René Descartes

DISCOURS DE LA MÉTHODE -- El discurso del método


Œuvres de Descartes, Texte établi par Victor Cousin, Levrault, 1824, tome I (pp. 120-121 .Traducción de Manuel García Morente
Si ce discours semble trop long pour être lu en une fois, on le pourra distinguer en six ies. Et, en la première, on trouvera diverses considérations touchant les sciences. En la seconde, les principales règles de la méthode que l′auteur a cherchée. En la troisième, quelques unes de celles de la morale qu′il a tirée de cette méthode. En la quatrième, les raisons par lesquelles il prouve l′existence de Dieu et de l′âme humaine, qui sont les fondements de sa métaphysique. En la cinquième, l′ordre des questions de physique qu′il a cherchées, et particulièrement l′explication du mouvement du cœur et de quelques autres difficultés qui appartiennent à la médecine ; puis aussi la différence qui est entre notre âme et celle des bêtes. Et en la dernière, quelles choses il croit être requises pour aller plus avant en la recherche de la nature qu′il n′a été, et quelles raisons l′ont fait écrire. Si este discurso parece demasiado largo para leído de una vez, puede dividirse en seis partes: en la primera se hallarán diferentes consideraciones acerca de las ciencias; en la segunda, las reglas principales del método que el autor ha buscado; en la tercera, algunas otras de moral que ha podido sacar de aquel método; en la cuarta, las razones con que prueba la existencia de Dios y del alma humana, que son los fundamentos de su metafísica; en la quinta, el orden de las cuestiones de física, que ha investigado y, en particular, la explicación del movimiento del corazón y de algunas otras dificultades que atañen a la medicina, y también la diferencia que hay entre nuestra alma y la de los animales; y en la última, las cosas que cree necesarias para llegar, en la investigación de la naturaleza, más allá de donde él ha llegado, y las razones que le han impulsado a escribir.

PREMIÈRE PARTIE.

