout le reste n’est qu’esclavage, illusion, prestige. La domination même est servile, quand elle tient à l’opinion ; car tu dépends des préjugés de ceux que tu gouvernes par les préjugés. Pour les conduire comme il te plaît, il faut te conduire comme il leur plaît. Ils n’ont qu’à changer de manière de penser, il faudra bien par force que tu changes de manière d’agir. Ceux qui t’approchent n’ont qu’à savoir gouverner les opinions du peuple que tu crois gouverner, ou des favoris qui te gouvernent ou celles de ta famille, ou les tiennes propres : ces visirs, ces courtisans, ces prêtres, ces soldats, ces valets, ces caillettes, et jusqu’à des enfants, quand tu serais un Thémistocle en génie[4], vont te mener, comme un enfant toi-même au milieu de tes légions. Tu as beau faire, jamais ton autorité réelle n’ira plus loin que tes facultés réelles. Sitôt qu’il faut voir par les yeux des autres, il faut vouloir par leurs volontés. Mes peuples sont mes sujets, dis-tu fièrement. Soit. Mais toi, qu’es-tu ? le sujet de tes ministres. Et tes ministres à leur tour, que sont-ils ? les sujets de leurs commis, de leurs maîtresses, les valets de leurs valets. Prenez tout, usurpez tout, et puis versez l’argent à pleines mains ; dressez des batteries de canon ; élevez des gibets, des roues ; donnez des lois, des édits ; multipliez les espions, les soldats, les bourreaux, les prisons, les chaînes : pauvres petits hommes, de quoi vous sert tout cela ? vous n’en serez ni mieux servis, ni moins volés, ni moins trompés, ni plus absolus. Vous direz toujours : nous voulons ; et vous ferez toujours ce que voudront les autres. ¡Hombre!, encierra tu existencia dentro de ti, y no serás desgraciado. Quédate en el sitio que te marcó la naturaleza en la cadena de los seres, y nada te podrá forzar a que salgas de él; no des coces contra el duro aguijón de la necesidad, y no te agotes por resistir unas fuerzas que no te dispensó el cielo para ensanchar o prolongar tu existencia, sino para conservarla cómo y mientras él quisiese. Tu poderío y tu libertad alcanzan hasta donde rayan tus fuerzas naturales, pero no más allá; todo lo demás es mera esclavitud, ilusión, apariencia. Hasta la dominación es vil cuando se funda en la opinión, porque pende de las preocupaciones. Para conducirlos a tu albedrío es necesario que te conduzcas por el suyo; si mudan ellas de modo de pensar, será forzoso que mudes tú de modo de obrar. A los que se acercan a ti, les basta con saber gobernar las opiniones del pueblo que crees tú que gobiernas, o de los privados que te gobiernan a ti, o las de tu familia, o las tuyas propias; esos visires, esos cortesanos, esos sacerdotes, esos soldados, esos criados, y hasta los niños, , aunque tuvieras el superior ingenio de Temístocles, te van a llevar, como si fueras tú también una criatura, en medio de tus legiones. Haz lo que quieras; jamás tu autoridad real excederá a tus facultades reales. De manera que es preciso ver mediante ojos ajenos y querer por medio de la voluntad ajena. «Mis pueblos son mis vasallos», dices envanecido. Está bien, ¿:pero tú qué eres, vasallo de tus ministros? Y tus ministros, ¿:qué son? Vasallos de sus secretarios, de sus danzas, criados de sus criados. Tomadlo todo, usurpadlo todo, desparramad luego el dinero a manos llenas, levantad baterías de cañones, alzad patíbulos, encended hogueras, promulgad leyes, edictos, multiplicad los espías, los soldados, los verdugos, las cárceles, las cadenas. ¡Pobres hombrecillos! ¿:Qué vale todo eso? Ni seréis mejor servidos, ni menos robados, ni menos engañados, ni más absolutos. Siempre repetiréis «queremos», y haréis siempre lo que quieran los demás.+
Le seul qui fait sa volonté est celui qui n’a pas besoin, pour la faire, de mettre les bras d’un autre au bout des siens : d’où il suit que le premier de tous les biens n’est pas l’autorité, mais la liberté. L’homme vraiment libre ne veut que ce qu’il peut, et fait ce qu’il lui plaît. Voilà ma maxime fondamentale. Il ne s’agit que de l’appliquer à l’enfance, et toutes les règles de l’éducation vont en découler. El único que actúa según su propia voluntad es el que para realizarla no precisa del auxilio ajeno, de donde se deduce que el más apreciable de los bienes no es la autoridad, sino la libertad. El hombre verdaderamente libre solamente quiere lo que puede y hace lo que le conviene. Esta es mi máxima fundamental; trato de aplicarla a la infancia, y observaremos cómo se derivan de ella todas las reglas de educación.
La société a fait l’homme plus faible, non seulement en lui ôtant le droit qu’il avait sur ses propres forces, mais surtout en les lui rendant insuffisantes. Voilà pourquoi ses désirs se multiplient avec sa faiblesse, et voilà ce qui fait celle de l’enfance, comparée à l’âge d’homme. Si l’homme est un être fort, et si l’enfant est un être faible, ce n’est pas parce que le premier a plus de force absolue que le second, mais c’est parce que le premier peut naturellement se suffire à lui-même et que l’autre ne le peut. L’homme doit donc avoir plus de volontés, et l’enfant plus de fantaisies ; mot par lequel j’entends tous les désirs qui ne sont pas de vrais besoins, et qu’on ne peut contenter qu’avec le secours d’autrui. La sociedad no solamente ha hecho al hombre más débil, privándole del derecho que tenía en sus propias fuerzas, sino procurando hacerlas insuficientes; de aquí que sus necesidades sean multiplicadas en razón directa a su debilidad, y eso es lo que constituye la de la infancia comparada con la edad adulta. Si el hombre es un ser fuerte, el niño es débil, no es porque tenga el primero más fuerza que el segundo, sino porque el adulto puede naturalmente bastarse a sí mismo, y el niño no. De tal modo que el hombre debe poseer más voluntades y el niño más voluntariedades, entendiéndose por voluntariedad los deseos que no son verdaderas necesidades y que sólo pueden satisfacerse mediante el auxilio ajeno.
J’ai dit la raison de cet état de faiblesse. La nature y pourvoit par l’attachement des pères et des mères : mais cet attachement peut avoir son excès, son défaut, ses abus. Des parents qui vivent dans l’état civil y transportent leur enfant avant l’âge. En lui donnant plus de besoins qu’il n’en a, ils ne soulagent pas sa faiblesse, ils l’augmentent. Ils l’augmentent encore en exigeant de lui ce que la nature n’exigeait pas, en soumettant à leurs volontés le peu de forces qu’il a pour servir les siennes, en changeant de part ou d’autre en esclavage la dépendance réciproque où le tient sa faiblesse et où les tient leur attachement. Ya dije la razón de este estado de flaqueza; la naturaleza la ha remediado con el cariño de los padres y de las madres, pero este cariño puede ser por exceso, por defecto y abusivo. Los padres que viven en el estado civil, y llevan a este estado a su hijo antes de la edad necesaria, aumentan sus necesidades y acrecientan su flaqueza en vez de disminuirla. Del mismo modo la aumentan exigiendo al niño lo que no haría la naturaleza, y sujetan a la voluntad de los padres la poca fuerza de que dispone el niño para realizar o cumplir su propia voluntad, y así convierten por una y otra parte en esclavitud la dependencia recíproca en que les retiene a él su flaqueza y a ellos su cariño.
L’homme sage sait rester à sa place ; mais l’enfant, qui ne connaît pas la sienne, ne saurait s’y maintenir. Il a parmi nous mille issues pour en sortir ; c’est à ceux qui le gouvernent à l’y retenir, et cette tâche n’est pas facile. Il ne doit être ni bête ni homme, mais enfant ; il faut qu’il sente sa faiblesse et non qu’il en souffre ; il faut qu’il dépende et non qu’il obéisse ; il faut qu’il demande et non qu’il commande. Il n’est soumis aux autres qu’à cause de ses besoins, et parce qu’ils voient mieux que lui ce qui lui est utile, ce qui peut contribuer ou nuire à sa conservation. Nul n’a droit, pas même le père, de commander à l’enfant ce qui ne lui est bon à rien. El hombre sabio permanece en su puesto, pero el niño que desconoce el suyo, no se puede mantener en él. Hay para nosotros mil maneras de salirse de un sitio, pero esta tarea no resulta nada fácil para los que le gobiernan y le deben retener. No debe ser ni bestia ni hombre, sino niño; ello hace que sienta su flaqueza, y no debe sufrir por tal causa; que dependa y no que obedezca, que pida y no que mande. Está sometido a los demás a causa de sus necesidades, porque éstos ven mejor que él lo que es más de su conveniencia y lo que puede ayudar a su conservación. Nadie tiene derecho, ni siquiera su padre, a mandar a un niño lo que puede serle de algún provecho.
Avant que les préjugés et les institutions humaines aient altéré nos penchants naturels, le bonheur des enfants ainsi que des hommes consiste dans l’usage de leur liberté ; mais cette liberté dans les premiers est bornée par leur faiblesse. Quiconque fait ce qu’il veut est heureux, s’il se suffit à lui-même ; c’est le cas de l’homme vivant dans l’état de nature. Quiconque fait ce qu’il veut n’est pas heureux, si ses besoins passent ses forces : c’est le cas de l’enfant dans le même état. Les enfants ne jouissent même dans l’état de nature que d’une liberté imparfaite, semblable à celle dont jouissent les hommes dans l’état civil. Chacun de nous ne pouvant plus se passer des autres, redevient à cet égard faible et misérable. Nous étions faits pour être hommes ; les lois et la société nous ont replongés dans l’enfance. Les riches, les grands, les rois sont tous des enfants qui, voyant qu’on s’empresse à soulager leur misère, tirent de cela même une vanité puérile, et sont tout fiers des soins qu’on ne leur rendrait pas s’ils étaient hommes faits. Antes que los prejuicios y las instituciones humanas hayan alterado nuestras inclinaciones naturales, la felicidad de los niños, así como la de los hombres, consiste en el uso de su libertad, pero esta libertad está limitada en los primeros, debido a su debilidad. Aquel que hace lo que quiere es feliz si se basta a sí mismo, que es el caso el hombre que vive en estado de libertad aparente, semejante a la que en el estado social disfrutan los hombres. No siendo posible vivir cada uno de nosotros de un modo independiente de los demás, volvemos otra vez al estado de miseria y debilidad. Nosotros fuimos hechos para ser hombres, pero las leyes y la sociedad nos han sumergido en la infancia. Los ricos, los reyes y los grandes, son todos unos niños que, viendo que tienen prisa para aliviar su miseria, arrancan de esta misma una vanidad pueril, y están todos confiados en los deseos que nunca alcanzarían si fueran hombres formados.
Ces considérations sont importantes, et servent à résoudre toutes les contradictions du système social. Il y a deux sortes de dépendances : celle des choses, qui est de la nature ; celle des hommes, qui est de la société. La dépendance des choses, n’ayant aucune moralité, ne nuit point à la liberté, et n’engendre point de vices : la dépendance des hommes étant désordonnée[5] les engendre tous, et c’est par elle que le maître et l’esclave se dépravent mutuellement. S’il y a quelque moyen de remédier à ce mal dans la société, c’est de substituer la loi à l’homme, et d’armer les volontés générales d’une force réelle, supérieure à l’action de toute volonté particulière. Si les lois des nations pouvaient avoir, comme celles de la nature, une inflexibilité que jamais aucune force humaine ne pût vaincre, la dépendance des hommes redeviendrait alors celle des choses ; on réunirait dans la république tous les avantages de l’état naturel à ceux de l’état civil ; on joindrait à la liberté qui maintient l’homme exempt de vices, la moralité qui l’élève à la vertu. Estas consideraciones son importantes y sirven para resolver todas las contradicciones del sistema social. Hay dos clases de dependencia: la de la cosas, que nace de la naturaleza; la de los hombres, la cual es debida a la sociedad. La dependencia de las cosas, no poseyendo ninguna moralidad, no perjudica a la libertad ni engendra vicios; la dependencia de los hombres, siendo desordenada , los produce todos, y es por esto que el amo y el criado se corrompen mutuamente. Si existe algún medio para remediar este mal de la sociedad, es la de sustituir la ley al hombre y en armar las voluntades generales con una fuerza real, mayor que la acción de toda voluntad particular. Si las leyes de las naciones pudieran poseer, como las de la naturaleza, una inflexibilidad que ninguna fuerza humana ha podido vencer, la dependencia de los hombres volvería a ser la de las cosas; se reunirían en la república todas las ventajas del estado natural a las del estado civil; se juntaría, a la libertad del hombre exento de vicios, la moralidad que le levanta hacia la virtud.
Maintenez l’enfant dans la seule dépendance des choses, vous aurez suivi l’ordre de la nature dans le progrès de son éducation. N’offrez jamais à ses volontés indiscrètes que des obstacles physiques ou des punitions qui naissent des actions mêmes, et qu’il se rappelle dans l’occasion ; sans lui défendre de mal faire, il suffit de l’en empêcher. L’expérience ou l’impuissance doivent seules lui tenir lieu de loi. N’accordez rien à ses désirs parce qu’il le demande, mais parce qu’il en a besoin. Qu’il ne sache ce que c’est qu’obéissance quand il agit, ni ce que c’est qu’empire quand on agit pour lui. Qu’il sente également sa liberté dans ses actions et dans les vôtres. Suppléez à la force qui lui manque, autant précisément qu’il en a besoin pour être libre et non pas impérieux ; qu’en recevant vos services avec une sorte d’humiliation, il aspire au moment où il pourra s’en passer, et où il aura l’honneur de se servir lui-même. Mantened al niño dentro de la sola dependencia de las cosas, y habréis seguido el orden de la naturaleza en el progreso de su educación. No ofrezcáis jamás a sus voluntades indiscretas más que obstáculos físicos ni castigos que no nazcan de las mismas acciones, y que se le recuerde cuando se presente la ocasión; sin defenderle de su mal hacer, es suficiente con estorbárselo. La experiencia o la impotencia por sí solas deben mantenerlo en el lugar de la ley. No complazcáis sus deseos porque lo pida, sino porque lo necesita. Que él no sepa, cuando obra, qué es obediencia, ni qué cosa es imperio cuando se trabaja por él; que sienta por igual su libertad en sus acciones y en las vuestras. Aportadle la fuerza que le falta, precisamente porque la necesita para ser libre y no para ser despótico. Y que, recibiendo vuestros servicios con cierta humillación, aspire al momento en que pueda prescindir de ellos y tenga el honor de servirse a sí mismo.
La nature a, pour fortifier le corps et le faire croître, des moyens qu’on ne doit jamais contrarier. Il ne faut point contraindre un enfant de rester quand il veut aller, ni d’aller quand il veut rester en place. Quand la volonté des enfants n’est point gâtée par notre faute, ils ne veulent rien inutilement. Il faut qu’ils sautent, qu’ils courent, qu’ils crient, quand ils en ont envie. Tous leurs mouvements sont des besoins de leur constitution, qui cherche à se fortifier ; mais on doit se défier de ce qu’ils désirent sans le pouvoir faire eux-mêmes, et que d’autres sont obligés de faire pour eux. Alors il faut distinguer avec soin le vrai besoin, le besoin naturel, du besoin de fantaisie qui commence à naître, ou de celui qui ne vient que de la surabondance de vie dont j’ai parlé. La naturaleza tiene, para fortalecer el cuerpo y hacer que crezca, los medios que nunca deben ser contrariados. No se le debe obligar a permanecer quieto cuando sienta ganas de andar, ni a que ande cuando quiera estar quieto. Cuando la voluntad de los niños no ha sido corrompida por nuestra culpa, ellos no quieren nada inútilmente. Hace falta que salten, que corran, y que griten cuando ellos tengan o sientan necesidad de ello. Todos sus movimientos provienen de las necesidades de su constitución, que busca el modo de fortificarse, pero se debe desconfiar de lo que ellos desean sin que por sí solos puedan ejecutarlo, y que los demás están obligados a realizar por ellos. Entonces cabe distinguir el cuidado con la verdadera necesidad, la necesidad natural del capricho que ya empieza a nacer, o de lo que no viene más que de la superabundancia de vida, de la cual hablé anteriormente.
J’ai déjà dit ce qu’il faut faire quand un enfant pleure pour avoir ceci ou cela. J’ajouterai seulement que, dès qu’il peut demander en parlant ce qu’il désire, et que, pour l’obtenir plus vite ou pour vaincre un refus, il appuie de pleurs sa demande, elle lui doit être irrévocablement refusée. Si le besoin l’a fait parler, vous devez le savoir, et faire aussitôt ce qu’il demande ; mais céder quelque chose à ses larmes, c’est l’exciter à en verser, c’est lui apprendre à douter de votre bonne volonté, et à croire que l’importunité peut plus sur vous que la bienveillance. S’il ne vous croit pas bon, bientôt il sera méchant ; s’il vous croit faible, il sera bientôt opiniâtre ; il importe d’accorder toujours au premier signe ce qu’on ne veut pas refuser. Ne soyez point prodigue en refus, mais ne les révoquez jamais. Ya tengo dicho lo que procede hacer cuando un niño llora por obtener cualquier cosa. Sólo añadiré que desde el momento en que el niño puede pedir hablando lo que desea, y que para obtenerlo más pronto o para vencer una negativa, apoya con llantos su petición, ello le debe ser rehusado terminantemente. Si la necesidad es la causa que ha hecho que el niño hable, debéis conocerlo, y hacer al instante lo que pida, pero ceder a sus lágrimas, es excitarle a que las vierta, es enseñarle a que dude de vuestra voluntad y a creer que el insistir puede hacer más efecto sobre vosotros que vuestra misma benevolencia. Si él no os considera buenos, pronto él será malo; si os considera débiles, en breve él será terco; importa determinar siempre a su primera señal lo que no se le quiere negar. No seáis, pues, pródigos en rehusar, pero nunca las revoquéis.
Gardez-vous surtout de donner à l’enfant de vaines formules de politesse, qui lui servent au besoin de paroles magiques pour soumettre à ses volontés tout ce qui l’entoure, et obtenir à l’instant ce qu’il lui plaît. Dans l’éducation façonnière des riches on ne manque jamais de les rendre poliment impérieux, en leur prescrivant les termes dont ils doivent se servir pour que personne n’ose leur résister ; leurs enfants n’ont ni ton ni tours suppliants ; ils sont aussi arrogants, même plus, quand ils prient que quand ils commandent, comme étant bien plus sûrs d’être obéis. On voit d’abord que s’il vous plaît signifie dans leur bouche il me plaît, et que je vous prie signifie je vous ordonne. Admirable politesse, qui n’aboutit pour eux qu’à changer le sens des mots, et à ne pouvoir jamais parler autrement qu’avec empire ! Quant à moi, qui crains moins qu’Émile ne soit grossier qu’arrogant, j’aime beaucoup mieux qu’il dise en priant, faites cela, qu’en commandant, je vous prie. Ce n’est pas le terme dont il se sert qui m’importe, mais bien l’acception qu’il y joint. Guardaos sobre todo de enseñar al niño vanas fórmulas de cortesía, que le sirvan cuando lo desee de palabras mágicas, con el fin de sujetar a su voluntad a cuantos le rodean y conseguir al instante lo que pretende. En la educación ceremoniosa de los ricos, en la cual nunca falta el hacerlos cortésmente imperiosos, preceptuándoles los términos que han de usar para que nadie se atreva a resistirles, no usan el tono ni los giros suplicantes; son tanto o más arrogantes cuando piden que cuando mandan, debido a que están seguros de que serán obedecidos. Uno ve en seguida que cuando ellos dicen: «Si usted quiere», significa «quiero», y «suplico a usted» es igual a «mando a usted». Admirable cortesía, que cambia el significado de las palabras, y con la que no se puede hablar como no sea en sentido imperativo. Yo, que temo menos que Emilio sea descortés que arrogante, prefiero que pida rogando «haz esto», que ordenando «yo ruego». Este no es el término que le importa, y del cual se vale, sino la significación que le da.
Il y a un excès de rigueur et un excès d’indulgence, tous deux également à éviter. Si vous laissez pâtir les enfants, vous exposez leur santé, leur vie ; vous les rendez actuellement misérables ; si vous leur épargnez avec trop de soin toute espèce de mal être, vous leur préparez de grandes misères ; vous les rendez délicats, sensibles ; vous les sortez de leur état d’hommes dans lequel ils rentreront un jour malgré vous. Pour ne les pas exposer à quelques maux de la nature, vous êtes l’artisan de ceux qu’elle ne leur a pas donnés. Vous me direz que je tombe dans le cas de ces mauvais pères auxquels je reprochais de sacrifier le bonheur des enfants à la considération d’un temps éloigné qui peut ne jamais être. Hay un exceso de rigor y otro de indulgencia, y ambos deben evitarse igualmente. Si dejáis sufrir a los niños, os exponéis a que peligre su salud, incluso su vida, y al presente los hacéis miserables; si los preserváis con sobrado tiento de todo género de disgustos, les preparáis grandes miserias, los educáis delicados, sensibles, les sacáis del estado de hombres, al cual, a pesar vuestro, volverán un día. Por no exponerles a algunos males de la naturaleza, vosotros sois los artesanos de éstos, que aquélla no se los ha producido. Me diréis que caigo en el caso de aquellos malos padres a los cuales les reprochaba que sacrificasen la felicidad de sus hijos a la consideración de un tiempo que aún está lejos y al que acaso no lleguen.
Non pas : car la liberté que je donne à mon élève le dédommage amplement des légères incommodités auxquelles je le laisse exposé. Je vois de petits polissons jouer sur la neige, violets, transis, et pouvant à peine remuer les doigts. Il ne tient qu’à eux de s’aller chauffer, ils n’en font rien ; si on les y forçait, ils sentiraient cent fois plus les rigueurs de la contrainte, qu’ils ne sentent celles du froid. De quoi donc vous plaignez-vous ? Rendrai-je votre enfant misérable en ne l’exposant qu’aux incommodités qu’il veut bien souffrir ? Je fais son bien dans le moment présent, en le laissant libre ; je fais son bien dans l’avenir, en l’armant contre les maux qu’il doit supporter. S’il avait le choix d’être mon élève ou le vôtre, pensez-vous qu’il balançât un instant ? Y no es así, porque la libertad que yo doy a mi alumno le resarce de las ligeras incomodidades a las que yo dejo que se exponga. Yo veo a unos pequeños traviesos jugando en la nieve, amoratados, tiritando y que apenas pueden mover los dedos. Son libres de irse á calentar y no lo hacen; si se les obligase a ello sentirían cien veces más los rigores del mandato que los del frío. ¿:De qué os quejáis, pues? ¿:Hago miserable a vuestro hijo no exponiéndole a otras incomodidades que las que él quiere sufrir? Le hago feliz en el momento presente dejándole libre; le hago feliz preparándole para el futuro, armándole contra los males que él debe soportar. Si él pudiera escoger entre ser mi alumno o el vuestro, ¿:pensáis que vacilaría un instante?
Concevez-vous quelque vrai bonheur possible pour aucun être hors de sa constitution ? et n’est-ce pas sortir l’homme de sa constitution, que de vouloir l’exempter également de tous les maux de son espèce ? Oui, je le soutiens : pour sentir les grands biens, il faut qu’il connaisse les petits maux ; telle est sa nature. Si le physique va trop bien, le moral se corrompt. L’homme qui ne connaîtrait pas la douleur, ne connaîtrait ni l’attendrissement de l’humanité, ni la douceur de la commisération ; son cœur ne serait ému de rien, il ne serait pas sociable, il serait un monstre parmi ses semblables. ¿:Concebiréis que un ser pueda gozar de alguna felicidad verdadera fuera de su constitución? ¿:No es sacar de ella a un hombre el querer exceptuarle igualmente de todos los males de su especie? Sí, yo lo sostengo, pues para experimentar los bienes grandes es necesario que conozca los males pequeños. Si lo físico va demasiado bien se corrompe lo moral. El hombre que no conoce el dolor, no conocería ni la ternura de la humanidad ni la dulzura de la conmiseración; nada moverá su corazón, no será sociable, será un monstruo entre sus semejantes.
Savez-vous quel est le plus sûr moyen de rendre votre enfant misérable ? c’est de l’accoutumer à tout obtenir ; car ses désirs croissant incessamment par la facilité de les satisfaire, tôt ou tard l’impuissance vous forcera malgré vous d’en venir au refus ; et ce refus inaccoutumé lui donnera plus de tourment que la privation même de ce qu’il désire. D’abord il voudra la canne que vous tenez ; bientôt il voudra votre montre ; ensuite il voudra l’oiseau qui vole ; il voudra l’étoile qu’il voit briller ; il voudra tout ce qu’il verra : à moins d’être Dieu, comment le contenterez-vous ? ¿:Sabéis cuál es el medio más seguro de hacer miserable a vuestro hijo? Acostumbrarle a conseguirlo todo, porque como crecen sin cesar sus deseos por la facilidad de complacerle, tarde o temprano os obligará, al no poderle satisfacer, a contentarle con una negativa, y no estando acostumbrado, le causará más tormento que la privación de lo que desea. Primero querrá el bastón que lleváis, pronto querrá vuestro reloj, en seguida querrá el pájaro que vuela, la estrella que ve brillar... En fin, todo cuanto vea, y a menos de ser Dios, ¿:cómo le vais a contentar?
C’est une disposition naturelle à l’homme de regarder comme sien tout ce qui est en son pouvoir. En ce sens le principe de Hobbes est vrai jusqu’à certain point : multipliez avec nos désirs les moyens de les satisfaire, chacun se fera le maître de tout. L’enfant donc qui n’a qu’à vouloir pour obtenir se croit le propriétaire de l’univers ; il regarde tous les hommes comme ses esclaves : et quand enfin l’on est forcé de lui refuser quelque chose, lui, croyant tout possible quand il commande, prend ce refus pour un acte de rébellion ; toutes les raisons qu’on lui donne dans un âge incapable de raisonnement ne sont à son gré que des prétextes ; il voit partout de la mauvaise volonté : le sentiment d’une injustice prétendue aigrissant son naturel, il prend tout le monde en haine, et sans jamais savoir gré de la complaisance, il s’indigne de toute opposition. Esto es una disposición natural del hombre de mirar como suyo todo cuanto está en su poder. En este sentido el principio de Hobbes tiene razón hasta cierto punto: multiplíquense con nuestros deseos los medios de satisfacerlos y cada uno se hará dueño de todo. Así el niño a quien basta con querer para obtener, se cree el amo del universo, mira a todos los hombres como esclavos suyos, y cuando un día se ven en la precisión de negarle algo, él, creyendo que todo es posible cuando da órdenes, toma la negativa como van acto de rebelión; todas las razones que se le dan en una edad incapaz de raciocinar no son sino meros pretextos, por todas partes ve mala voluntad, el sentimiento de una injusticia de que es víctima agria su carácter, odia a todo el mundo, y sin saber el grado de la complacencia, le indigna toda oposición.
Comment concevrais-je qu’un enfant, ainsi dominé par la colère et dévoré des passions les plus irascibles, puisse jamais être heureux ? Heureux, lui ! c’est un despote ; c’est à la fois le plus vil des esclaves et la plus misérable des créatures. J’ai vu des enfants élevés de cette manière, qui voulaient qu’on renversât la maison d’un coup d’épaule, qu’on leur donnât le coq qu’ils voyaient sur un clocher, qu’on arrêtât un régiment en marche pour entendre les tambours plus longtemps, et qui perçaient l’air de leurs cris, sans vouloir écouter personne, aussitôt qu’on tardait à leur obéir. Tout s’empressait vainement à leur complaire ; leurs désirs s’irritant par la facilité d’obtenir, ils s’obstinaient aux choses impossibles, et ne trouvaient partout que contradictions, qu’obstacles, que peines, que douleurs. Toujours grondants, toujours mutins, toujours furieux, ils passaient les jours à crier, à se plaindre. Etaient-ce là des êtres bien fortunés ? La faiblesse et la domination réunies n’engendrent que folie et misère. De deux enfants gâtés, l’un bat la table, et l’autre fait fouetter la mer ; ils auront bien à fouetter et à battre avant de vivre contents. ¿:Cómo creeré yo que un niño así dominado por la cólera y devorado por las más irascibles pasiones, pueda ser nunca feliz? ¿:Feliz él, que es un déspota, y a la vez el más vil de los esclavos y la más miserable de las criaturas? Yo he visto a los niños educados de esta manera que querían destruir la casa de un empujón, que les diesen la veleta que veían en un campanario, que parasen la marcha de un regimiento para oír los tambores más tiempo, y rasgaban el aire con sus gritos, sin querer escuchar a nadie que tardase en complacerles. En vano se esforzaban todos en complacerles; irritándose sus deseos por la facilidad de obtenerlos, se obstinaban en cosas imposibles, y en todas partes sólo hallaban contradicciones, obstáculos, penas y dolores. Siempre riñendo, siempre rabiando, siempre furiosos, pasan los días gritando y lamentándose. ¿:Eran unos seres afortunados? La debilidad y la dominación reunidas únicamente engendran locura y tristeza. De dos niños mimados, el uno golpea la mesa y el otro ordena que azoten el mar; tendrán que azotar y golpear mucho antes de vivir contentos.
Si ces idées d’empire et de tyrannie les rendent misérables dès leur enfance, que sera-ce quand ils grandiront, et que leurs relations avec les autres hommes commenceront à s’étendre et se multiplier ? Accoutumés à voir tout fléchir devant eux, quelle surprise, en entrant dans le monde, de sentir que tout leur résiste, et de se trouver écrasés du poids de cet univers qu’il pensaient mouvoir à leur gré ! Si estas ideas de mando y de tiranía les envilecen desde su infancia, ¿:qué será cuando crezcan y comiencen a extenderse y a multiplicarse sus relaciones con los demás hombres? Acostumbrados a ver que todo cede ante ellos, ¡qué sorpresa cuando, al invadir el mundo, vean que todo se les resiste y se sientan aplastados por el peso de un universo que pensaban mover a su antojo!
Leurs airs insolents, leur puérile vanité, ne leur attirent que mortifications, dédains, railleries ; ils boivent les affronts comme l’eau ; de cruelles épreuves leur apprennent bientôt qu’ils ne connaissent ni leur état ni leurs forces ; ne pouvant tout, ils croient ne rien pouvoir. Tant d’obstacles inaccoutumés les rebutent, tant de mépris les avilissent : ils deviennent lâches, craintifs, rampants, et retombent autant au-dessous d’eux-mêmes, qu’ils s’étaient élevés au-dessus. Sus insolentes ademanes y su pueril vanidad sólo les acarrean mortificaciones, desdenes y escarnios; beben afrentas como agua; pruebas crueles les demuestran pronto que no conocen ni su estado ni sus fuerzas; no pudiéndolo todo, creen que nada pueden. Tantos obstáculos desacostumbrados los desalientan, tantos desprecios les envilecen, y se vuelven cobardes, medrosos, soeces, y tanto caen por debajo de sí mismos cuanto por encima se levantaron antes.
Revenons à la règle primitive. La nature a fait les enfants pour être aimés et secourus ; mais les a-t-elle faits pour être obéis et craints ? Leur a-t-elle donné un air imposant, un œil sévère, une voix rude et menaçante, pour se faire redouter ? Je comprends que le rugissement d’un lion épouvante les animaux, et qu’ils tremblent en voyant sa terrible hure ; mais si jamais on vit un spectacle indécent, odieux, risible, c’est un corps de magistrats, le chef à la tête, en habit de cérémonie, prosternés devant un enfant au maillot, qu’ils haranguent en termes pompeux, et qui crie et bave pour toute réponse. Volvamos a la regla primitiva. La naturaleza ha hecho a los niños para que fuesen amados y protegidos, ¿:pero les hizo para que fueran obedientes y creyentes?, ¿:les ha dado un aire imponente, una mirada severa, una voz áspera y amenazadora, con el fin de que infundieran miedo? Yo comprendo que los rugidos de un león espanten a los animales y que tiemblen al ver su terrible melena, pero jamás se ha visto un espectáculo tan indecente, odioso y ridículo como el que presenta un cuerpo de magistrados con el jefe a la cabeza y en traje de ceremonia postrados ante un niño en mantillas, los cuales le discursean en términos pomposos, y él, por toda respuesta, grita y babea.
À considérer l’enfance en elle-même, y a-t-il au monde un être plus faible, plus misérable, plus à la merci de tout ce qui l’environne, qui ait si grand besoin de pitié, de soins, de protection, qu’un enfant ? Ne semble-t-il pas qu’il ne montre une figure si douce et un air si touchant qu’afin que tout ce qui l’approche s’intéresse à sa faiblesse et s’empresse à le secourir ? Qu’y a-t-il donc de plus choquant, de plus contraire à l’ordre, que de voir un enfant impérieux et mutin commander à tout ce qui l’entoure et prendre impudemment le ton de maître avec ceux qui n’ont qu’à l’abandonner pour le faire périr ? Al considerar la infancia en sí misma, ¿:existe en el mundo un ser más débil, más indefenso, más a merced de todo lo que le rodea, que sienta gran necesidad de piedad, de solicitud y protección que un niño? ¿:No parece que si él muestra un semblante tan dulce y un gesto tan agradable es con el fin de que todo eso que se le acerca se interese por su debilidad y se apresure a socorrerle? ¿:Pues qué hay más extraño, más contrario al orden, que ver a un niño imperioso y de mala condición ordenar a todos cuantos le rodean y tomar impunemente el tono de amo con aquellos que no tienen más que abandonarlo para que perezca?
D’autre part, qui ne voit que la faiblesse du premier âge enchaîne les enfants de tant de manières, qu’il est barbare d’ajouter à cet assujettissement celui de nos caprices, en leur ôtant une liberté si bornée, de laquelle ils peuvent si peu abuser, et dont il est peu utile à eux et à nous qu’on les prive ? S’il n’y a point d’objet si digne de risée qu’un enfant hautain, il n’y a point d’objet si digne de pitié qu’un enfant craintif. Puisque avec l’âge de raison commence la servitude civile, pourquoi la prévenir par la servitude privée ? Souffrons qu’un moment de la vie soit exempt de ce joug que la nature ne nous a pas imposé, et laissons à l’enfance l’exercice de la liberté naturelle, qui l’éloigne au moins pour un temps des vices que l’on contracte dans l’esclavage. Que ces instituteurs sévères, que ces pères asservis à leurs enfants viennent donc les uns et les autres avec leurs frivoles objections, et qu’avant de vanter leurs méthodes, ils apprennent une fois celle de la nature. Por otra parte, ¿:quién no ve que la debilidad de la primera edad encadena a los niños de tantas maneras, que es bárbaro añadir a esta sujeción la de nuestros caprichos, privándole de una libertad tan limitada, de la que no puede abusar, tan inútil para él, y para nosotros que se la hemos quitado? Si no existe objeto que sea tan digno de burla como un niño engreído, tampoco lo hay que merezca tanta piedad como un niño medroso. Puesto que con la edad de la razón empieza la servidumbre civil, ¿:para qué hacer que le preceda la servidumbre privada? Consintamos que exista un instante en la vida exento de este yugo que no nos impuso la naturaleza, y dejemos a la infancia el uso de la libertad natural que, por lo menos durante algún tiempo, la desvía de los vicios que se adquieren con la esclavitud. Vengan esos instructores severos, esos padres esclavos de sus hijos; vengan unos y otros con sus frívolas objeciones, y antes de hablar de métodos, escuchen y aprendan el de la naturaleza.
Je reviens à la pratique. J’ai déjà dit que votre enfant ne doit rien obtenir parce qu’il le demande, mais parce qu’il en a besoin[6], ni rien faire par obéissance, mais seulement par nécessité. Ainsi les mots d’obéir et de commander seront proscrits de son dictionnaire, encore plus ceux de devoir et d’obligation ; mais ceux de force, de nécessité, d’impuissance et de contrainte y doivent tenir une grande place. Avant l’âge de raison, l’on ne saurait avoir aucune idée des êtres moraux ni des relations sociales ; il faut donc éviter, autant qu’il se peut, d’employer des mots qui les expriment, de peur que l’enfant n’attache d’abord à ces mots de fausses idées qu’on ne saura point ou qu’on ne pourra plus détruire. La première fausse idée qui entre dans sa tête est en lui le germe de l’erreur et du vice ; c’est à ce premier pas qu’il faut surtout faire attention. Faites que tant qu’il n’est frappé que des choses sensibles, toutes ses idées s’arrêtent aux sensations ; faites que de toutes parts il n’aperçoive autour de lui que le monde physique : sans quoi soyez sûr qu’il ne vous écoutera point du tout, ou qu’il se fera du monde moral, dont vous lui parlez, des notions fantastiques que vous n’effacerez de la vie. Vuelvo a la práctica; ya he dicho que nada debe conseguir vuestro hijo porque lo pida, sino porque lo necesite , y que no debe hacer nada por obediencia sino por necesidad; de forma que las voces obedecer y mandar se proscriban de su léxico, y más aún las de obligación y deber, pero las de fuerza, necesidad, impotencia y precisión deben ocupar un destacado lugar. Antes de la edad de la razón, no es posible tener ninguna idea de los seres morales, ni de las relaciones sociales; por tanto se ha de evitar, hasta donde sea posible, el uso de las voces que las expresan, por temor a que el niño aplique inmediatamente a esas palabras ideas falsas, que luego no sabremos o nos será posible destruir. La primera idea falsa que entra en su cabeza es el germen del error y del vicio, por lo que es necesario poner mucha atención ante este primer paso. Haced que, mientras sólo le muevan las cosas sencillas, todas sus ideas se paren en las sensaciones; haced que por todas partes sólo el mundo físico distinga alrededor suyo; de lo contrario, estad seguros de que no os escuchará, o que se hará del mundo moral de que le habláis nociones fantásticas que no podréis borrar en adelante.
Raisonner avec les enfants était la grande maxime de Locke ; c’est la plus en vogue aujourd’hui ; son succès ne me paraît pourtant pas fort propre à la mettre en crédit ; et pour moi je ne vois rien de plus sot que ces enfants avec qui l’on a tant raisonné. De toutes les facultés de l’homme, la raison, qui n’est, pour ainsi dire, qu’un composé de toutes les autres, est celle qui se développe le plus difficilement et le plus tard ; et c’est de celle-là qu’on veut se servir pour développer les premières ! Le chef-d’œuvre d’une bonne éducation est de faire un homme raisonnable : et l’on prétend élever un enfant par la raison ! C’est commencer par la fin, c’est vouloir faire l’instrument de l’ouvrage. Si les enfants entendaient raison, ils n’auraient pas besoin d’être élevés ; mais en leur parlant dès leur bas âge une langue qu’ils n’entendent point, on les accoutume à se payer de mots, à contrôler tout ce qu’on leur dit, à se croire aussi sages que leurs maîtres, à devenir disputeurs et mutins ; et tout ce qu’on pense obtenir d’eux par des motifs raisonnables, on ne l’obtient jamais que par ceux de convoitise, ou de crainte, ou de vanité, qu’on est toujours forcé d’y joindre. Discutir con los niños es la máxima fundamental de Locke, y actualmente es la más usada, pero me parece que no es el fruto que de ella se saca la que debe hacerla muy digna de crédito, y yo no veo nada más insensato que esos niños con quienes tanto se ha razonado. Entre todas las facultades del hombre, la razón, que por decirlo así es un compuesto de todas las demás, es lo que con más dificultad y lentitud se desarrolla, ¡y de ella se quieren apoyar para desarrollar las primeras! La obra maestra de una buena educación es formar a un hombre racional, ¡y se pretende educar a un niño por la razón! Eso es comenzar por el final, y querer hacer del instrumento la obra. Si los niños escuchasen la razón, no habría necesidad de que fueran alumnos, pero con hablarles desde su más tierna edad una lengua que no entienden, los acostumbran a contentarse con palabras, a controlar todo cuanto les dicen, a creerse tan sabios como sus maestros, a hacerse disputadores y revoltosos, y todo cuanto piensan obtener de ellos por motivos razonables, nunca lo obtienen sino por los de la codicia, el miedo o la vanidad, que siempre es necesario juntarlos.
Voici la formule à laquelle peuvent se réduire à peu près toutes les leçons de morale qu′on fait & qu′on peut faire aux enfants. He aquí la fórmula a la que poco más o menos se pueden reducir todas las lecciones de moral que se dan y puedan darse a los niños.
LE MAÎTRE:
Il ne faut pas faire cela.
EL MAESTRO:
No se debe hacer eso.
L′ENFANT:
Et pourquoi ne faut-il pas faire cela ?
EL NIÑO:
¿:Y por qué no se debe hacer?
LE MAÎTRE:
Parce que c′est mal fait.
EL MAESTRO:
Porque está mal hecho.
L′ENFANT:
Mal fait ! Qu′est-ce qui est mal fait ?
EL NIÑO:
¡Mal hecho! ¿:Qué está mal hecho?
LE MAÎTRE:
Ce qu′on vous défend.
EL MAESTRO:
Lo que te prohiben.
L′ENFANT:
Quel mal y a-t-il à faire ce qu′on me défend.
EL NIÑO:
¿:Y por qué es malo hacer lo que me prohíben?
LE MAÎTRE:
On vous punit pour avoir désobéi.
EL MAESTRO:
Te castigarán por haber desobedecido.
L′ENFANT:
Je ferai en sorte qu′on n′en sache rien.
EL NIÑO:
Yo lo haré de manera que no sepan nada.
LE MAÎTRE:
On vous épiera.
EL MAESTRO:
Te espiarán.
L′ENFANT:
Je me cacherai.
EL NIÑO:
Me esconderé.
LE MAÎTRE:
On vous questionnera.
EL MAESTRO:
Te preguntarán.
L′ENFANT:
Je mentirai.
EL NIÑO:
Mentiré.
LE MAÎTRE:
Il ne faut pas mentir.
EL MAESTRO:
No se debe mentir.
L′ENFANT:
Pourquoi ne faut-il pas mentir ?
EL NIÑO:
¿:Por qué no se debe mentir?
LE MAÎTRE:
Parce que c′est mal fait, etc.
EL MAESTRO:
Porque está mal hecho, etc.
Voici la formule à laquelle peuvent se réduire à peu près toutes les leçons de morale qu′on fait & qu′on peut faire aux enfants. He aquí la fórmula a la que poco más o menos se pueden reducir todas las lecciones de moral que se dan y puedan darse a los niños.
Voilà le cercle inévitable. Sortez-en, l’enfant ne vous entend plus. Ne sont-ce pas là des instructions fort utiles ? Je serais bien curieux de savoir ce qu’on pourrait mettre à la place de ce dialogue. Locke lui-même y eût à coup sûr été fort embarrassé. Connaître le bien et le mal, sentir la raison des devoirs de l’homme, n’est pas l’affaire d’un enfant. He aquí el círculo inevitable; salid de él y el niño no os entenderá. ¿:No son utilísimas estas instrucciones? Mucho celebraría saber con qué se podría sustituir este diálogo. El propio Locke se hubiera visto apurado. Conocer el bien y el mal, sentir la razón del porqué de los deberes del hombre no es cosa de niños.
La nature veut que les enfants soient enfants avant que d’être hommes. Si nous voulons pervertir cet ordre, nous produirons des fruits précoces, qui n’auront ni maturité ni saveur, et ne tarderont pas à se corrompre ; nous aurons de jeunes docteurs et de vieux enfants. L’enfance a des manières de voir, de penser, de sentir, qui lui sont propres ; rien n’est moins sensé que d’y vouloir substituer les nôtres ; et j’aimerais autant exiger qu’un enfant eût cinq pieds de haut, que du jugement à dix ans. En effet, à quoi lui servirait la raison à cet âge ? Elle est le frein de la force, et l’enfant n’a pas besoin de ce frein. La naturaleza quiere que los niños sean niños antes de ser hombres. Si nosotros queremos invertir este orden, produciremos frutos precoces que no tendrán madurez ni gusto y que no tardarán en corromperse; tendremos jóvenes doctores y viejos niños. La infancia tiene maneras de ver, de pensar, de sentir, que le son propias; no hay nada más insensato que quererlas sustituir por las nuestras; tanto equivale exigir que un niño tenga cinco pies de alto que juicio a los diez años. En efecto, ¿:para qué le serviría la razón a esa edad? Ella es el freno de la fuerza, y el niño no necesita ese freno.
En essayant de persuader à vos élèves le devoir de l’obéissance, vous joignez à cette prétendue persuasion la force et les menaces, ou, qui pis est, la flatterie et les promesses. Ainsi donc, amorcés par l’intérêt ou contraints par la force, ils font semblant d’être convaincus par la raison. Ils voient très bien que l’obéissance leur est avantageuse, et la rébellion nuisible, aussitôt que vous vous apercevez de l’une ou de l’autre. Mais comme vous n’exigez rien d’eux qui ne leur soit désagréable, et qu’il est toujours pénible de faire les volontés d’autrui, ils se cachent pour faire les leurs, persuadés qu’ils font bien si l’on ignore leur désobéissance, mais prêts à convenir qu’ils font mal, s’ils sont découverts, de crainte d’un plus grand mal. La raison du devoir n’étant pas de leur âge, il n’y a homme au monde qui vînt à bout de la leur rendre vraiment sensible ; mais la crainte du châtiment, l’espoir du pardon, l’importunité, l’embarras de répondre leur arrachent tous les aveux qu’on exige ; et l’on croit les avoir convaincus, quand on ne les a qu’ennuyés ou intimidés. Tratando de inculcar a vuestros alumnos la idea de la obediencia, juntad a esa pretendida persuasión la fuerza y las amenazas, o, lo que es peor, los halagos y las promesas. Así, pues, movidos por el interés o impelidos por la fuerza, parece que han sido convencidos por la razón. Ven muy bien que la obediencia es ventajosa y la rebeldía se halla en detrimento, con lo que tienen conocimiento de una y de otra, pero como todo cuanto les mandáis es desagradable para ellos, y siendo por otra parte penoso obedecer la voluntad ajena, se esconden para hacer la suya, convencidos de que obran bien si no se descubre su desobediencia, pero resueltos a confesar el mal, si los descubren, por temor a otro más grave. Como la razón del deber excede los alcances de esta edad, nadie hay en el mundo que se la pueda hacer verdaderamente palpable, pero el temor al castigo, la esperanza del perdón, la importunidad, el aturdimiento en las respuestas, les sacan todas las confesiones que les piden, y creen que los han convencido cuando no han hecho más que intimidarlos o fastidiarlos.
Qu’arrive-t-il de là ? Premièrement, qu’en leur imposant un devoir qu’ils ne sentent pas, vous les indisposez contre votre tyrannie ; et les détournez de vous aimer ; que vous leur apprenez à devenir dissimulés, faux, menteurs, pour extorquer des récompenses ou se dérober aux châtiments ; qu’enfin, les accoutumant à couvrir toujours d’un motif apparent un motif secret, vous leur donnez vous-même le moyen de vous abuser sans cesse, de vous ôter la connaissance de leur vrai caractère, et de payer vous et les autres de vaines paroles dans l’occasion. Les lois, direz-vous, quoique obligatoires pour la conscience, usent de même de contrainte avec les hommes faits. J’en conviens. Mais que sont ces hommes, sinon des enfants gâtés par l’éducation ? Voilà précisément ce qu’il faut prévenir. Employez la force avec les enfants et la raison avec les hommes ; tel est l’ordre naturel ; le sage n’a pas besoin de lois. ¿:A qué conclusión se llega? Primeramente, imponiéndoles una obligación de la que no están convencidos, los exasperáis contra vuestra tiranía y los retraéis de que os amen les enseñáis a disimular, a ser falsos y embusteros para conseguir recompensas o evitar castigos y, finalmente, acostumbrándolos a encubrir siempre con un motivo aparente otro secreto, vosotros mismos les dais medios de que abusen sin cesar e impiden que conozcáis su verdadero carácter y os satisfagan con palabras vanas cuando se presenta la ocasión. Las leyes, me diréis, aunque obligatorias para la conciencia, acosan también a los adultos. Estoy de acuerdo, pero estos hombres, ¿:qué son si no unos niños mimados por la educación?, precisamente lo que se ha de prevenir. Emplead la fuerza con los niños y la razón con los hombres; tal es el orden natural, pues el sabio no necesita leyes.
Traitez votre élève selon son âge. Mettez-le d’abord à sa place, et tenez l’y si bien, qu’il ne tente plus d’en sortir. Alors, avant de savoir ce que c’est que sagesse, il en pratiquera la plus importante leçon. Ne lui commandez jamais rien, quoi que ce soit au monde, absolument rien. Ne lui laissez pas même imaginer que vous prétendiez avoir aucune autorité sur lui. Qu’il sache seulement qu’il est faible et que vous êtes fort ; que, par son état et le vôtre, il est nécessairement à votre merci ; qu’il le sache, qu’il l’apprenne, qu’il le sente ; qu’il sente de bonne heure sur sa tête altière le dur joug que la nature impose à l’homme, le pesant joug de la nécessité, sous lequel il faut que tout être fini ploie ; qu’il voie cette nécessité dans les choses, jamais dans le caprice[7] des hommes ; que le frein qui le retient soit la force, et non l’autorité. Ce dont il doit s’abstenir, ne le lui défendez pas ; empêchez-le de le faire, sans explications, sans raisonnements ; ce que vous lui accordez, accordez-le à son premier mot, sans sollicitations, sans prières, surtout sans conditions. Accordez avec plaisir, ne refusez qu’avec répugnance ; mais que tous vos refus soient irrévocables ; qu’aucune importunité ne vous ébranle ; que le non prononcé soit un mur d’airain, contre lequel l’enfant n’aura pas épuisé cinq ou six fois ses forces, qu’il ne tentera plus de le renverser. Tratad a vuestro alumno conforme a la edad. Ponedle en su puesto y retenedle en él de manera que no haga tentativas para salirse. Entonces será práctico en la lección más importante, que es la sabiduría, antes de saber lo que es ésta. No le mandéis nunca nada, sea lo que sea, absolutamente nada, ni dejéis que imagine que pretendéis tener alguna autoridad sobre él. Que sólo sepa que él es débil y vosotros fuertes, que por su estado o el vuestro está necesariamente a vuestra merced; que lo sepa, que lo aprenda, y que sienta pronto sobre su cabeza altiva el duro yugo que la naturaleza impone al hombre, el pesado yugo de la necesidad, bajo el cual es necesario que todo ser se rinda; que vea esta necesidad en las cosas, pero nunca en el capricho de los hombres; que el freno que le retenga sea la fuerza y no la autoridad. No le prohibáis las cosas de que deba abstenerse; evitad que las haga, sin explicación ni raciocinio; lo que le concedáis, concedédselo a la primera palabra que diga, sin inquirir, sin ruegos, y sobre todo sin condiciones. Conceded con gusto y no neguéis con repugnancia, pero que todas vuestras repulsas sean irrevocables; no os doblegue importunidad alguna; que el no que se pronuncie sea un muro de bronce, contra el cual, apenas haya probado el niño cinco o seis veces sus fuerzas, ya no intentará abatirlo.
C’est ainsi que vous le rendrez patient, égal, résigné, paisible, même quand il n’aura pas ce qu’il a voulu ; car il est dans la nature de l’homme d’endurer patiemment la nécessité des choses, mais non la mauvaise volonté d’autrui. Ce mot : il n’y en a plus, est une réponse contre laquelle jamais enfant ne s’est mutiné, à moins qu’il ne crût que c’était un mensonge. Au reste, il n’y a point ici de milieu ; il faut n’en rien exiger du tout, ou le plier d’abord à la plus parfaite obéissance. La pire éducation est de le laisser flottant entre ses volontés et les vôtres, et de disputer sans cesse entre vous et lui à qui des deux sera le maître ; j’aimerais cent fois mieux qu’il le fût toujours. De esta forma le haréis paciente, sereno, resignado, sosegado, aun cuando no haya alcanzado lo que quería, porque es natural en el hombre sufrir con paciencia la necesidad de las cosas, pero no la mala voluntad ajena. Las palabras «no hay más» son una respuesta que nunca irritó a ningún niño, a no ser que sospechase que era mentira. En cuanto a lo demás, es necesario o no exigir de él nada absolutamente o doblegarle desde el principio a una total obediencia. La educación peor es dejarle que fluctúe entre su voluntad y la vuestra y que le disputéis cuál de los dos ha de ser el amo. Yo quisiera cien veces mejor que él lo fuera siempre.
Il est bien étrange que, depuis qu’on se mêle d’élever des enfants, on n’ait imaginé d’autre instrument pour les conduire que l’émulation, la jalousie, l’envie, la vanité, l’avidité, la vile crainte, toutes les passions les plus dangereuses, les plus promptes à fermenter, et les plus propres à corrompre l’âme, même avant que le corps soit formé. À chaque instruction précoce qu’on veut faire entrer dans leur tête, on plante un vice au fond de leur cœur ; d’insensés instituteurs pensent faire des merveilles en les rendant méchants pour leur apprendre ce que c’est que bonté ; et puis ils nous disent gravement : Tel est l’homme, Oui, tel est l’homme que vous avez fait. Muy extraño es que desde que se dedican los hombres a la educación de los niños, no hayan imaginado otra forma para conducirlos que la emulación, los celos, la envidia, la vanidad, el ansia, el miedo, las pasiones más peligrosas, las que más pronto fermentan y las más capaces de corromper al alma, aun antes de que esté formado el cuerpo. Cada instrucción prematura que quieren introducir en su cabeza, planta un vicio en lo interno de su corazón; instructores faltos de juicio piensan de buena fe que aciertan cuando los malean por enseñarles qué es la bondad, y luego nos dicen gravemente: «Así es el hombre». Sí, ese es el hombre que vosotros habéis formado.
On a essayé tous les instruments, hors un, le seul précisément qui peut réussir : la liberté bien réglée. Il ne faut point se mêler d’élever un enfant quand on ne sait pas le conduire où l’on veut par les seules lois du possible et de l’impossible. La sphère de l’un et de l’autre lui étant également inconnue, on l’étend, on la resserre autour de lui comme on veut. On l’enchaîne, on le pousse, on le retient, avec le seul lien de la nécessité, sans qu’il en murmure : on le rend souple et docile par la seule force des choses, sans qu’aucun vice ait l’occasion de germer en lui ; car jamais les passions ne s’animent, tant qu’elles sont de nul effet. Se han ensayado todos los instrumentos menos uno, precisamente el único que puede surtir efecto: la libertad bien aplicada. No conviene que se encargue de educar un niño quien no lo sepa conducir a donde quiera por las solas leyes de lo posible y lo imposible. La esfera del uno y del otro son para él igualmente desconocidas, y se ensancha o se estrecha a su alrededor como uno quiere. Solamente con el vínculo de la necesidad, sin que él exprese la menor queja, se le encadena, se le empuja o se le contiene; sólo con la fuerza de las cosas se le transforma en dócil y manejable, sin permitir que le penetre ninguna clase de germen, ya que al no producir ningún efecto, quedan aplacadas las pasiones.
Ne donnez à votre élève aucune espèce de leçon verbale ; il n’en doit recevoir que de l’expérience : ne lui infligez aucune espèce de châtiment, car il ne sait ce que c’est qu’être en faute : ne lui faites jamais demander pardon, car il ne saurait vous offenser. Dépourvu de toute moralité dans ses actions, il ne peut rien faire qui soit moralement mal, et qui mérite ni châtiment ni réprimande. No deis a vuestros alumnos lecciones verbales de ninguna clase, puesto que sólo deben recibirlas de la experiencia; tampoco les debéis imponer ningún castigo, ya que ignora lo que puede significar culpabilidad; ni les obliguéis a pedir perdón, puesto que no tienen el poder indispensable para ofenderos. Careciendo de moralidad en sus acciones no pueden realizar ningún acto inmoral ni que sea merecedor de reprensión o de castigo.
Je vois déjà le lecteur effrayé juger de cet enfant par les nôtres : il se trompe. La gêne perpétuelle où vous tenez vos élèves irrite leur vivacité ; plus ils sont contraints sous vos yeux, plus ils sont turbulents au moment qu’ils s’échappent ; il faut bien qu’ils se dédommagent quand ils peuvent de la dure contrainte où vous les tenez. Deux écoliers de la ville feront plus de dégât dans un pays que la jeunesse de tout un village. Enfermez un petit monsieur et un petit paysan dans une chambre ; le premier aura tout renversé, tout brisé, avant que le second soit sorti de sa place. Pourquoi cela, si ce n’est que l’un se hâte d’abuser d’un moment de licence, tandis que l’autre, toujours sûr de sa liberté, ne se presse jamais d’en user ? Et cependant les enfants des villageois, souvent flattés ou contrariés, sont encore bien loin de l’état où je veux qu’on les tienne. Ya veo al lector impresionado al formar un juicio sobre este niño, estableciendo una comparación con los nuestros, pero se engaña. La sujeción continua en la cual tenéis a vuestros alumnos irrita su vivacidad, y cuanto más retraídos aparecen delante de vosotros, más revueltos están al librarse de vuestra presencia, ya que es indispensable, si les es posible, compensar los efectos producidos por el duro encogimiento en que los habéis retenido. Dos estudiantes de la ciudad producen más daños en un lugar que toda la juventud de un pueblo. Encerrad a un niño de la ciudad y a otro de una aldea en una habitación; el primero lo derribará y destrozará todo antes de que el segundo se haya movido de su sitio. ¿:Por qué esto sucede de tal modo si no es porque uno corre a aprovecharse de su instante de licencia mientras el otro, convencido siempre de su libertad, no siente prisa para apropiársela? No obstante, los hijos de los aldeanos, que frecuentemente sufren los efectos de ciertas contemplaciones o violencias, están aún muy distanciados del estado en el cual yo deseo que se críen.
Posons pour maxime incontestable que les premiers mouvements de la nature sont toujours droits : il n’y a point de perversité originelle dans le cœur humain ; il ne s’y trouve pas un seul vice dont on ne puisse dire comment et par où il y est entré. La seule passion naturelle à l’homme est l’amour de soi-même, ou l’amour-propre pris dans un sens étendu. Cet amour-propre en soi ou relativement à nous est bon et utile ; et, comme il n’a point de rapport nécessaire à autrui, il est à cet égard naturellement indifférent ; il ne devient bon ou mauvais que par l’application qu’on en fait et les relations qu’on lui donne. Jusqu’à ce que le guide de l’amour-propre, qui est la raison, puisse naître, il importe donc qu’un enfant ne fasse rien parce qu’il est vu ou entendu, rien en un mot par rapport aux autres, mais seulement ce que la nature lui demande ; et alors il ne fera rien que de bien. Pongamos por máxima incontestable que los primeros movimientos de la naturaleza son siempre rectos; no hay perversidad original en el corazón humano; no se halla en él un solo vicio que no se pueda averiguar cómo y por dónde se introdujo. La sola pasión natural en el hombre es el amor de sí mismo o el amor propio tomado en un sentido amplio. Este amor propio en sí, o en cuanto hace referencia a nosotros, es útil y bueno, y como carece de la relación indispensable con otro bajo este punto de vista, es naturalmente indiferente; sólo por el uso que del mismo se hace y las relaciones que se le dan, se convierte en bueno o malo. Hasta que le guíe el amor propio, o sea la razón, es conveniente que un niño no haga nada porque le ven o le oyen, o sea con respecto a los demás, sino que debe actuar según los dictados de la naturaleza, y entonces no hará ningún acto que no sea bueno.
Je n’entends pas qu’il ne fera jamais de dégât, qu’il ne se blessera point, qu’il ne brisera pas peut-être un meuble de prix s’il le trouve à sa portée. Il pourrait faire beaucoup de mal sans mal faire, parce que la mauvaise action dépend de l’intention de nuire, et qu’il n’aura jamais cette intention. S’il l’avait une seule fois, tout serait déjà perdu ; il serait méchant presque sans ressource. Con esto no quiero decir que jamás no cometa ningún destrozo ni que alguna vez se haga alguna herida, v si lo encuentra a mano, no rompa un mueble de valor. Podría hacer mucho daño sin obrar mal, ya que el acto malo depende de la intención con que se hace, v el niño jamás lo realizará con tal fin. Si una sola vez la tuviese, todo estaría ya perdido y sería malo, casi sin remedio.
Telle chose est mal aux yeux de l’avarice, qui ne l’est pas aux yeux de la raison. En laissant les enfants en pleine liberté d’exercer leur étourderie, il convient d’écarter d’eux tout ce qui pourrait la rendre coûteuse, et de ne laisser à leur portée rien de fragile et de précieux. Que leur appartement soit garni de meubles grossiers et solides ; point de miroirs, point de porcelaines, points d’objets de luxe. Quant à mon Émile que j’élève à la campagne, sa chambre n’aura rien qui la distingue de celle d’un paysan. À quoi bon la parer avec tant de soin, puisqu’il y doit rester si peu ? Mais je me trompe ; il la parera lui-même, et nous verrons bientôt de quoi. Hay cosas que son malas a los ojos de la avaricia, pero que dejan de serlo a los ojos de la razón. Dejando a los niños con plena libertad de ejercitar su atolondramiento, es conveniente apartar de ellos todo cuanto pueda serles gravoso, y no ponerles al alcance de la mano ninguna cosa frágil y preciosa. Su estancia debe estar amueblada con muebles voluminosos y sólidos, sin espejos, porcelanas ni objetos de lujo. En cuanto a mi Emilio, que educo en el campo, no habrá en su cuarto ningún otro objeto que los propios de otro muchacho campesino. ¿:Qué utilidad tiene que se le adorne la habitación con tanto esmero, si tan pocos ratos estará en ella? Pero me equivoco, pues pronto veremos cómo la adorna por sí mismo y qué objetos aporta.
Que si, malgré vos précautions, l’enfant vient à faire quelque désordre, à casser quelque pièce utile, ne le punissez point de votre négligence, ne le grondez point ; qu’il n’entende pas un seul mot de reproche ; ne lui laissez pas même entrevoir qu’il vous ait donné du chagrin ; agissez exactement comme si le meuble se fût cassé de lui-même ; enfin croyez avoir beaucoup fait si vous pouvez ne rien dire. Si, a pesar de vuestras precauciones, el niño comete algún desorden, como romper algún mueble, no le castiguéis por vuestra negligencia ni le riñáis; que no oiga una sola palabra de reprensión; no le dejéis comprender que os ha molestado; haced como si se hubiera roto el mueble por casualidad, y convenceos de que habéis logrado mucho si lográis libraros de hacerle ninguna amonestación.
Oserais-je exposer ici la plus grande, la plus importante, la plus utile règle de toute l’éducation ? ce n’est pas de gagner du temps, c’est d’en perdre. Lecteurs vulgaires, pardonnez-moi mes paradoxes : il en faut faire quand on réfléchit ; et, quoi que vous puissiez dire, j’aime mieux être homme à paradoxes qu’homme à préjugés. Le plus dangereux intervalle de la vie humaine est celui de la naissance à l’âge de douze ans. C’est le temps où germent les erreurs et les vices, sans qu’on ait encore aucun instrument pour les détruire ; et quand l’instrument vient, les racines sont si profondes, qu’il n’est plus temps de les arracher. Si les enfants sautaient tout d’un coup de la mamelle à l’âge de raison, l’éducation qu’on leur donne pourrait leur convenir ; mais, selon le progrès naturel, il leur en faut une toute contraire. Il faudrait qu’ils ne tissent rien de leur âme jusqu’à ce qu’elle eût toutes ses facultés ; car il est impossible qu’elle aperçoive le flambeau que vous lui présentez tandis qu’elle est aveugle, et qu’elle suive, dans l’immense plaine des idées, une route que la raison trace encore si légèrement pour les meilleurs yeux. ¿:Me atreveré a exponer aquí la mayor, la más importante, la más útil regla de toda la educación? No es la de ganar tiempo, sino, por el contrario, perderlo. Lectores corrientes, perdonadme mis paradojas; cuando se reflexiona, son indispensables, y a pesar de todo lo que se pueda decir, es preferible ser un hombre de paradojas que uno lleno de preocupaciones. El más peligroso tiempo de la vida humana es el que va desde el nacimiento hasta la edad de doce años, debido a que es cuando brotan los errores y los vicios, sin que haya aún ningún instrumento capaz de destruirlos, y cuando éste se obtiene, las raíces están tan profundas que ha pasado el tiempo propicio para arrancarlas. Si los niños saltaran de un solo golpe desde el pecho de la madre hasta la edad del uso de la razón, quizá podría serles conveniente la educación que se les da, pero, según el progreso natural, es necesario una que sea totalmente opuesta. Haría falta que no hicieran uso de su alma hasta que ésta poseyera todas sus facultades, debido a que es imposible ver la llama que le presentáis cuando aún está en estado de ceguera, y que él siga, en la inmersa llanura de las ideas, una ruta que la razón señala con rasgos casi imperceptibles, incluso para los ojos más perspicaces.
La première éducation doit donc être purement négative. Elle consiste, non point à enseigner la vertu ni la vérité, mais à garantir le cœur du vice et l’esprit de l’erreur. Si vous pouviez ne rien faire et ne rien laisser faire ; si vous pouviez amener votre élève sain et robuste à l’âge de douze ans, sans qu’il sût distinguer sa main droite de sa main gauche, dès vos premières leçons les yeux de son entendement s’ouvriraient à la raison ; sans préjugés, sans habitudes, il n’aurait rien en lui qui pût contrarier l’effet de vos soins. Bientôt il deviendrait entre vos mains le plus sage des hommes ; et en commençant par ne rien faire, vous auriez fait un prodige d’éducation. La primera educación debe ser, pues, puramente negativa, la cual no consiste en enseñar ni la virtud ni la verdad, sino en librar de vicios el corazón y el espíritu del error. Si pudierais no hacer nada, ni dejar hacer nada, si lograrais tener sano y robusto a vuestro alumno hasta la edad de doce años, sin que supiera distinguir su mano derecha de la izquierda, desde vuestras primeras lecciones se abrirían los ojos de su entendimiento a la razón sin baches ni preocupaciones; nada habría en él que pudiera obstaculizar el buen resultado de vuestros afanes. De este modo, en vuestras manos se convertiría en el más sabio de los hombres, y omitiendo toda intervención en un principio, realizaríais un prodigio de educación.
