Jean-Jacques Rousseau

Émile: ou, De l′education -- Emilio o De la educación


LIVRE PREMIERE

LIBRO I

Tout est bien, sortant des mains de l′Auteur des choses ; tout dégénere entre les mains de l′homme. Il force une terre à nourrir les productions d′une autre, un arbre à porter les fruits d′un autre : il mêle & confond les climats, les élémens, les saisons : il mutile son chien, son cheval, son esclave : il bouleverse tout, il défigure tout : il aime la difformité, les monstres : il ne veut rien, tel que l′a fait la nature, pas même l′homme ; il le faut dresser pour lui, comme un cheval de manége ; il le faut contourner à sa mode, comme un arbre de son jardin. Todo es perfecto cuando sale de las manos de Dios, pero todo degenera en las manos del hombre. Obliga a una tierra a que dé lo que debe producir otra, a que un árbol dé un fruto distinto; mezcla y confunde los climas, los elementos y las estaciones, mutila su perro, su caballo y su esclavo; lo turba y desfigura todo; ama la deformidad, lo monstruoso; no quiere nada tal como ha salido de la naturaleza, ni al mismo hombre, a quien doma a su capricho, como a los árboles de su huerto.
Sans cela, tout iroit plus mal encore, & notre espece ne veut pas être façonnée à demi. Dans l′état où sont désormois les choses, un homme abandonné dès sa naissance à lui-même parmi les autres, seroit le plus défiguré de tous. Les préjugés, l′autorité, la nécessité, l′exemple, toutes les institutions sociales dans lesquelles nous nous trouvons submergés, étoufferoient en lui la nature, & ne mettroient rien à la place. Elle y seroit comme un arbrisseau que le hazard fait naître au milieu d′un chemin, & que les passans font bientôt périr, en le heurtant de toutes parts & le pliant dans tous les sens. De otra forma, todo sería peor, ya que nuestra especie no quiere ser formada a medias. En el estado en que están las cosas, un hombre abandonado desde su nacimiento a sí mismo sería el más desfigurado de los mortales; las preocupaciones, la autoridad, la necesidad, el ejemplo, todas las instituciones sociales, en las que estamos sumergidos, apagarían en él su natural modo de ser y no pondrían nada en su lugar que lo sustituyese. Sería como un arbolillo que el azar ha hecho nacer en medio de su camino y que los transeúntes, sacudiéndolo en todas direcciones, lo matan.
C′est à toi que je m′adresse, tendre & prévoyante mere [1], qui sçus t′écarter de la grande route, & garantir l′arbrisseau naissant du choc des opinions humaines ! Cultive, arrose la jeune plante avant qu′elle meure ; ses fruits feront un jour tes délices. Forme de bonne heure une enceinte autour de l′ame de ton enfant : un autre en peut marquer le circuit ; mais toi seule y dois poser la barrière [2]. Es a ti a quien me dirijo, tierna y prudente madre, que has sabido evitar la gran ruta y librar del choque de las opiniones humanas al naciente arbolillo@2##. Cultiva y riega la tierna ′planta antes de que se muera; de ese modo, sus frutos ya sazonados serán un día tu delicia. Forma a su debido tiempo un círculo alrededor del alma de tu hijo; luego puedes levantar otro, pero sólo tú debes poder apartar la valla.
On façonne les plantes par la culture, & les hommes par l′éducation. Si l′homme naissoit grand & fort, sa taille & sa force lui seroient inutiles jusqu′à ce qu′il eût appris à s′en servir : elles lui seroient préjudiciables, en empêchant les autres de songer à l′assister [3] ; &, abandonné à lui-même, il mourroit de misere avant d′avoir connu ses besoins. On se plaint de l′état de l′enfance ; on ne voit pas que la race humaine eût péri si l′homme n′eût commencé par être enfant. Se consiguen las plantas con el cultivo, y los hombres con la educación. Si el hombre naciera grande y fuerte, su talla y su fuerza le serían inútiles hasta que aprendiera a servirse de ellas y, luego, abandonado a sí mismo, se moriría de miseria antes de que los demás comprendiesen sus necesidades. Hay quien se queja del estado de la infancia, y no se da cuenta de que la raza humana habría perecido si el hombre no hubiese empezado siendo un niño.
Nous naissons foibles, nous avons besoin de force : nous naissons dépourvus de tout, nous avons besoin d′assistance : nous naissons stupides, nous avons besoin de jugement. Tout ce que nous n′avons pas à notre naissance & dont nous avons besoin étant grands, nous est donné par l′éducation. Nacemos débiles, necesitamos ser fuertes, y al nacer carecemos de todo y se nos debe proteger; nacemos torpes y nos es esencial conseguir la inteligencia. Todo esto de que carecemos al nacer, tan imprescindible en la adolescencia, se nos ha dado por medio de la educación.
Cette éducation nous vient de la nature, ou des hommes, ou des choses. Le développement interne de nos facultés & de nos organes est l′éducation de la nature : l′usage qu′on nous apprend à faire de ce développement est l′éducation des hommes ; & l′acquis de notre propre expérience sur les objets qui nous affectent, est l′éducation des choses. La educación nos viene de la naturaleza, de los hombres o de las cosas. El desenvolvimiento interno de nuestras facultades y de nuestros órganos es la educación de la naturaleza; el uso que aprendemos a hacer de este desenvolvimiento o desarrollo por medio de sus enseñanzas, es la educación humana, y la adquirida por nuestra propia experiencia sobre los objetos que nos afectan, es la educación de las cosas.
Chacun de nous est donc formé par trois sortes de maîtres. Le disciple dans lequel leurs diverses leçons se contrarient est mal élevé, & ne sera jamais d′accord avec lui-même ; celui dans lequel elles tombent toutes sur les mêmes points, et tendent aux mêmes fins, va seul à son but & vit conséquemment. Celui-là seul est bien élevé. Cada uno de nosotros está formado por tres clases de maestros. El discípulo que en su interior tome las lecciones de los tres de forma contradictoria, se educa mal y nunca está de acuerdo consigo mismo; sólo cuando coinciden y tienden a los mismos fines logra su meta y vive consecuentemente. Sólo éste estará bien educado.
Or, de ces trois éducations différentes, celle de la nature ne dépend point de nous ; celle des choses n′en dépend qu′à certains égards. Celle des hommes est la seule dont nous soyons vraiment les maîtres ; encore ne le sommes nous que par supposition ; car qui est-ce qui peut espérer de diriger entièrement les discours et les actions de tous ceux qui environnent un enfant ? Según esto, de las tres diferentes educaciones, la de la naturaleza no depende de ningún modo de nosotros; la de las cosas está en parte en nuestra mano, y sólo en la de los hombres es donde somos los verdaderos maestros, aunque únicamente por suposición, porque, ¿quién puede esperar que ha de dirigir por completo los razonamientos y las acciones de todos cuantos a un niño se acerquen?
Sitôt donc que l′éducation est un art, il est presque impossible qu′elle réussisse, puisque le concours nécessaire à son succès ne dépend de personne. Tout ce qu′on peut faire à force de soins est d′approcher plus ou moins du but, mais il faut du bonheur pour l′atteindre. Por lo mismo que la educación es un arte, casi es imposible su logro, puesto que de nadie depende el concurso de causas indispensables para él. Todo cuanto puede conseguirse a fuerza de diligencia es aproximarse más o menos al propósito, pero se necesita suerte para conseguirlo.
Quel est ce but ? c′est celui même de la nature ; cela vient d′être prouvé. Puisque le concours des trois éducations est nécessaire à leur perfection, c′est sur celle à laquelle nous ne pouvons rien qu′il faut diriger les deux autres. Mais peut-être ce mot de nature a-t-il un sens trop vague ; il faut tâcher ici de le fixer. ¿Qué propósito es éste? Pues el mismo que se propone la naturaleza, lo que ya hemos indicado. Puesto que el concurso de las tres educaciones es necesario a su perfección, nosotros no podemos hacer nada que dirija a las otras dos sobre la primera, la que nos ofrece la naturaleza. Mas como la palabra «naturaleza» puede tener un sentido muy vago, conviene que la fijemos con claridad.
La nature, nous dit-on, n′est que l′habitude [4]. Que signifie cela ? N′y a-t-il pas des habitudes qu′on ne contracte que par force, & qui n′étouffent jamais la nature ? Telle est, par exemple, l′habitude des plantes dont on gêne la direction verticale. La plante mise en liberté garde l′inclinaison qu′on l′a forcée à prendre ; mais la sève n′a point changé pour cela sa direction primitive ; et, si la plante continue à végéter, son prolongement redevient vertical. Il en est de même des inclinations des hommes. Tant qu′on reste dans le même état, on peut garder celles qui résultent de l′habitude, & qui nous sont le moins naturelles ; mais, sitôt que la situation change, l′habitude cesse & le naturel revient. l′éducation n′est certainement qu′une habitude. Or, n′y a-t-il pas des gens qui oublient & perdent leur éducation, d′autres qui la gardent ? D′où vient cette différence ? S′il faut borner le nom de nature aux habitudes conformes à la nature, on peut s′épargner ce galimatias. La naturaleza, nos dicen, no es otra cosa que el hábito@3##. ¿Qué significa esto? ¿No existen hábitos adquiridos forzosamente y que nunca ahoga la naturaleza? Tal es, por ejemplo, el de aquellas plantas que se evita su crecimiento vertical. La misma planta obedece la inclinación a la que fue obligada, mas la savia no cambia su primitiva dirección, y si continúa la vegetación, la planta vuelve a su crecimiento vertical. Esto mismo sucede con las inclinaciones de los seres humanos. En tanto persisten en un mismo estado, pueden conservar las que provienen de la costumbre y son menos naturales, pero cambia y vuelve lo natural cuando la costumbre adquirida por la fuerza deja de actuar. La educación no es más que un hábito. ¿Pero no hay personas que olvidan y pierden su educación y otras que la mantienen? ¿De dónde proviene esta diferencia?
Nous naissons sensibles, et, dès notre naissance, nous sommes affectés de diverses manières par les objets qui nous environnent. Sitôt que nous avons pour ainsi dire la conscience de nos sensations, nous sommes disposés à rechercher ou à fuir les objets qui les produisent, d′abord, selon qu′elles nous sont agréables ou déplaisantes, puis, selon la convenance ou disconvenance que nous trouvons entre nous & ces objets, & enfin, selon les jugements que nous en portons sur l′idée de bonheur ou de perfection que la raison nous donne. Ces dispositions s′étendent & s′affermissent à mesure que nous devenons plus sensibles & plus éclairés ; mais, contraintes par nos habitudes, elles s′altèrent plus ou moins par nos opinions. Avant cette altération, elles sont ce que j′appelle en nous la nature. Si circunscribimos el nombre de naturaleza a los hábitos conformes a ella, podemos excusar este galimatías. 1 Nosotros nacemos sensibles, y desde nuestro nacimiento estamos afectados de diversas maneras por los objetos que nos rodean. Cuando nosotros tenemos, por decirlo así, la conciencia de nuestras sensaciones, estamos dispuestos a escudriñar o esquivar los objetos que las producen, según nos sean agradables o desagradables, según la conveniencia o la discrepancia que hallamos entre nosotros y estos objetos, y, por último, según nuestro criterio sobre la idea de felicidad o de perfección que nos ofrece la razón. Estas disposiciones crecen y se fortalecen a medida que son más sensibles y más claras, pero, presionadas por nuestros hábitos, las alteran nuestras opiniones. Antes de esta mutación, son las que yo doy el nombre de naturaleza.
C′est donc à ces dispositions primitives qu′il faudroit tout rapporter ; & cela se pourroit, si nos trois éducations n′étoient que différentes : mais que faire quand elles sont opposées ; quand, au lieu d′élever un homme pour lui-même, on veut l′élever pour les autres ? Alors le concert est impossible. Forcé de combattre la nature ou les institutions sociales, il faut opter entre faire un homme ou un citoyen : car on ne peut faire à la fois l′un & l′autre. Por tanto lo deberíamos todo a estas disposiciones primitivas, y así podría ser si nuestras tres educaciones fueran distintas, pero, ¿qué hemos de hacer cuando son opuestas y en vez de educar a uno para sí propio le quieren educar para los demás? La armonía, entonces, resulta imposible, v forzados a oponernos a la naturaleza o a las instituciones sociales, es forzoso elegir entre formar a un hombre o a un ciudadano, no pudiendo hacer al uno y al otro a la vez.
Toute société partielle, quand elle est étroite & bien unie, s′aliène de la grande. Tout patriote est dur aux étrangers : ils ne sont qu′hommes, ils ne sont rien à ses yeux [5]. Cet inconvénient est inévitable, mais il est faible. L′essentiel est d′être bon aux gens avec qui l′on vit. Au dehors le Spartiate étoit ambitieux, avare, inique ; mais le désintéressement, l′équité, la concorde régnoient dans ses murs. Défiez-vous de ces cosmopolites qui vont chercher loin dans leurs livres des devoirs qu′ils dédaignent de remplir autour d′eux. Tel philosophe aime les Tartares, pour être dispensé d′aimer ses voisins. Toda sociedad parcial, cuando es íntima y bien unida, se aparta de lo grande. Todo patriota es duro con los extranjeros; ellos no son más que hombres, y no valen nada a su modo de ver@4##. Este inconveniente es inevitable, pero tiene poca importancia. Lo esencial está en ser bueno con las gentes con quienes se vive. Los espartanos eran ambiciosos. avaros e inicuos, pero el desinterés, la equidad y la concordia reinaban dentro de sus muros. Desconfiad de los cosmopolitas que van lejos a buscar en sus libros obligaciones que no se dignan cumplir en torno de ellos. Esa filosofía la practican los tártaros, sin importarles el bien de sus vecinos.
L′homme naturel est tout pour lui ; il est l′unité numérique, l′entier absolu, qui n′a de rapport qu′à lui-même ou à son semblable. L′homme civil n′est qu′une unité fractionnaire qui tient au dénominateur, & dont la valeur est dans son rapport avec l′entier, qui est le corps social. Les bonnes institutions sociales sont celles qui savent le mieux dénaturer l′homme, lui ôter son existence absolue pour lui en donner une relative, & transporter le moi dans l′unité commune ; en sorte que chaque particulier ne se croie plus un, mais partie de l′unité, & ne soit plus sensible que dans le tout. Un citoyen de Rome n′étoit ni Caius, ni Lucius ; c′étoit un Romain ; même il aimoit la patrie exclusivement à lui. Régulus se prétendoit Carthaginois, comme étant devenu le bien e ses maîtres. En sa qualité d′étranger, il refusoit de siéger au sénat de Rome ; il fallut qu′un Carthaginois le lui ordonnât. Il s′indignoit qu′on voulût lui sauver la vie. Il vainquit, & s′en retourna triomphant mourir dans les supplices. Cela n′a pas grand rapport, ce me semble, aux hommes que nous connaissons. El hombre de la naturaleza lo es todo para sí; él es la unidad numérica, el entero absoluto, que no tiene más relación que consigo mismo o con su semejante. El hombre civilizado es una unidad fraccionaria que determina el denominador y cuyo valor expresa su relación con el entero, que es el cuerpo social. Las buenas instituciones sociales son aquellas que poseen el medio de desnaturalizar al hombre, quitarle su existencia absoluta para reemplazarla por otra relativa, y transportar el yo dentro de la unidad común; de tal manera que cada particular no se crea un entero, sino parte de la unidad, y sea sensible solamente en el todo. Un ciudadano de Roma no era ni Cayo ni Lucio; era un romano que amaba exclusivamente a su patria por ser la suya. Por cartaginés se reputaba Régulo, como un bien que era de sus amos, y en calidad de extranjero se resistía a tomar asiento en el senado romano; fue preciso que se lo ordenara un cartaginés. Se indignó de que se le quisiera salvar la vida. Venció y regresó triunfante a morir en el suplicio. Me parece que esto no tiene mucha relación con los hombres que conocemos.
Le Lacédémonien Pédarete se présente pour être admis au conseil des trois cents ; il est rejeté : il s′en retourne tout joyeux de ce qu′il s′est trouvé dans Sparte trois cents hommes valant mieux que lui. Je suppose cette démonstration sincère ; & il y a lieu de croire qu′elle l′étoit : voilà le citoyen. El lacedemonio Paderetes se presentó para ser admitido en el Consejo de los trescientos, y, rechazado, se volvió a su casa, contento de que hubiese en Esparta trescientos hombres de más mérito que él. Supongo que esta demostración fue sincera, y no hay motivo para no creerlo. He aquí un ciudadano.
Une femme de Sparte avoit cinq fils à l′armée, & attendoit des nouvelles de la bataille. Un ilote arrive ; elle lui en demande en tremblant. Vos cinq fils ont été tués. Vil esclave, t′ai-je demandé cela ? -- Nous avons gagné la victoire ! La mère court au temple, & rend grâces aux dieux. Voilà la citoyenne. Una espartana tenía cinco hijos en el ejército, y aguardaba noticias de la batalla. Llega un ilota, y ella le pregunta temblando. «Vuestros cinco hijos han muerto.» «Vil esclavo, ¿te pregunto yo eso? Nosotros hemos alcanzado la victoria.» La madre corre hacia el templo y da gracias a los dioses. He aquí una ciudadana.
Celui qui, dans l′ordre civil, veut conserver la primauté des sentiments de la nature ne soit ce qu′il veut. Toujours en contradiction avec lui-même, toujours flottant entre ses penchants & ses devoirs, il ne sera jamais ni homme ni citoyen ; il ne sera bon ni pour lui ni pour les autres. Ce sera un de ces hommes de nos jours, un Français, un Anglais, un bourgeois ; ce ne sera rien. Aquel que, en el orden civil, quiere conservar la primacía de los sentimientos naturales, no sabe lo que quiere. Siempre en contradicción consigo y fluctuando entre sus propensiones y sus deberes, no será jamás ni hombre ni ciudadano, ni será bueno para él ni para los demás. Será uno de los hombres actuales, un francés, un inglés, un burgués; no será nada.
Pour être quelque chose, pour être soi-même & toujours un, il faut agir comme on parle ; il faut être toujours décidé sur le parti que l′on doit prendre, le reprendre hautement, & le suivre toujours. J′attends qu′on me montre pour savoir s′il est homme ou citoyen, ou comment il prend pour être à la fois l′un & l′autre. Para ser algo, y para ser uno propio y siempre el mismo, importa decidir el partido que uno debe tomar, hacerlo resueltamente y seguirlo con firmeza. Yo espero que se me presente este prodigio para saber si es hombre o ciudadano, o cómo se las apaña para ser a la vez ambas cosas.
De ces objets nécessairement opposés viennent deux formes d′institutions contraires : l′une publique & commune, l′autre particulière & domestique. De estos objetos necesariamente opuestos devienen dos formas de instituciones contrarias: la una pública y común, la otra particular y doméstica.
Voulez-vous prendre une idée de l′éducation publique, lisez la République de Platon. Ce n′est point un ouvrage de politique, comme le pensent ceux qui ne jugent des livres que par leurs titres : c′est le plus beau traité d′éducation qu′on ait jamais fait. Si queréis formaros una idea de la educación pública, leed la República, de Platón. No es, pues, una obra de política, como piensan los que juzgan los libros por su título, sino es el más excelente tratado de educación que se haya escrito.
Quand on veut renvoyer au pays des chimères, on nomme l′institution de Platon : si Lycurgue n′eut mis la sienne que par écrit, je la trouverois bien plus chimérique. Platon n′a fait qu′épurer le cœur de l′homme ; Lycurgue l′a dénaturé. Cuando quieren hablar de un país fantástico, se cita con frecuencia la institución de Platón; mucho más quimérica me parecería la de Licurgo si nos la hubiera dejado solamente en un escrito. Platón ha depurado el corazón del hombre; Licurgo lo ha desnaturalizado.
L′institution publique n′existe plus, & ne peut plus exister, parce qu′où il n′y a plus de patrie, il ne peut plus y avoir, de citoyens. Ces deux mots patrie & citoyen doivent être effacés des langues modernes. J′en sais bien la raison, mais je ne veux pas la dire ; elle ne fait rien à mon sujet. La institución pública tampoco existe, y no puede existir, pues donde no hay patria, tampoco puede haber ciudadanos. Los dos vocablos patria v ciudadano deben borrarse de las lenguas modernas. Yo sé la razón, pero no quiero expresarla, porque no importa para mi tema.
Je n′envisage pas comme une institution publique ces risibles établissements qu′on appelle Colleges. Je ne compte pas non plus l′éducation du monde, parce que cette éducation tendant à deux fins contraires, les manque toutes deux : elle n′est propre qu′à faire des hommes doubles paraissant toujours rapporter tout aux autres, & ne rapportant jamais rien qu′à eux seuls. Or ces, démonstrations, étant communes à tout le monde, n′abusent personne. Ce sont autant de soins perdus. No considero institución pública esos establecimientos irrisorios llamados colegios@5##. Tampoco tengo en cuenta la educación del mundo, porque, como se propone dos fines contrarios, ninguno de los dos consigue; no sirve más que para hacer dobles a los hombres, que con la apariencia de proporcionar beneficios a los demás, jamás hacen nada que no sea en provecho propio. Pero como estas muestras son comunes a todo el mundo, a nadie engañan, y son, por lo tanto, trabajo perdido.
[ Il y a dans plusieurs écoles, & surtout dans l′Université de Paris, des Professeurs que j′aime, que j′estime beaucoup, & que je crois très capables de bien instruire la jeunesse, s′ils n′étoient forcés de suivre l′usage établi. J′exhorte l′un d′entre eux à publier le projet de réforme qu′il a conçu. L′on sera peut-être enfin tenté de guérir le mal en voyant qu′il n′est pas sans remède.]
De ces contradictions naît celle que nous éprouvons sans cesse en nous-mêmes. Entraînés par la nature & par les hommes dans des routes contraires, forcés de nous partager entre ces diverses impulsions, nous en suivons une composée qui ne nous mène ni à l′un ni à l′autre but. Ainsi combattus & flottants durant tout le cours de notre vie, nous la terminons sans avoir pu nous accorder avec nous, et sans avoir été bons ni pour nous ni pour les autres. De estas contradicciones nace aquella que experimentamos continuamente en nosotros mismos. Llevados por la naturaleza y por los hombres por caminos contrarios, y forzados a distribuir nuestra actividad en distintas proyecciones, tomamos una dirección compuesta que ni a una ni a otra resolución nos lleva. De tal modo combatidos y fluctuantes durante el curso de nuestra vida, la terminamos sin haber podido ponernos de acuerdo con nosotros mismos v sin haber sido buenos para nosotros ni para los demás.
Reste enfin l′éducation domestique ou celle de la nature, mais que deviendra pour les autres un homme uniquement élevé pour lui ? Si peut-être le double objet qu′on se propose pouvoit se réunir en un seul, en ôtant les contradictions de l′homme on ôteroit un grand obstacle à son bonheur. Il faudroit, pour en juger, le voir tout formé ; il faudroit avoir observé ses penchants, vu ses progrès, suivi sa marche ; il faudroit, en un mot, connaître l′homme naturel. Je crois qu′on aura fait quelques pas dans ces recherches après avoir lu cet écrit. Falta por último la educación doméstica o la de la naturaleza. Pero, ¿qué reportará a los demás un hombre educado cínicamente para él? Si los dos fines que nos proponemos pudieran unificarse borrando las contradicciones del hombre, eliminaríamos un gran obstáculo para su felicidad. Faltaría, para juzgar de ello, ver al hombre del todo formado, observar sus inclinaciones, ver sus progresos y seguirle; en una palabra, sería indispensable conocer al hombre natural. Creo que se darán algunos pasos en esta investigación después de leer este escrito.
Pour former cet homme rare, qu′avons-nous à faire ? beaucoup, sans doute : c′est d′empêcher que rien ne soit fait. Quand il ne s′agit que d′aller contre le vent, on louvoie ; mais si la mer est forte & qu′on veuille rester en place, il faut jeter l′ancre. Prends garde, jeune pilote, que ton câble ne file ou que ton ancre ne laboure, & que le vaisseau ne dérive avant que tu t′en sais aperçu. Para formar este hombre raro, ¿qué tenemos que hacer nosotros? Mucho, sin duda. Se ha de evitar lo que se ha hecho. Cuando sólo se trata de navegar contra el viento, se bordea, pero si está alborotado el mar y se quiere permanecer en el sitio, es preciso echar el ancla. Cuida, joven piloto, que no se te escape el cable, arrastre el ancla y derive el navío antes de que lo adviertas.
Dans l′ordre social, où toutes les places sont marquées, chacun doit être élevé pour la sienne. Si un particulier formé pour sa place en sort, il n′est plus propre à rien. l′éducation n′est utile qu′autant que la fortune s′accorde avec la vocation des parents ; en tout autre cas elle est nuisible à l′élève, ne fût-ce que par les préjugés qu′elle lui a donnés. En égypte, où le fils étoit obligé d′embrasser l′état de son père, l′éducation du moins avoit un but assuré ; mais parmi nous où les rangs seuls demeurent, & où les hommes en changent sans cesse, nul ne sait si en élevant son fils pour le sien il ne travaille pas contre lui. En el orden social, donde todas las plazas están señaladas, cada uno debe estar educado para la suya. Si un particular formado para su puesto se sale de él, ya no vale para nada. La educación sólo es útil en cuanto se conforma la fortuna con la vocación de los padres; en cualquier otro caso es perjudicial para el alumno, aunque no sea más que por las preocupaciones que le proporciona. En Egipto, donde los hijos estaban obligados a seguir la misma profesión de sus padres, tenía un fin determinado, pero entre nosotros, donde sólo las jerarquías subsisten, y los hombres pasan frecuentemente de una a otra, nadie está seguro de si educando a su hijo para su estado no lo verifica contra él mismo.
Dans l′ordre naturel, les hommes étant tous égaux, leur vocation commune est l′état d′homme, & quiconque est bien élevé pour celui-là ne peut mal remplir ceux qui s′y rapportent. Qu′on destine mon élève à l′épée, à l′église, au barreau, peu m′importe. Avant la vocation des parens la nature l′appelle à la vie humaine. Vivre est le métier que je lui veux apprendre. En sortant de mes mains il ne sera j′en conviens, ni magistrat, ni soldat, ni prêtre ; il sera premierement homme ; tout ce qu′un homme doit être, il saura l′être au besoin tout aussi bien que qui que ce soit, & la fortune aura beau le faire changer de place il sera toujours à la sienne. Occupavi te, fortuna, atque cepi ; omnesque aditus tuos interclusi, ut ad me aspirare non posses [6]{span>. En el orden natural, los hombres son todos iguales; luego, su vocación común es el estado del hombre, y quien hubiere sido bien criado para éste, no puede desempeñar mal los que con él se relacionan. Que destine mi discípulo a la espada, a la iglesia o a la abogacía, poco me importa. Antes de la vocación de sus padres, la naturaleza le llama a la vida humana. El oficio que quiero enseñarle es el vivir. Cuando salga de mis manos, yo estoy de acuerdo, en que no será ni magistrado, ni soldado, ni sacerdote; primeramente será hombre, todo cuanto debe ser un hombre y sepa serlo, si fuera necesario, tan bien como el que más, y aunque la fortuna quiera hacerle cambiar de situación, él siempre se encontrará en la misma. Occupavi te, Fortuna, atque cepi; omnesque aditus tuos interclusi, ut ad me aspirare non poses.
Notre véritable étude est celle de la condition humaine. Celui d′entre nous qui sait le mieux supporter les biens & les maux de cette vie est à mon gré le mieux élevé ; d′où il suit que la véritable éducation consiste moins en préceptes qu′en exercices. Nous commençons à nous instruire en commençant à vivre ; notre éducation commence avec nous ; notre premier précepteur est notre nourrice. Aussi ce mot éducation avoit-il chez les anciens un autre sens que nous ne lui donnons plus : il signifioit nourriture. Educit obstetrix, dit Varron ; educat nutrix, instituit paedagogus, docet magister [7]. Ainsi l′éducation, l′institution, l′instruction, sont trois choses aussi différentes dans leur objet que la gouvernante, le précepteur & le maître. Mais ces distinctions sont mal entendues ; et, pour être bien conduit, l′enfant ne doit suivre qu′un seul guide. Nuestro verdadero estudio es el de la condición humana. Aquel de nosotros que mejor sabe sobrellevar los bienes y los males de esta vida es, a mi parecer, el más educado, de donde se deduce que la verdadera educación consiste menos en preceptos que en ejercicios. Desde que empezamos a vivir, comienza nuestra instrucción; nuestra educación se inicia simultáneamente con nosotros; nuestro primer preceptor es nuestra nodriza. Por eso la palabra educación tenía antiguamente un significado que ya ha desaparecido; quería decir alimento. Educit obstetrix, dice Varrón; educat nutrix, instituit paedagogus, docet magister. Así la educación, la institución v la instrucción son tres cosas tan diferentes en su objeto como institutriz, preceptor y maestro. Pero estas distinciones son mal entendidas, ya que el niño, para ser bien conducido, no debe tener más que un guía.
Il faut donc généraliser nos vues, & considérer dans notre élève l′homme abstrait, l′homme exposé à tous les accidents de la vie humaine. Si les hommes naissoient attachés au sol d′un pays, si la même saison duroit toute l′année, si chacun tenoit à sa fortune de manière à n′en pouvoir jamais changer, la pratique établie seroit bonne a certains égards ; l′enfant élevé pour son état, n′en sortant jamais, ne pourroit être exposé aux inconvénients d′un autre. Mais, vu la mobilité des choses humaines, vu l′esprit inquiet & remuant de ce siècle qui bouleverse tout à chaque génération, peut-on concevoir une méthode plus insensée que d′élever un enfant comme n′ayant jamais à sortir de sa chambre, comme devant être sans cesse entouré de ses gens ? Si le malheureux fait un seul pas sur la terre, s′il descend d′un seul degré, il est perdu. Ce n′est pas lui l′apprendre à supporter la peine ; c′est l′exercer à la sentir. Esto, pues, hace generalizar nuestros puntos de vista y considerar en nuestro discípulo el hombre abstracto, el que está expuesto a todas las eventualidades de la vida humana. Si los hombres nacieran ligados al suelo de un país, si la misma estación durara todo el año, si cada uno dispusiera de su fortuna de tal modo que jamás pudiera cambiar, la práctica establecida sería buena para ciertos modos de ver. El niño educado para su estado, no saliendo jamás del mismo, no se vería expuesto a los inconvenientes de otro distinto. Mas teniendo en cuenta la inestabilidad de las cosas humanas, mirando el espíritu inquieto y revoltoso de este siglo, que lo trastorna todo a cada generación, ¿puede concebirse un método más insensible como el de educar a un niño como si jamás hubiese de salir de su habitación y tuviera que vivir siempre rodeado de su gente? Si este desgraciado da un solo paso en la tierra, sí baja un escalón, está perdido. Esto no es enseñarles a soportar el dolor, sino ejercitarle a sentirlo.
On ne songe qu′à conserver son enfant ; ce n′est pas assez ; on doit lui apprendre à se conserver étant homme, à supporter les coups du sort, à braver l′opulence et la misère, à vivre, s′il le faut, dans les glaces d′Islande ou sur le brûlant rocher de Malte. Vous avez beau prendre des précautions pour qu′il ne meure pas, il faudra pourtant qu′il meure ; et, quand sa mort ne seroit pas l′ouvrage le vos soins, encore seroient -ils mal entendus. Il s′agit moins de l′empêcher de mourir que de le faire vivre. Vivre, ce n′est pas respirer, c′est agir ; c′est faire usage de nos organes, de nos sens, de nos facultés, de toutes les parties de nous-mêmes, qui nous donnent le sentiment de notre existence. L′homme qui a le plus vécu n′est pas celui qui a compté le plus d′années, mais celui qui a le plus senti la vie. Tel s′est fait enterrer à cent ans, qui mourut dès sa naissance. Il eût gagné d′aller au tombeau dans sa jeunesse, s′il eût vécu du moins jusqu′à ce tems là. Se sueña en conservar al niño, pero eso no es suficiente; debieran enseñarle a conservarse cuando sea hombre, a soportar los golpes de la desgracia, a arrastrar la opulencia y la miseria, a vivir, si es necesario, en los hielos de Islandia o en las ardientes rocas de Malta. Inútil es tomar precauciones para que no muera, pues al fin tiene que morir, y aunque no sea su muerte un resultado de vuestros cuidados, aun serán éstos mal entendidos. Se trata menos de impedir morir que de hacerle vivir. Vivir no consiste en respirar, sino saber hacer uso de nuestros órganos, de nuestros sentidos, de nuestras facultades, de todas las partes de nosotros mismos que dan el sentimiento de nuestra existencia. El hombre que más ha vivido no es el que tiene más años, sino el que más aprovechó la vida. Uno que murió al nacer se le enterró a los cien años; mejor le hubiera sido morir en su *juventud si por lo menos hubiera vivido hasta este tiempo.