Primera parte

Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée ; car chacun pense en être si bien pourvu, que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose n′ont point coutume d′en désirer plus qu′ils en ont. En quoi il n′est pas vraisemblable que tous se trompent : mais plutôt cela témoigne que la puissance de bien juger et distinguer le vrai d′avec le faux, qui est proprement ce qu′on nomme le bon sens ou la raison, est naturellement égale en tous les hommes ; et ainsi que la diversité de nos opinions ne vient pas de ce que les uns sont plus raisonnables que les autres, mais seulement de ce que nous conduisons nos pensées par diverses voies, et ne considérons pas les mêmes choses. Car ce n′est pas assez d′avoir l′esprit bon, mais le principal est de l′appliquer bien. Les plus grandes âmes sont capables des plus grands vices aussi bien que des plus grandes vertus ; et ceux qui ne marchent que fort lentement peuvent avancer beaucoup davantage, s′ils suivent toujours le droit chemin, que ne font ceux qui courent et qui s′en éloignent. El buen sentido es lo que mejor repartido está entre todo el mundo, pues cada cual piensa que posee tan buena provisión de él, que aun los más descontentadizos respecto a cualquier otra cosa, no suelen apetecer más del que ya tienen. En lo cual no es verosímil que todos se engañen, sino que más bien esto demuestra que la facultad de juzgar y distinguir lo verdadero de lo falso, que es propiamente lo que llamamos buen sentido o razón, es naturalmente igual en todos los hombres; y, por lo tanto, que la diversidad de nuestras opiniones no proviene de que unos sean más razonables que otros, sino tan sólo de que dirigimos nuestros pensamientos por derroteros diferentes y no consideramos las mismas cosas. No basta, en efecto, tener el ingenio bueno; lo principal es aplicarlo bien. Las almas más grandes son capaces de los mayores vicios, como de las mayores virtudes; y los que andan muy despacio pueden llegar mucho más lejos, si van siempre por el camino recto, que los que corren, pero se apartan de él.
Pour moi, je n′ai jamais présumé que mon esprit fût en rien plus parfait que ceux du commun ; même j′ai souvent souhaité d′avoir la pensée aussi prompte, ou l′imagination aussi nette et distincte, ou la mémoire aussi ample ou aussi présente, que quelques autres. Et je ne sache point de qualités que celles-ci qui servent à la perfection de l′esprit ; car pour la raison, ou le sens, d′autant qu′elle est la seule chose qui nous rend hommes et nous distingue des bêtes, je veux croire qu′elle est tout entière en un chacun ; et suivre en ceci l′opinion commune des philosophes, qui disent qu′il n′y a du plus et du moins qu′entre les accidents, et non point entre les formes ou natures des individus d′une même espèce. Por mi parte, nunca he presumido de poseer un ingenio más perfecto que los ingenios comunes; hasta he deseado muchas veces tener el pensamiento tan rápido, o la imaginación tan clara y distinta, o la memoria tan amplia y presente como algunos otros. Y no sé de otras cualidades sino ésas, que contribuyan a la perfección del ingenio; pues en lo que toca a la razón o al sentido, siendo, como es, la única cosa que nos hace hombres y nos distingue de los animales, quiero creer que está entera en cada uno de nosotros y seguir en esto la común opinión de los filósofos, que dicen que el más o el menos es sólo de los accidentes, mas no de las formas o naturalezas de los individuos de una misma especie.
Mais je ne craindrai pas de dire que je pense avoir eu beaucoup d′heur de m′être rencontré dès ma jeunesse en certains chemins qui m′ont conduit à des considérations et des maximes dont j′ai formé une méthode, par laquelle il me semble que j′ai moyen d′augmenter par degrés ma connaissance, et de l′élever peu à peu au plus haut point auquel la médiocrité de mon esprit et la courte durée de ma vie lui pourront permettre d′atteindre. Car j′en ai déjà recueilli de tels fruits, qu′encore qu′au jugement que je fais de moi-même je tâche toujours de pencher vers le côté de la défiance plutôt que vers celui de la présomption, et que, regardant d′un œil de philosophe les diverses actions et entreprises de tous les hommes, il n′y en ait quasi aucune qui ne me semble vaine et inutile, je ne laisse pas de recevoir une extrême satisfaction du progrès que je pense avoir déjà fait en la recherche de la vérité, et de concevoir de telles espérances pour l′avenir, que si, entre les occupations des hommes, purement hommes, il y en a quelqu′une qui soit solidement bonne et importante, j′ose croire que c′est celle que j′ai choisie. Pero, sin temor, puedo decir, que creo que fue una gran ventura para mí el haberme metido desde joven por ciertos caminos, que me han llevado a ciertas consideraciones y máximas, con las que he formado un método, en el cual paréceme que tengo un medio para aumentar gradualmente mi conocimiento y elevarlo poco a poco hasta el punto más alto a que la mediocridad de mi ingenio y la brevedad de mi vida puedan permitirle llegar. Pues tales frutos he recogido ya de ese método, que, aun cuando, en el juicio que sobre mí mismo hago, procuro siempre inclinarme del lado de la desconfianza mejor que del de la presunción, y aunque, al mirar con ánimo filosófico las distintas acciones y empresas de los hombres, no hallo casi ninguna que no me parezca vana e inútil, sin embargo no deja de producir en mí una extremada satisfacción el progreso que pienso haber realizado ya en la investigación de la verdad, y concibo tales esperanzas para el porvenir , que si entre las ocupaciones que embargan a los hombres, puramente hombres, hay alguna que sea sólidamente buena e importante, me atrevo a creer que es la que yo he elegido por mía.
Toutefois il se peut faire que je me trompe, et ce n′est peut-être qu′un peu de cuivre et de verre que je prends pour de l′or et des diamants. Je sais combien nous sommes sujets à nous méprendre en ce qui nous touche, et combien aussi les jugements de nos amis nous doivent être suspects, lorsqu′ils sont en notre faveur. Mais je serai bien aise de faire voir en ce discours quels sont les chemins que j′ai suivis, et d′y représenter ma vie comme en un tableau, afin que chacun en puisse juger, et qu′apprenant du bruit commun les opinions qu′on en aura, ce soit un nouveau moyen de m′instruire, que j′ajouterai à ceux dont j′ai coutume de me servir. Puede ser, no obstante, que me engañe; y acaso lo que me parece oro puro y diamante fino, no sea sino un poco de cobre y de vidrio. Sé cuán expuestos estamos a equivocar nos, cuando de nosotros mismos se trata, y cuán sospechosos deben sernos también los juicios de los amigos, que se pronuncian en nuestro favor. Pero me gustaría dar a conocer, en el presente discurso, el camino que he seguido y representar en él mi vida, como en un cuadro, para que cada cual pueda formar su juicio, y así, tomando luego conocimiento, por el rumor público, de las opiniones emitidas, sea este un nuevo medio de instruirme, que añadiré a los que acostumbro emplear.
Ainsi mon dessein n′est pas d′enseigner ici la méthode que chacun doit suivre pour bien conduire sa raison, mais seulement de faire voir en quelle sorte j′ai taché de conduire la mienne. Ceux qui se mêlent de donner des préceptes se doivent estimer plus habiles que ceux auxquels ils les donnent ; et s′ils manquent en la moindre chose, ils en sont blâmables. Mais, ne proposant cet écrit que comme une histoire, ou, si vous l′aimez mieux, que comme une fable, en laquelle, parmi quelques exemples qu′on peut imiter, on en trouvera peut-être aussi plusieurs autres qu′on aura raison de ne pas suivre, j′espère qu′il sera utile à quelques uns sans être nuisible à personne, et que tous me sauront gré de ma franchise. Mi propósito, pues, no es el de enseñar aquí el método que cada cual ha de seguir para dirigir bien su razón, sino sólo exponer el modo como yo he procurado conducir la mía . Los que se meten a dar preceptos deben de estimarse más hábiles que aquellos a quienes los dan, y son muy censurables, si faltan en la cosa más mínima. Pero como yo no propongo este escrito, sino a modo de historia o, si preferís, de fábula, en la que, entre ejemplos que podrán imitarse, irán acaso otros también que con razón no serán seguidos, espero que tendrá utilidad para algunos, sin ser nocivo para nadie, y que todo el mundo agradecerá mi franqueza.
J′ai été nourri aux lettres dès mon enfance ; et, pourcequ′on me persuadoit que par leur moyen on pouvoit acquérir une connoissance claire et assurée de tout ce qui est utile à la vie, j′avois un extrême désir de les apprendre. Mais sitôt que j′eus achevé tout ce cours d′études, au bout duquel on a coutume d′être reçu au rang des doctes, je changeai entièrement d′opinion. Car je me trouvois embarrassé de tant de doutes et d′erreurs, qu′il me sembloit n′avoir fait autre profit, en tâchant de m′instruire, sinon que j′avois découvert de plus en plus mon ignorance. Et néanmoins j′étois en l′une des plus célèbres écoles de l′Europe, où je pensois qu′il devoit y avoir de savants hommes, s′il y en avoit en aucun endroit de la terre. J′y avois appris tout ce que les autres y apprenoient ; et même, ne m′étant pas contenté des sciences qu′on nous enseignoit, j′avois parcouru tous les livres traitant de celles qu′on estime les plus curieuses et les plus rares, qui avoient pu tomber entre mes mains. Avec cela je savois les jugements que les autres faisoient de moi ; et je ne voyois point qu′on m′estimât inférieur à mes condisciples, bien qu′il y en eut déjà entre eux quelques uns qu′on destinoit à remplir les places de nos maîtres. Et enfin notre siècle me sembloit aussi fleurissant et aussi fertile en bons esprits qu′ait été aucun des précédents. Ce qui me faisoit prendre la liberté de juger par moi de tous les autres, et de penser qu′il n′y avoit aucune doctrine dans le monde qui fût telle qu′on m′avoit auparavant fait espérer. Desde la niñez, fui criado en el estudio de las letras y, como me aseguraban que por medio de ellas se podía adquirir un conocimiento claro y seguro de todo cuanto es útil para la vida, sentía yo un vivísimo deseo de aprenderlas. Pero tan pronto como hube terminado el curso de los estudios, cuyo remate suele dar ingreso en el número de los hombres doctos, cambié por completo de opinión, Pues me embargaban tantas dudas y errores, que me parecía que, procurando instruirme, no había conseguido más provecho que el de descubrir cada vez mejor mi ignorancia. Y, sin embargo, estaba en una de las más famosas escuelas de Europa , en donde pensaba yo que debía haber hombres sabios, si los hay en algún lugar de la tierra. Allí había aprendido todo lo que los demás aprendían; y no contento aún con las ciencias que nos enseñaban, recorrí cuantos libros pudieron caer en mis manos, referentes a las ciencias que se consideran como las más curiosas y raras. Conocía, además, los juicios que se hacían de mi persona, y no veía que se me estimase en menos que a mis condiscípulos, entre los cuales algunos había ya destinados a ocupar los puestos que dejaran vacantes nuestros maestros. Por último, parecíame nuestro siglo tan floreciente y fértil en buenos ingenios, como haya sido cualquiera dé los precedentes. Por todo lo cual, me tomaba la libertad de juzgar a los demás por mí mismo y de pensar que no había en el mundo doctrina alguna como la que se me había prometido anteriormente.
Je ne laissois pas toutefois d′estimer les exercices auxquels on s′occupe dans les écoles. Je savois que les langues qu′on y apprend sont nécessaires pour l′intelligence des livres anciens ; que la gentillesse des fables réveille l′esprit ; que les actions mémorables des histoires le relèvent, et qu′étant lues avec discrétion elles aident à former le jugement ; que la lecture de tous les bons livres est comme une conversation avec les plus honnêtes gens des siècles passés, qui en ont été les auteurs, et même une conversation étudiée en laquelle ils ne nous découvrent que les meilleures de leurs pensées ; que l′éloquence a des forces et des beautés incomparables ; que la poésie a des délicatesses et des douceurs très ravissantes ; que les mathématiques ont des inventions très subtiles, et qui peuvent beaucoup servir tant à contenter les curieux qu′à faciliter tous les arts et diminuer le travail des hommes ; que les écrits qui traitent des mœurs contiennent plusieurs enseignements et plusieurs exhortations à la vertu qui sont fort utiles ; que la théologie enseigne à gagner le ciel ; que la philosophie donne moyen de parler vraisemblablement de toutes choses, et se faire admirer des moins savants ; que la jurisprudence, la médecine et les autres sciences apportent des honneurs et des richesses à ceux qui les cultivent ; et enfin qu′il est bon de les avoir toutes examinées, même les plus superstitieuses et les plus fausses, afin de connoître leur juste valeur et se garder d′en être trompé. No dejaba por eso de estimar en mucho los ejercicios que se hacen en las escuelas. Sabía que las lenguas que en ellas se aprenden son necesarias para la inteligencia de los libros antiguos; que la gentileza de las fábulas despierta el ingenio; que las acciones memorables, que cuentan las historias, lo elevan y que, leídas con discreción, ayudan a formar el juicio; que la lectura de todos los buenos libros es como una conversación con los mejores ingenios de los pasados siglos, que los han compuesto, y hasta una conversación estudiada, en la que no nos descubren sino lo más selecto de sus pensamientos; que la elocuencia posee fuerzas y bellezas incomparables; que la poesía tiene delicadezas y suavidades que arrebatan; que en las matemáticas hay sutilísimas invenciones que pueden ser de mucho servicio, tanto para satisfacer a los curiosos, como para facilitar las artes todas y disminuir el trabajo de los hombres; que los escritos, que tratan de las costumbres, encierran varias enseñanzas y exhortaciones a la virtud, todas muy útiles; que la teología enseña a ganar el cielo; que la filosofía proporciona medios para hablar con verosimilitud de todas las cosas y recomendarse a la admiración de los menos sabios ; que la jurisprudencia, la medicina y demás ciencias honran y enriquecen a quienes las cultivan; y, por último, que es bien haberlas recorrido todas, aun las más supersticiosas y las más falsas, para conocer su justo valor y no dejarse engañar por ellas.