Prenez bien le contre-pied de l’usage, et vous ferez presque toujours bien. Comme on ne veut pas faire d’un enfant un enfant, mais un docteur, les pères et les maîtres n’ont jamais assez tôt tancé, corrigé, réprimandé, flatté, menacé, promis, instruit, parlé raison. Faites mieux : soyez raisonnable, et ne raisonnez point avec votre élève, surtout pour lui faire approuver ce qui lui déplaît ; car amener ainsi toujours la raison dans les choses désagréables, ce n’est que la lui rendre ennuyeuse, et la décréditer de bonne heure dans un esprit qui n’est pas encore en état de l’entendre. Exercez son corps, ses organes, ses sens, ses forces, mais tenez son âme oisive aussi longtemps qu’il se pourra. Redoutez tous les sentiments antérieurs au jugement qui les apprécie. Retenez, arrêtez les impressions étrangères : et, pour empêcher le mal de naître, ne vous pressez point de faire le bien ; car il n’est jamais tel que quand la raison l’éclaire. Regardez tous les délais comme des avantages : c’est gagner beaucoup que d’avancer vers le terme sans rien perdre ; laissez mûrir l’enfance dans les enfants. Enfin, quelque leçon leur devient-elle nécessaire ? gardez-vous de la donner aujourd’hui, si vous pouvez différer jusqu’à demain sans danger. Obrad de un modo totalmente opuesto del que se acostumbra actualmente y casi es seguro de que acertaréis. Como los padres y los maestros no quieren que el niño sea niño, sino doctor, no ven el momento de enmendar, corregir, reprender, acariciar, amenazar, prometer, instruir... Obrad de un modo mejor, sed racionales y argumentad con vuestro alumno, especialmente con la finalidad de que apruebe lo que no es de su agrado, ya que el mal traer a la razón en cosas desagradables, termina por hacérsela fastidiosa y desacreditarla muy pronto en un alma que todavía no es capaz de entenderla. Haced que se ejerciten su cuerpo, sus órganos, sus sentidos y sus fuerzas, pero mantened ociosa su alma el mayor tiempo posible. Debéis sentir miedo a todos los afectos que sean anteriores al juicio que los valúa. Se deben contener las impresiones que le vengan del exterior, y para poner un estorbo al nacimiento del mal, no os deis prisa alguna en producir el bien, ya que éste nunca es real hasta que viene alumbrado por la razón. Debéis ver todas las demoras como ventajas, porque es ganar mucho, pues se avanza hasta el fin sin perder nada; dejad que madure la infancia en los niños. Por último, si se hiciera necesaria alguna lección, guardaos de dársela hoy si podéis demorarla sin peligro hasta mañana.
Une autre considération qui confirme l’utilité de cette méthode, est celle du génie particulier de l’enfant, qu’il faut bien connaître pour savoir quel régime moral lui convient. Chaque esprit a sa forme propre, selon laquelle il a besoin d’être gouverné ; et il importe au succès des soins qu’on prend qu’il soit gouverné par cette forme, et non par une autre. Homme prudent, épiez longtemps la nature, observez bien votre élève avant de lui dire le premier mot ; laissez d’abord le germe de son caractère en pleine liberté de se montrer, ne le contraignez en quoi que ce puisse être, afin de le mieux voir tout entier. Pensez-vous que ce temps de liberté soit perdu pour lui ? tout au contraire, il sera le mieux employé ; car c’est ainsi que vous apprendrez à ne pas perdre un seul moment dans un temps précieux : au lieu que, si vous commencez d’agir avant de savoir ce qu’il faut faire, vous agirez au hasard ; sujet à vous tromper, il faudra revenir sur vos pas ; vous serez plus éloigné du but que si vous eussiez été moins pressé de l’atteindre. Ne faites donc pas comme l’avare qui perd beaucoup pour ne vouloir rien perdre. Sacrifiez dans le premier âge un temps que vous regagnerez avec usure dans un âge plus avancé. Le sage médecin ne donne pas étourdiment des ordonnances à la première vue, mais il étudie premièrement le tempérament du malade avant de lui rien prescrire ; il commence tard à le traiter, mais il le guérit, tandis que le médecin trop pressé le tue. Otra consideración que confirma la utilidad de este método es la del genio particular del niño, puesto que es indispensable conocerlo muy bien a fin de que se le pueda aplicar el régimen moral que mejor le conviene. Cada espíritu tiene su forma propia según la cual necesita ser gobernado, y para obtener el fruto de los anhelos que se toman, es indispensable que sea gobernado por esta forma y no por otra. Hombre prudente, espía durante mucho tiempo la naturaleza, observa minuciosamente a tu alumno antes que le digas una palabra, espera que primero se muestre con toda libertad el germen de su carácter, no le fuerces en ninguna cosa con el fin de observarle mejor por completo. ¿:Piensas que es perdida para el niño esta época de libertad? Todo lo contrario; será el mejor empleado; pues aprende tú a no perder un solo momento el tiempo más precioso, y si empiezas a actuar antes de saber lo que conviene hacer, obrarás a la ventura, te expondrás a que queden frustrados tus propósitos, tendrás que volver atrás y te encontrarás más alejado de la meta que si no hubieras llevado tanta prisa para alcanzarla. No obres como el avaro, que por no perder nada, pierde mucho. Debes sacrificar en la edad primera un tiempo que recuperarás con creces en una edad más avanzada. El médico prudente no ofrece de una manera atolondrada sus remedios desde la primera visita, pues antes de recetar estudia el temperamento del enfermo; comienza tarde a curarle, pero le sana, mientras que el que se precipita le mata.
Mais où placerons-nous cet enfant pour l’élever ainsi comme un être insensible, comme un automate ? Le tiendrons-nous dans le globe de la lune, dans une île déserte ? L’écarterons-nous de tous les humains ? N’aura-t-il pas continuellement dans le monde le spectacle et l’exemple des passions d’autrui ? Ne verra-t-il jamais d’autres enfants de son âge ? Ne verra-t-il pas ses parents, ses voisins, sa nourrice, sa gouvernante, son laquais, son gouverneur même, qui après tout ne sera pas un ange ? Pero, ¿:dónde debemos colocar a este niño para educarle de este modo como un ser insensible, como un autómata? ¿:Le colocaremos en la Luna o en una isla desierta? ¿:Le apartaremos de todos los humanos? ¿:El mundo no le ofrecerá de un modo continuo el espectáculo y el ejemplo de las pasiones? ¿:No verá nunca otros niños de su edad? ¿:No verá nunca a sus parientes, a sus vecinos, a su nodriza, a su ama, a su lacayo, a su mismo ayo, que al fin no ha de ser un ángel?
Cette objection est forte et solide. Mais vous ai-je dit que ce fût une entreprise aisée qu’une éducation naturelle ? O hommes ! est-ce ma faute si vous avez rendu difficile tout ce qui est bien ? Je sens ces difficultés, j’en conviens : peut-être sont-elles insurmontables ; mais toujours est-il sûr qu’en s’appliquant à les prévenir on les prévient jusqu’à certain point. Je montre le but qu’il faut qu’on se propose : je ne dis pas qu’on y puisse arriver ; mais je dis que celui qui en approchera davantage aura le mieux réussi. Esta objeción es fuerte y sólida. Pero, ¿:os he dicho yo que sea una empresa fácil una educación natural? ¡Oh, hombres!, si habéis hecho difícil todo cuanto es bueno, ¿:es culpa mía? Yo conozco estas dificultades, las confieso y quizá sean insuperables, pero siempre es verdad que, dedicándose a evitarlas, tienen un límite remediable. Yo marco la meta hacia donde debe dirigirse la carrera; no afirmo que se pueda llegar a ella, pero aseguro que el que se acerque más al final, es el que mayores ventajas sacará.
Souvenez-vous qu’avant d’oser entreprendre de former un homme, il faut s’être fait homme soi-même ; il faut trouver en soi l’exemple qu’il se doit proposer. Tandis que l’enfant est encore sans connaissance, on a le temps de préparer tout ce qui l’approche à ne frapper ses premiers regards que des objets qu’il lui convient de voir. Rendez-vous respectable à tout le monde, commencez par vous faire aimer, afin que chacun cherche à vous complaire. Vous ne serez point maître de l’enfant, si vous ne l’êtes de tout ce qui l’entoure ; et cette autorité ne sera jamais suffisante, si elle n’est fondée sur l’estime de la vertu. Il ne s’agit point d’épuiser sa bourse et de verser l’argent à pleines mains ; je n’ai jamais vu que l’argent fît aimer personne. Il ne faut point être avare et dur, ni plaindre la misère qu’on peut soulager ; mais vous aurez beau ouvrir vos coffres, si vous n’ouvrez aussi votre cœur, celui des autres vous restera toujours fermé. C’est votre temps, ce sont vos soins, vos affections, c’est vous-même qu’il faut donner ; car, quoi que vous puissiez faire, on sent toujours que votre argent n’est point vous. Il y a des témoignages d’intérêt et de bienveillance qui font plus d’effet, et sont réellement plus utiles que tous les dons : combien de malheureux, de malades, ont plus besoin de consolations que d’aumônes ! Combien d’opprimés à qui la protection sert plus que l’argent ! Raccommodez les gens qui se brouillent, prévenez les procès ; portez les enfants au devoir, les pères à l’indulgence ; favorisez d’heureux mariages ; empêchez les vexations ; employez, prodiguez le crédit des parents de votre élève en faveur du faible à qui on refuse justice, et que le puissant accable. Déclarez-vous hautement le protecteur des malheureux. Soyez juste, humain, bienfaisant. Ne faites pas seulement l’aumône, faites la charité ; les œuvres de miséricorde soulagent plus de maux que l’argent ; aimez les autres, et ils vous aimeront ; servez-les et ils vous serviront ; soyez leur frère, et ils seront vos enfants. Debéis tener presente que antes de atreverse a comenzar la empresa de formar un hombre es del todo imprescindible que uno mismo se haya hecho hombre, y hallar en sí mismo el ejemplo que se debe proponer. Mientras el niño carece aún de conocimiento, hay tiempo para disponer todo lo que se le acerca, de tal forma que a sus primeras miradas no se le presenten otros objetos que los que le conviene ver. Haced que todo el mundo os respete, comenzando por obrar de suerte que todos los que os rodean os amen y procure cada uno complaceros. No podéis ser el árbitro del niño, si antes no lo sois de todo lo que le circunda, y jamás esta autoridad será suficiente si no lleva por cimientos el aprecio de la virtud. No se trata de vaciar el bolsillo y de esparcir el dinero a manos llenas; nunca he visto que el dinero hiciera amar a nadie. No debe ser uno avaro ni duro, ni ha de compadecer la miseria que puede ser aliviada, pero es inútil abrir las arcas si al propio tiempo no se abre el corazón; de lo contrario, el de los demás permanecerá cerrado. Vuestro tiempo, vuestra solicitud, vuestro afecto, vosotros mismos, eso es lo que tenéis la obligación de dar, pues, aunque hagáis más, se ve claramente que vuestro dinero no sois vosotros. Existen testimonios de interés y de benevolencia de más eficacia y mayor provecho, que todas las dádivas. ¡Cuántos desgraciados y enfermos hay que precisan más de consuelos que de limosna! ¡Cuántos seres oprimidos hay a los cuales les sería más útil la protección que el dinero! Poned en paz a las personas que se indisponen, evitad los pleitos, convenced a los hijos de sus obligaciones y a los padres de la indulgencia; promoved matrimonios felices, estorbad las vejaciones, usad con largueza del crédito de los parientes de vuestro alumno, amparando al débil a quien niegan justicia y que es oprimido por el poderoso. Sed un sustento firme de los desdichados. Procurad ser justos, humanos y benéficos; no hagáis solamente limosnas, sino también caridad, pues mejor alivian las obras de misericordia que el dinero. Si amáis a los otros, seréis también amados por ellos; servidlos y os servirán; sed hermano suyo y serán vuestros hijos.
C’est encore ici une des raisons pourquoi je veux élever Émile à la campagne, loin de la canaille des valets, les derniers des hommes après leurs maîtres ; loin des noires mœurs des villes, que le vernis dont on les couvre rend séduisantes et contagieuses pour les enfants ; au lieu que les vices des paysans, sans apprêt et dans toute leur grossièreté, sont plus propres à rebuter qu’à séduire, quand on n’a nul intérêt à les imiter. Esta es una más de las razones por la cual yo quiero educar a Emilio en el campo, lejos de la chusma de criados, los últimos de los humanos después de sus amos; lejos de las disolutas costumbres de las ciudades, que el pulimentado barniz de que están cubiertas hace atractivas a los niños. Los vicios de los campesinos, sin adorno y con toda su rusticidad selvática, son más para rechazar que para seducir cuando no se tiene el menor interés en imitarlos.
Au village, un gouverneur sera beaucoup plus maître des objets qu’il voudra présenter à l’enfant ; sa réputation, ses discours, son exemple, auront une autorité qu’ils ne sauraient avoir à la ville ; étant utile à tout le monde, chacun s’empressera de l’obliger, d’être estimé de lui, de se montrer au disciple tel que le maître voudrait qu’on fût en effet ; et si l’on ne se corrige pas du vice, on s’abstiendra du scandale ; c’est tout ce dont nous avons besoin pour notre objet. En un pueblecito el ayo será mucho más dueño de los objetos que quiera poner delante del niño; su prestigio, sus palabras, su ejemplo, tendrán una autoridad que no pueden tener en la ciudad, debido a que sirve útilmente a todos, y también anhelan complacerle, procuran granjearse su cariño y se presentan delante del alumno como desea el maestro, y si no se corrigen sus vicios, procuran evitar el escándalo, que es todo lo que precisamos para el logro de nuestro objeto.
Cessez de vous en prendre aux autres de vos propres fautes : le mal que les enfants voient les corrompt moins que celui que vous leur apprenez. Toujours sermonneurs, toujours moralistes, toujours pédants, pour une idée que vous leur donnez la croyant bonne, vous leur en donnez à la fois vingt autres qui ne valent rien : pleins de ce qui se passe dans votre tête, vous ne voyez pas l’effet que vous produisez dans la leur. Parmi ce long flux de paroles dont vous les excédez incessamment, pensez-vous qu’il n’y en ait pas une qu’ils saisissent à faux ? Pensez-vous qu’ils ne commentent pas à leur manière vos explications diffuses, et qu’ils n’y trouvent pas de quoi se faire un système à leur portée, qu’ils sauront vous opposer dans l’occasion ? No culpéis a los demás de vuestros propios yerros, ya que menos corrompe a los niños el mal que ven que el que vosotros les enseñáis. Siempre con vuestros sermones, vuestra moral y pedantería, por cada idea que les insinuáis, creyendo que es buena, les ofrecéis otras veinte carentes de valor, y llenos de lo que tenéis en la cabeza, no os dais cuenta del efecto que producís en la suya. En este flujo de palabras que continuamente les soltáis, ¿:creéis que no haya una que la entiendan equivocadamente? ¿:Pensáis que no comentan a su modo vuestras difusas explicaciones y que no encuentran materia para formar un sistema a su alcance, y que, cuando llegue su momento, sabrán oponeros?
Ecoutez un petit bonhomme qu’on vient d’endoctriner ; laissez-le jaser, questionner, extravaguer à son aise et vous allez être surpris du tour étrange qu’ont pris vos raisonnements dans son esprit : il confond tout, il renverse tout, il vous impatiente, il vous désole quelquefois par des objections imprévues ; il vous réduit à vous taire, ou à le faire taire ; et que peut-il penser de ce silence de la part d’un homme qui aime tant à parler ? Si jamais il remporte cet avantage, et qu’il s’en aperçoive, adieu l’éducation ; tout est fini dès ce moment, il ne cherche plus à s’instruire, il cherche à vous réfuter. Escuchad a uno de estos pequeños hombres a quienes se acaba de aleccionar; dejadle que hable, que haga preguntas, que disparate a su placer, ,y quedaréis asombrados del extraño giro que vuestros razonamientos han metido en su cabeza; lo confunde todo, lo transforma todo; os impacienta, os calláis o le hacéis callar. ¿:Y qué puede pensar de este mutismo de un hombre que tanto se muere por hablar? Si alguna vez alcanza este triunfo y lo advierte, adiós educación; en este punto todo se acabó; ya no procura instruirse, procura refutaros.
Maîtres zélés, soyez simples, discrets, retenus : ne vous hâtez jamais d’agir que pour empêcher d’agir les autres ; je le répéterai sans cesse, renvoyez, s’il se peut, une bonne instruction, de peur d’en donner une mauvaise. Sur cette terre, dont la nature eût fait le premier paradis de l’homme, craignez d’exercer l’emploi du tentateur en voulant donner à l’innocence la connaissance du bien et du mal ; ne pouvant empêcher que l’enfant ne s’instruise au dehors par des exemples, bornez toute votre vigilance à imprimer ces exemples dans son esprit sous l’image qui lui convient. Maestros celosos, sed prudentes, sencillos, reservados; no os apresuréis a obrar si no es en el caso de que vuestros actos sirvan de estorbo para que otros obren; lo repito continuamente: aplazad todo lo posible una instrucción buena por temor de dar una mala. En esta tierra que la naturaleza hubiera hecho el primer paraíso del hombre, debéis sentir miedo de no realizar el oficio del tentador, queriendo dar a la inocencia el conocimiento del bien y del mal; no pudiendo impedir que se instruya el niño con los ejemplos que ve, poned todo vuestro empeño en grabar en su ánimo estos ejemplos con la imagen que le convenga.
Les passions impétueuses produisent un grand effet sur l’enfant qui en est témoin, parce qu’elles ont des signes très sensibles qui le frappent et le forcent d’y faire attention. La colère surtout est si bruyante dans ses emportements, qu’il est impossible de ne pas s’en apercevoir étant à portée. Il ne faut pas demander si c’est là pour un pédagogue l’occasion d’entamer un beau discours. Eh ! point de beaux discours, rien du tout, pas un seul mot. Laissez venir l’enfant : étonné du spectacle, il ne manquera pas de vous questionner. La réponse est simple ; elle se tire des objets mêmes qui frappent ses sens. Il voit un visage enflammé, des yeux étincelants, un geste menaçant, il entend des cris ; tous signes que le corps n’est pas dans son assiette. Dites, lui posément, sans mystère : Ce pauvre homme est malade, il est dans un accès de fièvre. Vous pouvez de là tirer occasion de lui donner, mais en peu de mots, une idée des maladies et de leurs effets ; car cela aussi est de la nature, et c’est un des liens de la nécessité auxquels il se doit sentir assujetti. Las pasiones impetuosas producen un gran efecto en el niño que las presencia, debido a que tienen señales muy sensibles, las cuales le impresionan intensamente y le obligan a prestarles la mayor atención. La ira sobre todo es tan ruidosa en sus arrebatos, que si uno está a su lado, casi es imposible el no advertirla. Esto no obliga a pedir si es esta una ocasión propicia para que un pedagogo haga un gran discurso. Fuera los discursos, ni una palabra. Dejad que hable el niño; asombrado con el espectáculo, dejará de haceros preguntas. La respuesta es simple y se saca de los mismos objetos que han impresionado sus sentidos. Ve un rostro inflamado, unos ojos ardientes, un aire amenazador; oye gritos, y todo demuestra que su cuerpo no está en su verdadero estado natural. Decidle pausadamente y sin misterio: «Este pobre hombre está enfermo, tiene un exceso de fiebre». Y podéis aprovechar la ocasión de manifestarle, con pocas palabras, lo que son las enfermedades y los efectos que producen, puesto que son una cosa natural y uno de los lazos de la necesidad hacia la cual se debe sentir obligado.
Se peut-il que sur cette idée, qui n’est pas fausse, il ne contracte pas de bonne heure une certaine répugnance à se livrer aux excès des passions, qu’il regarda comme des maladies ? Et croyez-vous qu’une pareille notion, donnée à propos, ne produira pas un effet aussi salutaire que le plus ennuyeux sermon de morale ? Mais voyez dans l’avenir les conséquences de cette notion : vous voilà autorisé, si jamais vous y êtes contraint, à traiter un enfant mutin comme un enfant malade ; à l’enfermer dans sa chambre, dans son lit s’il le faut, à le tenir au régime, à l’effrayer lui-même de ses vices naissants, à les lui rendre odieux et redoutables, sans que jamais il puisse regarder comme un châtiment la sévérité dont vous serrez peut-être forcé d’user pour l’en guérir. Que s’il vous arrive à vous-même, dans quelque moment de vivacité, de sortir du sang-froid et de la modération dont vous devez faire votre étude, ne cherchez point à lui déguiser votre faute ; mais dites-lui franchement, avec un tendre reproche : Mon ami, vous m’avez fait mal. Podría ser que sobre esta idea, que no es falsa, adquiriera a su debido tiempo una repugnancia hacia los excesos de las pasiones, las cuales tendrá o considerará como enfermedades. ¿:Creéis que una noción parecida, dada oportunamente, no producirá efectos más saludables que el más plúmbeo sermón sobre la moral? Ahora observad las consecuencias de esta noción para el futuro: Estáis autorizado para tratar a un niño irascible como a un enfermo; le imponéis una dieta, hacéis que se asuste de sus nacientes vicios, que se le hagan odiosos, y quizá tendréis que recurrir a la severidad para curarle. Y si os sucede que en algún momento de irritabilidad perdéis la moderación que debéis conservar tan cuidadosamente, no le ocultéis vuestro error; como una amorosa queja y con acento ingenuo, decidle: «Amiguito, me has puesto malo».
Au reste, il importe que toutes les naïvetés que peut produire dans un enfant la simplicité des idées dont il est nourri, ne soient jamais relevées en sa présence, ni citées de manière qu’il puisse l’apprendre. Un éclat de rire indiscret peut gâter le travail de six mois, et faire un tort irréparable pour toute la vie. Je ne puis assez redire que pour être le maître de l’enfant, il faut être son propre maître. Je me représente mon petit Émile, au fort d’une rixe entre deux voisines, s’avançant vers la plus furieuse, et lui disant d’un ton de commisération : Ma bonne, vous êtes malade, j’en suis bien fâché. À coup sûr, cette saillie ne restera pas sans effet sur les spectateurs, ni peut-être sur les actrices. Sans rire, sans le gronder, sans le louer, je l’emmène de gré ou de force avant qu’il puisse apercevoir cet effet, ou du moins avant qu’il y pense, et je me hâte de le distraire sur d’autres objets qui le lui fassent bien vite oublier. En lo que resta, es importante que todas las gracias que pueda producir en un niño la simplicidad de ideas, en las cuales está criado, jamás sean puestas de relieve en su presencia, ni se hable de ellas de manera que él pueda comprenderlo. Una explosión de risa indiscreta puede anular el trabajo de seis meses y causar un irreparable perjuicio para toda la vida. No me cansaré de repetir que para ser el árbitro del niño, es indispensable serlo de sí mismo. Yo me imagino a mi pequeño Emilio en el momento de más dureza de una riña entre dos vecinas, dirigiéndose a la más enfurecida y diciéndole en tono compasivo: «Buena mujer, está usted enferma, y lo siento mucho». Esta piedad no dejará de producir un gran efecto entre los espectadores, y tal vez entre las protagonistas de la pelea. Sin reírme, ni reñirle, ni elogiarle, me lo llevo de buen grado o por fuerza antes de que pueda darse cuenta de tal efecto, o por lo menos antes de que tenga tiempo para pensar en él, y a tal fin me apresuro a distraerle con otros objetos que le hagan olvidar lo sucedido lo más pronto posible.
Mon dessein n’est point d’entrer dans tous les détails, mais seulement d’exposer les maximes générales, et de donner des exemples dans les occasions difficiles. Je tiens pour impossible qu’au sein de la société l’on puisse amener un enfant à l’âge de douze ans, sans lui donner quelque idée des rapports d’homme à homme, et de la moralité des actions humaines. Il suffit qu’on s’applique à lui rendre ces notions nécessaires le plus tard qu’il se pourra, et que, quand elles deviendront inévitables, on les borne à l’utilité présente, seulement pour qu’il ne se croie pas le maître de tout, et qu’il ne fasse pas du mal à autrui sans scrupule et sans le savoir. Il y a des caractères doux et tranquilles qu’on peut mener loin sans danger dans leur première innocence ; mais il y a aussi des naturels violents dont la férocité se développe de bonne heure, et qu’il faut se hâter de faire hommes, pour n’être pas obligé de les enchaîner. Mi deseo no es, pues, entrar en detalles, sino solamente exponer las máximas generales y proporcionar ejemplos para las ocasiones difíciles. Yo tengo por imposible que en el seno de la sociedad pueda llegar un niño a los doce años sin que se le den algunas ideas de las relaciones que existen de hombre a hombre y de la moralidad de los actos humanos. Es suficiente tener un gran cuidado de que no precise estas nociones hasta lo mas tarde posible, y cuando ya sean inevitables, que queden limitadas a la utilidad del momento, sólo con el fin de que no se considere el dueño de todo ni perjudique al prójimo sin ningún escrúpulo o por ignorancia. Existen caracteres dulces y tranquilos que se pueden llevar muy lejos sin peligro alguno en su primera inocencia, pero también los hay de naturaleza violenta cuya irascibilidad se manifiesta muy pronto, y es forzoso darse prisa en hacerlos hombres para no hallarnos en la obligación de tenerlos encadenados.
Nos premiers devoirs sont envers nous ; nos sentiments primitifs se concentrent en nous-mêmes ; tous nos mouvements naturels se rapportent d’abord à notre conservation et à notre bien-être. Ainsi le premier sentiment de la justice ne nous vient pas de celle que nous devons, mais de celle qui nous est due ; et c’est encore un des contresens des éducations communes, que, parlant d’abord aux enfants de leurs devoirs, jamais de leurs droits, on commence par leur dire le contraire de ce qu’il faut, ce qu’ils ne sauraient entendre, et ce qui ne peut les intéresser. Nuestros primeros deberes se refieren a nosotros, y nuestros sentimientos primitivos se concentran en nosotros mismos; todos nuestros movimientos naturales se refieren primero a nuestra conservación y a nuestro bienestar. Así, el primer sentimiento de la justicia no nos viene de la que nosotros somos deudores, sino de la que nos deben; por ese motivo, hablar siempre de las obligaciones a los niños y nunca de sus derechos, comenzando por decirles lo contrario de lo que necesitan, cosa que no les interesa, ni pueden entender, es uno de los defectos comunes de la educación.
Si j’avais donc à conduire un de ceux que je viens de supposer, je me dirais : Un enfant ne s’attaque pas aux personnes[8], mais aux choses ; et bientôt il apprend par l’expérience à respecter quiconque le passe en âge et en force ; mais les choses ne se défendent pas elles-mêmes. La première idée qu’il faut lui donner est donc moins celle de la liberté que de la propriété ; et, pour qu’il puisse avoir cette idée, il faut qu’il ait quelque chose en propre. Lui citer ses hardes, ses meubles, ses jouets, c’est ne lui rien dire ; puisque, bien qu’il dispose de ces choses, il ne sait ni pourquoi ni comment il les a. Lui dire qu’il les a parce qu’on les lui a données, c’est ne faire guère mieux ; car, pour donner il faut avoir : voilà donc une propriété antérieure à la sienne ; et c’est le principe de la propriété qu’on lui veut expliquer ; sans compter que le don est une convention, et que l’enfant ne peut savoir encore ce que c’est que convention[9]. Lecteurs, remarquez, je vous prie, dans cet exemple et dans cent mille autres, comment, fourrant dans la tête des enfants des mots qui n’ont aucun sens à leur portée, on croit pourtant les avoir fort bien instruits. Si hubiera que conducir a uno de estos que acabo de suponer, diría: «Un niño nunca ataca a las personas, sino a las cosas» ; y muy pronto le enseña la experiencia a los que tienen más fuerza y más edad; pero las cosas no se defienden por sí mismas. La primera idea que se le debe sugerir es de que es de menos importancia la de la libertad que la de la propiedad, y para que él pueda adquirir esta idea, hace falta que sea dueño de algo: sus vestidos, sus muebles, sus juguetes, etc. Si sólo puede disponer de estas cosas, ignora por completo la causa de que estén en sus manos. Al decirle que las tiene porque se las han dado, no adelantamos nada, ya que para dar es necesario poseer; por consiguiente, existe una propiedad que es anterior a la suya, y es el principio de la propiedad lo que él quiere explicarse o comprender, sin tener en cuenta que la donación es un convenio, y que el niño no puede saber todavía lo que es una convención . Lectores, os ruego que notéis en este ejemplo y en otros cien mil, cómo saturando la cabeza de los niños de palabras que carecen de significación para ellos, creen, erróneamente, que les han dado alguna instrucción.
Il s’agit donc de remonter à l’origine de la propriété ; car c’est de là que la première idée en doit naître. L’enfant, vivant à la campagne, aura pris quelque notion des travaux champêtres ; il ne faut pour cela que des yeux, du loisir, et il aura l’un et l’autre. Il est de tout âge, surtout du sien, de vouloir créer, imiter, produire, donner des signes de puissance et d’activité. Il n’aura pas vu deux fois labourer un jardin, semer, lever, croître des légumes, qu’il voudra jardiner à son tour. Es menester, pues, llegar hasta el origen de la propiedad, puesto que de este punto debe originarse la primera idea de ella. El niño que vive en el campo tiene alguna noción de los trabajos agrícolas; para esto no precisa más que ojos y espacio, y tiene lo uno y lo otro. Es propio de todas las edades, y especialmente en la suya, el afán que tiene el hombre de crear, imitar, producir, y el de dar señales de actividad y poderío.
Par les principes ci-devant établis, je ne m’oppose point à son envie ; au contraire, je la favorise, je partage son goût, je travaille avec lui, non pour son plaisir, mais pour le mien ; du moins il le croit ainsi ; je deviens son garçon jardinier ; en attendant qu’il ait des bras, je laboure pour lui la terre ; il en prend possession en y plantant une fève ; et sûrement cette possession est plus sacrée et plus respectable que celle que prenait Nuñes Balboa de l’Amérique méridionale au nom du roi d’Espagne, en plantant son étendard sur les côtes de la mer du Sud. Por los principios anteriormente expuestos, yo no me opongo a su deseo; por el contrario, le favorezco, tomo parte en él, trabajo con él, no por hacer su gusto, como él cree, sino por hacer el mío; soy su mozo en la huerta, y mientras él va adquiriendo fuerzas, yo cavo la tierra; él toma posesión sembrando un haba, y en verdad que más sagrada y respetable es esta posesión que la que de la América meridional tomó Núñez de Balboa en nombre del rey de España, plantando su estandarte en las playas del mar del Sur.
On vient tous les jours arroser les fèves, on les voit lever dans des transports de joie. J’augmente cette joie en lui disant : Cela vous appartient ; et lui expliquant alors ce terme d’appartenir, je lui fais sentir qu’il a mis là son temps, son travail, sa peine, sa personne enfin ; qu’il y a dans cette terre quelque chose de lui-même qu’il peut réclamer contre qui que ce soit, comme il pourrait retirer son bras de la main d’un autre homme qui voudrait le retenir malgré lui. Viene todos los días a regar las habas, y las vemos crecer llenos de alegría. Yo acreciento su júbilo diciéndole: «Esto te pertenece», y explicándole el significado de la palabra pertenencia, procuro que comprenda que ha invertido en el cultivo un tiempo, su trabajo, su esfuerzo y por último su dedicación constante; que hay en esta tierra algo que es suyo, que puede reclamarlo contra quien sea, lo mismo que si él tratase de librar su brazo de la mano de otro hombre que se lo quisiera sujetar.
Un beau jour il arrive empressé, et l’arrosoir à la main. O spectacle ! ô douleur ! toutes les fèves sont arrachées, tout le terrain est bouleversé, la place même ne se reconnaît plus. Ah ! qu’est devenu mon travail, mon ouvrage, le doux fruit de mes soins et de mes sueurs ? Qui m’a ravi mon bien ? qui m’a pris mes fèves ? Ce jeune cœur se soulève ; le premier sentiment de l’injustice y vient verser sa triste amertume ; les larmes coulent en ruisseaux ; l’enfant désolé remplit l’air de gémissements et de cris. On prend part à sa peine, à son indignation ; on cherche, on s’informe, on fait des perquisitions. Enfin l’on découvre que le jardinier a fait le coup : on le fait venir. A lo mejor llega un día con la regadera en la mano. ¡Oh, espectáculo; oh, dolor! Todas las habas las han arrancado, la tierra removida y ni siquiera reconoce la plantación. ¡Ah!, ¿:qué se ha hecho de mi trabajo, de mi obra, de mis sudores y afanes? ¿:Quién me ha robado mi caudal? ¿:Quién me ha robado mis habas? El tierno corazón se subleva y el primer sentimiento de la injusticia vierte en él su áspera amargura; sale de sus ojos un caudal de lágrimas, y el desconsolado niño llena el aire de gritos y sollozos. Uno toma parte en su pena e indignación, e indagamos, nos informamos, tratamos de saber quien y cómo, hasta que descubrimos que ha sido el hortelano, y le llamamos.
Mais nous voici bien loin de compte. Le jardinier, apprenant de quoi on se plaint, commence à se plaindre plus haut que nous. Quoi ! messieurs, c’est vous qui m’avez ainsi gâté mon ouvrage ! J’avais semé là des melons de Malte dont la graine m’avait été donnée comme un trésor, et desquels j’espérais vous régaler quand ils seraient mûrs ; mais voilà que, pour y planter vos misérables fèves, vous m’avez détruit mes melons déjà tout levés, et que je ne remplacerai jamais. Vous m’avez fait un tort irréparable, et vous vous êtes privés vous-mêmes du plaisir de manger des melons exquis. Pero ahora vemos que todo es distinto de lo que creímos. Al saber el hortelano el motivo de nuestra protesta, empieza a quejarse más violentamente que nosotros. «¿:Con que son ustedes, señores, los que me han echado a perder mi trabajo? Yo había sembrado unos melones de Malta cuyas pepitas me habían dado como un tesoro; quería regalarles algunos cuando madurasen, y ahora, por sembrar sus malditas habas, han arrancado los melones que ya habían nacido, sin que disponga de más pepitas de su clase. Me han ocasionado un perjuicio irreparable y se han privado del gusto de comer unos melones que habrían sido exquisitos.»
JEAN-JACQUES: Excusez-nous, mon pauvre Robert. Vous aviez mis là votre travail, votre peine. Je vois bien que nous avons ] eu tort de gâter votre ouvrage ; mais nous vous ferons venir eu tort de gâter votre ouvrage ; mais nous vous ferons venir d′autre graine de Malte, & nous ne travaillerons plus la terre avant de savoir si quelqu′un n′y a point mis la main avant nous JUAN JACOBO: : Dispénsenos usted, buen Roberto, por haberle malogrado su trabajo. Veo muy bien que hemos echado a perder sus esfuerzos, pero mandaremos a buscar otras pepitas de Malta y no trabajaremos la tierra sin asegurarnos antes de que no la cultiva otro.
ROBERT: Oh ! bien messieurs, vous pouvez donc vous reposer, car il n′y a plus guère de terre en friche. Moi, je travaille celle que mon père a bonifiée ; chacun en fait autant de son côté, & toutes les terres que vous voyez sont occupées depuis longtemps. ROBERTO: Bah, si es así, señores, ya pueden ustedes dedicarse a dormir, porque aquí ya no hay tierras baldías. Yo trabajo las que heredé de mi padre, como hacen otros aldeanos; todas las tierras que ven tienen dueño desde hace mucho tiempo.
ÉMILE: Monsieur Robert, il y a donc souvent de la graine de melon perdue ? EMILIO: : Señor Roberto, ¿:se perderán muchas veces las pepitas de melón?
ROBERT: Pardonnez-moi, mon jeune cadet ; car il ne nous vient pas souvent de petits messieurs aussi étourdis que vous. Personne ne touche au jardin de son voisin ; chacun respecte le travail des autres, afin que le sien soit en sûreté. ROBERTO: Perdóname, niño, pero no se pierden, porque no tenemos muchos señoritos atolondrados como tú. Nadie toca el huerto de su vecino y cada uno respeta el trabajo de los demás, para que también respeten el suyo.
ÉMILE: Mais moi je n′ai point de jardin. EMILIO: Pero yo no tengo huerto.
ROBERT: Que m′importe ? si vous gâtez le mien, je ne vous y laisserai plus promener ; car, voyez-vous, je ne veux pas perdre ma peine. ROBERTO: ¿:Qué me importa a mí? Si tú te metes en el mío, te echaré, porque no quiero perder mi trabajo.
JEAN-JACQUES: Ne pourroit-on pas pro oser un arrangement au bon Robert ? Qu′il nous accorde, à mon petit ami & à moi, un coin de son jardin pour le cultiver, à condition qu′il aura la moitié du produit. JUAN JACOBO: : ¿:No nos podríamos arreglar con el buen Roberto? Que nos dé a mi amiguito y a mí un rincón de su huerto, con la condición de que le daremos la mitad de lo que produzca.
ROBERT: Je vous l′accorde sans condition. Mais souvenez-vous que j′irai labourer vos fèves, si vous touchez à mes melons. ROBERTO: Yo se lo doy a ustedes sin condición, pero sepan que iré a levantar sus habas si tocan mis melones.
Dans cet essai de la manière d’inculquer aux enfants les notions primitives, on voit comment l’idée de la propriété remonte naturellement au droit du premier occupant par le travail. Cela est clair, net, simple, et toujours à la portée de l’enfant. De là jusqu’au droit de propriété et aux échanges, il n’y a plus qu’un pas, après lequel il faut s’arrêter tout court. En este ensayo sobre la manera de inculcar a los niños las nociones primitivas, vemos cómo la idea de propiedad es natural al derecho del primer ocupante por el trabajo. Esto es claro, franco, sencillo y siempre al alcance del niño. Desde este punto, ′hasta llegar al derecho de propiedad y las permutas, no falta mas que un paso, y una vez dado ya no se debe seguir adelante.
On voit encore qu’une explication que je renferme ici dans deux pages d’écriture sera peut-être l’affaire d’un an pour la pratique ; car, dans la carrière des idées morales, on ne peut avancer trop lentement, ni trop bien s’affermir à chaque pas. Jeunes maîtres, pensez, je vous prie, à cet exemple, et souvenez-vous qu’en toute chose vos leçons doivent être plus en actions qu’en discours ; car les enfants oublient aisément ce qu’ils ont dit et ce qu’on leur a dit, mais non pas ce qu’ils ont fait et ce qu’on leur a fait. Es de observar cómo una explicación que he limitado en dos páginas, tal vez sea la materia de nuestro trabajo durante un año en el terreno práctico, puesto que en la carrera de las ideas morales no es posible su avance si no es con una gran lentitud, ni sobra el delicado cuidado que se ponga en asegurar firmemente cada uno de los pasos que se den. Jóvenes maestros, os suplico que meditéis sobre este ejemplo y tengáis presente que vuestras lecciones deben estar fundamentadas más en las acciones que en discursos, ya que los niños se olvidan fácilmente de cuanto han dicho y oído, y recuerdan muy bien lo que han realizado y les ha sucedido.
De pareilles instructions se doivent donner, comme je l’ai dit, plus tôt ou plus tard, selon que le naturel paisible ou turbulent de l’élève en accélère ou retarde le besoin ; leur usage est d’une évidence qui saute aux yeux ; mais, pour ne rien omettre d’important dans les choses difficiles, donnons encore un exemple. Más pronto o más tarde deben darse enseñanzas de esta clase, como he manifestado, según se apresure o retarde la necesidad de aleccionar por la índole pacífica o revoltosa del alumno; la necesidad de enseñar es de una evidencia palpable, pero para no dejar nada importante en lo que se refiere a cosas dificultosas, daremos todavía otro ejemplo.
Votre enfant dyscole gâte tout ce qu’il touche : ne vous fâchez point ; mettez hors de sa portée ce qu’il peut gâter. Il brise les meubles dont il se sert ; ne vous hâtez point de lui en donner d’autres : laissez-lui sentir le préjudice de la privation. Il casse les fenêtres de sa chambre ; laissez le vent souffler sur lui nuit et jour sans vous soucier des rhumes ; car il vaut mieux qu’il soit enrhumé que fou. Ne vous plaignez jamais des incommodités qu’il vous cause, mais faites qu’il les sente le premier. À la fin vous faites raccommoder les vitres, toujours sans rien dire. Il les casse encore ? changez alors de méthode ; dites-lui sèchement, mais sans colère : Les fenêtres sont à moi ; elles ont été mises là par mes soins ; je veux les garantir. Puis vous l’enfermerez à l’obscurité dans un lieu sans fenêtre. À ce procédé si nouveau il commence par crier, tempêter ; personne ne l’écoute. Bientôt il se lasse et change de ton ; il se plaint, il gémit : un domestique se présente, le mutin le prie de le délivrer. Sans chercher de prétexte pour n’en rien faire, le domestique répond : J’ai aussi des vitres à conserver, et s’en va. Enfin, après que l’enfant aura demeuré là plusieurs heures, assez longtemps pour s’y ennuyer et s’en souvenir, quelqu’un lui suggérera de vous proposer un accord au moyen duquel vous lui rendriez la liberté, et il ne casserait plus de vitres. Il ne demandera pas mieux. Il vous fera prier de le venir voir : vous viendrez ; il vous fera sa proposition, et vous l’accepterez à l’instant en lui disant : C’est très bien pensé ; nous y gagnerons tous deux : que n’avez-vous eu plus tôt cette bonne idée ! Et puis, sans lui demander ni protestation ni confirmation de sa promesse, vous l’embrasserez avec joie et l’emmènerez sur-le-champ dans sa chambre, regardant cet accord comme sacré et inviolable autant que si le serment y avait passé. Quelle idée pensez-vous qu’il prendra, sur ce procédé, de la foi des engagements et de leur utilité ? Je suis trompé s’il y a sur la terre un seul enfant, non déjà gâté, à l’épreuve de cette conduite, et qui s’avise après cela de casser une fenêtre à dessein. Suivez la chaîne de tout cela. Le petit méchant ne songeait guère, en faisant un trou pour planter sa fève, qu’il se creusait un cachot où sa science ne tarderait pas à le faire enfermer[10]. Vuestro desobediente niño estropea todo lo que toca, pero no debéis enfadaros y sólo procede desviar o apartar de él lo que puede echar a perder. ¿:Rompe los muebles de los cuales ha de servirse? Pues no os deis prisa en darle otros, y procurad que sienta todo el daño de la privación. ¿:Rompe los cristales de sus ventanas? Dejad que le dé el viento de día y de noche, sin preocuparos de sus resfriados, ya que más vale que se resfríe que no que siga con sus locuras. Nunca os quejaréis de las incomodidades que os produce, pero debéis procurar que sea él quien las sufra primero. Después, hacéis poner los cristales sin decirle nada. ¿:Los vuelve a romper? Cambiad entonces de método; decidle con sequedad pero sin enojo: «Las ventanas son mías y quiero que no me moleste el aire». Luego le encerráis en un cuarto oscuro y sin ventanas. Después de tan extraño proceder, grita y alborota, pero nadie le hace el menor caso. Pronto se cansa, se aturde y cambia de sistema; ahora se lamenta y solloza, se presenta un criado y el alborotador le ruega que le saque de allí. Sin molestarse en buscar argumentos para complacerle, responde el criado: «También yo tengo cristales que quiero conservar», y se marcha. Por último, transcurridas algunas horas en su encierro, el tiempo preciso para fastidiarse y no olvidar la lección, alguien irá a sugerirle la idea de que os proponga un convenio en virtud del cual no romperá más cristales a cambio de su libertad. No desea otra cosa; os hará llamar, acudiréis, hará su propuesta, y la admitiréis al instante, diciéndole: «Eso está muy bien pensado y los dos ganaremos; ¿:por qué no se te ocurrió antes esa idea?». Después, sin exigir confirmaciones de su promesa, le daréis un cariñoso abrazo y le llevaréis seguidamente a su aposento, considerando este convenio tan inviolable y sagrado como si se hubiera realizado bajo un solemne juramento. ¿:Cuál será la idea que tendrá de esta forma de actuar, de la fe en los convenios y de su utilidad? O estoy equivocado o no hay en la tierra un niño, sino está corrompido de antemano, que piense en romper adrede un cristal. Dedúzcase de todo cuanto hemos manifestado el encadenamiento que existe en todo ello; cuando hacía un agujero para sembrar unas habas no pensaba que existía un calabozo en el cual no tardaría mucho en encerrarle su ciencia .
Nous voilà dans le monde moral, voilà la porte ouverte au vice. Avec les conventions et les devoirs naissent la tromperie et le mensonge. Dès qu’on peut faire ce qu’on ne doit pas, on veut cacher ce qu’on n’a pas dû faire. Dès qu’un intérêt fait promettre, un intérêt plus grand peut faire violer la promesse ; il ne s’agit plus de la violer impunément : la ressource est naturelle ; on se cache et l’on ment. N’ayant pu prévenir le vice, nous voici déjà dans le cas de le punir. Voilà les misères de la vie humaine qui commencent avec ses erreurs. Estamos aquí en el mundo moral y ved ahí la huerta abierta al vicio; con los pactos y las obligaciones nacen la mentira y el engaño. Tan pronto como se adquiere la libertad de hacer lo que no se debe, procuramos ocultar lo que hemos hecho, de tal modo que el interés nos obliga a prometer, y otro interés mayor tiene fuerza para que se viole la promesa; sólo se trata de violarla impunemente, siendo el recurso natural esconderse y mentir. Al no haberse podido prevenir el vicio, hemos caído en la obligación de castigarlo. Estas son las miserias de la vida humana, las cuales tienen sus inicios con los errores.
J’en ai dit assez pour faire entendre qu’il ne faut jamais infliger aux enfants le châtiment comme châtiment, mais qu’il doit toujours leur arriver comme une suite naturelle de leur mauvaise action. Ainsi vous ne déclamerez point contre le mensonge, vous ne les punirez point précisément pour avoir menti ; mais vous ferez que tous les mauvais effets du mensonge, comme de n’être point cru quand on dit la vérité, d’être accusé du mal qu’on n’a point fait, quoiqu’on s’en défende, se rassemblent sur leur tête quand ils ont menti. Mais expliquons ce que c’est que mentir pour les enfants. He expuesto lo suficiente para que se comprenda que jamás se debe castigar a los niños como tal castigo, sino que el castigo siempre les debe venir como natural consecuencia de una mala acción. No haréis, pues, discursos, contra la mentira, y no les castigaréis precisamente por haber mentido, sino que debéis procurar que cuando mientan recaigan todos sus efectos sobre ellos, como, por ejemplo, la de no creerles cuando dicen la verdad, o acusarles de algo que no han hecho, aunque ellos lo nieguen. Pero es necesario que antes expliquemos qué cosa es mentir a los niños, para que no se vean o se crean injustamente castigados.
Il y a deux sortes de mensonges : celui de fait qui regarde le passé, celui de droit qui regarde l’avenir. Le premier a lieu quand on nie d’avoir fait ce qu’on a fait, ou quand on affirme avoir fait ce qu’on n’a pas fait, et en général quand on parle sciemment contre la vérité des choses. L’autre a lieu quand on promet ce qu’on n’a pas dessein de tenir, et en général quand on montre une intention contraire à celle qu’on a. Ces deux mensonges peuvent quelquefois se rassembler dans le même[11] ; mais je les considère ici par ce qu’ils ont de différent. Existen dos clases de mentiras: la de hecho, que se refiere a una acción pasada, y la de derecho, que es la que tiene relación con lo futuro. Cuando uno niega lo que ha realizado o afirma haber hecho lo que no hizo, y de un modo general habla a sabiendas contra la verdad de las cosas, la mentira pertenece a la primera clase. La segunda está en la promesa que no se tiene intención de cumplir, y en manifestar una intención contraria a la que se tiene. En algunos casos ambas mentiras pueden concretarse en una sola , pero aquí sólo las considero en lo referente a sus diferencian.
Celui qui sent le besoin qu’il a du secours des autres, et qui ne cesse d’éprouver leur bienveillance, n’a nul intérêt de les tromper ; au contraire, il a un intérêt sensible qu’ils voient les choses comme elles sont, de peur qu’ils ne se trompent à son préjudice. Il est donc clair que le mensonge de fait n’est pas naturel aux enfants ; mais c’est la loi de l’obéissance qui produit la nécessité de mentir, parce que l’obéissance étant pénible, on s’en dispense en secret le plus qu’on peut, et que l’intérêt présent d’éviter le châtiment ou le reproche l’emporte sur l’intérêt éloigné d’exposer la vérité. Dans l’éducation naturelle et libre, pourquoi donc votre enfant vous mentirait-il ? Qu’a-t-il à vous cacher ? Vous ne le reprenez point, vous ne le punissez de rien, vous n’exigez rien de lui. Pourquoi ne vous dirait-il pas tout ce qu’il a fait aussi naïvement qu’à son petit camarade ? Il ne peut voir à cet aveu plus de danger d’un côté que de l’autre. Aquel que siente la necesidad del auxilio de los demás y continuamente le alcanza su benevolencia, no tiene ningún interés en engañarlos; por el contrario, tiene un evidente interés en que vean las cosas tal como son por temor de que se engañen en perjuicio suyo. Se ve claramente, pues, que la mentira de hecho no es natural a los niños, pero es la ley de la obediencia lo que despierta la necesidad de mentir, porque siendo la obediencia penosa, en secreto se la rehúye todo lo posible, y el interés por evitar la represión o el castigo puede más que la parodia de expresar la verdad. En la educación libre y natural, ¿:por qué ha de mentir vuestro hijo? ¿:Qué es lo que tiene que ocultaron? Si no le reprendéis, no le castigáis por nada, ni exigís nada de él, ¿:por qué os ha de ocultar lo que ha hecho, diciéndolo con la misma ingenuidad con que se lo diría a un camarada suyo? El no ve más peligro en confesarlo a uno o a otro.
Le mensonge de droit est moins naturel encore, puisque les promesses de faire ou de s’abstenir sont des actes conventionnels, qui sortent de l’état de nature et dérogent à la liberté. Il y a plus : tous les engagements des enfants sont nuls par eux-mêmes, attendu que leur vue bornée ne pouvant s’étendre au delà du présent, en s’engageant ils ne savent ce qu’ils font. À peine l’enfant peut-il mentir quand il s’engage ; car, ne songeant qu’à se tirer d’affaire dans le moment présent, tout moyen qui n’a pas un effet présent lui devient égal ; en promettant pour un temps futur, il ne promet rien, et son imagination encore endormie ne sait point étendre son être sur deux temps différents. S’il pouvait éviter le fouet ou obtenir un cornet de dragées en promettant de se jeter demain par la fenêtre, il le promettrait à l’instant. Voilà pourquoi les lois n’ont aucun égard aux engagements des enfants ; et quand les pères et les maîtres plus sévères exigent qu’ils les remplissent, c’est seulement dans ce que l’enfant devrait faire, quand même il ne l’aurait pas promis. La mentira de derecho todavía es menos natural, ya que las promesas de hacer o de abstenerse son actos convencionales que salen del campo natural y derogan la libertad. Pero debe tenerse presente que todas las obligaciones de los niños son de carácter nulo en sí mismas, debido a que, no pudiendo percibir las cosas más allá de lo presente, ignoran lo que hacen en el momento en que se obligan. Comprometiéndose, casi no es posible que mienta un niño, porque pensando solamente en salir del apuro del momento, le parece indiferente todo medio que carece de un efecto inmediato, no promete nada cuando lo hace para un tiempo futuro, y estando su imaginación todavía adormecida, carece del poder necesario para extender su estado a dos épocas distintas. Si pudiese evitar unos azotes, o se le prometiera un paquete de dulces a condición de al día siguiente arrojarse por el balcón, lo prometería en el acto. Por la misma causa las leyes no toman en consideración ninguna de las obligaciones de los niños, y si los padres y los maestros más severos exigen que las cumplan, se debe a que se trata de cosas que debería realizar el niño, aun cuando no lo hubiera prometido.
L’enfant, ne sachant ce qu’il fait quand il s’engage, ne peut donc mentir en s’engageant. Il n’en est pas de même quand il manque à sa promesse, ce qui est encore une espèce de mensonge rétroactif : car il se souvient très bien d’avoir fait cette promesse ; mais ce qu’il ne voit pas, c’est l’importance de la tenir. Hors d’état de lire dans l’avenir, il ne peut prévoir les conséquences des choses ; et quand il viole ses engagements, il ne fait rien contre la raison de son âge. No sabiendo el niño a lo que se obliga cuando promete, se ve claramente que no se halla en condiciones de poder mentir. No podemos decir lo mismo cuando falta a una palabra, que es también una especie de mentira retroactiva, ya que él recuerda perfectamente que prometió cumplirla, pero de lo que no se da cuenta todavía es de la importancia que tiene. Fuera de pensar en el porvenir, no puede prever las consecuencias dé nada, y cuando incumple sus promesas, no hace nada que esté contra la razón de su edad.
Il suit de là que les mensonges des enfants sont tous l’ouvrage des maîtres, et que vouloir leur apprendre à dire la vérité n’est autre chose que leur apprendre à mentir. Dans l’empressement qu’on a de les régler, de les gouverner, de les instruire, on ne se trouve jamais assez d’instruments pour en venir à bout. On veut se donner de nouvelles prises dans leur esprit par des maximes sans fondement, par des préceptes sans raison, et l’on aime mieux qu’ils sachent leurs leçons et qu’ils mentent, que s’ils demeuraient ignorants et vrais. De esto se deduce que las mentiras de los niños son la obra de los maestros, y querer que aprendan a decir la verdad no es más que enseñarles a mentir. Con el afán de dictarles reglas, gobernarles e instruirles, nunca hallan medios suficientes para conseguir sus propósitos; pretenden enlazar su espíritu con máximas infundadas, con preceptos faltos de razón, y prefieren que sepan su lección y mientan a que se queden ignorantes y sean veraces.
Pour nous, qui ne donnons à nos élèves que des leçons de pratique, et qui aimons mieux qu’ils soient bons que savants, nous n’exigeons point d’eux la vérité, de peur qu’ils ne la déguisent, et nous ne leur faisons rien promettre qu’ils soient tentés de ne pas tenir. S’il s’est fait en mon absence quelque mal dont j’ignore l’auteur, je me garderai d’en accuser Émile, ou de lui dire : Est-ce vous[12] ? Car en cela que ferais-je autre chose, sinon lui apprendre à le nier ? Que si son naturel difficile me force à faire avec lui quelque convention, je prendrai si bien mes mesures que la proposition en vienne toujours de lui, jamais de moi ; que, quand il s’est engagé, il ait toujours un intérêt présent et sensible à remplir son engagement ; et que, si jamais il y manque, ce mensonge attire sur lui des maux qu’il voie sortir de l’ordre même des choses, et non pas de la vengeance de son gouverneur. Mais, loin d’avoir besoin de recourir à de si cruels expédients, je suis presque sûr qu’Émile apprendra fort tard ce que c’est que mentir, et qu’en l’apprenant il sera fort étonné, ne pouvant concevoir à quoi peut être bon le mensonge. Il est très clair que plus je rends son bien-être indépendant, soit des volontés, soit des jugements des autres, plus je coupe en lui tout intérêt de mentir. Nosotros, que sólo damos a nuestros alumnos lecciones prácticas, y que antes los preferimos buenos que sabios, no exigimos de ellos la verdad, por miedo a que la falseen, ni les obligamos a que prometan nada que pueda ser causa de caer en la tentación de no cumplir. Si se ha cometido durante mi ausencia algún disparate y yo ignoro quién ha sido, me abstendré de acusar a Emilio o de preguntarle: «¿:Has sido tú?» . Pues, ¿:qué otra cosa haría con esto sino enseñarle a negar? Y si por su natural difícil me obliga a llegar a algún convenio con él, tomaré mis medidas de tal modo que la propuesta siempre proceda de él, y no de mí, y una vez se haya obligado, procuraré que siempre tenga un vivo interés en cumplir su palabra, y si alguna vez faltase a ella, que era mentira le produzca molestias que vea que salen del mismo orden de las cosas y no de la venganza de su maestro. Pero, lejos de tener que recurrir a expedientes tan crueles, estoy casi seguro de que Emilio sabrá más tarde qué cosa es mentir, y que cuando lo sepa se quedará admirado y no comprenderá para qué puede ser buena la mentira. Es indiscutible que el hacer más independiente su bienestar, tanto de la voluntad como del juicio ajeno, más aparto de él todo interés en mentir.
Quand on n’est point pressé d’instruire, on n’est point pressé d’exiger, et l’on prend son temps pour ne rien exiger qu’à propos. Alors l’enfant se forme, en ce qu’il ne se gâte point. Mais, quand un étourdi de précepteur, ne sachant comment s’y prendre, lui fait à chaque instant promettre ceci ou cela, sans distinction, sans choix, sans mesure, l’enfant, ennuyé, surchargé de toutes ces promesses, les néglige, les oublie, les dédaigne enfin, et, les regardant comme autant de vaines formules, se fait un jeu de les faire et de les violer. Voulez-vous donc qu’il soit fidèle à tenir sa parole, soyez discret à l’exiger. Cuando no se lleva prisa en instruir, tampoco debemos exigir, y se toma el tiempo suficiente para no exigir nada que esté fuera de razón. De este modo es como se va formando el niño y no se le echa a perder. Pero cuando un preceptor desconcertado, que no sabe qué hacer, le obliga a cada instante a que prometa esto o aquello, sin distinción, ni elección, ni medida, el niño, fastidiado y abrumado con todas estas promesas, las descuida, se olvida de ellas las desdeña, y, por último, mirándolas como cláusulas de un vano formulario, tanto le da cumplirlas como rehusarlas. Si queréis que permanezca fiel en el cumplimiento de su palabra, es preciso que se le exija con mucha discreción.
Le détail dans lequel je viens d’entrer sur le mensonge peut à bien des égards s’appliquer à tous les autres devoirs, qu’on ne prescrit aux enfants qu’en les leur rendant non seulement haïssables, mais impraticables. Pour paraître leur prêcher la vertu, on leur fait aimer tous les vices : on les leur donne, en leur défendant de les avoir. Veut-on les rendre pieux, on les mène s’ennuyer à l’église ; en leur faisant incessamment marmotter des prières, on les force d’aspirer au bonheur de ne plus prier Dieu. Pour leur inspirer la charité, on leur fait donner l’aumône, comme si l’on dédaignait de la donner soi-même. Eh ! ce n’est pas l’enfant qui doit donner, c’est le maître : quelque attachement qu’il ait pour son élève, il doit lui disputer cet honneur ; il doit lui faire juger qu’à son âge on n’en est point encore digne. L’aumône est une action d’homme qui connaît la valeur de ce qu’il donne, et le besoin que son semblable en a. L’enfant, qui ne connaît rien de cela, ne peut avoir aucun mérite à donner ; il donne sans charité, sans bienfaisance ; il est presque honteux de donner, quand, fondé sur son exemple et le vôtre, il croit qu’il n’y a que les enfants qui donnent, et qu’on ne fait plus l’aumône étant grand. El detalle en que acabo de entrar, referente a la mentira, puede ser aplicado bajo muchos aspectos a todas las otras obligaciones, que al mismo tiempo que las ordenan a los niños, se las hacen aborrecibles además de impracticables. A causa de predicarles la virtud, les hacen amar todos los vicios, y les son inspirados prohibiéndoles que los contraigan. Cuando los quieren hacer piadosos, los llevan a que se aburran en la iglesia, obligándoles a que balbuceen incesantemente oraciones entre dientes y a que aspiren a la dicha de no tener necesidad de encomendarse a Dios. Con el fin de inspirarles la caridad, les hacen dar limosna, como si los maestros tuviesen a menos al darla ellos mismos, olvidando que no es el niño quien debe dar, sino el maestro; por mucho afecto que tenga a su alumno, no le debe ceder este honor, y debe inculcarle que por su edad no es aún acreedor a él. La limosna es una acción del hombre que sabe el valor de lo que da y la necesidad que tiene de ella su semejante; por consiguiente, el niño, que ignora eso, está imposibilitado para la adquisición de algún mérito al dar limosna al necesitado. El da sin caridad ni beneficencia, casi avergonzado, basándose en el ejemplo de que sólo los niños dan limosna, y nunca los mayores.
Remarquez qu’on ne fait jamais donner par l’enfant que des choses dont il ignore la valeur, des pièces de métal qu’il a dans sa poche, et qui ne lui servent qu’à cela. Un enfant donnerait plutôt cent louis qu’un gâteau. Mais engagez ce prodigue distributeur à donner les choses qui lui sont chères, des jouets, des bonbons, son goûter, et nous saurons bientôt si vous l’avez rendu vraiment libéral. Se debe tener presente que nunca hacen dar al niño otras cosas que aquellas cuyo valor desconoce: piezas de metal que lleva en el bolsillo y que sólo le sirven para eso. Antes daría un niño cien doblones que un pastel. Que se le diga a este repartidor tan espléndido que dé las cosas que más le gustan: sus juguetes, sus dulces, su merienda, y pronto veremos si habéis conseguido que sea generoso.
On trouve encore un expédient à cela, c’est de rendre bien vite à l’enfant ce qu’il a donné, de sorte qu’il s’accoutume à donner tout ce qu’il sait bien qui lui va revenir. Je n’ai guère vu dans les enfants que ces deux espèces de générosité : donner ce qui ne leur est bon à rien, ou donner ce qu’ils sont sûrs qu’on va leur rendre. Faites en sorte, dit Locke, qu’ils soient convaincus par expérience que le plus libéral est toujours le mieux partagé. C’est là rendre un enfant libéral en apparence et avare en effet. Il ajoute que les enfants contracteront ainsi l’habitude de la libéralité. Oui, d’une libéralité usurière, qui donne un œuf pour avoir un bœuf. Mais, quand il s’agira de donner tout de bon, adieu l’habitude ; lorsqu’on cessera de leur rendre, ils cesseront bientôt de donner. Il faut regarder à l’habitude de l’âme plutôt qu’à celle des mains. Toutes les autres vertus qu’on apprend aux enfants ressemblent à celle-là. Et c’est à leur prêcher ces solides vertus qu’on use leurs jeunes ans dans la tristesse ! Ne voilà-t-il pas une savante éducation ! Hay también otro recurso para esto, el cual consiste en devolverle al niño lo que ha dado, y pronto veremos que da aquello que sabe que se lo devolverán. Sólo he observado en los niños estas dos clases de generosidad: dar lo que de nada les sirve, o dar lo que están seguros que les restituirán. «Obrad de modo, dice Locke, que por experiencia se convenzan de que siempre el más liberal sale mejor librado»; eso es hacer el niño liberal en apariencia y avaro en realidad. Luego añade que así contraerán los niños el hábito de la liberalidad; sí, de una liberalidad usuraria que da uno para sacar ciento. Se debe atender al hábito del alma, no al de las manos. A ésta se parecen todas las demás virtudes que enseñan a los niños. ¡Y por predicarles virtudes tan sólidas, consumen en la tristeza sus primero años! Rechazad una educación tan sabia.
Maîtres, laissez les simagrées, soyez vertueux et bons, que vos exemples se gravent dans la mémoire de vos élèves, en attendant qu’ils puissent entrer dans leurs cœurs. Au lieu de me hâter d’exiger du mien des actes de charité, j’aime mieux en faire en sa présence, et lui ôter même le moyen de m’imiter en cela, comme un honneur qui n’est pas de son âge ; car il importe qu’il ne s’accoutume pas à regarder les devoirs des hommes seulement comme des devoirs d’enfants. Que si, me voyant assister les pauvres, il me questionne là-dessus, et qu’il soit temps de lui répondre[13], je lui dirai : « Mon ami, c’est que, quand les pauvres ont bien voulu qu’il y eût des riches, les riches ont promis de nourrir tous ceux qui n’auraient de quoi vivre ni par leur bien ni par leur travail. » « Vous avez donc aussi promis cela ? » reprendra-t-il. « Sans doute ; je ne suis maître du bien qui passe par mes mains qu’avec la condition qui est attachée à sa propriété. » Maestros, dejad estas puerilidades, sed virtuosos y buenos y procurad que vuestros ejemplos queden grabados en la memoria de los alumnos, hasta que puedan penetrar profundamente en su tierno corazón. En lugar de exigirle a mi alumno obras de caridad, prefiero hacerlas yo en su presencia, y aún trataré de evitar que me imite, debido a que no es conveniente a su corta edad, ya que es importante que no considere las obligaciones de los hombres como costumbres de los niños. Y si al ver que auxilio a los pobres me hace preguntas sobre esto, y veo que es oportuno contestarle , le diré: «Amigo mío, esto es porque cuando los pobres consintieron en que hubiera ricos, los ricos prometieron ayudar a todos aquellos que ni con sus bienes ni con su trabajo se pudieran mantener». «Entonces, ¿:también usted lo prometió?» «Claro que sí, porque sólo soy el dueño de los bienes que pasan por mis manos, con la condición de que no es absoluta mi propiedad.»
Après avoir entendu ce discours, et l’on a vu comment on peut mettre un enfant en état de l’entendre, un autre qu’Émile serait tenté de m’imiter et de se conduire en homme riche ; en pareil cas, j’empêcherais au moins que ce ne fût avec ostentation ; j’aimerais mieux qu’il me dérobât mon droit et se cachât pour donner. C’est une fraude de son âge, et la seule que je lui pardonnerais. Después de oír este discurso (y ya se ha visto cómo debe prepararse al niño para que esté en condiciones de entenderlo), otro que no fuera Emilio caería en la tentación de imitar y se comportaría como un hombre rico, y en este caso procuraría ponerle algún estorbo para que no lo hiciera con ostentación; preferiría que me quitase mi derecho y se escondiera para hacer la dádiva. Por ser propio de su edad, sería el único fraude que yo le perdonaría.