Toute notre sagesse consiste en préjugés serviles ; tous nos usages ne sont qu′assujettissement, gêne & contrainte. L′homme civil naît, vit & meurt dans l′esclavage : à sa naissance on le coud dans un maillot ; à sa mort on le cloue dans une bière ; tant qu′il garde la figure humaine, est enchaîné par nos institutions. Toda nuestra sabiduría consiste en preocupaciones serviles; todos nuestros usos no son otra cosa que sujeción, tormento y violencia. El hombre civilizado nace, vive y muere en la esclavitud. Cuando nace se le cose en una envoltura; cuando muere se le mete en un ataúd, y en tanto que él conserva la figura humana vive encadenado por nuestras instituciones.
On dit que plusieurs Sages-Femmes prétendent, en pétrissant la tête des enfans nouveau-nés, lui donner une forme convenable, & on le souffre ! Nos têtes seroient mal de la façon de l′Auteur de notre être : il nous les faut façonner au dehors par les Sages-Femmes, & au dedans par les philosophes. Les Caraibes sont de la moitié plus heureux que nous. Se dice que algunas parteras pretenden dar una forma más conveniente a la cabeza de los recién nacidos apretándosela, ¡y se lo permiten! Tan mal están nuestras cabezas del modo como Dios las formó que nos las modelan las parteras por fuera y los filósofos por dentro. Los caribes son la mitad más felices que nosotros.
"À peine l′enfant est-il sorti du sein de la mère, & à peine jouit-il de la liberté de mouvoir & d′étendre ses membres, qu′on lui donne de nouveaux liens. On l′emmaillote, on le couche la tête fixée & les jambes allongées, les bras pendants à côté du corps ; il est entouré de linges & de bandages de toute espèce, qui ne lui permettent pas de changer de situation. Heureux si on ne l′a pas serré au point de l′empêcher de respirer, & si on a eu la précaution de le coucher sur le côté, afin que les eaux qu′il doit rendre par la bouche puissent tomber d′elles-mêmes ! car il n′auroit pas la liberté de tourner la tête sur le côté pour en faciliter l′écoulement [8] » . Apenas el niño ha salido del vientre de su madre, y apenas disfruta de la facultad de mover y extender sus miembros, cuando se le ponen nuevas ligaduras. Le envuelven, le ponen a dormir con la cabeza fija, las piernas estiradas y los brazos colgando; le cubren de lienzos y vendajes de toda especie que le privan del cambio de posición. Feliz si no le han apretado hasta el punto de privarle de respirar y si se ha tenido la precaución de acostarle de lado con el fin de que los líquidos que debe sacar por la boca, ya que no le queda libertad de mover la cabeza de lado, para facilitar la salida de los mismos.
L′enfant nouveau-né a besoin détendre & de mouvoir ses membrés, pour les tirer de l′engourdissement où, rassemblés en un peloton, ils ont resté si longtemps. On les étend, il est vrai, mais on les empêche de se mouvoir ; on assujettit la tête même par des têtières : il semble qu′on a peur qu′il n′ait l′air d′être en vie. El niño recién nacido tiene necesidad de extender y mover sus miembros para sacarlos del adormecimiento en que han estado, a causa del envoltorio, durante tanto tiempo. Los estiran, es verdad, pero les impiden el movimiento; sujetan hasta la cabeza con capillos, como si tuviesen miedo de que den señales de vida.
Ainsi l′impulsion des parties internes d′un corps qui tend à l′accroissement trouve un obstacle insurmontable aux mouvements qu′elle lui demande. L′enfant fait continuellement des efforts inutiles qui épuisent ses forces ou retardent leur progrès. Il étoit moins à l′étroit, moins gêné, moins comprimé dans l′amnios il n′est dans ses langes je ne vois pas ce qu′il a gagné naître. Así el impulso de las partes internas del cuerpo que tienden al crecimiento encuentran un obstáculo insuperable a los movimientos que esas partes requieren. El niño hace continuamente esfuerzos inútiles que apuran sus fuerzas o retardan su progreso. Estaba menos estrecho, menos ligado, menos comprimido dentro del vientre de la madre que en sus pañales. No veo lo que ha ganado con nacer.
L′inaction, la contrainte où l′on retient les membres d′un enfant, ne peuvent que gêner la circulation du sang, des humeurs, empêcher l′enfant de se fortifier, de croître, & altérer sa constitution. Dans les lieux où l′on n′a point ces précautions extravagantes, les hommes sont tous grands, forts, bien proportionnés [9]. Les pays où l′on emmaillote les enfans sont ceux qui fourmillent de bossus, de boiteux, de cagneux, de noués, de rachitiques, de gens contrefaits de toute espèce. De peur que les corps ne se déforment par des mouvements libres, on se hâte de les déformer en les mettant en presse. On les rendroit volontiers perclus pour les empêcher de s′estropier. La inacción, la presión en que retienen los miembros de un niño, no pueden favorecer en nada la circulación de la sangre y de los humores, es estorbar que se fortalezca o crezca la criatura y alterar su constitución. En los países donde no practican estas extravagantes precauciones, los hombres son todos altos, fuertes y bien proporcionados. Los países en los cuales se fajan los niños son aquellos done abundan los jorobados, cojos, raquíticos, malatos y contrahechos de toda especie. Por miedo a que los cuerpos queden deformados con la libertad de los movimientos, se dan prisa a realizarlo, poniéndolos en prensa, y los dejarían lisiados para impedir que se estropeasen.
Une contrainte si cruelle pourroit-elle ne pas influer sur leur humeur ainsi que sur leur tempérament ? Leur premier sentiment est un sentiment de douleur & de peine : ils ne trouvent qu′obstacles à tous les mouvements dont ils ont besoin : plus malheureux qu′un criminel aux fers, ils font de vains efforts, ils s′irritent, ils crient. Leurs premières voix, dites-vous, sont des pleurs ? Je le crois bien : vous les contrariez dès leur naissance ; les premiers dons qu′ils reçoivent de vous sont des chaînes ; les premiers traitements qu′ils éprouvent sont des tourments. N′ayant rien de libre que la voix, comment ne s′en serviroient-ils pas pour se plaindre ? Ils crient du mal que vous leur faites : ainsi garrottés, vous crieriez plus fort qu′eux. Una violencia tan cruel, ¿no podría influir en su humor lo mismo que en su temperamento? Su primer sentimiento es de dolor y de pena; no hallan otra cosa que obstáculos en todos los movimientos de que tienen necesidad; más desgraciados que un criminal esposado, hacen esfuerzos inútiles, se irritan y gritan. ¿Decís que sus primeras voces son llantos? Así lo creo, pues desde que nacen los atormentáis; los primeros regalos que reciben de vosotros son cadenas; los primeros tratamientos que conocen son los tormentos. No quedándoles otra cosa libre que la voz, ¿cómo no han de hacer uso de ella para quejarse? Gritan por el daño que les estáis haciendo, pero vosotros gritaríais más si del mismo modo estuvierais agarrotados.
D′où vient cet usage déraisonnable ? d′un usage dénaturé. Depuis que les mères, méprisant leur premier devoir, n′ont plus voulu nourrir leurs enfants, il a fallu les confier à des femmes mercenaires, qui, se trouvant ainsi mères d′enfants étrangers pour qui la nature ne leur disoit rien, n′ont cherché qu′à s′épargner de la peine. Il eût fallu veiller sans cesse sur un enfant en liberté ; mais, quand il est bien lié, on le jette dans un coin sans s′embarrasser de ses cris. Pourvu qu′il n′y ait pas de preuves de la négligence de la nourrice, pourvu que le nourrisson ne se casse ni bras ni jambe, qu′importe, au surplus, qu′il périsse ou qu′il demeure infirme le reste de ses jours ? On conserve ses membres aux dépens de son corps, et, quoi qu′il arrive, la nourrice est disculpée. ¿De dónde viene un uso tan irracional? De otra costumbre inhumana. Cuando las madres desdeñan su primer deber, no queriendo criar a sus hijos, tienen que confiarlos a las mujeres mercenarias, las cuales se convierten en madres de niños extraños, porque la naturaleza nada les dice; sólo han buscado el medio de ahorrarse trabajo. Habría sido necesario hallarse en continua vigilancia estando el niño libre, pero bien sujeto se le deja en un rincón sin preocuparse de sus gritos. Con tal que no haya pruebas de la negligencia de la nodriza, con tal que no se rompa el niño un brazo o una pierna, ¿qué importa que se muera o se quede enfermo mientras viva? Conque conserve sus miembros a costa de su cuerpo, la nodriza queda disculpada.
Ces douces mères qui, débarrassées de leurs enfants, se livrent gaiement aux amusements de la ville, savent elles. cependant quel traitement l′enfant dans son maillot reçoit au village ? Au moindre tracas qui survient, on le suspend à un clou comme un paquet de hardes ; & tandis que, sans se presser, la nourrice vaque à ses affaires, le malheureux reste ainsi crucifié. Tous ceux qu′on a trouvés dans cette situation avoient le visage violet ; la poitrine fortement comprimée ne laissant pas circuler le sang, il remontoit à la tête ; & l′on croyoit le patient fort tranquille, parce qu′il n′avoit pas la force de crier. J′ignore combien d′heures un enfant peut rester en cet état sans perdre la vie, mais je doute que cela puisse aller fort loin. Voilà, je pense, une des plus grandes commodités du maillot. Esas dulces madres que se desprenden de sus hijos para vivir alegremente las diversiones de la villa, ¿saben qué tratamiento recibe su hijo en la aldea? A la menor molestia que sobreviene, se le suspende de un clavo como un paquete de trapos, y mientras la nodriza se dedica a sus quehaceres, el desgraciado resta así crucificado. Todos los que han sufrido esa situación tenían el rostro amoratado, el pecho fuertemente comprimido privando la circulación de la sangre, que subía a la cabeza, y creían que el paciente estaba tranquilo porque carecía de fuerza para gritar. Yo ignoro cuántas horas un niño puede estar en esta posición sin perder la vida, pero temo que está muy cerca de perderla. He aquí, según yo creo, una de las mayores utilidades del fajado.
On prétend que les enfans en liberté pourroient prendre de mauvaises situations, et se donner des mouvements capables de nuire à la bonne conformation de leurs membres. C′est là un de ces vains raisonnemens de notre fausse sagesse, & que jamais aucune expérience n′a confirmés. De cette multitude d′enfants qui, chez des peuples plus sensés que nous, sont nourris dans toute la liberté de leurs membres, on n′en voit pas un seul qui se blesse ni s′estropie ; ils ne sauroient donner à leurs mouvements la force qui peut les rendre dangereux & quand ils prennent une situation violente, la douleur les avertit bientôt d′en changer. Se opina que los niños en libertad pueden adquirir malas posiciones y hacer movimientos que perjudiquen a la buena conformación de sus miembros. Este es uno de tantos vanos razonamientos de nuestra falsa sabiduría, y que ninguna experiencia ha confirmado. Entre multitud de niños de los pueblos, que son más sensatos que nosotros, son criados con toda la libertad de sus miembros, y no se ve ni uno que se hiera ni se estropee, pues no podrían dar a sus movimientos la fuerza que les resultase peligrosa, y cuando toman una posición violenta, el dolor les advierte en seguida que la cambien.
Nous ne nous sommes pas encore avisés de mettre au maillot les petits des chiens, ni des chats ; voit-on qu′il résulte pour eux quelque inconvénient de cette négligence ? Les enfans sont plus lourds ; d′accord : mais à proportion ils sont aussi plus foibles. À peine peuvent-ils se mouvoir ; comment s′estropieroient -ils ? Si on les étendoit sur le dos, ils mourroient dans cette situation, comme la tortue, sans pouvoir jamais se retourner. Nosotros aún no hemos pensado en fajar a los perritos ni a los gatos. ¿Observamos algún inconveniente en esta negligencia? Los niños son más pesados, de acuerdo, pero también son en proporción más débiles. Si casi no se pueden mover, ¿cómo se han de estropear? Si se les tendiese de espaldas, se morirían en esta postura, como la tortuga, sin que consiguieran girarse.
Non contentes d′avoir cessé d′alaiter leurs enfants, les femmes cessent d′en vouloir faire ; la conséquence est naturelle. Dès que l′état de mere est onéreux, on trouve bientôt le moyen de s′en délivrer tout à fait ; on veut faire un ouvrage inutile, afin de le recommencer toujours, & l′on tourne au préjudice de l′espèce l′attroit donné pour la multiplier. Cet usage, ajoute aux autres causes de dépopulation, nous annonce le sort prochain de l′Europe. Les sciences, les arts, la philosophie & les mœurs qu′elle engendre ne tarderont pas d′en faire un désert. Elle sera peuplée de bêtes féroces : elle n′aura pas beaucoup change d′habitants. No contentas con haber dejado de amamantar a sus hijos, las mujeres ya no quieren en adelante concebir y la consecuencia es natural. Tan pronto como es fatigoso el estado de madre, se encuentra el modo de librarse de él; quieren hacer una obra inútil para retornar continuamente a ella, y es en perjuicio de la especie el atractivo dado para la multiplicación: Este uso, junto a otras causas de despoblación, nos indica la próxima suerte de Europa. Las ciencias, las artes, la filosofía y las costumbres que ésta engendra no tardarán en convertir a Europa en un desierto; será poblada de animales feroces, y con esto no habrá cambiado mucho la clase de habitantes.
J′ai vu quelquefois le petit manège des jeunes femmes qui feignent de vouloir nourrir leurs enfants. On soit se faire presser de renoncer à cette fantaisie on fait adroitement intervenir les époux, les Médecins, sur-tout les meres. Un mari qui oseroit consentir que sa femme nourrit son enfant seroit un homme perdu ; l′on en feroit un assassin qui veut se défaire d′elle. Maris prudents, il faut immoler qui paix l′amour paternel. Heureux qu′on trouve à la campagne des femmes plus continentes que les vôtres ! Plus heureux si le temps que celles-ci gagnent n′est pas destine pour d′autres que vous. Yo veo algunas veces el pequeño manejo de algunas mujeres jóvenes que fingen un deseo de criar ellas mismas a sus hijos; pero saben lograr que se les insista para lo contrario, haciendo intervenir a los esposos, a los médicos y especialmente, a las madres. Un marido que se atreva a consentir que su esposa nutra a su hijo, es hombre perdido; le tildarán como a un asesino que quiere deshacerse de ella. Hay maridos prudentes que sacrifican el amor paterno en aras de la paz. Gracias a que se hallan en las aldeas mujeres más abnegadas que las vuestras, más agradecidas debéis estar si el tiempo que les queda libre a esas esposas no lo llenan complaciendo a otros hombres.
Le devoir des femmes n′est pas douteux : mais on dispute si, dans le mépris qu′elles en font, il est égal pour les enfans d′être nourris de leur lait ou d′un autre. Je tiens question, dont les médecins sont les juges, pour cette décidée au souhoit des femmes ; & pour moi, je penserois bien aussi qu′il vaut mieux que l′enfant suce le lait d′une nourrice en santé, que d′une mere gâtée, s′il avoit à craindre du même sang dont il quelque nouveau mal est formé. El deber de las mujeres no es dudoso, pero se discute si es igual para los niños que los críe una u otra mujer. Esta cuestión, de que son jueces los médicos, la tengo yo resuelta a satisfacción de las mujeres@6##; pienso que vale más que mame el niño la leche de una nodriza sana que la de una madre achacosa, si hubiese de temer nuevos males de la misma sangre de que procede.
Mais la question doit-elle s′envisager seulement par le côté physique ? Et l′enfant a-t-il moins besoin des soins d′une mere que de sa mamelle ? D′autres femmes, des bêtes même, pourront lui donner le lait qu′elle lui refuse : la sollicitude maternelle ne se supplée point. Celle qui nourrit l′enfant d′une autre au lieu du sien est une mauvaise mere : comment sera-t-elle une bonne nourrice ? Elle pourra le devenir, mais lentement ; il faudra que l′habitude change la nature : et l′enfant mal soigné aura le temps de périr cent fois avant que sa nourrice ait pris pour lui une tendresse de mère. No obstante, ¿puede mirarse esta cuestión solamente bajo el aspecto físico? ¿Necesita menos el niño del cuidado de su madre que de su pecho? Otras mujeres, y hasta animales, le podrán dar la leche que ésta le niega, pero la solicitud maternal no hay nada que pueda suplirla. La que cría el niño ajeno en vez del suyo, es mala madre; ¿cómo, pues, puede ser una buena nodriza? Podrá llegar a serlo, pero paulatinamente; será necesario que el hábito corrija la naturaleza, mientras que el niño mal cuidado tendrá ocasión de morirse cien veces antes de que su nodriza le tome el cariño de madre.
De cet avantage même résulte un inconvénient qui seul devroit ôter à toute femme sensible le courage le faire nourrit son enfant par une autre, c′est celui de partager le droit de mère, ou plutôt de l′aliéner ; de voir son enfant aimer une autre femme autant & plus qu′elle ; de sentir que la tendresse qu′il conserve pour sa propre mere est une grâce, & que celle qu′il a pour sa mere adoptive est un devoir : car, où je ai trouvé les soins d′une mère, ne dois-je pas l′attachement d′un, fils ? De esta última ventaja nace un inconveniente que por sí solo sería suficiente para quitar a toda mujer sensible el propósito de que su hijo lo críe otra, pues es ceder parte del derecho de madre, el dejar que su hijo quiera a otra mujer tanto como a ella o más, porque, ¿no debo yo el afecto de hijo a la que tuvo para mí los afanes de madre?
La manière dont on remédie à cet inconvénient est d′inspirer aux enfans du mépris pour leurs nourrices en les traitant en véritables servantes. Quand leur service est achevé on retire l′enfant, ou l′on congédie la nourrice ; à force de la mal recevoir, on la rebute de venir voir son nourrisson. Au bout de quelques années il ne la voit plus, il ne la connoit plus. La mère, qui croit se substituer à elle & réparer sa négligence par sa cruauté, se trompe. Au lieu de faire un tendre fils d′un nourrisson dénaturé, elle l′exerce à l′ingratitude ; elle lui apprend à mépriser un jour celle qui lui donna la vie, comme celle qui l′a nourri de son lait. La forma cómo se remedia este inconveniente consiste en inspirar a los niños el desprecio de sus nodrizas y tratarlas como a simples sirvientas. Finalizado el servicio, les quitan la criatura o las despiden, y a fuerza de desaires la privan de que vaya a ver a su hijo de leche, para que, al cabo de algunos años, si lo ve, no lo conozca. Se engaña la madre que piensa que puede ser sustituida y que con su crueldad repara su negligencia, y así, en lugar de criar un hijo tierno, cría un hijo de leche despiadado, enseñándole la ingratitud e induciéndole a que un día abandone a la que le dio la vida, como a la que le alimentó con la leche de sus pechos.
Combien j′insisterois sur ce point, s′il étoit moins décourageant de rebattre en vain Ses sujets utiles ! Ceci tient à de choses qu′on ne pense. Voulez-vous rendre chacun à ses premiers devoirs ? Commencez par les mères ; il vous serez étonné des changements que vous produirez. Tout vient successivement de cette première dépravation tout l′ordre moral s′altère ; le naturel s′éteint dans tous les cœurs ; l′intérieur des maisons prend un air moins vivant ; le spectacle touchant d′une famille naissante n′attache plus les maris, n′impose plus d′égards aux étrangers ; on respecte moins la mere dont on ne voit pas les enfans ; il n′y a point de résidence dans les familles ; l′habitude ne renforce plus les liens du sang ; il n′y a plus lai pères ni mères ni enfants, ni frères, ni sœurs ; tous se connaissent à peine ; comment s′aimeroient -ils ? Chacun ne songe plus qu′à soi. Quand la maison n′est qu′une triste solitude, il faut bien aller s′égayer ailleurs. ¡Cuánto machacaría yo sobre este punto si no perdiera el ánimo al tener que insistir vanamente en tan útiles consejos! Esto tiene conexión con muchas más cosas de lo que uno cree. ¿Queréis volver a cada uno hacia sus primeros deberes? Comenzad por las madres y quedaréis sorprendidos de los cambios producidos. Todo deviene sucesivamente de esta primera depravación; todo el orden moral queda alterado, lo natural se extingue en todos los corazones, el interior de las casas es menos vivaz; el tierno espectáculo de una familia naciente ya no produce apego a los maridos ni atenciones a los extraños; es menos respetada la madre cuyos hijos confía a otra mujer, no hay vida familiar, los vínculos de la sangre no los fortalece la costumbre; no hay padres, ni madres, ni hijos, ni hermanos, ni hermanas; si apenas se conocen entre sí, ¿cómo se han de querer? Cada uno sólo piensa en sí mismo. Por haberse convertido el hogar en una triste soledad, nace la necesidad de ir a divertirse a otra parte.
Mais que les mères daignent nourrir leurs enfants, les mœurs vont se reformer d′elles-mêmes, les sentiments de mœurs vont se réforme la nature se réveiller dans tous les cœurs ; l′état va se repeupler : ce premier point, ce point seul va tout réunir. L′attroit de la vie domestique est le meilleur contre-poison des mauvaises mœurs. Le tracas des enfants, qu′on croit importun, devient agréable ; il rend le père & la mere plus nécessaires, plus chers l′un à l′autre ; il resserre entre eux le lien conjugal. Quand la famille est vivante & animée, les soins domestiques font la plus chère occupation de la femme & le plus doux amusement du mari. Ainsi de ce seul abus corrigé résulteroit bientôt une réforme générale, bientôt la nature auroit repris tous ses droits. Qu′une fois les femmes redeviennent mères, bientôt les hommes redeviendront pères & maris. Cuando las madres se dignen criar a sus hijos, las costumbres se reformarán en todos los corazones y se repoblará el Estado; este primer punto, este punto único lo reunirá todo. El contraveneno más eficaz contra las malas costumbres es el atractivo de la vida doméstica; acaba siendo grata la pesadez de los niños, logrando que los padres se necesiten más, se amen más uno a otro y estrechen entre ambos el lazo conyugal. Cuando la familia es viva y animada las tareas domésticas son la ocupación más querida para la mujer y más suave el desahogo del marido. Corregido de este modo tal abuso, resultaría pronto una reforma general y en breve la naturaleza recuperaría todos sus derechos. Una vez las mujeres vuelvan a ser madres, también los hombres volverán a ser padres y maridos.
Discours superflus ! l′ennui même des plaisirs du monde ne ramene jamais à ceux-là. Les femmes ont cessé d′être mères ; elle ne le seront plus ; elles ne veulent plus l′être. Quand elles le voudroient, à peine le pourroient-elles ; aujourd′hui que l′usage contraire est établi, chacune auroit à combattre l′opposition de toutes celles qui l′approchent, liguées contre un exemple que les unes n′ont pas donné et que les autres ne veulent pas suivre. Razonamientos superfluos; el hastío mismo de los placeres del mundo no atrae nunca a éstos. Las mujeres han cesado de ser madres y nunca más lo serán ni querrán serlo.  Aun cuando quisieran, apenas si podrían; hoy que se halla establecido el uso contrario, cada una tendría que pelear contra la oposición de todas sus conocidas, coaligadas contra un ejemplo que las unas no han dado y que no quieren seguir las otras.
Il se trouve pourtant quelquefois encore de jeunes personnes d′un bon naturel, qui, sur ce point osant braver l′empire de la mode & les clameurs de leur sexe, remplissent avec une vertueuse intrépidité ce devoir si doux que la nature leur impose. Puisse leur nombre augmenter par l′attroit des biens destinés à celles qui s′y livrent ! Fondé sur des conséquences que donne le plus simple raisonnement, et sur observations que je n′ai jamais vues démenties, j′ose promettre à ces dignes mères un attachement solide & constant de la part de leurs maris, une tendresse vraiment filiale de la part de leurs enfans, l′estime & le respect du public, d′heureuses couches sans accident & sans suite, une santé ferme & vigoureuse, enfin le plaisir de se voir un jour imiter par leurs filles, & citer en exemple à celles d′autrui. Se encuentran, por consiguiente, todavía algunas mujeres jóvenes de buena índole que, desafiando la tiranía de la moda con bravura, desempeñan con una virtuosa intrepidez este deber tan dulce que su naturaleza les impone. Puede aumentar su número por la atracción de los bienes destinados a las que lo cumplen. Fundándome en las consecuencias que ofrece el más simple razonamiento, y sobre las observaciones que jamás he visto desmentidas, me atrevo a prometer a esas dignas madres un apego sólido y constante por parte de sus maridos, una verdadera ternura filial en sus hijos, la estima y el respeto público, felices partos sin accidentes y sin consecuencias, una salud fuerte y vigorosa, y, por último, el placer de verse un día imitadas por sus hijas y citadas como ejemplo.
Point de mère, point d′enfant. Entre eux les devoirs sont réciproques ; & s′ils sont mal remplis d′un côté, ils seront négligés de l′autre. L′enfant doit aimer sa mere avant de savoir qu′il le doit. Si la voix du sang n′est fortifiée par l′habitude & les soins, elle s′éteint dans les premières années, & le cœur meurt pour ainsi dire avant que de naître. Nous voilà dès les premiers pas hors de la nature. El sitio de la madre es el lugar del niño. Entre ellos los deberes son recíprocos, y si son mal desempeñados de un lado, serán descuidados del otro. El niño debe amar a su madre antes de que sepa que es su obligación amarla. Si la voz de la sangre no está fortificada por el hábito y los cuidados, se extingue en los primeros años y el corazón muere antes de nacer, por así decirlo. He ahí cómo desde los primeros pasos nos apartamos de la naturaleza.
On en sort encore par une route opposée, lorsqu′au lieu de négliger les soins de mère, une femme les porte à l′excès ; lorsqu′elle fait de son enfant son idole, qu′elle augmente & nourrit sa foiblesse pour l′empêcher de la sentir, & qu′espérant le soustraire aux lois de la nature, elle écarte de lui des atteintes pénibles, sans songer, combien, pour quelques incommodités dont elle le préserve un moment, elle accumule au loin d′accidents & de périls sur sa tête, & combien c′est une précaution barbare de prolonger la foiblesse de l′enfance sous les fatigues des hommes faits. Thétis, pour rendre son fils invulnérable, le plongea, dit la fable, dans l′eau du Styx. Cette allégorie est belle & claire. Les mères cruelles dont je parle font autrement ; à force de plonger leurs enfans dans la mollesse, elles les préparent à la souffrance ; elles ouvrent leurs pores aux maux de toute espèce, dont ils ne manqueront pas d′être la proie étant grands. Uno se sale todavía por una ruta opuesta cuando las madres, en vez de desatender los cuidados maternales, los toman con exceso, cuando hace de su niño su ídolo, que ella aumenta y nutre su debilidad para impedir que la sienta, con la esperanza de sustraerle de las leyes de la naturaleza aparta todo choque penoso, sin pesar cuánto, por cualquiera de las incomodidades que ella le ha preservado un momento, acumula para el futuro accidentes y peligros sobre su cabeza, y cuán bárbara es esta preocupación de prolongar la flaqueza de la infancia bajo las fatigas de los hombres formados. Thetis, para hacer a su hijo invulnerable, dice la fábula, «le sumió en las aguas de la laguna Estigia». Esta alegoría es bella y clara. Las crueles madres de que yo hablo hacen lo contrario: a fuerza de sumergir a sus niños en la blandura, los preparan para el sufrimiento; abren los poros a toda especie de males, que seguirán sufriendo cuando sean adultos.
Observez la nature, & suivez la route qu′elle vous trace. Elle exerce continuellement les enfants ; elle endurcit leur tempérament par des épreuves de toute espèce ; elle leur apprend de bonne heure ce que c′est que peine & douleur. Les dents qui percent leur donnent la fièvre ; des coliques aiguËs leur donnent des convulsions ; de longues toux les suffoquent ; les vers les tourmentent ; la pléthore corrompt leur sang ; des levains divers y fermentent, & causent des éruptions périlleuses. Presque tout le premier âge est maladie & danger : la moitié des enfans qui naissent périt avant la huitième année. Les épreuves faites, l′enfant a gagné des forces ; & sitôt qu′il peut user de la vie, le principe en devient plus assuré. Observad la naturaleza y seguid el camino trazado por ella. La naturaleza ejercita continuamente a los niños; endurece su temperamento con todo género de pruebas y les enseña muy pronto qué es pena y qué dolor. Los dientes que les nacen les dan fiebre, violentos cólicos les dan convulsiones, y tienen accesos de tos, los gusanos les atormentan, la plétora les corrompe la sangre, en la que fermentan varias levaduras y son la causa de peligrosas erupciones. Casi toda la primera edad es enfermedad y peligro; la mitad de los niños mueren antes de los ocho años. Hechas las pruebas, el niño ha ganado fuerzas, y tan pronto como puede hacer uso de la vida, tiene más vigor al principio.
Voilà la règle de la nature. Pourquoi la contrariez-vous ? Ne voyez-vous pas qu′en pensant a corriger, vous détruisez son ouvrage, vous empêchez l′effet de ses soins ? Faire au dehors ce qu′elle fait au dedans, c′est, selon vous redoubler le danger ; & au contraire c′est y faire rien apprend qu′il diversion, c′est l′exténuer. L′expérience apprend qu′il meurt encore plus d′enfants élevés délicatement que d′autres. Pourvu qu′on ne passe pas la mesure de leurs forces on risque moins à les employer qu′à les ménager. Exercez-les donc aux atteintes qu′ils auront à supporter un jour. Endurcissez leurs corps aux intempéries des saisons, des climats, des éléments, à la faim, à la soif, à la fatigue ; trempez-les dans l′eau du Styx. Avant que habitude du corps soit acquise, on lui donne celle qu′on veut, sans danger ; mais, quand une fois il est dans sa consistance, toute altération lui devient périlleuse. Un enfant supportera des changements que ne supporteroit pas un homme : les fibres du premier, molles & flexibles, prennent sans effort le pli qu′on leur donne ; celles de l′homme, plus endurcies, ne changent plus qu′avec violence le qu′elles ont reçu. On peut donc rendre un enfant robuste sans exposer sa vie & sa santé ; & quand il y auroit quelque risque, encore ne faudroit pas balancer. Puisque ce sont des risques inséparables de la vie humaine, peut-on mieux faire que de les rejeter sur le temps de sa durée où ils sont le moins désavantageux ? Si esta es la regla de la naturaleza, ¿por qué se hace oposición a ella? ¿Cómo no nos damos cuenta de que queriendo corregirla se destruye su obra y se obstaculiza la eficacia de sus afanes? Hacer en lo exterior lo que realiza ella en lo interior, dicen que es redoblar el peligro, mientras que, por el contrario, es hacer burla de él y agotarlo. La experiencia nos muestra que mueren más niños criados con delicadeza que los otros. Mientras no sean rebasadas sus fuerzas, menos se arriesga con ejercitarlas que con no ponerlas a prueba. Acostumbradlos por tanto a sufrir golpes que se verán obligados a soportar un día; endureced sus cuerpos habituándolos a la inclemencia de los climas y los elementos, al hambre, a la sed, a la fatiga. Antes de que el cuerpo haya contraído costumbres, se les dan sin riesgo las que se quieran, pero una vez que toma consistencia, toda alteración es peligrosa. Un niño soportará cambios que no resistiría un hombre; sus fibras, blandas y flexibles, toman sin esfuerzo la forma que se les da; más endurecidas las del hombre, no cambian sin violencia. Se puede, pues, hacer robusto a un niño sin exponer su vida y su salud, y aun cuando corriese algún peligro, no se debería vacilar. Puesto que los peligros son inseparables de la vida humana, ¿qué mejor cosa podemos hacer que arrostrarlos en la época en que menos inconvenientes presentan?
Un enfant devient plus précieux en avança en âge. Au prix de sa personne se joint celui des soins qu′il a coûtés ; à la perte de sa vie se joint en lui de la mort. C′est donc surtout à l′avenir qu′il faut songer en veillant à sa conservation ; c′est contre les maux de la jeunesse qu′il faut l′armer avant qu′il y soit parvenu car, si le prix de la vie augmente jusqu′à l′âge de la rendre utile, quelle folie n′est-ce point d′épargner quelques maux à l′enfance en les multipliant sur l′âge de raison ! Sont-ce là les leçons du maître ? Un niño es más precioso a medida que crece. Al precio de su vida se unen los de los cuidados que ha costado; a la pérdida de su existencia se junta el sentimiento de la muerte. Por tanto, vigilando sobre su conservación debe pensarse particularmente en el tiempo venidero y armarle contra los males de la juventud :antes de que llegue a ella, puesto que si aumenta el valor de la vida hasta la edad en que es útil, ¿no sería una locura apartar algunos peligros durante la infancia, para que tenga que defenderse de ellos, muy aumentados, en la edad de la razón? ;Son ésas las lecciones del maestro?