Mais je croyois avoir déjà donné assez de temps aux langues, et même aussi à la lecture des livres anciens, et à leurs histoires, et à leurs fables. Car c′est quasi le même de converser avec ceux des autres siècles que de voyager. Il est bon de savoir quelque chose des mœurs de divers peuples, afin de juger des nôtres plus sainement, et que nous ne pensions pas que tout ce qui est contre nos modes soit ridicule et contre raison, ainsi qu′ont coutume de faire ceux qui n′ont rien vu. Mais lorsqu′on emploie trop de temps à voyager, on devient enfin étranger en son pays ; et lorsqu′on est trop curieux des choses qui se pratiquoient aux siècles passés, on demeure ordinairement fort ignorant de celles qui se pratiquent en celui-ci. Outre que les fables font imaginer plusieurs événements comme possibles qui ne le sont point ; et que même les histoires les plus fidèles, si elles ne changent ni n′augmentent la valeur des choses pour les rendre plus dignes d′être lues, au moins en omettent-elles presque toujours les plus basses et moins illustres circonstances, d′où vient que le reste ne paroît pas tel qu′il est, et que ceux qui règlent leurs mœurs par les exemples qu′ils en tirent sont sujets à tomber dans les extravagances des paladins de nos romans, et à concevoir des desseins qui passent leurs forces. Pero creía también que ya había dedicado bastante tiempo a las lenguas e incluso a la lectura de los libros antiguos y a sus historias y a sus fábulas. Pues es casi lo mismo conversar con gentes de otros siglos, que viajar por extrañas tierras. Bueno es saber algo de las costumbres de otros pueblos, para juzgar las del propio con mejor acierto, y no creer que todo lo que sea contrario a nuestras modas es ridículo y opuesto a la razón, como suelen hacer los que no han visto nada. Pero el que emplea demasiado tiempo en viajar, acaba por tornarse extranjero en su propio país; y al que estudia con demasiada curiosidad lo que se hacía en los siglos pretéritos, ocúrrele de ordinario que permanece ignorante de lo que se practica en el presente. Además, las fábulas son causa de que imaginemos como posibles acontecimientos que no lo son; y aun las más fieles historias, supuesto que no cambien ni aumenten el valor de las cosas, para hacerlas más dignas de ser leídas, omiten por lo menos, casi siempre, las circunstancias más bajas y menos ilustres, por lo cual sucede que lo restante no aparece tal como es y que los que ajustan sus costumbres a los ejemplos que sacan de las historias, se exponen a caer en las extravagancias de los paladines de nuestras novelas y a concebir designios, a que no alcanzan sus fuerzas.
J′estimois fort l′éloquence, et j′étois amoureux de la poésie ; mais je pensois que l′une et l′autre étoient des dons de l′esprit plutôt que des fruits de l′étude. Ceux qui ont le raisonnement le plus fort, et qui digèrent le mieux leurs pensées afin de les rendre claires et intelligibles, peuvent toujours le mieux persuader ce qu′ils proposent, encore qu′ils ne parlassent que bas-breton, et qu′ils n′eussent jamais appris de rhétorique ; et ceux qui ont les inventions les plus agréables et qui les savent exprimer avec le plus d′ornement et de douceur, ne laisseraient pas d′être les meilleurs poëtes, encore que l′art poétique leur fût inconnu. Estimaba en mucho la elocuencia y era un enamorado de la poesía; pero pensaba que una y otra son dotes del ingenio más que frutos del estudio. Los que tienen más robusto razonar y digieren mejor sus pensamientos, para hacerlos claros e inteligibles, son los más capaces de llevar a los ánimos la persuasión, sobre lo que proponen, aunque hablen una pésima lengua y no hayan aprendido nunca retórica; y los que imaginan las más agradables invenciones, sabiéndolas expresar con mayor ornato y suavidad, serán siempre los mejores poetas, aun cuando desconozcan el arte poética.
Je me plaisois surtout aux mathématiques, à cause de la certitude et de l′évidence de leurs raisons : mais je ne remarquois point encore leur vrai usage ; et, pensant qu′elles ne servoient qu′aux arts mécaniques, je m′étonnois de ce que leurs fondements étant si fermes et si solides, on n′avoit rien bâti dessus de plus relevé : comme au contraire je comparois les écrits des anciens païens qui traitent des mœurs, à des palais fort superbes et fort magnifiques qui n′étoient bâtis que sur du sable et sur de la boue : ils élèvent fort haut les vertus, et les font paroître estimables par-dessus toutes les choses qui sont au monde ; mais ils n′enseignent pas assez à les connoître, et souvent ce qu′ils appellent d′un si beau nom n′est qu′une insensibilité, ou un orgueil, ou un désespoir, ou un parricide. Gustaba sobre todo de las matemáticas, por la certeza y evidencia que poseen sus razones; pero aun no advertía cuál era su verdadero uso y, pensando que sólo para las artes mecánicas servían, extrañábame que, siendo sus cimientos tan firmes y sólidos, no se hubiese construido sobre ellos nada más levantado . Y en cambio los escritos de los antiguos paganos, referentes a las costumbres, comparábalos con palacios muy soberbios y magníficos, pero construidos sobre arena y barro: levantan muy en alto las virtudes y las presentan como las cosas más estimables que hay en el mundo; pero no nos enseñan bastante a conocerlas y, muchas veces, dan ese hermoso nombre a lo que no es sino insensibilidad, orgullo, desesperación o parricidio .
Je révérois notre théologie, et prétendois autant qu′aucun autre à gagner le ciel : mais ayant appris, comme chose très assurée, que le chemin n′en est pas moins ouvert aux plus ignorants qu′aux plus doctes, et que les vérités révélées qui y conduisent sont au-dessus de notre intelligence, je n′eusse osé les soumettre à la foiblesse de mes raisonnements ; et je pensois que, pour entreprendre de les examiner et y réussir, il étoit besoin d′avoir quelque extraordinaire assistance du ciel, et d′être plus qu′homme. Profesaba una gran reverencia por nuestra teología y, como cualquier otro, pretendía yo ganar el cielo. Pero habiendo aprendido, como cosa muy cierta, que el camino de la salvación está tan abierto para los ignorantes como para los doctos y que las verdades reveladas, que allá conducen, están muy por encima de nuestra inteligencia, nunca me hubiera atrevido a someterlas a la flaqueza de mis razonamientos, pensando que, para acometer la empresa de examinarlas y salir con bien de ella, era preciso alguna extraordinaria ayuda del cielo, y ser, por tanto, algo más que hombre.
Je ne dirai rien de la philosophie, sinon que, voyant qu′elle a été cultivée par les plus excellents esprits qui aient vécu depuis plusieurs siècles, et que néanmoins il ne s′y trouve encore aucune chose dont on ne dispute, et par conséquent qui ne soit douteuse, je n′avois point assez de présomption pour espérer d′y rencontrer mieux que les autres ; et que, considérant combien il peut y avoir de diverses opinions touchant une même matière, qui soient soutenues par des gens doctes, sans qu′il y en puisse avoir jamais plus d′une seule qui soit vraie, je réputois presque pour faux tout ce qui n′étoit que vraisemblable. Nada diré de la filosofía sino que, al ver que ha sido cultivada por los más excelentes ingenios que han vivido desde hace siglos, y, sin embargo, nada hay en ella que no sea objeto de disputa y, por consiguiente, dudoso, no tenía yo la presunción de esperar acertar mejor que los demás; y considerando cuán diversas pueden ser las opiniones tocante a una misma materia, sostenidas todas por gentes doctas, aun cuando no puede ser verdadera más que una sola, reputaba casi por falso todo lo que no fuera más que verosímil.
Puis, pour les autres sciences, d′autant qu′elles empruntent leurs principes de la philosophie, je jugeois qu′on ne pouvoit avoir rien bâti qui fût solide sur des fondements si peu fermes ; et ni l′honneur ni le gain qu′elles promettent n′étoient suffisants pour me convier à les apprendre : car je ne me sentois point, grâces à Dieu, de condition qui m′obligeât à faire un métier de la science pour le soulagement de ma fortune ; et, quoique je ne fisse pas profession de mépriser la gloire en cynique, je faisois néanmoins fort peu d′état de celle que je n′espérois point pouvoir acquérir qu′à faux titres. Et enfin, pour les mauvaises doctrines, je pensois déjà connoître assez ce qu′elles valoient pour n′être plus sujet à être trompé ni par les promesses d′un alchimiste, ni par les prédictions d′un astrologue, ni par les impostures d′un magicien, ni par les artifices ou la vanterie d′aucun de ceux qui font profession de savoir plus qu′ils ne savent. Y en cuanto a las demás ciencias, ya que toman sus principios de la filosofía, pensaba yo que sobre tan endebles cimientos no podía haberse edificado nada sólido; y ni el honor ni el provecho, que prometen, eran bastantes para invitarme a aprenderlas; pues no me veía, gracias a Dios, en tal condición que hubiese de hacer de la ciencia un oficio con que mejorar mi fortuna; y aunque no profesaba el desprecio de la gloria a lo cínico, sin embargo, no estimaba en mucho aquella fama, cuya adquisición sólo merced a falsos títulos puede lograrse. Y, por último, en lo que toca a las malas doctrinas, pensaba que ya conocía bastante bien su valor, para no dejarme burlar ni por las promesas de un alquimista, ni por las predicciones de un astrólogo, ni por los engaños de un mago, ni por los artificios o la presunción de los que profesan saber más de lo que saben.
C′est pourquoi, sitôt que l′âge me permit de sortir de la sujétion de mes précepteurs, je quittai entièrement l′étude des lettres ; et me résolvant de ne chercher plus d′autre science que celle qui se pourroit trouver en moi-même, ou bien dans le grand livre du monde, j′employai le reste de ma jeunesse à voyager, à voir des cours et des armées, à fréquenter des gens de diverses humeurs et conditions, à recueillir diverses expériences, à m′éprouver moi-même dans les rencontres que la fortune me proposoit, et partout à faire telle réflexion sur les choses qui se présentoient que j′en pusse tirer quelque profit. Car il me sembloit que je pourrois rencontrer beaucoup plus de vérité dans les raisonnements que chacun fait touchant les affaires qui lui importent, et dont l′événement le doit punir bientôt après s′il a mal jugé, que dans ceux que fait un homme de lettres dans son cabinet, touchant des spéculations qui ne produisent aucun effet, et qui ne lui sont d′autre conséquence, sinon que peut-être il en tirera d′autant plus de vanité qu′elles seront plus éloignées du sens commun, à cause qu′il aura dû employer d′autant plus d′esprit et d′artifice à tâcher de les rendre vraisemblables. Et j′avois toujours un extrême désir d′apprendre à distinguer le vrai d′avec le faux, pour voir clair en mes actions, et marcher avec assurance en cette vie. Así, pues, tan pronto como estuve en edad de salir de la sujeción en que me tenían mis preceptores, abandoné del todo el estudio de las letras; y, resuelto a no buscar otra ciencia que la que pudiera hallar en mí mismo o en el gran libro del mundo, empleé el resto de mi juventud en viajar, en ver cortes y ejércitos , en cultivar la sociedad de gentes de condiciones y humores diversos, en recoger varias experiencias, en ponerme a mí mismo a prueba en los casos que la fortuna me deparaba y en hacer siempre tales reflexiones sobre las cosas que se me presentaban, que pudiera sacar algún provecho de ellas. Pues parecíame que podía hallar mucha más verdad en los razonamientos que cada uno hace acerca de los asuntos que le atañen, expuesto a que el suceso venga luego a castigarle, si ha juzgado mal, que en los que discurre un hombre de letras, encerrado en su despacho, acerca de especulaciones que no producen efecto alguno y que no tienen para él otras consecuencias, sino que acaso sean tanto mayor motivo para envanecerle cuanto más se aparten del sentido común, puesto que habrá tenido que gastar más ingenio y artificio en procurar hacerlas verosímiles. Y siempre sentía un deseo extremado de aprender a distinguir lo verdadero de lo falso, para ver claro en mis actos y andar seguro por esta vida.
Il est vrai que pendant que je ne faisois que considérer les mœurs des autres hommes, je n′y trouvois guère de quoi m′assurer, et que j′y remarquois quasi autant de diversité que j′avois fait auparavant entre les opinions des philosophes. En sorte que le plus grand profit que j′en retirois étoit que, voyant plusieurs choses qui, bien qu′elles nous semblent fort extravagantes et ridicules, ne laissent pas d′être communément reçues et approuvées par d′autres grands peuples, j′apprenois à ne rien croire trop fermement de ce qui ne m′avoit été persuadé que par l′exemple et par la coutume : et ainsi je me délivrois peu à peu de beaucoup d′erreurs qui peuvent offusquer notre lumière naturelle, et nous rendre moins capables d′entendre raison. Mais, après que j′eus employé quelques années à étudier ainsi dans le livre du monde, et à tâcher d′acquérir quelque expérience, je pris un jour résolution d′étudier aussi en moi-même, et d′employer toutes les forces de mon esprit à choisir les chemins que je devois suivre ; ce qui me réussit beaucoup mieux, ce me semble, que si je ne me fusse jamais éloigné ni de mon pays ni de mes livres. Es cierto que, mientras me limitaba a considerar las costumbres de los otros hombres, apenas hallaba cosa segura y firme, y advertía casi tanta diversidad como antes en las opiniones de los filósofos. De suerte que el mayor provecho que obtenía, era que, viendo varias cosas que, a pesar de parecernos muy extravagantes y ridículas, no dejan de ser admitidas comúnmente y aprobadas por otros grandes pueblos, aprendía a no creer con demasiada firmeza en lo que sólo el ejemplo y la costumbre me habían persuadido; y así me libraba poco a poco de muchos errores, que pueden oscurecer nuestra luz natural y tornarnos menos aptos para escuchar la voz de la razón. Mas cuando hube pasado varios años estudiando en el libro del mundo y tratando de adquirir alguna experiencia, resolvíme un día a estudiar también en mí mismo y a emplear todas las fuerzas de mi ingenio en la elección de la senda que debía seguir; lo cual me salió mucho mejor, según creo, que si no me hubiese nunca alejado de mi tierra y de mis libros.