Je sais que toutes ces vertus par imitation sont des vertus de singe, et que nulle bonne action n’est moralement bonne que quand on la fait comme telle, et non parce que d’autres la font. Mais, dans un âge où le cœur ne sent rien encore, il faut bien faire imiter aux enfants les actes dont on veut leur donner l’habitude, en attendant qu’ils les puissent faire par discernement et par amour du bien. L’homme est imitateur, l’animal même l’est ; le goût de l’imitation est de la nature bien ordonnée ; mais il dégénère en vice dans la société. Le singe imite l’homme qu’il craint, et n’imite pas les animaux qu’il méprise ; il juge bon ce que fait un être meilleur que lui. Parmi nous, au contraire, nos arlequins de toute espèce imitent le beau pour le dégrader, pour le rendre ridicule ; ils cherchent dans le sentiment de leur bassesse à s’égaler ce qui vaut mieux qu’eux ; ou, s’ils s’efforcent d’imiter ce qu’ils admirent, on voit dans le choix des objets le faux goût des imitateurs : ils veulent bien plus en imposer aux autres ou faire applaudir leur talent, que se rendre meilleurs ou plus sages. Le fondement de l’imitation parmi nous vient du désir de se transporter toujours hors de soi. Si je réussis dans mon entreprise, Émile n’aura sûrement pas ce désir. Il faut donc nous passer du bien apparent qu’il peut produire. Yo sé que las virtudes de imitación son como las de los monos, y que una buena acción, no porque lo es, sino porque la realizan los demás, no es moralmente buena. Pero es necesario procurar que los niños imiten los actos cuyo hábito queremos que adquieran, puesto que a su edad todavía no siente nada su corazón, y mientras va llegando el tiempo del discernimiento, pueden realizarlos por amor al bien. Sabemos que el hombre es un ser que imita a los demás, lo mismo que los animales. La propensión a imitar sale de la naturaleza bien ordenada, pero en la sociedad degenera en vicio. Imita el mono al hombre, a quien teme, y en cambio no imita de los animales, a los que desprecia, cree bueno todo lo que hace un ser superior a él. Entre los hombres sucede lo contrario; nuestros graciosos de todas las especies imitan lo hermoso y bello para rebajarlo y hasta ridiculizarlo; convencidos íntimamente de su ruindad, se proponen igualarse con los que valen más que ellos, y si se esfuerzan en imitar lo que les parece digno de admiración, en la elección de los objetos demuestran el mediocre gusto de los imitadores, los cuales prefieren antes engañar a los otros o elogiar su propio talento, que ilustrarse y mejorar. El fundamento de la imitación entre nosotros viene del deseo de no ser siempre el mismo. Si yo salgo bien de mi empresa, mi Emilio no deseará hacer lo mismo; de este modo, será necesario renunciar al aparente bien que puede producir.
Approfondissez toutes les règles de votre éducation, vous les trouverez ainsi toutes à contresens, surtout en ce qui concerne les vertus et les mœurs. La seule leçon de morale qui convienne à l’enfance, et la plus importante à tout âge, est de ne jamais faire de mal à personne. Le précepte même de faire du bien, s’il n’est subordonné à celui-là, est dangereux, faux, contradictoire. Qui est-ce qui ne fait pas du bien ? tout le monde en fait, le méchant comme les autres ; il fait un heureux aux dépens de cent misérables ; et de là viennent toutes nos calamités. Les plus sublimes vertus sont négatives : elles sont aussi les plus difficiles, parce qu’elles sont sans ostentation, et au-dessus même de ce plaisir si doux au cœur de l’homme, d’en renvoyer un autre content de nous. O quel bien fait nécessairement à ses semblables celui d’entre eux, s’il en est un, qui ne leur fait jamais de mal ! De quelle intrépidité d’âme, de quelle vigueur de caractère il a besoin pour cela ! Ce n’est pas raisonnant sur cette maxime, c’est en tâchant de la pratiquer, qu’on sent combien il est grand et pénible d’y réussir[14]. Adentraos en lo más íntimo de las reglas de vuestra educación y las hallaréis totalmente opuestas a la razón, particularmente en lo que se refiere a las virtudes y a las costumbres. La sola lección de moral que conviene a la infancia y la que más importancia tiene en todas las edades es la de no causar ningún mal a nadie. El mismo precepto de hacer el bien, cuando no está subordinado al otro, es peligroso, falso y contradictorio. ¿:Quién hay que no haga el bien? Todo el mundo hace algo bueno, lo mismo el perverso como los otros, el cual hace un hombre dichoso a costa de cien miserables, y de aquí vienen todas nuestras calamidades. Las más sublimes virtudes son negativas, y son también las más difíciles, porque van desprovistas de ostentación y ocupan un lugar más elevado que el mismo placer, tan dulce para el corazón del hombre, deseoso de que otro se vaya contento y satisfecho de nosotros. ¡Oh, cuánto bien hace a sus semejantes aquel que, si hay alguno, nunca hace mal! ¡Qué carácter tan íntegro y qué ánimo tan intrépido el suyo! Esto no consiste en razonar sobre esta máxima, sino procurando ponerla en práctica, viendo lo que es noble y lo que se debe rechazar .
Voilà quelques faibles idées des précautions avec lesquelles je voudrais qu’on donnât aux enfants les instructions qu’on ne peut quelquefois leur refuser sans les exposer à nuire à eux-mêmes ou aux autres, et surtout à contracter de mauvaises habitudes dont on aurait peine ensuite à les corriger : mais soyons sûrs que cette nécessité se présentera rarement pour les enfants élevés comme ils doivent l’être, parce qu’il est impossible qu’ils deviennent indociles, méchants, menteurs, avides, quand on n’aura pas semé dans leurs cœurs les vices qui les rendent tels. Ainsi ce que j’ai dit sur ce point sert plus aux exceptions qu’aux règles ; mais ces exceptions sont plus fréquentes à mesure que les enfants ont plus d’occasions de sortir de leur état et de contracter les vices des hommes. Il faut nécessairement, à ceux qu’on élève au milieu du monde, des instructions plus précoces qu’à ceux qu’on élève dans la retraite. Cette éducation solitaire serait donc préférable, quand elle ne ferait que donner à l’enfance le temps de mûrir. He aquí algunas breves ideas acerca de las precauciones con que quisiera yo que a los niños se les dieran las instrucciones que a veces no se les pueden negar, sin exponerlos a que hagan daño a los demás o a sí mismos, especialmente en contraer malos hábitos, que más tare serían difíciles de corregir, pero podemos estar seguros de que serán raras las veces que nos encontraremos en esta necesidad con niños educados como deben serlo, debido a que no hay posibilidad de que se vuelvan indóciles, malos y embusteros, si no han arraigado en su corazón los vicios que los descarrían, de tal manera que cuanto llevo dicho sobre este punto, más que a las reglas se aplica a las excepciones, pero éstas son más comunes a medida que los niños tienen más ocasiones de salir de su estado y contraer los vicios de los hombres. Aquellos que en medio del bullicio del mundo se educan con precisión, les son necesarias unas instrucciones más precoces que a los que están educados en la soledad. Esa educación sería preferible, aunque no hiciera otra cosa que dar tiempo para que madure la infancia.
Il est un autre genre d’exceptions contraires pour ceux qu’un heureux naturel élève au-dessus de leur âge. Comme il y a des hommes qui ne sortent jamais de l’enfance, il y en a d’autres qui, pour ainsi dire, n’y passent point, et sont hommes presque en naissant. Le mal est que cette dernière exception est très rare, très difficile à connaître, et que chaque mère, imaginant qu’un enfant peut être un prodige, ne doute point que le sien n’en soit un. Elles font plus, elles prennent pour des indices extraordinaires ceux mêmes qui marquent l’ordre accoutumé : la vivacité, les saillies, l’étourderie, la piquante naïveté ; tous signes caractéristiques de l’âge, et qui montrent le mieux qu’un enfant n’est qu’un enfant. Est-il étonnant que celui qu’on fait beaucoup parler et à qui l’on permet de tout dire, qui n’est gêné par aucun égard, par aucune bienséance, fasse par hasard quelque heureuse rencontre ? Il le serait bien plus qu’il n’en fît jamais, comme il le serait qu’avec mille mensonges un astrologue ne prédît jamais aucune vérité. Ils mentiront tant, disait Henri IV, qu’à la fin ils diront vrai. Quiconque veut trouver quelques bons mots n’a qu’à dire beaucoup de sottises. Dieu garde de mal les gens à la mode, qui n’ont pas d’autre mérite pour être fêtés ! Hay otro género de excepciones contrarias para aquellos que un feliz natural les hace superiores a su edad. Así como hay hombres que nunca salen de la infancia, hay otros, por así decirlo, que no se detienen en la niñez, y casi son hombres desde que nacen. El mal está en que esta última excepción es rarísima, muy difícil, y al figurarse cada madre que su niño puede ser un portento, termina convencida de que lo es en realidad, y aún hacen más, pues consideran como indicios extraordinarios los normales: la viveza, la improvisación, el atolondramiento, las ingenuidades graciosas, señales características de la edad y que demuestran con toda claridad que el niño no es otra cosa que niño. ¿:Qué tiene de extraño que aquel a quien dejan hablar mucho v le permiten que diga lo que se le antoje, que no se halla sujeto por consideraciones ni respetos de ninguna clase, le salga por casualidad alguna feliz ocurrencia? Lo extraordinario sería que no tuviera alguna, de la misma manera que lo sería el que un astrólogo, entre mil mentiras, no predijese alguna verdad. «Ellos mentirán tanto -decía Enrique IV-, que por último darán con la verdad.» Quien pretenda decir ingeniosidades, no tiene más que decir muchas tonterías. ¡Que Dios libre de todo mal a las personas que siguen la moda, las cuales no tienen otro mérito que el de imitar!
Les pensées les plus brillantes peuvent tomber dans le cerveau des enfants, ou plutôt les meilleurs mots dans leur bouche, comme les diamants du plus grand prix sous leurs mains, sans que pour cela ni les pensées ni les diamants leur appartiennent ; il n’y a point de véritable propriété pour cet âge en aucun genre. Les choses que dit un enfant ne sont pas pour lui ce qu’elles sont pour nous ; il n’y joint pas les mêmes idées. Ces idées, si tant est qu’il en ait, n’ont dans sa tête ni suite ni liaison ; rien de fixe, rien d’assuré dans tout ce qu’il pense. Examinez votre prétendu prodige. En de certains moments vous lui trouverez un ressort d’une extrême activité, une clarté d’esprit à percer les nues. Le plus souvent ce même esprit vous paraît lâche, moite, et comme environné d’un épais brouillard. Tantôt il vous devance, et tantôt il reste immobile. Un instant vous diriez : c’est un génie, et l’instant d’après : c’est un sot. Vous vous tromperiez toujours ; c’est un enfant. C’est un aiglon qui fend l’air un instant, et retombe l’instant d’après dans son aire. Los pensamientos más brillantes pueden estar en el cerebro de los niños, o mejor, que los dichos más agudos salidos de la boca de un niño, al igual que los diamantes de más valor puestos en sus manos, no son suyos, a pesar de tenerlos; puesto que en esta edad no hay propiedad verdadera de ninguna especie. Las palabras que pronuncia un niño no tienen el mismo significado para él que para nosotros, ni les atribuye las mismas ideas, las cuales, si es que tiene algunas, permanecen en su cerebro sin orden ni conexión, por lo que en todo lo que piensa no hay nada que sea fijo ni seguro. Si analizamos ese pretendido portento, en algunos momentos encontraremos en él un resorte de una actividad extremada, una claridad dé entendimiento que cala en el vacío; frecuentemente parece un entendimiento flojo, decaído y como que esté cercado de una densa niebla. En unas ocasiones corre más que nosotros, y en otras se queda parado. Hay momentos que diríamos que tiene un raro ingenio, y poco después advertiríamos que es tonto, y siempre caeríamos en un error, ya que él es un niño. Es un aguilucho que vuela por un momento en el aire y luego vuelve a caer en su nido.
Traitez-le donc selon son âge malgré les apparences, et craignez d’épuiser ses forces pour les avoir voulu trop exercer. Si ce jeune cerveau s’échauffe, si vous voyez qu’il commence à bouillonner, laissez-le d’abord fermenter en liberté, mais ne l’excitez jamais, de peur que tout ne s’exhale ; et quand les premiers esprits se seront évaporés, retenez, comprimez les autres, jusqu’à ce qu’avec les années tout se tourne en chaleur vivifiante et en véritable force. Autrement vous perdrez votre temps et vos soins, vous détruirez votre propre ouvrage ; et après vous être indiscrètement enivrés de toutes ces vapeurs inflammables, il ne vous restera qu’un marc sans vigueur. Tratadle, pues, como conviene a su edad, a pesar de las apariencias, y procurad no apurar sus fuerzas obligándolas a un excesivo ejercicio. Si observáis que se calienta este centro nuevo y os dais cuenta de que ya empieza a hervir, dejad que fermente libremente, pero no le excitéis nunca, para que no se evapore, y cuando se hubiesen evaporado los primeros alientos, debéis comprimir y contener los restantes, hasta que con los años quede todo transformado en calor vivificante y en verdadera fuerza. Si dejaseis de realizarlo, perderíais el tiempo y el trabajo, y destruiríais lo realizado, y después de haberos extasiado locamente con todos estos vapores inflamables, sólo os quedaría un residuo carente de fuerza alguna.
Des enfants étourdis viennent les hommes vulgaires : je ne sache point d’observation plus générale et plus certaine que celle-là. Rien n’est plus difficile que de distinguer dans l’enfance la stupidité réelle, de cette apparente et trompeuse stupidité qui est l’annonce des âmes fortes. Il paraît d’abord étrange que les deux extrêmes aient des signes si semblables : et cela doit pourtant être ; car, dans un âge où l’homme n’a encore nulles véritables idées, toute la différence qui se trouve entre celui qui a du génie et celui qui n’en a pas, est que le dernier n’admet que de fausses idées, et que le premier, n’en trouvant que de telles, n’en admet aucune : il ressemble donc au stupide en ce que l’un n’est capable de rien, et que rien ne convient à l’autre. Le seul signe qui peut les distinguer dépend du hasard, qui peut offrir au dernier quelque idée à sa portée, au lieu que le premier est toujours le même partout. Le jeune Caton, durant son enfance, semblait un imbécile dans la maison. Il était taciturne et opiniâtre, voilà tout le jugement qu’on portait de lui. Ce ne fut que dans l’antichambre de Sylla que son oncle apprit à le connaître. S’il ne fût point entré dans cette antichambre, peut-être eût-il passé pour une brute jusqu’à l’âge de raison. Si César n’eût point vécu, peut-être eût-on toujours traité de visionnaire ce même Caton qui pénétra son funeste génie, et prévit tous ses projets de si loin. O que ceux qui jugent si précipitamment les enfants sont sujets à se tromper ! Ils sont souvent plus enfants qu’eux. J’ai vu, dans un âge assez avancé, un homme qui m’honorait de son amitié passer dans sa famille et chez ses amis pour un esprit borné : cette excellente tête se mûrissait en silence. Tout à coup il s’est montré philosophe, et je ne doute pas que la postérité ne lui marque une place honorable et distinguée parmi les meilleurs raisonneurs et les plus profonds métaphysiciens de son siècle. De los niños atolondrados salen hombres vulgares; no conozco una observación más general y verdadera que ésta. No hay nada más difícil que distinguir en la infancia la verdadera estupidez de la aparente y engañosa estupidez, que preanuncia las almas ánimos fuertes. Que tengan ambos extremos unos signos tan parecidos nos parece extraño a primera vista, pero es necesario que sea así, porque en una edad en la cual el hombre carece todavía de una verdadera idea, la diferencia que media entre el que está dotado de un verdadero ingenio y el que no tiene ninguno está en que éste sólo admite ideas falsas y el otro no halla ninguna verdadera y las desecha todas, pareciéndose al necio que no es capaz de nada, en que nada le conviene. La señal única capaz de hacer una distinción depende del azar, el cual suele presentar al último una idea a su alcance, mientras que el primero es el mismo siempre y en todos los casos. Catón el menor, durante su infancia, en su casa le creían imbécil porque era callado y terco. Pero su tío lo fue conociendo en la antecámara de Sila, y si no hubiese tenido esa oportunidad, tal vez le habría creído un necio hasta que hubiera llegado al uso de razón; de no haber vivido César, quizá se hubiera tratado de visionario a Catón, quien precisó su funesto ingenio y previó de tan lejos sus proyectos. ¡Oh, cómo están expuestos a engañarse aquellos que tan precipitadamente emiten una opinión sobre los niños! Muchas veces resultan más niños que los mismos niños. Ya en su edad avanzada traté a un hombre que me honraba con su amistad, y era considerado corto de alcances por sus familiares y amigos. Esta excelente cabeza iba madurando en silencio, y de repente se reveló como un gran filósofo, y no dudo de que la posteridad le asignará un honroso y eminente lugar entre los que mejor han elucubrado, consagrándose entre los más profundos metafísicos de su siglo.
Respectez l’enfance, et ne vous pressez point de la juger, soit en bien, soit en mal. Laissez les exceptions s’indiquer, se prouver, se confirmer longtemps avant d’adopter pour elles des méthodes particulières. Laissez longtemps agir la nature, avant de vous mêler d’agir à sa place, de peur de contrarier ses opérations. Vous connaissez, dites-vous, le prix du temps et n’en voulez point perdre. Vous ne voyez pas que c’est bien plus perdre d’en mal user que de n’en rien faire, et qu’un enfant mal instruit est plus loin de la sagesse que celui qu’on n’a point instruit du tout. Vous êtes alarmé de le voir consumer ses premières années à ne rien faire. Comment ! n’est-ce rien que d’être heureux ? n’est-ce rien que de sauter, jouer, courir toute la journée ? De sa vie il ne sera si occupé. Platon, dans sa République, qu’on croit si austère, n’élève les enfants qu’en fêtes, jeux, chansons, passe-temps ; on dirait qu’il a tout fait quand il leur a bien appris à se réjouir ; et Sénèque, parlant de l’ancienne jeunesse romaine : Elle était, dit-il, toujours debout, on ne lui enseignait rien qu’elle dût apprendre assise. En valait-elle moins, parvenue à l’âge viril ? Effrayez-vous donc peu de cette oisiveté prétendue. Que diriez-vous d’un homme qui, pour mettre toute la vie à profit, ne voudrait jamais dormir ? Vous diriez : Cet homme est insensé ; il ne jouit pas du temps, il se l’ôte ; pour fuir le sommeil, il court à la mort. Songez donc que c’est ici la même chose, et que l’enfance est le sommeil de la raison. Respetad a la infancia y no os deis prisa en juzgarla ni para el bien ni para el mal. Dejad que se declaren, se prueben y se confirmen durante largo tiempo las excepciones antes de que adoptéis métodos particulares. Esperad a que obre durante un largo tiempo la naturaleza antes de que vosotros os metáis a obrar en su lugar, a fin de que no impidáis la eficacia de sus operaciones. Decís que sois conocedores del valor que tiene el tiempo, que no queréis perderlo, y no os dais cuenta de que más se pierde haciendo un mal uso de él, que no haciendo que sea bien empleado, y que más lejos está de la sabiduría un niño mal instruido que otro que no ha recibido ninguna instrucción. Os asustáis al ver que pierde sus primeros años sin hacer nada. ¿:Cómo? ¿:No es nada el ser feliz? ¿:No es nada que pueda saltar, correr y jugar todo el día? Jamás en su vida estará más ocupado. Platón, en su República, que tan austera se considera, educa a los niños en fiestas, juegos, cánticos y pasatiempos; cuando les ha enseñado a divertirse bien, parece que ya lo tiene todo terminado, y Séneca, hablando de la antigua juventud romana, dice que siempre estaba en pie, y que jamás les enseñaba nada que no pudieran permanecer en pie. Cuando la juventud llegaba a la edad viril, ¿:perdía algo con esa actitud, con esa aparente ociosidad? ¿:Qué diríais de uno que por aprovechar toda la vida no quisiera dormir? Seguro que diríais que carece de sensatez, que no goza del tiempo que se le ofrece, y que por evitar el sueño se da prisa para alcanzar la muerte. Debéis pensar que aquí sucede lo mismo, y que la infancia es el sueño de la razón.
L’apparente facilité d’apprendre est cause de la perte des enfants. On ne voit pas que cette facilité même est la preuve qu’ils n’apprennent rien. Leur cerveau lisse et poli rend comme un miroir les objets qu’on lui présente ; mais rien ne reste, rien ne pénètre. L’enfant retient les mots, les idées se réfléchissent ; ceux qui l’écoutent les entendent, lui seul ne les entend point. Esta facilidad aparente que tienen los niños para aprender es la causa de que se pierdan. No nos damos cuenta de que esta misma facilidad nos demuestra que nada aprenden. Su cerebro, liso y pulimentado, refleja como si se tratara de un espejo los objetos que se le presenta, pero no retiene nada, nada le penetra. El niño repite las palabras, las ideas le llegan por reflejo; los que los escuchan las entienden, v él es el único que no sabe lo que dice.
Quoique la mémoire et le raisonnement soient deux facultés essentiellement différentes, cependant l’une ne se développe véritablement qu’avec l’autre. Avant l’âge de raison l’enfant ne reçoit pas des idées, mais des images ; et il y a cette différence entre les unes et les autres, que les images ne sont que des peintures absolues des objets sensibles, et que les idées sont des notions des objets, déterminées par des rapports. Une image peut être seule dans l’esprit qui se la représente ; mais toute idée en suppose d’autres. Quand on imagine, on ne fait que voir ; quand on conçoit, on compare. Nos sensations sont purement passives, au lieu que toutes nos perceptions ou idées naissent d’un principe actif qui juge. Cela sera démontré ci-après. Aunque la memoria y el raciocinio sean dos facultades esencialmente distintas, en realidad no se desarrolla verdaderamente la una sin la otra. El niño no recibe ideas antes del uso de razón, sino solamente imágenes, y la diferencia entre unas a otras, consiste en que las imágenes no son otra cosa que pinturas absolutas de los objetos sensibles, y las ideas son nociones de los objetos determinados por sus relaciones. Una imagen puede existir sola en el alma que se la representa, pero toda idea supone otras. El que imagina, se limita a ver, y el que concibe, compara. Nuestras sensaciones son sólo pasivas, pero todas nuestras percepciones o ideas proceden de un principio activo que juzga. Demostraremos esto más adelante.
Je dis donc que les enfants, n’étant pas capables de jugement, n’ont point de véritable mémoire. Ils retiennent des sons, des figures, des sensations, rarement des idées, plus rarement leurs liaisons. En m’objectant qu’ils apprennent quelques éléments de géométrie, on croit bien prouver contre moi ; et tout au contraire, c’est pour moi qu’on prouve : on montre que, loin de savoir raisonner d’eux-mêmes, ils ne savent pas même retenir les raisonnements d’autrui ; car suivez ces petits géomètres dans leur méthode, vous voyez aussitôt qu’ils n’ont retenu que l’exacte impression de la figure et les termes de la démonstration. À la moindre objection nouvelle, ils n’y sont plus ; renversez la figure, ils n’y sont plus. Tout leur savoir est dans la sensation, rien n’a passé jusqu’à l’entendement. Leur mémoire elle-même n’est guère plus parfaite que leurs autres facultés, puisqu’il faut presque toujours qu’ils rapprennent, étant grands, les choses dont ils ont appris les mots dans l’enfance. No siendo los niños capaces de juicio, digo, pues, que no tienen verdadera memoria. Retienen sonidos, figuras, sensaciones, rara vez ideas y menos veces su relación entre sí. Quien me rebata diciendo que aprenden algunos principios de geometría, cree que ha demostrado el error de mis afirmaciones, cuando por el contrario, las confirman, pues demuestran que en vez de saber razonar por sí mismos, no son capaces de apropiarse la interpretación de otros. Seguido de cerca a esos pequeños geómetras en su método, y pronto veréis que sólo han retenido la impresión de la figura y los términos de la demostración. No son capaces de responder a la más pequeña objeción; basta con invertirles la figura, y se quedan totalmente desorientados. Todo esto nos demuestra que su inteligencia se limita a las sensaciones, sin llegar al entendimiento; su misma memoria no es más perfecta que sus otras facultades, puesto que casi siempre tienen que volver a aprender cuando son mayores las cosas cuyas palabras aprendieron de niños.
Je suis cependant bien éloigné de penser que les enfants n’aient aucune espèce de raisonnement[15]. Au contraire, je vois qu’ils raisonnent très bien dans tout ce qu’ils connaissent et qui se rapporte à leur intérêt présent et sensible. Mais c’est sur leurs connaissances que l’on se trompe en leur prêtant celles qu’ils n’ont pas, et les faisant raisonner sur ce qu’ils ne sauraient comprendre. On se trompe encore en voulant les rendre attentifs à des considérations qui ne les touchent en aucune manière, comme celle de leur intérêt à venir, de leur bonheur étant hommes, de l’estime qu’on aura pour eux quand ils seront grands ; discours qui, tenus à des êtres dépourvus de toute prévoyance, ne signifient absolument rien pour eux. Or, toutes les études forcées de ces pauvres infortunés tendent à ces objets entièrement étrangers à leurs esprits. Qu’on juge de l’attention qu’ils y peuvent donner. No obstante, estoy muy lejos de creer que los niños no razonen nada . Por el contrario, se puede observar que razonan muy bien en todo lo que conocen y tiene relación con su presente y sensible interés. Pero es respecto a sus conocimientos en lo que nos engañamos, porque les atribuimos los que no poseen, y queremos que razonen sobre lo que son incapaces de comprender. También nos engañamos cuando pretendemos que valoren sobre consideraciones que no les atraen, como su interés por el futuro, su felicidad cuando sean hombres, el aprecio de que serán objeto en el futuro; discursos que dirigidos a seres carentes de previsión, no significan nada para ellos. Y todos los estudios a que se ven obligados estos pobres desventurados tratan asuntos que no están al alcance de su inteligencia. Júzguese, pues, la atención que les pueden dedicar.
Les pédagogues qui nous étalent en grand appareil les instructions qu’ils donnent à leurs disciples sont payés pour tenir un autre langage : cependant on voit, par leur propre conduite, qu’ils pensent exactement comme moi. Car, que leur apprennent-ils, enfin ? Des mots, encore des mots, et toujours des mots. Parmi les diverses sciences qu’ils se vantent de leur enseigner, ils se gardent bien de choisir celles qui leur seraient véritablement utiles, parce que ce seraient des sciences de choses, et qu’ils n’y réussiraient pas ; mais celles qu’on paraît savoir quand on en sait les termes, le blason, la géographie, la chronologie, les langues, etc. ; toutes études si loin de l’homme, et surtout de l’enfant, que c’est une merveille si rien de tout cela lui peut être utile une seule fois en sa vie. Los pedagogos, que tan aparatosamente exponen las instrucciones que dan a sus discípulos, están imposibilitados para hablar de otra forma; no obstante, por su modo de hacer uno se da cuenta de que piensan exactamente como yo, porque, al fin y al cabo, ¿:qué es lo que les enseñan? Palabras, más palabras, y siempre palabras. Entre la diversidad de ciencias que tanto se ufanan de enseñarles, tratan de no escoger las que les serían de un verdadero provecho, ya que serían ciencias de cosas y no realizarían los progresos debidos, sino en las que al parecer se saben cuando se conocen los términos: blasón, geografía, cronología, lengua, etc; estudios todos tan distantes del hombre, y especialmente del niño, que resultaría casi milagroso si algo de todo esto le pudiera ser útil sólo una vez en su vida.
On sera surpris que je compte l’étude des langues au nombre des inutilités de l’éducation : mais on se souviendra que je ne parle ici que des études du premier âge ; et, quoi qu’on puisse dire, je ne crois pas que, jusqu’à l’âge de douze ou quinze ans, nul enfant, les prodiges à part, ait jamais vraiment appris deux langues. Sé que es una cosa sorprendente el que mire como una de tantas inutilidades de la educación el estudio de los idiomas, pero se debe tener presente que aquí únicamente me refiero a los estudios en su primera edad, y creo que hasta llegar a los doce o quince años, ningún niño, si exceptuamos a los superdotados, ha aprendido verdaderamente los idiomas.
Je conviens que si l’étude des langues n’était que celle des mots, c’est-à-dire des figures ou des sons qui les expriment, cette étude pourrait convenir aux enfants : mais les langues, en changeant les signes, modifient aussi les idées qu’ils représentent. Les têtes se forment sur les langages, les pensées prennent la teinte des idiomes. La raison seule est commune, l’esprit en chaque langue a sa forme particulière ; différence qui pourrait bien être en partie la cause ou l’effet des caractères nationaux ; et, ce qui paraît confirmer cette conjecture est que, chez toutes les nations du monde, la langue suit les vicissitudes des mœurs, et se conserve ou s’altère comme elles. Si el estudio de las lenguas consistiera sólo en el aprendizaje de palabras, estaría de acuerdo en que este estudio podría serles conveniente a los niños, porque sólo consistiría en el aprendizaje de las figuras o de los sonidos, pero mudando las lenguas y los signos, también quedan modificadas las ideas que representan. Se forman las cabezas por las lenguas, y los pensamientos se tiñen del color de los idiomas. Sólo la razón es general; el raciocinio tiene en cada lengua su forma propia y peculiar, y esta diferencia, que podría ser la causa o efecto de los caracteres nacionales, radica en que en todas las naciones del mundo la lengua sigue las mismas vicisitudes que las costumbres, y con ellas se conserva o se altera.
De ces formes diverses l’usage en donne une à l’enfant, et c’est la seule qu’il garde jusqu’à l’âge de raison. Pour en avoir deux, il faudrait qu’il sût comparer des idées ; et comment les comparerait-il, quand il est à peine en état de les concevoir ? Chaque chose peut avoir pour lui mille signes différents ; mais chaque idée ne peut avoir qu’une forme : il ne peut donc apprendre à parler qu’une langue. Il en apprend cependant plusieurs, me dit-on : je le nie. J’ai vu de ces petits prodiges qui croyaient parler cinq ou six langues. Je les ai entendus successivement parler allemand, en termes latins, en termes français, en termes italiens ; ils se servaient à la vérité de cinq ou six dictionnaires, mais ils ne parlaient toujours qu’allemand. En un mot, donnez aux enfants tant de synonymes qu’il vous plaira : vous changerez les mots, non la langue ; ils n’en sauront jamais qu’une. Entre estas diversas formas, el uso da una al niño, y es la única que conserva hasta la edad de razón. Para que pudiera tener dos, precisaría que supiera comparar las ideas. Se comprende fácilmente que si aún no está en la edad de concebirlas, tampoco puede estarlo para establecer comparaciones sobre ellas. Puede dar a cada cosa una infinidad de signos diferentes, pero no puede dar a cada idea más que una sola forma; esta es la causa de que sólo pueda aprender a hablar una sola lengua. A pesar de cuanto he manifestado, se me dice que aprenden muchas, lo que yo niego de una forma rotunda. He visto a algunos de estos portentosos niños que se figuraban que hablaban cinco o seis lenguas, y les he oído hablar de una forma sucesiva alemán con palabras latinas, francesas e italianas; en realidad, manejaban cinco o seis diccionarios, pero no hablaban otro idioma que el alemán. En una palabra, se pueden dar a los niños todos los sinónimos que se quiera, se podrán cambiar sus voces, pero nunca su lengua, ya que jamás sabrán más que una.
C’est pour cacher en ceci leur inaptitude qu’on les exerce par préférence sur les langues mortes, dont il n’y a plus de juges qu’on ne puisse récuser. L’usage familier de ces langues étant perdu depuis longtemps, on se contente d’imiter ce qu’on en trouve écrit dans les livres ; et l’on appelle cela les parler. Si tel est le grec et le latin des maîtres, qu’on juge de celui des enfants ! À peine ont-ils appris par cœur leur rudiment, auquel ils n’entendent absolument rien, qu’on leur apprend d’abord à rendre un discours français en mots latins ; puis, quand ils sont plus avancés, à coudre en prose des phrases de Cicéron, et en vers des centons de Virgile. Alors ils croient parler latin : qui est-ce qui viendra les contredire ? Con la finalidad de que esta incapacidad no quede de manifiesto, los ejercitan preferentemente en las lenguas muertas, ya que no existen jueces que puedan recusarles. Como hace muchos siglos que se ha perdido su uso familiar nos limitamos a imitar cuanto hallamos escrito en los libros, y a eso es lo que muchos llaman hablarlas. Si éste es el latín y el griego de los maestros, uno ya se puede dar cuenta del conocimiento que pueden tener los discípulos. Cuando apenas han aprendido de memoria algunos rudimentos y ni una palabra entienden, es cuando les preparan para redactar un discurso francés en palabras latinas; después, cuando están más adelantados, les hacen escribir en prosa frases de Cicerón, y en verso muchas de Virgilio. Entonces se quedan convencidos de que hablan latín, pues nadie les va a contradecir.
En quelque étude que ce puisse être, sans l’idée des choses représentées, les signes représentants ne sont rien. On borne pourtant toujours l’enfant à ces signes, sans jamais pouvoir lui faire comprendre aucune des choses qu’ils représentent. En pensant lui apprendre la description de la terre, on ne lui apprend qu’à connaître des cartes ; on lui apprend des noms de villes, de pays, de rivières, qu’il ne conçoit pas exister ailleurs que sur le papier où on les lui montre. Je me souviens d’avoir vu quelque part une géographie qui commençait ainsi : Qu’est-ce que le monde ? C’est un globe de carton. Telle est précisément la géographie des enfants. Je pose en fait qu’après deux ans de sphère et de cosmographie, il n’y a pas un seul enfant de dix ans qui, sur les règles qu’on lui a données, sût se conduire de Paris à Saint-Denis. Je pose en fait qu’il n’y en a pas un qui, sur un plan du jardin de son père, fût en état d’en suivre les détours sans s’égarer. Voilà ces docteurs qui savent à point nommé où sont Pékin, Ispahan, le Mexique, et tous les pays de la terre. Sea el estudio que sea, de nada valen los signos que representan si carecen de las ideas de las cosas que representan. A pesar de ello, siempre limitan al niño a estos signos, sin que logren nunca que comprenda nada. Cuando pretenden que conozcan los mapas, sólo les enseñan nombres de ciudades, de países, de ríos, que el niño no concibe que existan en otra parte más que en el papel donde se los muestran. Recuerdo que vi, no sé dónde, una geografía que comenzaba así: «¿:Qué es el mundo? Un globo de cartón». Esta es precisamente la geografía de los niños. Confirmo como una cosa incontestable que, después de dos años de esfera y de cosmografía, no hay ni un solo niño de diez años que, en virtud de las reglas que le han dado, supiera ir de París a Saint-Denis. Considero como incontestable que no hay uno que con un plano del jardín de su padre sepa seguir las vueltas y revueltas sin extraviarse. Esos son los doctores que saben a punto fijo la situación de Pekín, de Isfahan, de México y todos los países.
J’entends dire qu’il convient d’occuper les enfants à des études où il ne faille que des yeux : cela pourrait être s’il y avait quelque étude où il ne fallût que des yeux ; mais je n’en connais point de telle. Oigo decir que es conveniente que se ocupen los niños en estudios que sólo precisen de ojos, y así podría ser si hubiera estudios que no necesitasen más que ojos, pero yo no sé que haya ninguno.
Par une erreur encore plus ridicule, on leur fait étudier l’histoire : on s’imagine que l’histoire est à leur portée, parce qu’elle n’est qu’un recueil de faits. Mais qu’entend-on par ce mot de faits ? Croit-on que les rapports qui déterminent les faits historiques soient si faciles à saisir, que les idées s’en forment sans peine dans l’esprit des enfants ? Croit-on que la véritable connaissance des événements soit séparable de celle de leurs causes, de celle de leurs effets, et que l’historique tienne si peu au moral qu’on puisse connaître l’un sans l’autre ? Si vous ne voyez dans les actions des hommes que les mouvements extérieurs et purement physiques, qu’apprenez-vous dans l’histoire ? Absolument rien ; et cette étude, dénuée de tout intérêt, ne vous donne pas plus de plaisir que d’instruction. Si vous voulez apprécier ces actions par leurs rapports moraux, essayez de faire entendre ces rapports à vos élèves, et vous verrez alors si l’histoire est de leur âge. Hay un error todavía más ridículo, el que les obliga a estudiar la Historia, imaginándose que está a su alcance porque consideran que no es más que una simple recopilación de hechos. ¿:Pero qué se entiende por hechos? Consideran que las relaciones que los hechos históricos determinan son tan fáciles de comprender, que sin un gran esfuerzo se puede formar una idea de ellos en el espíritu de los niños. Piensan que es posible separar el verdadero conocimiento de los sucesos de sus causas, de sus efectos, y que es tan pequeño el enlace de lo histórico con lo moral que puede conocerse perfectamente el uno prescindiendo del otro. Si en las acciones humanas no veis otra cosa que los movimientos externos y puramente físicos, no sé comprender qué es lo que podéis aprender en la Historia. Afirmo que absolutamente nada; y privado su estudio de todo interés, no les produce ni gusto ni instrucción alguna. Si queréis daros cuenta de las relaciones morales que presiden estas acciones, debéis procurar que vuestros alumnos entiendan estas relaciones, y entonces veréis si la Historia está adecuada a su edad.
Lecteurs, souvenez-vous toujours que celui qui vous parle n’est ni un savant ni un philosophe, mais un homme simple, ami de la vérité, sans parti, sans système ; un solitaire qui, vivant peu avec les hommes, a moins d’occasions de s’imboire de leurs préjugés, et plus de temps pour réfléchir sur ce qui le frappe quand il commerce avec eux. Mes raisonnements sont moins fondés sur des principes que sur des faits ; et je crois ne pouvoir mieux vous mettre à portée d’en juger, que de vous rapporter souvent quelque exemple des observations qui me les suggèrent. Lectores, tened siempre presente que quien os habla no es un sabio ni un filósofo, sino un hombre sencillo, amante de la verdad, sin partido ni sistema alguno; un solitario que al tener poca comunicación con los hombres, tiene menos ocasiones para empaparse de sus preocupaciones, quedándole de este modo más tiempo para reflexionar sobre lo que le extraña cuando les trata. Mis principios tienen su fundamento en los hechos más que en las razones, y entiendo que el daros algún ejemplo de mis observaciones os será muy útil para poneros en condiciones de juzgar sobre su verdad.
J’étais allé passer quelques jours à la campagne chez une bonne mère de famille qui prenait grand soin de ses enfants et de leur éducation. Un matin que j’étais présent aux leçons de l’aîné, son gouverneur, qui l’avait très bien instruit de l’histoire ancienne, reprenant celle d’Alexandre, tomba sur le trait connu du médecin Philippe, qu’on a mis en tableau, et qui sûrement en valait bien la peine. Le gouverneur, homme de mérite, fit sur l’intrépidité d’Alexandre plusieurs réflexions qui ne me plurent point, mais que j’évitai de combattre, pour ne pas le décréditer dans l’esprit de son élève. À table, on ne manqua pas, selon la méthode française, de faire beaucoup babiller le petit bonhomme. La vivacité naturelle à son âge, et l’attente d’un applaudissement sûr, lui firent débiter mille sottises, tout à travers lesquelles partaient de temps en temps quelques mots heureux qui faisaient oublier le reste. Enfin vint l’histoire du médecin Philippe : il la raconta fort nettement et avec beaucoup de grâce. Après l’ordinaire tribut d’éloges qu’exigeait la mère et qu’attendait le fils, on raisonna sur ce qu’il avait dit. Le plus grand nombre blâma la témérité d’Alexandre ; quelques-uns, à l’exemple du gouverneur, admiraient sa fermeté, son courage : ce qui me fit comprendre qu’aucun de ceux qui étaient présents ne voyait en quoi consistait la véritable beauté de ce trait. Pour moi, leur dis-je, il me paraît que s’il y a le moindre courage, la moindre fermeté dans l’action d’Alexandre, elle n’est qu’une extravagance. Alors tout le monde se réunit, et convint que c’était une extravagance. J’allais répondre et m’échauffer, quand une femme qui était à côté de moi, et qui n’avait pas ouvert la bouche, se pencha vers mon oreille, et me dit tout bas : Tais-toi, Jean-Jacques, ils ne t’entendront pas. Je la regardai, je fus frappé, et je me tus. Estuve algunos días en el campo, en casa de una buena madre de familia que cuida con el mayor celo la educación de sus hijos. Una mañana que estaba yo presenciando las lecciones del mayor, su maestro, que le había instruido muy bien en la Historia antigua, al referirse a Alejandro le habló del suceso, tan sabido, del médico Filipo, del que hay una tabla muy merecida. El preceptor, hombre de mérito reconocido, hizo sobre la intrepidez de Alejandro muchas reflexiones que no me gustaron, pero para no ponerle en evidencia y empequeñecer el concepto que de él tenía su alumno, no quise contradecirle. Durante la comida, según es costumbre, no dejaron de hacer hablar al chiquillo, quien con la viveza propia de su edad y con la ilusión de que le aplaudiesen, dijo una serie de necedades, y entre ellas algunos destellos de agudeza, que bastaron para que se olvidasen de sus errores. Luego, llegó el momento de explicar la historia de Filipo, que narró con mucho desparpajo. Después de los acostumbrados elogios que su madre anhelaba y el niño esperaba, se hicieron comentarios sobre lo que había expresado el pequeño. La mayoría reprochó la temeridad de Alejandro, y algunos, imitando al preceptor, exaltaron su valor y su entereza, lo cual me hizo ver que ninguno de los presentes sabía en qué consistía la belleza de su rasgo. Yo les dije que si en la acción de Alejandro hubo el menor valor o entereza, no fue más que una locura. Todos emitieron después una nueva opinión, y convinieron en que fue una locura. Cuando iba a responder, una mujer que estaba a mi lado y que no había despegado los labios, en voz baja me dijo: «Cállate, Juan Jacobo, que tampoco van a entenderte». La miré sorprendido y callé.
Après le dîner, soupçonnant sur plusieurs indices que mon jeune docteur n’avait rien compris du tout à l’histoire qu’il avait si bien racontée, je le pris par la main, je fis avec lui un tour de parc, et l’ayant questionné tout à mon aise, je trouvai qu’il admirait plus que personne le courage si vanté d’Alexandre : mais savez-vous où il voyait ce courage ? uniquement dans celui d’avaler d’un seul trait un breuvage de mauvais goût, sans hésiter, sans marquer la moindre répugnance. Le pauvre enfant, à qui l’on avait fait prendre médecine il n’y avait pas quinze jours, et qui ne l’avait prise qu’avec une peine infinie, en avait encore le déboire à la bouche. La mort, l’empoisonnement, ne passaient dans son esprit que pour des sensations désagréables, et il ne concevait pas, pour lui, d’autre poison que du séné. Cependant il faut avouer que la fermeté du héros avait fait une grande impression sur son jeune cœur, et qu’à la première médecine qu’il faudrait avaler il avait bien résolu d’être un Alexandre. Sans entrer dans des éclaircissements qui passaient évidemment sa portée, je le confirmai dans ces dispositions louables, et je m’en retournai riant en moi-même de la haute sagesse des pères et des maîtres, qui pensent apprendre l’histoire aux enfants. Después de la comida y sospechando por algunos indicios que el niño no había entendido nada de la historia que tan bien nos había explicado, le cogí de la mano, dimos una vuelta por el jardín, empecé a hacerle preguntas, y vi que más que a los otros le parecía admirable el valor tan considerado por todo el mundo de Alejandro. ¿:Pero sabéis en qué lo veía? En el de beberse de un trago un brebaje de muy mal gusto sin vacilar y sin que le asquease. Era natural, porque al muchacho le habían hecho beber un purgante hacía quince días, y le costó mucho tomárselo, pareciéndole que aún sentía aquel mal sabor en la boca; la muerte y el tóxico no eran, a su entender, otra cosa que desagradables sensaciones, y el único veneno que concebía eran las hojas de sen. Sin embargo, debo confesar que la entereza del héroe había impresionado mucho a su joven corazón, y que ante la primera purga que le impusieron se dispuso a ser un Alejandro. Sin entrar en explicaciones que excedían a su capacidad, le alenté para que siguiera siempre dispuesto a afrontarlo todo, y me marché riéndome en mi interior de los padres y del preceptor que creen que enseñan historia a los niños.
Il est aisé de mettre dans leurs bouches les mots de rois, d’empires, de guerres, de conquêtes, de révolutions, de lois ; mais quand il sera question d’attacher à ces mots des idées nettes, il y aura loin de l’entretien du jardinier Robert à toutes ces explications. El hacerles repetir los nombres de reyes, imperios, guerras, conquistas y leyes no es nada difícil, pero cuan se trata de que tengan ideas claras sobre estas mismas palabras, no habrá mucha distancia de la conversación del hortelano Roberto.
Quelques lecteurs, mécontents du Tais-toi, Jean-Jacques, demanderont, je le prévois, ce que je trouve enfin de si beau dans l’action d’Alexandre. Infortunés ! s’il faut vous le dire, comment le comprendrez-vous ? C’est qu’Alexandre croyait à la vertu ; c’est qu’il y croyait sur sa tête, sur sa propre vie ; c’est que sa grande âme était faite pour y croire. O que cette médecine avalée était une belle profession de foi ! Non, jamais mortel n’en fit une si sublime. S’il est quelque moderne Alexandre, qu’on me le montre à de pareils traits. Quedándose descontentos algunos lectores con el «Cállate, Juan Jacobo», sospecho que me van a preguntar dónde hallo yo la sublimidad de Alejandro. Desdichados. ¿:Cómo la podréis entender si necesitáis que os la digan? En que Alejandro creía en la virtud, en que, a costa de su cabeza, a riesgo de su propia vida, era capaz su generosa alma de creer en ella. ¡Oh, qué brillante profesión de fe era la bebida de esta purga! Jamás ningún mortal hizo una profesión de fe tan sublime. Si halláis algún Alejandro moderno, debéis mostrármelo con unos rasgos parecidos.
S’il n’y a point de science de mots, il n’y a point d’étude propre aux enfants. S’ils n’ont pas de vraies idées, ils n’ont point de véritable mémoire ; car je n’appelle pas ainsi celle qui ne retient que des sensations. Que sert d’inscrire dans leur tête un catalogue de signes qui ne représentent rien pour eux ? En apprenant les choses, n’apprendront-ils pas les signes ? Pourquoi leur donner la peine inutile de les apprendre deux fois ? Et cependant quels dangereux préjugés ne commence-t-on pas à leur inspirer, en leur faisant prendre pour de la science des mots qui n’ont aucun sens pour eux ! C’est du premier mot dont l’enfant se paye, c’est de la première chose qu’il apprend sur la parole d’autrui, sans en voir l’utilité lui-même, que son jugement est perdu : il aura longtemps à briller aux yeux des sots avant qu’il répare une telle perte[16]. Al no existir ninguna ciencia de las palabras, tampoco existe ningún estudio apropiado a los niños; si ellos carecen de verdaderas ideas, tampoco tienen una verdadera memoria, pues no la llamo así a la que sólo retiene las sensaciones. ¿:No es verdad que de nada les ha de servir imprimir en su cabeza un catálogo de signos que no representan nada para ellos? ¿:Estos signos no los aprenderán en el momento de aprender las cosas? ¿:No es inútil que las tengan que aprender dos veces? Y dando vueltas sobre el mismo asunto, ¡cuántas preocupaciones les empiezan a inspirar queriendo que se tenga por ciencia palabras que para ellos carecen de significado alguno! Desde la primera palabra con la cual se satisface al niño, desde la primera cosa que aprende, debido a que otra persona se la enseña sin que él vea para qué sirve, se ha extrañado su juicio; tendrá que figurar entre los necios durante mucho tiempo antes de que supere esta pérdida .
Non, si la nature donne au cerveau d’un enfant cette souplesse qui le rend propre à recevoir toutes sortes d’impressions, ce n’est pas pour qu’on y grave des noms de rois, des dates, des termes de blason, de sphère, de géographie, et tous ces mots sans aucun sens pour son âge et sans aucune utilité pour quelque âge que ce soit ; dont on accable sa triste et stérile enfance ; mais c’est pour que toutes les idées qu’il peut concevoir et qui lui sont utiles, toutes celles qui se rapportent à son bonheur et doivent l’éclairer un jour sur ses devoirs, s’y tracent de bonne heure en caractères ineffaçables, et lui servent à se conduire pendant sa vie d’une manière convenable à son être et à ses facultés. Si la naturaleza da al cerebro del niño esa flexibilidad que le capacita para recibir toda clase de impresiones, no será para que en él se impriman nombres de reyes, fechas, términos heráldicos, de esfera, de geografía, y toda otra clase de palabras que para su edad carecen de todo significado y que de nada le sirven y con las cuales abruman su infancia. Que todas las ideas que puede concebir y le sean de utilidad, y todas cuantas se relacionen con su felicidad y deben darle en su momento las luces sobre sus obligaciones, le queden grabadas de una forma invariable y le sirvan para que se conduzca durante toda su vida del modo más conveniente a su modo de ser y a sus facultades.
Sans étudier dans les livres, l’espèce de mémoire que peut avoir un enfant ne reste pas pour cela oisive ; tout ce qu’il voit, tout ce qu’il entend le frappe, et il s’en souvient ; il tient registre en lui-même des actions, des discours des hommes ; et tout ce qui l’environne est le livre dans lequel, sans y songer, il enrichit continuellement sa mémoire en attendant que son jugement puisse en profiter. C’est dans le choix de ces objets, c’est dans le soin de lui présenter sans cesse ceux qu’il peut connaître et de lui cacher ceux qu’il doit ignorer, que consiste le véritable art de cultiver en lui cette première faculté ; et c’est par là qu’il faut tâcher de lui former un magasin de connaissances qui servent à son éducation durant sa jeunesse, et à sa conduite dans tous les temps. Cette méthode, il est vrai, ne forme point de petits prodiges et ne fait pas briller les gouvernantes et les précepteurs ; mais elle forme des hommes judicieux, robustes, sains de corps et d’entendement, qui, sans s’être fait admirer étant jeunes, se font honorer étant grands. La especie de memoria que puede tener un niño no queda estancada porque no se estudie en libros; retiene y se acuerda de todo cuanto ve y oye, retiene en el interior de su cabeza una idea de las acciones y los discursos de los hombres, y todo cuanto se acerca a él es el libro con el cual, sin pensar en ello, enriquece su memoria hasta que sea capaz de aprovecharla su razón. En saber elegir estos objetos, en la atención de presentarle continuamente los que pueda conocer y ocultarle los que debe ignorar, consiste el verdadero arte de cultivar en él esta primera facultad; de este modo le daremos un caudal de conocimientos que le servirán para su educación en la juventud y para su conducta en todo tiempo. Cierto que este método no conseguirá que haya niños portento, ni es para que se luzcan las ayas ni los preceptores, pero es capaz de formar hombres de juicio, robustos y de entendimiento sano, que sin haber sido la admiración de los demás cuando niños se convierten más tarde en hombres dignos de respeto.
Émile n’apprendra jamais rien par cœur, pas même des fables, pas même celles de la Fontaine, toutes naïves, toutes charmantes qu’elles sont ; car les mots des fables ne sont pas plus les fables que les mots de l’histoire ne sont l’histoire. Comment peut-on s’aveugler assez pour appeler les fables la morale des enfants, sans songer que l’apologue, en les amusant, les abuse ; que, séduits par le mensonge, ils laissent échapper la vérité, et que ce qu’on fait pour leur rendre l’instruction agréable les empêche d’en profiter ? Les fables peuvent instruire les hommes ; mais il faut dire la vérité nue aux enfants : sitôt qu’on la couvre d’un voile, ils ne se donnent plus la peine de le lever. Emilio nunca aprenderá nada de memoria, aunque sean las fábulas de La Fontaine, con todo su mérito, porque las palabras de las fábulas han de ser de fábulas, como las de historia lo son de historia. ¿:Cómo puede ser uno tan ciego que diga que las fábulas son la moral de los niños, sin tener en cuenta que el cuento divierte a los niños de una manera falsa o mentirosa, los cuales, atraídos por la mentira, no advierten la verdad, y lo que se hace con el fin de que les sea grata la instrucción, les resulta un estorbo para aprovecharse de ella? Las fábulas pueden instruir a los hombres, pero a los niños debe decírseles siempre la verdad, sin tergiversaciones de ninguna clase; cuando se la encubren con un velo, no se toman el trabajo de descorrerlo.
On fait apprendre les fables de la Fontaine à tous les enfants, et il n’y en a pas un seul qui les entende. Quand ils les entendraient, ce serait encore pis ; car la morale en est tellement mêlée et si disproportionnée à leur âge, qu’elle les porterait plus au vice qu’à la vertu. Ce sont encore là, direz-vous, des paradoxes. Soit ; mais voyons si ce sont des vérités. Si hacéis aprender a los niños las fábulas de La Fontaine, os podréis dar cuenta en seguida de que no hay ni uno que las entienda; la verdad es que aún sería peor que las entendiesen, ya que es tan intrincada su moral, y tan desproporcionada a su edad, que más antes los llevaría al vicio que a la virtud. Otras paradojas, me diréis. Sea, pero vamos a ver si son verdades.
Je dis qu’un enfant n’entend point les fables qu’on lui fait apprendre, parce que quelque effort qu’on fasse pour les rendre simples, l’instruction qu’on en veut tirer force d’y faire entrer des idées qu’il ne peut saisir, et que le tour même de la poésie, en les lui rendant plus faciles à retenir, les lui rend plus difficiles à concevoir, en sorte qu’on achète l’agrément aux dépens de la clarté. Sans citer cette multitude de fables qui n’ont rien d’intelligible ni d’utile pour les enfants, et qu’on leur fait indiscrètement apprendre avec les autres, parce qu’elles s’y trouvent mêlées, bornons-nous à celles que l’auteur semble avoir faites spécialement pour eux. Aunque nos empeñemos mucho en hacer que las comprenda, yo afirmo que un niño no comprende las fábulas que le hacen aprender, porque la instrucción que de ellas queremos obtener no requiere que le inculquemos ideas que él no puede apreciar, y su estilo poético, si bien le ayuda a que las aprenda de memoria, hace que aún las entienda con mayor dificultad, con lo que a costa de la claridad se sacrifica el deleite. Prescindiendo de una gran cantidad de fábulas que son del todo ininteligibles y que carecen de provecho para los niños, y que demuestra el poco discernimiento que tienen los que les obligan a que las aprendan, debido a que están mezcladas con las demás, nos limitamos a aquellas que parece que el autor escribió exclusivamente para ellos.
Je ne connais dans tout le recueil de la Fontaine que cinq ou six fables où brille éminemment la naïveté puérile ; de ces cinq ou six je prends pour exemple la première de toutes[17], parce que c’est celle dont la morale est le plus de tout âge, celle que les enfants saisissent le mieux, celle qu’ils apprennent avec le plus de plaisir, enfin celle que pour cela même l’auteur a mise par préférence à la tête de son livre. En lui supposant réellement l’objet d’être entendue des enfants, de leur plaire et de les instruire, cette fable est assurément son chef-d’œuvre : qu’on me permette donc de la suivre et de l’examiner en peu de mots. Yo no conozco en toda la colección de La Fontaine más que cinco o seis fábulas donde brilla eminentemente la ingenuidad; de estas cinco o seis yo tomo, por ejemplo, la primera , puesto que la moral de esta fábula es propia de cualquier edad; los niños la aprenden con gusto, es una de las que mejor comprenden, y es por este motivo que el autor le ha dado la preferencia y la ha colocado al comienzo de su libro. Suponiendo que cumpla el objetivo de ser entendida por los niños, de ser de su gusto y de instruirles, esa fábula es seguramente su obra maestra, lo cual me permite seguirla y examinarla en pocas palabras.
FABLE: FÁBULA:
Maître corbeau, sur un arbre perché, Maestro cuervo, subido a un árbol.
Maître ! que signifie ce mot en lui-même ? que signifie-t-il au-devant d′unnom propre ? quel sens a-t-il dans cette occasion ? Maestro, ¿:qué significa esta palabra en sí misma? ¿:Qué significado tiene delante de un nombre propio? ¿:Cuál es el sentido que tiene?
Qu′est-ce qu′un corbeau ? ¿:Qué es un cuervo?
Qu′est-ce qu′un arbre perché ? l′on ne dit pas ; sur un arbre perché : l′on dit, perché sur un arbe. Par conséquent, il faut parler des inversions de la poésie ; il faut dire ce que c′est que prose & que vers. Tenoit dans son bec un fromage. ¿:Qué es esto de que está subido a un árbol? Yo no he dicho subido a un árbol, sino sobre un árbol. Por consiguiente, hace hablar de las inversiones de la poesía y obliga a decir lo que es la prosa y lo que es verso. Tenía en su pico un queso.
Quel fromage ? étoit-ce un fromage de Suisse, de Brie, ou de Hollande ? Si l′enfant n′a point vu de corbeaux, que gagnez-vous à lui en parler ? s′il en a vu, comment concevra-t-il qu′ils tiennent un fromage à leur bec ? Faisons toujours des images d′après nature. ¿:Qué es un queso? ¿:Era un queso de Suiza, de Brie de Holanda? Si el niño no ha visto un cuervo, ¿:qué ganáis con hablarle del cuervo? Si lo ha visto, ¿:cómo puede comprender que retenga un queso en el pico? Valeos siempre de las imágenes, igual, como nos las muestra la naturaleza.
Maître Renard, par l′odeur alléché, Señor zorro, por el olor atraído.
Encore un maître ! mais pour celui-ci c′est à bon titre : il est maître passé dans les tours de son métier. Il faut dire ce que c′est qu′un renard, & distinguer son vrai naturel du caractère de convention qu′il a clans les fables. ¡Todavía un señor!, pero es un buen título: él es señor consumado en su hogar. Es necesario explicar lo que es un zorro y distinguir su verdad natural del carácter convencional que hay en las fábulas.
Alléché. Ce mot n′est pas usité. Il le faut expliquer, il faut dire qu′on ne s′en sert plus qu′en vers. L′enfant demandera pourquoi l′on parle autrement en vers qu′en prose. Que lui répondrez-vous ? Atraído, engolosinado: esta palabra no es usada. Se debe explicarla; hay que decir que únicamente sirve para el verano. El niño preguntará por qué se le habla igualmente en verso que en prosa. ¿:Qué le responderéis?
Alléché par l′odeur d′un fromage ! Ce fromage, tenu par un corbeau perché sur un arbre, devoit avoir beaucoup d′odeur pour être senti par le renard dans un taillis ou dans son terrier ! Est-ce ainsi que vous exercez votre élève à cet esprit de critique judicieuse qui ne s′en laisse imposer qu′a bonnes enseignes, & sait discerner la vérité du mensonge dans les narrations d′autrui ? Engolosinado por el olor de un queso. Este queso que retiene un cuervo encaramado en un árbol, debía oler mucho para que sintiese el zorro estando en un soto o en su madriguera. ¿:Es así como ejercitáis a vuestro alumno en este espíritu de crítica juiciosa que no se deja vencer por las buenas enseñanzas y sabe discernir la verdad de la mentira en las narraciones de los otros?
0Lui tint à peu près ce langage : Tiene él un lenguaje aproximado a éste.
Ce langage ! Les renards parlent donc ? ils parlent donc la même Langue que les corbeaux ? Sage précepteur, prends garde à toi ; pèse bien ta réponse avant de la faire ; elle importe plus que tu n′as pensé. Este lenguaje. ¿:Los zorros hablan, entonces? ¿:Hablan, pues, el mismo lenguaje que los cuervos? Sabio preceptor, ponte en guardia, pesa bien tu respuesta antes de darla; esto tiene más importancia de lo que tú has pensado.
Eh ! bonjour, monsieur le corbeau ! Hola, buenos días, señor cuervo.
Monsieur ! titre que l′enfant voit tourner en dérision, même avant qu′il sache que c′est un titre d′honneur. Ceux qui disent monsieur du Corbeau auront bien d′autres affaires avant que d′avoir expliqué ce du. ¡Señor! Título que el niño ve como una burla antes de que sepa que es un título de honor. Los que dicen «señor cuervo» harán bien en referir otros asuntos antes que razonar lo que han dicho.
Que vous etes joli ! que vous ne semblez beau ! ¡Qué hermoso sois, me parecéis muy bello!
Cheville, redondance inutile. L′enfant, voyant répéter la même chose en d′autres termes, apprend à parler lâchement. Si vous dites que cette redondance est un art de l′auteur, qu′elle entre dans le dessein du renard qui veut paraître multiplier les éloges avec des paroles, cette excuse sera bonne pour moi, mais non pas pour mon élève. Ya está: redundancia inútil. El niño, viendo repetir la misma cosa expresada en otros términos, aprende a hablar con descuido. Si le habéis dicho que esta redundancia es un arte del autor, la cual entra en el deseo del zorro, que quiere multiplicar los elogios con las palabras, esta excusa será buena para mí, pero nunca lo será para mi alumno.
Sans mentir, si votre ramage Sin mentir en vuestro gorjeo.
Sans mentir ! on ment donc quelquefois ? Où en sera l′enfant si vous lui apprenez que le renard ne dit sans mentir que parce qu′il ment ? Sin mentir. ¿:Se miente, pues, alguna vez? ¿:Qué pensará el niño si vosotros le hacéis aprender que el zorro ha dicho «sin mentir», cuando él miente?
Répondoit à votre plumage, Respondería a vuestro plumaje.
Répondait ! que signifie ce mot ? Apprenez à comparer des qualités aussi différentes que la voix le plumage ; vous verrez comme il vous entendra. Vous seriez le phénix des hôtes de ces bois. Respondería. ¿:Qué significado tiene esta palabra? Enseñad al niño a comparar las cualidades que diferencian la vez del plumaje, y veréis cómo os entenderá. Vos seréis el fénix de los habitantes de estos bosque.
Le Phénix ! Qu′est-ce qu′un phénix ? Nous voici tout à coup jetés dans la menteuse antiquité, presque dans la mythologie. El fénix. ¿:Qué es un fénix? Nosotros aquí nos metemos de pronto en la mentalidad antigua, cercana a la mitología.
Jura ! Quel est le sot de maître qui ose expliquer à l’enfant ce que c’est qu’un serment ? Jura. ¿:Cuál es el torpe maestro que se atreve a explicar al niño lo que es un juramento?
Voilà bien des détails, bien moins cependant qu’il n’en faudrait pour analyser toutes les idées de cette fable, et les réduire aux idées simples et élémentaires dont chacune d’elles est composée. Mais qui est-ce qui croit avoir besoin de cette analyse pour se faire entendre à la jeunesse ? Nul de nous n’est assez philosophe pour savoir se mettre à la place d’un enfant. Passons maintenant à la morale. He aquí los detalles, mucho menos, sin embargo, que lo que hará falta para analizar todas las ideas de esta fábula y reducirlas a ideas simples y elementales. ¿:Pero y quién es el que cree que precisa de este análisis para que sea comprendido por los niños? Ninguno de nosotros es capaz de ponerse en el lugar de un niño. Vamos ahora a la parte moral.
Je demande si c’est à des enfants de dix ans qu’il faut apprendre qu’il y a des hommes qui flattent et mentent pour leur profit ? On pourrait tout au plus leur apprendre qu’il y a des railleurs qui persiflent les petits garçons, et se moquent en secret de leur sotte vanité ; mais le fromage gâte tout ; on leur apprend moins à ne pas le laisser tomber de leur bec qu’à le faire tomber du bec d’un autre. C’est ici mon second paradoxe, et ce n’est pas le moins important. ¿:Se puede considerar como una cosa buena la de instruir a un niño de seis años donde hay hombres que mienten y adulan según sus conveniencias? Lo más que se podría hacer seria educarle en la idea de que hay graciosos que se divierten con la ingenua vanidad de los niños, y luego se ríen de ellos, pero el queso lo echa a perder todo; tanto da que les enseñemos a que no se lo dejen caer del pico como que se lo hagan caer a otro. Esta es mi segunda paradoja, y no es la que tiene menos importancia.
Suivez les enfants apprenant leurs fables, et vous verrez que, quand ils sont en état d’en faire l’application, ils en font presque toujours une contraire à l’intention de l’auteur, et qu’au lieu de s’observer sur le défaut dont on les veut guérir ou préserver, ils penchent à aimer le vice avec lequel on tire parti des défauts des autres. Dans la fable précédente, les enfants se moquent du corbeau, mais ils s’affectionnent tous au renard ; dans la fable qui suit, vous croyez leur donner la cigale pour exemple ; et point du tout, c’est la fourmi qu’ils choisiront. On n’aime point à s’humilier : ils prendront toujours le beau rôle ; c’est le choix de l’amour-propre, c’est un choix très naturel. Or, quelle horrible leçon pour l’enfance ! Le plus odieux de tous les montres serait un enfant avare et dur, qui saurait ce qu’on lui demande et ce qu’il refuse. La fourmi fait plus encore, elle lui apprend à railler dans ses refus. Deben ser observados los niños cuando aprenden las fábulas, y se verá que cuando se ven en la necesidad de aplicarlas, casi siempre lo hacen de un modo contrario al propuesto por el fabulista, y en lugar de enmendarse del defecto del cual éste quiere corregirlos, se inclinan por el amor al vicio, con lo cual se saca partido de los defectos de los demás. En la fábula que hemos analizado, los niños se burlan del cuervo, y todos se aficionan al zorro; en la de La cigarra y la hormiga, ¿:creéis que rechazan el ejemplo de la cigarra y de que toman el de la hormiga? A nadie le place ser desairado; siempre escogerán el papel brillante, que es la elección del amor propio, y la más natural. Pero ¡qué horrible lección para la infancia! El más inaudito de los fenómenos sería un niño cruel y avaro que supiera qué es lo que le piden y qué es lo que él niega.
Dans toutes les fables où le lion est un des personnages, comme c’est d’ordinaire le plus brillant, l’enfant ne manque point de se faire lion ; et quand il préside à quelque partage, bien instruit par son modèle, il a grand soin de s’emparer de tout. Mais, quand le moucheron terrasse le lion, c’est une autre affaire ; alors l’enfant n’est plus lion, il est moucheron. Il apprend à tuer un jour à coups d’aiguillon ceux qu’il n’oserait attaquer de pied ferme. En todas las fábulas en que uno de los personajes es el león o el águila, como sucede ordinariamente, es el que mas brilla, y por consiguiente el niño no deja de convertirse en león o en águila, y cuando está encargado de hacer algún reparto, instruido por su modelo, intenta por todos los medios quedárselo todo. Pero si el escarabajo hace caer del nido los huevos del águila, entonces el niño ya no quiere ser el águila, sino el escarabajo, aprendiendo de este modo a arrojar puñados de inmundicia a los que no se atreve a atacar limpiamente.