Le sort de l′homme est de souffrir dans tous les temps. Le soin même de sa conservation est attaché à la peine. Heureux de ne connaître dans son enfance que les maux physiques, maux bien moins cruels, bien moins douloureux que les autres, & qui bien plus rarement qu′eux nous font renoncer à la vie ! On ne se tue point pour les douleurs de la goutte ; il n′y a guère que celles de l′âme qui produisent le désespoir. Nous plaignons le sort de l′enfance, & c′est le nôtre qu′il faudroit plaindre. Nos plus grands maux nous viennent de nous. El destino del hombre es el de sufrir siempre. El cuidado mismo de su conservación va unido al sufrimiento. Feliz es el que en su infancia no conoce otros males que los físicos; males mucho menos crueles, menos dolorosos que los otros, y que con mucha menos frecuencia nos obligan a renunciar a la vida. Nadie se mata por los dolores de gota; solamente los del ánimo nos producen la desesperación. Sentimos compasión por la suerte de la infancia, cuando tendríamos que llorar por la nuestra. Nuestros males más graves nos vienen de nosotros mismos.
En naissant, un enfant crie ; sa première enfance se passe à pleurer. Tantôt on l′agite, on le flatte pour l′apaiser ; tantôt on le menace, on le bat pour le faire taire. Ou nous faisons ce qu′il lui plaît, ou nous en exigeons ce qu′il nous plaît ; ou nous nous soumettons à ses fantaisies, ou nous le soumettons aux nôtres : point de milieu, il faut qu′il donne des ordres ou qu′il en reçoive. Ainsi ses premières idées sont celles d′empire & de servitude. Avant de savoir parler il commande, avant de pouvoir agir il obéit ; & quelquefois on le châtie avant qu′il puisse connaître ses fautes, ou plutôt en commettre. C′est ainsi qu′on verse de bonne heure dans son jeune cœur les passions qu′on impute ensuite à la nature, & qu′après avoir pris peine à le rendre méchant, on se plaint de le trouver tel. Grita un niño al nacer y pasa su primera infancia llorando. Tan pronto se le mueve o halaga para acallarle como se le amenaza o castiga para imponerle silencio. O hacemos lo que le place o exigimos de él lo que queremos; o nos sujetamos a sus antojos o lo sujetamos a los nuestros; o ha de dictar leyes o ha de obedecerlas. De esta forma son sus primeras ideas las del dominio y las de servidumbre. Ya manda antes de saber hablar, y obedece antes de poder obrar; se le castiga sin que pueda conocer sus yerros, o antes de que sea capaz de cometerlos. De esta manera, es como se infiltran en su joven corazón y con rapidez las pasiones que se achacan a la naturaleza, y, después de haberle criado malo, se lamentan de su mala crianza.
Un enfant passe six ou sept ans de cette manière entre les mains des femmes, victimes de leur caprice & du sien ; & après lui avoir fait apprendre ceci & cela, c′est-à-dire après avoir chargé sa mémoire ou de mots qu′il ne peut entendre, ou de choses qui ne lui sont bonnes à rien ; après avoir étouffé le naturel par les passions qu′on a fait naître, on remet cet être factice entre les mains d′un précepteur, lequel achève de développer les germes artificiels qu′il trouve déjà tout formés, & lui apprend tout hors a se connaître, hors à tirer parti de lui-même, hors à savoir vivre & se rendre heureux. Enfin, quand cet enfant, esclave & tyran, plein de science & dépourvu de sens, également débile de corps & d′âme, est jeté dans le monde en y montrant son ineptie, son orgueil & tous ses vices, il fait déplorer la misère & la perversité humaines. On se trompe ; c′est là l′homme de nos fantaisies : celui de la nature est fait autrement. Así, un niño que ha estado seis o siete años en manos de mujeres, mártir de los caprichos de ellas y de los suyos, luego que le han obligado a aprender esto y lo otro, después de haber recargado su memoria con palabras que no puede comprender, o con cosas que no le sirven para nada; luego de haber ahogado su índole natural con las pasiones que han sido sembradas en él, ponen en manos de un preceptor a este ser ficticio que acaba de desarrollar los gérmenes artificiales que ya están desarrollados, y le instruye en todo, menos en conocerse, menos en dar frutos propios y en saber vivir v labrar su felicidad. Por último, este niño esclavo y tirano a la vez, lleno de ciencia y carente de razón, flaco de cuerpo y de espíritu por igual, es puesto en contacto con el mundo, descubriendo su ineptitud, su soberbia y todos sus vicios, lo que hace que se compadezca la miseria y la perversidad humana. Es una equivocación, porque este es el hombre de nuestros desvaríos, pero muy distinto el de la naturaleza.
Voulez-vous donc qu′il~garde sa forme originelle, Conservez-la dès l′instant qu′il vient au monde. Sitôt qu′il nait, emparez-vous de lui, & ne le quittez plus qu′il ne soit homme : vous ne réussirez jamais sans cela. Comme la véritable nourrice est la mère, le véritable précepteur est le père. Qu′ils s′accordent dans l′ordre de leurs fonctions ainsi que dans leur système ; que des mains de l′une l′enfant passe dans celles de l′autre. Il sera mieux élevé par un pere judicieux & borné que par le plus habile maître du monde ; car le zèle suppléera mieux au talent que le talent au zèle. Si queréis que él guarde su forma original, conservadla desde el momento que viene al mundo. Tan pronto como nazca amparadle y no le soltéis hasta que sea hombre, o nunca lograréis nada. Así como la verdadera nodriza es la madre, el verdadero preceptor es el padre. Que ambos se pongan de acuerdo en el orden de sus funciones como en su sistema, y que pase el niño de las manos de ella a las de él. Será mejor educado por un padre con juicio y de limitados alcances que por el más hábil maestro del mundo, pues el celo suplirá mejor al talento que el talento al celo.
Mais les affaires, les fonctions, les devoirs… Ah ! les devoirs, sans doute le dernier est celui du pere [10] ? Ne nous étonnons pas qu′un homme dont la femme a dédaigné de nourrir le fruit de leur union, dédaigne de l′élever. Il n′y a point de tableau plus charmant que celui de la famille ; mais un seul trait manqué défigure tous les autres. Si la mere a trop peu de santé pour être nourrice, le pere aura trop d′affaires pour être précepteur. Les enfants, éloignés, dispersés dans des pensions, dans des couvents, dans des collèges, porteront ailleurs l′amour de la maison paternelle, ou, pour mieux dire, ils y rapporteront l′habitude de n′être attachés à rien. Les frères & les sœurs se connaîtront à peine. Quand tous seront rassemblés en cérémonie, ils pourront être fort polis entre eux ; ils se traiteront en étrangers. Sitôt qu′il n′y a plus d′intimité entre les parents, sitôt que la société de la famille ne fait plus la douceur de la vie, il faut bien recourir aux mauvaises mœurs pour y suppléer. Où est l′homme assez stupide pour ne pas voir la chaîne de tout cela ? Mas los quehaceres, los asuntos, los deberes... ¡Ah, las obligaciones! Sin duda que la obligación de padre es la última . No nos extrañe que un hombre cuya mujer ha desdeñado la cría del fruto de su unión, desdeñe educarle. No hay pintura que sea más encantadora que la de la familia, pero un sólo rasgo mal trazado desfigura todos los demás. Si a la madre le falta salud para amamantar a su hijo, al padre le sobrarán quehaceres para ser preceptor. Alejados y dispersos los hijos en pensiones, en conventos, en colegios, pondrán en otra parte el cariño de la casa paterna o volverán a ella con el hábito de no sentir afecto por nada. Los hermanos y las hermanas casi no llegan a conocerse. Cuando estén todos reunidos ceremoniosamente, podrán ser muy corteses entre sí, mas su trato será como entre extraños. Falta la intimidad entre los parientes, de tal modo que la sociedad familiar no produce el dulzor de la vida, y recurre, para suplirlo, a las malas costumbres. ¿Qué hombre es tan estúpido que no sepa ver la cadena de todo esto?
Un père, quand il engendre & nourrit des enfants, ne fait en cela que le tiers de sa tâche. Il doit des hommes à son espèce, il doit à la société des hommes sociables ; il doit des citoyens à l′état. Tout homme qui peut payer cette triple dette & ne le fait pas est coupable, & plus coupable peut-être quand il la paye à demi. Celui qui ne peut remplir les devoirs de pere n′a point le droit de le devenir. Il n′y a ni pauvreté, ni travaux, ni respect humain, qui le dispensent de nourrir ses enfans et de les élever lui-même. Lecteurs, vous pouvez m′en croire. Je prédis à quiconque a des entrailles & néglige de si saints devoirs, qu′il versera longtemps sur sa faute des larmes amères, & n′en sera jamais consolé. Un padre, cuando engendra y nutre a sus hijos, no cumple más que la tercera parte de su misión. El debe hombres a su especie, a la sociedad; hombres sociables y ciudadanos al Estado. Todo hombre que puede pagar esta triple deuda y no lo hace es culpable, y más culpable cuando solamente la paga a medias. Quien no pueda cumplir los derechos de padre, carece del derecho de serlo. No hay ni pobreza, trabajos ni respetos humanos que le dispensen de mantener a sus hijos y de educarlos por sí mismo. Lectores, me podéis creer. Yo pronostico que a cualquiera que tenga entrañas y abandone tan sacrosantos deberes, derramará durante mucho tiempo amargas lágrimas por su error y jamás hallará consuelo.
Mais que fait cet homme riche, ce pere de famille si affairé, & forcé, selon lui, de laisser ses enfans à l′abandon ? il paye un autre homme pour remplir ces soins qui lui sont à charge. Ame vénale ! crois-tu donner à ton fils un autre pere avec de l′argent ? Ne t′y trompe point ; ce n′est pas même un maître que tu lui donnes, c est un valet. Il en formera bientôt un second. On raisonne beaucoup sur les qualités d′un bon gouverneur. La première que j′en exigerais, & celle-là seule en suppose beaucoup d′autres, c′est de n′être point un homme a vendre. Il y a des métiers si nobles, qu′on ne peut les faire pour de l′argent sans se montrer indigne de les faire ; tel est celui de l′homme de guerre ; tel est celui de l′instituteur. Qui donc élèvera mon enfant ? Je te l′ai dé déjà dit, toi-même. Je ne le peux. Tu ne le peux ?… Fais-toi donc un ami. Je ne vois pas d′autre ressource. Pero, ¿qué hace ese hombre rico, este padre de familia tan ocupado, y precisado, según dice, a dejar a sus niños abandonados? Paga a otro hombre para que le reemplace de unos deberes que resultan una carga para él. ¡Alma mezquina! ¿Crees que con dinero das a tu hijo otro padre? Pues le engañas, ya que ni siquiera le das un maestro; ese es un sirviente y muy pronto formará otro como él. Se razona mucho sobre las cualidades de un buen preceptor. La primera que le exigiría, y esta sola supone otras muchas, es que no fuese un hombre vendible. Hay quehaceres tan nobles que no se pueden realizar por dinero sin mostrarse indigno de su ejercicio. Tal es la del guerrero, tal es la del maestro. Pues, ¿quién ha de educar a mi hijo? Ya te lo he dicho: tú mismo. «Yo no puedo.» ¿No puedes? Pues consíguete un amigo; yo no veo otro medio.
Un gouverneur ! ô quelle âme sublime !… En vérité, pour faire un homme, il faut être ou pere ou plus qu′homme soi-même. Voilà la fonction que vous confiez tranquillement à des mercenaires. Un maestro, ¡qué alma tan sublime! Es una cosa verdaderamente cierta que para formar a un hombre se debe ser padre, o más que hombre. Esta es la misión que encargáis gustosamente a un asalariado.
Plus on y pense, plus on aperçoit de nouvelles difficultés. Il faudroit que le gouverneur eût été élevé pour son élève, que ses domestiques eussent été élevés pour leur maître, que tous ceux qui l′approchent eussent reçu les impressions qu′ils doivent lui communiquer ; fi faudroit, éducation en éducation, remonter jusqu′on ne soit où. Comment se peut-il qu′un enfant soit bien élevé par qui n′a pas été bien élevé lui-même ? Cuanto más uno piensa, más se apercibe de nuevas dificultades. Haría falta que el preceptor hubiera sido educado para su alumno y los criados para el amo; que todos cuantos a él se acerquen hubieran recibido las impresiones que le deben comunicar, y de educación en educación fuera necesario remontar hasta no se sabe dónde. ¿Cómo puede un niño ser bien educado por quien no ha sido bien educado?
Ce rare mortel est-il introuvable ? Je l′ignore. En ces temps d′avilissement, qui sait à quel point de vertu peut atteindre encore une âme humaine ? Mais supposons ce prodige trouvé. C′est en considérant ce qu′il doit faire que nous verrons ce qu′il doit être. Ce que le crois voir avance est qu′un pere qui sentiroit tout le prix d′un bon gouverneur prendroit le parti de s′en passer ; car il mettroit plus de peine à l′acquérir qu′à le devenir lui-même. Veut-il donc se faire un ami ? qu′il élève son fils pour l′être ; le voilà dispensé de le chercher ailleurs, & la nature a déjà fait la moitié de l′ouvrage.. ¿No es posible hallar este raro mortal? Lo ignoro. ¿Quién sabe, en estos tiempos de envilecimiento, hasta qué grado de virtud se puede todavía encumbrar el alma humana? Pero supongamos que hemos hallado este portento. Contemplando lo que debe realizar, nos daremos cuenta de lo que debe ser. Anticipadamente se me figura que un padre que conociese todo cuanto vale un buen maestro se resolvería a no buscarle, debido a que le daría más trabajo el hallarlo que llegar a serlo él mismo. ¿Quiere tener un amigo? Eduque a su hijo para que lo sea, y queda así excusado de buscarlo en otra parte, puesto que la naturaleza ha realizado ya la mitad de la obra.
Quelqu′un dont je ne connois que le rang m′a fait proposer d′élever son fils le. Il m′a ait beaucoup d′honneur sans doute ; mais, loin de se plaindre de mon refus, il doit se louer de ma discrétion. Si j′avois accepté son offre, & que j′eusse erré dans ma méthode, c′étoit une éducation manquée ; si j′avois réussi, c′eût été bien pis, son fils auroit renie soin titre, il n′eût plus voulu être Prince. Un hombre, de quien no sé otra cosa más que su Jerarquía, me propuso que educara a su hijo. Indudablemente fue muy honroso para mí, pero al recibir mi negativa, en lugar de quejarse elogió mi prudencia. Si yo hubiera aceptado el ofrecimiento y fallado en mi método, habría resultado mala la educación, pero si hubiera acertado, el resultado habría sido peor: su hijo hubiera abominado de su título de príncipe.
Je suis trop. pénétré de la grandeur des devoirs d′un précepteur, & je sens trop mon incapacité, pour accepter jamais un pareil emploi de quelque part qu′il me soit offert ; & l′intérêt de l′amitié même ne seroit pour moi qu′un nouveau motif de refus. Je crois qu′après avoir lu ce livre, peu de gens seront tentés de me faire cette offre ; & je prie ceux qui pourroient l′être, de n′en plus prendre l′inutile peine. J′ai fait autrefois un suffisant essai de ce métier pour être assuré que je n′y suis pas propre, & mon état m′en dispenseroit, quand mes talents m′en rendroient capable. J′ai cru devoir cette déclaration publique à ceux qui paraissent ne pas m′accorder assez d′estime pour me croire sincère & fondé dans mes résolutions. Estoy tan persuadido de lo descomunales que son las obligaciones de un preceptor, y conozco tan bien mi incapacidad, que jamás aceptaré semejante cargo sea quien sea el que me lo ofrezca; incluso el interés de la amistad sería para mí un nuevo motivo para negarme. Después de haber leído este libro, me parece que habrá muy pocos que me hagan tal ofrecimiento. y suplico a los que pudieran pensarlo que no se tomen la molestia de hacerlo, puesto que les resultaría inútil En otra ocasión realicé una prueba bien cumplida de esta profesión, y estoy completamente seguro de mi incapacidad para el mencionado cargo, y si debido a mi talento resultara idóneo, mi estado me dispensaría de la misma. He pensado que estaba obligado a este manifestación pública dirigida a los que, a mi juicio no me aprecian lo bastante para admitir que estoy en lo cierto y que soy sincero en mis decisiones.
Hors d′état de remplir la tâche la plus utile, j′oserai du moins essayer de la plus aisée : à l′exemple de tant d′autres, je ne mettrai oint la main à l′œuvre, mais à la plume ; & au lieu de faire ce qu′il faut, je m′efforcerai de le dire. Incapaz para desenvolverme bien en la más útil tarea; osaré probar la más fácil, y, como otros tantos, en lugar de servirme de las manos para realizar mi trabajo lo haré por medio de la pluma, tratando de ser claro.
Je sais que, dans les entreprises pareilles à celle-ci, l′auteur, toujours à son aise dans des systèmes qu′il est dispensé de mettre en pratique, donne sans peine beaucoup de beaux préceptes impossibles a suivre, & que, faute de détails et d′exemples, ce qu′il dit même de praticable reste sans usage quand il n′en a pas montré l′application. Se da por sabido que en las empresas de esta clase, el autor, a sus anchas siempre en sistemas que no tiene obligación de practicar, sin gran esfuerzo da muchos y excelentes preceptos de imposible ejecución, y por no descender a cosas sin importancia y a ejemplos, hasta lo que enseña no se puede poner en práctica por no haber enseñado su aplicación.
J′ai donc pris le parti de me donner un élève imaginaire, de me supposer l′âge, la santé, les connaissances & tous les talents convenables pour travailler à son éducation, de la conduire depuis le moment de sa naissance jusqu′à celui où, devenu homme fait, il n′aura plus besoin d′autre guide que lui-même. Cette méthode me paraît utile pour empêcher un auteur qui se défie de lui de s′égarer dans des visions ; car, dès qu′il s′écarte de la pratique ordinaire, il n′a qu′à faire l′épreuve de la sienne sur son élève, il sentira bientôt, ou le lecteur sentira pour lui, s′il suit le progrès de l′enfance & la marche naturelle au cœur humain. Por eso he tomado la determinación de escoger a un alumno imaginario y a suponer que poseo la edad, la salud, los conocimientos y todo el talento que conviene para preparar su educación, conduciéndolo desde el instante de su nacimiento hasta el punto en que, ya hombre formado, se gobierne por sí mismo. Este método lo considero útil para evitar que un autor que desconfía de sí mismo se extravíe en visiones, ya que en cuanto se aparta de la práctica ordinaria pone en práctica la suya en su alumno, y pronto verá, o lo verá el lector, si es que no lo ha visto él, si sigue los progresos de la infancia y la ruta natural del corazón humano.
Voilà ce que j′ai tâché de faire dans toutes les difficultés qui se sont présentées. Pour ne pas grossir inutilement le livre, je me suis contenté de poser les principes dont chacun devoit sentir la vérité. Mais quant aux règles qui pouvoient avoir besoin de preuves, je les ai toutes appliquées à mon émile ou à d′autres exemples, et j′ai fait voir dans des détails très étendus comment ce que j′établissois pouvoit être pratiqué ; tel est du moins le plan que je me suis proposé de suivre. C′est au lecteur à juger si j′ai réussi. Esto es lo que he procurado realizar en todas las dificultades que se me han presentado. Con el fin de no dar demasiado volumen inútilmente al libro, me he limitado a contar los principios cuya verdad debe ser clara para todos, mas en lo referente a las pruebas, las he puesto en práctica en mi Emilio, he procurado hacer ver detalladamente y con toda precisión cómo era posible poner en práctica lo que yo había afirmado. Por lo menos éste es el plan que me he propuesto seguir; ahora es de la competencia del lector decidir si le he dado un buen remate.
Il est arrivé de là que j′ai d′abord peu parlé d′émile, parce que mes premières maximes d′éducation, bien que contraires à celles qui sont établies, sont d′une évidence à laquelle il est difficile à tout homme raisonnable de refuser son consentement. Mais à mesure que j′avance, mon élève, autrement conduit que les vôtres′n′est plus un enfant ordinaire ; il lui faut un régime exprès pour lui. Alors il paraît plus fréquemment sur la scène, & vers les derniers temps je ne le perds plus un moment de vue, jusqu′à ce que, quoi qu′il en dise, il n′ait plus le moindre besoin de moi. Resulta que hasta el momento he hablado poco de Emilio, debido a que en mis primeras máximas de educación, aunque son contrarias a las actualmente usadas, son tan evidentes que no es fácil que un hombre de razón las niegue con seguridad. Mas al paso que voy, mi alumno, guiado de otra forma que los vuestros, ya no es un niño corriente, y precisa por tanto de un régimen propio y peculiar para él. Aparece después en escena más frecuentemente, y en los últimos tiempos casi ni un instante le pierdo de vista, hasta que pueda prescindir de mí, por más que pretenda hacerlo antes.
Je ne parle point ici des qualités d′un bon gouverneur ; je les suppose, & je me suppose moi-même doué de toutes ces qualités. En lisant cet ouvrage, on verra de quelle libéralité j′use envers moi. No me refiero en este momento a un buen maestro; doy por supuestas sus buenas cualidades y creo a la vez que las poseo yo totalmente. Esta obra, con su lectura, hará ver cuán pródigo soy para conmigo.
Je remarquerai seulement, contre l′opinion commune, que le gouverneur d′un enfant doit être jeune, & même aussi jeune que peut l′être un homme sage. je voudrois qu′il fût lui-même enfant, s′il étoit possible, qu′il pût devenir le compagnon de son élève, & s′attirer sa confiance en partageant ses amusements. Il n′y a pas assez de choses communes entre l′enfance & l′âge mûr pour qu′il se forme jamais un attachement bien solide à cette stance. Les enfans flattent quelquefois les vieillards, Mais ils ne les aiment jamais. Advertiré solamente, contra la opinión general, que el maestro debe ser joven y hasta el límite en que pueda ser un hombre de juicio. Desearía hasta que fuese un niño, si fuese posible; que pudiera ser un camarada suyo, y ganarse de esta forma su confianza, participando incluso en sus diversiones. Existe tal discrepancia entre la infancia y la edad madura, que jamás se logrará un afecto sólido a tanta distancia. Los niños, a veces, son complacientes con los viejos, pero jamás el cariño entra hacia ellos.
On voudroit que le gouverneur eût déjà fait une éducation. C′est trop ; un même homme n′en eut faire qu′une : s′il en falloit deux pour réussir, de quel droit entreprendroit-on la première ? Se pretende muchas veces que el preceptor sea un hombre que ya haya educado a otro niño. Mas debe tenerse en cuenta que esto es pedir demasiado; un mismo hombre no puede educar más que a uno solamente; si fuera necesario educar a dos para acertar en la educación del segundo, ¿qué razón tuvo para hacerse cargo del primer alumno?
Avec plus d′expérience on sauroit mieux faire, mais on ne le pourroit plus. Quiconque a rempli cet état une fois assez bien pour en sentir toutes les peines, ne tente point de s′y rengager ; & s′il l′a mal rempli la première fois, c′est un mauvais préjugé pour la seconde. Habría adquirido experiencia para mejorar su obra, pero ya no le sería posible. El maestro que ha cumplido una vez esta misión y haya acertado en conocer todos sus inconvenientes, pierde el ánimo para intentar de nuevo la misma empresa, y si ha fracasado en la primera prueba, no es ningún buen presagio para la segunda.
Il est fort différent, j′en conviens, de suivre un jeune homme durant quatre ans, ou de le conduire durant vingt-cinq. Vous donnez un gouverneur à votre fils déjà tout formé ; moi, je veux qu′il en ait un avant que de naître. Votre homme à chaque lustre peut changer d′élève ; le mien n′en aura jamais qu′un. Vous distinguez le précepteur du gouverneur : autre folie ! Distinguez-vous le disciple de l′élève ? Il n′y a qu′une science a enseigner aux enfans : c′est celle des devoirs de l′homme. Cette science est une ; et, quoi qu′ait dit Xénophon de l′éducation des Perses, elle ne se partage pas. Au reste, j′appelle plutôt gouverneur que précepteur le maître de cette science, parce qu′il s′agit moins pour lui d′instruite que de conduire. Il ne doit point donner de préceptes, il ait les faire trouver. Estoy de acuerdo en que es muy diferente el acompañar a un joven durante cuatro años que el ser su conductor por espacio de veinticinco. Vosotros dais un preceptor a vuestro hijo ya completamente formado, y yo pretendo que lo tenga ya antes de su nacimiento. Pensáis que un maestro puede cambiarse cada cinco años, pero el preceptor de mi imaginación debe ser siempre el mismo. Hacéis una distinción entre el preceptor y el ayo, y esto es otra de las equivocaciones vuestras. ¿Hacéis tal vez alguna distinción entre alumno y discípulo? Solamente se debe enseñar una ciencia a los niños, que es la de los deberes del hombre. Esta ciencia es única, y diga lo que quiera Jenofonte de la educación de los persas, no se puede dividir. Por otra parte, yo daré siempre el nombre de ayo con preferencia al de preceptor, al maestro de esta ciencia, puesto que no es lo mismo instruir que conducir. No se deben dar preceptos, sino hacer de manera que los encuentre el alumno.
S′il faut choisir avec tant de soin le gouverneur. il lui est bien de choisir aussi son élève, surtout quand il s′agit d′un modèle à proposer. Ce choix ne peut tomber ni sur le génie ni sur le caractère de l′enfant, qu′on ne connoit qu′à la fin de l′ouvrage, & que j′adopte avant qu′il soit né. Quand je pourrois choisir, je ne prendrois qu′un esprit commun, tel que je suppose mon élève. On n′a besoin d′élever que les hommes vulgaires ; leur éducation doit seule servir d′exemple à celle de leurs semblables. Les autres s′élèvent malgré qu′on en ait. Si se debe elegir el ayo con tanto cuidado, éste tiene derecho a escoger a su alumno, sobre todo cuando se trate de un modelo que proponer. Esta elección no puede tener por base el ingenio y el carácter del niño, que permanecen desconocidos hasta el fin de la obra, y que acojo antes de su nacimiento. Si me fuera posible escoger, iría en busca de un entendimiento ordinario, igual al que imagino en mi alumno. Solamente precisan de educación los hombres vulgares, y sólo su educación debe servir de ejemplo para sus semejantes; para lo demás se educan a pesar de las contrariedades.
Le pays n′est pas indifférent à la culture des hommes ; ils ne sont tout ce qu′ils peuvent être que dans les climats tempérés. Dans les climats extrêmes le désavantage est visible. Un homme n′est pas planté comme un arbre dans un pays pour y demeurer toujours ; & celui qui part d′un des extrêmes pour arriver à l′autre, est forcé de faire le double du chemin que fait pour arriver au même terme celui qui part du terme moyen. Para la cultura de los hombres las condiciones del país no son de ningún modo indiferentes; solamente en los climas templados pueden llegar a ser todo cuanto de ellos se puede exigir; resulta completamente desventajosa la educación en los climas extremados. El ser humano no es un ser inmóvil como el árbol, y el hombre que sale de un punto extremo para trasladarse al otro tiene que doblar el camino del que ha salido para alcanzar el mismo lugar que el primero.
Que l′habitant d′un pays tempéré parcoure successivement les deux extrêmes, son avantage est encore évident ; car, bien qu′il soit autant modifié que celui qui va d′un extrême à l′autre, il s′éloigne pourtant de la moitié moins de sa constitution naturelle. Un François vit en Guinée & en Laponie ; mais un Nègre ne vivra pas. de même à Tornea, ni un Samoyéde au Benin. Il paroit encore que l′organisation du cerveau est moins parfaite aux extrêmes. Les Nègres ni les Lapons n′ont pas le sens des Européens. Si je veux donc que montre habitant de la terre, je le prendrai dans une zone tempérée ; en France, par exemple, plutôt qu′ailleurs. Si el que habita en un país templado va sucesivamente de un extremo al otro, aún saca claras ventajas, debido a que, recibiendo las mismas impresiones que los que salen desde un extremo, se aparta por consiguiente la mitad menos de su natural constitución. En Laponia y en Guinea vive un francés, mas será muy distinta la vida de un negro en Tornea y la de un samoyedo en Benín. Parece también más imperfecta la condición cerebral en los habitantes de las regiones extremas. La inteligencia de los europeos no la poseen los negros ni los lapones. De aquí que mi voluntad prefiera que mi alumno sea de una zona templada; de Francia, por ejemplo, mejor que de otra parte, con el fin de que pueda ser habitante de la tierra entera.
Dans le nord les hommes consomment beaucoup sur un sol ingrat ; dans le midi ils consomment peu sur un sol fertile : de là naît une nouvelle différence qui rend les uns laborieux & les autres contemplatifs. La société nous offre en un même lieu l′image de ces différences entre les pauvres & les riches : les premiers habitent le sol ingrat, & les autres le pays fertile.
Le pauvre n′a pas besoin d′éducation ; celle de son état est forcée, il n′en sauroit avoir d′autre ; au contraire, l′éducation que le riche reçoit de son état est celle qui lui convient le moins & pour lui-même & pour la société. D′ailleurs l′éducation naturelle doit rendre un homme propre à toutes les conditions humaines : or il est moins raisonnable d′élever un pauvre pour être riche qu′un riche pour être pauvre ; car a proportion du nombre des deux états, il y a plus de ruinés que de parvenus. Choisissons donc un riche ; nous serons sûrs au moins d′avoir fait un homme de plus, au lieu qu′un pauvre peut devenir homme de lui-même. El hombre pobre no necesita educación; la de su estado es forzosa, y por lo tanto no puede tener otra; por el contrario, la que por su estado recibe el rico es la que menos le interesa para sí mismo y para la sociedad. La educación natural debe procurar que el hombre sea apto para todas las condiciones de la vida humana; por lo tanto es menos racional educar a un rico para que sea pobre que a un pobre para que sea rico, puesto que, en proporción al número de ambos estados, hay más ricos que empobrecen que pobres que se enriquezcan. Si escogemos a un rico estaremos seguros de haber hecho un hombre más, mientras que un pobre logra muchas veces hacerse hombre por sí solo.
Par la même raison, je ne serai pas fâché qu′émile ait de la naissance. Ce sera toujours une victime arrachée au préjugé. Por tal motivo no me opondré a que Emilio sea de ilustre cuna, puesto que siempre será una víctima sacada de las garras de los prejuicios.
émile est orphelin. Il n′importe qu′il ait son pere & sa mère. Chargé de leurs devoirs, je succède à tous leur, droits. Il doit honorer ses parents, mais il ne doit obéir qu′à moi. C′est ma première ou plutôt ma seule condition. Emilio es huérfano. El que vivan su padre y su madre no influye en nada; si me he hecho cargo de todas sus obligaciones, justo es que me apropie todos sus derechos. Debe honrar a sus padres, pero a mí solamente debe obedecerme; esta es mi condición previa, o mejor dicho, la única.
J′y dois ajouter celle-ci, qui n′en est qu′une suite, qu′on ne nous ôtera jamais l′un a l′autre que de notre consentement. Cette clause est essentielle, & je voudrais même que l′élève & le gouverneur se regardassent tellement comme inséparables, que le sort de leurs jours fût toujours entre eux un objet commun. Sitôt qu′ils envisagent dans l′éloignement leur séparation, sitôt m′ils, prévoient le moment qui doit les rendre étrangers, l′un a 1′autre, ils le sont déjà ; chacun fait son petit système a part ; & tous deux, occupés du temps où ils ne seront plus ensemble, n′y restent qu′à contrecœur. Le disciple ne regarde le maître que comme l′enseigne et le fléau de l′enfance ; le maître ne regarde le disciple que comme un lourd fardeau dont il brûle d′être déchargé ; ils aspirent de concert au moment de se voir délivrés l′un de l′autre ; et, comme il n′y a jamais entre eux de véritable attachement, l′un doit avoir peu de vigilance, l′autre peu de docilité. Me veo obligado a añadir otra, que no es más que una derivación de la anterior: no podremos ser separados el uno del otro sin nuestro consentimiento. Esta es la condición esencial, y todavía creo que es tan indispensable el contacto entre el alumno y el ayo que ambos deberían ser inseparables, y que el destino de su vida fuera siempre un objeto común entre ellos. Tan pronto como advierten, aunque lejana, su separación y se percatan del instante en que ambos han de ser extraños uno para otro, en realidad ya lo son, y pensando los dos en la época en que vivirán separados, cada uno se labra su sistema y permanecen unidos a disgusto. El discípulo mira al maestro como el verdugo de su niñez; el maestro no ve en el discípulo mas que una carga pesada, y sólo desea librarse de ella. Aspiran a librarse el uno del otro, y careciendo de cariño mutuo, el uno pondrá poca vigilancia y la docilidad del otro quedará disminuida.