SECONDE PARTIE

 

Segunda parte

J′étois alors en Allemagne, où l′occasion des guerres qui n′y sont pas encore finies m′avoit appelé ; et comme je retournois du couronnement de l′empereur vers l′armée, le commencement de l′hiver m′arrêta en un quartier où, ne trouvant aucune conversation qui me divertît, et n′ayant d′ailleurs, par bonheur, aucuns soins ni passions qui me troublassent, je demeurois tout le jour enfermé seul dans un poêle, où j′avois tout le loisir de m′entretenir de mes pensées. Entre lesquelles l′une des premières fut que je m′avisai de considérer que souvent il n′y a pas tant de perfection dans les ouvrages composés de plusieurs pièces, et faits de la main de divers maîtres, qu′en ceux auxquels un seul a travaillé. Ainsi voit-on que les bâtiments qu′un seul architecte a entrepris et achevés ont coutume d′être plus beaux et mieux ordonnés que ceux que plusieurs ont tâché de raccommoder, en faisant servir de vieilles murailles qui avoient été bâties à d′autres fins. Ainsi ces anciennes cités qui, n′ayant été au commencement que des bourgades, sont devenues par succession de temps de grandes villes, sont ordinairement si mal compassées, au prix de ces places régulières qu′un ingénieur trace à sa fantaisie dans une plaine, qu′encore que, considérant leurs édifices chacun à part, on y trouve souvent autant ou plus d′art qu′en ceux des autres, toutefois, à voir comme ils sont arrangés, ici un grand, là un petit, et comme ils rendent les rues courbées et inégales, on diroit que c′est plutôt la fortune que la volonté de quelques hommes usants de raison, qui les a ainsi disposés. Et si on considère qu′il y a eu néanmoins de tout temps quelques officiers qui ont eu charge de prendre garde aux bâtiments des particuliers, pour les faire servir à l′ornement du public, on connoîtra bien qu′il est malaisé, en ne travaillant que sur les ouvrages d′autrui, de faire des choses fort accomplies. Ainsi je m′imaginai que les peuples qui, ayant été autrefois demi-sauvages, et ne s′étant civilisés que peu à peu, n′ont fait leurs lois qu′à mesure que l′incommodité des crimes et des querelles les y a contraints, ne sauroient être si bien policés que ceux qui, dès le commencement qu′ils se sont assemblés, ont observé les constitutions de quelque prudent législateur. Comme il est bien certain que l′état de la vraie religion, dont Dieu seul a fait les ordonnances, doit être incomparablement mieux réglé que tous les autres. Et, pour parler des choses humaines, je crois que si Sparte a été autrefois très florissante, ce n′a pas été à cause de la bonté de chacune de ses lois en particulier, vu que plusieurs étoient fort étranges, et même contraires aux bonnes mœurs ; mais à cause que, n′ayant été inventées que par un seul, elles tendoient toutes à même fin. Et ainsi je pensai que les sciences des livres, au moins celles dont les raisons ne sont que probables, et qui n′ont aucunes démonstrations, s′étant composées et grossies peu à peu des opinions de plusieurs diverses personnes, ne sont point si approchantes de la vérité que les simples raisonnements que peut faire naturellement un homme de bon sens touchant les choses qui se présentent. Et ainsi encore je pensai que pourceque nous avons tous été enfants avant que d′être hommes, et qu′il nous a fallu long-temps être gouvernés par nos appétits et nos précepteurs, qui étoient souvent contraires les uns aux autres, et qui, ni les uns ni les autres, ne nous conseilloient peut-être pas toujours le meilleur, il est presque impossible que nos jugements soient si purs ni si solides qu′ils auroient été si nous avions eu l′usage entier de notre raison dès le point de notre naissance, et que nous n′eussions jamais été conduits que par elle. Hallábame, por entonces, en Alemania, adonde me llamara la ocasión de unas guerras que aun no han terminado; y volviendo de la coronación del Emperador hacia el ejército, cogióme el comienzo del invierno en un lugar en donde, no encontrando conversación alguna que me divirtiera y no teniendo tampoco, por fortuna, cuidados ni pasiones que perturbaran mi ánimo, permanecía el día entero solo y encerrado, junto a una estufa, con toda la tranquilidad necesaria para entregarme a mis pensamientos . Entre los cuales, fue uno de los primeros el ocurrírseme considerar que muchas veces sucede que no hay tanta perfección en las obras compuestas de varios trozos y hechas por las manos de muchos maestros, como en aquellas en que uno solo ha trabajado. Así vemos que los edificios, que un solo arquitecto ha comenzado y rematado, suelen ser más hermosos y mejor ordenados que aquellos otros, que varios han tratado de componer y arreglar, utilizando antiguos muros, construidos para otros fines. Esas viejas ciudades, que no fueron al principio sino aldeas, y que, con el transcurso del tiempo han llegado a ser grandes urbes, están, por lo común, muy mal trazadas y acompasadas, si las comparamos con esas otras plazas regulares que un ingeniero diseña, según su fantasía, en una llanura; y, aunque considerando sus edificios uno por uno encontremos a menudo en ellos tanto o más arte que en los de estas últimas ciudades nuevas, sin embargo, viendo cómo están arreglados, aquí uno grande, allá otro pequeño, y cómo hacen las calles curvas y desiguales, diríase que más bien es la fortuna que la voluntad de unos hombres provistos de razón, la que los ha dispuesto de esa suerte. Y si se considera que, sin embargo, siempre ha habido unos oficiales encargados de cuidar de que los edificios de los particulares sirvan al ornato público, bien se reconocerá cuán difícil es hacer cumplidamente las cosas cuando se trabaja sobre lo hecho por otros. Así también, imaginaba yo que esos pueblos que fueron antaño medio salvajes y han ido civilizándose poco a poco, haciendo sus leyes conforme les iba obligando la incomodidad de los crímenes y peleas, no pueden estar tan bien constituidos como los que, desde que se juntaron, han venido observando las constituciones de algún prudente legislador . Como también es muy cierto, que el estado de la verdadera religión, cuyas ordenanzas Dios solo ha instituido, debe estar incomparablemente mejor arreglado que todos los demás. Y para hablar de las cosas humanas, creo que si Esparta ha sido antaño muy floreciente, no fue por causa de la bondad de cada una de sus leyes en particular, que algunas eran muy extrañas y hasta contrarias a las buenas costumbres, sino porque, habiendo sido inventadas por uno solo, todas tendían al mismo fin. Y así pensé yo que las ciencias de los libros, por lo menos aquellas cuyas razones son solo probables y carecen de demostraciones, habiéndose compuesto y aumentado poco a poco con las opiniones de varias personas diferentes, no son tan próximas a la verdad como los simples razonamientos que un hombre de buen sentido puede hacer, naturalmente, acerca de las cosas que se presentan. Y también pensaba yo que, como hemos sido todos nosotros niños antes de ser hombres y hemos tenido que dejarnos regir durante mucho tiempo por nuestros apetitos y nuestros preceptores, que muchas veces eran contrarios unos a otros, y ni unos ni otros nos aconsejaban acaso siempre lo mejor, es casi imposible que sean nuestros juicios tan puros y tan sólidos como lo fueran si, desde el momento de nacer, tuviéramos el uso pleno de nuestra razón y no hubiéramos sido nunca dirigidos más que por ésta.
Il est vrai que nous ne voyons point qu′on jette par terre toutes les maisons d′une ville pour le seul dessein de les refaire d′autre façon et d′en rendre les rues plus belles ; mais on voit bien que plusieurs font abattre les leurs, pour les rebâtir, et que même quelquefois ils y sont contraints, quand elles sont en danger de tomber d′elles-mêmes, et que les fondements n′en sont pas bien fermes. À l′exemple de quoi je me persuadai qu′il n′y auroit véritablement point d′apparence qu′un particulier fît dessein de réformer un état, en y changeant tout dès les fondements, et en le renversant pour le redresser ; ni même aussi de réformer le corps des sciences, ou l′ordre établi dans les écoles pour les enseigner : mais que, pour toutes les opinions que j′avois reçues jusques alors en ma créance, je ne pouvois mieux faire que d′entreprendre une bonne fois de les en ôter, afin d′y en remettre par après ou d′autres meilleures, ou bien les mêmes lorsque je les aurois ajustées au niveau de la raison. Et je crus fermement que par ce moyen je réussirois à conduire ma vie beaucoup mieux que si je ne bâtissois que sur de vieux fondements, et que je ne m′appuyasse que sur les principes que je m′étois laissé persuader en ma jeunesse, sans avoir jamais examiné s′ils étoient vrais. Car, bien que je remarquasse en ceci diverses difficultés, elles n′étoient point toutefois sans remède, ni comparables à celles qui se trouvent en la réformation des moindres choses qui touchent le public. Ces grands corps sont trop malaisés à relever étant abattus, ou même à retenir étant ébranlés, et leurs chutes ne peuvent être que très rudes. Puis, pour leurs imperfections, s′ils en ont, comme la seule diversité qui est entre eux suffit pour assurer que plusieurs en ont, l′usage les a sans doute fort adoucies, et même il en a évité ou corrigé insensiblement quantité, auxquelles on ne pourroit si bien pourvoir par prudence ; et enfin elles sont quasi toujours plus supportables que ne seroit leur changement ; en même façon que les grands chemins, qui tournoient entre des montagnes, deviennent peu à peu si unis et si commodes, à force d′être fréquentés, qu′il est beaucoup meilleur de les suivre, que d′entreprendre d′aller plus droit, en grimpant au-dessus des rochers et descendant jusques aux bas des précipices. Verdad es que no vemos que se derriben todas las casas de una ciudad con el único propósito de reconstruirlas en otra manera y de hacer más hermosas las calles; pero vemos que muchos particulares mandan echar abajo sus viviendas para reedificarlas y, muchas veces, son forzados a ello, cuando los edificios están en peligro de caerse, por no ser ya muy firmes los cimientos. Ante cuyo ejemplo, llegué a persuadirme de que no sería en verdad sensato que un particular se propusiera reformar un Estado cambiándolo todo, desde los cimientos, y derribándolo para enderezarlo; ni aun siquiera reformar el cuerpo de las ciencias o el orden establecido en las escuelas para su enseñanza; pero que, por lo que toca a las opiniones, a que hasta entonces había dado mi crédito, no podía yo hacer nada mejor que emprender de una vez la labor de suprimirlas, para sustituirlas luego por otras mejores o por las mismas, cuando las hubiere ajustado al nivel de la razón. Y tuve firmemente por cierto que, por este medio, conseguiría dirigir mi vida mucho mejor que si me contentase con edificar sobre cimientos viejos y me apoyase solamente en los principios que había aprendido siendo joven, sin haber examinado nunca si eran o no verdaderos. Pues si bien en esta empresa veía varias dificultades, no eran, empero, de las que no tienen remedio; ni pueden compararse con las que hay en la reforma de las menores cosas que atañen a lo público. Estos grandes cuerpos políticos, es muy difícil levantarlos, una vez que han sido derribados, o aun sostenerlos en pie cuando se tambalean, y sus caídas son necesariamente muy duras. Además, en lo tocante a sus imperfecciones, si las tienen -y sólo la diversidad que existe entre ellos basta para asegurar que varios las tienen -, el uso las ha suavizado mucho sin duda, y hasta ha evitado o corregido insensiblemente no pocas de entre ellas, que con la prudencia no hubieran podido remediarse tan eficazmente; y por último, son casi siempre más soportables que lo sería el cambiarlas, como los caminos reales, que serpentean por las montañas, se hacen poco a poco tan llanos y cómodos, por, el mucho tránsito, que es muy preferible seguirlos, que no meterse en acortar, saltando por encima de las rocas y bajando hasta el fondo de las simas.
C′est pourquoi je ne saurois aucunement approuver ces humeurs brouillonnes et inquiètes, qui, n′étant appelées ni par leur naissance ni par leur fortune au maniement des affaires publiques, ne laissent pas d′y faire toujours en idée quelque nouvelle réformation ; et si je pensois qu′il y eût la moindre chose en cet écrit par laquelle on me pût soupçonner de cette folie, je serois très marri de souffrir qu′il fût publié. Jamais mon dessein ne s′est étendu plus avant que de tâcher à réformer mes propres pensées, et de bâtir dans un fonds qui est tout à moi. Que si mon ouvrage m′ayant assez plu, je vous en fais voir ici le modèle, ce n′est pas, pour cela, que je veuille conseiller à personne de l′imiter. Ceux que Dieu a mieux partagés de ses grâces auront peut-être des desseins plus relevés ; mais je crains bien que celui-ci ne soit déjà que trop hardi pour plusieurs. La seule résolution de se défaire de toutes les opinions qu′on a reçues auparavant en sa créance n′est pas un exemple que chacun doive suivre. Et le monde n′est quasi composé que de deux sortes d′esprits auxquels il ne convient aucunement : à savoir de ceux qui, se croyant plus habiles qu′ils ne sont, ne se peuvent empêcher de précipiter leurs jugements, ni avoir assez de patience pour conduire par ordre toutes leurs pensées, d′où vient que, s′ils avoient une fois pris la liberté de douter des principes qu′ils ont reçus, et de s′écarter du chemin commun, jamais ils ne pourroient tenir le sentier qu′il faut prendre pour aller plus droit, et demeureroient égarés toute leur vie ; puis de ceux qui, ayant assez de raison ou de modestie pour juger qu′ils sont moins capables de distinguer le vrai d′avec le faux que quelques autres par lesquels ils peuvent être instruits, doivent bien plutôt se contenter de suivre les opinions de ces autres, qu′en chercher eux-mêmes de meilleures. Por todo esto, no puedo en modo alguno aplaudir a esos hombres de carácter inquieto y atropellado que, sin ser llamados ni por su alcurnia ni por su fortuna al manejo de los negocios públicos, no dejan de hacer siempre, en idea, alguna reforma nueva; y si creyera que hay en este escrito la menor cosa que pudiera hacerme sospechoso de semejante insensatez, no hubiera consentido en su publicación . Mis designios no han sido nunca otros que tratar de reformar mis propios pensamientos y edificar sobre un terreno que me pertenece a mí solo. Si, habiéndome gustado bastante mi obra, os enseño aquí el modelo, no significa esto que quiera yo aconsejar a nadie que me imite. Los que hayan recibido de Dios mejores y más abundantes mercedes, tendrán, sin duda, más levantados propósitos; pero mucho me temo que éste mío no sea ya demasiado audaz para algunas personas. Ya la mera resolución de deshacerse de todas las opiniones recibidas anteriormente no es un ejemplo que todos deban seguir. Y el mundo se compone casi sólo de dos especies de ingenios, a quienes este ejemplo no conviene, en modo alguno, y son, a saber: de los que, creyéndose más hábiles de lo que son, no pueden contener la precipitación de sus juicios ni conservar la bastante paciencia para conducir ordenadamente todos sus pensamientos; por donde sucede que, si una vez se hubiesen tomado la libertad de dudar de los principios que han recibido y de apartarse del camino común, nunca podrán mantenerse en la senda que hay que seguir para ir más en derechura, y permanecerán extraviados toda su vida; y de otros que, poseyendo bastante razón o modestia para juzgar que son menos capaces de distinguir lo verdadero de lo falso que otras personas, de quienes pueden recibir instrucción, deben más bien contentarse con seguir las opiniones de esas personas, que buscar por sí mismos otras mejores.
Et pour moi j′aurois été sans doute du nombre de ces derniers, si je n′avois jamais eu qu′un seul maître, ou que je n′eusse point su les différences qui ont été de tout temps entre les opinions des plus doctes. Mais ayant appris dès le collége qu′on ne sauroit rien imaginer de si étranger et si peu croyable, qu′il n′ait été dit par quelqu′un des philosophes ; et depuis, en voyageant, ayant reconnu que tous ceux qui ont des sentiments fort contraires aux nôtres ne sont pas pour cela barbares ni sauvages, mais que plusieurs usent autant ou plus que nous de raison ; et ayant considéré combien un même homme, avec son même esprit, étant nourri dès son enfance entre des Français ou des Allemands, devient différent de ce qu′il seroit s′il avoit toujours vécu entre des Chinois ou des cannibales, et comment, jusques aux modes de nos habits, la même chose qui nous a plu il y a dix ans, et qui nous plaira peut-être encore avant dix ans, nous semble maintenant extravagante et ridicule ; en sorte que c′est bien plus la coutume et l′exemple qui nous persuade, qu′aucune connoissance certaine ; et que néanmoins la pluralité des voix n′est pas une preuve qui vaille rien, pour les vérités un peu malaisées à découvrir, à cause qu′il est bien plus vraisemblable qu′un homme seul les ait rencontrées que tout un peuple ; je ne pouvois choisir personne dont les opinions me semblassent devoir être préférées à celles des autres, et je me trouvai comme contraint d′entreprendre moi-même de me conduire. Y yo hubiera sido, sin duda, de esta última especie de ingenios, si no hubiese tenido en mi vida más que un solo maestro o no hubiese sabido cuán diferentes han sido, en todo tiempo, las opiniones de los más doctos. Mas, habiendo aprendido en el colegio que no se puede imaginar nada, por extraño e increíble que sea, que no haya sido dicho por alguno de los filósofos, y habiendo visto luego, en mis viajes, que no todos los que piensan de modo contrario al nuestro son por ello bárbaros y salvajes, sino que muchos hacen tanto o más uso que nosotros de la razón; y habiendo considerado que un mismo hombre, con su mismo ingenio, si se ha criado desde niño entre franceses o alemanes, llega a ser muy diferente de lo que sería si hubiese vivido siempre entre chinos o caníbales; y que hasta en las modas de nuestros trajes, lo que nos ha gustado hace diez años, y acaso vuelva a gustarnos dentro de otros diez, nos parece hoy extravagante y ridículo, de suerte que más son la costumbre y el ejemplo los que nos persuaden, que un conocimiento cierto; y que, sin embargo, la multitud de votos no es una prueba que valga para las verdades algo difíciles de descubrir, porque más verosímil es que un hombre solo dé con ellas que no todo un pueblo, no podía yo elegir a una persona, cuyas opiniones me parecieran preferibles a las de las demás, y me vi como obligado a emprender por mí mismo la tarea de conducirme.