Dans la fable du loup maigre et du chien gras, au lieu d’une leçon de modération qu’on prétend lui donner, il en prend une de licence. Je n’oublierai jamais d’avoir vu beaucoup pleurer une petite fille qu’on avait désolée avec cette fable, tout en lui prêchant toujours la docilité. On eut peine à savoir la cause de ses pleurs ; on la sut enfin. La pauvre enfant s’ennuyait d’être à la chaîne, elle se sentait le cou pelé ; elle pleurait de n’être pas loup. En la fábula El lobo flaco y el perro grueso, en lugar de la lección sobre sus deberes la prefiere sobre sus derechos. Jamás me olvidaré de una niña a quien vi que lloraba con el mayor desconsuelo al conocer esta fábula, prometiéndose a que fuese dócil. Nos costó mucho el averiguar la causa de su llanto. La pequeña no soportaba el estar siempre atada a su sillita, veía que tenía el cabello muy corto y lloraba porque no era lobo.
Ainsi donc la morale de la première fable citée est pour l’enfant une leçon de la plus basse flatterie ; celle de la seconde, une leçon d’inhumanité ; celle de la troisième, une leçon d’injustice ; celle de la quatrième, une leçon de satire ; celle de la cinquième, une leçon d’indépendance. Cette dernière leçon, pour être superflue à mon élève, n’en est pas plus convenable aux vôtres. Quand vous leur donnez des préceptes qui se contredisent, quel fruit espérez-vous de vos soins ? Mais peut-être, à cela près, toute cette morale qui me sert d’objection contre les fables fournit-elle autant de raisons de les conserver. Il faut une morale en paroles et une en actions dans la société, et ces deux morales ne se ressemblent point. La première est dans le catéchisme, où on la laisse ; l’autre est dans les fables de la Fontaine pour les enfants, et dans ses contes pour les mères. Le même auteur suffit à tout. Se ve así de un modo palpable que la moral de la primera fábula para el niño no es otra cosa que una descarada adulación, la de la segunda abiertamente un alarde de inhumanidad, la tercera para sátira, y la cuarta una lección de independencia. Aunque esta última resulte para mi alumno superflua, no deja de ser un inconveniente para los alumnos. Dándoles preceptos que se contradicen los unos a los otros, no podéis esperar la recogida de frutos que satisfagan vuestros afanes. Pero, quizá por la misma causa que yo, no quiero admitir las fábulas en mi sistema educativo, aunque vosotros las conservéis en los vuestros. En la sociedad son indispensables dos morales distintas: una que consiste en palabras y otra que es la producida por las acciones, en las cuales no encontramos ningún parecido. De la primera clase hallamos un ejemplo en el catecismo y de la segunda en las fábulas de La Fontaine para los niños.
Composons, monsieur de la Fontaine. Je promets, quant à moi, de vous lire avec choix, de vous aimer, de m’instruire dans vos fables ; car j’espère ne pas me tromper sur leur objet ; mais, pour mon élève, permettez que je ne lui en laisse pas étudier une seule jusqu’à ce que vous m’ayez prouvé qu’il est bon pour lui d’apprendre des choses dont il ne comprendra pas le quart ; que, dans celles qu’il pourra comprendre, il ne prendra jamais le change, et qu’au lieu de se corriger sur la dupe, il ne se formera pas sur le fripon. Pongámonos de acuerdo, señor La Fontaine. Por mi parte prometo leeros con agrado y mucha atención, e instruirme con vuestras fábulas, debido a que confío en que no voy a equivocarme sobre su objeto, pero espero que me permitáis que mi alumno no estudie ninguna, hasta que me demostréis que le conviene aprender cosas de las cuales no entiende ni la cuarta parte, y que en las que sea capaz de comprender algo, no tome el camino opuesto, y en lugar de enmendarse huyendo de lo que hace el burlado, no quiera imitar al burlador.
En ôtant ainsi tous les devoirs des enfants, j’ôte les instruments de leur plus grande misère, savoir les livres. La lecture est le fléau de l’enfance, et presque la seule occupation qu’on lui sait donner. À peine à douze ans Émile saura-t-il ce que c’est qu’un livre. Mais il faut bien au moins, dira-t-on, qu’il sache lire. J’en conviens : il faut qu’il sache lire quand la lecture lui est utile ; jusqu’alors elle n’est bonne qu’à l’ennuyer. Librando de esta forma a los niños de todos sus deberes, estoy convencido de que les quito los instrumentos que les torturan, que son los libros. El azote de la infancia es la lectura y casi no sabemos emplearla en otra cosa. Cuando tenga doce años Emilio apenas sabrá qué es un libro. Pero es necesario, se me objetará, que por lo menos sepa leer. De acuerdo con esta opinión, pero necesario cuando le sea útil la lectura, pues pienso que hasta entonces únicamente sirve para fastidiarle.
Si l’on ne doit rien exiger des enfants par obéissance, il s’ensuit qu’ils ne peuvent rien apprendre dont ils ne sentent l’avantage actuel et présent, soit d’agrément, soit d’utilité ; autrement quel motif les porterait à l’apprendre ? L’art de parler aux absents et de les entendre, l’art de leur communiquer au loin sans médiateur nos sentiments, nos volontés, nos désirs, est un art dont l’utilité peut être rendue sensible à tous les âges. Par quel prodige cet art si utile et si agréable est-il devenu un tourment pour l’enfance ? Parce qu’on la contraint de s’y appliquer malgré elle, et qu’on le met à des usages auxquels elle ne comprend rien. Un enfant n’est pas fort curieux de perfectionner l’instrument avec lequel on le tourmente ; mais faites que cet instrument serve à ses plaisirs, et bientôt il s’y appliquera malgré vous. Si nada debe exigirse de los niños por obediencia, se deduce que tampoco nada agradable ni útil pueden aprender como no sepan las ventajas que les significa, y entonces, ¿:qué motivo les estimularía para aprenderlo? El arte de hablar y oír hablar a los ausentes, el de comunicarles sin intermediario nuestros sentimientos, voluntades y deseos, es un arte cuya utilidad puede ser evidente en todas las edades. ¿:Por qué prodigio se ha convertido tan agradable y útil arte en tormento de la infancia? El haberla violentado a que se aplique contra su voluntad y el usarlo para cosas que no entiende. No se preocupa mucho un niño de perfeccionar el instrumento con que le atormentan, pero consigue que ese instrumento sirva para su diversión, y pronto se dedicará a él aunque sea contra vuestra voluntad.
On se fait une grande affaire de chercher les meilleures méthodes d’apprendre à lire ; on invente des bureaux, des cartes ; on fait de la chambre d’un enfant un atelier d’imprimerie. Locke veut qu’il apprenne à lire avec des dés. Ne voilà-t-il pas une invention bien trouvée ? Quelle pitié ! Un moyen plus sûr que tout cela, et celui qu’on oublie toujours, est le désir d’apprendre. Donnez à l’enfant ce désir, puis laissez là vos bureaux et vos dés, toute méthode lui sera bonne. Se considera muy importante contar con los mejores métodos de enseñar a leer; se agrupan láminas y mapas y el cuarto de un niño parece un taller de imprenta. Locke quiere que aprenda a leer con dados. ¿:No es una invención exquisita? ¡Qué lástima! Hay un camino más firme que todos ésos y que siempre olvidan: el deseo de aprender. Debéis infundir al niño este deseo, dejad los cartones y los dados, pues cualquier método será bueno para él.
L’intérêt présent, voilà le grand mobile, le seul qui mène sûrement et loin. Émile reçoit quelquefois de son père, de sa mère, de ses parents, de ses amis, des billets d’invitation pour un dîner, pour une promenade, pour une partie sur l’eau, pour voir quelque fête publique. Ces billets sont courts, clairs, nets, bien écrits. Il faut trouver quelqu’un qui les lui lise ; ce quelqu’un ou ne se trouve pas toujours à point nommé, ou rend à l’enfant le peu de complaisance que l’enfant eut pour lui la veille. Ainsi l’occasion, le moment se passe. On lui lit enfin le billet, mais il n’est plus temps. Ah ! si l’on eût su lire soi-même ! On en reçoit d’autres : ils sont si courts ! le sujet en est si intéressant ! on voudrait essayer de les déchiffrer ; on trouve tantôt de l’aide et tantôt des refus. On s’évertue, on déchiffre enfin la moitié d’un billet : il s’agit d’aller demain manger de la crème... on ne sait où ni avec qui... Combien on fait d’efforts pour lire le reste ! Je ne crois pas qu’Émile ait besoin du bureau. Parlerai-je à présent de l’écriture ? Non, j’ai honte de m’amuser à ces niaiseries dans un traité de l’éducation. El interés actual es lo único que conduce con seguridad y nos lleva muy lejos. Algunas veces recibe Emilio de su padre, su madre, sus parientes, sus amigos, invitaciones para una comida, un paseo, una partida de pesca, una feria; las esquelas son breves, claras y bien escritas. Es indispensable uno que se las lea, y éste no se tiene siempre a mano, o paga con la misma moneda la falta de condescendencia que el pequeño tuvo con él el día antes; de este modo se deja pasar la oportunidad. Por último le leen la esquela, pero ya ha pasado el tiempo. ¡Ah, si hubiera sabido leer! Se reciben otras igualmente breves, siendo su contenido muy interesante. Ponemos todo el interés en descifrarlas; unas veces hallamos quien nos ayuda, y otras se niegan a ayudar. Con grandes esfuerzos hemos descifrado la mitad de la esquela; se trata de ir mañana a comer requesones..., pero no sabemos adónde ni con quién. ¡Cuántos esfuerzos hacemos por leer lo demás! No creo que Emilio necesite muestras. ¿:Hablaré ahora de cómo escribir? No, pues me da vergüenza divertirme con estas nimiedades en un tratado de educación.
J’ajouterai ce seul mot qui fait une importante maxime : c’est que, d’ordinaire, on obtient très sûrement et très vite ce qu’on n’est pas pressé d’obtenir. Je suis presque sûr qu’Émile saura parfaitement lire et écrire avant l’âge de dix ans, précisément parce qu’il m’importe fort peu qu’il le sache avant quinze ; mais j’aimerais mieux qu’il ne sût jamais lire que d’acheter cette science au prix de tout ce qui peut la rendre utile : de quoi lui servira la lecture quand on l’en aura rebuté pour jamais ? Id imprimis cavere oportebit, ne studia, qui amare nondum potest, oderit, et amaritudinem semel perceptam etiam ultra rudes annos reformidet. Sólo añadiré una palabra, la cual constituye una máxima importante, y es que por lo común alcanza uno con mucha facilidad y prontitud lo que no se da mucha prisa en alcanzar. Estoy casi seguro de que Emilio sabrá leer y escribir perfectamente antes de sus diez años, precisamente porque me importa muy poco que sepa hacerlo antes de los quince, pero preferiría que nunca supiera leer que comprar esta ciencia a cambio de todo cuanto pueda hacerla útil. ¿:De qué le servirá la lectura cuando hayan conseguido que aburra para siempre la lectura? Id imprimís cavere oportebit, ne studia, qui amare nondum potest, oderit, et amaratudinem semel perceptam etiain ultra rudes annos reformidet.
Plus j’insiste sur ma méthode inactive, plus je sens les objections se renforcer. Si votre élève n’apprend rien de vous, il apprendra des autres. Si vous ne prévenez l’erreur par la vérité, il apprendra des mensonges ; les préjugés que vous craignez de lui donner, il les recevra de tout ce qui l’environne, ils entreront par tous ses sens ; ou ils corrompront sa raison, même avant qu’elle soit formée, ou son esprit, engourdi par une longue inaction, s’absorbera dans la matière. L’inhabitude de penser dans l’enfance en ôte la faculté durant le reste de la vie. Al insistir sobre mi método inactivo, más reconozco que se esfuerzan los que me hacen objeciones. Si nada aprenden de vosotros vuestros alumnos, aprenderán de los demás. Si con la verdad no precavéis el error, aprenderán mentiras; las preocupaciones que tenéis miedo que sientan las recibirán de los que se les acerquen; se introducirán por todos sus sentidos o agotarán su razón antes de que esté formada, o, por el contrario, entorpecido su entendimiento por tan dilatada inacción quedará absorbido en la materia. Si le acostumbramos a que piense en su infancia, quedará privado de esta facultad para el resto de su vida.
Il me semble que je pourrais aisément répondre à cela ; mais pourquoi toujours des réponses ? Si ma méthode répond d’elle-même aux objections, elle est bonne ; si elle n’y répond pas, elle ne vaut rien. Je poursuis. A mí me parece que podría responder a estas objeciones con bastante facilidad, ¿:pero, por qué tengo que responder siempre? Al responder a las objeciones, mi método es bueno por sí mismo; si no respondo, entonces no vale nada. Sigo adelante.
Si, sur le plan que j’ai commencé de tracer, vous suivez des règles directement contraires à celles qui sont établies ; si, au lieu de porter au loin l’esprit de votre élève ; si, au lieu de l’égarer sans cesse en d’autres lieux, en d’autres climats, en d’autres siècles, aux extrémités de la terre, et jusque dans les cieux, vous vous appliquez à le tenir toujours en lui-même et attentif à ce qui le touche immédiatement, alors vous le trouverez capable de perception, de mémoire, et même de raisonnement ; c’est l’ordre de la nature. À mesure que l’être sensitif devient actif, il acquiert un discernement proportionnel à ses forces ; et ce n’est qu’avec la force surabondante à celle dont il a besoin pour se conserver, que se développe en lui la faculté spéculative propre à employer cet excès de force à d’autres usages. Voulez-vous donc cultiver l’intelligence de votre élève ; cultivez les forces qu’elle doit gouverner. Exercez continuellement son corps ; rendez-le robuste et sain, pour le rendre sage et raisonnable ; qu’il travaille, qu’il agisse, qu’il coure, qu’il crie, qu’il soit toujours en mouvement ; qu’il soit homme par la vigueur, et bientôt il le sera par la raison. Si conforme al plan que acabo de trazar seguís las reglas directamente opuestas a las establecidas; si en lugar de llevar el entendimiento de vuestro alumno hacia remotas distancias; si en vez de extraviarle sin parar en apartados climas, en otros siglos, en los extremos de la tierra, y hasta en los cielos, os dedicáis a retenerle siempre dentro de sí mismo, y a que esté atento a lo que de inmediato le toca, le hallaréis capaz de percepción, de memoria y hasta de raciocinio. Este es el orden de la naturaleza. Al mismo tiempo que se va convirtiendo en un ser activo el ser sensitivo, aumenta su discernimiento en proporción a sus fuerzas, y sólo con la fuerza que precisa para conservarse, recobra la facultad especulativa propia para emplear en todos los usos este exceso de fuerza. Si queréis cultivar la inteligencia de vuestro alumno, cuidad bien de las fuerzas que "debe gobernar. Debéis procurar de forma continua que ejercite su cuerpo; hacerle robusto v sano, con el fin de hacerle racional y un hombre cuerdo; que trabaje, corra, grite, que esté en movimiento siempre, que sea hombre por el vigor, y de este modo pronto lo será por la razón.
Vous l’abrutiriez, il est vrai, par cette méthode, si vous alliez toujours le dirigeant, toujours lui disant : Va, viens, reste, fais ceci, ne fais pas cela. Si votre tête conduit toujours ses bras, la sienne lui devient inutile. Mais souvenez-vous de nos conventions : si vous n’êtes qu’un pédant, ce n’est pas la peine de me lire. Con este método es cierto que se embrutecería si siempre estuvieseis dirigiéndole y siempre diciéndole «Vete, quédate, haz esto, no hagas lo otro», puesto que si sus brazos son siempre conducidos por vuestra cabeza, la suya le resulta inútil. Debéis tener siempre presentes nuestras conclusiones; si sois un pedante, es inútil que me leáis.
C’est une erreur bien pitoyable d’imaginer que l’exercice du corps nuise aux opérations de l’esprit ; comme si ces deux actions ne devaient pas marcher de concert, et que l’une ne dût pas toujours diriger l’autre ! Creer que el ejercicio corporal es algo que perjudica, es uno de los mayores errores en que podemos caer, tanto si se refieren a las operaciones del espíritu como si no hubiera necesidad de que marcharan acordes estas dos operaciones, y no debiera dirigir siempre la una a la otra.
Il y a deux sortes d’hommes dont les corps sont dans un exercice continuel, et qui sûrement songent aussi peu les uns que les autres à cultiver leur âme, savoir, les paysans et les sauvages. Les premiers sont rustres, grossiers, maladroits ; les autres, connus par leur grand sens, le sont encore par la subtilité de leur esprit ; généralement il n’y a rien de plus lourd qu’un paysan, ni rien de plus fin qu’un sauvage. D’où vient cette différence ? C’est que le premier, faisant toujours ce qu’on lui commande, ou ce qu’il a vu faire à son père, ou ce qu’il a fait lui-même dès sa jeunesse, ne va jamais que par routine ; et, dans sa vie presque automate, occupé sans cesse des mêmes travaux, l’habitude et l’obéissance lui tiennent lieu de raison. Sabemos que hay dos clases de hombres cuyos cuerpos están en continuo ejercicio, pero uno no piensa en cultivar su inteligencia, como los aldeanos y los salvajes. Estos son rústicos y desmañados; los otros son célebres por su cordura, lo son también por la sutileza de su inteligencia; en general no existe un ente más torpe que un lugareño ni más listo que un salvaje. ¿:De dónde viene esta diferencia? De que el primero hace siempre lo que le mandan, o lo que vio hacer a su padre, o lo que siempre ha hecho él mismo desde su niñez; siempre se guía por la práctica, y ocupado durante una vida casi maquinal en las mismas faenas, el hábito y la obediencia sustituyen en él a la razón.
Pour le sauvage, c’est autre chose : n’étant attaché à aucun lieu, n’ayant point de tâche prescrite, n’obéissant à personne, sans autre loi que sa volonté, il est forcé de raisonner à chaque action de sa vie ; il ne fait pas un mouvement, pas un pas, sans en avoir d’avance envisagé les suites. Ainsi, plus son corps s’exerce, plus son esprit s’éclaire ; sa force et sa raison croissent à la fois et s’étendent l’une par l’autre. Muy de otra forma ocurre con el salvaje; careciendo de apego a sitio alguno y no teniendo otra ley que la que le dicta su voluntad, se ve obligado a razonar cada una de sus acciones, y sin haber calculado previamente las consecuencias, ni se mueve ni da un paso. De esta forma, cuanto más ejercicio realiza su cuerpo más se ilustra su entendimiento; crecen al unísono su fuerza y su razón y aumentan la una merced a la otra.
Savant précepteur, voyons lequel de nos élèves ressemble au sauvage, et lequel ressemble au paysan. Soumis en tout à une autorité toujours enseignante, le vôtre ne fait rien que sur parole ; il n’ose manger quand il a faim, ni rire quand il est gai, ni pleurer quand il est triste, ni présenter une main pour l’autre, ni remuer le pied que comme on le lui prescrit ; bientôt il n’osera respirer que sur vos règles. À quoi voulez-vous qu’il pense, quand vous pensez à tout pour lui ? Assuré de votre prévoyance, qu’a-t-il besoin d’en avoir ? Voyant que vous vous chargez de sa conservation, de son bien-être, il se sent délivré de ce soin ; son jugement se repose sur le vôtre ; tout ce que vous ne lui défendez pas, il le fait sans réflexion, sachant bien qu’il le fait sans risque. Qu’a-t-il besoin d’apprendre à prévoir la pluie ? il sait que vous regardez au ciel pour lui. Qu’a-t-il besoin de régler sa promenade ? il ne craint pas que vous lui laissiez passer l’heure du dîner. Tant que vous ne lui défendez pas de manger, il mange ; quand vous le lui défendez, il ne mange plus ; il n’écoute plus les avis de son estomac, mais les vôtres. Vous avez beau ramollir son corps dans l’inaction, vous n’en rendez pas son entendement plus flexible. Tout au contraire, vous achevez de décréditer la raison dans son esprit, en lui faisant user le peu qu’il en a sur les choses qui lui paraissent le plus inutiles. Ne voyant jamais à quoi elle est bonne, il juge enfin qu’elle n’est bonne à rien. Le pis qui pourra lui arriver de mal raisonner sera d’être repris, et il l’est si souvent qu’il n’y songe guère ; un danger si commun ne l’effraye plus. Vamos a ver, sabio maestro, cuál de nuestros dos alumnos se parece al salvaje y cuál al campesino. El vuestro, que está sujeto a una autoridad, no realizará nada si no se le ordena; no se atreve a comer cuando tiene hambre, ni a beber cuando le atormenta la sed, ni a reírse cuando está alegre, ni a llorar cuando está triste, ni a presentar una mano por otra, ni a mover el pie si no se lo indican, y pronto no se atreverá a respirar sin seguir vuestras reglas. ¿:Cómo queréis que piense si le tenéis acostumbrado a hacerlo vosotros por él? Estando seguro de vuestra precisión no necesita tenerla él para nada. Viendo que os encargáis de su conservación y de su bienestar, él se libra de este afán, somete su juicio al vuestro; todo lo que no le habéis prohibido lo verifica sin reflexión, sabiendo que con ello no corre riesgo de ninguna clase. ¿:Qué necesidad tiene de aprender a prever la lluvia? El ya sabe que vosotros observaréis las nubes. ¿:Para qué necesita pensar en su paseo? No tiene ningún temor de que dejéis pasar la hora de comer. Con tal de que no le prohibáis que coma, él come, y si es al revés, no come; dejando de atender las exigencias de su estómago, atiende las vuestras. Inútilmente hacéis flexible su cuerpo con la inacción, y no por eso haréis más claro su entendimiento; por el contrario, anuláis su razón haciendo que malgaste la poca que tiene en las cosas que más inútiles le parecen. No comprobando para qué sirve, cree que no sirve para nada. Lo peor que le puede suceder, cuando discurre mal, es que le reprendan, y esto le sucede tantas veces que ya no hace ningún caso, ya no le asusta un peligro tan repetido.
Vous lui trouvez pourtant de l’esprit ; et il en a pour babiller avec les femmes, sur le ton dont j’ai déjà parlé ; mais qu’il soit dans le cas d’avoir à payer de sa personne, à prendre un parti dans quelque occasion difficile, vous le verrez cent fois plus stupide et plus bête que le fils du plus gros manant. A pesar de ello, halláis en él desparpajo; lo tiene, en efecto, para charlar con las mujeres, por el estilo de lo que ya he dicho anteriormente, pero si llega la ocasión de que tenga necesidad de arriesgar su persona, de solucionar un problema difícil, observaréis que es cien veces más torpe que el hijo del más rústico labrador.
Pour mon élève, ou plutôt celui de la nature, exercé de bonne heure à se suffire à lui-même autant qu’il est possible, il ne s’accoutume point à recourir sans cesse aux autres, encore moins à leur étaler son grand savoir. En revanche, il juge, il prévoit, il raisonne en tout ce qui se rapporte immédiatement à lui. Il ne jase pas, il agit ; il ne sait pas un mot de ce qui se fait dans le monde, mais il sait fort bien faire ce qui lui convient. Comme il est sans cesse en mouvement, il est forcé d’observer beaucoup de choses, de connaître beaucoup d’effets ; il acquiert de bonne heure une grande expérience : il prend ses leçons de la nature et non pas des hommes ; il s’instruit d’autant mieux qu’il ne voit nulle part l’intention de l’instruire. Ainsi son corps et son esprit s’exercent à la fois. Agissant toujours d’après sa pensée, et non d’après celle d’un autre, il unit continuellement deux opérations ; plus il se rend fort et robuste, plus il devient sensé et judicieux. C’est le moyen d’avoir un jour ce qu’on croit incompatible, et ce que presque tous les grands hommes ont réuni, la force du corps et celle de l’âme, la raison d’un sage et la vigueur d’un athlète. Pero mi alumno, o por decirlo mejor, el alumno de la naturaleza, habituado tempranamente a bastarse a sí mismo en lo posible, no tiene por costumbre recurrir a los demás, menos hacer gala de su mucho saber; en cambio, juzga, prevé, y reflexiona en todo lo que tiene alguna relación inmediata con él. No habla, pero actúa; no sabe una palabra de cuanto sucede en el mundo, pero sabe desenvolverse muy bien en todo lo que le afecta. Como está en movimiento continuamente, se ve precisado a observar muchas cosas, a conocer muchos efectos, y muy pronto adquiere experiencia, aprende las lecciones de la naturaleza y no la de los hombres, y eso le instruye más porque no ve intención de instruirle en ninguna parte, por lo que al mismo tiempo se ejercitan su espíritu y su cuerpo. Como actúa siempre de conformidad con sus propias ideas, consigue dos ventajas: al mismo tiempo que se hace robusto y fuerte, se hace también racional y juicioso. Por este modo de obrar alcanza un día lo que se cree incompatible y que han reunido casi todos los grandes hombres: la fuerza del cuerpo y del espíritu, el talento de un sabio y el vigor de un atleta.
Jeune instituteur, je vous prêche un art difficile, c’est de gouverner sans préceptes, et de tout faire en ne faisant rien. Cet art, j’en conviens, n’est pas de votre âge ; il n’est pas propre à faire briller d’abord vos talents, ni à vous faire valoir auprès des pères : mais c’est le seul propre à réussir. Vous ne parviendrez jamais à faire des sages si vous ne faites d’abord des polissons ; c’était l’éducation des Spartiates : au lieu de les coller sur des livres, on commençait par leur apprendre à voler leur dîner. Les Spartiates étaient-ils pour cela grossiers étant grands ? Qui ne connaît la force et le sel de leurs reparties ? Toujours faits pour vaincre, ils écrasaient leurs ennemis en toute espèce de guerre, et les babillards Athéniens craignaient autant leurs mots que leurs coups. Joven maestro, te propongo un arte difícil, como es el de dirigir sin preceptos y lograrlo todo sin hacer nada. Estoy convencido de que este arte no es el apropiado a tu edad, de que no es el más adecuado para que luzcas tu talento ni consigas el aprecio de los padres, pero debo repetirte que es el único para conseguir el fin educativo. Nunca alcanzarás el éxito de formar sabios si no formas primero tunantuelos, que era el sistema educativo de los espartanos; en vez de tener pegados los niños a los libros, les enseñaban a robar lo que tenían que comer. Los espartanos, cuando mayores, no por eso eran hombres toscos. Nadie ignora la energía y la agudeza de sus reacciones. Habituados a vencer a sus enemigos, en toda clase de guerra los arrollaban, y los atenienses temían sus ocurrencias tanto como sus golpes.
Dans les éducations les plus soignées, le maître commande et croit gouverner : c’est en effet l’enfant qui gouverne. Il se sert de ce que vous exigez de lui pour obtenir de vous ce qu’il lui plaît ; et il sait toujours vous faire payer une heure d’assiduité par huit jours de complaisance. À chaque instant il faut pactiser avec lui. Ces traités, que vous proposez à votre mode, et qu’il exécute à la sienne, tournent toujours au profit de ses fantaisies, surtout quand on a la maladresse de mettre en condition pour son profit ce qu’il est bien sûr d’obtenir, soit qu’il remplisse ou non la condition qu’on lui impose en échange. L’enfant, pour l’ordinaire, lit beaucoup mieux dans l’esprit du maître que le maître dans le cœur de l’enfant. Et cela doit être : car toute la sagacité qu’eût employée l’enfant livré à lui-même à pourvoir à la conservation de sa personne, il l’emploie à sauver sa liberté naturelle des chaînes de son tyran ; au lieu que celui-ci, n’ayant nul intérêt si pressant à pénétrer l’autre, trouve quelquefois mieux son compte à lui laisser sa paresse ou sa vanité. En las educaciones más esmeradas manda el maestro y cree que dirige, y quien en efecto dirige es el niño, el cual se vale de lo que exigís de él para alcanzar de vosotros lo que se le antoja y lograr con ocho días de anticipación vuestra condescendencia por una hora de aplicación. A cada instante hay ′que llegar a convenios con él. Estos tratados que proponéis a vuestro modo, y que él ejecuta a su manera, siempre son en beneficio suyo, y de un modo especial si se cae en la torpeza de hacer constar, como una condición que ha de ser en beneficio, suyo, lo que está seguro que ha de alcanzar, tanto si cumple la condición que le ha sido impuesta como si deja de cumplirla. Generalmente el niño lee mucho mejor en el alma del maestro que éste en la del niño, y debe ser así, puesto que toda cuanta sagacidad hubiera puesto en cuidar de su conservación, el niño la emplea ahora en sacar su libertad natural de las cadenas de su tirano, mientras éste, que no tiene tanta urgencia e interés en adivinar lo que el otro piensa, algunas veces ve que le resulta más conveniente dejarle abandonado a su pereza y a su vanidad.
Prenez une route opposée avec votre élève ; qu’il croie toujours être le maître, et que ce soit toujours vous qui le soyez. Il n’y a point d’assujettissement si parfait que celui qui garde l’apparence de la liberté ; on captive ainsi la volonté même. Le pauvre enfant qui ne sait rien, qui ne peut rien, qui ne connaît rien, n’est-il pas à votre merci ? Ne disposez-vous pas, par rapport à lui, de tout ce qui l’environne ? N’êtes-vous pas le maître de l’affecter comme il vous plaît ? Ses travaux, ses jeux, ses plaisirs, ses peines, tout n’est-il pas dans vos mains sans qu’il le sache ? Sans doute il ne doit faire que ce qu’il veut ; mais il ne doit vouloir que ce que vous voulez qu’il fasse ; il ne doit pas faire un pas que vous ne l’ayez prévu ; il ne doit pas ouvrir la bouche que vous ne sachiez ce qu’il va dire. Ya podéis daros cuenta de que seguís un camino opuesto al de vuestro alumno, que cree que él es siempre el dueño, pero debéis serlo vosotros de verdad. No hay ninguna sujeción más completa como la que posee todas las apariencias de libertad, ya que de este modo está cautiva la voluntad misma. ¿:No está a vuestra disposición un pobre niño que nada sabe, que lo ignora todo? ¿:No sois vosotros los que disponéis de todo lo que tiene relación con él y de todo lo que está cerca de él? ¿:No están en vuestra mano, sin que él lo sepa, sus tareas, sus juegos, sus deleites, sus penas y todo lo demás? No hay duda de que no debe hacer otra cosa que lo que él quiera, pero sólo lo que admitís que haga, pues no debe dar un paso sin que vosotros lo tengáis previsto, ni desplegar los labios sin que sepáis lo que va a decir.
C’est alors qu’il pourra se livrer aux exercices du corps que lui demande son âge, sans abrutir son esprit ; c’est alors qu’au lieu d’aiguiser sa ruse à éluder un incommode empire, vous le verrez s’occuper uniquement à tirer de tout ce qui l’environne le parti le plus avantageux pour son bien-être actuel ; c’est alors que vous serez étonné de la subtilité de ses inventions pour s’approprier tous les objets auxquels il peut atteindre, et pour jouir vraiment des choses sans le secours de l’opinion. Después podrá realizar los ejercicios corporales propios de su edad, sin embrutecer su entendimiento, y luego, en vez de imaginar tretas para poder escapar de un imperio incómodo, veréis cómo se preocupa por sacar de todo el fruto más provechoso, y entonces quedaréis admirados de su agudeza para apropiarse de todos los objetos que estén a su alcance y disfrutar de las cosas sin la aprobación ajena.
En le laissant ainsi maître de ses volontés, vous ne fomenterez point ses caprices. En ne faisant jamais que ce qui lui convient, il ne fera bientôt que ce qu’il doit faire ; et, bien que son corps soit dans un mouvement continuel, tant qu’il s’agira de son intérêt présent et sensible, vous verrez toute la raison dont il est capable se développer beaucoup mieux et d’une manière beaucoup plus appropriée à lui, que dans des étude de pure spéculation. Obrando de modo que sea dueño de su voluntad, no fomentaréis sus caprichos, y dejando que haga lo que quiera, pronto no hará más que lo que él debe hacer, y aunque esté su cuerpo en un continuo movimiento, al tratarse de su interés del momento os daréis cuenta de cómo se desenvuelve la razón de que es capaz y del modo más adecuado para él, mejor que con estudios de pura especulación.
Ainsi, ne vous voyant point attentif à le contrarier, ne se défiant point de vous, n’ayant rien à vous cacher, il ne vous trompera point, il ne vous mentira point ; il se montrera tel qu’il est sans crainte ; vous pourrez l’étudier tout à votre aise, et disposer tout autour de lui les leçons que vous voulez lui donner, sans qu’il pense jamais en recevoir aucune. De esta manera, viendo que no le contrariáis y poniendo él su confianza en vosotros, además de no tener necesidad de ocultaros nada, no os engañará ni os mentirá; se manifestará tal como es; tendréis ocasión de estudiarlo y de preparar las lecciones que queráis darle, sin que advierta que las está recibiendo.
Il n’épiera point non plus vos mœurs avec une curieuse jalousie, et ne se fera point un plaisir secret de vous prendre en faute. Cet inconvénient que nous prévenons est très grand. Un des premiers soins des enfants est, comme je l’ai dit, de découvrir le faible de ceux qui les gouvernent. Ce penchant porte à la méchanceté, mais il n’en vient pas : il vient du besoin d’éluder une autorité qui les importune. Surchargés du joug qu’on leur impose, ils cherchent à le secouer ; et les défauts qu’ils trouvent dans les maîtres leur fournissent de bons moyens pour cela. Cependant l’habitude se prend d’observer les gens par leurs défauts, et de se plaire à leur en trouver. Il est clair que voilà encore une source de vices bouchée dans le cœur d’Émile ; n’ayant nul intérêt à me trouver des défauts, il ne m’en cherchera pas, et sera peu tenté d’en chercher à d’autres. Toutes ces pratiques semblent difficiles, parce qu’on ne s’en avise pas ; mais dans le fond elles ne doivent point l’être. On est en droit de vous supposer les lumières nécessaires pour exercer le métier que vous avez choisi ; on doit présumer que vous connaissez la marche naturelle du cœur humain, que vous savez étudier l’homme et l’individu ; que vous savez d’avance à quoi se pliera la volonté de votre élève à l’occasion de tous les objets intéressants pour son âge que vous ferez passer sous ses yeux. Or, avoir les instruments, et bien savoir leur usage, n’est-ce pas être maître de l’opération ? Tampoco se habrá convertido en un espía de vuestras costumbres movido por ninguna curiosidad, ni se sentirá complacido secretamente al cogeros en una falta. Este inconveniente que prevenimos es importante. Ya os he dicho repetidas veces que uno de los primeros afanes de los niños es el de poder descubrir la parte débil de sus dirigentes. Esta inclinación conduce a la malicia, pero no proviene de ella; nace de la necesidad de sortear una autoridad que les es enojosa. Ponen su empeño en sacudirse el yugo que les imponen y los agobia, y los defectos que hallan en sus preceptores les proporcionan los medios adecuados.. Mientras tanto, van adquiriendo el hábito de observar los defectos de los demás, y se complacen en encontrarlos. Se ve claramente que hemos evitado que se vea una sucesión de vicios en el corazón de Emilio, pues como no tiene ningún interés en encontrar mis defectos, no los buscará, ni deseará saber los de otros. Todas estas prácticas parecen difíciles porque no se piensa en ellas, pero en el fondo no lo son. Hay motivos para suponeros con las luces precisas para desempeñar la profesión que habéis elegido,` y hay que creer que conocéis el natural progreso del corazón humano, que sabéis estudiar hacia qué se inclinará la voluntad de vuestro alumno observando los objetos que interesen a su edad y que haréis pasar por delante de sus ojos. Poseer los instrumentos y saber utilizarlos, ¿:no es ser dueño de la operación?
Vous objecterez les caprices de l’enfant ; et vous avez tort. Le caprice des enfants n’est jamais l’ouvrage de la nature, mais d’une mauvaise discipline : c’est qu’ils ont obéi ou commandé ; et j’ai dit cent fois qu’il ne fallait ni l’un ni l’autre. Votre élève n’aura donc de caprices que ceux que vous lui aurez donnés : il est juste que vous portiez la peine de vos fautes. Mais, direz-vous, comment y remédier ? Cela se peut encore, avec une meilleure conduite et beaucoup de patience. Me opondréis los caprichos del niño, y no tenéis razón. El capricho de los niños jamás ha sido obra de la naturaleza, sino de una defectuosa disciplina; ellos han obedecido o mandado, y he dicho cien veces que no debía ser ni lo uno ni lo otro. Vuestro alumno no tendrá otros caprichos que los que le habréis permitido, y es justo que paguéis vuestras faltas. Me preguntaréis cómo se pueden remediar. Eso se soluciona con una conducta mejor y con mucha paciencia.
Je m’étais chargé, durant quelques semaines, d’un enfant accoutumé non seulement à faire ses volontés, mais encore à les faire faire à tout le monde, par conséquent plein de fantaisie. Dès le premier jour, pour mettre à l’essai ma complaisance, il voulut se lever à minuit. Au plus fort de mon sommeil, il saute à bas de son lit, prend sa robe de chambre et m’appelle. Je me lève, j’allume la chandelle ; il n’en voulait pas davantage ; au bout d’un quart d’heure le sommeil le gagne, et il se recouche, content de son épreuve. Deux jours après, il la réitère avec le même succès, et de ma part sans le moindre signe d’impatience. Comme il m’embrassait en se recouchant, je lui dis très posément : Mon petit ami, cela va fort bien, mais n’y revenez plus. Ce mot excita sa curiosité, et dès le lendemain, voulant voir un peu comment j’oserais lui désobéir, il ne manqua pas de se relever à la même heure, et de m’appeler. Je lui demandai ce qu’il voulait. Il me dit qu’il ne pouvait dormir. Tant pis, repris-je, et je me tins coi. Il me pria d’allumer la chandelle. Pourquoi faire ? et je me tins coi. Ce ton laconique commençait à l’embarrasser. Il s’en fut à tâtons chercher le fusil qu’il fit semblant de battre, et je ne pouvais m’empêcher de rire en l’entendant se donner des coups sur les doigts. Enfin, bien convaincu qu’il n’en viendrait pas à bout, il m’apporta le briquet à mon lit ; je lui dis que je n’en avais que faire, et me tournai de l’autre côté. Alors il se mit à courir étourdiment par la chambre, criant, chantant, faisant beaucoup de bruit, se donnant, à la table et aux chaises, des coups qu’il avait grand soin de modérer, et dont il ne laissait pas de crier bien fort, espérant me causer de l’inquiétude. Tout cela ne prenait point ; et je vis que, comptant sur de belles exhortations ou sur de la colère, il ne s’était nullement arrangé pour ce sang-froid. Yo me encargué durante algunas semanas de un niño acostumbrado no sólo a hacer su voluntad, sino también a que los demás se le sometieran, lo que quiere decir que le sobraba fantasía. El primer día, para poner a prueba mi benignidad, se quiso levantar a media noche. Cuando mejor dormía yo, saltó de la cama, cogió su ropa y me llamó. Me′ levanté y encendí la luz; él no deseaba más, pero al cabo de un cuarto de hora el sueño le venció y volvió a acostarse, muy satisfecho de su prueba. Dos días después la repitió con el mismo éxito, sin el menor signo de impaciencia en mí. Como me dio un abrazo al volverse a acostar, yo le dije sin destemplanzas: «Mi pequeño amigo, bien está, pero no vuelvas a hacerlo». Estas palabras espolearon su curiosidad, y a la noche siguiente, deseando saber si me atrevería a desobedecerle, volvió a levantarse a la misma hora y me llamó. Yo le pregunté qué deseaba. Me dijo que no podía dormir. «Eso es peor», le contesté, y me quedé quieto. Me pidió que encendiese la luz. «¿:Para qué?», y seguí quieto. Esta sobriedad comenzó a molestarle. A tientas fue a buscar el eslabón y fingió que encendía la yesca; yo no podía por menos de reírme oyendo los golpes que se daba en los dedos. Por último, persuadido de que no podría salirse con la suya, me trajo el eslabón a la cama; yo le dije que no lo necesitaba, y me volví del otro lado. Entonces empezó a correr atolondradamente por la habitación, gritando, haciendo mucho ruido, dándose contra la mesa y las sillas unos golpes que ya cuidaba él de que no fueran muy fuertes, sin dejar de gritar, esperando que yo me alarmase. Nada le valió, y vi que esperaba, que yo le reprendiese, lo que no consiguió, desconcertándole mi indiferencia.
Cependant, résolu de vaincre ma patience à force d’opiniâtreté, il continua son tintamarre avec un tel succès, qu’à la fin je m’échauffai ; et, pressentant que j’allais tout gâter par un emportement hors de propos, je pris mon parti d’une autre manière. Je me levai sans rien dire, j’allai au fusil que je ne trouvai point ; je le lui demande, il me le donne, pétillant de joie d’avoir enfin triomphé de moi. Je bats le fusil, j’allume la chandelle, je prends par la main mon petit bonhomme, je le mène tranquillement dans un cabinet voisin dont les volets étaient bien fermés, et où il n’y avait rien à casser : je l’y laisse sans lumière ; puis, fermant sur lui la porte à la clef, je retourne me coucher sans lui avoir dit un seul mot. Il ne faut pas demander si d’abord il y eut du vacarme, je m’y étais attendu : je ne m’en émus point. Enfin le bruit s’apaise ; j’écoute, je l’entends s’arranger, je me tranquillise. Le lendemain, j’entre au jour dans le cabinet ; je trouve mon petit mutin couché sur un lit de repos, et dormant d’un profond sommeil, dont, après tant de fatigue, il devait avoir grand besoin. Sin embargo, resuelto a vencer mi paciencia a fuerza de tenacidad, continuó su alboroto con tanto fruto que al fin me enfurecí, pero presintiendo que lo iba a echar todo a perder con mi importuno impulso, tomé otra determinación. Me levanté sin decir nada, busqué el eslabón, que no encontré, se lo pedí y me lo dio, con mucha satisfacción por haber triunfado. Cogí la yesca, encendí la luz, tomé de la mano a mi pequeño hombre, me lo llevé tranquilamente a un aposento inmediato, cuyas ventanas estaban bien cerradas y donde no había nada que pudiere romper; le deje sin luz, cerré la puerta con llave y volví a acostarme sin haberle dicho una palabra. No hace falta decir cuál fue el escándalo, pero yo lo esperaba y no hice caso. Por último cesó el ruido, escuché, comprendí que se había resignado y me tranquilicé. Al día siguiente entré en el aposento y hallé a mi pequeño revoltoso tendido en una camita y durmiendo profundamente, que bien lo debía necesitar después de tanto alboroto.
L’affaire ne finit pas là. La mère apprit que l’enfant avait passé les deux tiers de la nuit hors de son lit. Aussitôt tout fut perdu, c’était un enfant autant que mort. Voyant l’occasion bonne pour se venger, il fit le malade, sans prévoir qu’il n’y gagnerait rien. Le médecin fut appelé. Malheureusement pour la mère, ce médecin était un plaisant, qui, pour s’amuser de ses frayeurs, s’appliquait à les augmenter. Cependant il me dit à l’oreille : Laissez-moi faire, je vous promets que l’enfant sera guéri pour quelque temps de la fantaisie d’être malade. En effet, la diète et la chambre furent prescrites, et il fut recommandé à l’apothicaire. Je soupirais de voir cette pauvre mère ainsi la dupe de tout ce qui l’environnait, excepté moi seul, qu’elle prit en haine, précisément parce que je ne la trompais pas. La cosa no finalizó aquí. La madre supo que el niño había pasado gran parte de la noche fuera de su cama. En seguida se perdió todo, ya estaba el niño poco menos que muerto. Viendo que era una buena ocasión para vengarse, se hizo el enfermo, sin prever que no iba a ganar nada. Llamaron al médico. Desgraciadamente para la madre el médico era un gracioso que procuraba aumentar sus temores para reírse de ellos. Sin embargo, me dijo al oído: «Déjelo usted por mi cuenta; yo le aseguro que el niño quedará por algún tiempo curado de la fantasía de estar enfermo». En efecto, le prescribió una dieta y le prohibió salir de la habitación, encomendándolo al boticario. Yo sentía ver a la pobre madre, de quien se reían todos los de casa, excepto yo, a quien tomó odio, precisamente porque yo no la engañaba.
Après des reproches assez durs, elle me dit que son fils était délicat, qu’il était l’unique héritier de sa famille, qu’il fallait le conserver à quelque prix que ce fût, et qu’elle ne voulait pas qu’il fût contrarié. En cela j’étais bien d’accord avec elle ; mais elle entendait par le contrarier ne lui pas obéir en tout. Je vis qu’il fallait prendre avec la mère le même ton qu’avec l’enfant. Madame, lui dis-je assez froidement, je ne sais point comment on élève un héritier, et, qui plus est, je ne veux pas l’apprendre ; vous pouvez vous arranger là-dessus. On avait besoin de moi pour quelque temps encore : le père apaisa tout ; la mère écrivit au précepteur de hâter son retour ; et l’enfant, voyant qu’il ne gagnait rien à troubler mon sommeil ni à être malade, prit enfin le parti de dormir lui-même et de se bien porter. Después de muy duros reproches, me dijo que su hijo estaba delicado, que era el único heredero de su familia, que era preciso conservarle a cualquier precio y que no quería que lo contrariasen. En esto yo también estaba de acuerdo, pero ella entendía que no contrariar al niño era obedecerle en todo. Comprendí que debía emplear con la madre la misma escuela que con el hijo, y con la mayor serenidad le dije: «Señora, no conozco la forma de educar a los herederos, y lo más importante es que no me interesa aprenderla; así es que usted deberá arreglárselas como mejor le parezca. Necesitaban de mí algún tiempo más; el padre se conformó, la madre escribió al preceptor, pidiéndole que regresase pronto, y el niño, dándose cuenta de que no ganaba nada en turbarme el sueño ni con estar enfermo, decidió dormir y portarse bien.
On ne saurait imaginer à combien de pareils caprices le petit tyran avait asservi son malheureux gouverneur ; car l’éducation se faisait sous les yeux de la mère, qui ne souffrait pas que l’héritier fût désobéi en rien. À quelque heure qu’il voulût sortir, il fallait être prêt pour le mener, ou plutôt pour le suivre, et il avait toujours grand soin de choisir le moment où il voyait son gouverneur le plus occupé. Il voulut user sur moi du même empire, et se venger le jour du repos qu’il était forcé de me laisser la nuit. Je me prêtai de bon cœur à tout, et je commençai par bien constater à ses propres yeux le plaisir que j’avais à lui complaire ; après cela, quand il fut question de le guérir de sa fantaisie, je m’y pris autrement. No es posible imaginarse a cuántos caprichos semejantes había sometido el pequeño tirano a su desdichado ayo, pues su educación se llevaba delante de la madre, la cual no admitía que el heredero fuera desobedecido en nada. A cualquier hora quería salir de casa, había que estar preparado para acompañarle, o más bien a seguirle, y siempre procuraba elegir el momento en que veía al ayo más ocupado. Quiso conseguir el mismo imperio conmigo, y vengarse por el día de reposo en que por fuerza tuvo que dejarme de noche. Yo me presté buenamente a todo; comencé por de mostrarle el placer que tenía en satisfacerle, y después, cuando fue cuestión de curarle de su fantasía, cambié de táctica.
Il fallut d’abord le mettre dans son tort, et cela ne fut pas difficile. Sachant que les enfants ne songent jamais qu’au présent, je pris sur lui le facile avantage de la prévoyance ; j’eus soin de lui procurer au logis un amusement que je savais être extrêmement de son goût ; et, dans le moment où je l’en vis le plus engoué, j’allai lui proposer un tour de promenade ; il me renvoya bien loin ; j’insistai, il ne m’écouta pas ; il fallut me rendre, et il nota précieusement en lui-même ce signe d’assujettissement. Fue indispensable primero que se diere cuenta de que la culpa era suya, y no fue difícil. Sabiendo que los niños sólo piensan en el presente, me tomé la fácil ventaja de la previsión, e hice que encontrara en casa una distracción que sabía que era muy de su gusto, y en el momento en que estaba más entusiasmado con ella, le propuse que diéramos un paseo, y no quiso; insistí y no me escuchó; fue necesario que yo me rindiese, lo que le halagó mucho por lo que vio en mí de sumisión.
Le lendemain ce fut mon tour. Il s’ennuya, j’y avais pourvu ; moi, au contraire, je paraissais profondément occupé. Il n’en fallait pas tant pour le déterminer. Il ne manqua pas de venir m’arracher à mon travail pour le mener promener au plus vite. Je refusai ; il s’obstina. Non, lui dis-je ; en faisant votre volonté vous m’avez appris à faire la mienne : je ne veux pas sortir. Eh bien, reprit-il vivement, je sortirai tout seul. Comme vous voudrez. Et je reprends mon travail. Pero al día siguiente me llegó mi turno. Se fastidió, pues yo lo había dispuesto todo para que aconteciera así, y fingí que estaba muy ocupado. Hacía falta esto para que se revolviese. No tardó en querer que dejase mi trabajo para que le llevase a paseo en seguida; yo me negué y él se obstinó. «No, le dije; como tú haces tu voluntad, yo haré la mía, y no quiero salir». «Está bien, replicó irritado: saldré solo». «Como te parezca», y continué mi trabajo.
Il s’habille, un peu inquiet de voir que je le laissais faire et que je ne l’imitais pas. Prêt à sortir, il vient me saluer ; je le salue ; il tâche de m’alarmer par le récit des courses qu’il va faire ; à l’entendre, on eût cru qu’il allait au bout du monde. Sans m’émouvoir, je lui souhaite un bon voyage. Son embarras redouble. Cependant il fait bonne contenance, et, prêt à sortir, il dit à son laquais de le suivre. Le laquais, déjà prévenu, répond qu’il n’a pas le temps, et qu’occupé par mes ordres, il doit m’obéir plutôt qu’à lui. Pour le coup l’enfant n’y est plus. Comment concevoir qu’on le laisse sortir seul, lui qui se croit l’être important à tous les autres, et pense que le ciel et la terre sont intéressés à sa conservation ? Cependant il commence à sentir sa faiblesse ; il comprend qu’il se va trouver seul au milieu de gens qui ne le connaissent pas ; il voit d’avance les risques qu’il va courir ; l’obstination seule le soutient encore ; il descend l’escalier lentement et fort interdit. Il entre enfin dans la rue, se consolant un peu du mal qui lui peut arriver par l’espoir qu’on m’en rendra responsable. Se viste un poco intranquilo al ver que no me opongo y no le imito. Preparado para salir, viene a despedirse y yo me despido de él; al oírle se habría creído que iba al fin del mundo. Sin inmutarse, le deseo buen viaje y aumenta su turbación. Sin embargo, se domina, y antes de salir le dice al criado que le siga, pero el criado está prevenido y le contesta que no tiene tiempo, que ocupado por orden mía, antes debe obedecerme a mí que a él. Esta vez el niño ya no sabe dónde está. ¿:Cómo puede comprender que le dejen salir solo cuando cree que sólo él importa a los demás y piensa que el cielo y la tierra desean su compañía? No obstante, comienza a sentir su fragilidad; se da cuenta de que se va a ver solo entre gente que le conoce, y prevé los peligros que puede correr; sólo le alienta la terquedad; despacio y confuso baja la escalera y sale a la calle, tranquilizándole la esperanza de hacerme responsable a mí si le ocurre algo.
C’était là que je l’attendais. Tout était préparé d’avance ; et comme il s’agissait d’une espèce de scène publique, je m’étais muni du consentement du père. À peine avait-il fait quelques pas, qu’il entend à droite et à gauche différents propos sur son compte. Voisin, le joli monsieur ! où va-t-il ainsi tout seul ? il va se perdre ; je veux le prier d’entrer chez nous. Voisine, gardez-vous-en bien. Ne voyez vous pas que c’est un petit libertin qu’on a chassé de la maison de son père parce qu’il ne voulait rien valoir ? Il ne faut pas retirer les libertins ; laissez-le aller où il voudra. Eh bien donc ! que Dieu le conduise ! je serais fâchée qu’il lui arrivât malheur. Un peu plus loin, il rencontre des polissons à peu près de son âge, qui l’agacent et se moquent de lui. Plus il avance, plus il trouve d’embarras. Seul et sans protection, il se voit le jouet de tout le monde, et il éprouve avec beaucoup de surprise que son nœud d’épaule et son parement d’or ne le font pas plus respecter. Yo le aguardaba aquí y lo tenía todo previamente preparado, y como se trataba de una especie de escena pública, yo había conseguido el permiso del padre. Apenas ha dado algunos pasos oye a la derecha y a la izquierda frases que se refieren a él: «Vecino, ¡qué niño más hermoso!». «¿:Adónde va solo? Se va a extraviar; voy a decirle que entre en casa.» «Vecino, id con cuidado. ¿:No veis que es un granujilla que lo han echado de su casa? No recojamos a los golfillos; dejadle ir donde quiera.» «Pues vaya con Dios y que El le proteja, pero sentiría que le ocurriese nada.» Un poco más lejos encuentra a unos pilluelos de casi su misma edad, que le cierran el paso y se burlan de él. Cuanto más avanza, más obstáculos halla. Solo y sin protección, se da cuenta de que choca a todo el mundo, y no sin sorpresa comprueba que sus medias de seda y sus hebillas doradas no hacen que se le respete.
Cependant un de mes amis, qu’il ne connaissait point, et que j’avais chargé de veiller sur lui, le suivait pas à pas sans qu’il y prît garde, et l’accosta quand il en fut temps. Ce rôle, qui ressemblait à celui de Sbrigani dans Pourceaugnac, demandait un homme d’esprit, et fut parfaitement rempli. Sans rendre l’enfant timide et craintif en le frappant d’un trop grand effroi, il lui fit si bien sentir l’imprudence de son équipée, qu’au bout d’une demi-heure il me le ramena souple, confus, et n’osant lever les yeux. Sin embargo, uno de mis amigos, a quien él no conocía y al que yo había encargado que lo observara y le siguiera sin que él se apercibiera, se le acercó cuando lo vio necesario. Para ese papel, similar al del mayordomo del duque en la ínsula de Sancho, precisaba un hombre hábil, y cumplió perfectamente. Sin asustarle ni desanimarle le hizo comprender tan bien la imprudencia de su conducta, que me lo trajo al cabo de media hora, confundido y sin atreverse a levantar los ojos.
Pour achever le désastre de son expédition, précisément au moment qu’il rentrait, son père descendait pour sortir, et le rencontra sur l’escalier. Il fallut dire d’où il venait et pourquoi je n’étais pas avec lui[18]. Le pauvre enfant eût voulu être cent pieds sous terre. Sans s’amuser à lui faire une longue réprimande, le père lui dit plus sèchement que je ne m’y serais attendu : Quand vous voudrez sortir seul, vous en êtes le maître ; mais, comme je ne veux point d’un bandit dans ma maison, quand cela vous arrivera, ayez soin de n’y plus rentrer. Para rematar su desastrosa excursión, en el mismo instante en que entraba él, su padre bajaba la escalera para salir y le encontró. Tuvo que decir de dónde venía y por qué no iba yo con él . El pequeño habría preferido que se lo tragase la tierra. Sin perder el tiempo en reprenderle, su padre le dijo secamente: «Cuando usted quiera salir solo, puede hacerlo, pero como yo no quiero vagabundos en mi casa, cuando vuelva encontrará la puerta cerrada».
Pour moi, je le reçus sans reproche et sans raillerie, mais avec un peu de gravité ; et de peur qu’il ne soupçonnât que tout ce qui s’était passé n’était qu’un jeu, je ne voulus point le mener promener le même jour. Le lendemain je vis avec grand plaisir qu’il passait avec moi d’un air de triomphe devant les mêmes gens qui s’étaient moqués de lui la veille pour l’avoir rencontré tout seul. On conçoit bien qu’il ne me menaça plus de sortir sans moi. Yo le acogí sin reproches y sin burlarme de él, pero con mucha seriedad, y temiendo que sospechase que era juego todo lo que había acontecido, no le quise sacar a paseo aquel día, y al siguiente disfruté lo mío viendo que paseaba conmigo con un gesto de triunfo por delante de las mismas personas que el día anterior se habían burlado de él porque le vieron solo. Por ahí se puede comprender que no me volvería a amenazar con salir sin ir conmigo.
C’est par ces moyens et d’autres semblables que, durant le peu de temps que je fus avec lui, je vins à bout de lui faire faire tout ce que je voulais sans lui rien prescrire, sans lui rien défendre, sans sermons, sans exhortations, sans l’ennuyer de leçons inutiles. Aussi, tant que je parlais, il était content ; mais mon silence le tenait en crainte ; il comprenait que quelque chose n’allait pas bien, et toujours la leçon lui venait de la chose même. Mais revenons. Valiéndome de estos métodos y de otros parecidos, conseguí durante el poco tiempo que todavía seguí con él que hiciera todo lo que yo deseaba, sin mandarle nada, sin prohibirle nada, sin sermones ni exhortaciones y sin aburrirle con lecciones inútiles. Además, cuando yo hablaba, él estaba contento, pero mi silencio le inspiraba miedo, pues comprendía que había hecho algo que no estaba bien, y siempre sacaba una lección oportuna. Pero volvamos a lo nuestro.
Non seulement ces exercices continuels, ainsi laissés à la seule direction de la nature, en fortifiant le corps, n’abrutissent point l’esprit ; mais au contraire ils forment en nous la seule espèce de raison dont le premier âge soit susceptible, et la plus nécessaire à quelque âge que ce soit. Ils nous apprennent à bien connaître l’usage de nos forces, les rapports de nos corps aux corps environnants, l’usage des instruments naturels qui sont à notre portée et qui conviennent à nos organes. Y a-t-il quelque stupidité pareille à celle d’un enfant élevé toujours dans la chambre et sous les yeux de sa mère, lequel, ignorant ce que c’est que poids et que résistance, veut arracher un grand arbre, ou soulever un rocher ? La première fois que je sortis de Genève, je voulais suivre un cheval au galop, je jetais des pierres contre la montagne de Salève qui était à deux lieues de moi ; jouet de tous les enfants du village, j’étais un véritable idiot pour eux. À dix-huit ans on apprend en philosophie ce que c’est qu’un levier : il n’y a point de petit paysan à douze qui ne sache se servir d’un levier mieux que le premier mécanicien de l’Académie. Les leçons que les écoliers prennent entre eux dans la cour du collège leur sont cent fois plus utiles que tout ce qu’on leur dira jamais dans la classe. Estos constantes ejercicios, abandonados de este modo a la sola dirección de la naturaleza, no sólo vigorizan el cuerpo sin entorpecer el espíritu, sino que, por el contrario, forman en nosotros la única especie de razón de que sea susceptible la primera edad y que es necesaria en todas. Nos enseñan a emplear bien nuestras fuerzas, las relaciones de nuestro cuerpo con los cuerpos que nos rodean y el uso de los instrumentos naturales que están a nuestra disposición y convienen a nuestros órganos. No hay torpeza mayor que la de educar a un niño en casa y bajo mirada de su madre, la cual, ignorando el peso y la resistencia, quiere arrancar un árbol o levantar una roca. La primera vez que salí de Ginebra quise seguir a un caballo que iba a galope, eché piedras contra el monte de Seleve, que estaba a dos leguas lejos; fui el hazmerreír de todos los niños de allí, que me tenían por un verdadero idiota. A los dieciocho años, en física se aprende qué es una palanca, y no hay ningún aldeano de doce que no sepa emplearla mejor que el primer mecánico de la Academia. Las lecciones que los escolares aprenden entre sí en los patios de los colegios les son más útiles que todas las que se les enseña en la clase.
Voyez un chat entrer pour la première fois dans une chambre ; il visite, il regarde, il flaire, il ne reste pas un moment en repos, il ne se fie à rien qu’après avoir tout examiné, tout connu. Ainsi fait un enfant commençant à marcher, et, entrant pour ainsi dire dans l’espace du monde. Toute la différence est qu’à la vue, commune à l’enfant et au chat, le premier joint, pour observer, les mains que lui donna la nature, et l’autre l’odorat subtil dont elle l’a doué. Cette disposition, bien ou mal cultivée, est ce qui rend les enfants adroits ou lourds, pesants ou dispos, étourdis ou prudents. Fijaos en un gato que entra por primera vez en una habitación: visita, observa, olfatea, no está ni un momento quieto, no se fía de nada hasta que lo ha visto y reconocido todo. De igual modo obra un niño que comienza a andar y que se introduce, por decirlo así, dentro el espacio del mundo. Toda la diferencia estriba en que la vista del niño y la del gato coinciden en observar las manos que le otorgó la naturaleza al primero v el sutil olfato con que dotó al segundo. Esta disposición bien o mal cultivada hace a los niños hábiles o ineptos, torpes o dispuestos, atolondrados o prudentes.
Les premiers mouvements naturels de l’homme étant donc de se mesurer avec tout ce qui l’environne, et d’éprouver dans chaque objet qu’il aperçoit toutes les qualités sensibles qui peuvent se rapporter à lui, sa première étude est une sorte de physique expérimentale relative à sa propre conservation, et dont on le détourne par des études spéculatives avant qu’il ait reconnu sa place ici-bas. Tandis que ses organes délicats et flexibles peuvent s’ajuster aux corps sur lesquels ils doivent agir, tandis que ses sens encore purs sont exempts d’illusion, c’est le temps d’exercer les uns et les autres aux fonctions qui leur sont propres ; c’est le temps d’apprendre à connaître les rapports sensibles que les choses ont avec nous. Comme tout ce qui entre dans l’entendement humain y vient par les sens, la première raison de l’homme est une raison sensitive ; c’est elle qui sert de base à la raison intellectuelle : nos premiers maîtres de philosophie sont nos pieds, nos mains, nos yeux. Substituer des livres à tout cela, ce n’est pas nous apprendre à raisonner, c’est nous apprendre à nous servir de la raison d’autrui ; c’est nous apprendre à beaucoup croire, et à ne jamais rien savoir. Los primeros movimientos naturales del hombre se deben, pues, medir todo cuanto le rodea y experimentar en cada objeto que percibe todas las cualidades sensibles que puedan tener relación con él; su primer estudio es una especie de física experimental relativa a su propia conservación, sin que le desvíen los estudios especulativos antes de reconocer cuál es su sitio en la tierra. Mientras sus órganos delicados y flexibles se pueden ajustar sobre los cuerpos en que deben actuar, y mientras sus sentidos todavía puros están exentos de ilusiones, es el momento de ejercitar unos y otros en las funciones que les son propias; es la ocasión de aprender a conocer las relaciones sensibles que las cosas tienen con nosotros. Como todo lo que entra en el entendimiento humano viene por los sentidos, la primera razón del hombre es una razón sensitiva, la cual sirve de base a la razón intelectual, y así nuestros primeros maestros de filosofía son nuestros pies, nuestras manos, nuestros ojos. Reemplazar con libros todo esto, no es aprender a pensar, sino aprender a servirnos de la razón de otro, aprender a creer mucho y no saber jamás nada.
Pour exercer un art, il faut commencer par s’en procurer les instruments, et, pour pouvoir employer utilement ces instruments, il faut les faire assez solides pour résister à leur usage. Pour apprendre à penser, il faut donc exercer nos membres, nos sens, nos organes, qui sont les instruments de notre intelligence ; et pour tirer tout le parti possible de ces instruments, il faut que le corps, qui les fournit, soit robuste et sain. Ainsi, loin que la véritable raison de l’homme se forme indépendamment du corps, c’est la bonne constitution du corps qui rend les opérations de l’esprit faciles et sûres. Para cultivar un arte hay que empezar por procurarse sus instrumentos, y para poderlos emplear útilmente es necesario hacerlos tan consistentes que resistan el uso. Por consiguiente, para aprender a pensar es preciso ejercitar nuestros miembros, nuestros sentidos y nuestros órganos, que son los instrumentos de nuestra inteligencia, y para obtener todo el partido posible de estos instrumentos conviene que nuestro cuerpo, que nos los abastece, sea robusto y sano. En vez de que la verdadera razón del hombre se forme independientemente del cuerpo, es la buena constitución del cuerpo la que hace fáciles y seguras las operaciones del entendimiento.
En montrant à quoi l’on doit employer la longue oisiveté de l’enfance, j’entre dans un détail qui paraîtra ridicule. Plaisantes leçons, me dira-t-on, qui, retombant sous votre propre critique, se bornent à enseigner ce que nul n’a besoin d’apprendre ! Pourquoi consumer le temps à des instructions qui viennent toujours d’elles-mêmes, et ne coûtent ni peines ni soins ? Quel enfant de douze ans ne sait pas tout ce que vous voulez apprendre au vôtre, et, de plus, ce que ses maîtres lui ont appris ? Al demostrar cómo se ha de emplear la larga ociosidad de la infancia, explico detalles que parecerán ridículos. ¡Graciosas lecciones, me dirán, que según vuestra propia crítica se limitan a enseñar lo que nadie necesita aprender! ¿:Por qué consumir el tiempo en instrucciones que se aprenden siempre por sí mismas y no cuestan penas ni cuidados? ¿:Qué niño de doce años ignora todo cuanto queréis enseñar al vuestro, y, además, lo que le han enseñado sus maestros?
Messieurs, vous vous trompez : j’enseigne à mon élève un art très long, très pénible, et que n’ont assurément pas les vôtres ; c’est celui d’être ignorant : car la science de quiconque ne croit savoir que ce qu’il sait se réduit à bien peu de chose. Vous donnez la science, à la bonne heure ; moi je m’occupe de l’instrument propre à l’acquérir. On dit qu’un jour, les Vénitiens montrant en grande pompe leur trésor de Saint-Marc à un ambassadeur d’Espagne, celui-ci, pour tout compliment, ayant regardé sous les tables, leur dit : Qui non c’è la radice. Je ne vois jamais un précepteur étaler le savoir de son disciple, sans être tenté de lui en dire autant. Señores, os equivocáis; yo enseño a mi alumno un arte muy amplio, muy difícil y que seguramente los vuestros desconocen: es el arte de ser ignorante, pues la ciencia del que cree que no sabe más de lo que sabe, se reduce a muy poca cosa. Vosotros proporcionáis ciencia; muy bien, pero yo me ocupo del instrumento propio para conseguirla. Se dice que un día, enseñando los venecianos con mucha fatuidad el tesoro de San Marcos a un embajador de España, éste, por todo cumplimiento, les dijo después de mirar debajo de la mesa: «Aquí no está la raíz». Yo no he visto jamás un preceptor hacer ostentación de lo que sabe su discípulo sin que me haya dado tentaciones de decirle lo mismo.