Mais, quand ils se regardent comme devant passer leurs ours ensemble, il leur importe de se faire aimer l′un de l′autre, & par cela même ils se deviennent chers. L′élève ne rougit point de suivre dans son enfance l′ami qu′il doit avoir étant grand ; le gouverneur prend intérêt à des soins dont il doit recueillir le fruit, & tout le mérite qu′il donne à son élève est un fonds qu′il place au profit de ses vieux jours. Pero si se consideran como obligados a pasar juntos la vida, les interesa hacerse amar uno del otro, y se aman de verdad. Cuando niño, el alumno no siente ninguna vergüenza de seguir al amigo que ha de tener durante toda su vida y cuando sea hombre, y el ayo pone todos sus afanes en el cultivo de su alumno, cuyos frutos ha de recoger. De esta manera, pone a interés para su ancianidad un fondo, que no es otra cosa que el mérito que da a su alumno.
Ce traité fait d′avance suppose un accouchement heureux, un enfant bien formé, vigoureux & sain. Un pere n′a point de choix & ne doit point avoir de préférence dans la famille que Dieu lui donne : tous ses enfans sont également ses enfants ; il leur doit à tous les mêmes soins & la même tendresse. Qu′ils soient estropiés ou non, qu′ils soient languissants ou robustes, chacun d′eux est un dépôt dont il doit compte à la main dont il le tient, & le mariage est un contrat fait avec la nature aussi bien qu′entre les conjoints. Este trato convenido de antemano, supone un parto feliz, un niño bien conformado, robusto y sano. Un padre carece del derecho de escoger ni debe tener preferencias en la familia que Dios le ha dado; todos sus hijos son igualmente suyos; les debe a todos la misma solicitud y el mismo cariño. Que sean deficientes o no, enfermos o robustos, cada uno de ellos es un depósito del cual debe dar cuenta a la mano de quien lo recibió, y el matrimonio es un contrato realizado con la naturaleza al mismo tiempo que entre los cónyuges.
Mais quiconque s′impose un devoir que la nature ne lui a point imposé, doit s′assurer auparavant des moyens de le remplir ; autrement il se rend comptable même de ce qu′il n′aura pu faire. Celui qui se charge d′un élève infirme et valétudinaire change sa fonction de gouverneur en celle de garde-malade ; il perd à soigner une vie inutile le temps qu′il destinoit à en augmenter le prix ; il s′expose à voir une mere éplorée lui reprocher un jour la mort d′un fils qu′il lui aura longtemps conservé. Pero el que se impone un deber que la naturaleza no ha impedido, se debe asegurar en adelante de los medios que colmen sus propósitos, pues de otra forma se hace culpable de lo que no habrá podido realizar. Aquel que se encarga de un alumno deforme enfermizo cambia su función de ayo por la de enfermero, y pierde el tiempo al tener que cuidar una vida inútil el que lo había destinado para aumentar su valor; se expone a ver a una madre desconsolada reprocharle un día la muerte de uno de los hijos que él habría conservado quizá durante mucho tiempo.
Je ne me chargerois pas d′un enfant maladif & cacochyme, dût-il vivre quatre-vingts ans. Je ne veux point d′un élève toujours inutile à lui-même & aux autres, qui s′occupe uniquement à se conserver, & dont le corps nuise à l′éducation de l′âme. Que ferois-je en lui prodiguant vainement mes soins, sinon doubler la perte de la société & lui ôter deux hommes pour un ? Qu′un autre à mon défaut se charge de cet infirme, j′y consens, & j′approuve sa charité ; mais mon talent à moi n′est pas celui-là : je ne sais point apprendre à vivre à qui ne songe qu′à s′empêcher de mourir. Yo no me encargaría de un niño enfermizo y achacoso aunque pudiese vivir ochenta años. No quiero encargarme de un alumno siempre inútil para sí y para los demás, el cual se ocupa únicamente en conservarse y cuyo cuerpo perjudica a la educación del alma. ¿Qué realizaré en él, prodigando vanamente mis cuidados, si no doblar la pérdida de la sociedad y privarla de dos hombres en vez de uno? Que otro se encargue en mi lugar de este enfermo; yo consiento y apruebo su caridad, pero mi misión no es ésa. Yo no sé el modo de enseñar a vivir a quien sólo piensa en librarse de la muerte.
Il faut que le corps ait de la vigueur pour obéir à l′âme : un bon serviteur doit être robuste. Je sais que l′intempérance excite les passions ; elle exténue aussi le corps à la longue ; les macérations, les jeûnes, produisent souvent le même effet par une cause opposée. Plus le corps est faible, plus il commande ; plus il est fort, plus il obéit. Toutes les passions sensuelles logent dans des corps efféminés ; ils s′en irritent d′autant plus qu′ils peuvent moins les satisfaire. Eso hace que el cuerpo sea vigoroso para que obedezca el alma; un buen sirviente debe ser robusto. Yo sé que la intemperancia excita las pasiones y extenúa el cuerpo; las mortificaciones producen con frecuencia los mismos efectos a los jóvenes por una causa opuesta. Cuanto más débil es el cuerpo, más se impone; mas si es fuerte, mejor obedece. Todas las pasiones sensuales moran en los cuerpos afeminados, y se irritan más cuanto menos pueden satisfacerlas.
Un corps débile affaiblit l′âme. De là l′empire de la médecine, art plus pernicieux aux hommes que tous les maux qu′il prétend guérir. Je ne sais, pour moi, de quelle maladie nous guérissent les médecins, mais je sais qu′ils nous en donnent de bien funestes : la lâcheté, la pusillanimité, la crédulité, la terreur de la mort : s′ils guérissent le corps, ils tuent le courage. Que nous importe qu′ils fassent marcher des cadavres ? ce sont des hommes qu′il nous faut, & l′on n′en voit point sortir de leurs mains. Un cuerpo débil enflaquece el alma. De aquí el imperio de la medicina, más pernicioso a los hombres que todos los males que pretende curar. Yo no sé por mí cuál es la enfermedad que nos curan los médicos, pero sé que ellos nos causan algunas que son muy funestas: la cobardía, la pusilanimidad, la credulidad, el terror de la muerte; si nos curan el cuerpo, nos matan el coraje. ¿Qué nos importa que hagan andar a los que son unos cadáveres? Son hombres los que nos hacen falta, y uno no ve que salga ninguno de sus manos.
La médecine est à la mode parmi nous ; elle doit l′être. C′est l′amusement des gens oisifs & désœuvrés, qui, ne sachant que faire de leur temps, le passent à se conserver. S′ils avoient eu le malheur de naître immortels, ils seroient les plus misérables des êtres : une vie qu′ils n′auroient jamais peur de perdre ne seroit pour eux d′aucun prix. Il faut a ces gens-là des médecins qui les menacent pour les flatter, & qui leur donnent chaque jour le seul plaisir dont ils soient susceptibles, celui de n′être pas morts. Je n′ai nul dessein de m′étendre ici sur la vanité de la médecine. Mon objet n′est que de la considérer par le côté moral. Je ne puis pourtant m′empêcher d′observer que les hommes font sur son usage les mêmes sophismes que sur la recherche de la vérité. Ils supposent toujours qu′en traitant un malade on le guérit, & qu′en cherchant une vérité on la trouve. Ils ne voient pas qu′il faut balancer l′avantage d′une guérison que le médecin opère, par la mort de cent malades qu′il a tués, & l′utilité d′une vérité découverte par le tort que font les erreurs qui pas uni en même temps. La science qui instruit & la médecine qui guérit sont fort bonnes sans doute ; mais la science qui trompe & la médecine qui tue sont mauvaises. Apprenez-nous donc à les distinguer. Voilà le nœud de la question. Si nous savions ignorer la vérité, nous ne serions jamais les dupes du mensonge ; si nous savions ne vouloir pas guérir malgré la nature, nous ne mourrions jamais par la main du médecin : ces deux abstinences seroient sages ; on gagneroit évidemment à s′y soumettre. Je ne dispute donc pas que la médecine ne soit utile à quelques hommes, mais je dis qu′elle est funeste au genre humain. La medicina está de moda entre nosotros, y tiene que ser así. Es el entretenimiento de las gentes ociosas y desocupadas, que, no sabiendo cómo emplear el tiempo, lo emplean en conservarse. Si hubieran tenido la desgracia de nacer inmortales, serían los más miserables de los seres: una vida que no tuvieran jamás miedo de perderla, tampoco tendría para ellos valor alguno. Esta gente necesita médicos que los amenacen para halagarles y que les den cada día el único placer que son capaces de apreciar: el de no estar muertos. Yo no deseo extenderme aquí sobre la vanidad de la medicina. Mi objetivo no es otro que el de considerarla bajo su aspecto moral. Yo no puedo por lo tanto privarme de observar que los hombres incurren sobre su uso en los mismos sofismas que los que se refieren a la búsqueda de la verdad. Suponen siempre que se trata a un enfermo que le curan, y que cuando se busca una verdad se encuentra. No se dan cuenta de que al contrapesar las ventajas de una curación que el médico ha realizado, quedan los cien enfermos que mata, y la ventaja de una verdad descubierta no compensa el daño que producen los errores en que caen al mismo tiempo. La ciencia que instruye y la medicina que cura son muy buenas, sin duda, pero la ciencia que engaña y la medicina que mata son funestísimas. Aprendamos, pues, a distinguirlas. He aquí la necesidad de meditar. Si supiéramos ignorar la verdad, nunca nos seduciría la mentira; si no nos quisiéramos curar a despecho de la naturaleza, no moriríamos jamás a manos del médico; estas dos abstenciones serían razonables y ganaríamos evidentemente sometiéndonos a ellas. No discuto que la medicina no sea útil a algunos hombres, pero digo que es funesta para el género humano.
On me dira, comme on fait sans cesse, que les fautes sont du médecin, mais que la médecine en elle-même est infaillible. À la bonne heure ; mais qu′elle vienne donc sans médecin ; car, tant qu′ils viendront ensemble, il y aura cent fois plus à craindre des erreurs de l′artiste qu′à espérer du secours de l′art. Se me dirá, como se hace continuamente, que las faltas son del médico, pero que la medicina en sí misma es infalible. Enhorabuena, y que venga ella sin el médico, pues mientras vengan juntos habrá cien veces más riesgo en los errores del artista que esperanza de socorro en el arte.
Cet art mensonger, plus fait pour les maux de l′esprit que pour ceux du corps, n′est pas plus utile aux uns qu′aux autres : il nous guérit moins de nos maladies qu′il ne nous en imprime l′effroi ; il recule moins la mort qu′il ne la fait sentir d′avance ; il use la vie au lieu de la prolonger ; et, quand il la prolongeroit, ce seroit encore au préjudice de l′espèce, puisqu′il nous ôte à la société par les soins qu′il nous impose, & à nos devoirs par les frayeurs qu′il nous donne. C′est la connaissance des dangers qui nous les fait craindre : celui qui se croiroit invulnérable n′auroit de rien. À force d′armer Achille contre le péril, le poète lui ôte le mérite de la valeur ; tout autre à sa place eût été un Achille au même prix. Este arte mentiroso, hecho más por los males del espíritu que por los del cuerpo, no es más útil para los unos que para los otros; nos guarece menos nuestras dolencias y nos imprime el terror hacia ellas; retrasa menos la muerte y nos la hace sentir anticipadamente; gasta la vida en lugar de prolongarla, y aun cuando lo hiciera, sería todavía en perjuicio de la especie, puesto que nos desprende de la sociedad por los afanes que nos impone, por nuestras obligaciones v por los sustos que nos produce. Es el conocimiento de los peligros lo que nos lo hace temer; quien se creyera invulnerable no tendría miedo de nada. A fuerza de armar contra el peligro, Aquiles, el poeta, le quita el mérito al valor; cualquier otro en su lugar hubiera -sido un Aquiles al mismo precio.
Voulez-vous trouver des hommes d′un vrai courage, cherchez-les dans les lieux où il n′y a point de médecins, où l′on ignore les conséquences des maladies, & où l′on ne songe guère à la mort. Naturellement l′homme soit souffrir constamment et meurt en paix. Ce sont les médecins avec leurs ordonnances, les philosophes avec leurs préceptes, les prêtres avec leurs exhortations, qui l′avilissent de cœur et lui font désapprendre à mourir. ¿Queréis encontrar hombres de verdadero coraje? Buscadlos en los lugares donde no hay médicos, donde son ignoradas las consecuencias de las enfermedades y donde se piensa poco en la muerte. Naturalmente, el hombre sabe sufrir constantemente y muere en paz. Son los médicos con sus recetas, los filósofos con sus preceptos, los sacerdotes con sus exhortaciones, los cuales le envilecen el corazón y le hacen despreocupar por la muerte.
Qu′on me donne un élève qui n′ait pas besoin de tous ces gens-là, ou je le refuse. Je ne veux point que d′autres gâtent mon ouvrage ; je veux l′élever seul, ou ne m′en pas mêler. Le sage Locke, qui avoit passé une partie de sa vie à l′étude de la médecine, recommande fortement de ne jamais droguer les enfants, ni par précaution ni pour de légères incommodités. J′irai plus loin, & je déclare que, n′appelant jamais de médecins pour moi, je n′en appellerai jamais pour mon émile, à moins que sa vie ne soit dans un danger évident ; car alors il ne peut pas lui faire pis que de le tuer. Que se me dé un alumno que no tenga necesidad de todas estas gentes, o yo le rehúso. No quiero, pues, que otros echen a perder todos mis desvelos; deseo educarlo solo o no comprometerme a ello. El sabio Locke, quien había pasado una parte de su vida en el estudio de la medicina, recomendaba muchísimo que jamás se recetase a los niños por precaución o por ligeras incomodidades. Yo iría más lejos, y pido que no llamen a los médicos por mí; yo no les llamaría jamás para mi Emilio, a menos que su vida no esté en un peligro evidente, ya que entonces no pueden hacerle otro daño que matarle.
Je sais bien que le médecin ne manquera pas de tirer avantage de ce délai. Si l′enfant meurt, on l′aura appelé trop tard ; s′il réchappe, ce sera lui qui l′aura sauvé. Soit : que le médecin triomphe ; mais surtout qu′il ne soit appelé qu′à l′extrémité. Faute de savoir se guérir, que l′enfant sache être malade : cet art supplée à l′autre, et souvent réussit beaucoup mieux ; c′est l′art de la nature. Quand l′animal est malade, il souffre en silence & se tient coi : or on ne voit pas plus d′animaux languissants que d′hommes. Combien l′impatience, la crainte, l′inquiétude, et surtout les remèdes, ont tué de gens que leur maladie auroit épargnés & que le temps seul auroit guéris ! On me dira que les animaux, vivant d′une manière plus conforme à la nature, doivent être sujets à moins de maux que nous. Eh bien ! cette manière de vivre est précisément celle que je veux donner à mon élève ; il en ait donc tirer le même profit. Yo sé perfectamente que el médico no dejará de sacar ventaja de esta dilación o tardanza. Si el niño muere, se le habrá llamado demasiado tarde; si se restablece, será él quien le habrá salvado. Pues que el médico triunfe, pero sobre todo que no sea llamado hasta el último extremo. A falta de saber curarse, el niño debe saber estar enfermo; este arte suple al otro, y con frecuencia resulta mucho mejor; es el arte de la naturaleza. Cuando el animal está enfermo, sufre en silencio y se tiende quieto; ahora bien, no es mayor nunca el número de animales lánguidos que el de hombres. ¡Cuántos por la impaciencia, el temor, la inquietud y sobre todo por los medios, han muerto cuando la enfermedad sola no lo hubiera conseguido y que el tiempo habría curado! Se me contestará que los animales viven más conformes con la naturaleza y que están sometidos a menor número de males que nosotros. ¡Enhorabuena! Esta manera de vivir es precisamente la que voy a dar a mi alumno; por consiguiente, él debe sacar de ella el mismo provecho.
La seule partie utile de la médecine est l′hygiène ; encore l′hygiène est-elle moins une science qu′une vertu. La tempérance & le travail sont les deux vrais médecins de l′homme : le travail aiguise son appétit, & la tempérance l′empêche d′en abuser. La única parte útil de la medicina es la higiene; aunque la higiene no es una ciencia, sino una virtud. La templanza y el trabajo son los dos verdaderos médicos del hombre: el trabajo estimula su apetito, y la templanza le impide los abusos.
Pour savoir quel régime est le plus utile à la vie & à la santé, il ne faut que savoir quel régime observent les peuples qui se portent le mieux, sont les plus robustes, et vivent le plus longtemps. Si par les observations générales on ne trouve pas que l′usage de la médecine donne aux hommes une santé plus ferme ou une plus longue vie, par cela même que cet art n′est pas utile, il est nuisible, puisqu′il emploie le temps, les hommes & les chose, à pure perte. Non seulement le temps qu′on passe à conserver la vie étant perdu pour en user, il l′en faut déduire ; mais, quand ce temps est employé a nous tourmenter, il est pis que nul, il est négatif ; et, pour calculer équitablement, il en faut ôter autant de celui qui nous reste. Un homme qui vit dix ans sans médecin vit plus pour lui-même & pour autrui que celui qui vit trente ans leur victime. Ayant fait l′une & l′autre épreuve, je me crois plus en droit que personne d′en tirer la conclusion. Para saber cuál es el régimen más útil para la salud y la vida, sólo hace falta saber el que siguen los pueblos que son más sanos, más robustos y que viven más tiempo. Si por las observaciones generales no se encuentra que el uso de la medicina da a los hombres una salud más fuerte v una mayor longevidad, podemos deducir que no es útil este arte, sino perjudicial, ya que emplea el tiempo, los hombres y las cosas sin ningún provecho. No solamente el tiempo que se pasa en conservar la vida es perdido, sino que lo es más cuando este tiempo es empleado en atormentarnos, y peor que nulo es negativo; para calcular equitativamente, se debe restar del tiempo total de la vida. Ha vivido más el hombre que vive veinte años sin médico que el que ha vivido treinta años siendo su víctima. Habiendo realizado una y otra prueba, me creo con más derecho que nadie para legar a esta conclusión.
Voilà mes raisons pour ne vouloir qu′un élève robuste & sain, & mes principes pour le maintenir tel. Je ne m′arrêterai pas à prouver au long 1′utilité des travaux manuels & des exercices du corps pour renforcer le tempérament & la santé ; c′est ce que personne ne dispute : les exemples des plus longues vies se tirent presque tous d′hommes qui ont fait le plus d′exercice, qui ont supporté le plus de fatigue et de travail [11]. Je n′entrerai pas non plus dans de longs détails sur les soins que je prendrai pour ce seul objet ; on verra qu′ils entrent si nécessairement dans ma pratique, qu′il suffit d′en prendre l′esprit pour n′avoir pas besoin d′autre explication. He aquí mis razones por las que deseo que mi discípulo sea de constitución robusta y sana, y los principios para que se conserve de tal modo. No me entretendré en probar con detalle los beneficios que los trabajos manuales y los ejercicios reportan a la salud y al temperamento, lo cual nadie discute; las muestras de longevidad las ofrecen casi todos los hombres que han realizado más ejercicio y que mayores fatigas y afanes soportaron . Tampoco me entretendré en una descripción de los cuidados que yo tomaría por este objetivo solamente; se verá que entran tan necesariamente dentro de mi sistema que es suficiente penetrar en su espíritu, para no extenderme en otras explicaciones.
Avec la vie commencent les besoins. Au nouveau-né il faut une nourrice. Si la mère consent à remplir son devoir, à la bonne heure : on lui donnera ses directions par écrit ; car cet avantage a son contrepoids & tient le gouverneur, un peu éloigné de son élève. Mais il est à croire que l′intérêt de l′enfant & l′estime pour celui à qui elle veut bien confier un dépôt si cher rendront la mere attentive aux avis du maître ; & tout ce qu′elle voudra faire, on est sur qu′elle le fera mieux qu′une autre. S′il nous faut une nourrice étrangère, commençons par la bien choisir. Con la vida comienzan las necesidades. Al recién nacido le hace falta una nodriza. Si la madre consiente en cumplir su deber, se le darán por escrito sus instrucciones, aunque esta ventaja tiene su desventaja al estar el ayo un poco alejado de su alumno. Es de creer, sin embargo, que el interés de la criatura y la estimación de aquel a quien quieren confiar tan apreciado depósito, harán que la madre sea dócil a los consejos del maestro, y seguramente que lo que quiera realizar lo hará mejor que otra. Si tenemos necesidad de una nodriza, empecemos por escogerla bien.
Une des misères des gens riches est d′être trompés en tout. S′ils jugent mal des hommes, faut-il s′en étonner ? Ce sont les richesses qui les corrompent ; et, par un juste retour, ils sentent les premiers le défaut du seul instrument qui leur soit connu. Tout est mal fait chez eux, excepté ce qu′ils y font eux-mêmes ; & ils n′y font presque jamais rien. S′agit-il de chercher une nourrice, on la fait choisir par l′accoucheur. Qu′arrive-t-il de là ? Que la meilleure est toujours celle qui l′a le mieux payé. Je n′irai donc pas consulter un accoucheur pour celle d′émile ; j′aurai soin de la choisir moi-même. Je ne raisonnerai peut-être pas là-dessus si disertement qu′un chirurgien, mais à coup sûr je serai de meilleure foi, & mon zèle me trompera moins que son avarice. Una de las muchas adversidades de las personas ricas es la de dejarse engañar en todo. Si juzgan mal a los hombres, ¿por qué nos admiramos? La riqueza es la que las corrompe, y en justo castigo son las primeras que reconocen el defecto del único instrumento que saben manejar. Todo está mal hecho en sus casas, dejando aparte lo que ellos hacen, y casi nunca hacen nada. Si se trata de buscar una nodriza, lo encargan a un comadrón. ¿Y qué resulta? Que la mejor es siempre la que mejor le ha pagado. No iré, pues, a consultar a un comadrón para Emilio; tendré buen cuidado en escogérmela yo mismo. Yo no razonaré con ventaja ni con tanta erudición como un cirujano, pero iré con mejor buena fe y mi celo me engañará menos que su avaricia.
Ce choix n′est point un si grand mystère ; les règles en sont connues ; mais je ne sois si l′on ne devroit pas faire un peu plus d′attention à l′âge du lait aussi bien qu′à sa qualité. Le nouveau lait est tout à fait séreux, il doit presque 1′être apéritif pour purger le reste du meconium épaissi dans les intestins de l′enfant qui vient de naître. Peu à peu le lait prend de la consistance & fournit une nourriture plus solide à l′enfant devenu plus fort pour la digérer. Ce n′est sûrement pas pour rien que dans les femelles de toute espèce la nature change la consistance du lait selon l′âge du nourrisson. Esta elección no es en sí un gran misterio; las reglas son conocidas, pero yo no sé si se debería poner un poco más de atención en el tiempo de la leche como se hace con su calidad. La leche nueva es serosa y debe ser casi aperitiva con el fin de purgar las reliquias de meconio que queda en los intestinos del recién nacido. Poco a poco la leche toma consistencia y se traduce en un alimento más sólido para digerirla el niño. Este es seguramente el motivo por el cual la naturaleza hace variar en las hembras de toda especie la consistencia de la leche según la edad que tenga el niño.
Il faudroit donc une nourrice nouvellement accouchée à un enfant nouvellement né. Ceci a son embarras, je le sais ; mais sitôt qu′on sort de l′ordre naturel, tout a ses embarras pour bien faire. Le seul expédient commode est de faire mal ; c′est aussi celui qu′on choisit. Se precisaría, pues, una nodriza recién parida para un niño recién nacido. Ya sé que esto ofrece inconvenientes, pero así que se sale del orden natural todo son embarazos para obrar bien. La única salida cómoda es obrar mal, y por eso se la escoge.
Il faudroit une nourrice aussi saine de cœur que de corps : l′intempérie des passions peut, comme celle des humeurs, altérer son lait ; de plus, s′en tenir uniquement au physique, c′est ne voir que la moitié de l′objet. Le lait peut être bon & la nourrice mauvaise ; un bon caractère est aussi essentiel qu′un bon tempérament. Si l′on prend une femme vicieuse, je ne dis pas que son nourrisson contractera ses vices, mais je dis qu′il en pâtira. Ne lui doit-elle pas, avec son lait, des soins qui demandent du zèle, de la patience, de la douceur, de la propreté ? Si elle est gourmande, intempérante, elle aura bientôt gâté son lait ; si elle est négligente ou emportée, que va devenir à sa merci un pauvre malheureux qui ne peut ni se défendre ni se plaindre ? Jamais en quoi que ce puisse être les méchants ne sont bons à rien de bon. Haría falta una nodriza tan sana de corazón como de cuerpo; la destemplanza de las pasiones puede alterar su leche tanto como la de los humores; además, ateniéndose únicamente al aspecto físico, esto es no ver más que la mitad del objeto. La leche puede ser buena y la nodriza mala; un buen carácter es tan esencial como un buen temperamento. Si uno escoge una mujer viciosa, no digo que su hijo de leche contraerá sus vicios, pero sí afirmo que sufrirá sus efectos. ¿No le debe, además de la leche, solicitudes que exigen celo, paciencia, dulzura y limpieza? Si ella es glotona y destemplada, hará pronto que su leche sea corrompida; si es negligente y colérica, ¿cómo dejaremos a merced de ella a un pobre desventurado que no puede defenderse ni quejarse? Jamás pueden ser buenos para realizar cosas buenas las personas malas.
Le choix de la nourrice importe d′autant plus que son nourrisson ne doit point avoir d′autre gouvernante qu′elle, comme il ne doit point avoir d′autre précepteur que son gouverneur. Cet usage étoit celui des anciens, moins raisonneurs & plus sages que nous. Après avoir nourri des enfans de leur sexe, les nourrices ne les quittoient plus. Voilà pourquoi, dans leurs pièces de théâtre, la plupart des confidentes sont des nourrices. Il est impossible qu′un enfant qui passe successivement par tant de mains différentes soit jamais bien élevé. À chaque changement il fait de secrètes comparaisons qui tendent toujours à diminuer son estime pour ceux qui le gouvernent, & conséquemment leur autorité sur lui. S′il vient une fois à penser qu′il y a de grandes personnes qui n′ont pas plus de raison que des enfants, toute l′autorité de l′âge est perdue & l′éducation manquée. Un enfant ne doit connaître d′autres supérieurs que son pere & sa mère, ou, à leur défaut, sa nourrice & son gouverneur ; encore est-ce déjà trop d′un des deux ; mais ce partage est inévitable ; & tout ce qu′on peut faire pour y remédier est que les personnes des deux sexes qui le gouvernent soient si bien d′accord sur son compte, que les deux ne soient qu′un pour lui. Il faut que la nourrice vive un peu plus commodément, qu′elle prenne des aliments un peu plus substantiels, mais non qu′elle change tout à fait de manière de vivre ; car un changement prompt & total, même de mal en mieux, est toujours dangereux pour la santé ; & puisque son régime ordinaire l′a laissée ou rendue saine & bien constituée, à quoi bon lui en faire changer ? La elección de la nodriza con acierto importa tanto que no debe tener su hijo de leche más ama que ella, como no conviene tener otro profesor que no sea su ayo. Este modo de hacer es el de los antiguos, menos argumentadores y más sabios que nosotros. Después de dado el pecho a los niños de su sexo, nunca los desamparaban. He ah por qué en sus piezas teatrales la mayor parte de las confidentes son nodrizas. Es imposible que un niño que pase por tantas manos distintas salga bien educado. En cada cambio compara secretamente a cada uno, terminando siempre en una disminución de afecto a los que le dirigen y por desechar su autoridad. Si llega a convencerse de que hay personas adultas que no tienen más razón que las pequeñas, se ha perdido todo, y desaparece toda esperanza de una buena educación. Un niño no debe conocer otros superiores que su padre y su madre, y a falta de éstos, su nodriza y su ayo, y todavía sobra uno, pero es inevitable esta partición; lo único que para remediarlo puede hacerse es que las personas de ambos sexos procedan con tan buen acuerdo que en lo que se refiera a él no sean más que uno. Es indispensable que la nodriza viva con comodidad suficiente, que tome alimentos lo más nutritivos posible, pero que no varíe enteramente de método de vida, ya que una rápida y total mudanza, aunque redunde en una mejora, siempre es peligrosa para la salud, y puesto que su régimen acostumbrado la ha mantenido sana y robusta, no hay motivo para hacérselo variar.
Les paysannes mangent moins de viande & plus de légumes que les femmes de la ville ; & ce régime végétal paraît plus favorable que contraire à elles & à leurs enfants. Quand elles ont des nourrissons bourgeois, on leur donne des pot-au-feu, persuadé que le potage & le bouillon de viande leur font un meilleur chyle & fournissent plus de lait. Je ne suis point du tout de ce sentiment ; & j′ai pour moi l′expérience qui nous apprend que les enfans ainsi nourris sont plus sujets à la colique & aux vers que les autres. Cela n′est guère étonnant, puisque la substance animale en putréfaction fourmille de vers ; ce qui n′arrive pas de même à la substance végétale. Le lait, bien qu′élabore dans le corps de l′animal, est une substance végétale [12] ; son analyse le démontre, il tourne facilement à l′acide ; et, loin de donner aucun vestige d′alcali volatil, comme font les substances animales, il donne, comme les plantes, un sel neutre essentiel. Las campesinas comen menos carne y más legumbres que las mujeres de las ciudades; este régimen vegetal parece más adecuado para ellas y las criaturas. Si tienen hijos de leche procedentes de la ciudad, hacen que coman cocido, convencidas de que el potaje y el caldo de carne forman mejor quilo y producen más leche. Yo no soy en modo alguno de este parecer y me abona la experiencia, demostrándome que los niños así nutridos están más propensos al padecimiento de cólicos y a los gusanos que los otros. Esto no es muy extraño, puesto que la sustancia animal en putrefacción forma lombrices; lo que no sucede así con la vegetal. La leche, aunque elaborada en el cuerpo del animal, es una sustancia vegetal ; su análisis lo demuestra, se vuelve fácilmente ácida, y lejos de dar algún vestigio alcalino volátil, como hacen las sustancias animales, da, como las plantas, una sal neutra esencial.
Le lait des femelles herbivores est plus doux & plus salutaire que celui des carnivores. Formé d′une substance homogène à la sienne, il en conserve mieux sa nature, & devient moins sujet à la putréfaction. Si l′on regarde à la quantité, chacun soit que les farineux font plus de sang que la viande ; ils doivent donc aussi faire plus de lait. Je ne puis croire qu′un enfant qu′on ne sèvreroit point trop tôt, ou qu′on ne sèvreroit qu′avec des nourritures végétales, & dont la nourrice ne vivroit aussi que de végétaux, fût jamais sujet aux vers. La leche de las hembras herbívoras es más dulce y más saludable que la de las carnívoras; formándose con una sustancia homogénea a la suya, conserva mejor su naturaleza y está menos sujeta a la putrefacción. Si se mira lo referente a la cantidad, todos saben que las sustancias farináceas hacen más sangre que la carne, y deben dar también más leche. No comparto la opinión de que un niño que no fuese destetado antes de tiempo, o que lo fuese con alimentos vegetales, padeciese nunca de gusanos.
Il se peut que les nourritures végétales donnent un lait plus prompt à s′aigrir ; mais je suis fort éloigné de regarder le lait aigri comme une nourriture malsaine : des peuples entiers qui n′en ont point d′autre s′en trouvent fort bien, & tout cet appareil d′absorbants me paroit une pure charlatanerie. Il y a des tempéraments auxquels le lait ne convient point, & alors nul absorbant ne le leur rend supportable ; les autres le supportent sans absorbants. On craint le lait trié ou caillé : c′est une folie, puisqu′on soit que le lait se caille toujours dans l′estomac. C′est ainsi qu′il devient un aliment assez solide pour nourrir les enfans & les petits des animaux : s′il ne se cailloit point, il ne feroit que passer, il ne les nourriroit pas [13]. On a beau couper le lait de mille manières, user de mille absorbants, quiconque mangé du lait digère du fromage ; cela est sans exception. L′estomac est si bien fait pour cailler le lait, que c′est avec l′estomac de veau que se fait la présure. Tal vez las leches vegetales estén más propensas a volverse agrias, mas yo estoy muy lejos de considerar la leche agria como alimento malsano; pueblos enteros que no usan otra viven muy sanos, y todo este aparato de absorbentes me parece pura charlatanería. Hay temperamentos a los cuales no conviene la leche, y entonces no se les puede hacer digerir ningún absorbente; los otros la digieren sin ninguno. Se recela de la leche cuajada, lo cual no debe inquietar, ya que es bien sabido que la leche se cuaja dentro del estómago. Es así como se convierte en alimento de suficiente solidez para nutrir a los niños y a los pequeños animales; si no se cuaja de ninguna manera, no haré más que pasar y no los alimentará . Es inútil cortar la leche, recurrir a absorbentes, ya que todo aquel que bebe leche digiere queso, y esto no tiene excepción alguna. El estómago está hecho a propósito para cuajar la leche.