Mais, comme un homme qui marche seul, et dans les ténèbres, je me résolus d′aller si lentement et d′user de tant de circonspection en toutes choses, que si je n′avançois que fort peu, je me garderois bien au moins de tomber. Même je ne voulus point commencer à rejeter tout-à-fait aucune des opinions qui s′étoient pu glisser autrefois en ma créance sans y avoir été introduites par la raison, que je n′eusse auparavant employé assez de temps à faire le projet de l′ouvrage que j′entreprenois, et à chercher la vraie méthode pour parvenir à la connoissance de toutes les choses dont mon esprit seroit capable. Pero como hombre que tiene que andar solo y en la oscuridad, resolví ir tan despacio y emplear tanta circunspección en todo, que, a trueque de adelantar poco, me guardaría al menos muy bien de tropezar y caer. E incluso no quise empezar a deshacerme por completo de ninguna de las opiniones que pudieron antaño deslizarse en mi creencia, sin haber sido introducidas por la razón, hasta después de pasar buen tiempo dedicado al proyecto de la obra que iba a emprender, buscando el verdadero método para llegar al conocimiento de todas las cosas de que mi espíritu fuera capaz.
J′avois un peu étudié, étant plus jeune, entre les parties de la philosophie, à la logique, et, entre les mathématiques, à l′analyse des géomètres et à l′algèbre, trois arts ou sciences qui sembloient devoir contribuer quelque chose à mon dessein. Mais, en les examinant, je pris garde que, pour la logique, ses syllogismes et la plupart de ses autres instructions servent plutôt à expliquer à autrui les choses qu′on sait, ou même, comme l′art de Lulle, à parler sans jugement de celles qu′on ignore, qu′à les apprendre ; et bien qu′elle contienne en effet beaucoup de préceptes très vrais et très bons, il y en a toutefois tant d′autres mêlés parmi, qui sont ou nuisibles ou superflus, qu′il est presque aussi malaisé de les en séparer, que de tirer une Diane ou une Minerve hors d′un bloc de marbre qui n′est point encore ébauché. Puis, pour l′analyse des anciens et l′algèbre des modernes, outre qu′elles ne s′étendent qu′à des matières fort abstraites, et qui ne semblent d′aucun usage, la première est toujours si astreinte à la considération des figures, qu′elle ne peut exercer l′entendement sans fatiguer beaucoup l′imagination ; et on s′est tellement assujetti en la dernière à certaines règles et à certains chiffres, qu′on en a fait un art confus et obscur qui embarrasse l′esprit, au lieu d′une science qui le cultive. Ce qui fut cause que je pensai qu′il falloit chercher quelque autre méthode, qui, comprenant les avantages de ces trois, fût exempte de leurs défauts. Et comme la multitude des lois fournit souvent des excuses aux vices, en sorte qu′un état est bien mieux réglé lorsque, n′en ayant que fort peu, elles y sont fort étroitement observées ; ainsi, au lieu de ce grand nombre de préceptes dont la logique est composée, je crus que j′aurois assez des quatre suivants, pourvu que je prisse une ferme et constante résolution de ne manquer par une seule fois à les observer. Había estudiado un poco, cuando era más joven, de las partes de la filosofía, la lógica, y de las matemáticas, el análisis de los geómetras y el álgebra, tres artes o ciencias que debían, al parecer, contribuir algo a mi propósito. Pero cuando las examiné, hube de notar que, en lo tocante a la lógica, sus silogismos y la mayor parte de las demás instrucciones que da, más sirven para explicar a otros las cosas ya sabidas o incluso, como el arte de Llull , para hablar sin juicio de las ignoradas, que para aprenderlas. Y si bien contiene, en verdad, muchos, muy buenos y verdaderos preceptos, hay, sin embargo, mezclados con ellos, tantos otros nocivos o superfluos, que separarlos es casi tan difícil como sacar una Diana o una Minerva de un bloque de mármol sin desbastar. Luego, en lo tocante al análisis de los antiguos y al álgebra de los modernos, aparte de que no se refieren sino a muy abstractas materias, que no parecen ser de ningún uso, el primero está siempre tan constreñido a considerar las figuras, que no puede ejercitar el entendimiento sin cansar grandemente la imaginación; y en la segunda, tanto se han sujetado sus cultivadores a ciertas reglas y a ciertas cifras, que han hecho de ella un arte confuso y oscuro, bueno para enredar el ingenio, en lugar de una ciencia que lo cultive. Por todo lo cual, pensé que había que buscar algún otro método que juntase las ventajas de esos tres, excluyendo sus defectos. Y como la multitud de leyes sirve muy a menudo de disculpa a los vicios, siendo un Estado mucho mejor regido cuando hay pocas, pero muy estrictamente observadas, así también, en lugar del gran número de preceptos que encierra la lógica, creí que me bastarían los cuatro siguientes, supuesto que tomase una firme y constante resolución de no dejar de observarlos una vez siquiera:
Le premier étoit de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle ; c′est-à-dire, d′éviter soigneusement la précipitation et la prévention, et de ne comprendre rien de plus en mes jugements que ce qui se présenteroit si clairement et si distinctement à mon esprit, que je n′eusse aucune occasion de le mettre en doute. Fue el primero, no admitir como verdadera cosa alguna, como no supiese con evidencia que lo es; es decir, evitar cuidadosamente la precipitación y la prevención, y no comprender en mis juicios nada más que lo que se presentase tan clara y distintamente a mí espíritu, que no hubiese ninguna ocasión de ponerlo en duda.
Le second, de diviser chacune des difficultés que j′examinerois, en autant de parcelles qu′il se pourroit, et qu′il seroit requis pour les mieux résoudre. El segundo, dividir cada una de las dificultades, que examinare, en cuantas partes fuere posible y en cuantas requiriese su mejor solución.
Le troisième, de conduire par ordre mes pensées, en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connoître, pour monter peu à peu comme par degrés jusques à la connoissance des plus composés, et supposant même de l′ordre entre ceux qui ne se précèdent point naturellement les uns les autres. El tercero, conducir ordenadamente mis pensamientos, empezando por los objetos más simples y más fáciles de conocer, para ir ascendiendo poco a poco, gradualmente, hasta el conocimiento de los más compuestos, e incluso suponiendo un orden entre los que no se preceden naturalmente.
Et le dernier, de faire partout des dénombrements si entiers et des revues si générales, que je fusse assuré de ne rien omettre. Y el último, hacer en todo unos recuentos tan integrales y unas revisiones tan generales, que llegase a estar seguro de no omitir nada.
Ces longues chaînes de raisons, toutes simples et faciles, dont les géomètres ont coutume de se servir pour parvenir à leurs plus difficiles démonstrations, m′avoient donné occasion de m′imaginer que toutes les choses qui peuvent tomber sous la connoissance des hommes s′entresuivent en même façon, et que, pourvu seulement qu′on s′abstienne d′en recevoir aucune pour vraie qui ne le soit, et qu′on garde toujours l′ordre qu′il faut pour les déduire les unes des autres, il n′y en peut avoir de si éloignées auxquelles enfin on ne parvienne, ni de si cachées qu′on ne découvre. Et je ne fus pas beaucoup en peine de chercher par lesquelles il étoit besoin de commencer : car je savois déjà que c′étoit par les plus simples et les plus aisées à connoître ; et, considérant qu′entre tous ceux qui ont ci-devant recherché la vérité dans les sciences, il n′y a eu que les seuls mathématiciens qui ont pu trouver quelques démonstrations, c′est-à-dire quelques raisons certaines et évidentes, je ne doutois point que ce ne fût par les mêmes qu′ils ont examinées ; bien que je n′en espérasse aucune autre utilité, sinon qu′elles accoutumeroient mon esprit à se repaître de vérites, et ne se contenter point de fausses raisons. Mais je n′eus pas dessein pour cela de tâcher d′apprendre toutes ces sciences particulières qu′on nomme communément mathématiques ; et voyant qu′encore que leurs objets soient différents, elle ne laissent pas de s′accorder toutes, en ce qu′elles n′y considèrent autre chose que les divers rapports ou proportions qui s′y trouvent, je pensai qu′il valoit mieux que j′examinasse seulement ces proportions en général, et sans les supposer que dans les sujets qui serviroient à m′en rendre connoissance plus aisée, même aussi sans les y astreindre aucunement, afin de les pouvoir d′autant mieux appliquer après à tous les autres auxquels elles conviendroient. Puis, ayant pris garde que pour les connoître j′aurois quelquefois besoin de les considérer chacune en particulier, et quelquefois seulement de les retenir, ou de les comprendre plusieurs ensemble, je pensai que, pour les considérer mieux en particulier, je les devois supposer en des lignes, à cause que je ne trouvois rien de plus simple, ni que je pusse plus distinctement représenter à mon imagination et à mes sens ; mais que, pour les retenir, ou les comprendre plusieurs ensemble, il falloit que je les expliquasse par quelques chiffres les plus courts qu′il seroit possible ; et que, par ce moyen, j′emprunterois tout le meilleur de l′analyse géométrique et de l′algèbre, et corrigerois tous les défauts de l′une par l′autre. Esas largas series de trabadas razones muy simples y fáciles, que los geómetras acostumbran emplear, para llegar a sus más difíciles demostraciones, habíanme dado ocasión de imaginar que todas las cosas, de que el hombre puede adquirir conocimiento, se siguen unas a otras en igual manera, y que, con sólo abstenerse de admitir como verdadera una que no lo sea y guardar siempre el orden necesario para deducirlas unas de otras, no puede haber ninguna, por lejos que se halle situada o por oculta que esté, que no se llegue a alcanzar y descubrir. Y no me cansé mucho en buscar por cuáles era preciso comenzar, pues ya sabía que por las más simples y fáciles de conocer; y considerando que, entre todos los que hasta ahora han investigado la verdad en las ciencias, sólo los matemáticos han podido encontrar algunas demostraciones, esto es, algunas razones ciertas y evidentes, no dudaba de que había que empezar por las mismas que ellos han examinado, aun cuando no esperaba sacar de aquí ninguna otra utilidad, sino acostumbrar mi espíritu a saciarse de verdades y a no contentarse con falsas razones. Mas no por eso concebí el propósito de procurar aprender todas las ciencias particulares denominadas comúnmente matemáticas, y viendo que, aunque sus objetos son diferentes, todas, sin embargo, coinciden en que no consideran sino las varias relaciones o proporciones que se encuentran en los tales objetos, pensé que más valía limitarse a examinar esas proporciones en general, suponiéndolas solo en aquellos asuntos que sirviesen para hacerme más fácil su conocimiento y hasta no sujetándolas a ellos de ninguna manera, para poder después aplicarlas tanto más libremente a todos los demás a que pudieran convenir . Luego advertí que, para conocerlas, tendría a veces necesidad de considerar cada una de ellas en particular, y otras veces, tan solo retener o comprender varias juntas, y pensé que, para considerarlas mejor en particular, debía suponerlas en líneas, porque no encontraba nada más simple y que más distintamente pudiera yo representar a mi imaginación y mis sentidos; pero que, para retener o comprender varias juntas, era necesario que las explicase en algunas cifras, las más cortas que fuera posible; y que, por este medio, tomaba lo mejor que hay en el análisis geométrico y en el álgebra, y corregía así todos los defectos de una por el otro .
Comme en effet j′ose dire que l′exacte observation de ce peu de préceptes que j′avois choisis me donna telle facilité à démêler toutes les questions auxquelles ces deux sciences s′étendent, qu′en deux ou trois mois que j′employai à les examiner, ayant commencé par les plus simples et plus générales, et chaque vérité que je trouvois étant une règle qui me servoit après à en trouver d′autres, non seulement je vins à bout de plusieurs que j′avois jugées autrefois très difficiles, mais il me sembla aussi vers la fin que je pouvois déterminer, en celles même que j′ignorois, par quels moyens et jusqu′où il étoit possible de les résoudre. En quoi je ne vous paroîtrai peut-être pas être fort vain, si vous considérez que, n′y ayant qu′une vérité de chaque chose, quiconque la trouve en sait autant qu′on en peut savoir ; et que, par exemple, un enfant instruit en l′arithmétique, ayant fait une addition suivant ses règles, se peut assurer d′avoir trouvé, touchant la somme qu′il examinoit, tout ce que l′esprit humain sauroit trouver : car enfin la méthode qui enseigne à suivre le vrai ordre, et à dénombrer exactement toutes les circonstances de ce qu′on cherche, contient tout ce qui donne de la certitude aux règles d′arithmétique. Y, efectivamente, me atrevo a decir que la exacta observación de los pocos preceptos por mí elegidos, me dio tanta facilidad para desenmarañar todas las cuestiones de que tratan esas dos ciencias, que en dos o tres meses que empleé en examinarlas, habiendo comenzado por las más simples y generales, y siendo cada verdad que encontraba una regla que me servía luego para encontrar otras, no sólo conseguí resolver varias cuestiones, que antes había considerado como muy difíciles, sino que hasta me pareció también, hacia el final, que, incluso en las que ignoraba, podría determinar por qué medios y hasta dónde era posible resolverlas. En lo cual, acaso no me acusaréis de excesiva vanidad si consideráis que, supuesto que no hay sino una verdad en cada cosa, el que la encuentra sabe todo lo que se puede saber de ella; y que, por ejemplo, un niño que sabe aritmética y hace una suma conforme a las reglas, puede estar seguro de haber hallado, acerca de la suma que examinaba, todo cuanto el humano ingenio pueda hallar; porque al fin y al cabo el método que enseña a seguir el orden verdadero y a recontar exactamente las circunstancias todas de lo que se busca, contiene todo lo que confiere certidumbre a las reglas de la aritmética.
Mais ce qui me contentoit le plus de cette méthode étoit que par elle j′étois assuré d′user en tout de ma raison, sinon parfaitement, au moins le mieux qui fût en mon pouvoir : outre que je sentois, en la pratiquant, que mon esprit s′accoutumoit peu à peu à concevoir plus nettement et plus distinctement ses objets ; et que, ne l′ayant point assujettie à aucune matière particulière, je me promettois de l′appliquer aussi utilement aux difficultés des autres sciences que j′avois fait à celles de l′algèbre. Non que pour cela j′osasse entreprendre d′abord d′examiner toutes celles qui se présenteroient, car cela même eût été contraire à l′ordre qu′elle prescrit : mais, ayant pris garde que leurs principes devoient tous être empruntés de la philosophie, en laquelle je n′en trouvois point encore de certains, je pensai qu′il falloit avant tout que je tâchasse d′y en établir ; et que, cela étant la chose du monde la plus importante, et où la précipitation et la prévention étoient le plus à craindre, je ne devois point entreprendre d′en venir à bout que je n′eusse atteint un âge bien plus mûr que celui de vingt-trois ans que j′avois alors, et que je n′eusse auparavant employé beaucoup de temps à m′y préparer, tant en déracinant de mon esprit toutes les mauvaises opinions que j′y avois reçues avant ce temps-là, qu′en faisant amas de plusieurs expériences, pour être après la matière de mes raisonnements, et en m′exerçant toujours en la méthode que je m′étois prescrite, afin de m′y affermir de plus en plus. Pero lo que más contento me daba en este método era que, con él, tenía la seguridad de emplear mi razón en todo, si no perfectamente, por lo menos lo mejor que fuera en mi poder. Sin contar con que, aplicándolo, sentía que mi espíritu se iba acostumbrando poco a poco a concebir los objetos con mayor claridad y distinción y que, no habiéndolo sujetado a ninguna materia particular, prometíame aplicarlo con igual fruto a las dificultades de las otras ciencias, como lo había hecho a las del álgebra. No por eso me atreví a empezar luego a examinar todas las que se presentaban, pues eso mismo fuera contrario al orden que el método prescribe; pero habiendo advertido que los principios de las ciencias tenían que estar todos tomados de la filosofía, en la que aun no hallaba ninguno que fuera cierto, pensé que ante todo era preciso procurar establecer algunos de esta clase y, siendo esto la cosa más importante del mundo y en la que son más de temer la precipitación y la prevención, creí que no debía acometer la empresa antes de haber llegado a más madura edad que la de veintitrés años, que entonces tenía, y de haber dedicado buen espacio de tiempo a prepararme, desarraigando de mi espíritu todas las malas opiniones a que había dado entrada antes de aquel tiempo, haciendo también acopio de experiencias varias, que fueran después la materia de mis razonamientos y, por último, ejercitándome sin cesar en el método que me había prescrito, para afianzarlo mejor en mi espíritu.