Tous ceux qui ont réfléchi sur la manière de vivre des anciens attribuent aux exercices de la gymnastique cette vigueur de corps et d’âme qui les distingue le plus sensiblement des modernes. La manière dont Montaigne appuie ce sentiment montre qu’il en était fortement pénétré ; il y revient sans cesse et de mille façons. En parlant de l’éducation d’un enfant, pour lui raidir l’âme, il faut, dit-il, lui durcir les muscles ; en l’accoutumant au travail, on l’accoutume à la douleur ; il le faut rompre à l’âpreté des exercices, pour le dresser à l’âpreté de la dislocation, de la colique et de tous les maux. Le sage Locke, le bon Rollin, le savant Fleury, le pédant de Crouzas, si différents entre eux dans tout le reste s’accordent tous en ce seul point d’exercer beaucoup les corps des enfants. C’est le plus judicieux de leurs préceptes ; c’est celui qui est et sera toujours le plus négligé. J’ai déjà suffisamment parlé de son importance, et comme on ne peut là-dessus donner de meilleures raisons ni des règles plus sensées que celles qu’on trouve dans le livre de Locke, je me contenterai d’y renvoyer, après avoir pris la liberté d’ajouter quelques observations aux siennes. Les membres d’un corps qui croît doivent être tous au large dans leur vêtement ; rien ne doit gêner leur mouvement ni leur accroissement, rien de trop juste, rien qui colle au corps ; point de ligatures. L’habillement français, gênant et malsain pour les hommes, est pernicieux surtout aux enfants. Les humeurs, stagnantes, arrêtées dans leur circulation, croupissent dans un repos qu’augmente la vie inactive et sédentaire, se corrompent et causent le scorbut, maladie tous les jours plus commune parmi nous, et presque ignorée des anciens, que leur manière de se vêtir et de vivre en préservait. L’habillement de houssard, loin de remédier à cet inconvénient, l’augmente, et pour sauver aux enfants quelques ligatures, les presse par tout le corps. Ce qu’il y a de mieux à faire est de les laisser en jaquette aussi longtemps qu’il est possible, puis de leur donner un vêtement fort large, et de ne se point piquer de marquer leur taille, ce qui ne sert qu’à la déformer. Leurs défauts du corps et de l’esprit viennent presque tous de la même cause ; on les veut faire hommes avant le temps. Todos los que han reflexionado sobre la forma de vivir de los antiguos, imputan a sus ejercicios gimnásticos aquel vigor de cuerpo y alma que más sensiblemente los distingue de los modernos. La manera con que Montaigne apoya este asentimiento demuestra cuán penetrado de él estaba, y lo inculcaba de mil formas. Hablando de la educación de un niño, dice: «Para vigorizar el alma hay que robustecer los músculos; habituándole al trabajo, se habitúa al dolor; acostumbrándole a la dureza de los ejercicios, se acostumbra a la dislocación, al dolor y a otros males». El inteligente Locke, el bondadoso Rollin, el sabio Fleuri, el pedante de Crouzas, que disienten mucho en todo lo demás, sólo están todos de acuerdo en un punto: ejercitar el cuerpo de los niños. Este es el más sensato de sus preceptos, y el que siempre es y será más descuidado. Ya he hablado suficientemente de su importancia, y como no es posible ofrecer en esta materia mejores razones ni reglas más juiciosas que las que se encuentran en el libro de Locke, yo me contentaré con remitiros a él, después de tomarse la libertad de añadir algunas observaciones mías. Los miembros de un cuerpo que crece deben hallarse desahogados dentro del vestido; nada debe entorpecer sus movimientos ni su crecimiento, nada demasiado justo, ni pegado al cuerpo, ninguna ligadura. El vestido francés es incómodo e insano para los hombres y es sobre todo pernicioso para los niños. Los humores se paran y estancan sin poder circular con el sosiego aumentado por la vida inactiva y sedentaria, se corrompen y dan lugar al escorbuto, una enfermedad que cada día se extiende más entre nosotros y que apenas conocían los antiguos, porque su modo de vestir y vivir los preservaba de ella. Lejos de poner remedio a este inconveniente, el traje usual lo aumenta, y por quitar a los niños algunas ligaduras, les aprieta todo el cuerpo. Lo mejor es que usen blusa el mayor tiempo posible, darles luego vestidos muy anchos y no empeñarse en que lleven el traje ajustado, lo cual sólo sirve para desfigurarlo. Sus defectos de cuerpo y alma provienen casi todos de una misma causa, el querer que sean hombres antes de tiempo.
Il y a des couleurs gaies et des couleurs tristes : les premières sont plus du goût des enfants ; elles leur siéent mieux aussi ; et je ne vois pas pourquoi l’on ne consulterait pas en ceci des convenances si naturelles ; mais du moment qu’ils préfèrent une étoffe parce qu’elle est riche, leurs cœurs sont déjà livrés au luxe, à toutes les fantaisies de l’opinion ; et ce goût ne leur est sûrement pas venu d’eux-mêmes. On ne saurait dire combien le choix des vêtements et les motifs de ce choix influent sur l’éducation. Non seulement d’aveugles mères promettent à leurs enfants des parures pour récompenses, on voit même d’insensés gouverneurs menacer leurs élèves d’un habit plus grossier et plus simple, comme d’un châtiment. Si vous n’étudiez mieux, si vous ne conservez mieux vos hardes, on vous habillera comme ce petit paysan. C’est comme s’ils leur disaient : Sachez que l’homme n’est rien que par ses habits, que votre prix est tout dans les vôtres. Faut-il s’étonner que de si sages leçons profitent à la jeunesse, qu’elle n’estime que la parure, et qu’elle ne juge du mérite que sur le seul extérieur ? Existen colores alegres y colores tristes; los alegres les gustan más a los niños, e igualmente les sientan mejor, por lo que no veo la razón que impida seguir en esto lo que naturalmente les conviene; pero desde el mismo instante que prefieren un tejido porque es rico, ya está entregado su corazón al lujo, a las fantasías de la opinión, y este gusto no procede seguramente de ellos mismos. No es posible decir cuánto influye en la educación la elección de los vestidos y los motivos para escogerlos. No sólo hay madres ciegas que prometen a sus hijos recompensas que consisten en vestidos nuevos, sino que también hay preceptores insensatos hasta tal punto que amenazan a sus alumnos con ponerles como castigo un traje más tosco y más sencillo. Si no estudiáis más, si no tenéis más cuidado con la ropa, os vestirán como a un chico del campo, que es lo mismo que si se les dijese: «Sabed que no es más el hombre que lo que le hace su traje, y que todo vuestro mérito consiste en el que lleváis». ¿:Por qué nos sorprende que no se aproveche la juventud de lecciones tan llenas de sentido común, que solamente valora el adorno y el mérito por el exterior?
Si j’avais à remettre la tête d’un enfant ainsi gâté, j’aurais soin que ses habits les plus riches fussent les plus incommodes, qu’il y fût toujours gêné, toujours contraint, toujours assujetti de mille manières, je ferais fuir la liberté, la gaieté devant sa magnificence ; s’il voulait se mêler aux jeux d’autres enfants plus simplement mis, tout cesserait, tout disparaîtrait à l’instant. Enfin je l’ennuierais, je le rassasierais tellement de son faste, je le rendrais tellement l’esclave de son habit doré, que j’en ferais le fléau de sa vie, et qu’il verrait avec moins d’effroi le plus noir cachot que les apprêts de sa parure. Tant qu’on n’a pas asservi l’enfant à nos préjugés, être à son aise et libre est toujours son premier désir ; le vêtement le plus simple, le plus commode, celui qui l’assujettit le moins, est toujours le plus précieux pour lui. Si tuviera que extirpar de la mente de un niño imbuido de tales ideas, tendría gran cuidado en que fuesen los más incómodos sus más ricos vestidos, que estuviese siempre oprimido, siempre violento y siempre sujeto; procuraría que su alegría y su libertad chocasen con su magnificencia, y sí quisiera ponerse a jugar con otros niños vestidos con más sencillez, se lo impediría. Por último le fastidiaría de tal manera y le hartaría de su empaque y le haría tan esclavo de su vestido dorado, que querría modificar su vida y se asustaría menos del calabozo más negro que de los preparativos de su engalanamiento. En tanto el niño no se haya convertido en esclavo de nuestras preocupaciones, su primer anhelo será siempre el de estar a gusto y libre; para él, el traje más precioso es siempre el que le vaya más cómodo y le sujete menos.
Il y a une habitude du corps convenable aux exercices, et une autre plus convenable à l’inaction. Celle-ci, laissant aux humeurs un cours égal et uniforme, doit garantir le corps des altérations de l’air ; l’autre le faisant passer sans cesse de l’agitation au repos et de la chaleur au froid, doit l’accoutumer aux mêmes altérations. Il suit de-là que les gens casaniers et sédentaires doivent s’habiller chaudement en tout temps, afin de se conserver le corps dans une température uniforme, la même à peu près dans toutes les saisons et à toutes les heures du jour. Ceux, au contraire, qui vont et viennent, au vent, au soleil, à la pluie, qui agissent beaucoup et passent la plupart de leur temps sub dio doivent être toujours vêtus légèrement, afin de s’habituer à toutes les vicissitudes de l’air et à tous les degrés de température, sans en être incommodés. Je conseillerais aux uns et aux autres de ne point changer d’habits selon les saisons, et ce sera la pratique constante de mon Émile ; en quoi je n’entends pas qu’il porte l’été ses habits d’hiver, comme les gens sédentaires, mais qu’il porte l’hiver ses habits d’été, comme les gens laborieux. Ce dernier usage a été celui du chevalier Newton pendant toute sa vie, et il a vécu quatre-vingts ans. Entre los trajes los hay que son más propios para una actitud pasiva. Dejando ésta a los humores un curso igual y uniforme, debe preservar el cuerpo de las alteraciones del aire; la otra le obliga a pasar continuamente de la agitación al reposo y del calor al frío, y le debe acostumbrar a las mismas alteraciones. De esto se deduce que las personas que permanecen muchas horas en el interior de sus casas y hacen una vida sedentaria, en todo tiempo deben llevar más ropa que las demás, con el fin de conservar su cuerpo en una temperatura uniforme, la misma aproximadamente en todas las estaciones y en todas las horas del día. Por el contrario, los que siempre están expuestos al viento, al sol y a la lluvia; los que son muy activos y andan la mayor parte del día, para habituarse a todas las alteraciones del aire y grados de temperatura y no sentirse incómodos, deben llevar vestidos ligeros. Tanto a los unos como a los otros yo les aconsejaría que no cambien de traje con el cambio de las estaciones, y esta práctica constante será la que yo aplicaré con mi Emilio, sin que con esto quiera decir que en verano lleve un vestido de invierno, como las personas sedentarias, sino que en invierno lleve vestido de verano al igual que las que se dedican al trabajo. Esta costumbre, es la que siguió durante toda su vida Isaac Newton, quien vivió hasta los ochenta años.
Peu ou point de coiffure en toute saison. Les anciens Egyptiens avaient toujours la tête nue ; les Perses la couvraient de grosses tiares, et la couvrent encore de gros turbans, dont, selon Chardin, l’air du pays leur rend l’usage nécessaire. J’ai remarqué dans un autre endroit la distinction que fit Hérodote sur un champ de bataille entre les crânes des Perses et ceux des Egyptiens. Comme donc il importe que les os de la tête deviennent plus durs, plus compacts, moins fragiles et moins poreux, pour mieux armer le cerveau non seulement contre les blessures, mais contre les rhumes, les fluxions, et toutes les impressions de l’air, accoutumez vos enfants à demeurer été et hiver, jour et nuit toujours tête nue. Que si, pour la propreté et pour tenir leurs cheveux en ordre, vous leur voulez donner une coiffure durant la nuit, que ce soit un bonnet mince à claire-voie, et semblable au réseau dans lequel les Basques enveloppent leurs cheveux. Je sais bien que la plupart des mères, plus frappées de l’observation de Chardin que de mes raisons, croiront trouver partout l’air de Perse ; mais moi je n’ai pas choisi mon élève Européen pour en faire un Asiatique. En todas las estaciones debe llevarse el peinado con poca variación. Los antiguos egipcios llevaban siempre el cabello rapado; los persas llevaban la cabeza cubierta con grandes gorros y aún actualmente emplean espesos turbantes, cuyo uso, según Chardín, es indispensable debido al aire de aquel país. En otro lugar he anotado la distinción que hizo Herodoto en un campo de batalla entre los cráneos de los persas y el de los egipcios, y como es importante que los huesos de la cabeza se hagan más compactos, menos el cerebro, no sólo contra las heridas, sino también contra los resfriados, fluxiones y todas las impresiones del aire, debéis acostumbrar a vuestros hijos a que lleven la cabeza descubierta en invierno y en verano, de noche y de día. Y si por limpieza o porque no se les enreden los cabellos, les ponéis un gorro de noche, debe ser claro y semejante a la redecilla con que los vasos se recogen el cabello. Ya se ve claramente que la mayor parte de las madres, más atentas a la observación de Chardin que a mis razones, piensan o creen que en todas partes existe el mismo aire de Persia, pero yo no he escogido a mi alumno europeo para convertirle en un asiático.
En général, on habille trop les enfants, et surtout durant le premier âge. Il faudrait plutôt les endurcir au froid qu’au chaud : le grand froid ne les incommode jamais, quand on les y laisse exposés de bonne heure ; mais le tissu de leur peau, trop tendre et trop lâche encore, laissant un trop libre passage à la transpiration, les livre par l’extrême chaleur à un épuisement inévitable. Aussi remarque-t-on qu’il en meurt plus dans le mois d’août que dans aucun autre mois. D’ailleurs il paraît constant, par la comparaison des peuples du Nord et de ceux du Midi, qu’on se rend plus robuste en supportant l’excès du froid que l’excès de la chaleur. Mais, à mesure que l’enfant grandit et que ses fibres se fortifient, accoutumez-le peu à peu à braver les rayons du soleil ; en allant par degrés, vous l’endurcirez sans danger aux ardeurs de la zone torride. Generalmente sé abriga demasiado a los niños, y de un modo especial en sus primeros años. El obrar de esta forma les priva de endurecerse para el frío y para el calor; el frío muy intenso jamás les incomoda si los dejan expuestos a él desde muy temprano, pero el mucho calor les produce una extenuación inevitable porque el tejido de su cutis, todavía muy tierno, no permite el paso suficiente a la transpiración. Por tal causa es de notar que mueren más niños en el mes de agosto que en ningún otro del año. De aquí que la comparación de los pueblos del Norte con los del Mediodía nos prueba que se hace más robusto el niño que soporta el exceso de frío que el que soporta el exceso de calor. Pero a medida que el niño crece y que sus fibras se fortalecen se le debe acostumbrar paulatinamente a resistir los rayos solares, y gradualmente se irá endureciendo para que no le afecten los ardores de la zona tórrida.
Locke, au milieu des préceptes mâles et sensés qu’il nous donne, retombe dans des contradictions qu’on n’attendrait pas d’un raisonneur aussi exact. Ce même homme, qui veut que les enfants se baignent l’été dans l’eau glacée, ne veut pas, quand ils sont échauffés, qu’ils boivent frais, ni qu’ils se couchent par terre dans des endroits humides[19]. Mais puisqu’il veut que les souliers des enfants prennent l’eau dans tous les temps, la prendront-ils moins quand l’enfant aura chaud ? et ne peut-on pas lui faire du corps, par rapport aux pieds, les mêmes inductions qu’il fait des pieds par rapport aux mains, et du corps par rapport au visage ? Si vous voulez, lui dirai-je, que l’homme soit tout visage, pourquoi me blâmez-vous de vouloir qu’il soit tout pieds ? Locke, en medio de los preceptos varoniles y sensatos que nos ofrece, incurre en contradicciones impropias de un pensador tan consciente. El que quiere que se bañen los niños en verano en agua helada, prohíbe que cuando estén sudando beban agua fría y que se acuesten en el suelo en sitios húmedos . Pero si quiere que los zapatos de los niños se llenen de agua, sea cual sea el tiempo, ¿:no permite lo mismo cuando los niños tengan calor? ¿:Y no se puede hacer del cuerpo, con relación a los pies, las mismas inducciones que hace él de los pies con relación a las manos, y del cuerpo con relación al rostro? Si queréis, le diría, que todo el hombre sea rostro, ¿:por qué tenéis en mal concepto el que diga yo que sea todo pies?
Pour empêcher les enfants de boire quand ils ont chaud, il prescrit de les accoutumer à manger préalablement un morceau de pain avant que de boire. Cela est bien étrange que, quand l’enfant a soif, il faille lui donner à manger ; j’aimerais autant, quand il a faim, lui donner à boire. Jamais on ne me persuadera que nos premiers appétits soient si déréglés, qu’on ne puisse les satisfaire sans nous exposer à périr. Si cela était, le genre humain se fût cent fois détruit avant qu’on eût appris ce qu’il faut faire pour le conserver. Para impedir que los niños beban cuando tienen calor, él prescribe que se les acostumbre a comer un trozo de pan antes de beber. El que tenga que dar de comer al niño cuando en realidad tiene sed, en verdad es muy extraño, puesto que sería lo mismo darle de beber cuando tenga hambre. Nunca creeré que nuestros primeros apetitos estén de tal forma desordenados hasta el punto de que no puedan ser satisfechos sin que nos expongamos a la muerte. Si fuere así, el linaje humano se habría destruido cien veces antes de que supiera lo que había de hacerse para conservarlo.
Toutes les fois qu’Émile aura soif, je veux qu’on lui donne à boire ; je veux qu’on lui donne de l’eau pure et sans aucune préparation, pas même de la faire dégourdir, fût-il tout en nage, et fût-on dans le cœur de l’hiver. Le seul soin que je recommande est de distinguer la qualité des eaux. Si c’est de l’eau de rivière, donnez-la-lui sur-le-champ telle qu’elle sort de la rivière ; si c’est de l’eau de source, il la faut laisser quelque temps à l’air avant qu’il la boive. Dans les saisons chaudes, les rivières sont chaudes ; il n’en est pas de même des sources, qui n’ont pas reçu le contact de l’air ; il faut attendre qu’elles soient à la température de l’atmosphère. L’hiver, au contraire, l’eau de source est à cet égard moins dangereuse que l’eau de rivière. Mais il n’est ni naturel ni fréquent qu’on se mette l’hiver en sueur, surtout en plein air ; car l’air froid, frappant incessamment sur la peau, répercute en dedans la sueur et empêche les pores de s’ouvrir assez pour lui donner un passage libre. Or, je ne prétends pas qu’Émile s’exerce l’hiver au coin d’un bon feu, mais dehors, en pleine campagne, au milieu des glaces. Tant qu’il ne s’échauffera qu’à faire et lancer des balles de neige, laissons-le boire quand il aura soif ; qu’il continue de s’exercer après avoir bu, et n’en craignons aucun accident. Que si par quelque autre exercice il se met en sueur et qu’il ait soif, qu’il boive froid, même en ce temps-là. Faites seulement en sorte de le mener au loin et à petits pas chercher son eau. Par le froid qu’on suppose, il sera suffisamment rafraîchi en arrivant pour la boire sans aucun danger. Surtout prenez ces précautions sans qu’il s’en aperçoive. J’aimerais mieux qu’il fût quelquefois malade que sans cesse attentif à sa santé. Cada vez que Emilio tenga sed, quiero que se le dé de beber, pero agua pura y sin ninguna preparación, ni siquiera la de templarla, aunque esté sudoroso, y aunque estemos en el más fuerte rigor del invierno. La única precaución que recomiendo es la de distinguir la calidad de las aguas. Si el agua es de río, dádsela tal como sale; si es de fuente, es preciso que se deje algún tiempo al aire antes de beberla. En la estación del calor están calientes los ríos, lo que no sucede con las fuentes, las cuales no han recibido el contacto del aire; es preciso esperar a que el agua corresponda a la temperatura atmosférica. En invierno, por el contrario, el agua de las fuentes es menos dañosa que el agua de los ríos, pero no es ni natural ni frecuente que uno sude en invierno, sobre todo estando al aire libre, ya que el aire frío, pegando continuamente sobre la piel, rechaza el sudor y evita que se abran los poros de forma suficiente para darle paso libre. Pero no pretendo que Emilio haga ejercicios en invierno junto a un buen fuego, sino fuera, a la intemperie, en pleno campo, en medio de los hielos. Mientras se calienta haciendo y tirando pelotas de nieve, dejémosle que beba cuando tenga sed, que continúe haciendo ejercicios después de beber y no temamos ningún accidente. Y si por alguna otra causa o ejercicio comienza a sudar y tiene sed, que beba frío incluso en ese tiempo. Haced de suerte que vaya lejos y que poco a poco busque su agua. Con el frío que sentirá durante el camino se habrá refrescado, v cuando beba no tendrá ya ningún peligro. Sobre todo tomad estas precauciones sin que él se dé cuenta. Yo desearía que él estuviera algunas veces enfermo, que se preocupase sin cesar de su salud.
Il faut un long sommeil aux enfants, parce qu’ils font un extrême exercice. L’un sert de correctif à l’autre ; aussi voit-on qu’ils ont besoin de tous deux. Le temps du repos est celui de la nuit, il est marqué par la nature. C’est une observation constante que le sommeil est plus tranquille et plus doux tandis que le soleil est sous l’horizon, et que l’air échauffé de ses rayons ne maintient pas nos sens dans un si grand calme. Ainsi l’habitude la plus salutaire est certainement de se lever et de se coucher avec le soleil. D’où il suit que dans nos climats l’homme et tous les animaux ont en général besoin de dormir plus longtemps l’hiver que l’été. Mais la vie civile n’est pas assez simple, assez naturelle, assez exempte de révolutions, d’accidents, pour qu’on doive accoutumer l’homme à cette uniformité, au point de la lui rendre nécessaire. Sans doute il faut s’assujettir aux règles ; mais la première est de pouvoir les enfreindre sans risque quand la nécessité le veut. N’allez donc pas amollir indiscrètement votre élève dans la continuité d’un paisible sommeil, qui ne soit jamais interrompu. Livrez-le d’abord sans gêne à la loi de la nature ; mais n’oubliez pas que parmi nous il doit être au-dessus de cette loi ; qu’il doit pouvoir se coucher tard, se lever matin, être éveillé brusquement, passer les nuits debout, sans en être incommodé. En s’y prenant assez tôt, en allant toujours doucement et par degrés, on forme le tempérament aux mêmes choses qui le détruisent quand on l’y soumet déjà tout formé. Es necesario que los niños duerman mucho, porque hacen ejercicios violentos. Como uno es la consecuencia del otro, por eso necesitan de ambos. El tiempo de reposo es la noche y así está señalado por la naturaleza. Es observación constante que el sueño es más tranquilo y más dulce mientras el sol está bajo el horizonte y que el aire caldeado con sus rayos no mantiene calmados nuestros sentidos. El hábito mas saludable es ciertamente el de levantarse y acostarse con el sol, de donde se deduce que en nuestros climas el hombre y los animales tienen, en general, necesidad de dormir más tiempo en invierno que en verano. Pero la vida civil no es tan simple, tan natural, tan exenta de revoluciones, de accidentes, que debamos acostumbrar al hombre a esta uniformidad hasta el punto de hacérsela necesaria. Sin duda conviene someterse a reglas. No ablandéis imprudentemente a vuestro alumno con la continuidad de un apacible sueño nunca interrumpido. Abandonadle primero sin estorbo a la ley de la naturaleza, pero no olvidéis que en nuestros países debe ser superior a esta ley, que debe poder acostarse tarde y levantarse temprano, y desvelarse bruscamente, y pasar las noches de pie sin incomodarse. Comenzando desde muy pequeño, yendo siempre paulatinamente y por grados, se habitúa el temperamento a las mismas cosas que le destruyen cuando le someten a ellas después de formado.
Il importe de s’accoutumer d’abord à être mal couché ; c’est le moyen de ne plus trouver de mauvais lit. En général, la vie dure, une fois tournée en habitude, multiplie les sensations agréables ; la vie molle en prépare une infinité de déplaisantes. Les gens élevés trop délicatement ne trouvent plus le sommeil que sur le duvet ; les gens accoutumés à dormir sur des planches le trouvent partout : il n’y a point de lit dur pour qui s’endort en se couchant. Es muy importante habituarse lo antes posible a dormir en camas un poco incómodas, y así nunca encontrará una que le parezca mala. Generalmente la vida dura, después de acostumbrada a ella, aumenta nuestras sensaciones gratas, y la vida fácil prepara una infinidad de sensaciones desagradables. Las personas educadas con excesiva delicadeza no pueden dormir si los colchones no son de pluma; las que están habituadas a acostarse sobre tablas, duermen en cualquier parte, pues no existe ninguna cama que sea dura para los que se quedan dormidos tan pronto como se acuestan.
Un lit mollet, où l’on s’ensevelit dans la plume ou dans l’édredon, fond et dissout le corps pour ainsi dire. Les reins enveloppés trop chaudement s’échauffent. De là résultent souvent la pierre ou d’autres incommodités, et infailliblement une complexion délicate qui les nourrit toutes. Un mullido lecho, en el que se entierra uno entre plumas o envuelto en un edredón funde y derrite el cuerpo, por así decirlo. Los riñones muy abrigados se calientan, de lo que resultan frecuentemente el fundamento de otros achaques y de un modo infalible dan origen a una complexión delicada que es su causa fundamental.
Le meilleur lit est celui qui procure un meilleur sommeil. Voilà celui que nous nous préparons Émile et moi pendant la journée. Nous n’avons pas besoin qu’on nous amène des esclaves de Perse pour faire nos lits ; en labourant la terre nous remuons nos matelas. La cama más apropiada es la que produce mejor sueño, y durante la jornada Emilio y yo nos la preparamos. No precisamos que vengan esclavos de Persia para hacerla, puesto que cavando la tierra removemos nuestros colchones.
Je sais par expérience que quand un enfant est en santé, l’on est maître de le faire dormir et veiller presque à volonté. Quand l’enfant est couché, et que de son babil il ennuie sa bonne, elle lui dit : Dormez ; c’est comme si elle lui disait : Portez-vous bien ! quand il est malade. Le vrai moyen de le faire dormir est de l’ennuyer lui-même. Parlez tant qu’il soit forcé de se taire, et bientôt il dormira : les sermons sont toujours bons à quelque chose ; autant vaut le prêcher que le bercer ; mais si vous employez le soir ce narcotique, gardez-vous de l’employer le jour. Por experiencia sé que cuando un niño está sano se le puede hacer dormir o velar, casi a nuestra voluntad. Cuando el niño ya se ha acostado y molesta con sus charlas a la sirvienta, ésta le dice «duérmete», que viene a ser lo mismo que si se le dijera «pórtate bien» cuando está enfermo. El mejor modo de hacerle dormir es molestarle. Debéis hablar mucho vosotros con el fin de que se vea obligado a callar, y se quedará dormido pronto; de algo sirven los sermones, y da el mismo resultado predicarle que mecerle, pero si hacéis uso durante la noche de este narcótico, procurad no emplearlo durante el día.
J’éveillerai quelquefois Émile, moins de peur qu’il ne prenne l’habitude de dormir trop longtemps que pour l’accoutumer à tout même à être éveillé brusquement. Au surplus, j’aurais bien peu de talent pour mon emploi, si je ne savais pas le forcer à s’éveiller de lui-même, et à se lever, pour ainsi dire, à ma volonté, sans que je lui dise un seul mot. Yo despertaré alguna vez a Emilio, no porque tema que le perjudique dormir con exceso, sino para acostumbrarle a todo, incluso a que le despierten bruscamente. Por lo demás, sería muy escaso mi talento para tal oficio si no supiera enseñarle que se despertara solo, y que se levantara, según mi voluntad, sin que yo le dijese una palabra.
S’il ne dort pas assez, je lui laisse entrevoir pour le lendemain une matinée ennuyeuse, et lui-même regardera comme autant de gagné tout ce qu’il en pourra laisser au sommeil ; s’il dort trop, je lui montre à son réveil un amusement de son goût. Veux-je qu’il s’éveille à point nommé, je lui dis : Demain à six heures on part pour la pêche, on se va promener à tel endroit ; voulez-vous en être ? Il consent, il me prie de l’éveiller : je promets, ou je ne promets point, selon le besoin ; s’il s’éveille trop tard, il me trouve parti. Il y aura du malheur si bientôt il n’apprend à s’éveiller de lui-même. Si no duerme bastante, le dejo entrever para el próximo día una mañana enojosa, y tendrá por ganancia todo el tiempo que pueda dormir, y, si duerme mucho, le anuncio para cuando se levante una distracción de su gusto. Si deseo que se levante a una hora fija, le digo: «Mañana a las seis iremos a pescar o a pasear por tal sitio; ¿:quieres venir?». El consiente, y me suplica que le despierte; se lo aseguro o no se lo aseguro, según sea necesario; si se levanta tarde, ya no me encuentra. Sería muy extraño que así no aprendiera a despertarse por sí solo muy pronto.
Au reste, s’il arrivait, ce qui est rare, que quelque enfant indolent eût du penchant à croupir dans la paresse, il ne faut point le livrer à ce penchant, dans lequel il s’engourdirait tout à fait, mais lui administrer quelque stimulant qui l’éveille. On conçoit bien qu’il n’est pas question de le faire agir par force, mais de l’émouvoir par quelque appétit qui l’y porte ; et cet appétit, pris avec choix dans l’ordre de la nature, nous mène à la fois à deux fins. Referente a lo demás, si se diera el caso de que un niño indolente tuviera tendencia a ser perezoso, deberíamos librarle de un vicio que le entorpecería, administrándole un estimulante que le despertara. Debe comprenderse que no es cuestión de hacerle obrar a la fuerza, sino de moverle mediante algún deseo que le excite, y este deseo cogido con juicio en orden a la naturaleza nos conduce a la vez a dos fines.
Je n’imagine rien dont, avec un peu d’adresse, on ne pût inspirer le goût, même la fureur, aux enfants, sans vanité, sans émulation, sans jalousie. Leur vivacité, leur esprit imitateur, suffisent ; surtout leur gaieté naturelle, instrument dont la prise est sûre, et dont jamais précepteur ne sut s’aviser. Dans tous les jeux où ils sont bien persuadés que ce n’est que jeu, ils souffrent sans se plaindre, et même en riant, ce qu’ils ne souffriraient jamais autrement sans verser des torrents de larmes. Les longs jeûnes, les coups, la brûlure, les fatigues de toute espèce, sont les amusements des jeunes sauvages ; preuve que la douleur même a son assaisonnement qui peut en ôter l’amertume ; mais il n’appartient pas à tous les maîtres de savoir apprêter ce ragoût, ni peut-être à tous les disciples de le savourer sans grimace. Me voilà de nouveau, si je n’y prends garde, égaré dans les exceptions. No hay nada que con un poco de habilidad no se consiga que les agrade a los niños, sin vanidad, sin emulación y sin celos. Su vivacidad, su espíritu de imitación son suficientes; sobre todo su alegría natural, instrumento que posee una segura asa y que ningún preceptor ha sabido manejar. En todos los juegos sufren sin quejarse porque están persuadidos de que es solamente un juego, incluso ríen, lo que normalmente no sufrirían sin derramar lágrimas. Los ayunos, los golpes, las quemaduras y toda clase de fatigas, son las diversiones de los jóvenes indóciles, la prueba de que hasta el dolor tiene un condimento que le quita su amargura, pero no todos los maestros saben aderezar este guisado, ni acaso todos los discípulos pueden saborearlo sin hacer muecas. Me encuentro de nuevo, si no tengo cuidado, extraviado en excepciones.
Ce qui n’en souffre point est cependant l’assujettissement de l’homme à la douleur, aux maux de son espèce, aux accidents, aux périls de la vie, enfin à la mort ; plus on le familiarisera avec toutes ces idées, plus on le guérira de l’importune sensibilité qui ajoute au mal l’impatience de l’endurer ; plus on l’apprivoisera avec les souffrances qui peuvent l’atteindre, plus on leur ôtera, comme eût dit Montaigne, la pointure de l’étrangeté ; et plus aussi l’on rendra son âme invulnérable et dure ; son corps sera la cuirasse qui rebouchera tous les traits dont il pourrait être atteint au vif. Les approches mêmes de la mort n’étant point la mort, à peine la sentira-t-il comme telle ; il ne mourra pas, pour ainsi dire, il sera vivant ou mort, rien de plus. C’est de lui que le même Montaigne eût pu dire, comme il a dit d’un roi de Maroc, que nul homme n’a vécu si avant dans la mort. La constance et la fermeté sont, ainsi que les autres vertus, des apprentissages de l’enfance ; mais ce n’est pas en apprenant leurs noms aux enfants qu’on les leur enseigne, c’est en les leur faisant goûter, sans qu’ils sachent ce que c’est. Sin embargo, lo que no admite ninguna excepción es la sujeción del hombre al dolor, a los males de su especie, a los accidentes y peligros de la vida; en fin, a la muerte. Cuanto más le familiaricemos con todas estas ideas, más le curaremos de la importuna sensibilidad que junta con el mal la impaciencia de aguantarlo, más le domesticaremos con los sufrimientos que todavía pueden alcanzarle, más le quitaremos, como habría dicho Montaigne, el aguijón de la extrañeza, y también será su alma más invulnerable y dura, su cuerpo será la coraza que hará rebotar todos los dardos que pudieran herirle en lo vivo. Una sola tribulación será verdaderamente sensible para él, que es el morir, pero como la posibilidad de la muerte no es la muerte, apenas la sentirá como tal, y no morirá; él estará vivo o muerto, nada más. De él, el mismo Montaigne habría podido decir, como dijo de un rey de Marruecos, que nadie había vivido tan dentro de la muerte. La constancia y la firmeza son como las demás virtudes, aprendizajes de la infancia, pero no se enseñan a los niños haciéndoles aprender su nombre, sino haciéndoselos saborear antes de que sepan lo que son.
Mais, à propos de mourir, comment nous conduirons-nous avec notre élève relativement au danger de la petite vérole ? La lui ferons-nous inoculer en bas âge, ou si nous attendrons qu’il la prenne naturellement ? Le premier parti, plus conforme à notre pratique, garantit du péril l’âge où la vie est la plus précieuse, au risque de celui où elle l’est le moins, si toutefois on peut donner le nom de risque à l’inoculation bien administrée. Pero, a propósito de morir, ¿:cómo nos conduciremos con nuestro alumno en cuanto al peligro de las viruelas? ¿:Se las inocularemos en su infancia o esperaremos que se le contagien naturalmente? El primer partido, más conforme con nuestra práctica, garantiza el peligro de esta edad en que la vida es más hermosa, a riesgo de la que menos lo es, si puede calificarse de riesgo una inoculación bien dosificada.
Mais le second est plus dans nos principes généraux, de laisser faire en tout la nature dans les soins qu’elle aime à prendre seule, et qu’elle abandonne aussitôt que l’homme veut s’en mêler. L’homme de la nature est toujours préparé : laissons-le inoculer par ce maître, il choisira mieux le moment que nous. Sin embargo, la segunda está más de acuerdo con mis principios generales; dejar obrar en todo a la naturaleza, en los cuidados con que ella protege y que abandona así que el hombre trata de intervenir. El hombre de la naturaleza siempre está preparado; dejemos, pues, que ella le inocule, que elegirá mejor que nosotros el momento más adecuado.
N’allez pas de là conclure que je blâme l’inoculation ; car le raisonnement sur lequel j’en exempte mon élève irait très mal aux vôtres. Votre éducation les prépare à ne point échapper à la petite vérole au moment qu’ils en seront attaqués ; si vous la laissez venir au hasard, il est probable qu’ils en périront. Je vois que dans les différents pays on résiste d’autant plus à l’inoculation qu’elle y devient plus nécessaire ; et la raison de cela se sent aisément. À peine aussi daignerai-je traiter cette question pour mon Émile. Il sera inoculé, ou il ne le sera pas, selon les temps, les lieux, les circonstances : cela est presque indifférent pour lui. Si on lui donne la petite vérole, on aura l’avantage de prévoir et connaître son mal d’avance ; c’est quelque chose ; mais s’il la prend naturellement, nous l’aurons préservé du médecin, c’est encore plus. No se deduzca de aquí que censuro la inoculación, porque el razonamiento en virtud del cual eximo de ella a mi alumno no es aplicable a los vuestros. Vuestra educación los prepara a que no escapen de la pequeña viruela en el momento que sean atacados; si dejáis que se contagien al azar, es probable que mueran. Observo que cuanto más necesaria es la inoculación en algunos países tanto más se resisten a ella, y la razón se deduce fácilmente. Apenas me dignaré tratar de esta cuestión referente a mi Emilio. Será inoculado o no lo será, según los tiempos, los lugares y las circunstancias, lo que es casi indiferente para él. Si le inoculamos las viruelas, obtendremos la ventaja de prever y conocer la enfermedad por anticipado, que ya es algo, pero si se contagia naturalmente, le habremos preservado del médico, que aún es más.
Une éducation exclusive, qui tend seulement à distinguer du peuple ceux qui l’ont reçue, préfère toujours les instructions les plus coûteuses aux plus communes, et par cela même aux plus utiles. Ainsi les jeunes gens élevés avec soin apprennent tous à monter à cheval, parce qu’il en coûte beaucoup pour cela ; mais presque aucun d’eux n’apprend à nager, parce qu’il n’en coûte rien, et qu’un artisan peut savoir nager aussi bien que qui que ce soit. Cependant, sans avoir fait son académie, un voyageur monte à cheval, s’y tient, et s’en sert assez pour le besoin ; mais, dans l’eau, si l’on ne nage on se noie, et l’on ne nage point sans l’avoir appris. Enfin l’on n’est pas obligé de monter à cheval sous peine de la vie, au lieu que nul n’est sûr d’éviter un danger auquel on est si souvent exposé. Émile sera dans l’eau comme sur la terre. Que ne peut-il vivre dans tous les éléments ! Si l’on pouvait apprendre à voler dans les airs, j’en ferais un aigle ; j’en ferais une salamandre, si l’on pouvait s’endurcir au feu. Ante una educación exclusiva que se encamina únicamente a establecer distinción entre los educados y la gente del pueblo, prefiero siempre las instrucciones más costosas a las más comunes y por eso mismo más útiles. De esta forma, todos los jóvenes educados con esmero aprenden a montar a caballo, porque cuesta caro; por el contrario, nadie aprende a nadar, que no cuesta nada, pues un artesano puede nadar tan bien como el primero. No obstante, sin haber entrado en un picadero, cualquiera monta a caballo, se mantiene firme, y se sirve de él para cuanto necesita, pero dentro del agua, el que no nada se ahoga, y nadie sabe nadar sin haber aprendido. Finalmente, nadie está obligado a montar a caballo bajo pena de la vida, pero ninguno está cierto de evitar el peligro de ahogarse, al que tantas veces nos exponemos. Emilio se desenvolverá en el agua como en tierra. ¡Así pudiera vivir en todos los elementos! Si fuera posible volar, haría de él un águila, y si fuera posible endurecerle al fuego, haría de él una salamandra.
On craint qu’un enfant ne se noie en apprenant à nager ; qu’il se noie en apprenant ou pour n’avoir pas appris, ce sera toujours votre faute. C’est la seule vanité qui nous rend téméraires ; on ne l’est point quand on n’est vu de personne : Émile ne le serait pas ; quand il serait vu de tout l’univers. Comme l’exercice ne dépend pas du risque, dans un canal du parc de son père il apprendrait à traverser l’Hellespont ; mais il faut s’apprivoiser au risque même, pour apprendre à ne s’en pas troubler ; c’est une partie essentielle de l’apprentissage dont je parlais tout à l’heure. Au reste, attentif à mesurer le danger à ses forces et à le partager toujours avec lui, je n’aurai guère d’imprudence à craindre, quand je réglerai le soin de sa conservation sur celui que je dois à la mienne. Se teme que un niño se ahogue cuando aprende a nadar; tanto si se ahoga al aprender o por no haber aprendido, la culpa siempre será vuestra. La vanidad es lo que nos hace temerarios, pero nadie lo es cuando se da cuenta de que no hay quien le vea. Emilio no lo sería, aunque le viera todo el universo. Como el ejercicio no depende del riesgo, en un canal del parque de su padre aprendería a cruzar hasta el Helesponto, pero es necesario habituarse al riesgo para aprender a perder el miedo, y esta es parte esencial del aprendizaje de que acabo de hablar. Referente a lo demás, siempre atento a medir el peligro y a tomar parte en él, no tendré que temer imprudencias cuando normalice el cuidado de su conservación por el que debo a la mía.
Un enfant est moins grand qu’un homme ; il n’a ni sa force ni sa raison : mais il voit et entend aussi bien que lui, ou à très peu près ; il a le goût aussi sensible, quoiqu’il l’ait moins délicat, et distingue aussi bien les odeurs, quoiqu’il n’y mette pas la même sensualité. Les premières facultés qui se forment et se perfectionnent en nous sont les sens. Ce sont donc les premières qu’il faudrait cultiver ; ce sont les seules qu’on oublie, ou celles qu’on néglige le plus. Un niño es más pequeño que un hombre; no tiene ni su fuerza ni su razón, pero ve y oye tan bien como él o casi igual; posee el gusto tan sensible, aunque no sea tan delicado, y distingue tan bien los olores, aunque no sea para ellos tan sensible. Las primeras facultades que en nosotros se forman y perfeccionan, son los sentidos; por tanto son las primeras que deberían cultivarse y las únicas que se olvidan o que mas se descuidan.
Exercer les sens n’est pas seulement en faire usage, c’est apprendre à bien juger par eux, c’est apprendre, pour ainsi dire, à sentir ; car nous ne savons ni toucher, ni voir, ni entendre, que comme nous avons appris. Ejercitar los sentidos, no es sólo hacer uso de ellos, sino aprender a juzgar bien por ellos; aprender, por decirlo así, a sentir, porque no sabemos tocar, ver ni oír sino como hemos aprendido.
Il y a un exercice purement naturel et mécanique, qui sert à rendre le corps robuste sans donner aucune prise au jugement : nager, courir, sauter, fouetter un sabot, lancer des pierres ; tout cela est fort bien ; mais n’avons-nous que des bras et des jambes ? n’avons-nous pas aussi des yeux, des oreilles ? et ces organes sont-ils superflus à l’usage des premiers ? N’exercez donc pas seulement les forces, exercez tous les sens qui les dirigent ; tirez de chacun d’eux tout le parti possible, puis vérifiez l’impression de l’un par l’autre. Mesurez, comptez, pesez, comparez. N’employez la force qu’après avoir estimé la résistance ; faites toujours en sorte que l’estimation de l’effet précède l’usage des moyens. Intéressez l’enfant à ne jamais faire d’efforts insuffisants ou superflus. Si vous l’accoutumez à prévoir ainsi l’effet de tous ses mouvements, et à redresser ses erreurs par l’expérience, n’est-il pas clair que plus il agira, plus il deviendra judicieux ? Hay un ejercicio puramente natural y mecánico que sirve para robustecer el cuerpo sin dar ninguna preferencia al juicio. Nadar, correr, brincar, hacer bailar una peonza, arrojar piedras...; todo esto está muy bien, ¿:pero es que sólo tenemos brazos y piernas? ¿:No poseemos también dos ojos y dos oreas? Y estos órganos, ¿:son superfluos para el uso de los rimeros? No ejercitéis solamente las fuerzas; ejercitad también todos los sentidos que las dirigen, sacad de ellos todo el partido posible, y después la impresión de uno por la de otro. Medid, contad, pesad, comparad. No empleéis la fuerza sin apreciar previamente la resistencia; haced siempre de tal forma que la estimación del efecto preceda al uso de los medios. Persuadid al niño de que jamás debe hacer esfuerzos insuficientes o superfluos. Si queréis acostumbrarle a que prevea el efecto de todos sus movimientos, y que con su propia experiencia rectifique sus errores, ¿:no se ve claramente que cuanto más intensa sea su actuación mayor será su discernimiento?
S’agit-il d’ébranler une masse ; s’il prend un levier trop long, il dépensera trop de mouvement ; s’il le prend trop court, il n’aura pas assez de force ; l’expérience lui peut apprendre à choisir précisément le bâton qu’il lui faut. Cette sagesse n’est donc pas au-dessus de son âge. S’agit-il de porter un fardeau ; s’il veut le prendre aussi pesant qu’il peut le porter et n’en point essayer qu’il ne soulève, ne sera-t-il pas forcé d’en estimer le poids à la vue ? Sait-il comparer des masses de même matière et de différentes grosseurs, qu’il choisisse entre des masses de même grosseur et de différentes matières ; il faudra bien qu’il s’applique à comparer leurs poids spécifiques. J’ai vu un jeune homme, très bien élevé, qui ne voulut croire qu’après l’épreuve qu’un seau plein de gros copeaux de bois de chêne fût moins pesant que le même seau rempli d’eau. ¿:Se trata de mover un peso? Si se vale de una palanca muy larga, gastará con exceso sobrado movimiento por el contrario, si es muy corta, no tendrá la fuerza suficiente, y la experiencia le enseña a escoger precisamente la que necesita. Esta discreción no rebasa su edad. ¿:Se trata de llevar una carga? Si quiere cogerla tan pesada como la puede llevar, y no probarse con otra que sea imposible que la levante él, ¿:no será necesario que a simple vista precise su peso? Cuando ya sepa comparar objetos de la misma materia y de distinto volumen, que escoja objetos de igual volumen y distintas materias, y será necesario que aprenda a comparar sus pesos específicos. Observé una vez a un joven muy bien educado, el cual no quiso creer antes de hacer la experiencia que un cubo lleno de astillas de encina pesase menos que lleno de agua.
Nous ne sommes pas également maîtres de l’usage de tous nos sens. Il y en a un, savoir, le toucher, dont l’action n’est jamais suspendue durant la veille ; il a été répandu sur la surface entière de notre corps, comme une garde continuelle pour nous avertir de tout ce qui peut l’offenser. C’est aussi celui dont, bon gré, mal gré, nous acquérons le plus tôt l’expérience par cet exercice continuel, et auquel, par conséquent, nous avons moins besoin de donner une culture particulière. Cependant nous observons que les aveugles ont le tact plus sûr et plus fin que nous, parce que, n’étant pas guidés par la vue, ils sont forcés d’apprendre à tirer uniquement du premier sens les jugements que nous fournit l’autre. Pourquoi donc ne nous exerce-t-on pas à marcher comme eux dans l’obscurité, à connaître les corps que nous pouvons atteindre, à juger des objets qui nous environnent, à faire, en un mot, de nuit et sans lumière, tout ce qu’ils font de jour et sans yeux ? Tant que le soleil luit, nous avons sur eux l’avantage ; dans les ténèbres, ils sont nos guides à leur tour. Nous sommes aveugles la moitié de la vie ; avec la différence que les vrais aveugles savent toujours se conduire, et que nous n’osons faire un pas au cœur de la nuit. On a de la lumière, me dira-t-on. Eh quoi ! toujours des machines ! Qui vous répond qu’elles vous suivront partout au besoin ? Pour moi, j’aime mieux qu’Émile ait des yeux au bout de ses doigts que dans la boutique d’un chandelier. Debemos tener en cuenta que no somos igualmente dueños de todos nuestros sentidos. Hay uno, el tacto, cuya acción no se suspende nunca mientras estamos despiertos, el cual está esparcido por toda la superficie de nuestro cuerpo como un vigilante que está atento para darnos el aviso de todo lo que puede afectarnos. Es también el sentido cuya experiencia, de grado o por fuerza, adquirimos más pronto, a causa de este ejercicio continuo, y por lo tanto menos necesidad tenemos de cultivarlo particularmente. No obstante, es de observar que los ciegos poseen el tacto más seguro y delicado que nosotros, pues porque carecen del auxilio de la vista, se ven forzados a sacar del primero de estos sentidos los juicios que nosotros sacamos del segundo. Por qué, pues, no hacemos prácticas de andar como ellos en la oscuridad, en conocer los cuerpos que podremos tocar, en emitir juicios sobre los objetos que nos rodean; en una palabra, en hacer de noche y sin luz todo lo que ellos hacen de día y sin ojos? Mientras brilla el sol, les aventajamos, pero en la oscuridad ellos son nuestros guías. Debemos tener presente que todos estamos ciegos durante la mitad de la vida, con la diferencia de que los verdaderos ciegos siempre saben conducirse, y nosotros no nos atrevemos a dar un paso en lo más oscuro de la noche. Me diréis que estamos en posesión de luces. ¿:Y quién nos asegura que os han de seguir por todas partes cuando las necesitéis? Por mi parte, prefiero que Emilio lleve los ojos en la punta de sus dedos que tenerlos en la tienda de un cerero.
Êtes-vous enfermé dans un édifice au milieu de la nuit, frappez des mains ; vous apercevrez, au résonnement du lieu, si l’espace est grand ou petit, si vous êtes au milieu ou dans un coin. À demi-pied d’un mur, l’air moins ambiant et plus réfléchi vous porte une autre sensation au visage. Restez en place, et tournez-vous successivement de tous les côtés ; s’il y a une porte ouverte, un léger courant d’air vous l’indiquera. Etes-vous dans un bateau, vous connaîtrez, à la manière dont l’air vous frappera le visage, non seulement en quel sens vous allez, mais si le fil de la rivière vous entraîne lentement ou vite. Ces observations, et mille autres semblables, ne peuvent bien se faire que de nuit ; quelque attention que nous voulions leur donner en plein jour, nous serons aidés ou distraits par la vue, elles nous échapperont. Cependant il n’y a encore ici ni mains ni bâton. Que de connaissances oculaires on peut acquérir par le toucher, même sans rien toucher du tout ! Si estáis encerrados en un edificio, y en plena oscuridad, al dar una palmada, por la resonancia veréis si es vasto o reducido el recinto, si estáis en el centro o en un rincón. A un paso de una pared, el aire nos causa otra sensación en el rostro. No salgáis de un sitio y corred continuamente de un lado a otro; si hay una puerta abierta, os lo advertirá una ligera corriente de aire. ¿:Vais en un barco? Por la forma con que os dé el aire en el rostro os daréis cuenta no tan sólo de la dirección que lleváis, sino también si os lleva despacio o aprisa. Estas observaciones sólo pueden hacerse bien de noche, y lo mismo se puede decir de otras mil semejantes; por mucha atención que pongamos en ellas durante un día claro, siempre nos percataremos de que la vista nos ayudará o nos servirá de distracción. Pero hasta ahora aún no nos hemos servido de la mano ni del bastón. ¡Cuántos conocimientos oculares se pueden adquirir mediante el tacto, hasta sin tocar nada!
Beaucoup de jeux de nuit. Cet avis est plus important qu’il ne semble. La nuit effraye naturellement les hommes, et quelquefois les animaux[20]. La raison, les connaissances, l’esprit, le courage, délivrent peu de gens de ce tribut. J’ai vu des raisonneurs, des esprits forts, des philosophes, des militaires intrépides en plein jour, trembler la nuit comme des femmes au bruit d’une feuille d’arbre. On attribue cet effroi aux contes des nourrices ; on se trompe : il a une cause naturelle. Quelle est cette cause ? la même qui rend les sourds défiants et le peuple superstitieux, l’ignorance des choses qui nous environnent et de ce qui se passe autour de nous[21]. Accoutumé d’apercevoir de loin les objets et de prévoir leurs impressions d’avance, comment, ne voyant plus rien de ce qui m’entoure, n’y supposerais-je pas mille êtres, mille mouvements qui peuvent me nuire, et dont il m’est impossible de me garantir ? J’ai beau savoir que je suis en sûreté dans le lieu où je me trouve, je ne le sais jamais aussi bien que si je le voyais actuellement : j’ai donc toujours un sujet de crainte que je n’avais pas en plein jour. Je sais, il est vrai, qu’un corps étranger ne peut guère agir sur le mien sans s’annoncer par quelque bruit ; aussi, combien j’ai sans cesse l’oreille alerte ! Au moindre bruit dont je ne puis discerner la cause, l’intérêt de ma conservation me fait d’abord supposer tout ce qui doit le plus m’engager à me tenir sur mes gardes, et par conséquent tout ce qui est le plus propre à m’effrayer. Muchos juegos nocturnos. Este consejo es más importante de lo que parece. De un modo natural la noche asusta a los hombres, y también a veces a los animales . Hay muy pocas personas que se libren de este tributo por medio de la razón, de los conocimientos, el talento y el valor. Yo he visto pensadores, espíritus fuertes, filósofos, intrépidos militares durante el día, que de noche temblaban como mujeres si oían el ruido de una hoja de árbol. Este miedo es atribuido a los cuentos de la nodriza, y se engañan, pues tienen una causa natural. ¿:Cuál es esta causa? Es la misma que hace que los sordos sean desconfiados y que el vulgo sea supersticioso; es la ignorancia que tenemos de las cosas cercanas a nosotros y de lo que sucede en nuestro alrededor . Ya que estoy acostumbrado a ver los objetos desde lejos y a prever sus impresiones de antemano, ¿:cómo no he de imaginar mil seres, mil movimientos que me pueden perjudicar, sin que sea posible resguardarme de ellos cuando soy incapaz de ver lo que tengo cerca? Aunque esté seguro del sitio en que me hallo, nunca lo sé tan perfectamente como si lo viera; por consiguiente persiste siempre en mí un motivo de temor del cual carecía en pleno día. No ignoro que un cuerpo extraño rara vez puede obrar en el mío sin que se anuncie con algún ruido; por eso, ¡qué alerta tengo siempre el oído! Al menor ruido, cuyo motivo desconozco, me fuerza el interés de mi conservación a que instantáneamente suponga todo cuanto me debe poner en cuidado, y, por lo tanto, todo lo que es capaz de asustarme.
N’entends-je absolument rien, je ne suis pas pour cela tranquille ; car enfin sans bruit on peut encore me surprendre. Il faut que je suppose les choses telles qu’elles étaient auparavant, telles qu’elles doivent encore être, que je voie ce que je ne vois pas. Ainsi, forcé de mettre en jeu mon imagination, bientôt je n’en suis plus le maître, et ce que j’ai fait pour me rassurer ne sert qu’à m’alarmer davantage. Si j’entends du bruit, j’entends des voleurs ; si je n’entends rien, je vois des fantômes ; la vigilance que m’inspire le soin de me conserver ne me donne que sujets de crainte. Tout ce qui doit me rassurer n’est que dans ma raison, l’instinct plus fort me parle tout autrement qu’elle. À quoi bon penser qu’on n’a rien à craindre, puisque alors on n’a rien à faire ? Aunque no oiga nada absolutamente, no por eso me quedo sosegado, ya que también podrían sorprenderme sin hacer ruido. Es preciso que suponga las cosas como estaban antes, como deben estar todavía, que vea lo que no veo. Forzado de este modo a poner en ejercicio mi imaginación, pronto dejo de ser dueño de ella, y sirve para producirme más sobresalto de lo que había trabajado para serenarme. Si oigo vocerío, me parece que son ladrones; si no oigo nada, veo fantasmas; la vigilancia a que me obliga el afán de conservarme, solamente arranca en mí motivos de temor, y todo lo que debe tranquilizarme sólo existe en formas totalmente distintas. ¿:De qué sirve pensar que nada hay que temer, si luego no hay nada que hacer?
La cause du mal trouvée indique le remède. En toute chose l’habitude tue l’imagination ; il n’y a que les objets nouveaux qui la réveillent. Dans ceux que l’on voit tous les jours, ce n’est plus l’imagination qui agit, c’est la mémoire ; et voilà la raison de l’axiome : Ab assuetis non fit passio, car ce n’est qu’au feu de l’imagination que les passions s’allument. Ne raisonnez donc pas avec celui que vous voulez guérir de l’horreur des ténèbres ; menez-l’y souvent, et soyez sûr que tous les arguments de la philosophie ne vaudront pas cet usage. La tête ne tourne point aux couvreurs sur les toits, et l’on ne voit plus avoir peur dans l’obscurité quiconque est accoutumé d’y être. Una vez que se ha encontrado la causa del mal, por sí misma indica el remedio. En todas las cosas el hábito mata la imaginación, y sólo los objetos nuevos la despiertan. En los que vemos todos los días no es la imaginación lo que actúa, sino la memoria, y esa es la razón del axioma Ab assuetis non fit passio; «De las cosas acostumbradas no resulta pasión», debido a que las pasiones únicamente se encienden con el fuego de la imaginación. Por lo tanto, no discutáis con aquel a quien tratéis de curar del miedo a la oscuridad; debéis llevarle frecuentemente hacia sitios oscuros, y podréis estar seguros de que todos los argumentos de la filosofía serán de menos valor que los de esta costumbre. A los albañiles no les da vueltas la cabeza al andar por lo tejados, y no vemos que tenga miedo a la oscuridad el que se habitúa a ella.
Voilà donc pour nos jeux de nuit un autre avantage ajouté au premier ; mais pour que ces jeux réussissent, je n’y puis trop recommander la gaieté. Rien n’est si triste que les ténèbres ; n’allez pas enfermer votre enfant dans un cachot. Qu’il rie en entrant dans l’obscurité ; que le rire le reprenne avant qu’il en sorte ; que, tandis qu’il y est, l’idée des amusements qu’il quitte, et de ceux qu’il va retrouver, le défende des imaginations fantastiques qui pourraient l’y venir chercher. Ved aquí otra nueva utilidad de los juegos nocturnos que se añade a la primera, pero para que el niño se aficione a estos juegos, jamás habrá exceso si recomiendo mucha alegría. No hay nada más triste que las tinieblas, no encerréis a vuestro hijo en un calabozo, y que entre en la oscuridad riéndose, que repita la risa antes de salir de ella y mientras esté en el paraje oscuro; que la idea de la diversión que ha dejado y que al salir volverá a encontrar le preserve de las fantásticas imágenes que pudieran acosarle.
Il est un terme de la vie au delà duquel on rétrograde en avançant. Je sens que j’ai passé ce terme. Je recommence, pour ainsi dire, une autre carrière. Le vide de l’âge mûr, qui s’est fait sentir à moi, me retrace le doux temps du premier âge. En vieillissant, je redeviens enfant, et je me rappelle plus volontiers ce que j’ai fait à dix ans qu’à trente. Lecteurs, pardonnez-moi donc de tirer quelquefois mes exemples de moi-même ; car, pour bien faire ce livre, il faut que je le fasse avec plaisir. Existe un término en la vida, y cuando se ha rebasado, quien adelanta retrocede. Me doy cuenta de que he pasado ya de ese término. Vuelvo, por decirlo así, a empezar otra carrera. El vacío de la edad madura que temía se ha hecho sentir, evoco el dulce tiempo de mis primeros años. Al hacerme viejo, me vuelvo niño, y recuerdo con mayor placer lo que hacía cuando tenía diez años que lo que hice en los treinta. Debéis perdonarme, lectores, si de vez en cuando saco ejemplos de mí mismo, pues para llevar adelante este libro es necesario que me deleite con él.
J’étais à la campagne en pension chez un ministre appelé M. Lambercier. J’avais pour camarade un cousin plus riche que moi, et qu’on traitait en héritier, tandis que, éloigné de mon père, je n’étais qu’un pauvre orphelin. Mon grand cousin Bernard était singulièrement poltron, surtout la nuit. Je me moquai tant de sa frayeur, que M. Lambercier, ennuyé de mes vanteries, voulut mettre mon courage à l’épreuve. Un soir d’automne, qu’il faisait très obscur, il me donna la clef du temple, et me dit d’aller chercher dans la chaire la Bible qu’on y avait laissée. Il ajouta, pour me piquer d’honneur, quelques mots qui me mirent dans l’impuissance de reculer. Yo estaba en el campo, de huésped en casa de un ministro protestante llamado Lambercier, y conmigo también estaba un primo más rico que yo, a quien trataban como heredero, mientras que, lejos de mi padre, yo no era más que un pobre huérfano. Mi primo Bernardo era miedoso, principalmente durante la noche. Yo me burlaba tanto de su miedo que, harto de mis bravuconerías, el señor Lambercier quiso poner a prueba mi valor. Una noche muy oscura de otoño me dio la llave del templo y me dijo que fuese a buscar en el púlpito la Biblia que él se había olvidado, y para azuzar mi amor propio añadió algunas palabras que me impidieran negarme a servirle.
Je partis sans lumière ; si j’en avais eu, ç’aurait peut-être été pis encore. Il fallait passer par le cimetière : je le traversai gaillardement ; car, tant que je me sentais en plein air, je n’eus jamais de frayeurs nocturnes. Me fui sin luz, y si la hubiera llevado habría sido peor todavía; era indispensable pasar por el cementerio, y lo atravesé con decisión, pues cuando he estado a cielo abierto, nunca he tenido miedo de noche.
En ouvrant la porte, j’entendis à la voûte un certain retentissement que je crus ressembler à des voix, et qui commença d’ébranler ma fermeté romaine. La porte ouverte, je voulus entrer ; mais à peine eus-je fait quelques pas, que je m’arrêtai. En apercevant l’obscurité profonde qui régnait dans ce vaste lieu, je fus saisi d’une terreur qui me fit dresser les cheveux : je rétrograde, je sors, je me mets à fuir tout tremblant. Je trouvai dans la cour un petit chien nommé Sultan, dont les caresses me rassurèrent. Honteux de ma frayeur, je revins sur mes pas, tâchant pourtant d’emmener avec moi Sultan, qui ne voulut pas me suivre. Je franchis brusquement la porte, j’entre dans l’église. À peine y fus-je rentré, que la frayeur me reprit, mais si fortement, que je perdis la tête ; et, quoique la chaire fût à droite, et que je le susse très bien, ayant tourné sans m’en apercevoir, je la cherchai longtemps à gauche, je m’embarrassai dans les bancs, je ne savais plus où j’étais, et, ne pouvant trouver ni la chaire ni la porte, je tombai dans un bouleversement inexprimable. Enfin, j’aperçois la porte, je viens à bout de sortir du temple, et je m’en éloigne comme la première fois, bien résolu de n’y jamais rentrer seul qu’en plein jour. Cuando abrí la puerta de la iglesia oí en la bóveda cierto murmullo confuso que me pareció de voces humanas, lo cual empezó a minar mi pretendida entereza. Una vez abierta la puerta quise entrar, pero aún no había dado algunos pasos me detuve. Al percibir la oscuridad que reinaba en el gran recinto sentí tal terror que se me erizaron los cabellos. Retrocedo, salgo y echo a correr temblando. En el patio encontré un perro llamado «Sultán», cuyas caricias me reanimaron. Yo, avergonzado del susto, vuelvo atrás, procurando llevar conmigo al perro, pero no quiere seguirme. Cruzo corriendo el umbral de la puerta y entro en la iglesia. Pero apenas estuve dentro me volvió el miedo, y con tal fuerza que me desorienté, y aunque sabía muy bien que el púlpito estaba a la derecha, durante mucho rato lo busqué a la izquierda, me extravié entre los bancos, y no pudiendo dar con el púlpito ni con la puerta, sentí como si el miedo me paralizara. Por último doy con la puerta, logro salir del templo y me desvío como la vez primera, resolviendo que nunca volveré a entrar solo como no sea en pleno día.
Je reviens jusqu’à la maison. Prêt à entrer, je distingue la voix de M. Lambercier à de grands éclats de rire. Je les prends pour moi d’avance, et, confus de m’y voir exposé, j’hésite à ouvrir la porte. Dans cet intervalle, j’entends Mlle Lambercier s’inquiéter de moi, dire à la servante de prendre la lanterne, et M. Lambercier se disposer à me venir chercher, escorté de mon intrépide cousin, auquel ensuite on n’aurait pas manqué de faire tout l’honneur de l’expédition. À l’instant toutes mes frayeurs cessent, et ne me laissent que celle d’être surpris dans ma fuite : je cours, je vole au temple ; sans m’égarer, sans tâtonner, j’arrive à la chaire ; j’y monte, je prends la Bible, je m’élance en bas ; dans trois sauts je suis hors du temple, dont j’oubliai même de fermer la porte ; j’entre dans la chambre, hors d’haleine, je jette la Bible sur la table, effaré, mais palpitant d’aise d’avoir prévenu le secours qui m’était destiné. Regresé a casa. Cuando iba a entrar oí que el señor Lambercier se reía a carcajadas. Entonces pienso que son para mí, y lleno de confusión al verme expuesto a ellas, dudo si abrir o no la puerta. En este intervalo oigo que la hija del señor Lambercier, asustada con mi tardanza, dice a la sirvienta que tome el farol, y al señor Lambercier que salga a buscarme, escoltado por mi intrépido primo, al cual no hubieran dejado de atribuirle el honor de la expedición. En un momento venzo el miedo, y no me queda otro susto que el de que descubran mi fuga; corro, vuelo hacia el templo, y sin equivocarme, sin andar a tientas, llego al púlpito, subo, cojo la Biblia, bajo de un salto, doy otros tres y estoy fuera del templo, y hasta me olvido de cerrar la puerta; entro en el cuarto sin respiración, pongo la Biblia en el escritorio, azorado pero palpitando de gozo por haberme adelantado al auxilio que me preparaban.
On me demandera si je donne ce trait pour un modèle à suivre, et pour un exemple de la gaieté que j’exige dans ces sortes d’exercices. Non ; mais je le donne pour preuve que rien n’est plus capable de rassurer quiconque est effrayé des ombres de la nuit, que d’entendre dans une chambre voisine une compagnie assemblée rire et causer tranquillement. Je voudrais qu’au lieu de s’amuser ainsi seul avec son élève, on rassemblât les soirs beaucoup d’enfants de bonne humeur ; qu’on ne les envoyât pas d’abord séparément, mais plusieurs ensemble, et qu’on n’en hasardât aucun parfaitement seul, qu’on ne se fût bien assuré d’avance qu’il n’en serait pas trop effrayé. Me preguntarán si expongo este rasgo como un modelo que debe seguirse y como ejemplo de la alegría que exijo en esta especie de ejercicios. No; lo recuerdo como prueba de que no existe otra cosa que haga cobrar más el ánimo al que está asustado con la sombra de la noche que el oír en un aposento cercano una reunión donde se ríe y se conversa tranquilamente. Yo quisiera que en lugar de divertirse el preceptor con su alumno solo, se juntaran por las noches muchos chicos de buen humor; al principio no se les debería permitir ir separados, sino en grupos, y que ninguno se aventurase yendo solo sin estar seguro de que no se asustaría.