Je pense donc qu′au lieu de changer la nourriture ordinaire des nourrices, il suffit de la leur donner plus abondante & mieux choisie dans son espèce. Ce n′est pas par la nature des aliments que le maigre échauffe, c′est leur assaisonnement seul qui les rend malsains. Réformez les règles de votre cuisine, n′ayez ni roux ni friture ; que le beurre, ni le sel, ni le laitage, ne passent point sur le feu ; que vos légumes cuits à l′eau ne soient assaisonnés qu′arrivant tout chauds sur la table : le maigre, loin d′échauffer la nourrice, lui fournira du lait en abondance & de la meilleure qualité [14]. Se pourroit il que le régime végétal étant reconnu le meilleur pour la nourrice ? Il y a de la contradiction a cela. Pienso que en lugar de mudar el alimento común de las nodrizas, es suficiente con que se les dé con mayor abundancia y más escogido. No es por la naturaleza de los alimentos la causa de que el magro se caliente, sino la forma de sazonarlos lo que los hace perniciosos. Reformad las normas de vuestra cocina, no hagáis fritos, ni manjares compuestos con manteca enrojecida al fuego; no arriméis a la lumbre la sal, los lacticinios ni la manteca; no sazonéis vuestras legumbres cocidas hasta que se pongan hirviendo encima de la mesa, y la comida de vigilia, lejos de encender la sangre de la nodriza, le dará leche en abundancia y de la mejor calidad . ¿Sería posible que siendo reconocido el régimen vegetal como el mejor para la criatura, fuese para la nodriza mejor el animal? Esto es una contradicción.
C′est surtout dans les premières années de la vie que l′air agit sur la constitution des enfants. Dans une peau délicate & molle il pénètre par tous les pores, il affecte puissamment ces corps naissants, il leur laisse des, impressions qui ne s′effacent point. Je ne serois donc pas d′avis qu′on tirât une paysanne de son village pour l′enfermer en ville dans une chambre & faire nourrir l′enfant chez soi ; j′aime mieux qu′il aille respire le bon air de la campagne, qu′elle le mauvais air de la ville. Il prendra l′état de sa nouvelle mere, il habitera sa maison rustique, et son gouverneur l′y suivra. Le lecteur se souviendra bien que ce gouverneur n′est pas un homme à gages ; c′est l′ami du père. Mais quand cet ami ne se trouve pas, quand ce transport n′est pas facile, quand rien de ce que vous conseillez n′est faisable, que faire à la place, me dira-t-on ?… Je vous l′ai déjà dit, ce que vous faites ; on n′a pas besoin de conseil pour cela. Esto es sobre todo en los primeros años de la vida, cuando el aire ejerce una acción particular en la constitución de los niños; penetrando por todos los poros de su blanda y delicada piel, influye poderosamente en sus nacientes cuerpos, y les deja impresiones que jamás se borran. Yo no admitiría que se sacase a una nodriza de su lugar para encerrarla en una habitación de la ciudad y hacer que críe al niño en casa de sus padres; mejor que vaya a respirar el aire puro del campo que el corrompido de la ciudad. El tomará el estado de su nueva madre, habitará su rústica casa y el ayo le seguirá. Que recuerde el lector que el preceptor no es ningún hombre pagado, sino el amigo del padre. Pero cuando ese amigo no se encuentra y ese traslado no resulta fácil, cuando nada de esto que se nos aconseja es factible, ¿qué debe hacerse en su lugar? Ya lo he dicho; para eso no son precisos los consejos.
Les hommes ne sont point faits pour être entassés en fourmilières, mais épars sur la terre qu′ils doivent cultiver. Plus ils se rassemblent, plus lis se corrompent. Les infirmités du corps, ainsi que les vices de l′âme, sont l′infaillible effet de ce concours trop nombreux. L′homme est de tous les animaux celui qui peut le moins vivre en troupeaux. Des hommes entassés comme des moutons périroient tous en très peu de temps. L′haleine de l′homme est mortelle à ses semblables : cela n′est pas moins vrai au propre qu′au figuré. Los hombres no son para que vivan amontonados en hormigueros, sino esparcidos sobre la tierra que deben cultivar. Mas ellos se reúnen y ellos se corrompen. Las enfermedades del cuerpo así como los vicios del alma, son el efecto infalible de esta concurrencia. El hombre es, de todos los animales, el que menos puede ,vivir en manada, y los hombres hacinados como carneros se morirían en poquísimo tiempo. El aliento del hombre es mortal para sus semejantes. Esta expresión no es menos verdadera en sentido propio que en sentido figurado.
Les villes sont le gouffre de l′espèce humaine. Au bout de quelques générations les races périssent ou dégénèrent ; il faut les renouveler, & c′est toujours la campagne qui fournit à ce renouvellement. Envoyez donc vos enfans se renouveler, pour ainsi dire, eux-mêmes, & reprendre, au milieu des champs, la vigueur qu′on perd dans l′air malsain des lieux trop peuplés. Les femmes grosses qui sont à la campagne se hâtent de revenir accoucher à la ville : elles devroient faire tout le contraire, celles surtout qui veulent nourrir leurs enfants. Elles auroient moins à regretter qu′elles ne pensent ; et, dans un séjour plus naturel à l′espèce, les plaisirs attachés aux devoirs de la nature leur ôteroient bientôt le goût de ceux qui ne s′y rapportent pas. Las ciudades son el sumidero de la especie humana. Al cabo de algunas generaciones perecen o degeneran; deben ser renovadas, y es siempre el campo lo que logra esta renovación. Enviad, pues, vuestros niños a que se renueven, por decirlo así, y a que recuperen en el campo el vigor que se pierde respirando el aire contagioso de los lugares demasiado poblados. Las mujeres embarazadas que están en el campo se apresuran a volver a la ciudad cuando se les acerca la hora del parto, v deberían hacer todo lo contrario, especialmente aquéllas que quieren criar a su hijo; les costaría menos de lo que imaginan, y en una permanencia más natural a la especie, los placeres ligados a los deberes naturales les apartarían pronto de aquellos con quienes no se tiene relación alguna.
D′abord, après l′accouchement, on lave l′enfant avec quelque eau tiède où l′on mêle ordinairement du vin. Cette addition du vin me paraît peu nécessaire. Comme la nature ne produit rien de fermenté, il n′est pas à croire que l′usage d′une liqueur artificielle importe a la vie de ses créatures. Desde luego, después del parto se lava el niño con agua tibia a la que se le añade ordinariamente vino. Esta adición de vino no me parece necesaria. Como la naturaleza no produce ninguna cosa fermentada, es de creer que el uso de un líquido artificial no importa en nada a la vida de sus criaturas.
Par la même raison, cette précaution de faire tiédir l′eau n′est non plus indispensable ; & en effet des multitudes de peuples lavent les enfants nouveau-nés dans les rivières ou a la mer sans autre façon. Mais les nôtres, amollis avant que de naître par la mollesse des pères & des mères, apportent en venant au monde un tempérament déjà gâté, qu′il ne faut pas exposer d′abord à toutes les épreuves qui doivent le rétablir. Ce n′est que par degrés qu′on peut les ramener à leur vigueur primitive. Commencez donc d′abord par suivre l′usage, et ne vous en écartez que peu à peu. Lavez souvent les enfants ; leur malpropreté en montre le besoin. Quand on ne fait que les essuyer, on les déchire ; mais, à mesure qu′ils se renforcent, diminuez par degré la tiédeur de l′eau, jusqu′à ce qu′enfin vous les laviez été & hiver à l′eau froide & même glacée. Comme pour ne pas les exposer, il importe que cette diminution soit lente, successive et insensible, on peut se servir du thermomètre pour la mesurer exactement. Por la misma razón, esta precaución de entibiar el agua no es indispensable; existen muchísimos países en los cuales, sin otros preparativos, lavan en los ríos o en el mar a los recién nacidos, pero afeminados los nuestros antes de nacer por la molicie de los padres, vienen al mundo con un temperamento ya fatigado, que de buen principio no conviene exponer a las pruebas que deben restablecerle. Solamente de una forma gradual pueden ser restituidos a su primitivo vigor. Comentemos conformándonos con el modo acostumbrado y paulatinamente iremos apartándonos de él. Lavad con frecuencia a los niños; su suciedad demuestra esta precisión. Cuando no hacen otra cosa que enjugarlos, les castigan la piel, pero a medida que vayan tomando fuerza, se puede disminuir gradualmente el calor del agua hasta que por último sean lavados sólo con agua fría, aunque sea helada. Con el fin de que no corran ningún peligro, conviene que la disminución de la temperatura sea lenta, y para esto sería bueno servirnos del termómetro.
Cet usage du bain une fois établi ne doit plus être interrompu, & il importe de le garder toute sa vie. Je le considère non seulement du côté de la propreté & de la santé actuelle, mais aussi comme une précaution salutaire pour rendre plus flexible la texture des fibres, & les faire céder sans effort & sans risque aux divers degrés de chaleur & de froid. Pour cela je voudrois qu′en grandissant on s′accoutumât peu à peu à se baigner quelquefois dans des eaux chaudes à tous les degrés supportables, & souvent dans des eaux froides à tous les degrés possibles. Ainsi, après s′être habitué à supporter les diverses températures de l′eau, qui, étant un fluide plus dense, nous touche par plus de points & nous affecte davantage, on deviendroit presque insensible à celles de l′air. Acostumbrado el niño al baño, ya no debe interrumpirse, y es importante que siga bañándose durante toda la vida. No sólo debe considerarse como necesario para conservar la limpieza y la salud actual, sino como una precaución para dar más flexibilidad al tejido de las fibras y que éstas cedan sin riesgo o ni esfuerzo a los diversos grados de calor o frío, tal fin quisiera yo que cuando ya crecidito, el niño se acostumbrase poco a poco a bañarse en aguas calientes o frías, pero tolerables. Así, después de estar habituado a soportar las diversas temperaturas del agua, siendo un fluido más denso, nos toca por más puntos y nos impresiona más, y el hombre sería casi insensible a las variaciones del aire .
Au moment où l′enfant respire en sortant de ses enveloppes, ne souffrez pas qu′on lui en donne d′autres qui le tiennent plus à l′étroit. Point de têtières, point de bandes, point de maillot ; des langes flottants & larges, qui laissent tous ses membres en liberté, & ne soient ni assez pesants pour gêner ses mouvements, ni assez chauds pour empêcher qu′il ne sente les impressions de l′air [15]. Placez-le dans un grand berceau [16] bien rembourré, où il puisse se mouvoir à l′aise & sans danger. Quand il commence a se fortifier, laissez-le ramper par la chambre ; laissez-lui développer, étendre ses petits membres ; vous les verrez se renforcer de jour en jour. Comparez-le avec un enfant bien emmailloté du même âge ; vous serez étonné de la différence de leurs progrès [17]. Desde el momento en que el niño respira al salir de sus envoltorios, no admitáis que se le pongan otros que le vayan más estrechos o le opriman más. Nada de capillos, fajas ni pañales; las mantillas que sean fluctuantes y anchas, que dejen todos sus movimientos en libertad, y que no sean pesadas y le obstaculicen sus movimientos, ni tan calientes que le priven de las variaciones del aire . Le gusta estar en una cuna grande, rellena de lana donde pueda realizar sus movimientos a su gusto y sin peligro. Cuando comience a fortalecerse, dejadle arrastrarse por la habitación; desarrollando y extendiendo sus tiernos miembros, nos daremos cuenta de cómo se van fortificando de día en día, y al establecer una comparación con otro niño del mismo tiempo y bien fajado, se quedará asombrado al observar la diferencia que existen en los adelantos de cada uno .
On doit s′attendre à de grandes oppositions de la part des nourrices, à qui l′enfant bien garrotté donne moins de peine que celui qu′il faut veiller incessamment. D′ailleurs sa malpropreté devient plus sensible dans un habit ouvert ; il faut le nettoyer plus souvent. Enfin la coutume est un argument qu′on ne réfutera jamais en certains pays au gré du peuple de tous les états. Hay que esperar la gran oposición por parte de las nodrizas, puesto que el niño bien agarrotado da menos trabajo que el que la obliga a velar continuamente. También en un traje abierto es preciso limpiarle con más frecuencia, ya que la suciedad es más visible con éste. Por último, la costumbre es un argumento que no se refutará jamás en ciertos pueblos a satisfacción de la plebe de todos los Estados.
Ne raisonnez point avec les nourrices ; ordonnez, voyez faire, & n′épargnez rien pour rendre aisés dans la pratique les soins que vous aurez prescrits. Pourquoi ne les partageriez-vous pas ? Dans les nourritures ordinaires, où l′on ne regarde qu′au physique, pourvu que l′enfant vive & qu′il ne dépérisse point, le reste n′importe guère ; mais ici, où l′éducation commence avec la vie, en naissant l′enfant est déjà disciple, non du gouverneur, mais de la nature. Le gouverneur ne fait qu′étudier sous ce premier maître & empêcher que ses soins ne soient contrariés. Il veille le nourrisson, il l′observe, il le suit, il épie avec vigilance la première lueur de son faible entendement, comme, aux approches du premier quartier, les musulmans épient l′instant du lever de la lune. No discutáis con las nodrizas; mandadlas, mirad cómo realizan lo mandado y no se omita nada para facilitar en la práctica las operaciones que se les hayan prescrito. ¿Y por qué no tomar parte en estas obras? En las nodrizas corrientes, donde no se mira más que la parte física con tal de que el niño viva y no enferme, poco importa lo demás, pero aquí, donde empieza con la vida la educación, desde que nace, el niño ya es discípulo no del ayo, sino de la naturaleza. El ayo no realiza otra cosa que estudiar con este primer maestro, y evitar que sean estériles sus afanes. Vigila a la criatura, la observa, la sigue, acecha con diligencia el primer albor de su débil entendimiento, como al acercarse el primer cuarto de luna acechan los musulmanes el momento en que nace.
Nous naissons capables d′apprendre, mais ne sachant rien, ne connaissant rien. L′âme, enchaînée dans des organes imparfoits & demi-formés, n′a pas même le sentiment de sa propre existence. Les mouvements, les cris de l′enfant qui vient de naître, sont des effets purement mécaniques, dépourvus de connaissance & de volonté. Nosotros nacemos capacitados para aprender, pero no sabiendo ni conociendo nada. El alma, encadenada en los órganos imperfectos y medio formados, ni siquiera tiene la conciencia de su propia existencia. Los movimientos, los gritos del niño recién nacido, vienen de los efectos mecánicos, los cuales están desprovistos de conocimiento y de voluntad.
Supposons qu′un enfant eût à sa naissance la stature & la force d′un homme fait, qu′il sortit, pour ainsi dire, tout armé du sein de sa mère, comme Pallas sortit du cerveau de Jupiter ; cet homme-enfant seroit un parfait imbécile, un automate, une statue immobile & presque insensible : il ne verroit rien, il n′entendroit rien, il ne connoîtroit personne, il ne sauroit pas tourner les yeux vers ce qu′il auroit besoin de voir ; non seulement il n′appercevroit aucun objet hors de lui, il n′en rapporteroit même aucun dans l′organe du sens qui le lui feroit apercevoir ; les couleurs ne seroient point dans ses yeux, les sons ne seroient point dans ses oreilles, les corps qu′il toucheroit ne seroient point sur le sien, il ne sauroit pas même qu′il en a un ; le contact de ses mains seroit dans son cerveau ; toutes ses sensations se réuniroient dans un seul point ; il n′existeroit que dans le commun sensorium ; il n′auroit qu′une seule idée, savoir celle du moi, à laquelle il rapporteroit toutes ses sensations ; & cette idée ou plutôt ce sentiment, seroit la seule chose qu′il auroit de plus qu′un enfant ordinaire. Supongamos que un niño al nacer tuviera la estatura de un hombre hecho, que sale, por decirlo así, completamente provisto de armas del seno de su madre, como Palas salió del cerebro de Júpiter; este hombre-niño sería un perfecto imbécil, un autómata, una estatua inmóvil y casi insensible; no vería nada, no entendería nada, no conocería a nadie, ni sabría volver los ojos hacia lo que necesitase ver; no solamente no se apercibiría de ningún objeto fuera de él, sino que tampoco reportaría ninguno al órgano del sentido que se lo hiciera distinguir; ni estarían los colores en sus ojos, ni los sonidos en sus oídos; no se hallarían sobre su cuerpo los cuerpos que tocase, ni tendría noción de que poseyera alguno; quedaría en su cerebro el contacto de sus manos, y en un solo punto quedarían reunidas todas sus sensaciones, las cuales únicamente tendrían existencia en el sensorio común; no tendría otra idea que la del Yo, a la que referiría todas sus sensaciones, y esta idea o modo de sentir sería lo único en que se diferenciaría de cualquier otro niño.
Cet homme, formé tout à coup, ne sauroit as non plus se redresser sur ses pieds ; il faudroit beaucoup de temps pour apprendre à s′y soutenir en équilibre ; peut-être n′en feroit-il pas même l′essai, & vous verriez ce grand corps, fort & robuste, rester en place comme une pierre, ou ramper & se traîner comme un jeune chien. Il sentiroit le malaise des besoins sans les connaître, & sans imaginer aucun moyen d′y pourvoir. Il n′y a nulle immédiate communication entre les muscles de l′estomac & ceux des bras & des jambes, qui, même entouré d′aliments lui fit faire un pas pour en approcher ou étendre la main pour les saisir ; et, comme son corps auroit pris son accroissement, que ses membres seroient tout développes, qu′il n′auroit par conséquent ni les inquiétudes ni les mouvements continuels des enfants, il pourroit mourir de faim, avant de s′être mû pour chercher sa subsistance. Pour peu qu′on ait réfléchi sur l′ordre & le progrès de nos connaissances, on ne peut nier que tel ne fût à peu prés l′étoit primitif d′ignorance et de stupidité naturel a l′homme avant qu′il eût rien appris de l′expérience ou de ses semblables. Este hombre formado de un golpe no sabría más que tenerse de pie; le haría falta mucho tiempo para aprender a sostenerse. Quizá no intentaría hacer él mismo el ensayo, y veríamos este cuerpo grande, fuerte y robusto fijo en un lugar como una peña, o arrastrarse, al igual que los cachorros de perro, por el suelo. Sentiría el malestar de las necesidades sin conocerlas ni imaginar ningún medio para satisfacerlas. Aunque estuviese rodeado de alimentos, no existe ninguna comunicación inmediata entre los músculos del estómago y los de los brazos y las piernas que le hiciera dar un paso para arrimarse a ellos o alargar la mano para cogerlos, y como su cuerpo habría tomado su incremento, y estarían completamente desarrollados todos sus miembros, carecería de la inquietud y de los continuos movimientos de los niños, y pudiera muy bien morir de hambre antes de moverse para buscar la comida. Por poco que se haya reflexionado sobre el orden y el progreso de nuestros conocimientos, no se podrá negar que con escasa diferencia sea éste el primitivo estado de ignorancia y estupidez natural del ser humano, antes de que aprenda algo por medio de la experiencia o de sus semejantes.
On connoit donc, ou l′on peut connaître le premier point d′où part chacun de nous pour arriver au degré commun de l′entendement ; mais qui est-ce qui connaît l′autre extrémité ? Chacun avance plus ou moins selon son génie, son goût, ses besoins, ses talents, son zèle, & les occasions qu′il a de s′y livrer. Je ne sache pas qu′aucun philosophe ait encore été assez hardi pour dire : Voilà le terme où l′homme peut parvenir & qu′il ne sauroit passer. Nous ignorons ce que notre nature nous permet d′être ; nul de nous n′a mesuré la distance qui peut se trouver entre un homme & un autre homme. Quelle est l′âme basse que cette idée n′échauffa jamais, & qui ne se dit pas quelquefois dans son orgueil : Combien j′en ai déjà passé ! combien j′en puis encore atteindre ! pourquoi mon égal iroit-il plus loin que moi ? Se conoce, pues, o puede conocerse, el punto primero de donde sale cada uno de nosotros para llegar al común grado de inteligencia; ¿pero quién es el que conoce el otro extremo? Cada uno avanza más o menos según su genio, su gusto, sus necesidades, su talento, su celo, y las ocasiones que de abandonarse se presentan. Yo no sé que haya habido aún ningún filósofo tan atrevido que dijese: «He ahí el término donde el hombre puede llegar y del cual nunca podrá pasar». Ignoramos lo que nuestra naturaleza nos permite ser; ninguno de nosotros ha medido la distancia que entre un hombre y otro puede mediar. Esta es el alma bajo la cual esta idea no se enardece jamás y que no se ha pronunciado nunca dentro de su orgullo: ¡A cuántos voy dejando atrás! ¡A cuántos puedo pasar aún! ¿Por qué un igual mío iría más lejos que yo?
Je le répète, l′éducation de l′homme commence à sa naissance ; avant de parler, avant que d′entendre, il s′instruit déjà. L′expérience prévient les leçons ; au moment qu′il connoit sa nourrice, il a déjà beaucoup acquis. On seroit surpris des connaissances de l′homme le plus grossier, si l′on suivoit son progrès depuis le moment où il est né jusqu′à celui ou il est parvenu. Si l′on partageoit toute la science humaine en deux parties, l′une commune à tous les hommes, l′autre particulière aux savants, celle-ci seroit très petite en comparaison de l′autre. Mais nous ne songeons guère aux acquisitions générales, parce qu′elles se font sans qu′on y pense & même avant l′âge de raison ; que d′ailleurs le savoir ne se fait remarquer que par ses différences, & que, comme dans les équations d′algèbre, les quantités communes se comptent pour rien. Lo repito; la educación del hombre empieza al nacer; antes de hablar, de comprender, él ya se instruye. La experiencia precede a las lecciones; cuando conoce a su nodriza, tiene ya mucho adquirido. Uno se sorprendería del hombre, el más rústico, si siguiéramos sus progresos desde el momento en que nació hasta aquel en que se halla. Si se dividiese toda la ciencia humana en dos partes, la una común a todos los hombres y la otra propia de los sabios, la última sería muy pequeña comparada con la primera. Mas no nos detengamos mucho en las adquisiciones generales, ya que se hacen sin pensarlo, antes de que se tenga uso de razón, y porque, por otra parte, por las diferencias se nota el saber, y, como en las ecuaciones algebraicas, no se cuentan las cantidades comunes.
Les animaux mêmes acquièrent beaucoup. Ils ont des sens, il faut qu′ils apprennent à en faire usage ; ils ont des besoins, il faut qu′ils apprennent à y pourvoir ; il faut qu′ils apprennent a manger, a marcher, à voler. Les quadrupèdes qui se tiennent sur leurs pieds dès leur naissance ne savent pas marcher pour cela ; on voit à leurs premiers pas que ce sont des essais mal assurés. Les serins échappés de leurs cages ne savent point voler, parce qu′ils n′ont jamais volé. Tout est instruction pour les êtres animés & sensibles. Si les plantes avoient un mouvement progressif, il faudroit qu′elles eussent des sens & qu′elles acquissent des connaissances ; autrement les espèces périroient bientôt. Los animales mismos adquieren también mucho. Tienen sentidos, y esto hace que aprendan a hacer uso de ellos; tienen necesidades y es preciso que aprendan a satisfacerlas; necesitan aprender a comer, a andar, a volar. Los cuadrúpedos que se aguantan de pie desde que nacen, no por eso saben andar; en sus primeros pasos se ve que hacen pruebas con inseguridad. Los jilgueros escapados de la jaula no saben volar debido a que nunca han volado. Todo es instrucción para los seres animados y sensibles, y si las plantas tuvieran movimiento progresivo, sería necesario que tuvieran sentidos y adquirieran conocimientos, sin lo cual en breve perecerían las especies.
Les premières sensations des enfans sont purement affectives ; ils n′apperçoivent que le plaisir & la douleur. Ne pouvant ni marcher ni saisir, ils ont besoin de beaucoup de temps pour se former peu à peu les sensations représentatives qui leur montrent les objets hors d′eux-mêmes ; mais, en attendant que ces objets s′étendent, s′éloignent pour ainsi dire de leurs yeux, & prennent pour eux des dimensions & des figures, le retour des sensations affectives commence à les soumettre à l′empire de l′habitude ; on voit leurs yeux se tourner sans cesse vers la lumière, et, si elle leur vient de côté, prendre insensiblement cette direction ; en sorte qu′on doit avoir soin de leur opposer le visage au jour, de peur qu′ils ne deviennent louches ou ne s′accoutument à regarder de travers. Il faut aussi qu′ils s′habituent de bonne heure aux ténèbres ; autrement ils pleurent & crient sitôt qu′ils se trouvent à l′obscurité. La nourriture & le sommeil, trop exactement mesurés, leur deviennent nécessaires au bout des mêmes intervalles ; & bientôt le désir ne vient plus du besoin, mais de l′habitude, ou plutôt l′habitude ajoute un nouveau besoin à celui de la nature : voilà ce qu′il faut prévenir. Las primeras sensaciones de los niños son puramente afectivas, y solamente se distinguen en ellas placer o dolor, y no pudiendo andar ni asir, requieren mucho tiempo para formarse poco a poco las sensaciones representativas que le muestran los objetos exteriores, pero aguardando que estos objetos se extiendan, se alejen, por así decirlo, de sus ojos, y toman ellos las dimensiones y las figuras, el retorno de las sensaciones comienza a someterles al imperio del hábito; se ven sus ojos sin cesar volverse hacia la luz, y si la luz viene de lado, toman insensiblemente esta dirección, por lo que se debe tener cuidado de colocarles de cara a la luz, para que no se vuelvan bizcos ni se acostumbren a mirar de reojo. Acostumbrarlos a la oscuridad debe hacerse también cuanto antes, pues de lo contrario lloran y gritan así que dejan de ver la luz. El alimento y el sueño, muy exactamente medidos, les son necesarios al cabo de los mismos intervalos de tiempo, y pronto el deseo no les proviene de la necesidad, sino de la costumbre, y el hábito añade otra necesidad a la natural, que es necesario evitar.
La seule habitude qu′on doit laisser prendre à l′enfant est de n′en contracter aucune ; qu′on ne le porte pas plus sur un bras que sur l′autre ; qu′on ne l′accoutume pas à présenter une main plutôt que l′autre, à s′en servir plus souvent, à vouloir manger, dormir, agir aux mêmes heures, à ne pouvoir rester seul ni nuit ru jour. Préparez de loin le règne de sa liberté & l′usage de ses forces, en laissant à son corps l′habitude naturelle, en le mettant en état d′être toujours maître de lui-même, & de faire en toute chose sa volonté, sitôt qu′il en aura une. El sólo hábito que se debe dejar adquirir al niño es el de que no contraiga ninguno; que no lleve más en un brazo que en el otro; no acostumbrarle a presentar una mano más que la otra, a servirse más de ella para comer, a dormir o hacer tal o cual cosa a la misma hora, a no poder estar solo ni de día ni de noche. Preparad desde lejos el reino de su libertad y el uso de sus fuerzas, y dejando a su cuerpo el hábito natural, poniéndole en condiciones de ser siempre dueño de si mismo, y de hacer todas las cosas según su propia voluntad así que la tenga.
Dès que l′enfant commence à distinguer les objets, il importe de mettre du choix dans ceux qu′on lui montre. Naturellement tous les nouveaux objets intéressent l′homme. Il se sent si faible qu′il craint tout ce qu′il ne connoit pas : l′habitude de voir des objets nouveaux sans en être affecté détruit cette crainte. Les enfants élevés dans des maisons propres, où l′on ne souffre point d′araignées, ont peur des araignées & cette peur leur demeure souvent étant grands. Je n′ai jamais vu de paysans, ni homme, ni femme, ni enfant, avoir peur des araignées. Desde que el niño comience a distinguir los objetos, es importante escoger bien los objetos que se le muestren. Naturalmente que todos los objetos nuevos interesan al hombre. Se siente tan débil que tiene miedo de todo lo que desconoce; el hábito de ver los objetos nuevos sin ser afectado por ellos, le destruye este miedo. Los niños educados en casas limpias, donde no se consienten telarañas, tienen miedo a las arañas, y con frecuencia lo conservan cuando ya son mayores. Jamás he observado que ningún aldeano, sea hombre, mujer o niño, tenga miedo a las arañas.
Pourquoi donc l′éducation d′un enfant ne commenceroit-elle pas avant qu′il parle et qu′il entende puisque le seul choix des objets qu′on lui présente est propre à le rendre timide ou courageux ? Je veux qu′on l′habitue à voir des objets nouveaux, des animaux laids, dégoûtants, bizarres, mais peu à peu, de loin, jusqu′à ce qu′il y soit accoutumé, & qu′à force de les voir manier à d′autres, il les manie enfin lui-même. Si, durant son enfance, il a vu sans effroi des crapauds, des serpents, des écrevisses, il verra sans horreur, étant grand, quelque animal que ce soit. Il n′y a plus d′objets affreux pour qui en voit tous les jours. ¿Por que, pues, la educación de un niño no comienza antes de que hable y de que entienda, ya que la sola elección de los objetos que se le presentan es capaz de convertirle en un tímido o valiente? Quiero que se habitúe a ver objetos nuevos, animales feos, repugnantes y extraños, pero paulatinamente y a alguna distancia, hasta que se acostumbre a ellos, y al ver que otros los tocan; también él los toca. Si en su infancia ha visto sin asustarse sapos, culebras y cangrejos, verá sin espantarse, cuando sea mayor, cualquier otro animal, ya que no hay seres que causen horror al que los ve todos los días.
Tous les enfans ont peur les masques. Je commence, par montrer à émile un masque d′une figure agréable ; ensuite quelqu′un s′applique devant lui ce masque sur le visage : je me mets à rire, tout le monde rit, & l′enfant rit comme les autres. Peu à peu l′accoutume à des masques moins agréables, & enfin a des figures hideuses. Si j′ai bien ménagé ma gradation, loin de s′effrayer au dernier masque, il en rira comme du premier. Après cela je ne crains plus qu′on l′effraye avec des masques. Los niños tienen miedo de las máscaras. Yo comienzo por mostrar a Emilio una máscara de una figura agradable; luego se la pongo delante de la cara- me echo a reír, todo el mundo se ríe, y el niño se ríe lo mismo que los demás. Despacio le acostumbro con caretas más feas, y por último con figuras horribles. Si he seguido bien la graduación, lejos de que le asuste la última, se reirá como con la primera; por consiguiente no temo que le intimiden las máscaras.
Quand, dans les adieux d′Andromaque & d′Hector, le petit Astyanax, effrayé du panache qui flotte sur le casque de son père, le méconnaît, se jette en criant sur le sein de sa nourrice, & arraché à sa mere un sourire mêlé de larmes, que faut-il faire pour guérir cet effroi ? Précisément ce que fait Hector, poser le casque à terre, & puis caresser l′enfant. Dans un moment plus tranquille on ne s′en tiendroit pas là ; on s′approcheroit du casque, on joueroit avec les plumes, on les feroit manier à l′enfant ; enfin la nourrice prendroit le casque & le poseroit en riant sur sa propre tête, si toutefois la main d′une femme osoit toucher aux armes d′Hector. Cuando en la despedida de Andrómaca y Héctor el pequeño Astinacte, asustado del penacho que flota sobre el yelmo de su padre, no le conoce y se arroja al cuello de su nodriza dando gritos, y arranca a su madre una sonrisa mezclada de lágrimas, ¿qué debe hacerse para quitarle el miedo? Precisamente lo que ha hecho Héctor, poner el yelmo en el suelo y acariciar al niño. En un momento más tranquilo no hubiera quedado satisfecho con esto; le habría acercado el yelmo, jugando con las plumas para hacérselas tocar al niño; por último la nodriza habría cogido el yelmo y riéndose se lo hubiera colocado en la cabeza, si entonces la mano de una mujer hubiera osado tocar las armas de Héctor.
S′agit-il d′exercer émile au bruit d′une arme à feu, je brûle d′abord une amorce dans un pistolet. Cette flamme brusque & passagère, cette espèce d′éclair le réjouit ; je répète la même chose avec plus de poudre ; peu à peu j′ajoute au pistolet une petite charge sans bourre, puis une plus grande ; enfin je l′accoutume aux coups de fusil, aux boites, aux canons, aux détonations les plus terribles. ¿Se trata de acostumbrar a Emilio al ruido de un arma de fuego? Empiezo por quemar pólvora en la cazoleta de una pistola, y la llamarada instantánea y brillante divierte al niño con esta especie de relámpago; repito la misma operación con más cantidad de pólvora; cargo la pistola con poca pólvora, poco a poco y sin taco; luego aumento la carga, y por fin se acostumbra al ruido de los disparos, de los cohetes, y a las más fuertes detonaciones.