TROISIÈME PARTIE

Tercera parte

Et enfin, comme ce n′est pas assez, avant de commencer à rebâtir le logis où on demeure, que de l′abattre, et de faire provision de matériaux et d′architectes, ou s′exercer soi-même à l′architecture, et outre cela d′en avoir soigneusement tracé de dessin, mais qu′il faut aussi s′être pourvu de quelque autre où on puisse être logé commodément pendant le temps qu′on y travaillera ; ainsi, afin que je ne demeurasse point irrésolu en mes actions, pendant que la raison m′obligeroit de l′être en mes jugements, et que je ne laissasse pas de vivre dès lors le plus heureusement que je pourrois, je me formai une morale par provision, qui ne consistoit qu′en trois ou quatre maximes dont je veux bien vous faire part. Por último, como para empezar a reconstruir el alojamiento en donde uno habita, no basta haberlo derribado y haber hecho acopio de materiales y de arquitectos, o haberse ejercitado uno mismo en la arquitectura y haber trazado además cuidadosamente el diseño del nuevo edificio, sino que también hay que proveerse de alguna otra habitación, en donde pasar cómodamente el tiempo que dure el trabajo, así, pues, con el fin de no permanecer irresoluto en mis acciones, mientras la razón me obligaba a serlo en mis juicios, y no dejar de vivir, desde luego, con la mejor ventura que pudiese, hube de arreglarme una moral provisional , que no consistía sino en tres o cuatro máximas, que con mucho gusto voy a comunicaros.
La première étoit d′obéir aux lois et aux coutumes de mon pays, retenant constamment la reli- gion en laquelle Dieu m′a fait la grâce d′être instruit dès mon enfance, et me gouvernant en toute autre chose suivant les opinions les plus modérées et les plus éloignées de l′excès qui fussent communément reçues en pratique par les mieux sensés de ceux avec lesquels j′aurois à vivre. Car, commençant dès lors à ne compter pour rien les miennes propres, à cause que je les voulois remettre toutes à l′examen, j′étois assuré de ne pouvoir mieux que de suivre celles des mieux sensés. Et encore qu′il y en ait peut-être d′aussi bien sensés parmi les Perses ou les Chinois que parmi nous, il me sembloit que le plus utile étoit de me régler selon ceux avec lesquels j′aurois à vivre ; et que, pour savoir quelles étoient véritablement leurs opinions, je devois plutôt prendre garde à ce qu′ils pratiquoient qu′à ce qu′ils disoient, non seulement à cause qu′en la corruption de nos mœurs il y a peu de gens qui veuillent dire tout ce qu′ils croient, mais aussi à cause que plusieurs l′ignorent eux-mêmes ; car l′action de la pensée par laquelles on croit une chose étant différente de celle par laquelle on connoît qu′on la croit, elles sont souvent l′une sans l′autre. Et, entre plusieurs opinions également reçues, je ne choisissois que les plus modérées, tant à cause que ce sont toujours les plus commodes pour la pratique, et vraisemblablement les meilleures, tous exces ayant coutume d′être mauvais, comme aussi afin de me détourner moins du vrai chemin, en cas que je faillisse, que si, ayant choisi l′un des extrêmes, c′eût été l′autre qu′il eût fallu suivre. Et particulièrement je mettois entre les excès toutes les promesses par lesquelles on retranche quelque chose de sa liberté ; non que je désapprouvasse les lois, qui, pour remédier à l′inconstance des esprits foibles, permettent, lorsqu′on a quelque bon dessein, ou même, pour la sûreté du commerce, quelque dessein qui n′est qu′indifférent, qu′on fasse des vœux ou des contrats qui obligent à y persévérer : mais à cause que je ne voyois au monde aucune chose qui demeurât toujours en même état, et que, pour mon particulier, je me promettois de perfectionner de plus en plus mes jugements, et non point de les rendre pires, j′eusse pensé commettre une grande faute contre le bon sens, si, pourceque j′approuvois alors quelque chose, je me fusse obligé de la prendre pour bonne encore après, lorsqu′elle auroit peut-être cessé de l′être, ou que j′aurois cessé de l′estimer telle. La primera fue seguir las leyes y las costumbres de mi país, conservando constantemente la religión en que la gracia de Dios hizo que me instruyeran desde niño, rigiéndome en todo lo demás por las opiniones más moderadas y más apartadas de todo exceso, que fuesen comúnmente admitidas en la práctica por los más sensatos de aquellos con quienes tendría que vivir. Porque habiendo comenzado ya a no contar para nada con las mías propias, puesto que pensaba someterlas todas a un nuevo examen, estaba seguro de que no podía hacer nada mejor que seguir las de los más sensatos. Y aun cuando entre los persas y los chinos hay quizá hombres tan sensatos como entre nosotros, parecíame que lo más útil era acomodarme a aquellos con quienes tendría que vivir; y que para saber cuáles eran sus verdaderas opiniones, debía fijarme más bien en lo que hacían que en lo que decían, no sólo porque, dada la corrupción de nuestras costumbres, hay pocas personas que consientan en decir lo que creen, sino también porque muchas lo ignoran, pues el acto del pensamiento, por el cual uno cree una cosa, es diferente de aquel otro por el cual uno conoce que la cree, y por lo tanto muchas veces se encuentra aquél sin éste. Y entre varias opiniones, igualmente admitidas, elegía las más moderadas, no sólo porque son siempre las más cómodas para la práctica, y verosímilmente las mejores, ya que todo exceso suele ser malo, sino también para alejarme menos del verdadero camino, en caso de error, si, habiendo elegido uno de los extremos, fuese el otro el que debiera seguirse. Y en particular consideraba yo como un exceso toda promesa por la cual se enajena una parte de la propia libertad; no que yo desaprobase las leyes que, para poner remedio a la inconstancia de los espíritus débiles, permiten cuando se tiene algún designio bueno, o incluso para la seguridad del comercio, en designios indiferentes, hacer votos o contratos obligándose a perseverancia; pero como no veía en el mundo cosa alguna que permaneciera siempre en idéntico estado y como, en lo que a mí mismo se refiere, esperaba perfeccionar más y más mis juicios, no empeorarlos, hubiera yo creído cometer una grave falta contra el buen sentido, si, por sólo el hecho de aprobar por entonces alguna cosa, me obligara a tenerla también por buena más tarde, habiendo ella acaso dejado de serlo, o habiendo yo dejado de estimarla como tal.
Ma seconde maxime étoit d′être le plus ferme et le plus résolu en mes actions que je pourrois, et de ne suivre pas moins constamment les opinions les plus douteuses lorsque je m′y serois une fois déterminé, que si elles eussent été très assurées : imitant en ceci les voyageurs, qui, se trouvant égarés en quelque forêt, ne doivent pas errer en tour- noyant tantôt d′un côté tantôt d′un autre, ni encore moins s′arrêter en une place, mais marcher toujours le plus droit qu′ils peuvent vers un même côté, et ne le changer point pour de foibles raisons, encore que ce n′ait peut-être été au commencement que le hasard seul qui les ait déterminés à le choisir ; car, par ce moyen, s′ils ne vont justement où ils le désirent, ils arriveront au moins à la fin quelque part où vraisemblablement ils seront mieux que dans le milieu d′une forêt. Et ainsi les actions de la vie ne souffrant souvent aucun délai, c′est une vérité très certaine que, lorsqu′il n′est pas en notre pouvoir de discerner les plus vraies opinions, nous devons suivre les plus probables ; et même qu′encore que nous ne remarquions point davantage de probabilité aux une qu′aux autres, nous devons néanmoins nous déterminer à quelques unes, et les considérer après, non plus comme douteuses en tant qu′elles se rapportent à la pratique, mais comme très vraies et très certaines, à cause que la raison qui nous y a fait déterminer se trouve telle. Et ceci fut capable dès lors de me délivrer de tous les repentirs et les remords qui ont coutume d′agiter les consciences de ces esprits foibles et chancelants qui se laissent aller inconstamment à pratiquer comme bonnes les choses qu′ils jugent après être mauvaises. Mi segunda máxima fue la de ser en mis acciones lo más firme y resuelto que pudiera y seguir tan constante en las más dudosas opiniones, una vez determinado a ellas, como si fuesen segurísimas, imitando en esto a los caminantes que, extraviados por algún bosque, no deben andar errantes dando vueltas por una y otra parte, ni menos detenerse en un lugar, sino caminar siempre lo más derecho que puedan hacia un sitio fijo, sin cambiar de dirección por leves razones, aun cuando en un principio haya sido sólo el azar el que les haya determinado a elegir ese rumbo; pues de este modo, si no llegan precisamente adonde quieren ir, por lo menos acabarán por llegar a alguna parte, en donde es de pensar que estarán mejor que no en medio del bosque. Y así, puesto que muchas veces las acciones de la vida no admiten demora, es verdad muy cierta que si no está en nuestro poder el discernir las mejores opiniones, debemos seguir las más probables; y aunque no encontremos más probabilidad en unas que en otras, debemos, no obstante, decidirnos por algunas y considerarlas después, no ya como dudosas, en cuanto que se refieren a la práctica, sino como muy verdaderas y muy ciertas, porque la razón que nos ha determinado lo es. Y esto fue bastante para librarme desde entonces de todos los arrepentimientos y remordimientos que suelen agitar las consciencias de esos espíritus endebles y vacilantes, que se dejan ir inconstantes a practicar como buenas las cosas que luego juzgan malas .
Ma troisième maxime étoit de tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune, et à changer mes désirs que l′ordre du monde, et généralement de m′accoutumer à croire qu′il n′y a rien qui soit entièrement en notre pouvoir que nos pensées, en sorte qu′après que nous avons fait notre mieux touchant les choses qui nous sont extérieures, tout ce qui manque de nous réussir est au regard de nous absolument impossible. Et ceci seul me sembloit être suffisant pour m′empêcher de rien désirer à l′avenir que je n′acquisse, et ainsi pour me rendre content ; car notre volonté ne se portant naturellement à désirer que les choses que notre entendement lui représente en quelque façon comme possibles, il est certain que si nous considérons tous les biens qui sont hors de nous comme également éloignés de notre pouvoir, nous n′aurons pas plus de regret de manquer de ceux qui semblent être dus à notre naissance, lorsque nous avons de ne posséder pas les royaumes de la Chine ou de Mexique ; et que faisant, comme on dit, de nécessité vertu, nous ne désirons pas davantage d′être sains étant malades, ou d′être libres étant en prison, que nous faisons maintenant d′avoir des corps d′une matière aussi peu corruptible que les diamants, ou des ailes pour voler comme les oiseaux. Mais j′avoue qu′il est besoin d′un long exercice, et d′une méditation souvent réitérée, pour s′accoutumer à regarder de ce biais toutes les choses ; et je crois que c′est principalement en ceci que consistoit le secret de ces philosophes qui ont pu autrefois se soustraire de l′empire de la fortune, et, malgré les douleurs et la pauvreté, disputer de la félicité avec leurs dieux. Car, s′occupant sans cesse à considérer les bornes qui leur étoient prescrites par la nature, ils se persuadoient si parfaitement que rien n′étoit en leur pouvoir que leurs pensées, que cela seul étoit suffisant pour les empêcher d′avoir aucune affection pour d′autres choses ; et ils disposoient d′elles si absolument qu′ils avoient en cela quelque raison de s′estimer plus riches et plus puissants et plus libres et plus heureux qu′aucun des autres hommes, qui, n′ayant point cette philosophie, tant favorisés de la nature et de la fortune qu′ils puissent être, ne disposent jamais ainsi de tout ce qu′ils veulent. Mi tercera máxima fue procurar siempre vencerme a mí mismo antes que a la fortuna, y alterar mis deseos antes que el orden del mundo, y generalmente acostumbrarme a creer que nada hay que esté enteramente en nuestro poder sino nuestros propios pensamientos , de suerte que después de haber obrado lo mejor que hemos podido, en lo tocante a las cosas exteriores, todo lo que falla en el éxito es para nosotros absolutamente imposible. Y esto sólo me parecía bastante para apartarme en lo porvenir de desear algo sin conseguirlo y tenerme así contento; pues como nuestra voluntad no se determina naturalmente a desear sino las cosas que nuestro entendimiento le representa en cierto modo como posibles, es claro que si todos los bienes que están fuera de nosotros los consideramos como igualmente inasequibles a nuestro poder, no sentiremos pena alguna por carecer de los que parecen debidos a nuestro nacimiento, cuando nos veamos privados de ellos sin culpa nuestra, como no la sentimos por no ser dueños de los reinos de la China o de Méjico; y haciendo, como suele decirse, de necesidad virtud, no sentiremos mayores deseos de estar sanos, estando enfermos, o de estar libres, estando encarcelados, que ahora sentimos de poseer cuerpos compuestos de materia tan poco corruptible como el diamante o alas para volar como los pájaros. Pero confieso que son precisos largos ejercicios y reiteradas meditaciones para acostumbrarse a mirar todas las cosas por ese ángulo; y creo que en esto consistía principalmente el secreto de aquellos filósofos, que pudieron antaño sustraerse al imperio de la fortuna, y a pesar de los sufrimientos y la pobreza, entrar en competencia de ventura con los propios dioses . Pues, ocupados sin descanso en considerar los límites prescritos por la naturaleza, persuadíanse tan perfectamente de que nada tenían en su poder sino sus propios pensamientos, que esto sólo era bastante a impedirles sentir afecto hacia otras cosas; y disponían de esos pensamientos tan absolutamente, que tenían en esto cierta razón de estimarse más ricos y poderosos y más libres y bienaventurados que ningunos otros hombres, los cuales, no teniendo esta filosofía, no pueden, por mucho que les hayan favorecido la naturaleza y la fortuna, disponer nunca, como aquellos filósofos, de todo cuanto quieren.
Enfin, pour conclusion de cette morale, je m′avisai de faire une revue sur les diverses occupations qu′ont les hommes en cette vie, pour tâcher à faire choix de la meilleure ; et, sans que je veuille rien dire de celles des autres, je pensai que je ne pouvois mieux que de continuer en celle-là même où je me trouvois, c′est-à-dire que d′employer toute ma vie à cultiver ma raison, et m′avancer autant que je pourrois en la connoissance de la vérité, suivant la méthode que je m′étois prescrite. J′avois éprouvé de si extrêmes contentements depuis que j′avois commencé à me servir de cette méthode, que je ne croyois pas qu′on en pût recevoir de plus doux ni de plus innocents en cette vie ; et découvrant tous les jours par son moyen quelques vérités qui me sembloient assez importantes et communément ignorées des autres hommes, la satisfaction que j′en avois remplissoit tellement mon esprit que tout le reste ne me touchoit point. Outre que les trois maximes précédentes n′étoient fondées que sur le dessein que j′avois de continuer à m′instruire : car Dieu nous ayant donné à chacun quelque lumière pour discerner le vrai d′avec le faux, je n′eusse pas cru me devoir contenter des opinions d′autrui un seul moment, si je ne me fusse proposé d′employer mon propre jugement à les examiner lorsqu′il seroit temps ; et je n′eusse su m′exempter de scrupule en les suivant si je n′eusse espéré de ne perdre pour cela aucune occasion d′en trouver de meilleures en cas qu′il y en eût ; et enfin, je n′eusse su borner mes désirs ni être content, si je n′eusse suivi un chemin par lequel, pensant être assuré de l′acquisisiotn de toutes les connoissances dont je serois capable, je le pensois être par même moyen de celle de tous les vrais biens qui seroient jamais en mon pouvoir ; d′autant que, notre volonté ne se portant à suivre ni à fuir aucune chose que selon que notre entendement la lui représente bonne ou mauvaise, il suffit de bien juger pour bien faire, et de juger le mieux qu′on puisse pour faire aussi tout son mieux, c′est-à-dire pour acquérir toutes les vertus, et ensemble tous les autres biens qu′on puisse acquérir ; et lorsqu′on est certain que cela est, on ne sauroit manquer d′être content. En fin, como conclusión de esta moral, ocurrióseme considerar, una por una, las diferentes ocupaciones a que los hombres dedican su vida, para procurar elegir la mejor; y sin querer decir nada de las de los demás, pensé que no podía hacer nada mejor que seguir en la misma que tenía; es decir, aplicar mi vida entera al cultivo de mi razón y adelantar cuanto pudiera en el conocimiento de la verdad, según el método que me había prescrito. Tan extremado contento había sentido ya desde que empecé a servirme de ese método, que no creía que pudiera recibirse otro más suave e inocente en esta vida; y descubriendo cada día, con su ayuda, algunas verdades que me parecían bastante importantes y generalmente ignoradas de los otros hombres, la satisfacción que experimentaba llenaba tan cumplidamente mi espíritu, que todo lo restante me era indiferente. Además, las tres máximas anteriores fundábanse sólo en el propósito, que yo abrigaba, de continuar instruyéndome; pues habiendo dado Dios a cada hombre alguna luz con que discernir lo verdadero de lo falso, no hubiera yo creído un solo momento que debía contentarme con las opiniones ajenas, de no haberme propuesto usar de mi propio juicio para examinarlas cuando fuera tiempo; y no hubiera podido librarme de escrúpulos, al seguirlas, si no hubiese esperado aprovechar todas las ocasiones para encontrar otras mejores, dado caso que las hubiese; y, por último, no habría sabido limitar mis deseos y estar contento, si no hubiese seguido un camino por donde, al mismo tiempo que asegurarme la adquisición de todos los conocimientos que yo pudiera, pensaba también por el mismo modo llegar a conocer todos los verdaderos bienes que estuviesen en mi poder; pues no determinándose nuestra voluntad a seguir o a evitar cosa alguna, sino porque nuestro entendimiento se la representa como buena o mala, basta juzgar bien, para obrar bien , y juzgar lo mejor que se pueda, para obrar también lo mejor que se pueda; es decir, para adquirir todas las virtudes y con ellas cuantos bienes puedan lograrse; y cuando uno tiene la certidumbre de que ello es así, no puede por menos de estar contento.
Après m′être ainsi assuré de ces maximes, et les avoir mises à part avec les vérités de la foi, qui ont toujours été les premières en ma créance, je jugeai que pour tout le reste de mes opinions je pouvois librement entreprendre de m′en défaire. Et d′autant que j′espérois en pouvoir mieux venir à bout en conversant avec les hommes qu′en demeurant plus long-temps renfermé dans le poêle où j′avois eu toutes ces pensées, l′hiver n′étoit pas encore bien achevé que je me remis à voyager. Et en toutes les neuf années suivantes je ne fis autre chose que rouler çà et là dans le monde, tâchant d′y être spectateur plutôt qu′acteur en toutes les comédies qui s′y jouent ; et, faisant particulièrement réflexion en chaque matière sur ce qui la pouvoit rendre suspecte et nous donner occasion de nous méprendre, je déracinois cependant de mon esprit toutes les erreurs qui s′y étoient pu glisser auparavant. Non que j′imitasse pour cela les sceptiques, qui ne doutent que pour douter, et affectent d′être toujours irrésolus ; car, au contraire, tout mon dessein me tendoit qu′à m′assurer, et à rejeter la terre mouvante et le sable pour trouver le roc ou l′argile. Ce qui me réussissoit, ce me semble, assez bien, d′autant que, tâchant à découvrir la fausseté ou l′incertitude des propositions que j′examinois, non par de foibles conjectures, mais par des raisonnements clairs et assurés, je n′en rencontrois point de si douteuse que je n′en tirasse toujours quelque conclusion assez certaine, que ce n′eût été que cela même qu′elle ne contenoit rien de certain. Et, comme, en abattant un vieux logis, on en réserve ordinairement les démolitions pour servir à en bâtir un nouveau, ainsi, en détruisant toutes celles de mes opinions que je jugeois être mal fondées, je faisois diverses observations et acquérois plusieurs expériences qui m′ont servi depuis à en établir de plus certaines. Et de plus je continuois à m′exercer en la méthode que je m′étois prescrite ; car, outre que j′avoir soin de conduire généralement toutes mes pensées selon les règles, je me réservois de temps en temps quelques heures, que j′employois particulièrement à la pratiquer en des difficultés de mathématique, ou même aussi en quelques autres que je pouvois rendre quasi semblables à celles des mathématiques, en les détachant de tous les principes des autres sciences que je ne trouvois pas assez fermes, comme vous verrez que j′ai fait en plusieurs qui sont expliquées en ce volume[1]. Et ainsi, sans vivre d′autre façon en apparence que ceux qui, n′ayant aucun emploi qu′à passer une vie douce et innocente, s′étudient à séparer les plaisirs des vices, et qui, pour jouir de-leur loisir sans s′ennuyer, usent de tous les divertissements qui sont honnêtes, je ne laissois pas de poursuivre en mon dessein, et de profiter en la connoissance de la vérité, peut-être plus que si je n′eusse fait que lire des livres ou fréquenter des gens de lettres. Habiéndome, pues, afirmado en estas máximas, las cuales puse aparte juntamente con las verdades de la fe, que siempre han sido las primeras en mi creencia, pensé que de todas mis otras opiniones podía libremente empezar a deshacerme; y como esperaba conseguirlo mejor conversando con los hombres que permaneciendo por más tiempo encerrado en el cuarto en donde había meditado todos esos pensamientos, proseguí mi viaje antes de que el invierno estuviera del todo terminado. Y en los nueve años siguientes, no hice otra cosa sino andar de acá para allá, por el mundo, procurando ser más bien espectador que actor en las comedias que en él se representan, e instituyendo particulares reflexiones en toda materia sobre aquello que pudiera hacerla sospechosa y dar ocasión a equivocarnos, llegué a arrancar de mi espíritu, en todo ese tiempo, cuantos errores pudieron deslizarse anteriormente. Y no es que imitara a los escépticos , que dudan por sólo dudar y se las dan siempre de irresolutos; por el contrario, mi propósito no era otro que afianzarme en la verdad, apartando la tierra movediza y la arena, para dar con la roca viva o la arcilla. Lo cual, a mi parecer, conseguía bastante bien, tanto que, tratando de descubrir la falsedad o la incertidumbre de las proposiciones que examinaba, no mediante endebles conjeturas, sino por razonamientos claros y seguros, no encontraba ninguna tan dudosa, que no pudiera sacar de ella alguna conclusión bastante cierta, aunque sólo fuese la de que no contenía nada cierto. Y así como al derribar una casa vieja suelen guardarse los materiales, que sirven para reconstruir la nueva, así también al destruir todas aquellas mis opiniones que juzgaba infundadas, hacía yo varias observaciones y adquiría experiencias que me han servido después para establecer otras más ciertas. Y además seguía ejercitándome en el método que me había prescrito; pues sin contar con que cuidaba muy bien de conducir generalmente mis pensamientos, según las citadas reglas, dedicaba de cuando en cuando algunas horas a practicarlas particularmente en dificultades de matemáticas, o también en algunas otras que podía hacer casi semejantes a las de las matemáticas, desligándolas de los principios de las otras ciencias, que no me parecían bastante firmes; todo esto puede verse en varias cuestiones que van explicadas en este mismo volumen . Y así, viviendo en apariencia como los que no tienen otra ocupación que la de pasar una vida suave e inocente y se ingenian en separar los placeres de los vicios y, para gozar de su ocio sin hastío, hacen uso de cuantas diversiones honestas están a su alcance, no dejaba yo de perseverar en mi propósito y de sacar provecho para el conocimiento de la verdad, más acaso que si me contentara con leer libros o frecuentar las tertulias literarias.
Toutefois ces neuf ans s′écoulèrent avant que j′eusse encore pris aucun parti touchant les difficultés qui ont coutume d′être disputées entre les doctes, ni commencé à chercher les fondements d′aucune philosophie plus certaine que la vulgaire. Et l′exemple de plusieurs excellents esprits, qui en ayant eu ci-devant le dessein me sembloient n′y avoir pas réussi, m′y faisoit imaginer tant de difficulté, que je n′eusse péut-être pas encore sitôt osé l′entreprendre, si je n′eusse vu que quelques uns faisoient déjà courre le bruit que j′en étois venu à bout. Je ne saurois pas dire sur quoi ils fondoient cette opinion ; et si j′y ai contribué quelque chose par mes discours, ce doit avoir été en confessant plus ingénument ce que j′ignorois, que n′ont coutume de faire ceux qui ont un peu étudié, et peut-être aussi en faisant voir les raisons que j′avois de douter de beaucoup de choses que les autres estiment certaines, plutôt qu′en me vantant d′aucune doctrine. Mais ayant le cœur assez bon pour ne vouloir point qu′on me prît pour autre que je n′étois, je pensai qu′il falloit que je tachasse par tous moyens à me rendre digne de la réputation qu′on me donnoit ; et il y a justement huit ans que ce désir me fit résoudre à m′éloigner de tous les lieux où je pouvois avoir des connoissances, et à me retirer ici, en un pays où la longue durée de la guerre a fait établir de tels ordres, que les armées qu′on y entretient ne semblent servir qu′à faire qu′on y jouisse des fruits de la paix avec d′autant plus de sûreté, et où, parmi la foule d′un grand peuple fort actif, et plus soigneux de ses propres affaires que curieux de celles d′autrui, sans manquer d′aucune des commodités qui sont dans les villes les plus fréquentées, j′ai pu vivre aussi solitaire et retiré que dans les déserts les plus écartés. Sin embargo, transcurrieron esos nueve años sin que tomara yo decisión alguna tocante a las dificultades de que suelen disputar los doctos, y sin haber comenzado a buscar los cimientos de una filosofía más cierta que la vulgar. Y el ejemplo de varios excelentes ingenios que han intentado hacerlo, sin, a mi parecer, conseguirlo, me llevaba a imaginar en ello tanta dificultad, que no me hubiera atrevido quizá a emprenderlo tan presto, si no hubiera visto que algunos propalaban el rumor de que lo había llevado a cabo. No me es posible decir qué fundamentos tendrían para emitir tal opinión, y si en algo he contribuido a ella, por mis dichos, debe de haber sido por haber confesado mi ignorancia, con más candor que suelen hacerlo los que han estudiado un poco, y acaso también por haber dado a conocer las razones que tenía para dudar de muchas cosas, que los demás consideran ciertas, mas no porque me haya preciado de poseer doctrina alguna. Pero como tengo el corazón bastante bien puesto para no querer que me tomen por otro distinto del que soy, pensé que era preciso procurar por todos los medios hacerme digno de la reputación que me daban; y hace ocho años precisamente, ese deseo me decidió a alejarme de todos los lugares en donde podía tener algunos conocimientos y retirarme aquí , en un país en donde la larga duración de la guerra ha sido causa de que se establezcan tales órdenes, que los ejércitos que se mantienen parecen no servir sino para que los hombres gocen de los frutos de la paz con tanta mayor seguridad, y en donde, en medio de la multitud de un gran pueblo muy activo, más atento a sus propios negocios que curioso de los ajenos, he podido, sin carecer de ninguna de las comodidades que hay en otras más frecuentadas ciudades, vivir tan solitario y retirado como en el más lejano desierto.