Je n’imagine rien de si plaisant et de si utile que de pareils jeux, pour peu qu’on voulût user d’adresse à les ordonner. Je ferais dans une grande salle une espèce de labyrinthe avec des tables, des fauteuils, des chaises, des paravents. Dans les inextricables tortuosités de ce labyrinthe j’arrangerais, au milieu de huit ou dix boîtes d’attrapes, une autre boîte presque semblable, bien garnie de bonbons ; je désignerais en termes clairs, mais succincts, le lieu précis où se trouve la bonne boîte ; je donnerais le renseignement suffisant pour la distinguer à des gens plus attentifs et moins étourdis que des enfants[22], puis, après avoir fait tirer au sort les petits concurrents, je les enverrais tous l’un après l’autre, jusqu’à ce que la bonne boîte fût trouvée : ce que j’aurais soin de rendre difficile à proportion de leur habileté. No hay nada más útil y agradable que semejantes juegos si son ordenados con un poco de habilidad. En una gran sala yo haría una especie de laberinto con mesas, taburetes, sillas y biombos. En las vueltas y revueltas de este laberinto colocaría, en medio de ocho o diez cajas con trampa, otra caja parecida llena de golosinas; designaría en términos claros pero precisos el sitio exacto donde está la caja buena; haría una indicación que bastase para que fuese distinguida por personas más atentas y menos atolondradas que los muchachos ; después de haber sorteado entre los contrincantes, los mandaría a buscar uno tras otro, hasta que encontrasen la caja buena, lo cual cuidaría yo de hacer más difícil a medida de su habilidad.
Figurez-vous un petit Hercule arrivant une boîte à la main, tout fier de son expédition. La boîte se met sur la table, on l’ouvre en cérémonie. J’entends d’ici les éclats de rire, les huées de la bande joyeuse, quand, au lieu des confitures qu’on attendait, on trouve, bien proprement arrangés sur de la mousse ou sur du coton, un hanneton, un escargot, du charbon, du gland, un navet, ou quelque autre pareille denrée. D’autres fois, dans une pièce nouvellement blanchie, on suspendra près du mur quelque jouet, quelque petit meuble qu’il s’agira d’aller chercher sans toucher au mur. À peine celui qui l’apportera sera-t-il rentré, que, pour peu qu’il ait manqué à la condition, le bout de son chapeau blanchi, le bout de ses souliers, la basque de son habit, sa manche trahiront sa maladresse. En voilà bien assez, trop peut-être, pour faire entendre l’esprit de ces sortes de jeux. S’il faut tout vous dire, ne me lisez point. Figuraos un pequeño Hércules que llega con la caja en la mano, orgulloso de su hazaña. Pone la caja encima de la mesa y la abre con toda ceremonia. Oigo desde aquí las carcajadas y el griterío de la cuadrilla cuando, en vez de los dulces que se esperaban, se encuentran con un abejorro, un escarabajo, un carbón, una bellota, un nabo, u otra cosa así, muy bien puesta encima de una rama de helecho o de un lienzo. Otras veces, en un cuarto acabado de enjabelgar, se puede colgar muy cerca de la pared algún juguete. Apenas acabe de entrar el que la trae cuando, por poco que haya faltado a la condición puesta, el ala del sombrero, la punta del zapato, la falda o la manga del vestido manchados de blanco, nos demostrarán su poca maña. Con todo esto hay lo suficiente y hasta sobra en lo referente a juegos. Si tengo que decíroslo todo, no me sigáis leyendo.
Quels avantages un homme ainsi élevé n’aura-t-il pas la nuit sur les autres hommes ? Ses pieds accoutumés à s’affermir dans les ténèbres, ses mains exercées à s’appliquer aisément à tous les corps environnants, le conduiront sans peine dans la plus épaisse obscurité. Son imagination, pleine des jeux nocturnes de sa jeunesse, se tournera difficilement sur des objets effrayants. S’il croit entendre des éclats de rire, au lieu de ceux des esprits follets, ce seront ceux de ses anciens camarades ; s’il se peint une assemblée, ce ne sera point pour lui le sabbat, mais la chambre de son gouverneur. La nuit, ne lui rappelant que des idées gaies, ne lui sera jamais affreuse ; au lieu de la craindre, il l’aimera. S’agit-il d’une expédition militaire, il sera prêt à toute heure, aussi bien seul qu’avec sa troupe. Il entrera dans le camp de Saül, il le parcourra sans s’égarer, il ira jusqu’à la tente du roi sans éveiller personne, il s’en retournera sans être aperçu. Faut-il enlever les chevaux de Rhésus, adressez-vous à lui sans crainte. Parmi les gens autrement élevés, vous trouverez difficilement un Ulysse. ¡Cuántas ventajas saca de noche a los demás un hombre educado de tal forma! Acostumbrados sus pies a pisar firme en las tinieblas, ejercitadas sus manos en aplicarse con facilidad a todos los cuerpos inmediatos, le conducirán sin dificultad en la más densa oscuridad. Llena su imaginación de los juegos nocturnos de su niñez, difícilmente creerá ver objetos temibles. Si cree oír carcajadas, para él serán de los niños, de sus antiguos camaradas y no de los duendes. Si se le presenta una reunión no será un aquelarre de brujas, sino el aposento de su preceptor. Como la noche le recuerda ideas alegres, para él jamás será horrorosa, y en vez de temerla la amará. ¿:Se trata de una expedición militar? El estará dispuesto a cualquier hora, lo mismo si tiene que ir solo que si tiene que ir con su tropa. Entrará en el campo de Saúl, lo recorrerá todo sin extraviarse y llegará sin ser visto. ¿:Es necesario robar los caballos de Reso? Dirigíos a él sin recelo. Entre hombres educados de otra forma, no es probable que encontréis un Ulises.
J’ai vu des gens vouloir, par des surprises, accoutumer les enfants à ne s’effrayer de rien la nuit. Cette méthode est très mauvaise ; elle produit un effet tout contraire à celui qu’on cherche, et ne sert qu’à les rendre toujours plus craintifs. Ni la raison ni l’habitude ne peuvent rassurer sur l’idée d’un danger présent dont on ne peut connaître le degré ni l’espèce, ni sur la crainte des surprises qu’on a souvent éprouvées. Cependant, comment s’assurer de tenir toujours votre élève exempt de pareils accidents ? Voici le meilleur avis, ce me semble, dont on puisse le prévenir là-dessus. Vous êtes alors, dirais-je à mon Émile, dans le cas d’une juste défense ; car l’agresseur ne vous laisse pas juger s’il veut vous faire mal ou peur, et, comme il a pris ses avantages, la fuite même n’est pas un refuge pour vous. Saisissez donc hardiment celui qui vous surprend de nuit, homme ou bête, il n’importe ; serrez-le, empoignez-le de toute votre force ; s’il se débat, frappez, ne marchandez point les coups ; et, quoi qu’il puisse dire ou faire, ne lâchez jamais prise que vous ne sachiez bien ce que c’est. L’éclaircissement vous apprendra probablement qu’il n’y avait pas beaucoup à craindre, et cette manière de traiter les plaisants doit naturellement les rebuter d’y revenir. He visto algunas personas que asustando a los niños quieren acostumbrarles a que pierdan el miedo de noche. Este método es muy malo, ya que produce un efecto diametralmente opuesto al que se desea, y sólo sirve para que sean más medrosos. Ni la razón ni el hábito pueden serenarnos acerca de la idea de un peligro actual cuyo grado y especie no conocemos, ni sobre el temor a sorpresas que ya hemos experimentado. No obstante, ¿:cómo nos podemos cerciorar de que nuestro alumno no estará nunca expuesto a semejantes azares? Me parece que el mejor consuelo que podemos darle para precaverlos es el siguiente. Yo le diría a mi Emilio: «Tú te hallas en el caso de una justa defensa, porque tu agresor no te permite que sepas si quiere hacerte daño o sólo meterte miedo, y como se ha puesto en un sitio ventajoso, ni siquiera la fuga es una solución segura para ti. Entonces, coge con decisión al que te acometa de noche, hombre o animal, nada importa; apriétale, sujétalo con toda tu fuerza; si forcejea para librarse, sacúdele, no te quedes corto en tus golpes, y diga o haga lo que quiera, no le sueltes hasta que sepas quién o qué es; es presumible que entonces comprendas que no había mucho que temer, pero ese modo de tratar a los graciosos les tiene que escarmentar».
Quoique le toucher soit de tous nos sens celui dont nous avons le plus continuel exercice, ses jugements restent pourtant, comme je l’ai dit, imparfaits et grossiers plus que ceux d’aucun autre, parce que nous mêlons continuellement à son usage celui de la vue, et que, l’œil atteignant à l’objet plus tôt que la main, l’esprit juge presque toujours sans elle. En revanche, les jugements du tact sont les plus sûrs, précisément parce qu’ils sont les plus bornés ; car, ne s’étendant qu’aussi loin que nos mains peuvent atteindre, ils rectifient l’étourderie des autres sens, qui s’élancent au loin sur des objets qu’ils aperçoivent à peine, au lieu que tout ce qu’aperçoit le toucher, il l’aperçoit bien. Ajoutez que, joignant, quand il nous plaît, la force des muscles à l’action des nerfs, nous unissons, par une sensation simultanée, au jugement de la température, des grandeurs, des figures, le jugement du poids et de la solidité. Ainsi le toucher, étant de tous les sens celui qui nous instruit le mieux de l’impression que les corps étrangers peuvent faire sur le nôtre, est celui dont l’usage est le plus fréquent, et nous donne le plus immédiatement la connaissance nécessaire à notre conservation. Aunque sea el tacto entre todos nuestros sentidos el que más ejercitamos, sus deducciones, no obstante, permanecen, como he indicado ya anteriormente, más imperfectos y toscos que los otros, porque continuamente con su uso mezclamos el de la vista, y, alcanzando los ojos el objeto antes que la mano, el alma juzga casi siempre sin ella. En cambio, los juicios más seguros son los del tacto, precisamente por ser los más limitados, porque como no se extienden más allá de donde pueden alcanzar nuestras manos, ratifican el criterio de los demás sentidos, que se lanzan sobre objetos que apenas perciben, mientras que todo lo que percibe el tacto lo realiza bien. Se puede añadir que cuando se acomoda la fuerza de los músculos con la acción de los nervios, por una sensación simultánea unimos, con el juicio del temple, del tamaño y la figura, el del peso y la solidez. De esta manera, al mismo tiempo que el tacto es entre todos los sentidos el que mejor nos instruye de la impresión que en nuestro cuerpo pueden hacer los extraños, es también el que más frecuentemente nos sirve y el que más pronto nos proporciona los conocimientos necesarios para nuestra conservación.
Comme le toucher exercé supplée à la vue, pourquoi ne pourrait-il pas aussi suppléer à l’ouïe jusqu’à certain point, puisque les sons excitent dans les corps sonores des ébranlements sensibles au tact ? En posant une main sur le corps d’un violoncelle, on peut, sans le secours des yeux ni des oreilles, distinguer, à la seule manière dont le bois vibre et frémit, si le son qu’il rend est grave ou aigu, s’il est tiré de la chanterelle ou du bourdon. Qu’on exerce le sens à ces différences, je ne doute pas qu’avec le temps on n’y pût devenir sensible au point d’entendre un air entier par les doigts. Or, ceci supposé, il est clair qu’on pourrait aisément parler aux sourds en musique ; car les tons et les temps, n’étant pas moins susceptibles de combinaisons régulières que les articulations et les voix, peuvent être pris de même pour les éléments du discours. Puesto que el tacto habituado suple la vista, ¿:por qué no ha de poder suplir también el oído hasta cierto límite una vez que los sonidos excitan en los cuerpos sonoros conmociones sensibles al tacto? Al poner una mano en la caja de un violoncelo somos capaces, sin el auxilio de los ojos y de los oídos, sólo por el modo de vibrar y estremecerse la madera distinguir si el tono del instrumento es grave o agudo, si procede de la prima o del bordón. Debe ejercitarse el sentido en estas diferencias, y no dudo de que con el tiempo llegaría a ser tan sensible que se podría comprender un trozo de música por el tacto. Bajo esta hipótesis, se ve claramente con qué facilidad se podría hablar a los sordos mediante la música, porque como los tonos y los tiempos no son menos aptos para combinaciones regulares que las articulaciones y las voces, también pueden tomarse por elementos del discurso.
Il y a des exercices qui émoussent le sens du toucher et le rendent plus obtus ; d’autres, au contraire, l’aiguisent et le rendent plus délicat et plus fin. Les premiers, joignant beaucoup de mouvement et de force à la continuelle impression des corps durs, rendent la peau rude, calleuse, et lui ôtent le sentiment naturel ; les seconds sont ceux qui varient ce même sentiment par un tact léger et fréquent, en sorte que l’esprit, attentif à des impressions incessamment répétées, acquiert la facilité de juger toutes leurs modifications. Cette différence est sensible dans l’usage des instruments de musique : le toucher dur et meurtrissant du violoncelle, de la contre-basse, du violon même, en rendant les doigts plus flexibles, racornit leurs extrémités. Le toucher lisse et poli du clavecin les rend aussi flexibles et plus sensibles en même temps. En ceci donc le clavecin est à préférer. Hay ejercicios que embotan el sentido del tacto, haciéndolo más obtuso, y por el contrario hay otros que lo aguzan y lo hacen más exquisito y delicado. Si unimos a los primeros mucho movimiento y fuerza a la continua impresión de los cuerpos duros, le dan aspereza a la piel y le quitan el sentimiento natural; los segundos varían este mismo sentimiento con un ligero y frecuente tacto, de tal suerte que el espíritu, atento a las impresiones continuamente repetidas, adquiere facilidad para juzgar todas sus modificaciones. Es sensible esta diferencia en los instrumentos musicales: la pulsación dura y atormentada del violoncelo, del contrabajo y del mismo violín dan a los dedos más flexibilidad, pero endurece las yemas. La suave pulsación del clavicordio hace flexibles los dedos y a la vez más sensibles, por lo que es preferible.
Il importe que la peau s’endurcisse aux impressions de l’air et puisse braver ses altérations ; car c’est elle qui défend tout le reste. À cela près, je ne voudrais pas que la main, trop servilement appliquée aux mêmes travaux, vînt à s’endurcir, ni que sa peau devenue presque osseuse perdît ce sentiment exquis qui donne à connaître quels sont les corps sur lesquels on la passe, et, selon l’espèce de contact, nous fait quelquefois, dans l’obscurité, frissonner en diverses manières. Es conveniente que se endurezca la piel con las impresiones del aire y que pueda arrostrar sus alteraciones, porque es el que defiende el resto. Aparte esto, no quisiera que aplicando la mano con excesiva fuerza a los mismos trabajos se llegara a endurecer, ni que una vez encallecida, la piel perdiese aquel tacto exquisito que deja comprender qué cuerpos tocamos, y según la clase de contacto a veces es la causa de que, en la oscuridad, nos estremezcamos de diversos modos.
Pourquoi faut-il que mon élève soit forcé d’avoir toujours sous ses pieds une peau de bœuf ? Quel mal y aurait-il que la sienne propre pût au besoin lui servi de semelle ? Il est clair qu’en cette partie la délicatesse de la peau ne peut jamais être utile à rien, et peut souvent beaucoup nuire. Eveillés à minuit au cœur de l’hiver par l’ennemi dans leur ville, les Genevois trouvèrent plus tôt leurs fusils que leurs souliers. Si nul d’eux n’avait su marcher nu-pieds, qui sait si Genève n’eût point été prise ? ¿:Por qué tiene que llevar siempre mi alumno una piel de toro como plantilla de los pies? ¿:Qué mal habría en que la suya pudiera servirle de suela si fuese necesario? Se ve claramente que en este sentido la delicadeza de la piel nunca servirá de nada, y aún que muchas veces puede ser perjudicial. Cuando al despertarse los ginebrinos a medianoche en la época más rigurosa del invierno se vieron con el enemigo dentro de la ciudad, hallaron más pronto sus fusiles que sus zapatos. Si ninguno hubiese podido andar descalzo, ¿:quién sabe si Ginebra habría sido tomada?
Armons toujours l’homme contre les accidents imprévus. Qu’Émile coure les matins à pieds nus, en toute saison, par la chambre, par l’escalier, par le jardin ; loin de l’en gronder, je l’imiterai ; seulement j’aurai soin d’écarter le verre. Je parlerai bientôt des travaux et des jeux manuels. Du reste, qu’il apprenne à faire tous les pas qui favorisent les évolutions du corps, à prendre dans toutes les attitudes une position aisée et solide ; qu’il sache sauter en éloignement, en hauteur, grimper sur un arbre, franchir un mur ; qu’il trouve toujours son équilibre ; que tous ses mouvements, ses gestes soient ordonnés selon les lois de la pondération, longtemps avant que la statique se mêle de les lui expliquer. À la manière dont son pied pose à terre et son corps porte sur sa jambe, il doit sentir s’il est bien ou mal. Une assiette assurée a toujours de la grâce, et les postures les plus fermes sont aussi les plus élégantes. Si j’étais maître à danser, je ne ferais pas toutes les singeries de Marcel[23], bonnes pour le pays où il les fait ; mais, au lieu d’occuper éternellement mon élève à des gambades, je le mènerais au pied d’un rocher ; là, je lui montrerais quelle attitude il faut prendre, comment il faut porter le corps et la tête, quel mouvement il faut faire, de quelle manière il faut poser, tantôt le pied, tantôt la main, pour suivre légèrement les sentiers escarpés, raboteux et rudes, et s’élancer de pointe en pointe tant en montant qu’en descendant. J’en ferais l’émule d’un chevreuil plutôt qu’un danseur de l’Opéra. Debemos reparar al hombre contra los azares imprevistos. Emilio, por la mañana y en todo tiempo, anda descalzo por el aposento, por la escalera, por el jardín; en vez de reñirle, le imitaré, y sólo evitaré que en el suelo haya cristales. Pronto hablaré de los trabajos y juegos manuales. En cuanto a los demás, que aprenda a ejecutar todos los pasos que favorezcan las evoluciones del cuerpo, a tomar en todas las posturas una actitud segura y sólida; que sepa saltar hacia delante, hacia arriba, subirse a un árbol, escalar una tapia, y que mantenga siempre el equilibrio, que todos sus movimientos y ademanes vayan ordenados por las leyes ponderales mucho antes de que la estática tenga que explicárselos. Por el modo con que apoye su pie en el suelo y descanse el cuerpo sobre la pierna, debe saber si su posición es buena o mala. Un andar seguro siempre tiene gracia y las posturas más firmes son también las más elegantes. Si yo fuera profesor de baile, no haría las monerías de Marcelo , las cuales están bien para el país donde él las hace, pero en lugar de enseñar a pernear a mi alumno, le llevaría junto a un pedregal y le diría cuál es la postura necesaria, cómo debe ponerse la cabeza y el cuerpo, qué movimientos hay que hacer, de qué modo se ha de poner algunas veces el pie y otras la mano para subir con agilidad los senderos escarpados y ásperos, y lanzarse de punta a punta subiendo unas veces y bajando otras. Mejor le compararía con un gamo que con un bailarín de la ópera.
Autant le toucher concentre ses opérations autour de l’homme, autant la vue étend les siennes au delà de lui ; c’est là ce qui rend celles-ci trompeuses : d’un coup d’œil un homme embrasse la moitié de son horizon. Dans cette multitude de sensations simultanées et des jugements qu’elles excitent, comment ne se tromper sur aucun ? Ainsi la vue est de tous nos sens le plus fautif, précisément parce qu’il est le plus étendu, et que, précédant de bien loin tous les autres, ses opérations sont trop promptes et trop vastes pour pouvoir être rectifiées par eux. Il y a plus, les illusions mêmes de la perspective nous sont nécessaires pour parvenir à connaître l’étendue et à comparer ses parties. Sans les fausses apparences, nous ne verrions rien dans l’éloignement ; sans les gradations de grandeur et de lumière, nous ne pourrions estimer aucune distance, ou plutôt il n’y en aurait point pour nous. Si de deux arbres égaux celui qui est à cent pas de nous nous paraissait aussi grand et aussi distinct que celui qui est à dix, nous les placerions à côté l’un de l’autre. Si nous apercevions toutes les dimensions des objets sous leur véritable mesure, nous ne verrions aucun espace, et tout nous paraîtrait sur notre œil. Al concentrar el tacto sus operaciones alrededor del hombre, mientras tiende la vista lejos de él, muchas veces resultan engañosas; de una sola mirada abarca el hombre la mitad de su horizonte. Con la cantidad de sensaciones simultáneas que provocan, ¿:cómo se ha de equivocar en ninguna? Por lo tanto, la vista es el más defectuoso de nuestros sentidos, precisamente porque se extiende más y porque, quedándose muy atrás de los otros, son prontas ,y vastas sus operaciones para que puedan rectificarlas. Todavía hay más: las ilusiones de los otros, son prontas y vastas sus operaciones para llegar a conocer la extensión y comparar sus partes. Sin las falsas apariencias nada veríamos lejos; sin las gradaciones de luz y tamaño, no podríamos apreciar distancia alguna, o no la habría para nosotros. Si en dos árboles iguales nos pareciese el que dista cien pasos de nosotros tan alto y tan claro como el que está a diez, los creeríamos uno al lado del otro. Si distinguiésemos las dimensiones de los objetos en su medida verdadera, no veríamos espacio ninguno y nos parecería que todo estaba encima.
Le sens de la vue n’a, pour juger la grandeur des objets et leur distance, qu’une même mesure, savoir, l’ouverture de l’angle qu’ils font dans notre œil ; et comme cette ouverture est un effet simple d’une cause composée, le jugement qu’il excite en nous laisse chaque cause particulière indéterminée, ou devient nécessairement fautif. Car, comment distinguer à la simple vue si l’angle sous lequel je vois un objet est en effet plus petit qu’un autre est tel, parce que ce premier objet est en effet plus petit, ou parce qu’il est plus éloigné ? Para juzgar del tamaño de los objetos y de su distancia, sólo tiene el sentido de la vista una medida, la apertura del ángulo que forman en nuestros ojos, y como ésta es un efecto simple de una causa compuesta, el juicio que en nosotros provoca deja indeterminada cada causa particular, por lo que es forzosamente defectuosa. Porque, ¿:cómo he de distinguir a simple vista si el ángulo bajo el cual veo un objeto más pequeño que el otro es porque el objeto es más pequeño o porque está más lejos?
Il faut donc suivre ici une méthode contraire à la précédente ; au lieu de simplifier la sensation, la doubler, la vérifier toujours par une autre, assujettir l’organe visuel à l’organe tactile, et réprimer, pour ainsi dire, l’impétuosité du premier sens par la marche pesante et réglée du second. Faute de nous asservir à cette pratique, nos mesures par estimation sont très inexactes. Nous n’avons nulle précision dans le coup d’œil pour juger les hauteurs, les longueurs, les profondeurs, les distances ; et la preuve que ce n’est pas tant la faute du sens que de son usage, c’est que les ingénieurs, les arpenteurs, les architectes, les maçons, les peintres ont en général le coup d’œil beaucoup plus sûr que nous, et apprécient les mesures de l’étendue avec plus de justesse ; parce que leur métier leur donnant en ceci l’expérience que nous négligeons d’acquérir, ils ôtent l’équivoque de l’angle par les apparences qui l’accompagnent, et qui déterminent plus exactement à leurs yeux le rapport des deux causes de cet angle. Entonces, hay que seguir aquí un método contrario al anterior; doblar la sensación en vez de simplificarla, o verificarla siempre por otra, sujetar el órgano visual al táctil, y reprimir, por decirlo así, la impetuosidad del primer sentido por el paso retrasado y regulado el segundo. Porque no nos acomodamos a esta práctica son muy inexactas nuestras medidas de valuación. No tenemos exactitud en el golpe de vista para precisar las alturas, las longitudes, las profundidades y las distancias, y la prueba de que no todo es culpa del sentido como de su uso, es que los ingenieros, los agrimensores, los arquitectos, los albañiles, los pintores, generalmente tienen una visión mucho más segura que nosotros y aprecian con más exactitud las medidas de extensión, porque adquiriendo la experiencia con su oficio, que nosotros no tratamos de adquirir, rectifican el error del ángulo por las apariencias que le acompañan y determinan más exactamente la relación de las dos causas de este ángulo.
Tout ce qui donne du mouvement au corps sans le contraindre est toujours facile à obtenir des enfants. Il y a mille moyens de les intéresser à mesurer, à connaître, à estimer les distances. Voilà un cerisier fort haut, comment ferons-nous pour cueillir des cerises ? L’échelle de la grange est-elle bonne pour cela ? Voilà un ruisseau fort large, comment le traverserons-nous ? une des planches de la cour posera-t-elle sur les deux bords ? Nous voudrions, de nos fenêtres, pêcher dans les fossés du château ; combien de brasses doit avoir notre ligne ? Je voudrais faire une balançoire entre ces deux arbres ; une corde de deux toises nous suffira-t-elle ? On me dit que dans l’autre maison notre chambre aura vingt-cinq pieds carrés ; croyez-vous qu’elle nous convienne ? sera-t-elle plus grande que celle-ci ? Nous avons grand’faim ; voilà deux villages ; auquel des deux serons-nous plus tôt pour dîner ? etc. Siempre es fácil obtener de los niños todo cuanto da movimiento al cuerpo sin causarle violencia. Existen mil medios para que se interesen por medir, conocer y valorar las distancias. Allí hay un cerezo muy alto; ¿:qué haremos para coger cerezas. ¿:Nos servirá la escalera del pajar? Allá hay un arroyo muy ancho; ¿:cómo lo atravesaremos? ¿:Alcanzará a las dos orillas una de las tablas del patio? Quisiéramos pescar desde nuestra ventana en los fosos de la finca; ¿:cuántas brazas ha de tener nuestro cordel? Quisiera hacer un columpio entre estos dos árboles; ¿:nos bastará con una cuerda de dos metros? Me dicen que en la otra casa nuestro aposento tendrá veinticinco pies cuadrados; ¿:crees que nos conviene?, ¿:será mayor que éste? Tenemos mucho apetito; allí hay dos mesones; ¿:a cuál llegaremos antes para comer?
Il s’agissait d’exercer à la course un enfant indolent et paresseux, qui ne se portait pas de lui-même à cet exercice ni à aucun autre, quoiqu’on le destinât à l’état militaire ; il s’était persuadé, je ne sais comment, qu’un homme de son rang ne devait rien faire ni rien savoir, et que sa noblesse devait lui tenir lieu de bras, de jambes, ainsi que de toute espèce de mérite. À faire d’un tel gentilhomme un Achille au pied léger, l’adresse de Chiron même eût eu peine à suffire. La difficulté était d’autant plus grande que je ne voulais lui prescrire absolument rien ; j’avais banni de mes droits les exhortations, les promesses, les menaces, l’émulation, le désir de briller ; comment lui donner celui de courir sans lui rien dire ? Courir moi-même eût été un moyen peu sûr et sujet à inconvénient. D’ailleurs il s’agissait encore de tirer de cet exercice quelque objet d’instruction pour lui, afin d’accoutumer les opérations de la machine et celles du jugement à marcher toujours de concert. Voici comment je m’y pris : moi, c’est-à-dire celui qui parle dans cet exemple. Se trataba de ejercitar en correr a un niño inda lente y perezoso, el cual no le tenía inclinación a ningún otro ejercicio, aunque le destinaban al estado militar; se había persuadido no sé cómo de que un hombre de su clase nada debía hacer ni saber y que su nobleza le debía servir de brazos, de piernas, y para toda clase de méritos. Casi ni la habilidad del mismo Chirón hubiera sido suficiente para hacer de ese niño un Aquiles de pies ligeros. La dificultad aumentaba por que yo no quería mandarle nada absolutamente, habiendo desterrado de mis derechos las exhortaciones, las promesas, las amenazas, la emulación y el deseo de lucirse. ¿:Cómo había de actuar para inspirar en el niño el deseo de correr sin decirle nada? Correr yo habría sido un medio poco seguro y expuesto a inconvenientes; se trataba también de sacar de este ejercicio algún motivo de instrucción para él, a fin de que las operaciones del cuerpo y del juicio siempre estuvieran acordes. Resolví, pues, hacer lo siguiente:
En m’allant promener avec lui les après-midi, je mettais quelquefois dans ma poche deux gâteaux d’une espèce qu’il aimait beaucoup ; nous en mangions chacun un à la promenade[24], et nous revenions fort contents. Un jour il s’aperçut que j’avais trois gâteaux ; il en aurait pu manger six sans s’incommoder ; il dépêche promptement le sien pour me demander le troisième. Non, lui dis-je : je le mangerais fort bien moi-même, ou nous le partagerions ; mais j’aime mieux le voir disputer à la course par ces deux petits garçons que voilà. Je les appelai, je leur montrai le gâteau et leur proposai la condition. Ils ne demandèrent pas mieux. Le gâteau fut posé sur une grande pierre qui servit de but ; la carrière fut marquée : nous allâmes nous asseoir ; au signal donné, les petits garçons partirent ; le victorieux se saisit du gâteau, et le mangea sans miséricorde aux yeux des spectateurs et du vaincu. Cuando iba con él a paseo por las tardes, algunas veces llevaba en mi bolsillo dos pasteles de una clase que a él le gustaban mucho; nos comíamos cada uno el suyo durante el paseo , y nos volvíamos muy satisfechos. Un día vio que yo llevaba tres pasteles; el solo habría podido comerse seis sin esfuerzo; se comió en seguida el suyo y me pidió el tercero. «No -le respondí-; yo también me lo comería a gusto, o nos lo partiríamos, pero prefiero que se lo coma el que más corra de aquellos muchachos que están allí.» Les llamé, les enseñé el pastel y les di ′e mi condición; no deseaban otra cosa. Puse el paste sobre una roca, conviniendo que era la meta. Indiqué cuál era la carrera, y fuimos a sentarnos; al dar la señal, arrancaron los muchachos; el vencedor cogió el bollo y se lo comió en presencia de los espectadores y del vencido.
Cet amusement valait mieux que le gâteau ; mais il ne prit pas d’abord et ne produisit rien. Je ne me rebutai ni ne me pressai : l’instruction des enfants est un métier où il faut savoir perdre du temps pour en gagner. Nous continuâmes nos promenades ; souvent on prenait trois gâteaux, quelquefois quatre, et de temps à autre il y en avait un, même deux pour les coureurs. Si le prix n’était pas grand, ceux qui le disputaient n’étaient pas ambitieux : celui qui le remportait était loué, fêté ; tout se faisait avec appareil. Pour donner lieu aux révolutions et augmenter l’intérêt, je marquais la carrière plus longue, j’y souffrais plusieurs concurrents. À peine étaient-ils dans la lice, que tous les passants s’arrêtaient pour les voir ; les acclamations, les cris, les battements de mains les animaient ; je voyais quelquefois mon petit bonhomme tressaillir, se lever, s’écrier quand l’un était près d’atteindre ou de passer l’autre ; c’étaient pour lui les jeux olympiques. Esta diversión valía más que el pastel, pero no prendió al principio ni surtió efecto alguno. No me cansé ni me di prisa, pues la educación de los niños es un oficio en que hay que saber desperdiciar tiempo para ganarlo. Continuamos nuestros paseos; unas veces tomábamos tres pasteles,, otras cuatro, y de cuando en cuando había uno o dos para los corredores. Si no era muy grande el premio, tampoco los contendientes eran ambiciosos; el que lo ganaba era elogiado, felicitado, todo se hacía con entusiasmo. Para dar motivo a las evoluciones y aumentar el interés, señalaba una carrera más larga y admitía a muchos competidores. Apenas entraban en liza, todos los que pasaban formaban corro para verlos, animándoles con aclamaciones, gritos y palmadas; alguna vez vi a mi hombrecito que estaba dando saltos en su asiento, levantarse y gritar cuando uno iba a alcanzar o dejar atrás a otro; para él eran los juegos olímpicos.
Cependant les concurrents usaient quelquefois de supercherie ; ils se retenaient mutuellement, ou se faisaient tomber, ou poussaient des cailloux au passage l’un de l’autre. Cela me fournit un sujet de les séparer, et de les faire partir de différents termes, quoique également éloignés du but : on verra bientôt la raison de cette prévoyance ; car je dois traiter cette importante affaire dans un grand détail. No obstante, los corredores acostumbraban a valerse de tretas; unos detenían a otros o bien se echaban al suelo, o tiraban piedras al pasar uno a otro. Esto me obligó a separarlos y que salieran de puntos diferentes, aunque igualmente distantes de la meta; pronto se verá el motivo de esta previsión, porque debo tener en cuenta los detalles de este importante asunto.
Ennuyé de voir toujours manger sous ses yeux des gâteaux qui lui faisaient grande envie, monsieur le chevalier s’avisa de soupçonner enfin que bien courir pouvait être bon à quelque chose et voyant qu’il avait aussi deux jambes, il commença de s’essayer en secret. Je me gardai d’en rien voir ; mais je compris que mon stratagème avait réussi. Quand il se crut assez fort, et je lus avant lui dans sa pensée, il affecta de m’importuner pour avoir le gâteau restant. Je le refuse, il s’obstine, et d’un air dépité il me dit à la fin : Eh bien ! mettez-le sur la pierre, marquez le champ, et nous verrons. Bon ! lui dis-je en riant, est-ce qu’un chevalier sait courir ? Vous gagnerez plus d’appétit, et non de quoi le satisfaire. Piqué de ma raillerie, il s’évertue, et remporte le prix d’autant plus aisément, que j’avais fait la lice très courte et pris soin d’écarter le meilleur coureur. On conçoit comment, ce premier pas étant fait, il me fut aisé de le tenir en haleine. Bientôt il prit un tel goût à cet exercice, que, sans faveur, il était presque sûr de vaincre mes polissons à la course, quelque longue que fût la carrière. Cansado de ver que los demás siempre se comían los pasteles que tanto le gustaban, llegó a imaginar que el correr podía serle útil para algo, y viendo que también él tenía dos piernas, empezó a hacer pruebas a solas. Yo me guardé de darle a entender que lo sabía, pero vi que había logrado mi propósito con mi estratagema. Cuando consideró que ya era poseedor de la fuerza suficiente, y yo lo comprendí antes que él, empezó a importunarme para que le diera el pastel que quedaba; yo se lo niego, él porfía, y con gesto despechado me dice: «Está bien; póngalo usted sobre la roca, señale el campo y ya lo veremos». «Vaya -dije sonriendo-; ¿:un caballero tiene necesidad de saber correr? Tendrás más apetito y no tendrás nada que comer.» Picado con mi burla, se esforzó tanto que fue él quien ganó el premio, aunque la verdad es que yo había señalado una carrera corta y tuve la precaución de no admitir al que más corría. Ya dado este primer paso, se comprende fácilmente que no me resultó muy difícil continuar. Pronto tomó tanta afición a este ejercicio que, sin el objetivo de alcanzar ningún premio, casi estaba seguro de vencer a los otros, aunque el trecho que había que recorrer fuese muy largo.
Cet avantage obtenu en produisit un autre auquel je n’avais pas songé. Quand il remportait rarement le prix, il le mangeait presque toujours seul, ainsi que faisaient ses concurrents ; mais en s’accoutumant à la victoire, il devint généreux et partageait souvent avec les vaincus. Cela me fournit à moi-même une observation morale, et j’appris par là quel était le vrai principe de la générosité. Una vez alcanzada esta ventaja, dio por resultado otra en la cual yo no había pensado. Cuando eran pocas las veces que ganaba el premio, casi siempre se lo comía él solo, lo mismo que hacían sus contrincantes, mas cuando ya estuvo acostumbrado a la victoria, se hizo generoso y muchas veces se lo partía con los vencidos. Esto me obligó a verificar una observación moral, y me enseñó cuál fue el verdadero principio de la generosidad.
En continuant avec lui de marquer en différents lieux les termes d’où chacun devait partir à la fois, je fis, sans qu’il s’en aperçût, les distances inégales, de sorte que l’un, ayant à faire plus de chemin que l’autre pour arriver au même but, avait un désavantage visible ; mais, quoique je laissasse le choix à mon disciple, il ne savait pas s’en prévaloir. Sans s’embarrasser de la distance, il préférait toujours le plus beau chemin ; de sorte que, prévoyant aisément son choix, j’étais à peu près le maître de lui faire perdre ou gagner le gâteau à ma volonté ; et cette adresse avait aussi son usage à plus d’une fin. Cependant, comme mon dessein était qu’il s’aperçût de la différence, je tâchais de la lui rendre sensible ; mais, quoique indolent dans le calme, il était si vif dans ses jeux, et se défiait si peu de moi, que j’eus toutes les peines du monde à lui faire apercevoir que je le trichais. Enfin j’en vins à bout malgré son étourderie ; il m’en fit des reproches. Je lui dis : De quoi vous plaignez-vous ? dans un don que je veux bien faire, ne suis-je pas maître de mes conditions ? Qui vous force à courir ? vous ai-je promis de faire les lices égales ? n’avez-vous pas le choix ? Prenez la plus courte, on ne vous en empêche point. Comment ne voyez-vous pas que c’est vous que je favorise, et que l’inégalité dont vous murmurez est tout à votre avantage si vous savez vous en prévaloir ? Cela était clair ; il le comprit, et, pour choisir, il fallut y regarder de plus près. D’abord on voulut compter les pas ; mais la mesure des pas d’un enfant est lente et fautive ; de plus, je m’avisai de multiplier les courses dans un même jour ; et alors, l’amusement devenant une espèce de passion, l’on avait regret de perdre à mesurer les lices le temps destiné à les parcourir. La vivacité de l’enfance s’accommode mal de ces lenteurs ; on s’exerça donc à mieux voir, à mieux estimer une distance à la vue. Alors j’eus peu de peine à étendre et nourrir ce goût. Enfin, quelques mois d’épreuves et d’erreurs corrigées lui formèrent tellement le compas visuel, que, quand je lui mettais par la pensée un gâteau sur quelque objet éloigné, il avait le coup d’œil presque aussi sûr que la chaîne d’un arpenteur. Continué marcando en distintos sitios el punto desde donde cada uno debía comenzar a un mismo tiempo su carrera, y sin que él pensara en ello, hice desiguales las distancias, de tal manera que como tenía cada uno más camino que correr que el otro para llegar a la misma meta, se producía un agravio completamente visible para todos, pero, aunque dejaba a mi discípulo e escogiese, no sabía aprovecharse de esta ventaja importarle la distancia, siempre escogía el camino más llano, pero como yo preveía fácilmente su elección, casi era yo el árbitro de hacer que perdiera o ganara el premio, y esto lo hacía para lograr más de un fin. Pero como mi intención era que advirtiese la diferencia, hacía lo posible para que él la notara, y aunque era indolente cuando estaba sosegado, era tan arrebatado en sus juegos y tan confiado, que me costó un trabajo indecible lograr que se diera cuenta de que yo no jugaba limpio. Cuando al fin lo conseguí, a pesar de su atolondramiento, se quejó de mi actuación. Entonces yo le dije: «¿:Qué quejas son ésas? Es un regalo que quiero hacer, ¿:no soy o el dueño de poner las condiciones? ¿:Quién te mana que corras? ¿:Te he prometido señalar distancias iguales? ¿:No eres libre de escoger? Escoge la más corta, puesto que nadie te lo prohíbe. ¿:No te das cuenta de que tú eres el privilegiado y que esa desigualdad de que te quejas es en beneficio tuyo si sabes sacar partido de ella?» Esto era claro, y lo comprendió, y para escoger se vio obligado a examinarlo con más atención. Primero quiso contar los pasos, pero la medida de los pasos de un niño es defectuosa y lenta, y por otra parte yo empecé a aumentarlas carreras en un mismo día, y convertida ya la afición en una especie de pasión, sentía perder el tiempo en medir las distancias que había que recorrer. La vivacidad de la infancia es rebelde a las dilaciones, y lo que hizo, sin advertirlo él mismo, fue habituarse a ver mejor y a comprender las distancias. Entonces ya me costó muy poco mantenerle la afición y fomentarla. Por último, en pocos meses de pruebas y de errores corregidos, el compás visual se formó de tal modo que cuando yo le ponía un pastel en un sitio algo lejos, su ojeada era casi tan segura como la cadena de un agrimensor.
Comme la vue est de tous les sens celui dont on peut le moins séparer les jugements de l’esprit, il faut beaucoup de temps pour apprendre à voir ; il faut avoir longtemps comparé la vue au toucher pour accoutumer le premier de ces deux sens à nous faire un rapport fidèle des figures et des distances ; sans le toucher, sans le mouvement progressif, les yeux du monde les plus perçants ne sauraient nous donner aucune idée de l’étendue. L’univers entier ne doit être qu’un point pour une huître ; il ne lui paraîtrait rien de plus quand même une âme humaine informerait cette huître. Ce n’est qu’à force de marcher, de palper, de nombrer, de mesurer les dimensions, qu’on apprend à les estimer ; mais aussi, si l’on mesurait toujours, le sens, se reposant sur l’instrument, n’acquerrait aucune justesse. Il ne faut pas non plus que l’enfant passe tout d’un coup de la mesure à l’estimation ; il faut d’abord que, continuant à comparer par parties ce qu’il ne saurait comparer tout d’un coup, à des aliquotes précises il substitue des aliquotes par appréciation, et qu’au lieu d’appliquer toujours avec la main la mesure, il s’accoutume à l’appliquer seulement avec les yeux. Je voudrais pourtant qu’on vérifiât ses premières opérations par des mesures réelles, afin qu’il corrigeât ses erreurs, et que, s’il reste dans le sens quelque fausse apparence, il apprît à la rectifier par un meilleur jugement. On a des mesures naturelles qui sont à peu près les mêmes en tous lieux : les pas d’un homme, l’étendue de ses bras, sa stature. Quand l’enfant estime la hauteur d’un étage, son gouverneur peut lui servir de toise : s’il estime la hauteur d’un clocher, qu’il le toise avec les maisons ; s’il veut savoir les lieues de chemin, qu’il compte les heures de marche ; et surtout qu’on ne fasse rien de tout cela pour lui, mais qu’il le fasse lui-même. Como entre los sentidos el de la vista es uno cuyos juicios menos pueden separarse del alma, para aprender a ver es necesario comparar durante mucho tiempo la vista con el tacto, a fin de acostumbrar al primero de estos sentidos a que nos dé cuenta fiel de las formas y las distancias, pues sin el tacto y sin el movimiento progresivo, los ojos más perspicaces no podrían darnos ninguna idea de la extensión. Para una ostra el universo entero no debe de ser más que un punto, y no le parecería otra cosa aunque la animase un espíritu humano. Sólo a fuerza de andar, palpar, numerar y medir las dimensiones, aprendemos a valuarlas, pero si midiésemos siempre descansando el sentido en el instrumento, nunca se afinaría. Tampoco es necesario que repentinamente pase un niño desde la medida a la valuación; primero es necesario que comparando por partes lo que en un todo no puede comparar, a partes alícuotas exactas sustituya a las alícuotas por valuación, y en vez de aplicar la medida con la mano, se vaya acostumbrando a aplicarla únicamente con la vista. No obstante, quisiera yo que verificara sus primeras operaciones con medidas reales, con el fin de que enmendase sus errores, o si en el sentido le restase alguna falsa apariencia, aprendiese a rectificarla con más certero juicio. Hay medidas naturales que son casi las mismas en todas partes; los pasos de un hombre, el alcance de sus brazos, su estatura, etc. Cuando un niño valúa la altura de un piso puede servirle de metro su ayo; si quiere apreciar la altura de una torre, la compara con las casas; si quiere saber las leguas de distancia, que cuente las horas de camino y, sobre todo, nosotros no debemos realizar nada de esto por él, sino que debe actuar por si mismo.
On ne saurait apprendre à bien juger de l’étendue et de la grandeur des corps, qu’on apprenne à connaître aussi leurs figures et même à les imiter ; car au fond cette imitation ne tient absolument qu’aux lois de la perspective ; et l’on ne peut estimer l’étendue sur ses apparences, qu’on n’ait quelque sentiment de ces lois. Les enfants, grands imitateurs, essayent tous de dessiner : je voudrais que le mien cultivât cet art, non précisément pour l’art même, mais pour se rendre l’œil juste et la main flexible ; et, en général, il importe fort peu qu’il sache tel ou tel exercice, pourvu qu’il acquière la perspicacité du sens et la bonne habitude du corps qu’on gagne par cet exercice. Je me garderai donc bien de lui donner un maître à dessiner, qui ne lui donnerait à imiter que des imitations, et ne le ferait dessiner que sur des dessins : je veux qu’il n’ait d’autre maître que la nature, ni d’autre modèle que les objets. Je veux qu’il ait sous les yeux l’original même et non pas le papier qui le représente, qu’il crayonne une maison sur une maison, un arbre sur un arbre, un homme sur un homme, afin qu’il s’accoutume à bien observer les corps et leurs apparences, et non pas à prendre des imitations fausses et conventionnelles pour de véritables imitations. Je le détournerai même de rien tracer de mémoire en l’absence des objets, jusqu’à ce que, par des observations fréquentes, leurs figures exactes s’impriment bien dans son imagination ; de peur que, substituant à la vérité des choses des figures bizarres et fantastiques, il ne perde la connaissance des proportions et le goût des beautés de la nature. No podría emitirse un juicio exacto acerca de la extensión y el tamaño de los cuerpos sin aprender al mismo tiempo a conocer sus figuras, y aun a imitarlas, porque en realidad esta imitación depende absolutamente de las leyes de la perspectiva, y no es posible valorar la extensión por las apariencias, sin alguna noción de estas leyes. Los niños, que son unos grandes imitadores, intentan dibujar, y yo quisiera que el mío cultivara este arte, no precisamente por el arte en sí, sino para que le diera actividad a la vista y elasticidad a la mano, pues generalmente importa muy poco que domine cualquier ejercicio, con tal que adquiera la perspicacia del sentido y el hábito que necesita el cuerpo. Me guardaré de ofrecerle un maestro de dibujo que sólo le dé imitaciones para que las copie, y que dibuje los dibujos de otro; quiero que no tenga otro maestro que la naturaleza, ni otro modelo que los objetos; que tenga presente el original y no el papel que lo representa; que copie una casa de una casa, un árbol de un árbol, un hombre de un hombre, para que se acostumbre a observar bien los cuerpos y sus apariencias, y no creer que las mentiras y las imitaciones convencionales son imitaciones verdaderas. También trataré de convencerle de que no debe trazar esbozos de memoria, sin tener delante los objetos, hasta que a fuerza de observaciones se imprima bien en su imaginación la forma exacta de ellos, pues podría alterar el conocimiento de las proporciones y la afición a las bellezas naturales, sustituyendo la verdad de las cosas con figuras extravagantes y ridículas.
Je sais bien que de cette manière il barbouillera longtemps sans rien faire de reconnaissable, qu’il prendra tard l’élégance des contours et le trait léger des dessinateurs, peut-être jamais le discernement des effets pittoresques et le bon goût du dessin, en revanche, il contractera certainement un coup d’œil plus juste, une main plus sûre, la connaissance des vrais rapports de grandeur et de figure qui sont entre les animaux, les plantes, les corps naturels, et une plus prompte expérience du jeu de la perspective. Voilà précisément ce que j’ai voulu faire, et mon intention n’est pas tant qu’il sache imiter les objets que les connaître ; j’aime mieux qu’il me montre une plante d’acanthe, et qu’il trace moins bien le feuillage d’un chapiteau. Me doy cuenta de que actuando de este modo pintarrajeará antes de hacer nada que represente algo, de que tardará mucho en dominar la elegancia de los contornos y el ágil trazo de los dibujantes, y que tal vez nunca percibirá los efectos pintorescos y el gusto depurado del dibujo, pero, en cambio, su golpe de vista será más justo, la mano más firme, un mejor conocimiento de las verdaderas relaciones de tamaño y los cuerpos naturales que median entre los animales, las plantas y la perspectiva. Esto es lo que yo pretendo conseguir, siendo mi deseo que sepa imitar menos y que logre el conocimiento de los objetos; quiero que sea capaz de hacerme ver una hoja de acanto y que dibuje bien el follaje de un capitel.
Au reste, dans cet exercice, ainsi que dans tous les autres, je ne prétends pas que mon élève en ait seul l’amusement. Je veux le lui rendre plus agréable encore en le partageant sans cesse avec lui. Je ne veux point qu’il ait d’autre émule que moi, mais je serai son émule sans relâche et sans risque ; cela mettra de l’intérêt dans ses occupations, sans causer de jalousie entre nous. Je prendrai le crayon à son exemple ; je l’emploierai d’abord aussi maladroitement que lui. Je serais un Apelles, que je ne me trouverai qu’un barbouilleur. Je commencerai par tracer un homme comme les laquais les tracent contre les murs ; une barre pour chaque bras, une barre pour chaque jambe, et des doigts plus gros que le bras. Bien longtemps après nous nous apercevrons l’un ou l’autre de cette disproportion ; nous remarquerons qu’une jambe a de l’épaisseur, que cette épaisseur n’est pas partout la même ; que le bras a sa longueur déterminée par rapport au corps, etc. Dans ce progrès, je marcherai tout au plus à côté de lui, ou je le devancerai de si peu, qu’il lui sera toujours aisé de m’atteindre, et souvent de me surpasser. Nous aurons des couleurs, des pinceaux ; nous tâcherons d’imiter le coloris des objets et toute leur apparence aussi bien que leur figure. Nous enluminerons, nous peindrons, nous barbouillerons ; mais, dans tous nos barbouillage, nous ne cesserons d’épier la nature ; nous ne ferons jamais rien que sous les yeux du maître. Por lo demás, tanto en este como en los otros ejercicios, no pretendo que se divierta mi alumno solo; con el fin de que le sea más grato, competiré con él de un modo continuo. No quiero que tenga otro competidor que yo, pero lo seré sin riesgo; esto hará que sean interesantes nuestras tareas, sin que haya celos entre los dos. Tomaré el lápiz, siguiendo su ejemplo, y lo usaré al principio con tan poco acierto como él. Aun que fuese un Apeles, yo me convertiré en un pintamonas. Empezaré dibujando un hombre como los que dibujan los muchachos en la pared; una barra cada brazo, otra cada pierna, y los dedos más gruesos que los brazos. Después de algún tiempo, el uno o el otro notaremos la desproporción; observaremos que la pierna tiene un grosor, pero que varía de arriba abajo; que el brazo tiene una longitud determinada con relación al cuerpo... En cuanto a los adelantos serán iguales a los suyos, o me adelantaré tan poco que siempre le será fácil alcanzarme, y algunas veces dejarme atrás. Nos procuraremos colores y pinceles y haremos lo posible para imitar el colorido de los objetos, su apariencia y su figura; iluminaremos, pintaremos y embadurnaremos, pero en todos nuestros garabatos nunca dejaremos de estar al acecho de la naturaleza, ni haremos nada que no sea en presencia del maestro.
Nous étions en peine d’ornements pour notre chambre, en voilà de tout trouvés. Je fais encadrer nos dessins ; je les fais couvrir de beaux verres, afin qu’on n’y touche plus, et que, les voyant rester dans l’état où nous les avons mis, chacun ait intérêt de ne pas négliger les siens. Je les arrange par ordre autour de la chambre, chaque dessin répété vingt, trente fois, et montrant à chaque exemplaire le progrès de l’auteur, depuis le moment où la maison n’est qu’un carré presque informe, jusqu’à celui où sa façade, son profil, ses proportions, ses ombres, sont dans la plus exacte vérité. Ces gradations ne peuvent manquer de nous offrir sans cesse des tableaux intéressants pour nous, curieux pour d’autres, et d’exciter toujours plus notre émulation. Aux premiers, aux plus grossiers de ces dessins, je mets des cadres bien brillants, bien dorés, qui les rehaussent ; mais quand l’imitation devient plus exacte et que le dessin est véritablement bon, alors je ne lui donne plus qu’un cadre noir très simple ; il n’a plus besoin d’autre ornement que lui-même, et ce serait dommage que la bordure partageât l’attention que mérite l’objet. Ainsi chacun de nous aspire à l’honneur du cadre uni ; et quand l’un veut dédaigner un dessin de l’autre, il le condamne au cadre doré. Quelque jour, peut-être, ces cadres passeront entre nous en proverbe, et nous admirerons combien d’hommes se rendent justice en se faisant encadrer ainsi. No hallábamos adornos para nuestro aposento, y ya los tenemos. Coloco marcos en nuestros dibujos, con cristales para que nadie los toque, y viendo que permanecen en el estado en que los dejamos, que cada uno tenga interés en conservar y no descuidar los suyos. Los coloco por orden alrededor del cuarto; cada dibujo repetido veinte o treinta veces y demostrando cada ejemplar los adelantos del autor, desde el punto de que la casa no es más que un cuadro casi uniforme hasta aquel en que están representados con fidelidad su fachada, su perfil, sus proporciones y sus sombras. Estas gradaciones tienen que ofrecernos cuadros interesantes para nosotros, curiosos para los demás y avivar continuamente nuestra emulación. A los primeros, a los dibujos más toscos, les pongo marcos brillantes y dorados con el fin de darles mayor realce, pero cuando ya es más exacta la imitación y realmente bueno el dibujo, no le pongo más que un marco negro muy sencillo, ya que no precisa de otro adorno que el propio, y sería una lástima que el ribete absorbiera la atención que merece el objeto. De esta forma cada uno de nosotros anhela ser merecedor de la honra del marco sencillo, y cuando uno quiera despreciar el dibujo del otro, le condenará el marco dorado. Algún día tal vez serán proverbiales entre nosotros estos marcos dorados, y quedaremos asombrados de que haya tantos que se hagan justicia haciéndoselos poner.
J’ai dit que la géométrie n’était pas à la portée des enfants ; mais c’est notre faute. Nous ne sentons pas que leur méthode n’est point la nôtre, et que ce qui devient pour nous l’art de raisonner ne doit être pour eux que l’art de voir. Au lieu de leur donner notre méthode, nous ferions mieux de prendre la leur ; car notre manière d’apprendre la géométrie est bien autant une affaire d’imagination que de raisonnement. Quand la proposition est énoncée, il faut en imaginer la démonstration, c’est-à-dire trouver de quelle proposition déjà sue celle-là doit être une conséquence, et, de toutes les conséquences qu’on peut tirer de cette même proposition, choisir précisément celle dont il s’agit. Yo he dicho que la geometría no está al alcance de los niños, pero es culpa nuestra. No sabemos comprender que nuestro método no es el suyo, y que lo que para nosotros es el arte de discurrir, para ellos es el de ver. En vez de darles nuestro método, sería mejor que tomásemos el suyo, puesto que nuestro modo de aprender la geometría es un asunto de imaginación tanto como de raciocinio. Cuando la proposición está expuesta, es imprescindible imaginar la demostración, esto es, encontrar de qué proposición ya sabida debe ser consecuencia, y entre todas las que se pueden sacar de la misma, escoger precisamente aquélla de la cual se trata.
De cette manière, le raisonneur le plus exact, s’il n’est pas inventif, doit rester court. Aussi qu’arrive-t-il de là ? Qu’au lieu de nous faire trouver les démonstrations, on nous les dicte ; qu’au lieu de nous apprendre à raisonner, le maître raisonne pour nous et n’exerce que notre mémoire. De este modo, el razonador más competente, como no se trate de un inventor, se quedará parado. ¿:Pero qué sucede? Que en vez de hacer que hallemos la demostración, nos la dicta; que en vez de enseñarnos a enjuiciar es el maestro quien enjuicia por nosotros y sólo se e ejercita nuestra memoria.
Faites des figures exactes, combinez-les, posez-les l’une sur l’autre, examinez leurs rapports ; vous trouverez toute la géométrie élémentaire en marchant d’observation en observation, sans qu’il soit question ni de définitions, ni de problèmes, ni d’aucune autre forme démonstrative que la simple superposition. Pour moi, je ne prétends point apprendre la géométrie à Émile, c’est lui qui me l’apprendra, je chercherai les rapports, et il les trouvera ; car je les chercherai de manière à les lui faire trouver. Par exemple, au lieu de me servir d’un compas pour tracer un cercle, je le tracerai avec une pointe au bout d’un fil tournant sur un pivot. Après cela, quand je voudrai comparer les rayons entre eux, Émile se moquera de moi, et il me fera comprendre que le même fil toujours tendu ne peut avoir tracé des distances inégales. Naced figuras exactas, combinadlas, ponedlas una encima de otra, y examinad sus relaciones; hallaréis la geometría elemental yendo de observación en observación, sin que se trate de definiciones, ni de problemas, ni de ninguna otra forma demostrativa, como no sea la simple superposición. Por mi parte, no pretendo enseñar la geometría a Emilio; debe ser él quien me la enseñe a mí; yo indicaré las relaciones y él las hallará, porque lo haré de tal forma que conseguiré que las halle. Por ejemplo, en lugar de servirme de un compás para trazar un círculo, lo trazaré con un clavito en el extremo de un hilo que gire sobre un eje. Luego, cuando yo quiera comparar unos radios con otros, Emilio se burlará de mí, y me hará ver que tendido siempre el mismo hilo no se pueden trazar distancias desiguales.
Si je veux mesurer un angle de soixante degrés, je décris du sommet de cet angle, non pas un arc, mais un cercle entier ; car avec les enfants il ne faut jamais rien sous-entendre. Je trouve que la portion du cercle comprise entre les deux côtés de l’angle est la sixième partie du cercle. Après cela je décris du même sommet un autre plus grand cercle, et je trouve que ce second arc est encore la sixième partie de son cercle. Je décris un troisième cercle concentrique sur lequel je fais la même épreuve ; et je la continue sur de nouveaux cercles, jusqu’à ce qu’Émile, choqué de ma stupidité, m’avertisse que chaque arc, grand ou petit, compris par le même angle, sera toujours la sixième partie de son cercle, etc. Nous voilà tout à l’heure à l’usage du rapporteur. Si quiero medir un ángulo de sesenta grados, describo, desde el vértice de este ángulo, no un arco, sino un círculo entero, porque con los niños no se debe suplir nada. Encuentro que la porción del círculo comprendido entre los dos lados del ángulo es la sexta parte del círculo. Después, desde el mismo vértice, describo otro círculo mayor, y me encuentro con que también este segundo arco es la sexta parte de su círculo. Describo un tercer círculo concéntrico, con el cual repito la misma prueba, y la continúo con nuevos círculos, hasta que Emilio, asombrado de mi estupidez, me advierta que cada arco, grande o pequeño, comprendido en el mismo ángulo, ha de ser siempre la sexta parte de su círculo. Muy pronto llegaremos al uso del semicírculo graduado.
Pour prouver que les angles de suite sont égaux à deux droits, on décrit un cercle ; moi, tout au contraire, je fais en sorte qu’Émile remarque cela premièrement dans le cercle, et puis je lui dis : Si l’on ôtait le cercle et les lignes droites, les angles auraient-ils changé de grandeur, etc. Con el fin de comprobar que los ángulos formados por dos oblicuas son iguales a dos rectos, se describe un círculo, y yo haré que Emilio note primero esto en el círculo, y le digo luego: «Si quitásemos el círculo y dejásemos las líneas rectas, ¿:cambiarían de tamaño los ángulos?
On néglige la justesse des figures, on la suppose, et l’on s’attache à la démonstration. Entre nous, au contraire, il ne sera jamais question de démonstration ; notre plus importante affaire sera de tirer des lignes bien droites, bien justes, bien égales ; de faire un carré bien parfait, de tracer un cercle bien rond. Pour vérifier la justesse de la figure, nous l’examinerons par toutes ses propriétés sensibles ; et cela nous donnera occasion d’en découvrir chaque jour de nouvelles. Nous plierons par le diamètre les deux demi-cercles ; par la diagonale, les deux moitiés du carré ; nous comparerons nos deux figures pour voir celle dont les bords conviennent le plus exactement, et par conséquent la mieux faite ; nous disputerons si cette égalité de partage doit avoir toujours lieu dans les parallélogrammes, dans les trapèzes, etc. On essayera quelquefois de prévoir le succès de l’expérience avant de la faire ; on tâchera de trouver des raisons, etc. Se descuida la exactitud de las figuras; se supone y se aplican a la demostración. Entre nosotros, por el contrario, jamás se tratará de demostración; nuestro más importante asunto será trazar un cuadrado muy perfecto y un círculo muy redondo. Para comprobar la exactitud de la figura, la examinaremos por todas sus propiedades sensibles, y esto nos dará motivo para descubrir cada día otras nuevas. Doblaremos por el diámetro los dos semicírculos, y por la diagonal las dos mitades del cuadrado; compararemos nuestras dos figuras, para ver aquella cuyos lados se adaptan con más exactitud, y por consiguiente está mejor hecha; deberemos discutir si debe existir siempre esta igualdad de partición en los paralelogramos, los trapecios... Alguna vez realizaremos la prueba de adivinar el resultado de la experiencia antes de ejecutarla, y procuraremos encontrar sus razones.
La géométrie n’est pour mon élève que l’art de se bien servir de la règle et du compas ; il ne doit point la confondre avec le dessin, où il n’emploiera ni l’un ni l’autre de ces instruments. La règle et le compas seront enfermés sous la clef, et l’on ne lui en accordera que rarement l’usage et pour peu de temps, afin qu’il ne s’accoutume pas à barbouiller ; mais nous pourrons quelquefois porter nos figures à la promenade, et causer de ce que nous aurons fait ou de ce que nous voudrons faire. Para mi alumno la geometría no es otra cosa que el arte de usar bien la regla y el compás sin que la confunda con el dibujo, en el que jamás empleará ninguno de estos instrumentos. Se encerrarán balo llave la regla y el compás, y muy pocas veces permitiré que haga uso de ellos si no es por muy poco tiempo, para que no se acostumbre a embadurnar el papel, pero podremos llevar algunas veces nuestras figuras al ir de paseo, y hablaremos sobre lo que hayamos hecho o pretendamos hacer.
Je n’oublierai jamais d’avoir vu à Turin un jeune homme à qui, dans son enfance, on avait appris les rapports des contours et des surfaces en lui donnant chaque jour à choisir dans toutes les figures géométriques des gaufres isopérimètres. Le petit gourmand avait épuisé l’art d’Archimède pour trouver dans laquelle il y avait le plus à manger. Nunca olvidaré el haber conocido en Turín a un joven que de niño le enseñaron las relaciones de los contornos y las superficies, dándole a escoger todos los días obleas isoperímetras de todas las figuras geométricas. El pequeño goloso había apurado el arte de Arquímedes con el fin de hallar la que más le convenía comer.
Quand un enfant joue au volant, il s’exerce l’œil et le bras à la justesse ; quand il fouette un sabot, il accroît sa force en s’en servant, mais sans rien apprendre. J’ai demandé quelquefois pourquoi l’on n’offrait pas aux enfants les mêmes jeux d’adresse qu’ont les hommes : la paume, le mail, le billard, l’arc, le ballon, les instruments de musique. On m’a répondu que quelques-uns de ces jeux étaient au-dessus de leurs forces, et que leurs membres et leurs organes n’étaient pas assez formés pour les autres. Je trouve ces raisons mauvaises : un enfant n’a pas la taille d’un homme, et ne laisse pas de porter un habit fait comme le sien. Je n’entends pas qu’il joue avec nos masses sur un billard haut de trois pieds ; je n’entends pas qu’il aille peloter dans nos tripots, ni qu’on charge sa petite main d’une raquette de paumier ; mais qu’il joue dans une salle dont on aura garanti les fenêtres ; qu’il ne se serve d’abord que de balles molles ; que ses premières raquettes soient de bois, puis de parchemin, et enfin de corde à boyau bandée à proportion de son progrès. Vous préférez le volant, parce qu’il fatigue moins et qu’il est sans danger. Vous avez tort par ces deux raisons. Le volant est un jeu de femmes ; mais il n’y en a pas une que ne fît fuir une balle en mouvement. Leurs blanches peaux ne doivent pas s’endurcir aux meurtrissures, et ce ne sont pas des contusions qu’attendent leurs visages. Mais nous, faits pour être vigoureux, croyons-nous le devenir sans peine ? et de quelle défense serons-nous capables, si nous ne sommes jamais attaqués ? On joue toujours lâchement les jeux où l’on peut être maladroit sans risque : un volant qui tombe ne fait de mal à personne ; mais rien ne dégourdit les bras comme d’avoir à couvrir la tête, rien ne rend le coup d’œil si juste que d’avoir à garantir les yeux. S’élancer du bout d’une salle à l’autre, juger le bond d’une balle encore en l’air, la renvoyer d’une main forte et sûre ; de tels jeux conviennent moins à l’homme qu’ils ne servent à le former. Cuando un niño juega al volante, ejercita la vista y el brazo; cuando pega con la correa a una peonza, aumenta su fuerza sirviéndose de ella, pero nada aprende. Algunas veces he preguntado por qué no ejercitaban a los niños en los juegos de destreza de los hombres: la pala, el mallo, el billar, el arco, la pelota, los instrumentos de música, y me han contestado que de estos juegos algunos excedían sus fuerzas, y que para los demás aún no estaban bastante formados sus miembros. No me parecen fundadas estas razones; aunque no tenga un niño la estatura de un hombre, viste exactamente como él. Con esto no quiero decir que juegue con las mismas bolas que nosotros en un billar de tres pies de alto, que juegue partidas de pelota, ni que pongan en sus delicadas manos una pala, sino que juegue en una sala cuyas vidrieras se protejan con rejas, que al principio se sirva de pelotas blandas, que sus primeras palas sean de madera, luego de piel y por último de cuerda de vihuela; que sean más tirantes según vaya progresando. Dais preferencia al volante porque cansa menos y carece de peligro, pero hacéis mal por dos motivos: El volante es un juego de mujeres, y todas huyen de una pelota en movimiento, pues su delicada piel no debe exponerse a las contusiones a que expondría su rostro. Pero nosotros, destinados a ser vigorosos, ¿:tenemos la pretensión de serlo sin trabajo? ¿:De qué defensa seremos capaces si no se nos acomete nunca? Siempre se juegan de una forma descuidada los juegos en que no se corre peligro, pero nada desentumece tanto los brazos como la necesidad de cubrirse la cabeza, ni agudiza tanto la vista como tener que protegerse los ojos. Lanzarse de una punta de la sala a otra, calcular el bote de una pelota cuando está en el aire, devolverla con mano segura y vigorosa...; estos juegos tan convenientes al hombre todavía le sirven más para formarle.