J′ai remarqué que les enfans ont rarement peur du tonnerre, à moins que les éclats ne soient affreux & ne blessent réellement l′organe de l′ouïe ; autrement cette peur ne leur vient que quand ils ont appris que le tonnerre blesse ou tue quelquefois. Quand a raison commence à les effrayer, faites que l′habitude les rassure. Avec une gradation lente & ménagée on rend l′homme & l′enfant intrépides à tout. He recalcado que los niños raramente tienen miedo a los truenos, a no ser que sean realmente capaces de espanto e incomoden al órgano del oído; en otro caso no temen hasta que saben que el rayo algunas veces hiere o mata. Cuando sea la razón la causa de que se asusten, procurad que el hábito les aumente el ánimo. Mediante una lenta y bien graduada superación, el hombre y el niño acaban riendo intrépidos en todo.
Dans le commencement de la vie, où la mémoire & l′imagination sont encore inactives, l′enfant n′est attentif qu′à ce qui affecte actuellement ses sens ; ses sensations étant les premiers matériaux de ses connaissances, les lui offrir dans un ordre convenable, c′est préparer sa mémoire à les fournir un jour dans le même ordre à son entendement ; mais, comme il n′est attentif qu′à ses sensations, il suffit d′abord de lui montrer bien distinctement la liaison de ces mêmes sensations avec les objets qui les causent. Il veut tout toucher, tout manier : ne vous opposez point à cette inquiétude ; elle lui suggère un apprentissage très nécessaire. C′est ainsi qu′il apprend à sentir la chaleur, le froid, la dureté, la mollesse, la pesanteur, la légèreté des corps, à juger de leur grandeur, de leur figure, & de toutes leurs qualités sensibles, en regardant, palpant [18], écoutant, surtout en comparant la vue au toucher, en estimant à l′œil la sensation qu′ils feroient sous ses doigts. En los inicios de la vida, cuando la imaginación y la memoria aún son inactivas, el niño sólo está atento a cuanto afecta a sus sentidos; las sensaciones, siendo los primeros materiales de sus conocimientos, se le deben ofrecer de un modo conveniente, o sea preparar su memoria para que un día las ofrezca en el mismo orden a su entendimiento, pero como sólo atiende a sus sensaciones, es suficiente mostrarle primeramente con distinción la conexión de estas mismas sensaciones con los objetos que las causan. El quiere tocarlo todo y manejarlo; no nos opongamos a esta inquietud, ya que ello le sugiere un aprendizaje muy necesario. Es de este modo como aprende a sentir el calor, el frío, la dureza, la blandura, el peso y la ligereza de los cuerpos; a juzgar de su tamaño, de su figura, y todas sus cualidades sensibles, mirando, palpando , escuchando, y sobre todo comparando la vista con el tacto, y apreciando con los ojos la sensación que causan sobre sus dedos.
Ce n′est que par le mouvement que nous apprenons qu′il y a des choses qui ne sont pas nous ; & ce n′est que par notre propre mouvement que nous acquérons l′idée de l′étendue. C′est parce que l′enfant n′a point cette idée, qu′il tend indifféremment la main pour saisir l′objet qui le touche, ou l′objet qui est à cent pas de lui. Cet effort qu′il fait vous paroit un signe d′empire, un ordre qu′il donne à l′objet de s′approcher, ou à vous de le lui apporter ; & point du tout, c′est seulement que les mêmes objets qu′il voyoit d′abord dans son cerveau, puis sur ses yeux, il les voit maintenant au bout de ses bras, & n′imagine d′étendue que celle où il eut atteindre. Ayez donc soin de le promener souvent, de le transporter d′une place à l′autre, de lui faire sentir le changement de lieu, afin de lui apprendre à juger des distances. Quand il commencera de les connaître, alors il faut changer de méthode, & ne le porter que comme il vous plaît, & non comme il lui plaît ; car sitôt qu′il n′est plus abusé par le sens, son effort change de cause : ce changement est remarquable, & demande explication. Por el movimiento es como sabemos únicamente que hay cosas que no son extrañas, y sólo por nuestro propio movimiento adquirimos la idea de la extensión. Debido a que el niño no posee esta idea, tiende la mano, de un modo indistinto, para coger el objeto que tiene cerca como el que está a cien pasos. Este esfuerzo que hace os parece una señal de imperio, una orden que él da de que se aproxime el objeto, o a vosotros la de que se lo acerquéis, y, después de todo, esto es solamente que los mismos objetos que él veía al principio en su cerebro, y luego pegados a sus ojos, los ve ahora en el extremo de su brazo, y no se figura otra extensión que hasta donde puede alcanzar. Tiene, pues, necesidad del paseo frecuente, de que se le transporte de un lugar a otro, de hacerle sentir el cambio de lugar a fin de hacerle aprender a medir las distancias. Cuando empiece a conocerlas, entonces es necesario cambiar de método, y llevarle como queráis y no como quiere él, ya que tan pronto como ya no le engañan los sentidos, su esfuerzo procede de otra causa distinta. Este cambio es remarcable y necesita una explicación.
Le malaise des besoins s′exprime par des signes quand le secours d′autrui est nécessaire pour y pourvoir : de là les cris des enfants. Ils pleurent beaucoup ; cela doit être. Puisque toutes leurs sensations sont affectives, quand elles sont agréables, ils en jouissent en silence ; quand elles sont pénibles, ils le disent dans leur langage, & demandent du soulagement. Or, tant qu′ils sont éveillés, ils ne peuvent presque rester dans un état d′indifférence ; ils dorment, ou sont affectés. El malestar de las necesidades se manifiesta con signos cuando la ayuda de otro es esencial para satisfacerlas. De ahí provienen los gritos de los niños; lloran mucho, y debe ser así. Puesto que todas sus sensaciones son afectivas, cuando son agradables, las disfrutan en silencio; cuando son penosas, lo dicen en su lengua y piden alivio. Mientras están despiertos no pueden casi permanecer en un estado de indiferencia; duermen o están afectados por el sentimiento de dolor o de placer.
Toutes nos langues sont des ouvrages de l′art. On a longtemps cherché s′il y avoit une langue naturelle & commune à tous les hommes ; sans doute, il y en a une ; et c′est celle que les enfans parlent avant de savoir parler. Cette Langue n′est pas articulée, mais elle est accentuée, sonore, intelligible. L′usage des nôtres nous l′a fait négliger au point l′oublier tout-à-fait. Etudions les enfans, & bientôt nous la rapprendrons auprès d′eux. Les nourrices sont nos maîtres dans cette Langue, elles entendent tout ce que disent leurs nourrissons ; elles leur répondent, elles ont avec eux des dialogues très-bien suivis ; & quoiqu′elles prononcent des mots, ces mots sont parfaitement inutiles, ce n′est point le sens du mot qu′ils entendent, mais l′accent dont il est accompagné. Todas nuestras lenguas son obra del arte. Se ha buscado durante mucho tiempo si existía una lengua natural y común a todos los hombres; sin duda existe una, y es aquélla que los niños hablan antes de saber hablar Esta lengua no es articulada, pero sí acentuada, sonora e inteligible. El uso de las nuestras nos la ha hecho abandonar hasta el punto de que nos hemos olvidado enteramente de ella. Estudiemos a los niños y pronto la volveremos a aprender. Las nodrizas son profesoras en esta lengua; ellas entienden lo que dicen sus hijos de leche, les responden y dialogan con ellos, tienen conversaciones muy bien seguidas por ambos, y aunque pronuncian palabras, son voces absolutamente inútiles, debido a que no es el significado de la palabra lo que ellos entienden, sino el acento que la acompaña.
Au langage de la voix se joint celui du geste, non moins énergique. Ce geste n′est pas dans les foibles mains des enfans, il est sur leurs visages. Il est étonnant combien ces physionomies mal formées ont déjà d′expression ; traits changent d′un instant à l′autre avec une inconcevable rapidité : vous y voyez le sourire, le désir, l′effroi naître & passer comme autant d′éclairs : à chaque fois vous croyez voir un autre visage. Ils ont certainement les muscles de la face plus mobiles que nous. En revanche, leurs yeux ternes ne disent presque rien. Tel doit être le genre de leurs signes dans un âge où l′on n′a que des besoins corporels ; l′expression des sensations est dans les grimaces, l′expression ses sentiments est dans les regards. Al lenguaje de la voz se une el de los gestos, el cual no es menos enérgico. Este gesto no está en las débiles manos de los niños, sino en su semblante. Asombra la expresión que ya tienen estas mal formadas fisonomías; de un instante a otro mudan su semblante con una rapidez increíble; vemos en ellos la sonrisa, el deseo, el susto, que nacen y desaparecen como relámpagos; a cada instante parece una cara distinta. Tienen los músculos del rostro más movibles que los nuestros; en cambio, sus opacos ojos casi no expresan nada. Este debe ser el género de los signos corporales: en las muecas consiste la expresión de las sensaciones; la de los afectos reside en las miradas.
Comme le premier état de l′homme est la misère & la foiblesse, ses premieres voix sont la plainte & les pleurs. L′enfant sent ses besoins, & ne les peut satisfaire, il implore le secours d′autrui par des cris : s′il a faim ou soif, il pleure ; s′il a trop froid ou trop chaud, il pleure ; s′il a besoin de mouvement & qu′on le tienne en repos, il pleure ; s′il veut dormir & qu′on l′agite, il pleure. Moins sa manière d′être est à sa disposition, plus il demande fréquemment qu′on la change. Il n′a qu′un langage, parce qu′il n′a, pour ainsi dire, qu′une sorte de mal-être : dans l′imperfection de ses organes, il ne distingue point leurs impressions diverses ; tous les maux ne forment pour lui qu′une sensation de douleur. Como el primer estado del hombre es la miseria y la debilidad, sus primeras voces son el quejido y el llanto. El niño siente sus necesidades y no las puede satisfacer, y entonces implora el socorro ajeno por medio de gritos: si tiene hambre o sed, llora; si quiere dormir y no se le mueve, llora; si tiene mucho frío o mucho calor, llora; si desea moverse y se le tiene en reposo, llora. Cuanto más su posición le incomoda, más frecuentemente pide que se le mude. No posee más que un lenguaje, porque sólo conoce una clase de incomodidad; en la imperfección de sus órganos, no distingue la diversidad de impresiones, y todos los males no son para él otra cosa que una sensación de dolor.
De ces pleurs, qu′on croiroit si peu dignes d′attention, naît le premier rapport de l′homme à tout ce qui l′environne : ici se forge le premier anneau de cette longue chaîne dont l′ordre social est formé. De estos llantos que pudieran creerse tan poco dignos de atención, nace la primera relación del hombre con todo cuanto le rodea; aquí se forja el primer anillo de esta larga cadena de que el orden social está formado.
Quand l′enfant pleure, il est mal à son aise, il a quelque besoin, qu′il ne sauroit satisfaire : on examine, on cherche ce besoin, on le trouve, on y pourvoit. Quand on ne le trouve pas ou quand on n′y peut pourvoir, les pleurs continuent, on en est importuné : on flatte l′enfant pour le faire taire, on le berce, on lui chante pour l′endormir :s′il s′opiniâtre, on s′impatiente, on le menace : des nourrices brutales le frappent quelquefois.. Voilà d′étranges leçons pour son entrée à la vie. Cuando el niño llora, tiene algún deseo que no puede satisfacer: se examina esta necesidad, se la encuentra, y entonces se le sacia. Cuando no es hallada o no se le puede remediar, los llantos continúan y nos importunan; halagamos al niño para que calle, le mecemos, le arrullamos para que se duerma; si no calla, nos enojamos, le amenazamos, y algunas nodrizas de mal genio a veces suelen pegarle. He ahí lecciones extrañas para su entrada en la vida.
Je n′oublierai jamais d′avoir vu un de ces incommodes pleureurs ainsi frappé par sa nourrice. Il se tut sur le champ : je le crus intimidé. Je me disois : ce sera une âme servile dont on n′obtiendra rien que par la rigueur. Je me trompois : le malheureux suffoquoit de colère, il avoit perdu la respiration ; je le vis devenir violet. Un moment, après vinrent les cris aigus ; tous les signes du ressentiment, de la fureur, de cet âge, étoient dans ses accents. Je craignis qu′il n′expirât dans cette agitation. Quand j′aurois doute que le sentiment du juste & de l′injuste fût inné dans le cœur de l′homme, cet exemple seul m′auroit convaincu. Je suis sûr qu′un tison ardent tombé par hasard sur la main de cet enfant lui eût été moins sensible que ce coup assez léger, mais donné dans l′intention manifeste de l′offenser. No me olvidaré jamás de haber visto uno de estos incómodos llorones pegado por su nodriza; se calló al momento, y creí que se había asustado. Me dije para mí: será un alma servil que no obtendrá nada que no sea más que por el rigor. Me equivocaba; al desventurado le sofocaba la cólera, había perdido la respiración; le vi volverse amoratado. Un momento después vinieron los gritos agudos; todos los signos del resentimiento, la desesperación, el furor de esta edad estallaban en su acento. Yo creí que expiraría en esta agitación. Si hubiera dudado que el sentimiento de justicia y de injusticia fuera innato en el corazón del hombre, este ejemplo me habría convencido. Estoy seguro de que un ascua que hubiera caído casualmente sobre la mano del niño, la hubiera sentido menos que el pequeño golpe, pero dado con ánimo manifiesto de hacerle daño.
Cette disposition des enfans à l′emportement, au dépit, a la colère, demande des ménagements excessifs. Boerhaave pense que leurs la maladies sont pour plupart de la classe des convulsives, parce que la tête étant proportionnellement plus grosse & le système des nerfs plus étendu que dans les adultes, le genre nerveux est plus susceptible d′irritation. éloignez d′eux avec le plus grand soin les domestiques qui s agacent, les irritent, les impatientent : ils leur sont cent fois plus dangereux, plus funestes que les injures de l′air & des saisons. Tant que les enfans ne trouveront de résistance que dans les choses & jamais dans les volontés, ils ne deviendront ni mutins ni colères, & se conserveront mieux en santé. C′est ici une des raisons pourquoi les enfans du peuple, plus libres, plus indépendants, sont généralement moins infirmes, moins délicats, plus robustes que ceux qu′on prétend mieux élever en les contrariant sans cesse ; mais il faut songer toujours qu′il y a bien de la différence entre leur obéir & ne pas les contrarier. Esta disposición de los niños a enfadarse, al despecho, a la cólera, exige una gran atención. Boerhaave piensa que sus enfermedades son la mayor parte de la clase de las convulsivas, porque en el niño, siendo proporcionalmente más grande y más extenso que en los adultos su sistema nervioso, éste es más propenso a la irritación. Apartad de ellos con el mayor cuidado los domésticos que les provocan, les irritan y les impacientan; les son cien veces más peligrosos y funestos que las molestias del aire y de las estaciones. Mientras que los niños no hallen resistencia más que en las cosas y jamás en las voluntades, ellos no serán iracundos ni coléricos y conservarán mejor la salud. Esta es una de las razones por la cual los niños de pueblo, más libres e independientes, están generalmente menos enfermos, son menos delicados, más robustos que los que pretenden educar mejor sujetándoles sin cesar; pero siempre hemos de pensar que existe mucha diferencia entre obedecerlos y el de quitarles sus gustos.
Les premiers pleurs des enfans sont des prières : si on n′y prend garde, ils deviennent bientôt des ordres ;ils commencent par se faire assister, ils finissent par se faire servir. Ainsi de leur propre faiblesse, d′où vient d′abord le sentiment de leur dépendance, naît ensuite l′idée de l′empire & de la domination ; mais cette idée étant moins excitée par leurs besoins que par nos services, ici commencent à se faire apercevoir les effets moraux dont la cause immédiate n′est pas dans la nature ; & l′on voit déjà pourquoi, dès ce premier âge, il importe de démêler l′intention secrète qui dicte le geste ou le cri. Los primeros llantos de los niños son ruegos; si no se les hace caso, se convierten pronto en órdenes; comienzan por hacerse asistir y terminan haciendo que los sirvan. Así, de su propia debilidad, de donde viene el sentimiento de su dependencia, nace en su origen la idea de imperio y dominio; mas esta idea, estando menos excitada por sus deseos que por nuestros servicios, comienza por hacer notar los efectos morales donde la causa inmediata no está en la naturaleza, y se ve ya el porqué desde esta primera edad, e importa aclarar la intención secreta que dicta el gesto o el grito.
Quand l′enfant tend la main avec effort sans rien dire, il croit atteindre à l′objet parce qu′il n′en estime pas la distance ; il est dans l′erreur ; mais quand il se plaint et crie en tendant la main, alors il ne s′abuse plus sur la distance, il commande à l′objet de s′approcher, ou à vous de le lu apporter. Dans le premier cas, portez-le à l′objet lentement & à petits pas ; dans le second, ne faites pas seulement semblant de l′entendre : plus il criera, moins vous devez l′écouter. Il importe de l′accoutumer de bonne heure à ne commander ni aux hommes, car il n′est pas leur maître, ni aux choses, car elles ne l′entendent point. Ainsi quand un enfant désire quelque chose qu′il voit & qu′on veut lui donner, il vaut mieux porter l′enfant à l′objet, que d′apporter l′objet à l′enfant : il tire de cette pratique une conclusion qui est de son âge, & il n′y a point d′autre moyen de la lui suggérer. Cuando el niño tiende la mano con esfuerzo sin decir nada, cree que alcanzará el objeto debido a que él aún no distingue las distancias; está en un error, pero cuando se queja y grita al alargar la mano, entonces no se engaña más sobre la distancia, y manda al objeto que se acerque a él, o a nosotros que se lo llevemos. En el primer caso, llevadle hacia al objeto lentamente y mediante pequeños pasos; en el segundo, no se le deben dar siquiera muestras de haberle entendido. Cuanto más grite, menos debe escuchársele. Importa acostumbrarle a su debido tiempo a no mandar a los hombres, ya que él no es su amo, ni a las cosas, pues tampoco le oyen. Así, cuando un niño desea alguna cosa que ve y que uno quiere dársela, es mejor llevar el niño al objeto que traer el objeto al niño; saca de esta práctica una conclusión propia de su edad, y no hay otro medio de sugerírsela.
L′abbé de Saint-Pierre appeloit les hommes de grands enfants ; on pourroit appeler réciproquement les enfans de petits hommes. Ces propositions ont leur vérité comme sentences ; comme principes, elles ont besoin d′éclaircissement. Mois quand Hobbes appeloit le méchant un enfant robuste, il disoit une chose absolument contradictoire. Toute méchanceté vient de faiblesse ; l′enfant n′est méchant que parce qu′il est faible ; rendez-le fort, il sera bon : celui qui pourroit tout ne feroit jamais de mal. De tous les attributs de la Divinité toute-puissante, la bonté est celui sans lequel on la peut le moins concevoir. Tous les peuples qui ont reconnu deux principes ont toujours regardé le mauvais comme inférieur au bon ; sans quoi ils auroient fait une supposition absurde. Voyez ci-après la Profession de foi du Vicaire savoyard. El abate de Saint-Pierre llamaba niños grandes a los hombres, y recíprocamente podríamos llamar a los niños hombres chicos. Estas proposiciones tienen su verdad como sentencias; como principios, ellas tienen necesidad de esclarecimiento. Pero cuando Hobbes llamaba al niño malo un niño robusto, expresaba una cosa absolutamente contradictoria. Toda perversidad procede de debilidad; el niño, si es malo, es porque es débil; por lo tanto, si se le da fuerza será bueno; el que lo pudiese todo nunca haría nada mal. Entre todos los atributos de la Divinidad Omnipotente, aquél sin el cual no podemos concebirla es el de la bondad. Todos los pueblos que han admitido dos principios, siempre han considerado el malo inferior al bueno; de otra forma habrían hecho una suposición absurda. Ved más adelante la Profesión de fe del Vicario saboyano.
La raison seule nous apprend à connaître le bien & le mal. La conscience qui nous fait aimer l′un & haïr l′autre, quoique indépendante de la raison, ne peut donc se développer sans elle. Avant l′âge de raison, nous faisons le bien & le mal sans le connaître ; & il n′y a point de moralité dans nos actions, quoiqu′il y en ait quelquefois dans le sentiment des actions d′autrui qui ont rapport à nous. Un enfant veut déranger tout ce qu′il voit : il casse, il brise tout ce qu′il peut atteindre ; il empoigne un oiseau comme il empoigneroit une pierre, & l′étouffe sans savoir ce qu′il fait. La razón por sí sola nos enseña a conocer el bien y el mal. La conciencia que nos hace amar a uno y aborrecer a otro, aunque independiente de la razón, no se puede desenvolver sin ella. Antes de la edad en que se posee el uso de razón, obramos bien o mal ignorando si lo que hacemos es una cosa buena o mala; por consiguiente, no hay moralidad en nuestras acciones, aunque algunas veces la haya en la impresión que en nosotros hacen las acciones de otros relativas a nosotros. Un niño quiere descomponer todo lo que ve; rompe lo que puede coger; lo mismo agarra a un pájaro que una piedra, sin saber lo que hace.
Pourquoi cela ? D′abord la philosophie en va rendre raison par des vices naturels : l′orgueil, l′esprit de domination, l′amour-propre, la méchanceté de l′homme ; le sentiment de sa faiblesse, pourra-t-elle ajouter, rend l′enfant avide de faire des actes de force, & de se prouver à lui-même son propre pouvoir. Mais voyez ce vieillard infirme & cassé, ramené par le cercle de la vie humaine à la foiblesse de l′enfance non seulement il reste immobile & paisible, il veut encore que tout y reste autour de lui ; le moindre changement le trouble & l′inquiète, il voudroit voir régner un calme universel. Comment la même impuissance jointe aux mêmes passions produiroit-elle des effets si différents dans les deux âges, si la cause primitive n′étoit changée ? Et où peut-on chercher cette diversité de causes, si ce n′est dans l′état physique des deux individus ? Le principe actif, commun à tous deux, se développe dans l′un & s′éteint dans l′autre ; l′un se forme, & l′autre se détruit ; l′un tend à la vie, & l′autre à la mort. L′activité défaillante se concentre dans le cœur du vieillard ; dans celui de l′enfant, elle est surabondante & s′étend au dehors ; il se sent, pour ainsi dire, assez de vie pour animer tout ce qui l′environne. Qu′il fasse ou qu′il défasse, il n′importe ; suffit qu′il change l′état des choses, & tout changement est une action. Que s′il semble avoir plus de penchant à détruire, ce n′est point par méchanceté, c′est que l′action qui forme est toujours lente, & que celle qui détruit, étant plus rapide, convient mieux à sa vivacité. ¿Por qué esto? Al instante la filosofía nos dicta la razón; son los vicios naturales: el orgullo, el espíritu de dominación, el amor propio la perversidad del hombre; el sentimiento de su debilidad podrá incitar al niño a la ejecución de actos de fuerza, y de probar en sí mismo su propio poder. Mas contemplad ese viejo deforme y achacoso, conducido por el curso de la vida humana a la debilidad de su infancia: no solamente queda inmóvil y pasible, sino que también quiere que nada cambie a su alrededor; la menor mudanza le turba y desasosiega y son sus deseos los de una calma universal. ¿Cómo una misma impotencia unida a las mismas pasiones produce efectos tan diferentes en las dos edades, si la causa primitiva no ha cambiado? ¿Y dónde podemos buscar esta diversidad de causas, si no está en la edad física de los dos individuos? El principio activo común a ambos se desenvuelve en el uno y se extingue en el otro; el uno se forma y el otro se destruye; el uno tiende a la vida y el otro a la muerte. La actividad falleciente se concentra en el corazón del anciano; en el del niño es superabundante y se extiende al exterior; se siente, por así decirlo, sobrado de vida para animar todo cuanto tiene a su alrededor. Que haga o deshaga, no tiene importancia; es suficiente que cambie el estado de las cosas, ya que todo cambio es una acción. Si parece que tiene más inclinación a destruir, no es por malicia, sino debido a que la acción es siempre lenta, y que aquello que destruye, siendo más rápido, se aviene mejor a su vivacidad.
En même temps que l′Auteur de la nature donne aux enfans ce principe actif, il prend soin qu′il soit peu nuisible, en leur laissant peu de force pour s′y livrer. Mois sitôt qu′ils peuvent considérer les gens qui les environnent comme des instruments qu′il dépend′d eux de faire agir, ils s′en servent pour suivre : leur penchant & suppléer à leur propre faiblesse. Voilà comment ils deviennent incommodes, tyrans impérieux, méchants, indomptables ; progrès qui ne vient pas d′un esprit naturel de domination, mais qui le leur donne ; car il ne faut pas une longue expérience pour sentir combien il est agréable d′agir par les mains a autrui, et de n′avoir besoin que de remuer la langue pour faire mouvoir l′univers. Al mismo tiempo que el Autor de la naturaleza da a los niños este principio activo, cuida de que sea poco perjudicial, dejándoles poca fuerza para que se abandonen. Pero en cuanto pueden mirar a las personas que tienen cerca como instrumentos a quienes poner en acción, se sirven de ellas para seguir sus inclinaciones y suplir su propia flaqueza. De este modo se vuelven incómodos, tiranos e imperiosos, perversos e indómitos; progresos que no proceden de un natural espíritu de dominación, sino que se les infunden, pues poca experiencia hace falta para conocer cuán agradable es obrar por impulso de otro.
En grandissant, on acquiert des forces, on devient moins inquiet, moins remuant, on se renferme davantage en soi-même. L′âme & le corps se mettent, pour ainsi dire, en équilibre, & la nature ne nous demande plus que le mouvement nécessaire à notre conservation. Mais le désir de commander ne s′éteint pas avec le besoin qui l′a fait naître ; l′empire éveille & flatte l′amour-propre, & l′habitude le fortifie : ainsi succède la fantaisie au besoin, ainsi prennent leurs premières racines les préjugé, de l′opinion. Con la edad se adquieren fuerzas, y se hace uno menos inquieto, menos impulsivo, y se ponen, por decirlo así, en equilibrio el cuerpo y el alma, y la naturaleza sólo nos pide el movimiento necesario para nuestra conservación. Pero no se extingue el deseo de mandar con la necesidad que le dio origen; el amor propio le excita, y le halaga el imperio que el hábito fortalece; de este modo, el capricho sucede a la necesidad, y empiezan a echar raíces los prejuicios de la opinión.
Le principe une fois connu, nous voyons clairement le point où l′on quitte la route de la nature ; voyons ce qu′il faut faire pour s′y maintenir. Una vez conocido el principio, vemos con claridad el punto en que se abandona la senda de la naturaleza; sepamos lo que se debe hacer para no salir de ella.
Loin d′avoir des forces superflues, les enfans n′en ont pas même de suffisantes pour tout ce que leur demande a nature ; il faut donc leur laisser l′usage de toutes celles qu′elle leur donne & dont ils ne sauroient abuser. Première maxime. Lejos de tener los niños fuerzas sobrantes, ni siquiera tienen las necesarias para todo lo que les pide la naturaleza; por consiguiente, hay que dejarles el uso de todas cuantas les dé y de las que no pueden abusar. Primera máxima.
Il faut les aider & suppléer à ce qui leur manque, soit en intelligence, soit en force, dans tout ce qui est du besoin physique. Deuxième maxime. Es indispensable prestarles nuestra ayuda y suplir lo que les falta, sea inteligencia, sea fuerza, en todo lo que se refiera a necesidad física. Segunda máxima.
Il faut, dans le secours qu′on leur donne, se borner uniquement à l′utile réel, sans rien accorder à la fantaisie ou au désir sans raison ; car la fantaisie ne les tourmentera point quand on ne l′aura pas fait naître, attendu qu′elle n′est as de la nature. Troisième maxime. En la ayuda que se les preste, es necesario limitarse únicamente a la utilidad real, sin conceder nada al capricho o al deseo infundado, pues los antojos no los atormentarán cuando no se les hayan dejado adquirir, siempre que no sean de carácter natural. Tercera máxima.
Il faut étudier avec soin leur langage & leurs signes, afin que, dans un âge où ils ne savent point dissimuler, on distingue dans leurs désirs ce qui vient immédiatement de la nature & ce qui vient de l′opinion. Quatrième maxime. Debemos estudiar con atención su lengua y sus signos, pues como en esta edad no saben disimular, distinguiremos en sus deseos lo que se debe a la naturaleza v lo que se debe a la opinión. Cuarta máxima.
L′esprit de ces règles est d′accorder aux enfans plus de liberté véritable & moins d′empire, de leur laisser plus faire par eux-mêmes & moins exiger d′autrui. Ainsi s′accoutumant de bonne heure à borner leurs désirs à leurs forces, ils sentiront peu la privation de ce qui ne sera pas en leur pouvoir. Él espíritu de estas reglas es conceder a los niños más verdadera libertad y menos imperio, permitirles que actúen más por su cuenta y exilan menos de los demás. Acostumbrados desde muy pequeños a regular sus deseos con sus fuerzas, poco sentirán la privación de lo que no está en su mano conseguir.
Voilà donc une raison nouvelle & très importante pour laisser les corps & les membres des enfans absolument libres avec la seule précaution de les éloigner du danger des chutes, & d′écarter de leurs mains tout ce qui peut les blesse. Otra nueva e importantísima razón es dejar los cuerpos y los miembros de los niños enteramente libres, con la única precaución de preservarlos del riesgo de que se caigan y apartar de su alcance todo lo que pueda herirles.
Infailliblement un enfant dont le corps & les bras sont libres pleurera moins qu′un enfant embandé dans un maillot. Celui qui ne connoit que les besoins physiques ne pleure que quand il souffre, & c′est un très grand avantage ; car alors on soit à point nommé quand il a besoin de secours, & l′on ne doit pas tarder un moment à le lui donner, s′il est possible. Mais si vous ne pouvez le soulager, restez tranquille, sans le flatter pour l′apaiser ; vos caresses ne guériront pas sa colique. Cependant il se souviendra de ce qu′il faut rire pour être flatté ; & s′il soit une fois vous occuper de lui à sa volonté, le violà devenu votre maître : tout est perdu. No hay duda alguna de que una criatura con los brazos y el cuerpo sueltos llorará menos que otra que esté envuelta con pañales. Al no sentir otras necesidades que las de orden físico, sólo llorará cuando sufra, y esto es útil, ya que se sabe de un modo exacto y fijo cuándo tiene necesidad de que se le ayude, y no debe dilatarse un instante el hacerlo, si es posible. Pero si no podéis aliviarle, estaos quietos, sin mimarle para que calle, puesto que vuestros cariños tampoco le pueden remediar el dolor que sufre, pero él se acordará de lo que debe hacer para que le acaricien, y si logra una sola vez someteros a su voluntad, ya es vuestro dueño y todo se ha perdido.
Moins contrariés dans leurs mouvements, les enfans pleureront moins ; moins importune de leurs pleurs, on se tourmentera pour les faire taire ; menaces ou flattés moins souvent, ils seront moins craintifs ou moins opiniâtres, & resteront mieux dans leur état naturel. C′est moins en laissant pleurer les enfans qu′en s′empressant pour les apaiser qu′on leur fait gagner des descentes ; & ma preuve est que les enfans les plus négligés y sont bien moins sujets que les autres. Je suis fort éloigné de vouloir pour cela qu′on les néglige ; au contraire, il importe qu′on les prévienne, & qu′on ne se laisse pas avertir de leurs besoins par leurs cris. Mais e ne veux pas non plus que les soins qu′on leur rend soient mal entendus. Pourquoi se feroient-ils faute de pleurer dès qu′ils voient que leurs pleurs sont bons à tant de choses ? Instruits du prix qu′on met à leur silence, ils se gardent bien de le prodiguer. Ils le font à la fin tellement valoir qu′on ne peut plus le payer ; & c′est alors qu′à force de pleurer sans succès ils s′efforcent, s′épuisent, et se tuent. Menos contrariados en sus movimientos, también llorarán menos los niños; menos importunados con sus llantos nos afanaremos menos en hacer que callen; con menos frecuencia amenazados o mimados, no serán tan medrosos ni tan tercos y permanecerán más a gusto en su estado natural. No tanto se irritan los niños porque se les deje llorar cuanto por el ansia de hacerlos callar; la prueba es que los niños más abandonados están menos expuestos a desesperarse que los otros. Muy lejos estoy de pretender que se descuiden; al contrario, es conveniente prever sus necesidades y no dejar que sus gritos nos las adviertan, mas tampoco quiero que los cuidados que se tomen con ellos sean mal entendidos. ¿Por qué han de dejar de llorar si ven que con su llanto logran tantas cosas? Conocedores del aprecio en que se tiene su silencio, se guarden ellos muy bien de malgastarlo. Finalmente le dan tanto valor que no es posible pagárselo, y es entonces cuando lloran sin resultado, se esfuerzan, se desesperan y se ahogan de tanto gritar.