QUATRIÈME PARTIE.

Cuarta parte

Je ne sais si je dois vous entretenir des premières méditations que j′y ai faites ; car elles sont si métaphysiques et si peu communes, qu′elles ne seront peut-être pas au goût de tout le monde : et toutefois, afin qu′on puisse juger si les fondements que j′ai pris sont assez fermes, je me trouve en quelque façon contraint d′en parler. J′avois dès long-temps remarqué que pour les mœurs il est besoin quelquefois de suivre des opinions qu′on sait être fort incertaines, tout de même que si elles étoient indubitables, ainsi qu′il a été dit ci-dessus : mais pourcequ′alors je désirois vaquer seulement à la recherche de la vérité, je pensai qu′il falloit que je fisse tout le contraire, et que je rejetasse comme absolument faux tout ce en quoi je pourrois imaginer le moindre doute, afin de voir s′il ne resteroit point après cela quelque chose en ma créance qui fut entièrement indubitable. Ainsi, a cause que nos sens nous trompent quelquefois, je voulus supposer qu′il n′y avoit aucune chose qui fut telle qu′ils nous la font imaginer ; et parcequ′il y a des hommes qui se méprennent en raisonnant, même touchant les plus simples matières de géométrie, et y font des paralogismes, jugeant que j′étois sujet à faillir autant qu′aucun autre, je rejetai comme fausses toutes les raisons que j′avois prises auparavant pour démonstrations ; et enfin, considérant que toutes les mêmes pensées que nous avons étant éveillés nous peuvent aussi venir quand nous dormons, sans qu′il y en ait aucune pour lors qui soit vraie, je me résolus de feindre que toutes les choses qui m′étoient jamais entrées en l′esprit n′étoient non plus vraies que les illusions de mes songes. Mais aussitôt après je pris garde que, pendant que je voulois ainsi penser que tout étoit faux, il falloit nécessairement que moi qui le pensois fusse quelque chose ; et remarquant que cette vérité, je pense, donc je suis, étoit si ferme et si assurée, que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques n′étoient pas capables de l′ébranler, je jugeai que je pouvois la recevoir sans scrupule pour le premier principe de la philosophie que je cherchois. No sé si debo hablaros de las primeras meditaciones que hice allí, pues son tan metafísicas y tan fuera de lo común, que quizá no gusten a todo el mundo . Sin embargo, para que se pueda apreciar si los fundamentos que he tomado son bastante firmes, me veo en cierta manera obligado a decir algo de esas reflexiones. Tiempo ha que había advertido que, en lo tocante a las costumbres, es a veces necesario seguir opiniones que sabemos muy inciertas, como si fueran indudables, y esto se ha dicho ya en la parte anterior; pero, deseando yo en esta ocasión ocuparme tan sólo de indagar la verdad, pensé que debía hacer lo contrario y rechazar como absolutamente falso todo aquello en que pudiera imaginar la menor duda, con el fin de ver si, después de hecho esto, no quedaría en mi creencia algo que fuera enteramente indudable. Así, puesto que los sentidos nos engañan, a las veces, quise suponer que no hay cosa alguna que sea tal y como ellos nos la presentan en la imaginación; y puesto que hay hombres que yerran al razonar, aun acerca de los más simples asuntos de geometría, y cometen paralogismos, juzgué que yo estaba tan expuesto al error como otro cualquiera, y rechacé como falsas todas las razones que anteriormente había tenido por demostrativas; y, en fin, considerando que todos los pensamientos que nos vienen estando despiertos pueden también ocurrírsenos durante el sueño, sin que ninguno entonces sea verdadero, resolví fingir que todas las cosas, que hasta entonces habían entrado en mi espíritu, no eran más verdaderas que las ilusiones de mis sueños. Pero advertí luego que, queriendo yo pensar, de esa suerte, que todo es falso, era necesario que yo, que lo pensaba, fuese alguna cosa; y observando que esta verdad: «yo pienso, luego soy», era tan firme y segura que las más extravagantes suposiciones de los escépticos no son capaces de conmoverla, juzgué que podía recibirla sin escrúpulo, como el primer principio de la filosofía que andaba buscando.
Puis, examinant avec attention ce que j′étois, et voyant que je pouvois feindre que je n′avois aucun corps, et qu′il n′y avoit aucun monde ni aucun lieu où je fusse ; mais que je ne pouvois pas feindre pour cela que je n′étois point ; et qu′au contraire de cela même que je pensois à douter de la vérité des autres choses, il suivoit très évidemment et très certainement que j′etois ; au lieu que si j′eusse seulement cessé de penser, encore que tout le reste de ce que j′avois jamais imaginé eût été vrai, je n′avois aucune raison de croire que j′eusse été : je connus de là que j′etois une substance dont toute l′essence ou la nature n′est que de penser, et pour être n′a besoin d′aucun lieu ni ne dépend d′aucune chose matérielle ; en sorte que ce moi, c′est-à-dire l′âme, par laquelle je suis ce que je suis, est entièrement distincte du corps, et même qu′elle est plus aisée à connoître que lui, et qu′encore qu′il ne fût point, elle ne lairroit [sic] pas d′être tout ce qu′elle est. Examiné después atentamente lo que yo era, y viendo que podía fingir que no tenía cuerpo alguno y que no había mundo ni lugar alguno en el que yo me encontrase, pero que no podía fingir por ello que yo no fuese, sino al contrario, por lo mismo que pensaba en dudar de la verdad de las otras cosas, se seguía muy cierta y evidentemente que yo era, mientras que, con sólo dejar de pensar, aunque todo lo demás que había imaginado fuese verdad, no tenía ya razón alguna para creer que yo era, conocí por ello que yo era una sustancia cuya esencia y naturaleza toda es pensar, y que no necesita, para ser, de lugar alguno, ni depende de cosa alguna material; de suerte que este yo, es decir, el alma, por la cual yo soy lo que soy, es enteramente distinta del cuerpo y hasta más fácil de conocer que éste y, aunque el cuerpo no fuese, el alma no dejaría de ser cuanto es.
Après cela je considérai en général ce qui est requis à une proposition pour être vraie et certaine ; car puisque je venois d′en trouver une que je savois être telle, je pensai que je devois aussi savoir en quoi consiste cette certitude. Et ayant remarqué qu′il n′y a rien du tout en ceci, je pense, donc je suis, qui m′assure que je dis la vérité, sinon que je vois très clairement que pour penser il faut être, je jugeai que je pouvois prendre pour règle générale que les choses que nous concevons fort clairement et fort distinctement sont toutes vraies, mais qu′il y a seulement quelque difficulté à bien remarquer quelles sont celles que nous concevons distinctement. Después de esto, consideré, en general, lo que se requiere en una proposición para que sea verdadera y cierta; pues ya que acababa de hallar una que sabía que lo era, pensé que debía saber también en qué consiste esa certeza. Y habiendo notado que en la proposición: «yo pienso, luego soy», no hay nada que me asegure que digo verdad, sino que veo muy claramente que para pensar es preciso ser, juzgué que podía admitir esta regla general: que las cosas que concebimos muy clara y distintamente son todas verdaderas; pero que sólo hay alguna dificultad en notar cuáles son las que concebimos distintamente.
Ensuite de quoi, faisant réflexion sur ce que je doutois, et que par conséquent mon être n′étoit pas tout parfait, car je voyois clairement que c′étoit une plus grande perfection de connoître que de douter, je m′avisai de chercher d′où j′avois appris à penser à quelque chose de plus parfait que je n′étois ; et je conclus évidemment que ce devoit être de quelque nature qui fût en effet plus parfaite. Pour ce qui est des pensées que j′avois de plusieurs autres choses hors de moi, comme du ciel, de la terre, de la lumière, de la chaleur, et de mille autres, je n′étois point tant en peine de savoir d′où elles venoient, à cause que, ne remarquant rien en elles qui me semblât les rendre supérieures a moi, je pouvois croire que, si elles étoient vraies, c′étoient des dépendances de ma nature, en tant qu′elle avoit quelque perfection, et, si elles ne l′étoient pas, que je les tenois du néant, c′est-à-dire qu′elles étoient en moi pourceque j′avois du défaut. Mais ce ne pouvoit être le même de l′idée d′un être plus parfait que le mien : car, de la tenir du néant, c′étoit chose manifestement impossible ; et pourcequ′il n′y a pas moins de répugnance que le plus parfait soit une suite et une dépendance du moins parfait, qu′il y en a que de rien procède quelque chose, je ne la pouvois tenir non plus de moi-même : de façon qu′il restoit qu′elle eût été mise en moi par une nature qui fut véritablement plus parfaite que je n′étois, et même qui eût en soi toutes les perfections dont je pouvois avoir quelque idée, c′est à dire, pour m′expliquer en un mot, qui fût Dieu. À quoi j′ajoutai que, puisque je connoissois quelques perfections que je n′avois point, je n′étois pas le seul être qui existât (j′userai, s′il vous plaît, ici librement des mots de l′école ; mais qu′il falloit de nécessité qu′il y en eût quelque autre plus parfait, duquel je dépendisse, et duquel j′eusse acquis tout ce que j′avois : car, si j′eusse été seul et indépendant de tout autre, en sorte que j′eusse eu de moi-même tout ce peu que je participois de l′être parfait, j′eusse pu avoir de moi, par même raison, tout le surplus que je connoissois me manquer, et ainsi être moi-même infini, éternel, immuable, tout connoissant, tout puissant, et enfin avoir toutes les perfections que je pouvois remarquer être en Dieu. Car, suivant les raisonnements que je viens de faire, pour connoître la nature de Dieu, autant que la mienne en étoit capable, je n′avois qu′à considérer, de toutes les choses dont je trouvois en moi quelque idée, si c′étoit perfection ou non de les posséder ; et j′étois assuré qu′aucune de celles qui marquoient quelque imperfection n′étoit en lui, mais que toutes les autres y étoient : comme je voyois que le doute, l′inconstance, la tristesse, et choses semblables, n′y pouvoient être, vu que j′eusse été moi-même bien aise d′en être exempt. Puis, outre cela, j′avois des idées de plusieurs choses sensibles et corporelles ; car, quoique je supposasse que je rêvois, et que tout ce que je voyois ou imaginois étoit faux, je ne pouvois nier toutefois que les idées n′en fussent véritablement en ma pensée. Mais pourceque j′avois déjà connu en moi très clairement que la nature intelligente est distincte de la corporelle ; considérant que toute composition témoigne de la dépendance, et que la dépendance est manifestement un défaut, je jugeois de là que ce ne pouvoit être une perfection en Dieu d′être composé de ces deux natures, et que par conséquent il ne l′étoit pas ; mais que s′il y avoit quelques corps dans le monde, ou bien quelques intelligences ou autres natures qui ne fussent point toutes parfaites, leur être devoit dépendre de sa puissance, en telle sorte quelles ne pouvoient subsister sans lui un seul moment. Después de lo cual, hube de reflexionar que, puesto que yo dudaba, no era mi ser enteramente perfecto, pues veía claramente que hay más perfección en conocer que en dudar; y se me ocurrió entonces indagar por dónde había yo aprendido a pensar en algo más perfecto que yo; y conocí evidentemente que debía de ser por alguna naturaleza que fuese efectivamente más perfecta. En lo que se refiere a los pensamientos, que en mí estaban, de varias cosas exteriores a mí, como son el cielo, la tierra, la luz, el calor y otros muchos, no me preocupaba mucho el saber de dónde procedían, porque, no viendo en esas cosas nada que me pareciese hacerlas superiores a mí, podía creer que, si eran verdaderas, eran unas dependencias de mi naturaleza, en cuanto que ésta posee alguna perfección, y si no lo eran, procedían de la nada, es decir, estaban en mí, porque hay en mí algún defecto. Pero no podía suceder otro tanto con la idea de un ser más perfecto que mi ser; pues era cosa manifiestamente imposible que la tal idea procediese de la nada; y como no hay menor repugnancia en pensar que lo más perfecto sea consecuencia y dependencia de lo menos perfecto, que en pensar que de nada provenga algo, no podía tampoco proceder de mí mismo; de suerte que sólo quedaba que hubiese sido puesta en mí por una naturaleza verdaderamente más perfecta que yo soy, y poseedora inclusive de todas las perfecciones de que yo pudiera tener idea; esto es, para explicarlo en una palabra, por Dios. A esto añadí que, supuesto que yo conocía algunas perfecciones que me faltaban, no era yo el único ser que existiese (aquí, si lo permitís, haré uso libremente de los términos de la escuela , sino que era absolutamente necesario que hubiese algún otro ser más perfecto de quien yo dependiese y de quien hubiese adquirido todo cuanto yo poseía; pues si yo fuera solo e independiente de cualquier otro ser, de tal suerte que de mí mismo procediese lo poco en que participaba del ser perfecto, hubiera podido tener por mí mismo también, por idéntica razón, todo lo demás que yo sabía faltarme, y ser, por lo tanto, yo infinito, eterno, inmutable, omnisciente, omnipotente, y, en fin, poseer todas las perfecciones que podía advertir en Dios. Pues, en virtud de los razonamientos que acabo de hacer, para conocer la naturaleza de Dios hasta donde la mía es capaz de conocerla, bastábame considerar todas las cosas de que hallara en mí mismo alguna idea y ver si era o no perfección el poseerlas; y estaba seguro de que ninguna de las que indicaban alguna imperfección está en Dios, pero todas las demás sí están en él; así veía que la duda, la inconstancia, la tristeza y otras cosas semejantes no pueden estar en Dios, puesto que mucho me holgara yo de verme libre de ellas. Además, tenía yo ideas de varias cosas sensibles y corporales; pues aun suponiendo que soñaba y que todo cuanto veía e imaginaba era falso, no podía negar, sin embargo, que esas ideas estuvieran verdaderamente en mi pensamiento. Mas habiendo ya conocido en mí muy claramente que la naturaleza inteligente es distinta de la corporal, y considerando que toda composición denota dependencia, y que la dependencia es manifiestamente un defecto, juzgaba por ello que no podía ser una perfección en Dios el componerse de esas dos naturalezas, y que, por consiguiente, Dios no era compuesto; en cambio, si en el mundo había cuerpos, o bien algunas inteligencias u otras naturalezas que no fuesen del todo perfectas, su ser debía depender del poder divino, hasta el punto de no poder subsistir sin él un solo instante.