Les fibres d’un enfant, dit-on, sont trop molles ! Elles ont moins de ressort, mais elles en sont plus flexibles ; son bras est faible, mais enfin c’est un bras ; on en doit faire, proportion gardée, tout ce qu’on fait d’une autre machine semblable. Les enfants n’ont dans les mains nulle adresse ; c’est pour cela que je veux qu’on leur en donne : un homme aussi peu exercé qu’eux n’en aurait pas davantage ; nous ne pouvons connaître l’usage de nos organes qu’après les avoir employés. Il n’y a qu’une longue expérience qui nous apprenne à tirer parti de nous-mêmes, et cette expérience est la véritable étude à laquelle on ne peut trop tôt nous appliquer. Dicen que las fibras de un niño son muy débiles. Son menos resistentes, pero más flexibles; su brazo es débil, pero es un brazo y, guardando la proporción, debe hacerse con él todo lo que se hace con otra máquina parecida. Los niños no tienen en las manos ninguna destreza, y por eso yo quiero que la adquieran; un hombre que no tuviera más práctica que ellos, tampoco la tendría; nosotros no podremos comprender el uso de nuestros órganos hasta después de haberlos empleado. Sólo con una larga experiencia aprenderemos a sacar partido de nosotros mismos, y esta experiencia es el verdadero estudio, al que no podemos aplicarnos demasiado pronto.
Tout ce qui se fait est faisable. Or, rien n’est plus commun que de voir des enfants adroits découplés avoir dans les membres la même agilité que peut avoir un homme. Dans presque toutes les foires on en voit faire des équilibres, marcher sur les mains, sauter, danser sur la corde. Durant combien d’années des troupes d’enfants n’ont-elles pas attiré par leurs ballets des spectateurs à la Comédie italienne ! Qui est-ce qui n’a pas ouï parler en Allemagne et en Italie de la troupe pantomime du célèbre Nicolini ? Quelqu’un a-t-il jamais remarqué dans ces enfants des mouvements moins développés, des attitudes moins gracieuses, une oreille moins juste, une danse moins légère que dans les danseurs tout formés ? Qu’on ait d’abord les doigts épais, courts, peu mobiles, les mains potelées et peu capables de rien empoigner ; cela empêche-t-il que plusieurs enfants ne sachent écrire ou dessiner à l’âge où d’autres ne savent pas encore tenir le crayon ni la plume ? Tout Paris se souvient encore de la petite Anglaise qui faisait à dix ans des prodiges sur le clavecin[25]. J’ai vu chez un magistrat, son fils, petit bonhomme de huit ans, qu’on mettait sur la table au dessert, comme une statue au milieu des plateaux, jouer là d’un violon presque aussi grand que lui, et surprendre par son exécution les artistes mêmes. Todo lo que se hace es hacedero. Entonces, no hay nada más común que ver niños diestros y desenvueltos, con los miembros tan ágiles como los de un hombre. En casi todas las ferias los vemos que realizan equilibrios, que andan sobre las manos, que saltan y bailan en la cuerda. ¿:Durante cuántos años las compañías de niños han atraído con sus bailes espectadores a la Comedia italiana? ¿:Quién no ha oído hablar en Italia y en Alemania de la compañía de pantomima del célebre Nicolini? ¿:Ha observado alguien en estos niños movimientos menos desenvueltos, actitudes menos graciosas, oído menos fino, danza menos ligera que los danzarines formados por completo? Aunque tengan abultados, cortos y poco flexibles los dedos y las manos, y poco capaces de empuñar nada, ¿:quita eso que muchos niños no sepan escribir y dibujar a la edad que otros no saben todavía sostener el lápiz o la pluma? Todo París se acuerda aún de la pequeña inglesita que teniendo solamente diez años hacía prodigios con el clavecín . He visto en casa de un magistrado a su hijo, niño de ocho años, que se subía a la mesa después de los postres, como una estatua en su pedestal, y tocar un violón casi tan grande como él, asombrando por su ejecución a los mismos artistas.
Tous ces exemples et cent mille autre prouvent, ce me semble, que l’inaptitude qu’on suppose aux enfants pour nos exercices est imaginaire, et que, si on ne les voit point réussir dans quelques-uns, c’est qu’on ne les y a jamais exercés. Todos estos ejemplos y otros cien mil prueban, me parece, que la ineptitud que se supone a los niños para que hagan nuestros ejercicios es imaginaria, y si no los practican es porque no se les ha enseñado.
On me dira que je tombe ici, par rapport au corps, dans le défaut de la culture prématurée que je blâme dans les enfants par rapport à l’esprit. La différence est très grande ; car l’un de ces progrès n’est qu’apparent, mais l’autre est réel. J’ai prouvé que l’esprit qu’ils paraissent avoir, ils ne l’ont pas, au lieu que tout ce qu’ils paraissent faire ils le font. D’ailleurs, on doit toujours songer que tout ceci n’est ou ne doit être que jeu, direction facile et volontaire des mouvements que la nature leur demande, art de varier leurs amusements pour les leur rendre plus agréables, sans que jamais la moindre contrainte les tourne en travail ; car enfin, de quoi s’amuseront-ils dont je ne puisse faire un objet d’instruction pour eux ? et quand je ne le pourrais pas, pourvu qu’ils s’amusent sans inconvénient, et que le temps se passe, leur progrès en toute chose n’importe pas quant à présent ; au lieu que, lorsqu’il faut nécessairement leur apprendre ceci ou cela, comme qu’on s’y prenne, il est toujours impossible qu’on en vienne à bout sans contrainte, sans fâcherie, et sans ennui. 5e me dirá que yo caigo aquí, con relación al cuerpo, en el defecto del cultivo prematuro que condeno en los niños con relación al espíritu. La diferencia es muy grande, porque uno de estos progresos es sólo aparente y el otro es real. He probado que el espíritu o el entendimiento que parecen tener, no lo tienen, pero hacen, mejor o peor, lo que ellos se proponen hacer. Por otra parte, se debe pensar siempre que todo esto no es o no debe ser más que un juego, dirección fácil y voluntaria de los movimientos que la naturaleza le pide, variar sus entretenimientos para que les sean más agradables, sin que el más pequeño contratiempo los convierta en trabajo, porque, ¿:en qué se distraerán que no puedan convertirlo en un objeto de instrucción para ellos? Y cuando no se pueda conseguir que se diviertan sin inconveniente y que el tiempo pase, su progreso en cualquier cosa no importa de momento, pues de vez en cuando es preciso aprender necesariamente una cosa, Y hágase lo que se haga, nunca es posible conseguirlo sin contrariedad, sin desgana y sin aburrirse.
Ce que j’ai dit sur les deux sens dont l’usage est le plus continu et le plus important, peut servir d’exemple de la manière d’exercer les autres. La vue et le toucher s’appliquent également sur les corps en repos et sur les corps qui se meuvent ; mais comme il n’y a que l’ébranlement de l’air qui puisse émouvoir le sens de l’ouïe, il n’y a qu’un corps en mouvement qui fasse du bruit ou du son ; et, si tout était en repos, nous n’entendrions jamais rien. La nuit donc, où, ne nous mouvant nous-mêmes qu’autant qu’il nous plaît, nous n’avons à craindre que les corps qui se meuvent, il nous importe d’avoir l’oreille alerte, et de pouvoir juger, par la sensation qui nous frappe, si le corps qui la cause est grand ou petit, éloigné ou proche ; si son ébranlement est violent ou faible. L’air ébranlé est sujet à des répercussions qui le réfléchissent, qui, produisant des échos, répètent la sensation, et font entendre le corps bruyant ou sonore en un autre lieu que celui où il est. Si dans une plaine ou dans une vallée on met l’oreille à terre, on entend la voix des hommes et le pas des chevaux de beaucoup plus loin qu’en restant debout. Lo que ya he expuesto sobre los dos sentidos cuyo uso es más continuo e importante, puede servir de ejemplo para el modo de ejercitar los otros. Lo mismo se aplican la vista y el tacto a los cuerpos quietos que a los que se mueven, pero como únicamente la ondulación del aire puede mover el sentido del oído, sólo los cuerpos en movimiento hacen ruido o suenan, y si todo estuviese quieto nunca oiríamos nada. De noche, pues, cuando nos movemos si nos place, no debemos temer otros cuerpos que los que se mueven, y nos importa aguzar el oído para juzgar por la sensación que éste nos transmite, si el cuerpo que la causa es grande o pequeño, si está cerca o lejos y si es débil o fuerte su pulsación. Las sacudidas del aire están sujetas a repercusiones que lo reflejan, que repiten la sensación con sus ecos y hacen que se oiga el cuerpo ruidoso o sonoro en otro sitio de donde se encuentra. Si aplicamos el oído al suelo en un llano o en un valle, oímos las voces de los hombres o las pisadas de los caballos desde mucho más lejos que cuando estamos en pie.
Comme nous avons comparé la vue au toucher, il est bon de la comparer de même à l’ouïe, et de savoir laquelle des deux impressions, partant à la fois du même corps, arrivera le plus tôt à son organe. Quand on voit le feu d’un canon, l’on peut encore se mettre à l’abri du coup ; mais sitôt qu’on entend le bruit, il n’est plus temps, le boulet est là. On peut juger de la distance où se fait le tonnerre par l’intervalle de temps qui se passe de l’éclair au coup. Faites en sorte que l’enfant connaisse toutes ces expériences ; qu’il fasse celles qui sont à sa portée, et qu’il trouve les autres par induction, mais j’aime cent fois mieux qu’il les ignore que s’il faut que vous les lui disiez. Del mismo modo que hemos comparado la vista con el tacto, será bueno comparar la vista con el oído, y saber cuál de las dos impresiones llegará antes a su órgano. Cuando uno percibe el fogonazo de un cañón, todavía está a tiempo de protegerse del tiro, pero así que oye el ruido ya no tiene tiempo, pues la bala está encima. Podemos juzgar la distancia a que se encuentra una tempestad por el tiempo que media entre el relámpago y el trueno. Procurad que el niño conozca todas estas experiencias, que realice las que están a su alcance y que las demás las halle por inducción, pero si hay que decírselas, prefiero cien veces que las ignore.
Nous avons un organe qui répond à l’ouïe, savoir, celui de la voix ; nous n’en avons pas de même qui réponde à la vue, et nous ne rendons pas les couleurs comme les sons. C’est un moyen de plus pour cultiver le premier sens, en exerçant l’organe actif et l’organe passif l’un par l’autre. Poseemos un órgano que corresponde al oído, el de la voz, pero carecemos de uno que corresponda a la vista, ni repetimos los colores como los sonidos. Otro medio para cultivar el primer sentido es ejercitar el órgano activo y el pasivo, uno y otro.
L’homme a trois sortes de voix, savoir, la voix parlante ou articulée, la voix chantante ou mélodieuse, et la voix pathétique ou accentuée, qui sert de langage aux passions, et qui anime le chant et la parole. L’enfant a ces trois sortes de voix ainsi que l’homme, sans les savoir allier de même ; il a comme nous le rire, les cris, les plaintes, l’exclamation, les gémissements, mais il ne sait pas en mêler les inflexions aux deux autres voix. Une musique parfaite est celle qui réunit le mieux ces trois voix. Les enfants sont incapables de cette musique-là, et leur chant n’a jamais d’âme. De même, dans la voix parlante, leur langage n’a point d’accent ; ils crient, mais ils n’accentuent pas ; et comme dans leur discours il y a peu d’accent, il y a peu d’énergie dans leur voix. Notre élève aura le parler plus uni, plus simple encore, parce que ses passions, n’étant pas éveillées, ne mêleront point leur langage au sien. N’allez donc pas lui donner à réciter des rôles de tragédie et de comédie, ni vouloir lui apprendre, comme on dit, à déclamer. Il aura trop de sens pour savoir donner un ton à des choses qu’il ne peut entendre, et de l’expression à des sentiments qu’il n’éprouva jamais. El hombre está dotado de tres clases de voz, a saber, la voz hablada o articulada, la voz cantada o melodiosa y la voz patética o acentuada, que es el lenguaje de las pasiones y el que anima el canto y la palabra. El niño posee estas tres clases de voz como el hombre, pero no las sabe mezclar entre sí; él, como nosotros, ríe, chilla, se lamenta, gime, pero no sabe amalgamar estas inflexiones con las otras dos voces. Una música perfecta es la que mejor reúne las tres voces. Los niños son incapaces de esta música y su canto nunca tiene alma. Del mismo modo, en la voz hablada su idioma no tiene acento; gritan pero no acentúan, y así como en sus razonamientos hay poco acento, hay poca energía en su voz. Nuestro alumno tendrá el habla todavía más simple y más sencilla, porque las pasiones no se han despertado y no se mezclará el lenguaje de ellas con el suyo. No le queráis que aprenda papeles de tragedia y de comedia, ni enseñarle, como dicen, a declamar. El tendrá sobrado juicio para comprender que es imposible dar tono a cosas que no puede entender y expresión a efectos que nunca experimentó.
Apprenez-lui à parler uniment, clairement, à bien articuler, à prononcer exactement et sans affectation, à connaître et à suivre l’accent grammatical et la prosodie, à donner toujours assez de voix pour être entendu, mais à n’en donner jamais plus qu’il ne faut ; défaut ordinaire aux enfants élevés dans les collèges : en toute chose rien de superflu. Enseñadle a hablar lisa y llanamente, a que articule bien, a pronunciar exactamente sin afectación, a conocer y a seguir el acento gramatical y la fonética, a dar siempre el tono de voz para que se le entienda, pero no a dar más de lo que sea preciso, defecto común en los niños educados en los colegios; en ningún caso debe haber nada superfluo.
De même, dans le chant, rendez sa voix juste, égale, flexible, sonore ; son oreille sensible à la mesure et à l’harmonie, mais rien de plus. La musique imitative et théâtrale n’est pas de son âge ; je ne voudrais pas même qu’il chantât des paroles ; s’il en voulait chanter, je tâcherais de lui faire des chansons exprès, intéressantes pour son âge, et aussi simples que ses idées. Igualmente en el canto que su voz sea justa, igual, flexible, sonora; su oído sensible a la medida y a la armonía, pero nada más. La música imitativa y teatral no es para su edad; no querría que cantase m palabras, y si quisiera cantar procuraría componer canciones adecuadas a su edad y tan sencillas como sus ideas.
On pense bien qu’étant si peu pressé de lui apprendre à lire l’écriture, je ne le serai pas non plus de lui apprendre à lire la musique. Écartons de son cerveau toute attention trop pénible, et ne nous hâtons point de fixer son esprit sur des signes de convention. Ceci, je l’avoue, semble avoir sa difficulté ; car, si la connaissance des notes ne paraît pas d’abord plus nécessaire pour savoir chanter que celle des lettres pour savoir parler, il y a pourtant cette différence, qu’en parlant nous rendons nos propres idées, et qu’en chantant nous ne rendons guère que celles d’autrui. Or, pour les rendre, il faut les lire. Se comprende que no me doy tan poca prisa en que aprenda a leer lo escrito, menos me la daré a enseñarle a leer música. Desviemos de su cerebro toda atención pesada y no nos precipitemos para fijar su entendimiento sobre signos de convención. Confieso que esto presenta alguna dificultad aparente, porque aunque a primera vista parezca que no es más necesario conocer alas notas para saber cantar, que conocer las letras para saber hablar, hay, sin embargo, la diferencia de que cuando cantamos no enunciamos sino las ajenas, y para enunciarlas preciso es que sepamos leerlas.
Mais, premièrement, au lieu de les lire on peut les ouïr, et un chant se rend à l’oreille encore plus fidèlement qu’à l’œil. De plus, pour bien savoir la musique, il ne suffit pas de la rendre, il la faut composer, et l’un doit s’apprendre avec l’autre, sans quoi l’on ne la sait jamais bien. Exercez votre petit musicien d’abord à faire des phrases bien régulières, bien cadencées ; ensuite à les lier entre elles par une modulation très simple, enfin à marquer leurs différents rapports par une ponctuation correcte ; ce qui se fait par le bon choix des cadences et des repos. Surtout jamais de chant bizarre, jamais de pathétique ni d’expression. Une mélodie toujours chantante et simple, toujours dérivante des cordes essentielles du ton, et toujours indiquant tellement la basse qu’il la sente et l’accompagne sans peine ; car, pour se former la voix et l’oreille, il ne doit jamais chanter qu’au clavecin. Pero, primeramente, en lugar de leerlas puede oírlas, y un canto se expresa con más precisión al oído que a los ojos. Además, para saber bien la música, no basta repetirla; es necesario componerla, lo uno se ha de aprender con lo otro, sin lo cual nunca se sabe bien. Ejercitad a vuestro pequeño músico a que primero haga frases regulares y muy cadenciosas, a que luego las ligue entre sí con una modulación muy sencilla, y finamente a que note sus distintas relaciones como una puntuación correcta, lo cual se hace con una buena elección de cadencias y pausas. Sobre todo, nunca un canto extravagante, patético, ni expresivo; siempre melodía cantable y sencilla, que derive de las cuerdas esenciales del tono y que de tal manera marque el bajo, que la sienta y la acompañe el niño sin dificultad, porque para formarse el oído y la voz no se debe cantar más que con el clavecín.
Pour mieux marquer les sons, on les articule en les prononçant ; de là l’usage de solfier avec certaines syllabes. Pour distinguer les degrés, il faut donner des noms et à ces degrés et à leurs différents termes fixes ; de là les noms des intervalles, et aussi des lettres de l’alphabet dont on marque les touches du clavier et les notes de la gamme. C et A désignent des sons fixes invariables, toujours rendus par les mêmes touches. Ut et la sont autre chose. Ut est constamment la tonique d’un mode majeur, ou la médiante d’un mode mineur. La est constamment la tonique d’un mode mineur, ou la sixième note d’un mode majeur. Ainsi les lettres marquent les termes immuables des rapports de notre système musical, et les syllabes marquent les termes homologues des rapports semblables en divers tons. Les lettres indiquent les touches du clavier, et les syllabes les degrés du mode. Les musiciens français ont étrangement brouillé ces distinctions ; ils ont confondu le sens des syllabes avec le sens des lettres ; et, doublant inutilement les signes des touches, ils n’en ont point laissé pour exprimer les cordes des tons ; en sorte que pour eux ut et C sont toujours la même chose ; ce qui n’est pas, et ne doit pas être, car alors de quoi servirait C ? Aussi leur manière de solfier est-elle d’une difficulté excessive sans être d’aucune utilité, sans porter aucune idée nette à l’esprit, puisque, par cette méthode, ces deux syllabes ut et mi, par exemple, peuvent également signifier une tierce majeure, mineure, superflue, ou diminuée. Par quelle étrange fatalité le pays du monde où l’on écrit les plus beaux livres sur la musique est-il précisément celui où on l’apprend le plus difficilement ? Para señalar mejor los sonidos, los articulamos cuando pronunciamos, y de aquí se deriva el uso de solfear con ciertas sílabas. Para distinguir los grados hay que dar nombres a estos grados y a sus diferentes términos fijos, de donde proceden los nombres de los intervalos e igualmente las letras del alfabeto con que se señalan las teclas del piano, y las notas de la escala «C» y «A» designan sonidos fijos, invariables, que siempre dan las mismas teclas. Otra cosa son «Ut» y «La». «Ut» es constantemente la tónica de un modo mayor o la mediante de un modo menor; «La» es constantemente la tónica de un modo menor o la sexta nota de un modo mayor. Así las notas señalan los términos inmutables de las relaciones de nuestro sistema musical, y las sílabas señalan los términos homólogos de las relaciones semejantes en diversos tonos; las letras indican las teclas y las sílabas los grados del modo. Los músicos franceses han embrollado de extraña manera estas distinciones confundiendo el sentido de las sílabas con el de las letras, y doblando inútilmente los signos de las teclas, sin haber dejado ninguno para expresar las cuerdas de los tonos, de forma que para ellos «Ut» y «C» son siempre la misma cosa, y no es tal ni debe ser, porque, entonces, ¿:para qué sirve «C»? Por eso, su modo de solfear es excesivamente difícil, sin que sea provechoso para nada y sin dar ninguna idea clara al entendimiento, pues por este método las dos sílabas «Ut» y «Mi», por ejemplo, también pueden significar una tercera mayor, menor, superflua o defectuosa. ¿:Por qué extraña fatalidad en el país donde se escriben los mejores libros sobre música se la aprende más difícilmente?
Suivons avec notre élève une pratique plus simple et plus claire ; qu’il n’y ait pour lui que deux modes, dont les rapports soient toujours les mêmes et toujours indiqués par les mêmes syllabes. Soit qu’il chante ou qu’il joue d’un instrument, qu’il sache établir son mode sur chacun des douze tons qui peuvent lui servir de base, et que, soit qu’on module en D, en C, en G, etc., le finale soit toujours la ou ut, selon le mode. De cette manière, il vous concevra toujours ; les rapports essentiels du mode pour chanter et jouer juste seront toujours présents à son esprit, son exécution sera plus nette et son progrès plus rapide. Il n’y a rien de plus bizarre que ce que les Français appellent solfier au naturel ; c’est éloigner les idées de la chose pour en substituer d’étrangères qui ne font qu’égarer. Rien n’est plus naturel que de solfier par transposition, lorsque le mode est transposé. Mais c’en est trop sur la musique : enseignez-la comme vous voudrez, pourvu qu’elle ne soit jamais qu’un amusement. Debemos seguir con nuestro alumno una práctica más sencilla y clara, que no haya para él más de dos formas, cuyas relaciones sean siempre las mismas y siempre indicadas con las mismas sílabas. Cuando cante o toque un instrumento, debe saber establecer su modo en cada uno de los doce tonos que pueden servir de base, y tanto si modula en «C», en «D», en «G», etc., que sea siempre el final «Ut» o «La», según el modo. Obrando de esta manera siempre os entenderá; las relaciones esenciales de la manera de ajustarse cuando cante o toque, las tendrá siempre presentes, su ejecución será más limpia y más rápidos sus progresos. Nada tan fuera de lugar como lo que llaman los franceses solfeo natural, lo cual significa que las ideas propias son desviadas, sustituidas por otras que no hacen más que desorientar al alumno. La forma más natural consiste en solfear por transposición, cuando el modo está transportado. Pero tenemos sobrada música; se la podéis enseñar como mejor os plazca con tal de que no sea otra cosa que un simple pasatiempo.
Nous voilà bien avertis de l’état des corps étrangers par rapport au nôtre, de leur poids, de leur figure, de leur couleur, de leur solidité, de leur grandeur, de leur distance, de leur température, de leur repos, de leur mouvement. Nous sommes instruits de ceux qu’il nous convient d’approcher ou d’éloigner de nous, de la manière dont il faut nous y prendre pour vaincre leur résistance, ou pour leur en opposer une qui nous préserve d’en être offensés, mais ce n’est pas assez ; notre propre corps s’épuise sans cesse, il a besoin d’être sans cesse renouvelé. Quoique nous ayons la faculté d’en changer d’autres en notre propre substance, le choix n’est pas indifférent : tout n’est pas aliment pour l’homme ; et des substances qui peuvent l’être, il y en a de plus ou de moins convenables, selon la constitution de son espèce, selon le climat qu’il habite, selon son tempérament particulier, et selon la manière de vivre que lui prescrit son état. Ya tenemos conocimiento del estado de los cuerpos extraños con relación al nuestro, de su peso, figura, solidez, tamaño, distancia, temple, quietud y movimiento. También sabemos cuáles son los que nos conviene acercar o desviar lo que hemos de realizar con el fin de vencer su resistencia, o bien oponerles una que nos guarde de lo que nos perjudique, pero no es suficiente con todo esto; nuestro cuerpo se agota continuamente y necesita una continua renovación. Aunque poseamos la facultad de transformar los cuerpos en nuestra propia sustancia, no es indiferente la elección, ya que no todo es alimento para el hombre, y entre las sustancias que pueden serlo, no le convienen todas por igual, pues debe tenerse en cuenta la constitución de su especie, el clima en que vive, su temperamento particular y el régimen de vida que le señala su estado.
Nous mourrions affamés ou empoisonnés, s’il fallait attendre, pour choisir les nourritures qui nous conviennent, que l’expérience nous eût appris à les connaître et à les choisir ; mais la suprême bonté, qui a fait du plaisir des êtres sensibles l’instrument de leur conservation, nous avertit, par ce qui plaît à notre palais, de ce qui convient à notre estomac. Il n’y a point naturellement pour l’homme de médecin plus sûr que son propre appétit ; et, à le prendre dans son état primitif, je ne doute point qu’alors les aliments qu’il trouvait les plus agréables ne lui fussent aussi les plus sains. Moriríamos de hambre o por envenenamiento si para escoger los alimentos que necesitamos tuviésemos que esperar a que nos enseñase la experiencia el modo de conocerlos y de elegirlos, pero la bondad suprema, que del deleite de los seres sensibles hizo el instrumento de su conservación, nos avisa de cuanto es conveniente a nuestro estómago mediante la sensación agradable a nuestro paladar. De una forma natural, para el hombre no existe nada más seguro que su propio apetito, y observándolo en su estado primitivo no vacila en afirmar que los alimentos que más agradables le parecen sean también los más convenientes a su salud.
Il y a plus. L’Auteur des choses ne pourvoit pas seulement aux besoins qu’il nous donne, mais encore à ceux que nous nous donnons nous-mêmes ; et c’est pour nous mettre toujours le désir à côté du besoin, qu’il fait que nos goûts changent et s’altèrent avec nos manières de vivre. Plus nous nous éloignons de l’état de nature, plus nous perdons de nos goûts naturels ; ou plutôt l’habitude nous fait une seconde nature que nous substituons tellement à la première, que nul d’entre nous ne connaît plus celle-ci. Pero aún hay más. El autor de todas las cosas no solamente proveyó las necesidades que nos dio, sino también las que nos buscamos nosotros mismos, y para que siempre vayan juntos el deseo y la necesidad, hace que nuestros gustos se modifiquen y se alteren según nuestro modo de vivir. Cuanto más nos alejamos del estado de la naturaleza, con mayor gradación perdemos nuestros gustos naturales, o dicho de otra forma, el hábito forma en nosotros una segunda naturaleza, con la cual sustituimos de una forma totalmente completa a la primera.
Il suit de là que les goûts les plus naturels doivent être aussi les plus simples ; car ce sont ceux qui se transforment le plus aisément ; au lieu qu’en s’aiguisant, en s’irritant par nos fantaisies, ils prennent une forme qui ne change plus. L’homme qui n’est encore d’aucun pays se fera sans peine aux usages de quelques pays que ce soit ; mais l’homme d’un pays ne devient plus celui d’un autre. De esto que hemos expuesto se deduce que los gustos más naturales deben ser también los más sencillos, debido a que son los que con mayor facilidad se transforman, mientras que agitándose y complicándose, gracias a nuestros caprichos, toman ya una forma invariable. El hombre que todavía no es de ningún país, se apropiará sin ninguna dificultad las costumbres del país al que vaya, pero el de un determinado país no se habituará a las de otro.
Ceci me paraît vrai dans tous les sens, et bien plus encore, appliqué au goût proprement dit. Notre premier aliment est le lait ; nous ne nous accoutumons que par degrés aux saveurs fortes ; d’abord elles nous répugnent. Des fruits, des légumes, des herbes, et enfin quelques viandes grillées, sans assaisonnement et sans sel, firent les festins des premiers hommes[26]. La première fois qu’un sauvage boit du vin, il fait la grimace et le rejette ; et même parmi nous quiconque a vécu jusqu’à vingt ans sans goûter de liqueurs fermentées ne peut plus s’y accoutumer ; nous serions tous abstèmes si l’on ne nous eût donné du vin dans nos jeunes ans. Enfin, plus nos goûts sont simples, plus ils sont universels ; les répugnances les plus communes tombent sur des mets composés. Vit-on jamais personne avoir en dégoût l’eau ni le pain ? Voilà la trace de la nature, voilà donc aussi notre règle. Conservons à l’enfant son goût primitif le plus qu’il est possible ; que sa nourriture soit commune et simple, que son palais ne se familiarise qu’à des saveurs peu relevées, et ne se forme point un goût exclusif. En todos los sentidos esto me parece exacto, y aún más cuando se aplica al sentido del gusto. La leche es nuestro primer alimento, y sólo de una forma gradual nos vamos acostumbrando a los sabores fuertes, pero al principio nos repugnan. Frutas, legumbres, hierbas y algunas carnes asadas sin condimento y sin sal eran los banquetes de los hombres primitivos ; la primera vez que un salvaje bebe vino, hace una mueca y lo echa, y hasta entre nosotros, el que ha vivido hasta los veinte años sin probar alcoholes fuertes, es incapaz después de acostumbrarse a ellos; seríamos todos abstemios si no nos hubieran dado vino en nuestros primeros años. Por último, cuanto más sencillos son nuestros gustos mayor universalidad alcanzan, y lo que más repugnancia suele ocasionar son los manjares compuestos. ¿:Hemos visto que a alguien le repugnen el agua y el pan? Esta es la norma de la naturaleza, y también será la nuestra. Hagamos que el niño conserve lo más posible su primitivo gusto, que su alimento sea sencillo y común, y que su paladar sólo se familiarice con sabores poco fuertes, sin caer en un gusto exclusivo.
Je n’examine pas ici si cette manière de vivre est plus saine ou non, ce n’est pas ainsi que je l’envisage. Il me suffit de savoir, pour la préférer, que c’est la plus conforme à la nature, et celle qui peut le plus aisément se plier à tout autre. Ceux qui disent qu’il faut accoutumer les enfants aux aliments dont ils useront étant grands, ne raisonnent pas bien, ce me semble. Pourquoi leur nourriture doit-elle être la même, tandis que leur manière de vivre est si différente ? Un homme épuisé de travail, de soucis, de peines, a besoin d’aliments succulents qui lui portent de nouveaux esprits au cerveau ; un enfant qui vient de s’ébattre, et dont le corps croît, a besoin d’une nourriture abondante qui lui fasse beaucoup de chyle. D’ailleurs l’homme fait a déjà son état, son emploi, son domicile ; mais qui est-ce qui peut être sûr de ce que la fortune réserve à l’enfant ? En toute chose ne lui donnons point une forme si déterminée, qu’il lui en coûte trop d’en changer au besoin. Ne faisons pas qu’il meure de faim dans d’autres pays, s’il ne traîne partout à sa suite un cuisinier français, ni qu’il dise un jour qu’on ne sait manger qu’en France. Voilà, par parenthèse, un plaisant éloge ! Pour moi, je dirais au contraire qu’il n’y a que les Français qui ne savent pas manger, puisqu’il faut un art si particulier pour leur rendre les mets mangeables. No examino aquí si un modo de vivir es más o menos sano que otro, porque no lo considero bajo este aspecto. Me es suficiente, para preferirlo, el que está más de conformidad con la naturaleza, y el que con mayor facilidad puede ajustarse a otro cualquiera. Los que sostienen que se debe acostumbrar a los niños al alimento que les será propio cuando sean hombres, me parece que piensan mal. ¿:Por qué causa debe ser el mismo alimento siendo tan distinto el método de vida? A un hombre extenuado por el trabajo, los cuidados y las penas, le son indispensables unos alimentos que le repongan; un niño que viene de jugar, y cuyo cuerpo en la época del crecimiento, necesita una alimentación abundante que le suministre muchas vitaminas. Por otra parte, el hombre tiene estado, empleo y domicilio, ¿:pero quién puede estar seguro de la suerte que le espera a un niño? No le debemos dar ninguna forma tan determinada que para cambiarla tenga que hacer un gran esfuerzo. No hagamos que pueda morirse de hambre en otro país, si no lleva un cocinero francés, ni que diga un día que sólo en Francia saben comer. ¡Vaya elogio! Yo diría lo contrario de los franceses, que no saben comer, porque para que les plazcan los alimento, necesitan un arte muy especial para que sean gustosos.
De nos sensations diverses, le goût donne celles qui généralement nous affectent le plus. Aussi sommes-nous plus intéressés à bien juger des substances qui doivent faire partie de la nôtre, que de celle qui ne font que l’environner. Mille choses sont indifférentes au toucher, à l’ouïe, à la vue ; mais il n’y a presque rien d’indifférent au goût. Entre nuestras varias sensaciones, la del gusto es la que generalmente nos impresiona más, y por eso juzgamos con mayor interés y acierto sobre las sustancias que deben convertirse en parte de la nuestra, que las que no hacen más que acercársele. Existen mil cosas para el tacto, para el oído y para la vista, pero casi nada es distinto para el gusto.
De plus, l’activité de ce sens est toute physique et matérielle ; il est le seul qui ne dit rien à l’imagination, du moins celui dans les sensations duquel elle entre le moins ; au lieu que l’imitation et l’imagination mêlent souvent du moral à l’impression de tous les autres. Aussi, généralement, les cœurs tendres et voluptueux, les caractères passionnés et vraiment sensibles, faciles à émouvoir par les autres sens, sont-ils assez tièdes sur celui-ci. De cela même qui semble mettre le goût au-dessous d’eux, et rendre plus méprisable le penchant qui nous y livre, je conclurais au contraire que le moyen le plus convenable pour gouverner les enfants est de les mener par leur bouche. Le mobile de la gourmandise est surtout préférable à celui de la vanité, en ce que la première est un appétit de la nature, tenant immédiatement au sens, et que la seconde est un ouvrage de l’opinion, sujet au caprice des hommes et à toutes sortes d’abus. La gourmandise est la passion de l’enfance ; cette passion ne tient devant aucune autre ; à la moindre concurrence elle disparaît. Eh ! croyez-moi, l’enfant ne cessera que trop tôt de songer à ce qu’il mange ; et quand son cœur sera trop occupé, son palais ne l’occupera guère. Quand il sera grand, mille sentiments impétueux donneront le change à la gourmandise, et ne feront qu’irriter la vanité ; car cette dernière passion seule fait son profit des autres, et à la fin les engloutit toutes. J’ai quelquefois examiné ces gens qui donnaient de l’importance aux bons morceaux, qui songeaient, en s’éveillant, à ce qu’ils mangeraient dans la journée, et décrivaient un repas avec plus d’exactitude que n’en met Polybe à décrire un combat ; j’ai trouvé que tous ces prétendus hommes n’étaient que des enfants de quarante ans, sans vigueur et sans consistance, fruges consumere nati. La gourmandise est le vice des cœurs qui n’ont point d’étoffe. L’âme d’un gourmand est toute dans son palais ; il n’est fait que pour manger ; dans sa stupide incapacité, il n’est qu’à table à sa place, il ne sait juger que des plats ; laissons-lui sans regret cet emploi ; mieux lui vaut celui-là qu’un autre, autant pour nous que pour lui. Por otra parte, la actividad de este sentido es física y material; es el único que nada le dice a la imaginación, o por lo menos aquel en cuyas sensaciones tiene menos parte, mientras que la imaginación y la imitación mezclan frecuentemente lo moral con la impresión de los demás. Por esta causa, generalmente los corazones tiernos y voluptuosos, así como los caracteres afectuosos y verdaderamente sensibles, son agitados fácilmente por los otros sentidos, en tanto que el sentido del gusto no los conmueve. Por esta causa parece que el sentido del gusto es inferior a los demás, y la inclinación que nos entrega a él más despreciable, por lo que yo deduzco que el medio que más conviene para gobernar a los niños es el de tentarles por la boca. El impulso de la gula tiene preferencia al de la vanidad, puesto que la gula es un apetito de la naturaleza, que pende inmediatamente del sentido, y la vanidad es obra de la opinión, sujeta al capricho de los hombres y a todo género de abusos. La gula es la pasión de la infancia, pero no resiste a ninguna otra, y a la menor rivalidad desaparece. Creedme; demasiado pronto dejará el niño de pensar en lo que coma, y si tiene su corazón lleno, no le pedirá mucho el paladar. Una vez llegado a hombre, una infinidad de afectos impetuosos reducirán la gula y no harán más que excitar la vanidad, porque esta pasión sola se aprovecha de las demás, y al fin acaba con ellas. Algunas veces he observado a las personas que hacían mucho caso de los buenos bocados, y en cuanto se despertaban ya pensaban en lo que debían comer aquel día, y describían con más puntualidad un banquete que Polibio una batalla. Y he observado que todos estos pretendidos hombres eran niños de cuarenta años sin vigor ni consistencia; fruges connumere nati. La gula es el vicio de los corazones que no tienen sustancia. El alma de un glotón está en su paladar; sólo nació para comer; en su estúpida incapacidad, únicamente en la mesa se siente a gusto y no entiende más que de platos. Dejémosle sin envidia alguna esa afición, pues más le vale esa que otra, lo, mismo para nosotros que para él.
Craindre que la gourmandise ne s’enracine dans un enfant capable de quelque chose est une précaution de petit esprit. Dans l’enfance on ne songe qu’à ce qu’on mange ; dans l’adolescence on n’y songe plus ; tout nous est bon, et l’on a bien d’autres affaires. Je ne voudrais pourtant pas qu’on allât faire un usage indiscret d’un ressort si bas, ni étayer d’un bon morceau l’honneur de faire une belle action. Mais je ne vois pas pourquoi, toute l’enfance n’étant ou ne devant être que jeux et folâtres amusements, des exercices purement corporels n’auraient pas un prix matériel et sensible. Qu’un petit Majorquin, voyant un panier sur le haut d’un arbre, l’abatte à coup de fronde, n’est-il pas bien juste qu’il en profite, et qu’un bon déjeuner répare la force qu’il use à le gagner[27] ? Qu’un jeune Spartiate, à travers les risques de cent coups de fouet, se glisse habilement dans une cuisine ; qu’il y vole un renardeau tout vivant, qu’en l’emportant dans sa robe il en soit égratigné, mordu, mis en sang, et que, pour n’avoir pas la honte d’être surpris, l’enfant se laisse déchirer les entrailles sans sourciller, sans pousser un seul cri, n’est-il pas juste qu’il profite enfin de sa proie, et qu’il la mange après en avoir été mangé ? Jamais un bon repas ne doit être une récompense ; mais pourquoi ne serait-il pas quelquefois l’effet des soins qu’on a pris pour se le procurer ? Émile ne regarde point le gâteau que j’ai mis sur la pierre comme le prix d’avoir bien couru ; il sait seulement que le seul moyen d’avoir ce gâteau est d’y arriver plus tôt qu’un autre. El temor a que arraigue la gula en un niño que sea capaz de algo, es una precaución de un entendimiento de pocos alcances. La infancia solamente piensa en lo que come; los adolescentes ya no se ocupan de eso, pues para ellos todo es bueno y otras atenciones les absorben. Sin embargo, yo no quisiera que hiciéramos un imprudente uso de un tan mezquino resorte, y que como recompensa por una buena acción le premiásemos con un buen plato. Mas ya que en la infancia todo debe consistir en juegos y alegres pasatiempos, no veo por qué causa los ejercicios puramente corporales no se les pueda recompensar con algo material y sensible. Si un niño mallorquín, viendo una cesta colgada de un árbol, la echa abajo con la honda, ¿:no es justo que se aproveche y repare con un buen almuerzo la fuerza que ha gastado en conseguirla? . Si un niño espartano, arrostrando el peligro de cien azotes, se mete con astucia en una cocina, roba una vulpeja viva, se la lleva envuelta en la ropa, y arañado, mordido, sangrando, y por no sufrir la vergüenza de que le cojan, se deja despedazar las entrañas sin parpadear, sin gemir, ?no es justo que al fin se aproveche de su presa y que se la coma después que ella se le ha comido? Jamás debe servir de recompensa una buena comida, pero ¿:por qué no ha de serlo alguna vez del esfuerzo que por ganarla ha hecho? Emilio no mira el pastel que he puesto sobre la roca como un premio por haber corrido bien, pero sabe que el único medio de alcanzarlo es llegar antes que otro.
Ceci ne contredit point les maximes que j’avançais tout à l’heure sur la simplicité des mets, car, pour flatter l’appétit des enfants, il ne s’agit pas d’exciter leur sensualité, mais seulement de la satisfaire ; et cela s’obtiendra par les choses du monde les plus communes, si l’on ne travaille pas à leur raffiner le goût. Leur appétit continuel, qu’excite le besoin de croître, est un assaisonnement sûr qui leur tient lieu de beaucoup d’autres. Des fruits, du laitage, quelque pièce de four un peu plus délicate que le pain ordinaire, surtout l’art de dispenser sobrement tout cela : voilà de quoi mener des armées d’enfants au bout du monde sans leur donner du goût pour les saveurs vives, ni risquer de leur blaser le palais. Con esto no se contradicen las máximas que dejo sentadas sobre la sencillez de los manjares, puesto que halagando el apetito de los niños solamente se trata de darles una satisfacción y no de excitar su glotonería, y esto se consigue con lo más corriente, si no se trata de aumentar la sensibilidad para el gusto. El continuo apetito, excitado por la necesidad de crecimiento, es un guisado seguro que para ellos es equivalente a otros muchos. Frutas, queso, algún bollo un poco más sabroso que el pan común, y principalmente el modo de distribuirlo con sobriedad, es suficiente para llevar ejércitos de niños hasta el fin del mundo, sin que les nazca ninguna afición a los sabores fuertes ni haya el peligro de un empacho.
Une des preuves que le goût de la viande n’est pas naturel à l’homme, est l’indifférence que les enfants ont pour ce mets-là, et la préférence qu’ils donnent tous à des nourritures végétales, telles que le laitage, la pâtisserie, les fruits, etc. Il importe surtout de ne pas dénaturer ce goût primitif, et de ne point rendre les enfants carnassiers ; si ce n’est pour leur santé, c’est pour leur caractère ; car, de quelque manière qu’on explique l’expérience, il est certain que les grands mangeurs de viande sont en général cruels et féroces plus que les autres hommes ; cette observation est de tous les lieux et de tous les temps. La barbarie anglaise est connue[28] ; les Gaures, au contraire, sont les plus doux des hommes[29]. Tous les sauvages sont cruels ; et leurs mœurs ne les portent point à l’être : cette cruauté vient de leurs aliments. Ils vont à la guerre comme à la chasse, et traitent les hommes comme des ours. En Angleterre même les bouchers ne sont pas reçus en témoignage[30], non plus que les chirurgiens. Les grands scélérats s’endurcissent au meurtre en buvant du sang. Homère fait des Cyclopes, mangeurs de chair, des hommes affreux, et des Lotophages un peuple si aimable, qu’aussitôt qu’on avait essayé de leur commerce, on oubliait jusqu’à son pays pour vivre avec eux. Una prueba entre otras que demuestran cómo la afición a comer carne no es natural en el hombre, la encontramos en la indiferencia con que los niños la miran, y su preferencia por otros alimentos, como lacticinios, pasteles, frutos, etc. Es muy importante conservarles esta afición primitiva y no convertirlos en carnívoros; si esto no se realiza por su salud, debe ser para mejorar su carácter, puesto que, expliquen como quieran la experiencia, la verdad está en que generalmente los que comen mucha carne son más crueles y feroces que los otros hombres; esto ha sido comprobado en todos los tiempos y países. Es una cosa muy notable la humanidad inglesa . Por el contrario, los gauros son los más pacíficos de los hombres . Todos los salvajes son crueles y sus costumbres no les incitan a que lo sean; por lo tanto, esta crueldad proviene de sus alimentos; van a la guerra como a la caza y tratan a los hombres del mismo modo que si se tratara de osos. Se da el caso de que en Inglaterra no son admitidos como testigos los carniceros ni los cirujanos . Los perversos salvajes se endurecen para los homicidios bebiendo sangre. Homero pinta a los cíclopes como comedores de carne, como hombres horrorosos, y a los lotófagos como un pueblo tan amable que en cuanto se había probado su trato, el huésped se olvidaba de su país para seguir viviendo con ellos.
« Tu me demandes, disait Plutarque, pourquoi Pythagore s’abstenait de manger de la chair des bêtes ; mais moi je te demande au contraire quel courage d’homme eut le premier qui approcha de sa bouche une chair meurtrie, qui brisa de sa dent les os d’une bête expirante, qui fit servir devant lui des corps morts, des cadavres et engloutit dans son estomac des membres qui, le moment d’auparavant, bêlaient, mugissaient, marchaient et voyaient. Comment sa main put-elle enfoncer un fer dans le cœur d’un être sensible ? Comment ses yeux purent-ils supporter un meurtre ? Comment put-il voir saigner, écorcher, démembrer un pauvre animal sans défense ? Comment put-il supporter l’aspect des chairs pantelantes ? Comment leur odeur ne lui fit-elle pas soulever le cœur ? Comment ne fut-il pas dégoûté, repoussé, saisi d’horreur, quand il vint à manier l’ordure de ces blessures, à nettoyer le sang noir et figé qui les couvrait ? «Me preguntas -decía Plutarco- por qué se abstenía Pitágoras de comer carne, pero yo te pregunto qué espíritu era el del hombre que primero acercó a su boca un trozo de carne muerta, que con los dientes rompió los huesos de una bestia muerta, que hizo que le sirvieran plato de cuerpos muertos, de cadáveres, y que tragó miembros que un instante atrás mugían, balaban, andaban y veían. ¿:Cómo pudo con su mano clavar un hierro en el corazón de un ser sensible, soportar sus ojos una muerte y ver sangrar, desollar y desmembrar a un pobre animal indefenso? ¿:Cómo pudo contemplar el jadear de las carnes, cómo su olor no le trastornó el corazón, ni sentir repugnancia y asco? ¿:Cómo no le embargó el horror cuando limpió la podre de las heridas y la negra y cuajada sangre que las cubría?
Les peaux rampaient sur la terre écorchées,
Les chairs au feu mugissaient embrochées ;
L’homme ne put les manger sans frémir,
Et dans son sein les entendit gémir{/div>
»Por tierra arrastran pieles desolladas,
Mugen al fuego carnes espetadas,
Que el hombre se come sin sufrir,
Y en su vientre las oye gemir.
« Voilà ce qu’il dut imaginer et sentir la première fois qu’il surmonta la nature pour faire cet horrible repas, la première fois qu’il eut faim d’une bête en vie, qu’il voulut se nourrir d’un animal qui paissait encore, et qu’il dit comment il fallait égorger, dépecer, cuire la brebis qui lui léchait les mains. C’est de ceux qui commencèrent ces cruels festins, et non de ceux qui les quittent, qu’on a lieu de s’étonner : encore ces premiers-là pourraient-ils justifier leur barbarie par des excuses qui manquent à la nôtre, et dont le défaut nous rend cent fois plus barbares qu’eux. »Esto fue lo que tuvo que imaginar y sentir la vez primera que el hombre venció su naturaleza para celebrar este horrible banquete; la primera vez que tuvo hambre de una bestia viva, que quiso comer de un animal que aún pacía, y que dijo cómo había de degollar, de despedazar, de cocer la oveja que le lamía las manos. De los que empezaron estos crueles banquetes, no de los que les rehuyen, es de quienes hay que asombrarse, aunque los primeros pudieran justificar su inhumanidad con disculpas a las que no podemos recurrir nosotros, y que por lo tanto nos hacen cien veces más inhumanos que ellos.
« Mortels bien-aimés des dieux, nous diraient ces premiers hommes, comparez les temps, voyez combien vous êtes heureux et combien nous étions misérables ! La terre nouvellement formée et l’air chargé de vapeurs étaient encore indociles à l’ordre des saisons ; le cours incertain des fleuves dégradait leurs rives de toutes parts ; des étangs, des lacs, de profonds marécages inondaient les trois quarts de la surface du monde ; l’autre quart était couvert de bois et de forêts stériles. La terre ne produisait nuls bons fruits ; nous n’avions nuls instruments de labourage ; nous ignorions l’art de nous en servir, et le temps de la moisson ne venait jamais pour qui n’avait rien semé. Ainsi la faim ne nous quittait point. L’hiver, la mousse et l’écorce des arbres étaient nos mets ordinaires. Quelques racines vertes de chiendent et de bruyères étaient pour nous un régal ; et quand les hommes avaient pu trouver des faînes, des noix ou du gland, ils en dansaient de joie autour d’un chêne ou d’un hêtre au son de quelque chanson rustique, appelant la terre leur nourrice et leur mère : c’était là leur seule fête ; c’étaient leurs uniques jeux ; tout le reste de la vie humaine n’était que douleur, peine et misère. »Mortales amados de los dioses, nos dirían aquellos hombres primitivos, comparad los tiempos, observad cuán felices sois vosotros y cuán miserables éramos nosotros. Recién formada la tierra, el aire cargado de vapores, aún no eran dóciles al orden de las estaciones; insegura la corriente de los ríos, por todas partes arrasaban las riberas; estanques y lagos y hondos marjales inundaban las tres cuartas partes de la superficie del orbe, y el otro cuarto era ocupado por riscos y selvas estériles. La tierra no daba de sí ningún fruto sazonado; carecíamos de toda clase de aperos e ignorábamos el arte de servirnos de ellos, y por consiguiente para quien nada había sembrado, nunca le llegaba el tiempo de la cosecha. Así, invariablemente, nos acosaba el hambre. En invierno, nuestros manjares eran el helecho v la corteza de los árboles. Algunas raíces tiernas de brezo y de grama eran nuestro regalo, y cuando los hombres podían hallar algún hayuco; algunas bellotas o nueces, bailaban de gozo alrededor de un roble o de un haya, al son de alguna rústica cantinela, llamando madre y nodriza a la tierra. Estas eran sus fiestas, sus únicos juegos; todo lo demás de la vida humana sólo era dolor, penalidad y miseria.
« Enfin, quand la terre dépouillée et nue ne nous offrait plus rien, forcés d’outrager la nature pour nous conserver, nous mangeâmes les compagnons de notre misère plutôt que de périr avec eux. Mais vous, hommes cruels, qui vous force à verser du sang ? Voyez quelle affluence de biens vous environne ! combien de fruits vous produit la terre ! que de richesses vous donnent les champs et les vignes ! que d’animaux vous offrent leur lait pour vous nourrir et leur toison pour vous habiller ! Que leur demandez-vous de plus ? et quelle rage vous porte à commettre tant de meurtres, rassasiés de biens et regorgeant de vivres ? Pourquoi mentez-vous contre votre mère en l’accusant de ne pouvoir vous nourrir ? Pourquoi péchez-vous contre Cérès, inventrice des saintes lois, et contre le gracieux Bacchus, consolateur des hommes ? comme si leurs dons prodigués ne suffisaient pas à la conservation du genre humain ! Comment avez-vous le cœur de mêler avec leurs doux fruits des ossements sur vos tables, et de manger avec le lait le sang des bêtes qui vous le donnent ? Les panthères et les lions, que vous appelez bêtes féroces, suivent leur instinct par force, et tuent les autres animaux pour vivre. Mais vous, cent fois plus féroces qu’elles, vous combattez l’instinct sans nécessité, pour vous livrer à vos cruelles délices. Les animaux que vous mangez ne sont pas ceux qui mangent les autres : vous ne les mangez pas, ces animaux carnassiers, vous les imitez ; vous n’avez faim que des bêtes innocentes et douces qui ne font de mal à personne, qui s’attachent à vous, qui vous servent, et que vous dévorez pour prix de leurs services. »Por último, cuando por estar yerma y desnuda la tierra, no nos ofrecía nada, viéndonos obligados a maltratar la naturaleza para nuestra conservación, nos comimos a los compañeros de nuestra miseria antes de vernos obligados a morir con ellos. Mas a vosotros, hombres crueles, ¿:qué es lo que os fuerza a derramar sangre? Observad la gran cantidad de bienes de que estáis rodeados, la cantidad de frutos que ofrece la tierra, las riquezas que producen los campos y las viñas, la cantidad de animales que brindan su leche para alimentarnos y su vellocino para que nos sirva de abrigo. ¿:Qué más pedís? ¿:Qué furia os incita a cometer tantas muertes, estando hartos de víveres y llenos de otros bienes? ¿:Por qué mentís contra nuestra madre, acusándola de que no puede alimentaros? ¿:Por qué pecáis contra Ceres, inventora de las sagradas leyes, y contra el gracioso Baco, consolador de los mortales, como si sus pródigos dones no fuesen suficientes para la conservación del linaje humano? ¿:Cómo tenéis valor para mezclar en vuestras mesas huesos con los frutos más suaves, y para comer con la leche la sangre de los animales que os la dieron? Las panteras y los leones, a los que vosotros llamáis fieras, actúan forzados por su instinto, y para poder vivir se ven obligados a matar a los demás brutos. Mas vosotros, que sois cien veces más fieros que ellos, resistís sin ninguna necesidad vuestro instinto con el fin de entregaros a vuestras crueles delicias. No son los animales que coméis los que se comen a los demás; a los animales carniceros, a los cuales vosotros imitáis, no os los coméis, pero os coméis a los que no perjudican a nadie y son inocentes y mansos, y son vuestros amigos, de los cuales os servís y pagáis sus servicios devorándolos.
« O meurtrier contre nature ! si tu t’obstines à soutenir qu’elle t’a fait pour dévorer tes semblables, des êtres de chair et d’os, sensibles et vivants comme toi, étouffe donc l’horreur qu’elle t’inspire pour ces affreux repas ; tue les animaux toi-même, je dis de tes propres mains, sans ferrements, sans coutelas ; déchire-les avec tes ongles, comme font les lions et les ours ; mords ce bœuf et le mets en pièces ; enfonce tes griffes dans sa peau ; mange cet agneau tout vif, dévore ses chairs toutes chaudes, bois son âme avec son sang. Tu frémis ! tu n’oses sentir palpiter sous ta dent une chair vivante ! Homme pitoyable ! tu commences par tuer l’animal, et puis tu le manges, comme pour le faire mourir deux fois. Ce n’est pas assez : la chair morte te répugne encore, tes entrailles ne peuvent la supporter ; il la faut transformer par le feu, la bouillir, la rôtir, l’assaisonner de drogues qui la déguisent : il te faut des charcutiers, des cuisiniers, des rôtisseurs, des gens pour t’ôter l’horreur du meurtre et t’habiller des corps morts, afin que le sens du goût, trompé par ces déguisements, ne rejette point ce qui lui est étrange, et savoure avec plaisir des cadavres dont l’œil même eût eu peine à souffrir l’aspect. » »¡Oh, matador contra la naturaleza! Si te empeñas en creer que la naturaleza te crió para devorar a tus semejantes, a seres de carne y hueso, que como tú sienten y viven, vence el horror que a tan espantosos banquetes te conduce; mátalos tú, digo con tus propias manos, sin hierro y sin ningún, cuchillo; destrózalos con tus uñas, como hacen los leones y los osos; muerde a ese toro, hazle pedazos, clávale tus garras; cómete a ese cordero vivo, devora sus carnes humeantes y bébete con su alma su sangre. ¿:Te estremeces? ¿:No te atreves a sentir cómo entre tus dientes palpita una carne viva? ¡Hombre compasivo, que empiezas matando al animal, y luego te lo comes, para que muera dos veces! No te quedas satisfecho con eso; todavía te repugna la carne muerta, no te la puedes meter en las entrañas; es forzoso que sea transformada al fuego: cocerla, asarla, sazonarla con ingredientes que la disfracen; acudes a pasteleros, a cocineros, a otros hombres que te quiten el horror de la muerte, y te preparen cuerpos muertos, para que, engañado el sentido del gusto con estos disfraces, no deseches lo que te horroriza, y comas con deleite cadáveres cuyo aspecto ni los ojos hubieran podido sufrir.»
Quoique ce morceau soit étranger à mon sujet, je n’ai pu résister à la tentation de le transcrire, et je crois que peu de lecteurs m’en sauront mauvais gré. Aunque este trozo sea un asunto ajeno al mío, no he tenido la fuerza suficiente para resistir la tentación de copiarlo, y opino que habrá pocos lectores que lo consideren inoportuno.
Au reste, quelque sorte de régime que vous donniez aux enfants, pourvu que vous ne les accoutumiez qu’à des mets communs et simples, laissez-les manger, courir et jouer tant qu’il leur plaît ; puis soyez sûrs qu’ils ne mangeront jamais trop et n’auront point d’indigestions ; mais si vous les affamez la moitié du temps, et qu’ils trouvent le moyen d’échapper à votre vigilance, ils se dédommageront de toute leur force, ils mangeront jusqu’à regorger, jusqu’à crever. Notre appétit n’est démesuré que parce que nous voulons lui donner d’autres règles que celles de la nature ; toujours réglant, prescrivant, ajoutant, retranchant, nous ne faisons rien que la balance à la main ; mais cette balance est à la mesure de nos fantaisies, et non pas à celle de notre estomac. J’en reviens toujours à mes exemples. Chez les paysans, la huche et le fruitier sont toujours ouverts, et les enfants, non plus que les hommes, n’y savent ce que c’est qu’indigestions. En cuanto a lo demás, cualquiera que sea el régimen que adoptéis para los niños, con tal que los acostumbréis a manjares comunes y sencillos, dadles libertad para que coman, corran y jueguen a su placer, y estad seguros de que nunca comerán con exceso ni estarán hartos, pero si los tenéis hambrientos la mitad del tiempo y encuentran el medio de burlar vuestra vigilancia harán todo lo posible para resarcirse y comerán hasta saciarse. Si nuestra gula no tiene tasa, se debe a que le queremos imponer reglas distintas a las de la naturaleza. Siempre estamos arreglando, prescribiendo, añadiendo y quitando, haciéndolo todo con la balanza en la mano, pero esa balanza no mide las necesidades de nuestro estómago, sino que sigue sus caprichos. Ahora voy con mis elementos: en las casas de los aldeanos, el arca del pan y la despensa de la fruta nunca están cerrados, y lo mismo los mayores que los niños saben lo que son las indigestiones.
S’il arrivait pourtant qu’un enfant mangeât trop, ce que je ne crois pas possible par ma méthode, avec des amusements de son goût il est si aisé de le distraire, qu’on parviendrait à l’épuiser d’inanition sans qu’il y songeât. Comment des moyens si sûrs et si faciles échappent-ils à tous les instituteurs ? Hérodote raconte que les Lydiens, pressés d’une extrême disette, s’avisèrent d’inventer les jeux et d’autres divertissements avec lesquels ils donnaient le change à leur faim, et passaient des jours entiers sans songer à manger[31]. Vos savants instituteurs ont peut-être lu cent fois ce passage, sans voir l’application qu’on peut en faire aux enfants. Quelqu’un d’eux me dira peut-être qu’un enfant ne quitte pas volontiers son dîner pour aller étudier sa leçon. Maître, vous avez raison : je ne pensais pas à cet amusement-là. No obstante, si un niño comiese con exceso, lo cual, siguiendo mi método, no lo creo posible, resulta tan fácil entretenerle con pasatiempos de su gusto que lograríamos su mayor abstinencia sin que él lo advirtiese. ¿:Cómo es que se les pasa por alto a los preceptores tan fáciles y eficaces medios? Cuenta Herodoto que encontrándose los lidios acosados por una cruel carestía, se les ocurrió inventar juegos y pasatiempos con los cuales entretenían, divirtiéndose, el hambre, pasando días enteros sin comer . Tal vez hayan leído cien veces este pasaje los eruditos instructores, y no se les ha ocurrido que se puede aplicar a los niños. Quizá alguien me objetará que el niño no deja con agrado la comida para ir a estudiar su lección, y está en lo cierto, pero yo no pensaba que esto fuera una distracción;
Le sens de l’odorat est au goût ce que celui de la vue est au toucher ; il le prévient, il l’avertit de la manière dont telle ou telle substance doit l’affecter, et dispose à la rechercher ou à la fuir, selon l’impression qu’on en reçoit d’avance. J’ai ouï dire que les sauvages avaient l’odorat tout autrement affecté que le nôtre, et jugeaient tout différemment des bonnes et des mauvaises odeurs. Pour moi, je le croirais bien. Les odeurs par elles-mêmes sont des sensations faibles ; elles ébranlent plus l’imagination que le sens, et n’affectent pas tant par ce qu’elles donnent que par ce qu’elles font attendre. Cela supposé, les goûts des uns, devenus, par leurs manières de vivre, si différents des goûts des autres, doivent leur faire porter des jugements bien opposés des saveurs, et par conséquent des odeurs qui les annoncent. Un Tartare doit flairer avec autant de plaisir un quartier puant de cheval mort, qu’un de nos chasseurs, une perdrix à moitié pourrie. el olfato es, respecto al sentido del gusto, lo que la vista es respecto al tacto, que le precede y le advierte del modo que ha de mover tal o cual sustancia, y le dispone a que la busque o la evite, según la impresión que de antemano recibe de ella el olfato. He oído decir que entre los salvajes no causaban los olores la misma impresión que en nosotros, y juzgaban de un modo diferente los que eran buenos o malos. Es posible. Los olores, en sí mismos, son sensaciones débiles, las cuales mueven con mayor intensidad la imaginación y el sentido, e impresionan menos por lo que dan que por lo que prometen. Bajo este punto de vista, siendo por su modo de vivir tan diferentes los gustos de los otros, deben ser causa de que formen juicios muy opuestos sobre los sabores y, por consiguiente, sobre los olores que los anuncian. Con el mismo efecto debe un tártaro oler una habitación hedionda de un caballo muerto como un cazador nuestro una perdiz medio podrida.
Nos sensations oiseuses, comme d’être embaumés des fleurs d’un parterre, doivent être insensibles à des hommes qui marchent trop pour aimer à se promener, et qui ne travaillent pas assez pour se faire une volupté du repos. Des gens toujours affamés ne sauraient prendre un grand plaisir à des parfums qui n’annoncent rien à manger. Nuestras sensaciones ociosas, como la fragancia de un jardín con sus flores, no las pueden sentir los que encuentran su diversión andando, ni los que no trabajan lo suficiente para hallar deleite en el descanso. Las personas que siempre tienen hambre, poco gusto pueden encontrar en aromas que no prometen comida.
L’odorat est le sens de l’imagination ; donnant aux nerfs un ton plus fort, il doit beaucoup agiter le cerveau ; c’est pour cela qu’il ranime un moment le tempérament, et l’épuise à la longue. Il a dans l’amour des effets assez connus ; le doux parfum d’un cabinet de toilette n’est pas un piège aussi faible qu’on pense ; et je ne sais s’il faut féliciter ou plaindre l’homme sage et peu sensible que l’odeur des fleurs que sa maîtresse a sur le sein ne fit jamais palpiter. El olfato es un sentido propio de la imaginación. Debido a que entona los nervios, debe de agitar también mucho el cerebro; por esta causa aviva instantáneamente el temperamento, hasta que por último lo consume. Nos son muy conocidos los efectos que causan en el amor; no es el suave aroma de un tocador tan débil como se cree, y no sé si dar el parabién o compadecer al hombre poco sensible, a quien nunca hace palpitar el olor de las flores que lleva en el pecho su amada.
L’odorat ne doit donc pas être fort actif dans le premier âge, où l’imagination, que peu de passions ont encore animée, n’est guère susceptible d’émotion, et où l’on n’a pas encore assez d’expérience pour prévoir avec un sens ce que nous en promet un autre. Aussi cette conséquence est-elle parfaitement confirmée par l’observation ; et il est certain que ce sens est encore obtus et presque hébété chez la plupart des enfants. Non que la sensation ne soit en eux aussi fine et peut-être plus que dans les hommes, mais parce que, n’y joignant aucune autre idée, ils ne s’en affectent pas aisément d’un sentiment de plaisir ou de peine, et qu’ils n’en sont ni flattés ni blessés comme nous. Je crois que, sans sortir du même système, et sans recourir à l’anatomie comparée des deux sexes, on trouverait aisément la raison pourquoi les femmes en général s’affectent plus vivement des odeurs que les hommes. De este modo parece que no debe ser muy activo el olfato en la edad primera, cuando la imaginación, no estando aún animada por muchas pasiones, es poco capaz de emocionarse y todavía no se tiene la suficiente experiencia para prever con un sentido lo que otro nos promete. Esta consecuencia está confirmada por la observación, y es verdad que en la mayor parte de los niños todavía es obtuso v casi nulo este sentido, no porque no sea en ellos tan exquisita la sensación como en los hombres, y hasta quizá lo sea más, sino porque no uniendo con ella ninguna otra idea, no se mueven de un modo fácil para sentir pena o dolor, y por lo tanto no los atormenta ni los halaga como a nosotros. Tengo el criterio de que sin salir del mismo sistema, ni recurrir a la anatomía comparada de ambos sexos, se encontraría fácilmente el motivo por el cual las mujeres sienten en general los olores con mayor intensidad que los hombres.