Les longs pleurs d′un enfant qui n′est ni lié ni malade, & qu′on ne laisse manquer de rien, ne sont que des pleurs d′habitude & d′obstination. Ils ne sont point l′ouvrage de la nature, mais de la nourrice, qui, pour n′en savoir endurer l′importunité, la multiplie, sans songer qu′en faisant taire l′enfant aujourd′hui on l′excite à pleurer demain davantage. Le seul moyen de guérir ou de prévenir cette habitude est de n′y faire aucune attention. Personne n′aime à prendre une peine inutile, pas même les enfants. Ils sont obstinés dans leurs tentatives ; mais si vous avez plus de constance qu′eux d′opiniâtreté, ils se rebutent & n′y reviennent plus. C′est ainsi qu′on leur épargne des pleurs & qu′on les accoutume à n′en verser que quand la douleur les y force.. Los sollozos de un niño que no está sujeto ni enfermo y a quien no le falta nada, no son otra cosa que llantos producidos por el hábito y por la obstinación; no son por efecto de la naturaleza, sino a causa de la nodriza, la cual, por no saber aguantar sus molestias, las multiplica, sin pensar que haciéndole callar hoy, le excita a que con mayor intensidad lo repita mañana. El único medio para curar o prevenir esta costumbre, es el de no dar ninguna importancia a su llanto. Nadie quiere realizar un trabajo inútilmente, ni aun las criaturas, que solamente son tozudos en sus experimentos, pero si nuestra constancia supera a su terquedad, les viene el cansancio y no los repiten. De este modo se les ahorrarían muchas lágrimas y se acostumbrarían a no verterlas más que cuando el dolor fuere la causa.
Au reste, quand ils pleurent par fantaisie ou par obstination, un moyen sûr pour les empêcher de continuer est de les distraire par quelque objet agréable et frappant qui leur fasse oublier qu′ils vouloient pleurer. La plupart des nourrices excellent dans cet art, et, bien ménagé, il est très utile ; mais il est de la dernière importance que l′enfant n′aperçoive pas l′intention de le distraire, & qu′il s′amuse sans croire qu′on songe à lui : or voilà sur quoi toutes les nourrices sont maladroites. De otra forma, cuando sólo lloran por capricho o por tozudez uno de los mejores medios es distraer al niño mostrándole algún objeto que le llame la atención y sea de su agrado, y así olvidan o se desvían de su tendencia a llorar. En estos quehaceres son expertas la mayor parte de las nodrizas, y cuando son usados a su debido tiempo, resultan de gran utilidad, pero es muy importante que el niño no se dé cuenta de que lo que se le muestra no es con la intención de distraerle, y que se divierta ignorando que se esté pensando en él; y, en este segundo aspecto, la habilidad de las nodrizas es muy mediocre.
On sèvre trop tôt tous les enfants. Le temps où l′on doit les sevrer est indiqué par l′éruption des dents, & cette éruption est communément pénible & douloureuse. Par un instinct machinal, l′enfant porte alors fréquemment à sa bouche tout ce qu′il tient, pour le mâcher. On pense faciliter l′opération en lui donnant pour hochet quelque corps dur, comme l′ivoire ou la dent le loup. Je crois qu′on se trompe. Ces corps durs, appliqués sur les gencives, loin de les ramollir, les rendent calleuses, les endurcissent, préparent un déchirement plus pénible & plus douloureux. Prenons toujours l′instinct pour exemple. On ne voit point les jeunes chiens exercer leurs dents naissantes sur des cailloux, sur du fer, sur des os, mais sur du bois, du cuir, des chiffons, des matières molles qui cedent, & où la dent s′imprime. El destete de los niños se verifica, a veces, prematuramente. La época oportuna del destete puede ser la de la salida de los dientes, lo que comúnmente es lento y doloroso. Entonces, de un modo instintivo, el niño se mete en la toca todo lo que coge. Se piensa facilitar la operación dándole para chupar algún cuerpo duro, como el marfil o un diente de lobo. Lo creo una equivocación. Los cuerpos duros, aplicados a las encías, en lugar de reblandecerlas, las endurecen y son el origen de un proceso más doloroso y difícil. Es preciso tomar siempre el ejemplo del instinto. Se puede observar que los perritos no ejercitan sus dientes en pedernales, hierro o huesos, sino en madera, en cuero, en trapos, en materias blandas y en otras cosas donde el diente deja su huella.
On ne sait plus être simple en rien, pas même autour des enfans. Des grelots d′argent, d′or, du corail, des crystaux à facettes, des hochets de tout prix & de toute espèce : que d′apprêts inutiles & pernicieux ! Rien de tout cela. Point de grelots, point de hochets ; de petites branches d′arbre avec leurs fruits & leurs feuilles, une tête de pavot dans laquelle on entend sonner les graines, un bâton de réglisse qu′il peut sucer & mâcher, l′amuseront autant que ces magnifiques colifichets, & n′auront pas l′inconvénient de l′accoutumer au luxe dès sa naissance. No se sabe ser simple en nada, ni aun en lo referente a los niños. Cascabeles de oro y plata, corales, cristales de diferentes aspectos, juguetes de todo valor y de todas clases... ¡Cuántos adornos inútiles y perniciosos! Nada de eso. Fuera los cascabeles, fuera los juguetes; ramas de árbol con sus hojas y frutos, una cabeza de adormidera en la que se oigan sonar los granos, un trozo de regaliz que el niño pueda chupar y mascar le divertirán tanto como todos esos objetos magníficos, y no tendrán el inconveniente de acostumbrarle al lujo desde su nacimiento.
Il a été reconnu que la bouillie n′est pas une nourriture fort saine. Le lait cuit & la farine crue font beaucoup de saburre, & conviennent mal à notre estomac. Dans la bouillie, la farine est moins cuite que dans le pain, & de plus elle n′a pas fermenté ; la panade, la crème de riz me paraissent préférables. Si l′on veut absolument faire de la bouillie, il convient de griller un peu la farine auparavant. On fait dans mon pays, de la farine ainsi torréfiée une soupe fort agréable & fort saine. Le bouillon de viande & le potage sont encore un médiocre aliment, dont il ne faut user que le moins qu′il est possible. Il importe que les enfans s′accoutument d′abord à mâcher ; c′est le vrai moyen de faciliter l′éruption des dents ; & quand ils commencent d′avaler, les sucs salivaires mêlés avec les alimens en facilitent la digestion. Je leur ferois donc mâcher des fruits secs, des croûtes. Je leur donnerois pour jouet de petits bâtons de pain dur ou de biscuit semblable au pain de Piémont, qu′on appelle dans le pays des Grisses. À force de ramollir ce pain, dans leur bouche, ils en avaleroient enfin quelque peu : leurs dents se trouveroient sorties, et ils se trouveroient sevrés presque avant qu′on s′en fût aperçu. Les paysans ont pour l′ordinaire l′estomac fort bon, & on ne les sèvre pas avec plus de façon que cela. Se sabe que la papilla no es un alimento muy sano. La leche cocida y la harina cruda dan origen a la acumulación de alimentos mal digeridos en el estómago, y por lo tanto no resultan convenientes para la digestión. La harina está menos cocida en la papilla que en el pan, y, además, no ha fermentado. Si se pretende dar al niño este alimento de forma absoluta, es conveniente tostar antes la harina. En mi tierra hacen de esta forma una sopa muy sana y agradable, pero la nata de arroz y la sopa de pan son, a mi parecer, mucho mejores. El caldo de carne y la sopa también son alimentos de escaso valor y debe procurarse que su uso sea lo menos frecuente posible. Es conveniente que cuanto antes se acostumbren los niños a mascar, puesto que es el verdadero modo de facilitar la dentición, y al comenzar a tragar, los jugos salivales, mezclados con los alimentos, facilitan la digestión. Soy de la opinión que masquen primero frutas secas, con cáscara, y en vez de juguetes les daría mendrugos delgados y largos, o bizcochos semejantes al pan de Piémont. Después de reblandecerlo en la boca comenzarían a tragar un poco, les nacerían los dientes de un modo insensible, y se hallarían destetados sin darse cuenta. Generalmente los hijos de los labradores poseen un estómago robusto y no se les desteta de otro modo.
Les enfans entendent parler dès leur naissance ; on leur parle non seulement avant qu′ils comprennent ce qu′on leur dit, mais avant qu′ils puissent rendre les voix qu′ils entendent. Leur organe encore engourdi ne se prête que peu à peu aux imitations des sons qu′on leur dicte, & il n′est pas même assuré que ces sons se portent d′abord à leur oreille aussi distinctement qu′à la nôtre. Je ne désapprouve pas que la nourrice amuse l′enfant par des chants & des accents très -gais & très varies ; mais je désapprouve qu′elle l′étourdisse incessamment d′une multitude de paroles inutiles auxquelles il ne comprend rien que le ton qu′elle y met. Je voudrois que les premières articulations qu′on lui fait entendre fussent rares, faciles, distinctes, souvent répétées & que les mots qu′elles expriment ne se rapportassent qu′à des objets sensibles qu′on pût d′abord montrer à l′enfant. La malheureuse facilité que nous avons à nous payer de mots que nous n′entendons point commence plus tôt qu′on ne pense. L′écolier écoute en classe le verbiage de son régent, comme il écoutoit au maillot le babil de sa nourrice. Il me semble que ce seroit l′instruire fort utilement que de l′élever à n′y rien comprendre. Los niños oyen hablar desde que nacen, y no solamente se les habla antes de que entiendan lo que se les dice, sino antes de que puedan repetir las palabras que oyen. Su órgano, aún sin cultivar, se adapta lentamente a la imitación de los sonidos que oyen, y no se poseen pruebas de que tales sonidos realicen en su oído impresiones distintas a las producidas en el nuestro. No creo que sea un error que la nodriza divierta al niño con canciones y cuentos alegres y variados, pero desapruebo que continuamente se le atolondre con una multitud de palabras inútiles, de las cuales sólo entiende su tono. Las articulaciones primeras que lleguen al oído del niño serán pocas, fáciles y distintas, repetidas frecuentemente, y las que tengan una significación sensible, si es posible, mostrarán al niño el objeto en el mismo momento de ser pronunciadas. La desventurada facilidad que poseemos de contentarnos con palabras que no entendemos empieza antes de lo que se cree, y el estudiante en el aula escucha el verbo de su profesor como el niño la charla de su nodriza. Soy del parecer de que sería muy útil instrucción educarle de tal modo que no comprendiese una palabra.
Les réflexions naissent en foule quand on veut s′occuper de la formation du langage & des premiers discours des enfants. Quoi qu′on fasse, ils apprendront toujours à parler de la même manière, & toutes les spéculations philosophiques sont ici de la plus grande inutilité. Si uno quiere tratar de la formación de los idiomas, y de los primeros razonamientos de los niños, las reflexiones se agrupan de una forma atropellada. Sea del modo que sea, aprenderán siempre a hablar del mismo modo, y todas las especulaciones filosóficas, resultan completamente inútiles.
D′abord ils ont, pour ainsi dire, une grammaire de leur âge, dont la syntaxe a des règles plus générales que la nôtre ; & si l′on y faisoit bien attention, l′on seroit étonné de l′exactitude avec laquelle ils suivent certaines analogies, très vicieuses si l′on veut, mais très régulières, & qui ne sont choquantes que par leur dureté ou parce que l′usage ne les admet pas. Je viens d′entendre un pauvre enfant bien grondé par son pere pour lui avoir dit : Mon pere irai irai-je-t-y ? Or on voit que cet enfant, suivoit mieux l′analogie que nos grammairiens car puisqu′on lui disoit vas-y, pourquoi n′auroit pas dit irai-je-t-y ? Remarquez de plus avec quelle adresse il évitoit l′hiatus de irai-je-y ou y irai-je ? Est-ce la faute du pauvre enfant si nous avons mal à propos ôté de la phrase cet adverbe déterminant y, parce que nous n′en savions que faire ? C′est une pédanterie insupportable & un soin des plus superflus de s′attacher à corriger dans les enfans toutes ces petites fautes contre l′usage, des quelles ils ne manquent jamais de se corriger d′eux-mêmes avec le temps. Parlez toujours correctement devant eux, faites qu′ils ne se plaisent avec personne autant qu′avec vous, & soyez surs qu′insensiblement leur langage s′épurera sur le vôtre sans que vous les ayez jamais repris. Para comenzar, poseen una especie de gramática adecuada a su edad, cuya sintaxis está ajustada a reglas más generales que las nuestras, y si la examináramos con atención, quedaríamos asombrados de la exactitud con que siguen ciertas analogías, si se quiere con grandes defectos, pero muy regulares, y si no son admitidas es a causa de su mal sonido o porque la rechaza el uso. En cierta ocasión oí a un padre que reñía a su hijo de una forma muy áspera, porque decía: «no caberemos en la sala». Se ve claramente que el chico seguía mejor la analogía que nuestras gramáticas, porque si decimos «cabemos», ¿por qué no se ha de decir «caberemos»? Constituye una pedantería insoportable y un trabajo inútil el ocuparse en hacer enmiendas a los niños en lo referente a todas estas faltas contrarias al uso, puesto que ellos mismos se enmiendan con el tiempo. En su presencia procuremos siempre hablar con pureza, procuremos que se halle más a gusto con nosotros que con los demás, y estemos seguros de que de un modo insensible nuestro lenguaje será el modelo del suyo, sin necesidad de ninguna corrección.
Mais un abus de tout autre importance, & qu′il n′est pas moins aisé de prévenir, est qu′on se presse trop de les faire parler, comme si l′on avoit peur qu′ils n′apprissent pas à parler d′eux-mêmes. Cet empressement indiscret produit un effet directement contraire à celui qu′on cherche. Ils en parlent plus tard, plus confusément : l′extrême attention qu′on donne à tout ce qu′ils disent les dispense de bien articuler ; & comme ils daignent à peine ouvrir la bouche, plusieurs d′entre eux en conservent toute leur vie un vice de prononciation & un parler confus qui les rend presque inintelligibles. Pero es una exageración, de mayor importancia y nada fácil de precaver, el darse sobrada prisa en hacer que hable, como si temiéramos que no supiesen hablar por sí solos jamás. Tan imprudente precipitación causa un efecto completamente opuesto al que uno se propone. Los niños hablan más tarde y con más confusión. El cuidado que uno pone en todo cuanto hablan los libra o dispensa de su mala articulación, y como apenas abren la boca, muchos siguen toda su vida con una pronunciación defectuosa y un hablar confuso que les hace poco menos que ininteligibles.
J′ai beaucoup vécu parmi les paysans, & n′en ai oui jamais grasseyer aucun, ni homme, ni femme, ni fille, ni garçon. D′où vient cela ? Les organes des paysans sont-ils autrement construits que les nôtres ? Non, mais ils sont autrement exercés. Vis-à-vis de ma fenêtre est un tertre sur lequel se rassemblent, pour jouer, les enfans du lieu. Quoiqu′ils soient assez éloignés de moi, je distingue parfaitement ce qu′ils disent, & j′en tire souvent de bons mémoires tout pour cet écrit. Tous les jours mon oreille me trompe sur leur âge ; j′entends des voix d′enfants de dix ans ; je regarde, je vois la stature & les traits d′enfants de trois à quatre. Je ne borne pas à moi seul cette expérience ; les urbains qui nie viennent voir, & que je consulte là-dessus, tombent tous dans la même erreur. He convivido mucho tiempo con gentes de pueblo y jamás he oído tartamudear a ninguno, ni hombres, ni mujeres ni niños. ¿Cuál es la causa? ¿Es que sus órganos están construidos de otra forma que los nuestros? No, pero están mejor acostumbrados. En la terraza de enfrente de mi ventana juegan los muchachos del pueblo. Aunque quedan un poco lejos, llegan hasta mí sus voces con bastante perfección, y reúno a veces excelentes anotaciones que me sirven como ejemplo para este libro. Frecuentemente se engaña mi oído en cuanto a sus años; escucho charlas de muchachos que deben tener diez años, pero observo con más detención y veo la estatura y la fisonomía de niños de tres o cuatro. No he sido yo el único que ha realizado esta experiencia; los de la ciudad que me hacen visitas y a quienes consulto, caen también en idéntico fallo.
Ce qui la produit est que, jusqu′à cinq ou six ans, les enfans des villes, élevés dans la chambre & sous l′aile d′une gouvernante, n′ont besoin que de marmotter pour se faire entendre : sitôt qu′ils remuent les lèvres on prend peine à les écouter ; on leur dicte des mots qu′ils rendent mal, et, à force d′y faire attention, les mêmes gens étant sans cesse autour d′eux devinent ce qu′ils ont voulu dire, plutôt que ce qu′ils ont dit. El motivo de esto es que los muchachos de las grandes urbes, hasta los cinco o seis años, criados en casa y al amparo del ama, no necesitan más que mascullar entre dientes para que les comprendan. En cuanto mueven los labios, los observan con detenimiento, les dictan palabras que repiten muy defectuosamente y esforzándose, y las personas que les rodean, adivinan mejor lo que han querido decir que lo que han dicho.
À la campagne, c′est tout autre chose. Une paysanne n′est pas sans cesse autour de son enfant ; il est forcé d′apprendre a dire très nettement & très haut ce qu′il a besoin de lui faire entendre. Aux champs, les enfans épars, éloignes du père, de la mere & des autres enfants, s′exercent à se faire entendre à distance, & à mesurer la force de la voix sur l′intervalle qui les sépare de ceux dont ils veulent être entendus. Voilà comment on apprend véritablement à prononcer, & non pas en bégayant quelques voyelles à l′oreille d′une gouvernante attentive. Aussi, quand on interroge l′enfant d′un paysan, la honte peut l′empêcher de répondre : mais ce qu′il dit, il le dit nettement ; au lieu qu′il faut que la bonne serve d′interprète à l′enfant de la ville ; sans quoi l′on n′entend rien à ce qu′il grommelle entre ses dents [19]. En grandissant, les garçons devroient se corriger de ce défaut dans les collèges, et les filles dans les couvents ; en effet, les uns & les autres parlent en général plus distinctement que ceux qui ont été toujours élevés dans la maison paternelle. Mais ce qui les empêche d′acquérir jamais une prononciation aussi nette que celle des paysans, c′est la nécessité d′apprendre par cœur beaucoup de choses, & de réciter tout haut ce qu′ils ont appris ; car, en étudiant, ils s′habituent à barbouiller, à prononcer négligemment & mal ; en récitant, c′est pis encore ; ils recherchent leurs mots avec effort, ils traînent & allongent leurs syllabes ; il n′est pas possible que, quand la mémoire vacille, la langue ne balbutie aussi. Ainsi se contractent ou se conservent les vices de la prononciation. On verra ci-après que mon émile n′aura pas ceux-là, ou du moins qu′il ne les aura pas contractés par les mêmes causes. En el campo sucede de distinta forma. Una campesina no se está siempre al lado de su hijo, y éste se ve necesitado a decir con mucha claridad y en voz alta lo que necesita que comprendan. En los campos desparramados, los niños alejados de los padres y de los demás muchachos de su misma edad, se ejercitan en realizar pruebas de forma que les entiendan a mucha distancia, y a medir el timbre de su voz por la distancia que los separa de aquellos que desean que los oigan. De esta forma aprende a pronunciar con acierto, y no tartamudeando algunas sílabas al oído de una nodriza atenta. Así, cuando les pregunta algo el hijo de un pueblerino, puede que la vergüenza les impida contestar, pero lo que manifieste lo hará con claridad, mientras que al niño de la ciudad el ama tiene que servirle de intérprete, pues sin esta ayuda no se le entenderá nada de lo que masculla . Mientras el niño va creciendo este defecto debe corregirse en los colegios, y hablará con más claridad que los que se han criado en casa de sus padres. Pero lo que les impide que tengan una pronunciación tan clara como la de los lugareños es la necesidad de aprender de memoria muchas cosas y declamar en voz alta lo que han aprendido, porque cuando estudian se habitúan a pronunciar mal y negligentemente. Cuando recitan lo hacen aún peor; se ven obligados a buscar las palabras con esfuerzo, prolongan y arrastran las sílabas, y es posible que cuando la memoria vacila se dificulte igualmente la lengua. De esta forma se contraen, se conservan los vicios de pronunciación. Más adelante observaremos que Emilio no los contraerá, o no los deberá a esas causas.
Je conviens que le peuple & les villageois tombent dans une autre extrémité, qu′ils parlent presque toujours plus haut qu′il ne faut, qu′en prononçant trop exactement, ils ont les articulations fortes & rudes, qu′ils ont trop d′accent, qu′ils choisissent mal leurs termes, etc. Estoy de acuerdo en que los lugareños incurren en la exageración de que casi siempre elevan la voz más de lo que es conveniente, que pronuncian ásperamente, que poseen articulaciones rudas y violentas, que realizan una mala elección de términos, etc.
Mais, premièrement, cette extrémité me paraît beaucoup moins vicieuse que l′autre, attendu que la première loi du discours étant de se faire entendre, la plus grande faute qu′on puisse faire est de parler sans être entendu. Se piquer de n′avoir point d′accent, c′est se piquer d′ôter aux phrases leur grâce & leur énergie. L′accent est l′âme du discours, il lui donne le sentiment & la vérité. L′accent ment moins que la parole ; c′est peut-être pour cela que les gens bien élevés le craignent tant. C′est de l′usage de tout dire sur le même ton qu′est venu celui de persifler les gens sans qu′ils le sentent. À l′accent proscrit succèdent des manières de prononcer ridicules, affectées, & sujettes à la mode, telles qu′on les remarque surtout dans les jeunes gens de la cour. Cette affectation de parole & de maintien est ce qui rend généralement l′abord du François repoussant & désagréable aux autres nations. Au lieu de mettre de l′accent dans son parler, il y met de l′air. Ce n′est pas le moyen de prévenir en sa faveur. Sin embargo, primeramente me parece esta exageración mucho menos viciosa que la otra, porque como la primera ley del que habla es conseguir que le comprendan, no ser entendido es la mayor equivocación que pueda cometer. Enorgullecerse de no tener acento es enorgullecerse de quitar al lenguaje la gracia y la energía. El acento es el espíritu del juicio, el que le da respiración y vida. Las palabras mienten más que el acento, y es por eso por lo que le temen las personas que pretenden ser bien educadas. Del estilo de decirlo todo en un mismo tono ha nacido el de burlarse de otro, sin que lo sepa el burlado. El acento desterrado ha sido sustituido por formas de pronunciar ridículas, afectadas, subordinadas a la moda, como se observa en los jóvenes de la corte de una manera especial. Esta afectación en el modo de hablar y en las maneras es la causa de que generalmente resulte tan desagradable para los de otras naciones al entrevistarse con un francés. En lugar de acento en el hablar, emplea un tonillo especial, y no hay manera de que nadie se incline a su favor.
Tous ces petits défauts de langage qu′on craint tant de laisser contracter aux enfans ne sont rien ; on les prévient ou on les corrige avec la plus grande facilité ; mais ceux qu′on leur fait contracter en rendant leur parler sourd, confus, timide, en critiquant incessamment leur ton, en épluchant tous leurs mots, ne se corrigent jamais. Un homme qui n′apprit à parler que dans les ruelles se fera mal entendre à la tête d′un bataillon, & n′en imposera guère au peuple dans une émeute. Enseignez premièrement aux enfans à parler aux hommes, ils sauront bien parler aux femmes quand il faudra. Estos ligeros defectos de acento, que tanto temor se tiene de que los adquieran los niños, no tienen significación alguna; son corregidos con la mayor facilidad, pero si se les permite una forma confusa de hablar, indecisa o tímida, ya nunca se enmiendan. El hombre que aprendiese a hablar sin salir de los tocadores de las señoras, será mal comprendido al frente de un batallón, y poca autoridad tendrá delante de un pueblo amotinado. Primero haced que los niños aprendan a hablar con los hombres, y cuando sea necesario sabrán hablar con las mujeres.
Nourris à la campagne dans toute la rusticité champêtre, vos enfans y prendront une voix plus sonore ; ils n′y contracteront point le confus bégayement des enfants de la ville ; ils n′y contracteront pas non plus les expressions ni le ton du village, ou du moins ils les perdront aisément, lorsque le maître, vivant avec eux dès leur naissance, & y vivant de jour en jour plus exclusivement, préviendra ou effacera par la correction de son langage, l′impression du langage des paysans. émile parlera un françois tout aussi pur que je peux le savoir, mais il le parlera plus distinctement, & l′articulera, beaucoup mieux que moi. Habiendo sido criados en el campo vuestros hijos con toda la rusticidad, habrán adquirido una voz de más sonoridad, no adquirirán el tartamudeo de los niños de la ciudad, ni tampoco contraerán los vicios de tono y de expresión del lugar, ya que haciendo desde su nacimiento vida común niño y maestro, y de una manera más exclusiva de día en día, con la corrección de su idioma tomará su precaución o borrará la impresión del de los labradores. Emilio hablará su lengua tan correctamente como yo, pero con mayor claridad y muy mejorada articulación.
L′enfant qui veut parler ne doit écouter que les mots qu′il peut entendre, ne dire que ceux qu′il peut articuler. Les efforts qu′il fait pour cela le portent à redoubler la même syllabe, comme pour s′exercer à la prononcer plus distinctement. Quand il commence à balbutier, ne vous tourmentez pas si fort à deviner ce qu′il dit. Prétendre être toujours écouté est encore une sorte d′empire, & l′enfant n′en doit exercer aucun. Qu′il vous suffise de pourvoir très attentivement au nécessaire ; c′est à lui de tâcher de vous faire entendre ce qui ne l′est pas. Bien moins encore faut-il se hâter d′exiger qu′il parle ; il saura bien parler de lui-même à mesure qu′il en sentira l′utilité. Si el niño quiere hablar, únicamente debe escuchar las palabras que sea capaz de entender y no debe pronunciar otras que las que pueda articular. Los esfuerzos realizados para alcanzar su logro le excitan a repetir la misma sílaba, a fin de ejercitarse a pronunciarla con mayor claridad. No debemos afanarnos mucho en adivinar lo que quiere decir cuando empieza a balbucear; el que pretenda que siempre sea escuchado, es una especie de imperio, y el niño no debe ejercer ninguno; es suficiente darle lo que necesite lo antes posible, y a él le toca hacerse entender para pedir lo que sea. Tampoco podemos exigirle que hable, puesto que sin que se lo exijan ya sabrá hacerlo cuando conozca su utilidad por sí mismo.
On remarque, il est vrai, que ceux qui commencent à parler fort tard ne parlent jamais si distinctement que les autres ; mais ce n′est pas parce qu′ils ont parlé tard que l′organe reste embarrassé, c′est au contraire parce qu′ils sont nés avec un organe embarrassé qu′ils commencent tard à parler ; car, sans cela, pourquoi parleroient ils plus tard que les autres ? Ont-ils moins l′occasion de parler ? & les y excite-t-on moins ? Au contraire, l′inquiétude que donne ce retard, aussitôt qu′on s′en a aperçoit, fait qu′on se tourmente beaucoup plus à les faire balbutier que ceux qui ont articulé de meilleure heure ; & cet empressement mal entendu peut contribuer beaucoup à rendre confus leur parler, qu′avec moins de précipitation ils auroient eu le temps de perfectionner davantage. Es notorio en los que empiezan a hablar muy tarde que jamás lo realizan con igual claridad que los demás, pero no se les ha quedado entorpecido el órgano de la fonación a causa de haber empezado tarde a hablar, sino que, por el contrario, empiezan tarde debido a que nacieron con el órgano torpe. Y sin eso, ¿por qué habían de hablar más tarde que los demás? ¿Poseen quizá menos ocasiones o les excitan menos a ello? Muy al contrario; el desasosiego que ocasiona esta tardanza en cuanto la observan es motivo de que se afanen mucho más por hacerles medio pronunciar, que a los que antes han articulado, y este mal entendido afán puede ser la causa de que adquieran un hablar confuso, cuando con menos precipitación hubieran podido mejorarlo.
Les enfans qu′on presse trop de parler n′ont le temps ni d′apprendre à bien prononcer, ni de bien concevoir ce qu′on leur fait dire : au lieu que, quand on les laisse aller d′eux-mêmes, ils s′exercent d′abord aux syllabes les plus faciles à prononcer ; & y joignant peu à peu quelque signification qu′on entend par leurs gestes, ils vous donne leurs mots avant de recevoir les vôtres : cela fait qu′ils ne reçoivent ceux-ci qu′après les avoir entendus. N′étant point pressés de s′en servir, ils commencent par bien observer quel sens vous leur donnez ; & quand ils s′en sont assurés, ils les adoptent. Los niños a quienes se les fuerza a que hablen lo más pronto posible no tienen tiempo de aprender a pronunciar bien ni de concebir con exactitud lo que les hacen decir, mas si se les deja, hacen primero ejercicios pronunciando las sílabas más fáciles y juntando con ellas poco a poco algunas significaciones, que por su mímica comprendemos, y antes de recibir nuestras palabras nos ofrecen las suyas, lo que hace que no las reciban sin que antes las comprendan. Como nadie les acosa para que las utilicen, comienzan observando bien la significación que les damos, y cuando están seguros de ellas, las admiten.
Le plus grand mal de la précipitation avec laquelle on fait parler les enfans avant l′âge, n′est pas que les premiers discours qu′on leur tient & les premiers mots qu′ils disent n′aient aucun sens pour eux, mais qu′ils aient un autre sens que le nôtre, sans que nous sachions nous en apercevoir ; en sorte que, paraissant nous répondre fort exactement, ils nous parlent sans nous entendre & sans que nous les entendions. C′est pour l′ordinaire à de pareilles équivoques qu′est due la surprise où nous jettent quelquefois leurs propos, auxquels nous prêtons des idées qu′ils n′y ont point jointes. Cette inattention de notre part au véritable sens que les mots ont pour les enfants, me paraît être la cause de leurs premières erreurs ; & ces erreurs, même après qu′ils en sont guéris, influent sur leur tour d′esprit pour le reste de leur vie. J′aurai plus d′une occasion dans la suite d′éclaircir ceci par des exemples. El mayor daño de la precipitación es obligar a hablar a los niños; no es que las primeras conversaciones que con ellos tengamos y las palabras primeras que digan no tengan para ellos ningún significado, sino que poseen otro distinto para nosotros, sin que lo conozcamos; de forma que cuando al parecer nos responden con mucha exactitud, hablan sin entendernos y sin que les entendamos nosotros. Por lo que algunas veces nos cansan sus razones, porque les atribuimos ideas que no poseen. Esta falta de atención nuestra al verdadero significado que para los niños tienen las voces de que se sirven, es a mi parecer la causa de sus primeros errores, errores que aun después de corregidos, influyen en su inteligencia toda la vida. Más de una vez hallaré múltiples motivos para aclarar esto con ejemplos.
Resserrez donc le plus qu′il est possible le vocabulaire de l′enfant. C′est un très-grand inconvénient qu′il ait plus de mots que d′idées, & qu′il sache dire plus de choses qu′il n′en peut penser. Je crois qu′une des raisons pourquoi les Paysans ont généralement l′esprit plus juste que les gens de la Ville, est que leur Dictionnaire est moins étendu. Ils ont peu d′idées, mais ils les comparent très-bien. En cuanto sea posible, debe reducirse el vocabulario del niño. Es un gran inconveniente que tenga más voces que ideas y sepa decir más cosas que las que puede pensar. Creo que una de las razones porque los aldeanos tienen más exacto el entendimiento que los vecinos de las ciudades, consiste en la limitación de su diccionario. Tienen pocas ideas, pero las expresan acertadamente.
Le premiers développemens de l′enfance se font presque tous à la fois. L′enfant apprend à parler, à manger, à marcher, à peu près dans le même tems. C′est ici proprement la premiere époque de sa vie. Auparavant il n′est rien de plus que ce qu′il étoit dans le sein de sa mere, il n′a nul sentiment, nulle idée, à peine a-t-il des sensations ; il ne sent pas même sa propre existence. Los primeros desarrollos de la infancia se producen paralelamente; en el mismo tiempo casi el niño aprende a hablar, a comer, a andar. Esta es propiamente la primera época de la vida. Antes, no es más de lo que era en el vientre de su madre; carece de ideas y de afectos, difícilmente le llega ninguna sensación, ni siquiera tiene conciencia de su propia vida.
Vivit, & est vitæ nescius ipse suæ
[20].
Viviret est vitae nescius ipse suae.
«El vive, pero aún no tiene conciencia de su vida.»