On dit que les sauvages du Canada se rendent dès leur jeunesse l’odorat si subtil, que, quoiqu’ils aient des chiens, ils ne daignent pas s’en servir à la chasse, et se servent de chiens à eux-mêmes. Je conçois, en effet, que si l’on élevait les enfants à éventer leur dîner, comme le chien évente le gibier, on parviendrait peut-être à leur perfectionner l’odorat au même point ; mais je ne vois pas au fond qu’on puisse en eux tirer de ce sens un usage fort utile, si ce n’est pour leur faire connaître ses rapports avec celui du goût. La nature a pris soin de nous forcer à nous mettre au fait de ces rapports. Elle a rendu l’action de ce dernier sens presque inséparable de celle de l’autre, en rendant leurs organes voisins, et plaçant dans la bouche une communication immédiate entre les deux, en sorte que nous ne goûtons rien sans le flairer. Je voudrais seulement qu’on n’altérât pas ces rapports naturels pour tromper un enfant, en couvrant, par exemple, d’un aromate agréable le déboire d’une médecine ; car la discorde des deux sens est trop grande alors pour pouvoir l’abuser ; le sens le plus actif absorbant l’effet de l’autre, il n’en prend pas la médecine avec moins de dégoût ; ce dégoût s’étend à toutes les sensations qui le frappent en même temps ; à la présence de la plus faible, son imagination lui rappelle aussi l’autre ; un parfum très suave n’est plus pour lui qu’une odeur dégoûtante ; et c’est ainsi que nos indiscrètes précautions augmentent la somme des sensations déplaisantes aux dépens des agréables. Se dice que los indígenas del Canadá adquieren desde niños un olfato tan sutil que, aunque tienen perros, no se sirven de ellos para cazar, y consiguen lo mismo que los perros. Pienso que si enseñásemos a los niños a descubrir por el olfato su comida, como descubre el perro la caza, acaso conseguiríamos perfeccionarles este sentido, pero no veo que puedan aplicarlo a cosas de mucha utilidad, como no sea para darles a conocer sus relaciones con el gusto, v la naturaleza ha cuidado de obligarnos a que nos enteremos de estas relaciones. La acción de este último sentido la ha hecho inseparable del otro, colocando cerca sus órganos y poniendo en la boca una comunicación inmediata entre ambos, de tal modo que nada gustamos sin olerlo. Quisiera, sin embargo, que no se alterasen estas relaciones naturales para engañar a un niño, falseando con un aroma grato lo desabrido de una purga, ya que entonces es demasiado grande la discordancia de los dos sentidos para que se pueda engañar, y como el sentido más activo absorbe el efecto del otro, no toma la purga con menos asco: éste se extiende ` a todas las sensaciones que al mismo tiempo le impresionan, y cuando se le presenta la más débil, su imaginación recuerda la otra; un suave aroma se convierte para él en un olor repugnante, y así aumentan nuestras imprudentes precauciones la suma de sensaciones desagradables a costa de las gratas.
Il me reste à parler dans les livres suivants de la culture d’une espèce de sixième sens, appelé sens commun, moins parce qu’il est commun à tous les hommes, que parce qu’il résulte de l’usage bien réglé des autres sens, et qu’il nous instruit de la nature des choses par le concours de toutes leurs apparences. Ce sixième sens n’a point par conséquent d’organe particulier : il ne réside que dans le cerveau, et ses sensation, purement internes, s’appellent perceptions ou idées. C’est par le nombre de ces idées que se mesure l’étendue de nos connaissances : c’est leur netteté, leur clarté, qui fait la justesse de l’esprit ; c’est l’art de les comparer entre elles qu’on appelle raison humaine. Ainsi ce que j’appelais raison sensitive ou puérile consiste à former des idées simples par le concours de plusieurs sensations ; et ce que j’appelle raison intellectuelle ou humaine consiste à former des idées complexes par le concours de plusieurs idées simples. Todavía me falta hablar en los capítulos siguientes de la cultura de una especie de sexto sentido, llamado sentido común, no tanto porque es común a todos los hombres, sino porque resulta del uso bien ordenado de los demás sentidos, y porque nos da a conocer la naturaleza de las cosas por el conjunto de todas sus apariencias. Por consiguiente, este sentido carece de órgano peculiar; reside en el cerebro, y sus sensaciones, son simplemente internas; se llaman percepciones o ideas. Por el número de estas ideas se mide la extensión de nuestros conocimientos; su limpieza y su claridad constituyen el entendimiento, y el arte de compararlas entre sí es lo que llamamos la razón humana. De modo que lo que yo llamo razón sensitiva o pueril consiste en formar ideas simples por el conjunto de muchas sensaciones, y lo que llamo razón intelectual o humana es formar ideas complejas por el conjunto de muchas ideas simples.
Supposant donc que ma méthode soit celle de la nature, et que je ne me sois pas trompé dans l’application, nous avons amené notre élève, à travers les pays des sensations, jusqu’aux confins de la raison puérile : le premier pas que nous allons faire au delà doit être un pas d’homme. Mais, avant d’entrer dans cette nouvelle carrière, jetons un moment les yeux sur celle que nous venons de parcourir. Chaque âge, chaque état de la vie a sa perfection convenable, sa sorte de maturité qui lui est propre. Nous avons souvent ouï parler d’un homme fait ; mais considérons un enfant fait : ce spectacle sera plus nouveau pour nous, et ne sera peut-être pas moins agréable. Partiendo, pues, de que mi método sea el de la naturaleza, y que no me he equivocado en la aplicación, hemos traído a nuestro alumno, atravesando el país de las sensaciones, hasta la última frontera de la razón pueril; el primer paso que vamos a dar más allá debe ser un paso de hombre. Pero antes de empeñarnos en esta nueva carrera, veamos la que acabamos de andar. Cada edad v cada estado de la vida tienen su perfección conveniente, su peculiar madurez. Hemos oído hablar muchas veces de un hombre formado; contemplemos a un niño formado, espectáculo que será más nuevo y tal vez no menos grato para nosotros.
L’existence des êtres finis est si pauvre et si bornée que, quand nous ne voyons que ce qui est, nous ne sommes jamais émus. Ce sont les chimères qui ornent les objets réels ; et si l’imagination n’ajoute un charme à ce qui nous frappe, le stérile plaisir qu’on y prend se borne à l’organe, et laisse toujours le cœur froid. La terre, parée des trésors de l’automne, étale une richesse que l’œil admire : mais cette admiration n’est point touchante ; elle vient plus de la réflexion que du sentiment. Au printemps, la campagne presque nue n’est encore couverte de rien, les bois n’offrent point d’ombre, la verdure ne fait que de poindre, et le cœur est touché à son aspect. En voyant renaître ainsi la nature, on se sent ranimer soi-même ; l’image du plaisir nous environne ; ces compagnes de la volupté, ces douces larmes, toujours prêtes à se joindre à tout sentiment délicieux, sont déjà sur le bord de nos paupières ; mais l’aspect des vendanges a beau être animé, vivant, agréable, on le voit toujours d’un œil sec. Es tan pobre y limitada la existencia de los seres finitos, que cuando vemos lo que hay, nunca nos conmovemos. Las ficciones son las que adornan los objetos reales, y si la imaginación no añade su embeleso a lo que nos impresiona el estéril gusto que se goza, ciñéndose al órgano, deja siempre frío el corazón. Adornada con los tesoros del otoño, la tierra hace alarde de una riqueza que asombra a la vista, pero no enardece aquella admiración que nace más de la reflexión que del sentimiento. En la primavera, las campiñas son sólo una promesa, no dan sombra los bosques, no hace más que apuntar la verdura, y ante su aspecto se alegra el corazón. Al contemplar cómo renace la naturaleza, nosotros nos reanimamos, nos rodea la imagen del deleite, y las compañeras del contento, las suaves lágrimas, prontas siempre a acusar todo afecto delicioso, asoman a nuestras pupilas; pero es inútil el tan bullicioso, tan vivo y tan grato aspecto de la vendimia; siempre lo contemplamos con ojos secos.
Pourquoi cette différence ? C’est qu’au spectacle du printemps l’imagination joint celui des saisons qui le doivent suivre ; à ces tendres bourgeons que l’œil aperçoit, elle ajoute les fleurs, les fruits, les ombrages, quelquefois les mystères qu’ils peuvent couvrir. Elle réunit en un point des temps qui doivent se succéder, et voit moins les objets comme ils seront que comme elle les désire, parce qu’il dépend d’elle de les choisir. En automne, au contraire, on n’a plus voir que ce qui est. Si l’on veut arriver au printemps, l’hiver nous arrête, et l’imagination glacée expire sur la neige et sur les frimas. ¿:Por qué esta diferencia? Pues consiste en que con el espectáculo de la primavera acuden a la imaginación el de las estaciones que han de seguirla; a estos brotes tiernos que distingue la vista, agrega las flores, las frutas, las sombras y a veces los misterios que pueden cubrir. En un mismo punto reúne tiempos que han de sucederse, y mira menos los objetos como han de ser que como desea, porque de ella depende el escogerlos. En otoño, por el contrario, no tiene otra cosa que ver sino lo que existe. Si queremos llegar a la primavera nos detiene el invierno, y helada la imaginación entre la nieve y las escarchas, fallece.
Telle est la source du charme qu’on trouve à contempler une belle enfance préférablement à la perfection de l’âge mûr. Quand est-ce que nous goûtons un vrai plaisir à voir un homme ? c’est quand la mémoire de ses actions nous fait rétrograder sur sa vie, et le rajeunit, pour ainsi dire, à nos yeux. Si nous sommes réduits à le considérer tel qu’il est, ou à le supposer tel qu’il sera dans sa vieillesse, l’idée de la nature déclinante efface tout notre plaisir. Il n’y en a point à voir avancer un homme à grands pas vers sa tombe, et l’image de la mort enlaidit tout. Este es el origen del encanto que sentimos al contemplar una hermosa infancia con preferencia a la perfección de la edad madura. ¿:Cuándo disfrutamos de un gusto verdadero viendo a un hombre? Cuando la memoria de sus acciones hace que retrocedamos sobre su vida, rejuveneciéndole, por decirlo así, a nuestros ojos. Si nos vemos reducidos a contemplarle como él es, o suponerlo como ha de ser en su vejez, adquiere nuestro gusto la idea de la naturaleza decadente, que ninguno hay viendo a un hombre caminar a pasos acelerados hacia la tumba, y la imagen de la muerte lo entenebrece todo.
Mais quand je me figure un enfant de dix à douze ans, sain, vigoureux, bien formé pour son âge, il ne me fait pas naître une idée qui ne soit agréable, soit pour le présent, soit pour l’avenir : je le vois bouillant, vif, animé, sans souci rongeant, sans longue et pénible prévoyance, tout entier à son être actuel, et jouissant d’une plénitude de vie qui semble vouloir s’étendre hors de lui. Je le prévois dans un autre âge, exerçant le sens, l’esprit, les forces, qui se développent en lui de jour en jour, et dont il donne à chaque instant de nouveaux indices ; je le contemple enfant, et il me plaît ; je l’imagine homme, et il me plaît davantage ; son sang ardent semble réchauffer le mien ; je crois vivre de sa vie, et sa vivacité me rajeunit. Pero cuando me figuro a un niño de diez o doce años sano, robusto, bien formado para su edad, no me despierta ninguna idea que no sea grata para su presente y su futuro; le veo travieso, vivo, animado, sin inquietas previsiones, entregado al momento que vive y gozando una plenitud de vida que parece que se quiera extender a su alrededor. Me lo imagino en otra edad ejercitando los sentidos, el entendimiento, las fuerzas que en él se desarrollan de día en día; le veo niño, y me satisface; me lo imagino hombre, y me contenta más; su ardiente sangre parece que agite la mía; creo que vivo con su vida y su viveza me rejuvenece.
L’heure sonne, quel changement ! À l’instant son œil se ternit, sa gaieté s’efface ; adieu la joie, adieu les folâtres jeux. Un homme sévère et fâché le prend par la main, lui dit gravement : Allons, monsieur, et l’emmène. Dans la chambre où ils entrent j’entrevois des livres. Des livres ! quel triste ameublement pour son âge ! Le pauvre enfant se laisse entraîner, tourne un œil de regret sur tout ce qui l’environne, se tait, et part, les yeux gonflés de pleurs qu’il n’ose répandre, et le cœur gros de soupirs qu’il n’ose exhaler. Da la hora y ¡qué cambio! Se empañan al instante sus ojos y pierde la alegría; adiós gustos, adiós alborozados juegos. Un hombre severo, y rígido le coge de la mano y le dice con gravedad: «Vamos, niño», y se lo lleva. Veo que en la habitación donde entran hay libros. ¡Libros! ¡Qué objetos tan tristes para su edad! Se deja llevar el pobre niño, mira con desconsuelo todo lo que le rodea, calla, y se va con los ojos irritados por las lágrimas que refrena y lleno el pecho de sollozos que no se atreve a exhalar.
O toi qui n’as rien de pareil à craindre, toi pour qui nul temps de la vie n’est un temps de gêne et d’ennui ; toi qui vois venir le jour sans inquiétude, la nuit sans impatience, et ne comptes les heures que par tes plaisirs, viens, mon heureux, mon aimable élève, nous consoler par ta présence du départ de cet infortuné ; viens... Il arrive, et je sens à son approche un mouvement de joie que je lui vois partager. C’est son ami, son camarade, c’est le compagnon de ses jeux qu’il aborde ; il est bien sûr, en me voyant, qu’il ne restera pas longtemps sans amusement ; nous ne dépendons jamais l’un de l’autre, mais nous nous accordons toujours, et nous ne sommes avec personne aussi bien qu’ensemble. ¡Oh, tú, que no tienes que temer nada!, tú, para quien ningún tiempo de tu vida es de aburrimiento y violencia; tú, que ves llegar sin zozobra el día y sin impaciencia la noche y que cuentas las horas que faltan para tus juegos, ven, mi venturoso y amable discípulo; nos consolaremos con tu presencia de la ausencia de ese desdichado que te tiraniza. Ven... El se me acerca, y siento una satisfacción que la comparte. Su amigo, su camarada, el compañero de sus juegos es quien le llama; cuando me ve, está seguro de que no pasará mucho rato sin encontrar distracción; nunca dependemos uno del otro, pero siempre estamos de acuerdo y con nadie nos hallamos tan bien como estando juntos.
Sa figure, son port, sa contenance, annoncent l’assurance et le contentement ; la santé brille sur son visage ; ses pas affermis lui donnent un air de vigueur ; son teint, délicat encore sans être fade, n’a rien d’une mollesse efféminée ; l’air et le soleil y ont déjà mis l’empreinte honorable de son sexe ; ses muscles, encore arrondis, commencent à marquer quelques traits d’une physionomie naissante ; ses yeux, que le feu du sentiment n’anime point encore, ont au moins toute leur sérénité native[32], de longs chagrins ne les ont point obscurcis, des pleurs sans fin n’ont point sillonné ses joues. Voyez dans ses mouvements prompts, mais sûrs, la vivacité de son âge, la fermeté de l’indépendance, l’expérience des exercices multipliés. Il a l’air ouvert et libre, mais non pas insolent ni vain : son visage, qu’on n’a pas collé sur des livres, ne tombe point sur son estomac ; on n’a pas besoin de lui dire : Levez la tête ; la honte ni la crainte ne la lui firent jamais baisser. En su semblante, en su ademán, en su aspecto, se anuncian la alegría y la seguridad; brilla en su rostro la salud, sus firmes pasos acusan vigor, y su color, aunque se le vea delicado, nada tiene de afeminada molicie; ya le han estampado el aire y el sol el honroso cuño de su sexo, y a pesar de que todavía no se han afinado sus músculos, ya empieza a señalar algunos trazos de su naciente fisonomía; si aún no anima sus ojos el calor del sentimiento, tienen por lo menos su serenidad nativa, ya que no los han enturbiado las tristezas ni los llantos. Tiene un porte fácil y seguro, no insolente y vano; su rostro, que nunca se pegó a los libros, no le cae sobre el pecho, y no es necesario decirle que levante la cabeza, pues aún no se la hicieron bajar la vergüenza o el miedo.
Faisons-lui place au milieu de l’assemblée : messieurs, examinez-le, interrogez-le en toute confiance ; ne craignez ni ses importunités, ni son babil, ni ses questions indiscrètes. N’ayez pas peur qu’il s’empare de vous, qu’il prétende vous occuper de lui seul, et que vous ne puissiez plus vous en défaire. Hacedle lugar en medio de una reunión, señores; hacedle un sitio e interrogadle con toda confianza; no deis importancia ni a sus inoportunidades, ni a su hablar, ni a sus preguntas indiscretas. No tengáis miedo de que se apodere de vosotros, ni que pretenda que os ocupéis sólo de él y no podáis deshaceros de su presencia.
N’attendez pas non plus de lui des propos agréables, ni qu’il vous dise ce que je lui aurai dicté ; n’en attendez que la vérité naïve et simple, sans ornement, sans apprêt, sans vanité. Il vous dira le mal qu’il a fait ou celui qu’il pense, tout aussi librement que le bien, sans s’embarrasser en aucune sorte de l’effet que fera sur vous ce qu’il aura dit : il usera de la parole dans toute la simplicité de sa première institution. Tampoco esperéis de él propósitos agradables, ni que os manifieste lo que yo le había dictado; no esperéis otra cosa que la verdad ingenua y simple, sin adornos, sin afectación v sin vanidad. El os dirá el mal que vea, o lo que opiné sobre lo bueno, sin pensar en el efecto que cause en vosotros lo que haya dicho, y hará uso de la palabra con toda la simplicidad de su primera institución.
L’on aime à bien augurer des enfants, et l’on a toujours regret à ce flux d’inepties qui vient presque toujours renverser les espérances qu’on voudrait tirer de quelque heureuse rencontre qui par hasard leur tombe sur la langue. Si le mien donne rarement de telles espérances, il ne donnera jamais ce regret ; car il ne dit jamais un mot inutile, et ne s’épuise pas sur un babil qu’il sait qu’on n’écoute point. Ses idées sont bornées, mais nettes ; s’il ne sait rien par cœur, il sait beaucoup par expérience ; s’il lit moins bien qu’un autre enfant dans nos livres, il lit mieux dans celui de la nature ; son esprit n’est pas dans sa langue, mais dans sa tête ; il a moins de mémoire que de jugement ; il ne sait parler qu’un langage, mais il entend ce qu’il dit ; et s’il ne dit pas si bien que les autres disent, en revanche, il fait mieux qu’ils ne font. Agrada el presagiar bien de los niños y se siente siempre temor a este flujo de ineptitudes que casi siempre viene a desbaratar las esperanzas que quisiéramos fundar en alguna feliz ocurrencia que por azar les viene a la boca. Si el mío da raramente tales esperanzas, jamás ocasionará este sentimiento, pues no ha pronunciado nunca una palabra inútil, y no se lanza a hablar porque sabe que no se le escucha. Sus ideas son limitadas, pero limpias; si no sabe nada por la memoria, sabe mucho por experiencia; si lee con menos perfección que otro niño en nuestros libros, lee mejor en el de la naturaleza; su entendimiento no está en su lengua, sino en su cabeza; tiene menos memoria que juicio; sólo sabe un idioma, pero comprendo lo que dice, y si no habla tan bien como los otros, en recompensa obra mejor que los demás.
Il ne sait ce que c’est que routine, usage, habitude ; ce qu’il fit hier n’influe point sur ce qu’il fait aujourd’hui[33] : il ne suit jamais de formule, ne cède point à l’autorité ni à l’exemple, et n’agit ni ne parle que comme il lui convient. Ainsi n’attendez pas de lui des discours dictés ni des manières étudiées, mais toujours l’expression fidèle de ses idées et la conduite qui naît de ses penchants. Desconoce lo que es rutina, estilo, hábito; lo que hizo ayer no influye en lo que hace hoy ; no sigue fórmulas, ni se somete a la autoridad o al ejemplo, ni obra o habla sino como le es más cómodo. No esperéis, pues, de él discursos preparados, ni modales estudiados, sino la expresión fiel de sus ideas y la conducta que nace de sus inclinaciones.
Vous lui trouvez un petit nombre de notions morales qui se rapportent à son état actuel, aucune sur l’état relatif des hommes : et de quoi lui serviraient-elles, puisqu’un enfant n’est pas encore un membre actif de la société ? Parlez-lui de liberté, de propriété, de convention même ; il peut en savoir jusque-là, il sait pourquoi ce qui est à lui est à lui, et pourquoi ce qui n’est pas à lui n’est pas à lui : passé cela, il ne sait plus rien. Parlez-lui de devoir, d’obéissance, il ne sait ce que vous voulez dire ; commandez-lui quelque chose, il ne vous entendra pas ; mais dites-lui : Si vous me faisiez tel plaisir, je vous le rendrais dans l’occasion ; à l’instant il s’empressera de vous complaire, car il ne demande pas mieux que d’étendre son domaine, et d’acquérir sur vous des droits qu’il sait être inviolables. Peut-être même n’est-il pas fâché de tenir une place, de faire nombre, d’être compté pour quelque chose ; mais s’il a ce dernier motif, le voilà déjà sorti de la nature, et vous n’avez pas bien bouché d’avance toutes les portes de la vanité. Le encontraréis un insignificante número de nociones morales que se refieren a su actual estado, pero ninguna acerca del estado relativo de los hombres; ¿:y de qué le servirían, si un niño aún no es miembro activo de la sociedad? Habladle de libertad, de propiedad y de la misma convención; puede saber y sabe por qué no debe hacer daño a otro, para que no se lo hagan a él; por qué lo suyo es suyo, y por qué lo ajeno no le pertenece; al pasar de esto, ya no sabe nada más. Habladle de deber, de obediencia, y no entiende lo que queréis decir; ordenadle algo, y no os comprenderá, pero decidle: «Si me haces tal favor te lo recompensaré cuando se presente la ocasión», y al instante se apresurará a complaceros, porque lo que más anhela es ensanchar su dominio y lograr derechos que sabe que son inviolables. Quizá no desee ocupar un lugar, hacer el hombre y ser considerado en algo, pero si este último motivo le incita, se ha salido de la naturaleza, porque no habéis cerrado bien de antemano todas las puertas de la vanidad.
De son côté, s’il a besoin de quelque assistance, il la demandera indifféremment au premier qu’il rencontre ; il la demanderait au roi comme à son laquais : tous les hommes sont encore égaux à ses yeux. Vous voyez, à l’air dont il prie, qu’il sent qu’on ne lui doit rien ; il sait que ce qu’il demande est une grâce. Il sait aussi que l’humanité porte à en accorder. Ses expressions sont simples et laconiques. Sa voix, son regard, son geste sont d’un être également accoutumé à la complaisance et au refus. Ce n’est ni la rampante et servile soumission d’un esclave, ni l’impérieux accent d’un maître ; c’est une modeste confiance en son semblable, c’est la noble et touchante douceur d’un être libre, mais sensible et faible, qui implore l’assistance d’un être libre, mais fort et bienfaisant. Si vous lui accordez ce qu’il vous demande, il ne vous remerciera pas, mais il sentira qu’il a contracté une dette. Si vous le lui refusez, il ne se plaindra point, il n’insistera point, il sait que cela serait inutile. Il ne se dira point : On m’a refusé ; mais il se dira : Cela ne pouvait pas être ; et, comme je l’ai déjà dit, on ne se mutine guère contre la nécessité bien reconnue. Por su parte, si necesita algún auxilio, se le pedirá indistintamente al primero que encuentre, al monarca lo mismo que a su servidor. Hasta ahora, para él, todos los hombres son iguales. Por la forma de haceros el ruego, os dais cuenta de que reconoce que no le debéis nada; sabe que lo que solicita es gracia. Sabe también que la humanidad se inclina a otorgarla. Sus expresiones son simples y lacónicas; su voz, su mirada, su semblante, indican un ser tan acostumbrado a que le concedan lo que solicita como que se lo nieguen; que ni tiene la rastrera y servil sumisión de un esclavo ni el acento imperioso de un amo, sino una humilde confianza en su semejante, la noble y dulce ternura de un ser libre, pero sensible y débil, que solicita la asistencia de otro ser libre, pero fuerte y benéfico. Si le concedéis lo que quiere, no os dará las gracias, pero reconocerá que ha contraído una deuda. Si no se lo otorgáis, no se lamentará, ni insistirá, pues sabe que sería inútil. No dirá que lo han negado, pero sí dirá que no podía ser, y nadie se enoja contra la necesidad reconocida.
Laissez-le seul en liberté, voyez-le agir sans lui rien dire ; considérez ce qu’il fera et comment il s’y prendra. N’ayant pas besoin de se prouver qu’il est libre, il ne fait jamais rien par étourderie, et seulement pour faire un acte de pouvoir sur lui-même : ne sait-il pas qu’il est toujours maître de lui ? Il est alerte, léger, dispos ; ses mouvements ont toute la vivacité de son âge, mais vous n’en voyez pas un qui n’ait une fin. Quoi qu’il veuille faire, il n’entreprendra jamais rien qui soit au-dessus de ses forces, car il les a bien éprouvées et les connaît ; ses moyens seront toujours appropriés à ses desseins, et rarement il agira sans être assuré du succès. Il aura l’œil attentif et judicieux ; il n’ira pas niaisement interrogeant les autres sur tout ce qu’il voit ; mais il l’examinera lui-même et se fatiguera pour trouver ce qu’il veut apprendre, avant de le demander. S’il tombe dans des embarras imprévus, il se troublera moins qu’un autre ; s’il y a du risque, il s’effrayera moins aussi. Comme son imagination reste encore inactive, et qu’on n’a rien fait pour l’animer, il ne voit que ce qui est, n’estime les dangers que ce qu’ils valent, et garde toujours son sang-froid. La nécessité s’appesantit trop souvent sur lui pour qu’il regimbe encore contre elle ; il en porte le joug dès sa naissance, l’y voilà bien accoutumé ; il est toujours prêt à tout. Dejadle solo, en libertad, y observad lo que hace sin decirle nada y del modo que lo hace. No teniendo que demostrarle que es libre, nunca hace nada por atolondramiento, y sólo para demostrarse a sí mismo su capacidad. ¿:No sabe que él es siempre dueño de sí mismo? Es ágil y dispuesto; sus movimientos poseen la viveza propia de su edad, pero ni uno deja de ir encaminado a un fin. Nunca emprenderá nada que exceda sus fuerzas, porque las tiene probadas y las sabe; sus medios siempre serán apropiados a sus anhelos, y raramente obrará sin estar seguro de alcanzar lo que quiere. Sus ojos pondrán atención, y no hará preguntas necias a los demás sobre lo que ve, pero observará por sí mismo y se esforzará para averiguar lo que desee saber antes de preguntarlo. Si se encuentra en alguna dificultad imprevista, se aturdirá menos que otro; si hay peligro, también se asustará menos. Como su imaginación todavía está inactiva, y no hemos realizado nada para avivarla, no ve más que lo que hay; sólo valúa los riesgos en lo que son, y guarda siempre su equilibrio. La necesidad le oprime con sobrada frecuencia para que él se revuelva, y como lleva el yugo desde su nacimiento, se ha habituado a él y está siempre dispuesto a todo.
Qu’il s’occupe ou qu’il s’amuse, l’un et l’autre est égal pour lui ; ses jeux sont ses occupations, il n’y sent point de différence. Il met à tout ce qu’il fait un intérêt qui fait rire et une liberté qui plaît, en montrant à la fois le tour de son esprit et la sphère de ses connaissances. N’est-ce pas le spectacle de cet âge, un spectacle charmant et doux, de voir un joli enfant, l’œil vif et gai, l’air content et serein, la physionomie ouverte et riante, faire, en se jouant, les choses les plus sérieuses, ou profondément occupé des plus frivoles amusements ? El que esté ocupado o el que se divierta, las dos cosas son para él indiferentes; sus juegos son sus ocupaciones, y no ve ninguna distinción. En todo lo que hace pone un interés que causa risa y no hay trabas que le detengan, demostrando el grado de su inteligencia y la esfera de sus conocimientos. ¿:No es un espectáculo propio de esa edad, espectáculo que encanta y conmueve el ver un hermoso niño, alegres y vivos los ojos, sereno y risueño, hacer jugando las cosas más serias, o profundamente ocupado en los más frívolos entretenimientos?
Voulez-vous à présent le juger par comparaison ? Mêlez-le avec d’autres enfants, et laissez-le faire. Vous verrez bientôt lequel est le plus vraiment formé, lequel approche le mieux de la perfection de leur âge. Parmi les enfants de la ville, nul n’est plus adroit que lui, mais il est plus fort qu’aucun autre. Parmi de jeunes paysans, il les égale en force et les passe en adresse. Dans tout ce qui est à portée de l’enfance, il juge, il raisonne, il prévoit mieux qu’eux tous. Est-il question d’agir, de courir, de sauter, d’ébranler des corps, d’enlever des masses, d’estimer des distances, d’inventer des jeux, d’emporter des prix ? on dirait que la nature est à ses ordres, tant il sait aisément plier toute chose à ses volontés. Il est fait pour guider, pour gouverner ses égaux : le talent, l’expérience, lui tiennent lieu de droit et d’autorité. Donnez-lui l’habit et le nom qu’il vous plaira, peu importe, il primera partout, il deviendra partout le chef des autres ; ils sentiront toujours sa supériorité sur eux ; sans vouloir commander, il sera le maître ; sans croire obéir, ils obéiront. ¿:Queréis ahora juzgarle por comparación? Colocadle al lado de otros niños y dejadle actuar; pronto comprobaréis cuál está más verdaderamente formado, cuál se aproxima más a la perfección según su edad. El es más hábil y más fuerte que los niños de la ciudad. A los lugareños de sus mismos años les iguala en fuerza y les aventaja en destreza. Todo cuanto está al alcance de la infancia, lo juzga, lo razona y lo prevé mejor que los demás. ¿:Es cuestión de obrar, correr, saltar, mover cuerpos levantar pesos, medir distancias, inventar juegos, ganar premios? Diríamos que tiene la naturaleza a sus órdenes según la facilidad con que todo lo vence. Su destino es guiar y gobernar a sus iguales, el talento y la experiencia le proporcionan el derecho y la autoridad. Dadle el traje y el nombre que os plazca, que poco importa; en todas partes tendrá la primacía y será jefe de los demás, quienes reconocerán su superioridad sobre ellos; sin querer mandar, será el amo y le obedecerán sin notar que le obedecen.
Il est parvenu à la maturité de l’enfance, il a vécu de la vie d’un enfant, il n’a point acheté sa perfection aux dépens de son bonheur ; au contraire, ils ont concouru l’un à l’autre. En acquérant toute la raison de son âge, il a été heureux et libre autant que sa constitution lui permettait de l’être. Si la fatale faux vient moissonner en lui la fleur de nos espérances, nous n’aurons point à pleurer à la fois sa vie et sa mort, nous n’aigrirons point nos douleurs du souvenir de celles que nous lui aurons causées ; nous nous dirons : Au moins il a joui de son enfance ; nous ne lui avons rien fait perdre de ce que la nature lui avait donné. Ha llegado a la madurez de la infancia, ha vivido la vida del niño, no ha comprado su perfección a costa de su felicidad; por el contrario, una ha contribuido a la otra. Al conseguir la plenitud de la razón de su edad, ha sido venturoso y libre en cuanto su constitución lo permitía. Si la hoz fatal viene a- segar en él la flor de nuestras esperanzas, no deberemos llorar a un mismo tiempo su vida y su muerte, no agravaremos nuestro dolor con el recuerdo de lo que le hayamos causado; nosotros diremos: «Por lo menos gozó de su infancia; nada le hicimos perder de todo lo que la naturaleza le había concedido».
Le grand inconvénient de cette première éducation est qu’elle n’est sensible qu’aux hommes clairvoyants, et que, dans un enfant élevé avec tant de soin, des yeux vulgaires ne voient qu’un polisson. Un précepteur songe à son intérêt plus qu’à celui de son disciple ; il s’attache à prouver qu’il ne perd pas son temps, et qu’il gagne bien l’argent qu’on lui donne ; il le pourvoit d’un acquis de facile étalage et qu’on puisse montrer quand on veut ; il n’importe que ce qu’il lui apprend soit utile, pourvu qu’il se voie aisément. Il accumule, sans choix, sans discernement, cent fatras dans sa mémoire. Quand il s’agit d’examiner l’enfant, on lui fait déployer sa marchandise ; il l’étale, on est content ; puis il replie son ballot, et s’en va. Mon élève n’est pas si riche, il n’a point de ballot à déployer, il n’a rien à montrer que lui-même. Or un enfant, non plus qu’un homme, ne se voit pas en un moment. Où sont les observateurs qui sachent saisir au premier coup d’œil les traits qui le caractérisent ? Il en est, mais il en est peu ; et sur cent mille pères, il ne s’en trouvera pas un de ce nombre. El gran inconveniente de esta primera educación es que sólo la aprecian los hombres clarividentes, y un niño educado tan juiciosamente sería reputado por ojos vulgares como un polizón. Un preceptor sueña más en su interés que en el de su discípulo; se dedica a probar que no pierde el tiempo y que merece el dinero que le dan a cambio; le educa de forma que se pueda lucir cuando quiera; no importa que sea inútil lo que enseña con tal que se vea con facilidad. Acumula sin elección ni discernimiento un gran fárrago en su memoria. Cuando se trata de examinar al niño, le hacen desenvolver su mercancía; la enseña, quedan satisfechos, después vuelve a recoger su bulto y se va. Mi alumno no es tan rico ni tiene bulto para enseñar ni otra cosa que mostrar que él mismo. No obstante, un niño, lo mismo que un hombre, no se ve en un momento. ¿:Dónde están los observadores que a la primera ojeada saben distinguir los rasgos que le caracterizan? Sí los hay, pero pocos, y entre cien mil padres, no se encontrará ni uno que merezca ese nombre.
Les questions trop multipliées ennuient et rebutent tout le monde, à plus forte raison les enfants. Au bout de quelques minutes leur attention se lasse, ils n’écoutent plus ce qu’un obstiné questionneur leur demande, et ne répondent plus qu’au hasard. Cette manière de les examiner est vaine et pédantesque ; souvent un mot pris à la volée peint mieux leur sens et leur esprit que ne feraient de longs discours ; mais il faut prendre garde que ce mot ne soit ni dicté ni fortuit. Il faut avoir beaucoup de jugement soi-même pour apprécier celui d’un enfant. Las preguntas multiplicadas con exceso enojan y aburren a todo el mundo, y con más razón a los niños. Al cabo de algunos minutos su atención se relaja, no escuchan más que a un obstinado preguntón que les inquiere y le responden a la ventura. Esta manera de examinarles es vana y pedantesca; frecuentemente una palabra cogida al vuelo atrae mejor su inteligencia y su sentido que largos discursos, pero es preciso guardarse de que esta palabra no sea ni dictada ni fortuita. Hay que tener mucho juicio para apreciar el de un niño.
J’ai ouï raconter à feu milord Hyde qu’un de ses amis, revenu d’Italie après trois ans d’absence, voulut examiner les progrès de son fils âgé de neuf à dix ans. Ils vont un soir se promener avec son gouverneur et lui dans une plaine où des écoliers s’amusaient à guider des cerfs-volants. Le père en passant dit à son fils : Où est le cerf-volant dont voilà l’ombre ? Sans hésiter, sans lever la tête, l’enfant dit : Sur le grand chemin. Et en effet, ajoutait milord Hyde, le grand chemin était entre le soleil et nous. Le père, à ce mot, embrasse son fils, et, finissant là son examen, s’en va sans rien dire. Le lendemain il envoya au gouverneur l’acte d’une pension viagère outre ses appointements. Le oí contar al difunto lord Hyde que al regresar de Italia uno de sus amigos, después de tres años de ausencia, quiso examinar el progreso de su hijo, que tenía nueve o diez años. Se fueron una tarde a pasear con su preceptor y con él por un llano donde se estaban divirtiendo unos escolares elevando cometas. Al pasar, el padre le dijo a su hijo: «¿:Dónde está la cometa cuya sombra vemos?». Sin pararse ni alzar la cabeza, contestó el niño: «Sobre la carretera». «Efectivamente, añadía lord Hyde, la carretera estaba entre el sol y nosotros.» El padre abrazó a su hijo; tras el examen, se fue sin decir nada. A la mañana siguiente envió al ayo el acta de una pensión vitalicia, además de sus honorarios.
Quel homme que ce père-là ! et quel fils lui était promis ! La question est précisément de l’âge : la réponse est bien simple ; mais voyez quelle netteté de judiciaire enfantine elle suppose ! C’est ainsi que l’élève d’Aristote apprivoisait ce coursier célèbre qu’aucun écuyer n’avait pu dompter. ¡Qué hombre este padre! ¡Y qué hijo podía prometerse! La pregunta era propia para la edad del niño y la respuesta era bien simple, pero véase la claridad de juicio infantil que supone. Así amansaba el alumno de Aristóteles a aquel célebre caballo que no había podido domar ningún jinete.

Fin du Livre deuxieme.

Fin del segundo libro.{/h4>











N O T A S

[1] Lib. I, cap. 6. G. P. …
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[2] Il n’y a rien de plus ridicule et de plus mal assuré que la démarche des gens qu’on a trop menés par la lisière étant petits : c’est encore une de ces observations triviales à force d’être justes et qui sont justes en plus d’un sens. • No hay forma de andar más ridícula ni menos firme que la de las personas que de niños han llevado mucho los andadores; ésta es una de las observaciones tan patentes que son archisabidas y que se comprueban con frecuencia.
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[3] On conçoit que je parle ici des hommes qui réfléchissent, et non pas de tous les hommes. • Ya se comprende que hablo aquí de los hombres que reflexionan y no de todos.
• Un cuidado extremo pone el hombre en la prolongación de su ser y a ello provee por toda suerte de medios...; todo lo llevamos con nosotros; nadie piensa lo bastante que solamente es uno...; cuanto más amplificamos nuestra posesión tanto más nos sometemos a los azares de la fortuna. El curso de nuestros deseos debe circunscribirse y limitarse al corto espacio de las comodidades más próximas. Los actos que no se ajustan a esta reflexión, necesariamente son erróneos (Montaigne, Lib. 3, cap. X).








[4] Ce petit garçon que vous voyez là, disait Thémistocle à ses amis, est l’arbitre de la Grèce ; car il gouverne sa mère, sa mère me gouverne, je gouverne les Athéniens, et les Athéniens gouvernent les Grecs. Oh ! quels petits conducteurs on trouverait souvent aux plus grand empires, si du prince on descendait par degrés jusqu’à la première main qui donne le branle en secret. • Ese chicuelo que ahí veis es el árbitro de la Grecia, decía Temístocles a sus amigos, porque él gobierna a su madre, su madre me gobierna a mí, yo gobierno a los atenienses y los atenienses gobiernan a los griegos». ¡Oh, qué de pequeños conductores se encontrarían a veces en los mayores imperios si se descendiera por grados desde el príncipe hasta la primera mano que da el impulso secreto!








[5] Dans mes Principes du Droit politique, il est démontré nulle volonté particulière ne peut être ordonnée dans le système social. • En mis Principios de Derecho Político se demuestra que en el sistema social ninguna voluntad particular puede ser ornada.
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[6] On doit sentir que, comme la peine est souvent une nécessité, le plaisir est quelquefois un besoin. Il n’y a donc qu’un seul désir des enfants auquel on ne doive jamais complaire : c’est celui de se faire obéir. D’où il suit que, dans tout ce qu’ils demandent, c’est surtout au motif qui les porte à demander qu’il faut faire attention. Accordez-leur, tant qu’il est possible, tout ce qui peut leur faire un plaisir réel ; refusez-leur toujours ce qu’ils ne demandent que par fantaisie ou pour faire un acte d’autorité.
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• Debe comprenderse que así como la pena es muchas veces inevitable, el placer a veces es necesidad. Un solo deseo hay en los niños con el que nunca se debe transigir, el de hacer que los obedezcan. De donde se deduce que en todo cuanto piden es preciso buscar con atención el motivo que les mueve a pedirlo. Otorgadles en lo posible todo lo que les puede causar un placer real, pero negadles siempre lo que solamente solicitan por antojo o por ejercer un acto de autoridad.
[7] On doit être sûr que l’enfant traitera de caprice toute volonté contraire à la sienne, et dont il ne sentira pas la raison. Or, un enfant ne sent la raison de rien dans tout ce qui choque ses fantaisies.
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• Debemos estar seguros de que el niño mirará como capricho toda voluntad contraria a la suya y cuya causa no conozca. Un niño no alcanza el motivo de aquello que se opone a sus caprichos.
[8] On ne doit jamais souffrir qu’un enfant se joue aux grandes personnes comme avec ses inférieurs, ni même comme avec ses égaux. S’il osait frapper sérieusement quelqu’un, fût-ce son laquais, fût-ce le bourreau, faites qu’on lui rende toujours ses coups avec usure, et de manière à lui ôter l’envie d’y revenir. J’ai vu d’imprudentes gouvernantes animer la mutinerie d’un enfant, l’exciter à battre, s’en laisser battre elles-mêmes, et rire de ses faibles coups, sans songer qu’ils étaient autant de meurtres dans l’intention du petit furieux, et que celui qui veut battre étant jeune, voudra tuer étant grand.








• Jamás debe consentirse que un niño trate a los mayores como a inferiores, ni siquiera como a iguales suyos. Si tuviera la osadía de pegar a alguien, aunque fuese su lacayo, aunque fuera el verdugo, haced que éste le devuelva los golpes de tal forma que no le queden ganas de repetirlo. He visto a niñeras imprudentes que provocan y excitan la cólera de las criaturas excitándolas a que se peguen, dejándose pegar y riéndose de sus débiles golpes, sin comprender que en la intención del niño enfurecido hay un instinto homicida, y que el que quiere pegar cuando es pequeño, querrá matar cuando sea mayor.
[9] Voilà pourquoi la plupart des enfants veulent ravoir ce qu’ils ont donné, et pleurent quand on ne le leur veut pas rendre. Cela leur arrive plus quand ils ont bien conçu ce que c’est que don : seulement ils sont alors plus circonspects à donner.
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• Por eso la mayor parte de los niños quieren volver a coger lo que han dado y lloran cuando no se lo devuelven. Pero dejan de reclamarlo cuando han comprendido lo que es una donación, aunque entonces son más cautelosos en dar.
[10] Au reste, quand ce devoir de tenir ses engagements ne serait pas affermi dans l’esprit de l’enfant par le poids de son utilité, bientôt le sentiment intérieur, commençant à poindre, le lui imposerait comme une loi de la conscience, comme un principe inné qui n’attend pour se développer que les connaissances auxquelles il s’applique. Ce premier trait n’est point marqué par la main des hommes, mais gravé dans nos cœurs par l’auteur de toute justice. Otez la loi primitive des conventions et l’obligation qu’elle impose, tout est illusoire et vain dans la société humaine. Qui ne tient que par son profit à sa promesse n’est guère plus lié que s’il n’eût rien promis ; ou tout au plus il en sera du pouvoir de la violer comme de la bisque des joueurs, qui ne tardent à s’en prévaloir que pour attendre le moment de s’en prévaloir avec plus d’avantage. Ce principe est de la dernière importance, et mérite d’être approfondi ; car c’est ici que l’homme commence à se mettre en contradiction avec lui-même.
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• Por otra parte, aunque esta obligación de cumplir su palabra no la fundamentara en el ánimo del niño la fuerza de su utilidad, pronto el sentimiento interno, que ya empieza a dar señales, se le impondría como ley de la conciencia, como principio innato que para desenvolverse sólo espera los conocimientos a que se aplica. Este rasgo primero no es señalado por la mano de los hombres, puesto que está grabado en nuestros corazones por el autor de toda justicia. Si se quita la primitiva ley de las convenciones y la obligación que impone, todo en la sociedad humana es ilusorio y vano. El que cumple una promesa sólo por su utilidad, está poco más ligado que si no hubiese prometido nada, o cuando más se servirá de la facultad de violarlas, como hacen los jugadores de pelota con las faltas, que si se las pasan a sus contrarios cuando pueden hacerlo no corren el riesgo de perder el juego. Este principio es muy importante y merecedor de que se profundice, ya que aquí es donde empieza el hombre a estar en contradicción consigo mismo.
[11] Comme, lorsque accusé d’une mauvaise action, le coupable s’en défend en se disant honnête homme. Il ment alors dans le fait et dans le droit.
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• Igual que un acusado se defiende de un delito insistiendo en que es un hombre de bien; entonces dice mentira de hecho y de derecho.
[12] Rien n’est plus indiscret qu’une pareille question, surtout quand l’enfant est coupable : alors, s’il croit que vous savez ce qu’il a fait, il verra que vous lui tendez un piège, et cette opinion ne peut manquer de l’indisposer contre vous. S’il ne le croit pas, il se dira : Pourquoi découvrirais-je ma faute ? Et voilà la première tentation du mensonge devenue l’effet de votre imprudente question.
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• Al hacer semejante pregunta se comete una gran imprudencia, principalmente si el niño tiene la culpa. Si cree que nosotros ya sabemos lo que ha hecho, pensará que le tendemos un lazo, y esta opinión puede dar motivo a indisponerle con nosotros. Si no lo cree, se dirá: «¿:Por qué he de descubrir mi culpa?» Por consiguiente, su primera tentación de mentir no es más que el efecto de nuestra imprudente pregunta.
[13] On doit concevoir que je ne résous pas ses questions quand il lui plaît, mais quand il me plaît ; autrement ce serait m’asservir à ses volontés, et me mettre dans la plus dangereuse dépendance ou un gouverneur puisse être de son élève.
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• Se ha de entender que contesto a estas preguntas no cuando él quiere, sino cuando yo lo considero oportuno; si hiciera de otro modo, me sujetaría a su voluntad y terminaría sometiéndome a la más peligrosa dependencia en que pueda vivir un ayo respecto de su alumno.
[14] Le précepte de ne jamais nuire à autrui emporte celui de tenir à la société humaine le moins qu’il est possible ; car, dans l’état social, le bien de l’un fait nécessairement le mal de l’autre. Ce rapport est dans l’essence de la chose, et rien ne saurait le changer. Qu’on cherche sur ce principe lequel est le meilleur, de l’homme social ou du solitaire. Un auteur illustre dit qu’il n’y a que le méchant qui soit seul ; moi je dis qu’il n’y a que le bon qui soit seul. Si cette proposition est moins sentencieuse, elle est plus vraie et mieux raisonnée que la précédente. Si le méchant était seul, quel mal ferait-il ? C’est dans la société qu’il dresse ses machines pour nuire aux autres. Si l’on veut rétorquer cet argument pour l’homme de bien, je réponds par l’article auquel appartient cette note.
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• El principio de no hacer daño a nadie lleva consigo el de ligarse lo menos posible con la sociedad humana, debido a que en el estado social el bien de uno constituye necesariamente el mal de otro. Este producto está en la esencia de las cosas, y nadie lo podría cambiar. Cuando se busca sobre este principio cuál es el mejor, si el hombre solitario o el hombre social, un autor ilustre ha dicho que únicamente el malo es el que está solo, y yo digo que quien está solo es el bueno. Si esta proposición es menos sentenciosa, por lo menos se puede decir que es más cierta y más razonada que la otra. Qué daño puede hacer el malvado estando solo? Es entre la sociedad donde procura dañar a los demás. Si dan un cambio a este argumento en favor del hombre de bien, me remito al artículo a que se refiere esta nota.
• El abate de Condillac.
[15] J’ai fait cent fois réflexion, en écrivant, qu’il est impossible, dans un long ouvrage, de donner toujours les mêmes sens aux mêmes mots. Il n’y a point de langue assez riche pour fournir autant de termes, de tours et de phrases que nos idées peuvent avoir de modifications. La méthode de définir tous les termes, et de substituer sans cesse la définition à la place du défini, est belle, mais impraticable ; car comment éviter le cercle ? Les définitions pourraient être bonnes si l’on n’employait pas des mots pour les faire. Malgré cela, je suis persuadé qu’on peut être clair, même dans la pauvreté de notre langue, non pas en donnant toujours les mêmes acceptions aux mêmes mots, mais en faisant en sorte, autant de fois qu’on emploie chaque mot, que l’acception qu’on lui donne soit suffisamment déterminée par les idées qui s’y rapportent, et que chaque période où ce mot se trouve lui serve, pour ainsi dire, de définition. Tantôt je dis que les enfants sont incapables de raisonnement, et tantôt je les fais raisonner avec assez de finesse. Je ne crois pas en cela me contredire dans mes idées, mais je ne puis disconvenir que je ne me contredise souvent dans mes expressions.
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• Al escribir, he reflexionado mucho sobre si era posible en una obra de cierta extensión dar a una misma palabra el mismo significado, puesto que no hay ningún idioma que tenga vocabulario tan rico capaz de ofrecer los términos, locuciones y frases necesarias para dar la significación adecuada a cada una de las modificaciones que puedan tener nuestras ideas. El método de definir todos los términos, y sin cesar de sustituir la definición de lo definido, es perfecto, pero no es practicable, y entonces, ¿:cómo evitar el círculo? Las definiciones podrían ser buenas si para emplearlas no se tuviesen que emplear palabras. No obstante, tengo la convicción de que se puede ser claro, aun en nuestra pobre lengua, pero no dando siempre la misma acepción a las mismas palabras, sino haciendo de manera que cada vez que se use una voz, la determinación que se le dé quede expresada por la relación que tenga con las otras palabras, y de esta forma quede definida por el período donde la voz se halle. Unas veces digo que los niños no son capaces de razonar, y otras veces procuro que lo hagan con bastante sutileza, y en esto no creo que se contradigan mis ideas, pero me veo obligado a confesar que muchas veces encontraremos contradicción en mis expresiones.
[16] La plupart des savants le sont à la manière des enfants. La vaste érudition résulte moins d’une multitude d’idées que d’une multitude d’images. Les dates, les noms propres, les lieux, tous les objets isolés ou dénués d’idées, se retiennent uniquement par la mémoire des signes, et rarement se rappelle-t-on quelqu’une de ces choses sans voir en même temps le recto ou le verso de la page où on l’a lue, ou la figure sous laquelle on la vit la première fois. Telle était à peu près la science à la mode des siècles derniers. Celle de notre siècle est autre chose : on n’étudie plus, on n’observe plus ; on rêve, et l’on nous donne gravement pour de la philosophie les rêves de quelques mauvaises nuits. On me dira que je rêve aussi ; j’en conviens : mais ce que les autres n’ont garde de faire, je donne mes rêves pour des rêves, laissant chercher au lecteur s’ils ont quelque chose d’utile aux gens éveillés.
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• La mayor parte de los sabios lo son de un modo semejante a como lo son los niños. Resulta menos la vasta erudición de′ una multitud de ideas que de un gran número de imágenes. Los datos, los nombres propios, los lugares, todos los objetos aislados o privados, sólo los retiene la memoria por los si nos, y muy pocas veces nos acordamos de ellos sin ver al mismo tiempo el revés o el derecho de las páginas donde las leímos o la lámina donde por primera vez las vimos. Esta era la ciencia de moda durante los siglos pasados. La del nuestro es distinta, pues ni se estudia, ni se observa; se sueña, y con mucha gravedad nos venden por filosofía los sueños de algunas malas noches. Ya sé que me contestarán que yo también sueño; de acuerdo, pero al revés de lo que hacen los demás, mis sueños los vendo como sueños y dejo al lector que averigüe si pueden servir para algo a las personas despiertas.
[17] C’est la seconde, et non la première, comme l’a très bien remarqué M. Formey.
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• Es la segunda y no la primera, como ha subrayado muy bien Formey.
[18] En cas pareil, on peut sans risque exiger d’un enfant la vérité, car il sait bien alors qu’il ne saurait la déguiser, et que, s’il osait dire un mensonge, il en serait à l’instant convaincu.
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• En caso parecido podemos exigir del niño la verdad porque entonces sabe que no puede negar, y que si se atreviese a decir una mentira, al instante se le descubriría.
[19] Comme si les petits paysans choisissaient la terre bien sèche pour s’y asseoir ou pour s’y coucher, et qu’on eût jamais ouï dire que l’humidité de la terre eût fait du mal à pas un d’eux. À écouter la-dessus les médecins, on croirait les sauvages tout perclus de rhumatismes.
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• Como si los niños de los pueblos escogieran la tierra muy seca para sentarse o acostarse, o se hubiera oíd. decir nunca que a humedad de la tierra ha hecho daño a uno siquiera. Si escuchásemos a los médicos sobre este asunto, creeríamos que todos los salvajes están baldados por el reumatismo.
[20] Cet effroi devient très manifeste dans les grandes éclipses de soleil.
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• Este miedo se manifiesta muy claramente en los eclipses de sol.
[21] En voici encore une autre cause bien expliquée par un philosophe dont je cite souvent le livre, et dont les grandes vues m’instruisent encore plus souvent. « Lorsque, par des circonstances particulières, nous ne pouvons avoir une idée juste de la distance, et que nous ne pouvons juger des objets que par la grandeur de l’angle ou plutôt de l’image qu’ils forment dans nos yeux, nous nous trompons alors nécessairement sur la grandeur de ces objets. Tout le monde a éprouvé qu’en voyageant la nuit on prend un buisson dont on est près pour un grand arbre dont on est loin, ou bien on prend un grand arbre éloigné pour un buisson qui est voisin ; de même, si on ne connaît pas les objets par leur forme, et qu’on ne puisse avoir par ce moyen aucune idée de distance, on se trompera encore nécessairement. Une mouche qui passera avec rapidité à quelques pouces de distance de nos yeux nous paraîtra dans ce cas être un oiseau qui en serait à une très grande distance ; un cheval qui serait sans mouvement dans le milieu d’une campagne, et qui serait dans une attitude semblable, par exemple, à celle d’un mouton, ne nous paraîtra plus qu’un gros mouton, tant que nous ne reconnaîtrons pas que c’est un cheval ; mais, dès que nous l’aurons reconnu, il nous paraîtra dans l’instant gros comme un cheval, et nous rectifierons sur-le-champ notre premier jugement. « Toutes les fois qu’on se trouvera dans la nuit dans des lieux inconnus où l’on ne pourra juger de la distance, et où l’on ne pourra reconnaître la forme des choses à cause de l’obscurité, on sera en danger de tomber à tout instant dans l’erreur au sujet des jugements que l’on fera sur les objets qui se présenteront. C’est de là que vient la frayeur et l’espèce de crainte intérieure que l’obscurité de la nuit fait sentir à presque tous les hommes ; c’est sur cela qu’est fondée l’apparence des spectres et des figures gigantesques et épouvantables que tant de gens disent avoir vus. On leur répond communément que ces figures étaient dans leur imagination ; cependant elles pouvaient être réellement dans leur yeux, et il est très possible qu’ils aient en effet vu ce qu’ils disent avoir vu ; car il doit arriver nécessairement, toutes les fois qu’on ne pourra juger d’un objet que par l’angle qu’il forme dans l’œil, que cet objet inconnu grossira et grandira à mesure qu’on en sera plus voisin ; et que s’il a d’abord paru au spectateur, qui ne peut connaître ce qu’il voit ni juger à quelle distance il le voit ; que s’il a paru, dis-je, d’abord de la hauteur de quelques pieds lorsqu’il était à la distance de vingt ou trente pas, il doit paraître haut de plusieurs toises lorsqu’il n’en sera plus éloigné que de quelques pieds ; ce qui doit en effet l’étonner et l’effrayer jusqu’à ce qu’enfin il vienne à toucher l’objet ou à le reconnaître car, dans l’instant même qu’il reconnaîtra ce que c’est, cet objet, qui lui paraissait gigantesque, diminuera tout à coup, et ne lui paraîtra plus avoir que sa grandeur réelle ; mais, si l’on fuit ou qu’on n’ose approcher, il est certain qu’on n’aura d’autre idée de cet objet que celle de l’image qu’il formait dans l’œil, et qu’on aura réellement vu une figure gigantesque ou épouvantable par la grandeur et par la forme. Le préjugé des spectres est donc fondé dans la nature, et ces apparences ne dépendent pas, comme le croient les philosophes, uniquement de l’imagination. » (Hist. nat., t.VI, p. 22, in-12.) J’ai tâché de montrer dans le texte comment il en dépend toujours en partie, et, quant à la cause expliquée dans ce passage, on voit que l’habitude de marcher la nuit doit nous apprendre à distinguer les apparences que la ressemblance des formes et la diversité des distances font prendre aux objets à nos yeux dans l’obscurité ; car, lorsque l’air est encore assez éclairé pour nous laisser apercevoir les contours des objets, comme il y a plus d’air interposé dans un plus grand éloignement, nous devons toujours voir ces contours moins marqués quand l’objet est plus loin de nous ; ce qui suffit à force d’habitude pour nous garantir de l’erreur qu’explique ici M. de Buffon. Quelque explication qu’on préfère, ma méthode est donc toujours efficace, et c’est ce que l’expérience confirme parfaitement.
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• Otra causa la explica del siguiente modo un filósofo cuyo Ebro cito a menudo y cuyas valiosas ideas me instruyen todavía con frecuencia. «Cuando por circunstancias particulares no podemos formarnos idea de la distancia, ni podemos juzgar de los objetos de otro modo que por el tamaño del ángulo, o más bien de la imagen que forman en nuestros ojos, entonces necesariamente nos equivocamos acerca del tamaño de estos objetos. Todos los que han caminado de noche han experimentado que una zarza que estaba inmediata les parecía un árbol corpulento distante, o que un árbol corpulento distante les parecía una zarza inmediata. De idéntica forma, si no conocemos los objetos por su configuración y no podemos tener idea ninguna de la distancia, necesariamente nos equivocamos también; en tal caso, una mosca que pase con velocidad a algunas pulgadas de nuestros ojos nos parecerá un pájaro que vuela lejos; un caballo quieto en mitad de un campo y en una postura semejante, por ejemplo, a la de un carnero, no nos parece mayor que un carnero mientras no veamos que es un caballo, pero así que lo comprendemos nos parecerá del tamaño de un caballo y al punto rectificaremos nuestro primer juicio. »Siempre que uno se halle de noche en parajes desconocidos, donde no pueda juzgar la distancia, ni pueda reconocer la forma de las cosas a causa de la oscuridad, correrá el peligro de equivocarse en los oficios que se forme sobre los objetos que se presenten. De aquí proviene el terror y la especie de miedo interno que a casi todos los hombres infunde la noche; esto se funda en la apariencia de espectros y figuras agigantadas y horrorosas que tantas personas aseguran haber visto. Por lo común responden que estas figuras existían en sus ojos y es muy posible que efectivamente hayan visto lo que dicen, porque necesariamente debe suceder siempre que sólo pueda juzgarse de un objeto por el ángulo que forma en ere que el objeto desconocido abulte y se agrande más a medida que más cerca esté, y si el espectador, que no puede conocer lo que ve, ni juzgar a que distancia está, le pareció- primero de algunos pies de alto, cuando se halla a veinte o a treinta pasos le parece de una altura de varios metros, lo cual debe efectivamente asombrarle y alarmarle hasta que toque o reconozca el objeto, porque en cuanto sepa lo que es, este objeto que tan agigantado se figuraba disminuirá instantáneamente y no le parecerá mayor que su tamaño real, pero si huye o no se atreve a acercarse, es cierto que no tendrá otra idea de este objeto que la de la imagen que en el ojo formaba, y realmente habrá visto una figura agigantada o espantosa por su tamaño y forma. Así la preocupación de los espectros se funda en la naturaleza, y estas apariencias no dependen, como los filósofos creen, únicamente de la imaginación". (Historia Natural, tomo VI, pág. 22, in-XII). En el texto he procurado hacer ver cómo dependen siempre en parte de ella y en cuanto a la causa que aquí se explica, bien se ve que la costumbre de andar de noche nos debe enseñar a distinguir las apariencias que la semejanza de formas y la diversidad de distancias hacen que nuestros ojos tomen los objetos en la oscuridad, porque cuando todavía está el aire bastante claro para hacernos distinguir los contornos de los objetos, como a mayores distancias hay más aire interpuesto, cuando está el objeto más desviado de nosotros debemos ver menos señalados estos contornos, lo cual, a fuerza de hábito, basta para preservarnos del error que aquí explica Buffon. Así, sea cual fuere la explicación que se prefiera, siempre se encontrará eficaz mi método, y esto lo confirma la experiencia.
[22] Pour les exercer à l’attention, ne leur dites jamais que des choses qu’ils aient un intérêt sensible et présent à bien entendre ; surtout point de longueurs, jamais un mot superflu ; mais aussi ne laissez dans vos discours ni obscurité ni équivoque.
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• Para ejercitarles a que estén atentos, nunca les digáis cosas que no tengan un interés sensible y actual para entender bien; sobre todo nada de rodeos, nunca palabras superfluas, pero que tampoco haya en vuestro discurso oscuridad ni equívocos.
[23] Célèbre maître à danser de Paris, lequel, connaissant bien son monde, faisait l’extravagant par ruse, et donnait à son art une importance qu’on feignait de trouver ridicule, mais pour laquelle on lui portait au fond le plus grand respect. Dans un autre art non moins frivole, on voit encore aujourd’hui un artiste comédien faire ainsi l’important et le fou, et ne réussir pas moins bien. Cette méthode est toujours sûre en France. Le vrai talent, plus simple et moins charlatan, n’y fait point fortune. La modestie y est la vertu des sots.
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• Célebre maestro de danza de París, quien, conociendo bien su mundo, se hacía el extravagante por astucia y atribuía a su arte una importancia que la gente fingía tener por ridícula, pero que en realidad le proporcionaba el mayor respeto. En otro arte no me. nos frívolo vemos hoy a un artista comediante hacerse el hombre importante y el loco, y se sale con la suya. Este método es siempre seguro en Francia. El verdadero talento, más simple y menos charlatán, no hace fortuna. La modestia es la virtud los tontos.
[24] Promenade champêtre, comme on verra dans l’instant. Les promenades publiques des villes sont pernicieuses aux enfants de l’un et de l’autre sexe. C’est là qu’ils commencent à se rendre vains et à vouloir être regardés : c’est au Luxembourg, aux Tuileries, surtout au Palais-Royal, que la belle jeunesse de Paris va prendre cet air impertinent et fat qui la rend si ridicule, et la fait huer et détester dans toute l’Europe.
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• Paseo por el campo como se verá al instante. Los paseos públicos de las ciudades son perniciosos para los niños de uno y otro sexo. Allí es donde comienzan a tener vanidad y a querer que los miren; al Luxemburgo y a las Tunerías, y sobre todo al Palacio Real, va la brillante juventud de París a adquirir el ademán impertinente y petulante que la hace tan ridícula y que es causa de que la critiquen y detesten en toda Europa.
[25] Un petit garçon de sept ans en a fait depuis ce temps-là plus étonnants encore.
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• Un niño de siete años ha ejecutado después cosas más portentosas todavía, como es el caso de Mozart.
[26] Voyez l’Arcadie de Pausanias ; voyez aussi le morceau de Plutarque, transcrit ci-après.
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• Véase la Arcadia, de Pausanias; véase también el fragmento de Plutarco, transcrito aquí después.
[27] Il y a bien des siècles que les Majorquins ont perdu cet usage ; il est du temps de la célébrité de leurs frondeurs.
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• Siglos hace que los mallorquines abandonaron esa costumbre, pero hubo un tiempo en que fueron célebres sus honderos.
[28] Je sais que les Anglais vantent beaucoup leur humanité et le bon naturel de leur nation, qu’ils appellent good natured people ; mais ils ont beau crier cela tant qu’ils peuvent, personne ne le repète après eux.
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• Sé muy bien que los ingleses hacen gala de su humanidad, y de la buena índole de su nación, que llaman good natural people, pero por más que lo repitan de un modo continuo, sólo ellos lo dicen.
[29] Les Banians qui s’abstiennent de toute chair plus sévèrement que les Gaures, sont presque aussi doux qu’eux ; mais comme leur morale est moins pure et leur culte moins raisonnable, ils ne sont pas si honnêtes gens.
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• Los banianos, que se abstienen de comer ninguna clase de carnes con mayor severidad que los gauros, son casi tan pacíficos como ellos, pero como son más inmorales y no tan discretos en su culto, no son tan buenas personas.
[30] Un des traducteurs anglais de ce livre a relevé ici ma méprise, et tous deux l’ont corrigée. Les bouchers et les chirurgiens sont reçus en témoignage ; mais les premiers ne sont point admis comme jurés ou pairs au jugement des crimes, et les chirurgiens le sont.
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• Uno de los dos traductores ingleses de este libro ha remarcado mi equivocación, y ambos la han enmendado. Los carniceros y los cirujanos son admitidos como testigos, pero los carniceros no lo son para pertenecer a los jurados o pares para sentenciar los delitos, y los cirujanos sí.
[31] Les anciens historiens sont remplis de vues dont on pourrait faire usage, quand même les faits qui les présentent seraient faux. Mais nous ne savons tirer aucun vrai parti de l’histoire ; la critique d’édition absorbe tout ; comme s’il importait beaucoup qu’un fait fut vrai, pourvu qu’on en pût tirer une instruction utile. Les hommes sensés doivent regarder l’histoire comme un tissu de fables, dont la morale est très appropriée au cœur humain.
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• Los historiadores antiguos están saturados de ideas de las que pudiera hacerse uso, aun cuando sean falsos los hechos que presentan. Pero no sabemos sacar ninguna utilidad de la historia; todo lo absorbe la crítica erudita, igual que si importara mucho que un suceso fuese cierto, pues basta que del mismo pueda sacarse una instrucción provechosa. Los hombres de juicio deben mirar la historia como un tejido de fábulas cuya moral sea adaptable al corazón del hombre.
[32] Natia. J’emploie ce mot dans une acception italienne, faute de lui trouver un synonyme en français. Si j’ai tort, peu importe, pourvu qu’on m’entende.
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...
[33] L’attrait de l’habitude vient de la paresse naturelle à l’homme, et cette paresse augmente en s’y livrant : on fait plus aisément ce qu’on a déjà fait : la route étant frayée en devient plus facile à suivre. Aussi peut-on remarquer que l’empire de l’habitude est très grand sur les vieillards et sur les gens indolents, très petit sur la jeunesse et sur les gens vifs. Ce régime n’est bon qu’au âmes faibles, et les affaiblit davantage de jour en jour. La seule habitude utile aux enfants est de s’asservir sans peine à la nécessité des choses, et la seule habitude utile aux hommes est de s’asservir sans peine à la raison. Toute autre habitude est un vice.
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• El atractivo del hábito proviene de la pereza natural del hombre, y esta pereza aumenta dejándose llevar libremente por ella; se hace más cómodamente lo que ya se ha hecho, y después de haber andado mucho por un camino es más fácil abrirse paso. Por eso debemos darnos cuenta de que el imperio del hábito es muy importante para los ancianos y las personas indolentes y muy insignificante para los jóvenes y las personas activas. Este régimen sólo es conveniente a las almas débiles, y las debilita más de día en día. El único hábito útil a los niños es adaptarse a la necesidad de las cosas, y el único útil a los hombres es sujetarse sin esfuerzo a la razón. Cualquier otro hábito es vicio.
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