Fin du Livre premier.

Q2

Fin del primer libro










N O T E S

Q1[1] La première éducation est celle qui importe le plus, et cette première éducation appartient incontestablement aux femmes : si l′Auteur de la nature eût voulu qu′elle appartînt aux hommes, il leur eût donné du lait pour nourrir les enfants. Parlez donc toujours aux femmes par préférence dans vos traités d′éducation ; car, outre qu′elles sont à portée d′y veiller de plus près que les hommes, et qu′elles y influent toujours davantage, le succès les intéresse aussi beaucoup plus, puisque la plupart des veuves se trouvent presque à la merci de leurs enfants, et qu′alors ils leur font vivement sentir en bien ou en mal l′effet de la manière dont elles les ont élevés. Les lois, toujours si occupées des biens et si peu des personnes, parce qu′elles ont pour objet la paix et non la vertu, ne donnent pas assez d′autorité aux mères. Cependant leur état est plus sûr que celui des pères, leurs devoirs sont plus pénibles ; leurs soins importent plus au bon ordre de la famille ; généralement elles ont plus d′attachement pour les enfants. Il y a des occasions où un fils qui manque de respect à son père peut en quelque sorte être excusé ; mais si, dans quelque occasion que ce fût, un enfant était assez dénaturé pour en manquer à sa mère, à celle qui l′a porté dans son sein, qui l′a nourri de son lait, qui, durant des années, s′est oubliée elle-même pour ne s′occuper que de lui, on devrait se hâter d′étouffer ce misérable comme un monstre indigne de voir le jour. Les mères, dit-on, gâtent leurs enfants. En cela sans doute elles ont tort, mais moins de tort que vous peut-être qui les dépravez. La mère veut que son enfant soit heureux, qu′il le soit dès à présent. En cela elle a raison : quand elle se trompe sur les moyens, il faut l′éclairer. L′ambition, l′avarice, la tyrannie, la fausse prévoyance des pères, leur négligence, leur dure insensibilité, sont cent fois plus funestes aux enfants que l′aveugle tendresse des mères. Au reste, il faut expliquer le sens que je donne à ce nom de mère, et c′est ce qui sera fait ci-après. La primera educación es lo que más importa, y sin la menor duda compete a las mueres; si tuvieran que encargarse los hombres de ella, el Autor de a Naturaleza les habría concedido leche para que pudieran criarlos. En tales circunstancias, en los tratados de educación nos relacionamos especialmente con las mujeres, ya que además de que pueden vigilar y estar más cerca de los niños que los hombres, e influyen también mucho más, les interesa a ellas de un modo especial que esta educación alcance el mayor grado posible, puesto que la mayor parte de las viudas quedan a merced de sus hilos, recogiendo después los resultados de la educación que les dieron. Las disposiciones legales no ofrecen la suficiente autoridad a las madres, aunque se ocupan de los niños más que los padres; sus obligaciones son más constantes, tienen mayor importancia sus afanes para el buen orden de las familias, y generalmente tienen más cariño hacia sus hijos, lo cual se debe a que siempre se ocupan mas de lo trivial que de las personas, y su finalidad no es otra que lograr la paz en lugar de la virtud. Existe algún caso en que el faltar un hijo a su padre puede tener algún atenuante, pero si hubiera un hijo tan indigno que faltase a su madre, que lo llevó en su seno, le crió, que durante muchos años se ha olvidado de sí misma para dedicarse de lleno a su hijo, ese desventurado sería merecedor de un castigo que le quitase para siempre la luz del día. Comentáis que las madres miman en exceso a sus hijos, en lo que hacen mal, pero les perjudicáis mucho más vosotros, que sois los autores de su depravación. Una madre aspira a que su hijo sea un ser feliz desde el momento en que viene al mundo. Y es justo, pero conviene que sufra los efectos del desengasto cuando se ha valido de medios equivocados. La avaricia, la ambición, la tiranía y la falsa previsión de los padres son mil veces más perjudiciales a los hijos que el ciego cariño de las madres. Por lo demás, es indispensable dar una explicación al sentido que doy al nombre de madre, lo que haré más adelante.
VUELTA AL TEXTO








[2] On m′assure que M. Formey a cru que je voulais ici parler de ma mère, et qu′il l′a dit dans quelque ouvrage. C′est se moquer cruellement de M. Formey ou de moi.
VUELTA AL TEXTO








[3] Semblable à eux à l′extérieur, et privé de la parole ainsi que des idées qu′elle exprime, il serait hors d′état de leur faire entendre le besoin qu′il aurait de leurs secours, et rien en lui ne leur manifesterait ce besoin.
VUELTA AL TEXTO








[4] M. Formey nous assure qu′on ne dit pas précisément cela. Cela me paraît pourtant très précisément dit dans ce vers auquel je me proposais de répondre :
La nature, crois-moi, n′est rien que l′habitude.
M. Formey qui ne veut pas enorgueillir ses semblables, nous donne modestement la mesure de sa cervelle pour celle de l′entendement humain.
Formey afirma que no es esto precisamente lo que se dice. No obstante, creo que no es otra cosa lo que expresa en el siguiente verso, al que me propongo contestar:
La nature, crois-moi, n′est ríen que l´habitude.
Formey, que no quiere enorgullecer a sus semejantes, modestamente nos da la medida de su cerebro por la del entendimiento humano.
VUELTA AL TEXTO








[5] Aussi les guerres des républiques sont-elles plus cruelles que celles des monarchies. Mais, si la guerre des rois est modérée, c′est leur paix qui est terrible : il vaut mieux être leur ennemi que leur sujet. Por eso las guerras de las repúblicas son más crueles que las; de las monarquías. Mas si la guerra de los reyes es moderada, su paz es terrible. Es mejor ser su enemigo que su vasallo.
VUELTA AL TEXTO








[6] Il y a dans plusieurs écoles, et surtout dans l′Université de Paris, des professeurs que j′aime, que j′estime beaucoup, et que je crois très capables de bien instruire la jeunesse, s′ils n′étaient forcés de suivre l′usage établi. J′exhorte l′un d′entre eux à publier le projet de réforme qu′il a conçu. L′on sera peut-être enfin tenté de guérir le mal en voyant qu′il n′est pas sans remède. Hay muchas escuelas, y sobre todo en la Universidad de París hav profesores a los cuales yo aprecio y a quienes consideraría muv capacitados para la instrucción de la iuventud si no se les obligase a seguir el método establecido. Emplazo a cualquiera de ellos para que publique su proyecto de reforma. Quizá al darse cuenta de que la enfermedad todavía tiene remedio se intente poner en práctica los medios para alcanzar el fin apetecido.
VUELTA AL TEXTO








[7]La ligue des femmes et des médecins m′a toujours paru l′une des plus plaisantes singularités de Paris. C′est par les femmes que les médecins acquièrent leur réputation, et c′est par les médecins que les femmes font leurs volontés. On se doute bien par là quelle est la sorte d′habileté qu′il faut à un médecin de Paris pour devenir célèbre. Una de las más singulares curiosidades de París es la de que haya existido una gran simpatía entre mujeres y médicos. Los médicos adquieren su reputación gracias a las mujeres, y ellas hacen lo que quieren gracias a los médicos. Así se entiende fácilmente la habilidad que necesita un médico si quiere hacerse famoso en París.
VUELTA AL TEXTO








[8] Quand on lit dans Plutarque le que Caton le censeur, qui gouverna Rome avec tant de gloire, éleva lui-même son fils dès le berceau, et avec un tel soin, qu′il quittait tout pour être présent quand la nourrice, c′est-à-dire la mère, le remuait et le lavait ; quand on lit dans Suétone qu′Auguste, maître du monde, qu′il avait conquis et qu′il régissait lui-même, enseignait lui-même à ses petits-fils à écrire, à nager, les éléments des sciences, et qu′il les avait sans cesse autour de lui, on ne peut s′empêcher de rire des petites bonnes gens de ce temps-là, qui s′amusaient de pareilles niaiseries ; trop bornés, sans doute, pour savoir vaquer aux grandes affaires des grands hommes de nos jours. Cuando se lee en Plutarco que Catón el Censor, quien gobernó Roma con tanta gloria, educó por sí mismo a su hijo desde la cuna, y con tan buen cuidado que lo abandonaba todo para estar presente cuando la nodriza, es decir, la madre, le arrullaba y le lavaba; cuando se lee en Suetonio que Augusto, señor del mundo, conquistado y regido por sí mismo, enseñaba a sus nietos personalmente a escribir, a nadar, los elementos de las ciencias, y que los tenía siempre a su lado, no puede evitar reírse de las buenas gentes de aquellos tiempos, que empleaban el tiempo en tonterías semejantes de un modo alegre, debido sin duda a que carecían de talento para dedicarse a los grandes problemas que tanto abruman a los hombres de nuestro tiempo.
VUELTA AL TEXTO








[9] En voici un exemple tiré des papiers anglais, lequel je ne puis m′empêcher de rapporter, tant il offre de réflexions à faire relatives à mon sujet.
« Un particulier nommé Patrice Oneil, né en 1647, vient de se marier en 1760 pour la septième fois. Il servit dans les dragons la dix-septième année du règne de Charles II, et dans différents corps jusqu′en 1740, qu′il obtint son congé. Il a fait toutes les campagnes du roi Guillaume et du duc de Marlborough. Cet homme n′a jamais bu que de la bière ordinaire ; il s′est toujours nourri de végétaux, et n′a mangé de la viande que dans quelques repas qu′il donnait à sa famille. Son usage a toujours été de se lever et de se coucher avec le soleil, à moins que ses devoirs ne l′en aient empêché. Il est à présent dans sa cent treizième année, entendant bien, se portant bien, et marchant sans canne. Malgré son grand âge, il ne reste pas un seul moment oisif ; et tous les dimanches il va à sa paroisse, accompagné de ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants. »
He aquí un ejemplo que recojo de los periódicos ingleses, por contener muchas reflexiones que coinciden con mi entendimiento del tema.
"Un individuo llamado Patricio Oncil, nacido en 1647, acababa de casarse por séptima vez en 1760. Hizo el servicio militar en el regimiento de Dragones en el decimoséptimo año del reinado de Carlos II, y en otros varios cuerpos hasta el año 1740, que alcanzó su" licencia. Estuvo en todas las campañas del rey Guillermo y del duque de Malborough. Jamás bebió otra cosa que cerveza común; se alimentó siempre a base de vegetales y nunca comió carne, exceptuando los días en que ofrecía un banquete a su familia. Tenia por costumbre levantarse y acostarse con el sol, si no se lo impedían sus obligaciones. Cuenta en la actualidad ciento trece años, oye bien, disfruta de buena salud y anda sin -bastón para apoyarse. Siempre está ocupado y asiste a su parroquia todos los días festivos acompañado de sus hijos, nietos y bisnietos.»
VUELTA AL TEXTO








[10] Les femmes mangent du pain, des légumes, du laitage : les femelles des chiens et des chats en mangent aussi ; les louves même paissent. Voilà des sucs végétaux pour leur lait. Reste à examiner celui des espèces qui ne peuvent absolument se nourrir que de chair, s′il y en a de telles : de quoi je doute. Las mujeres comen pan, legumbres y lacticinios. Las perras y las gatas comen lo mismo y hasta las lobas pastan. Van en busca de jugos vegetales para su leche. Nos resta el examen de la leche de los animales que no pueden alimentarse más que con carne, si es que hay algunos de esta especie. lo que dudo mucho.
VUELTA AL TEXTO








[11] Bien que les sucs qui nous nourrissent soient en liqueur, ils doivent être exprimés d′aliments solides. Un homme au travail qui ne vivrait que de bouillon dépérirait très promptement. Il se soutiendrait beaucoup mieux avec du lait, parce qu′il se caille. Aunque los jugos que nos nutren sean líquidos, tenemos necesidad de que sean exprimidos de los manjares sólidos. Un trabajador que se alimentara exclusivamente con caldo no tardaría en fallecer; no obstante, si su alimento líquido fuese la leche, se sustentaría bien, pues la leche, ya en el estómago, se solidifica o cuaja.
VUELTA AL TEXTO







[12] Ceux qui voudront discuter plus au long les avantages et les inconvénients du régime pythagoricien pourront consulter les traités que les docteurs Cocchi et Bianchi, son adversaire, ont faits sur cet important sujet. Aquellos que deseen información con minucioso detalle de las ventajas y los inconvenientes del régimen pitagórico, podrán consultar los tratados que los doctores Cocchi y su antagonista Bianchi han escrito sobre tan importante materia.
VUELTA AL TEXTO








[13] On étouffe les enfants dans les villes à force de les tenir renfermés et vêtus. Ceux qui les gouvernent en sont encore à savoir que l′air froid, loin de leur faire du mal, les renforce, et que l′air chaud les affaiblit, leur donne la fièvre et les tue. Se sofoca a los niños en las villas a fuerza de tenerlos encerrados y vestidos. Los que les cuidan aún no saben que el aire frío, en vez de perjudicarles, les refuerza, y que el aire caliente los debilita, les da fiebre y al final los mata.
VUELTA AL TEXTO








[14] Je dis un berceau, pour employer un mot usité, faute d′autre ; car d′ailleurs je suis persuadé qu′il n′est jamais nécessaire de bercer les enfants, et que cet usage leur est souvent pernicieux. Uso la palabra cuna con el fin de emplear una voz conocida y a falta de otra, pero tengo el convencimiento de que jamás debe mecerse a los niños, y que esta costumbre en reiteradas ocasiones les resulta perjudicial.
VUELTA AL TEXTO








[15] « Les anciens Péruviens laissaient les bras libres aux enfants dans un maillot fort large ; lorsqu′ils les en tiraient, ils les mettaient en liberté dans un trou fait en terre et garni de linges, dans lequel ils les descendaient jusqu′à la moitié du corps ; de cette façon, ils avaient les bras libres, et ils pouvaient mouvoir leur tête et fléchir leur corps à leur gré, sans tomber et sans se blesser. Dès qu′ils pouvaient faire un pas, on leur présentait la mamelle d′un peu loin, comme un appât pour les obliger à marcher. Les petits nègres sont quelquefois dans une situation bien plus fatigante pour téter : ils embrassent l′une des hanches de la mère avec leurs genoux et leurs pieds, et ils la serrent si bien qu′ils peuvent s′y soutenir sans le secours des bras de la mère. Ils s′attachent à la mamelle avec leurs mains, et ils la sucent constamment sans se déranger et sans tomber, malgré les différents mouvements de la mère, qui, pendant ce temps, travaille à son ordinaire. Ces enfants comment à marcher dès le second mois, ou plutôt à se traîner sur les genoux et sur les mains. Cet exercice leur donne pour la suite la facilité de courir, dans cette situation, presque aussi vite que s′ils étaient sur leurs pieds. » (Hist. nat., tome IV, in-12, p.192.)
À ces exemples, M. de Buffon aurait pu ajouter celui de l′Angleterre où l′extravagante et barbare pratique du maillot s′abolit de jour en jour. Voyez aussi La Loubère, Voyage de Siam ; le sieur Le Beau, Voyage du Canada, etc. Je remplirais vingt pages de citations, si j′avais besoin de confirmer ceci par des faits.
Los antiguos peruanos dejaban los brazos libres a los niños en una envoltura muy ancha, y cuando se la quitaban, los dejaban libres en un hoyo en el suelo, cubierto o tapizado con un lienzo, donde estaban metidos hasta una altura de medio cuerpo; de esta forma podían moverse libremente sin correr el peligro de caerse ni lastimarse, y cuando ya empezaban a poder andar, les presentaban los pechos desde cierta distancia para estimularles a caminar. Los negritos tienen por costumbre mamar en una posición mucho más incómoda, pues aprietan con sus pies y rodillas una de las caderas de la madre, se agarran con sus manos al pecho y maman constantemente sin alterarse ni caer, a pesar de los distintos movimientos de la madre, quien continúa con sus quehaceres. Estas criaturas, al segundo mes empiezan a caminar, o mejor, a andar a gatas, y esta postura les ejercita a correr en tal posición con gran facilidad y casi con la misma agilidad que si lo hicieran con los pies.
(Historia Natural, tomo IV, in, 12, pág. 192.)
A estos ejemplos, Buffon, el de Inglaterra, hubiera podido añadir cómo se va suprimiendo de día en día, en su país la extravagante y bárbara costumbre de los pañales y la faja. Véase también en La Loubere, Viaje a Siam; en Beau, Viaje al Canadá, etc. Si tuviera que confirmar esto precisando hechos, llenaría veinte páginas con citas.
VUELTA AL TEXTO








[16] L′odorat est de tous les sens celui qui se développe le plus tard dans les enfants : jusqu′à l′âge de deux ou trois ans il ne paraît pas qu′ils soient sensibles ni aux bonnes ni aux mauvaises odeurs ; ils ont à cet égard l′indifférence ou plutôt l′insensibilité qu′on remarque dans plusieurs animaux. El sentido que más tarda en desarrollarse en los niños es el del olfato; parece que no distinguen los distintos olores hasta los dos o tres años de edad; en este aspecto poseen la diferencia, o mejor la insensibilidad, que se observa en muchos animales.
VUELTA AL TEXTO





[17] Ceci n′est pas sans exception ; et souvent les enfants qui se font d′abord le moins entendre deviennent ensuite les plus étourdissants quand ils ont commencé d′élever la voix. Mais s′il fallait entrer dans toutes ces minuties, je ne finirais pas ; tout lecteur sensé doit voir que l′excès et le défaut, dérivés du même abus, sont également corrigés par ma méthode. Je regarde ces deux maximes comme inséparables :
Toujours assez, et jamais trop.
 De la première bien établie l′autre s′ensuit nécessairement.
En esto existen excepciones, y frecuentemente los niños que menos se han hecho entender, tan pronto como alzan la voz, nos aturden. Pero si nos entretuviéramos en exponer los detalles sería demasiada prolifidad. El lector, con la debida sensatez, percibirá que derivándose el exceso y el defecto del mismo abuso, los dos defectos son corregidos del mismo modo con mi método. Estas dos máximas las tengo yo por inseparables:
"Siempre lo bastante, y nunca demasiado.
Establecida la primera, es su necesaria consecuencia la segunda.
VUELTA AL TEXTO