Je voulus chercher après cela d′autres vérités ; et m′étant proposé l′objet des géomètres, que je concevois comme un corps continu, ou un espace indéfiniment étendu en longueur, largeur et hauteur ou profondeur, divisible en diverses parties, qui pouvoient avoir diverses figures et grandeurs, et être mues ou transposées en toutes sortes, car les géomètres supposent tout cela en leur objet, je parcourus quelques unes de leurs plus simples démonstrations ; et, ayant pris garde que cette grande certitude, que tout le monde leur attribue, n′est fondée que sur ce qu′on les conçoit évidemment, suivant la règle que j′ai tantôt dite, je pris garde aussi qu′il n′y avoit rien du tout en elles qui m′assurât de l′existence de leur objet : car, par exemple, je voyois bien que, supposant un triangle, il falloit que ses trois angles fussent égaux à deux droits, mais je ne voyois rien pour cela qui m′assurât qu′il y eût au monde aucun triangle : au lieu revenant à examiner l′idée que j′avois d′un ê tre parfait, je trouvois que l′existence y étoit comprise en même façon qu′il est compris en celle d′un triangle que ses trois angles sont égaux à deux droits, ou en celle d′une sphère que toutes ses parties sont également distantes de son centre, ou même encore plus évidemment ; et que par conséquent il est pour le moins aussi certain que Dieu, qui est cet être si parfait, est ou existe, qu′aucune démonstration de géométrie le sauroit être. Quise indagar luego otras verdades; y habiéndome propuesto el objeto de los geómetras, que concebía yo como un cuerpo continuo o un espacio infinitamente extenso en longitud, anchura y altura o profundidad, divisible en varias partes que pueden tener varias figuras y magnitudes y ser movidas o trasladadas en todos los sentidos, pues los geómetras suponen todo eso en su objeto, repasé algunas de sus más simples demostraciones, y habiendo advertido que esa gran certeza que todo el mundo atribuye a estas demostraciones, se funda tan sólo en que se conciben con evidencia, según la regla antes dicha, advertí también que no había nada en ellas que me asegurase de la existencia de su objeto; pues, por ejemplo, yo veía bien que, si suponemos un triángulo, es necesario que los tres ángulos sean iguales a dos rectos; pero nada veía que me asegurase que en el mundo hay triángulo alguno; en cambio, si volvía a examinar la idea que yo tenía de un ser perfecto, encontraba que la existencia está comprendida en ella del mismo modo que en la idea de un triángulo está comprendido el que sus tres ángulos sean iguales a dos rectos o, en la de una esfera, el que todas sus partes sean igualmente distantes del centro, y hasta con más evidencia aún; y que, por consiguiente, tan cierto es por lo menos, que Dios, que es ese ser perfecto, es o existe, como lo pueda ser una demostración de geometría.
Mais ce qui fait qu′il y en a plusieurs qui se persuadent qu′il y a de la difficulté à le connoître, et même aussi a connoître ce que c′est que leur âme, c′est qu′ils n′élèvent jamais leur esprit au delà des choses sensibles, et qu′ils sont tellement accoutumés a ne rien considérer qu′en l′imaginant, qui est une façon de penser particulière pour les choses matérielles, que tout ce qui n′est pas imaginable leur semble n′être pas intelligible. Ce qui est assez manifeste de ce que même les philosophes tiennent pour maxime, dans les écoles, qu′il n′y a rien dans l′entendement qui n′ait premièrement été dans le sens, où toutefois il est certain que les idées de Dieu et de l′âme n′ont jamais été ; et il me semble que ceux qui veulent user de leur imagination pour les comprendre font tout de même que si, pour oules sons ou sentir les odeurs, ils se vouloient servir de leurs yeux : sinon qu′il y a encore cette différence, que le sens de la vue ne nous assure pas moins de la vérité de ses objets que font ceux de l′odorat ou de l′ou: au lieu que ni notre imagination ni nos sens ne nous sauroient jamais assurer d′aucune chose si notre entendement n′y intervient. Pero si hay algunos que están persuadidos de que es difícil conocer lo que sea Dios, y aun lo que sea el alma, es porque no levantan nunca su espíritu por encima de las cosas sensibles y están tan acostumbrados a considerarlo todo con la imaginación -que es un modo de pensar particular para las cosas materiales -, que lo que no es imaginable les parece ininteligible. Lo cual está bastante manifiesto en la máxima que los mismos filósofos admiten como verdadera en las escuelas, y que dice que nada hay en el entendimiento que no haya estado antes en el sentido , en donde, sin embargo, es cierto que nunca han estado las ideas de Dios y del alma; y me parece que los que quieren hacer uso de su imaginación para comprender esas ideas, son como los que para oír los sonidos u oler los olores quisieran emplear los ojos; y aun hay esta diferencia entre aquéllos y éstos: que el sentido de la vista no nos asegura menos de la verdad de sus objetos que el olfato y el oído de los suyos, mientras que ni la imaginación ni los sentidos pueden asegurarnos nunca cosa alguna, como no intervenga el entendimiento.
Enfin, s′il y a encore des hommes qui ne soient pas assez persuadés de l′existence de Dieu et de leur âme par les raisons que j′ai apportées, je veux bien qu′ils sachent que toutes les autres choses dont ils se pensent peut-être plus assurés, comme d′avoir un corps, et qu′il y a des astres et une terre, et choses semblables, sont moins certaines ; car, encore qu′on ait une assurance morale de ces choses, qui est telle qu′il semble qu′à moins d′être extravagant on n′en peut douter, toutefois aussi, à moins que d′être déraisonnable, lorsqu′il est question d′une certitude métaphysique, on ne peut nier que ce ne soit assez de sujet pour n′en être pas entièrement assuré, que d′avoir pris garde qu′on peut en même façon s′imaginer, étant endormi, qu′on a un autre corps, et qu′on voit d′autres astres et une autre terre, sans qu′il en soit rien. Car d′où sait-on que les pensées qui viennent en songe sont plutôt fausses que les autres, vu que souvent elles ne sont pas moins vives et expresses ? Et que les meilleurs esprits y étudient tant qu′il leur plaira, je ne crois pas qu′ils puissent donner aucune raison qui soit suffisante pour ôter ce doute s′ils ne présupposent l′existence de Dieu. Car, premièrement, cela même que j′ai tantôt pris pour une règle, à savoir que les choses que nous concevons très clairement et très distinctement sont toutes vraies, n′est assuré qu′à cause que Dieu est ou existe, et qu′il est un être parfait, et que tout ce qui est en nous vient de lui : d′où il suit que nos idées ou notions, étant des choses réelles et qui viennent de Dieu, en tout ce en quoi elles sont claires et distinctes, ne peuvent en cela être que vraies. En sorte que si nous en avons assez souvent qui contiennent de la fausseté, ce ne peut être que de celles qui ont quelque chose de confus et obscur, à cause qu′en cela elles participent du néant, c′est-à-dire qu′elles ne sont en nous ainsi confuses qu′à cause que nous ne sommes pas tout parfaits. Et il est évident qu′il n′y a pas moins de répugnance que la fausseté ou l′imperfection procède de Dieu en tant que telle, qu′il y en a que la utilité ou la perfection procède du néant. Mais si nous ne savions point que tout ce qui est en nous de réel et de vrai vient d′un être parfait et infini, pour claires et distinctes que fussent nos idées, nous n′aurions aucune raison qui nous assurât qu′elles eussent la perfection d′être vraies. En fin, si aun hay hombres a quienes las razones que he presentado no han convencido bastante de la existencia de Dios y del alma, quiero que sepan que todas las demás cosas que acaso crean más seguras, como son que tienen un cuerpo, que hay astros, y una tierra, y otras semejantes, son, sin embargo, menos ciertas; pues, si bien tenemos una seguridad moral de esas cosas, tan grande que parece que, a menos de ser un extravagante, no puede nadie ponerlas en duda, sin embargo, cuando se trata de una certidumbre metafísica, no se puede negar, a no ser perdiendo la razón, que no sea bastante motivo, para no estar totalmente seguro, el haber notado que podemos de la misma manera imaginar en sueños que tenemos otro cuerpo y que vemos otros astros y otra tierra, sin que ello sea así. Pues ¿cómo sabremos que los pensamientos que se nos ocurren durante el sueño son falsos, y que no lo son los que tenemos despiertos, si muchas veces sucede que aquéllos no son menos vivos y expresos que éstos? Y por mucho que estudien los mejores ingenios, no creo que puedan dar ninguna razón bastante a levantar esa duda, como no presupongan la existencia de Dios. Pues, en primer lugar, esa misma regla que antes he tomado, a saber: que las cosas que concebimos muy clara y distintamente son todas verdaderas; esa misma regla recibe su certeza sólo de que Dios es o existe, y de que es un ser perfecto, y de que todo lo que está en nosotros proviene de él; de donde se sigue que, siendo nuestras ideas o nociones, cuando son claras y distintas, cosas reales y procedentes de Dios, no pueden por menos de ser también, en ese respecto, verdaderas. De suerte que si tenemos con bastante frecuencia ideas que encierran falsedad, es porque hay en ellas algo confuso y oscuro, y en este respecto participan de la nada; es decir, que si están así confusas en nosotros, es porque no somos totalmente perfectos. Y es evidente que no hay menos repugnancia en admitir que la falsedad o imperfección proceda como tal de Dios mismo, que en admitir que la verdad o la perfección procede de la nada. Mas si no supiéramos que todo cuanto en nosotros es real y verdadero proviene de un ser perfecto e infinito, entonces, por claras y distintas que nuestras ideas fuesen, no habría razón alguna que nos asegurase que tienen la perfección de ser verdaderas.
Or, après que la connoissance de Dieu et de l′âme nous a ainsi rendus certains de cette règle, il est bien aisé à connoître que les rêveries que nous imaginons é tant endormis ne doivent aucunement nous faire douter de la vérité des pensées que nous avons étant éveillés. Car s′il arrivoit même en dormant qu′on eût quelque idée fort distincte, comme, par exemple, qu′un géomètre inventât quelque nouvelle démonstration, son sommeil ne l′empêcheroit pas d′être vraie ; et pour l′erreur la plus ordinaire de nos songes, qui consiste en ce qu′ils nous représentent divers objets en même façon que font nos sens extérieurs, n′importe pas qu′elle nous donne occasion de nous défier de la vérité de telles idées, à cause qu′elles peuvent aussi nous tromper assez souvent sans que nous dormions ; comme lorsque ceux qui ont la jaunisse voient tout de couleur jaune, ou que les astres ou autres corps fort éloignés nous paroissent beaucoup plus petits qu′ils ne sont. Car enfin, soit que nous veillions, soit que nous dormions, nous ne nous devons jamais laisser persuader qu′à l′évidence de notre raison. Et il est à remarquer que je dis de notre raison, et non point de notre imagination ni de nos sens : comme encore que nous voyions le soleil très clairement, nous ne devons pas juger pour cela qu′il ne soit que de la grandeur que nous le voyons ; et nous pouvons bien imaginer distinctement une tête de lion entée sur le corps d′une chèvre, sans qu′il faille conclure pour cela qu′il y ait au monde une chimère : car la raison ne nous dicte point que ce que nous voyons ou imaginons ainsi soit véritable ; mais elle nous dicte bien que toutes nos idées ou notions doivent avoir quelque fondement de vérité ; car il ne seroit pas possible que Dieu, qui est tout parfait et tout véritable, les eût mises en nous sans cela ; et, pourceque nos raisonnements ne sont jamais si évidents ni si entiers pendant le sommeil que pendant la veille, bien que quelque fois nos imaginations soient alors autant ou plus vives et expresses, elle nous dicte aussi que nos pensées ne pouvant être toutes vraies, à cause que nous ne sommes pas tout parfaits, ce qu′elles ont de vérité doit infailliblement se rencontrer en celles que nous avons étant éveillés plutôt qu′en nos songes. Así, pues, habiéndonos el conocimiento de Dios y del alma testimoniado la certeza de esa regla, resulta bien fácil conocer que los ensueños, que imaginamos dormidos, no deben, en manera alguna, hacernos dudar de la verdad de los pensamientos que tenemos despiertos. Pues si ocurriese que en sueño tuviera una persona una idea muy clara y distinta, como por ejemplo, que inventase un geómetra una demostración nueva, no sería ello motivo para impedirle ser verdadera; y en cuanto al error más corriente en muchos sueños, que consiste en representarnos varios objetos del mismo modo como nos los representan los sentidos exteriores, no debe importarnos que nos dé ocasión de desconfiar de la verdad de esas tales ideas, porque también pueden los sentidos engañarnos con frecuencia durante la vigilia, como los que tienen ictericia lo ven todo amarillo, o como los astros y otros cuerpos muy lejanos nos parecen mucho más pequeños de lo que son. Pues, en último término, despiertos o dormidos, no debemos dejarnos persuadir nunca sino por la evidencia de la razón. Y nótese bien que digo de la razón, no de la imaginación ni de los sentidos; como asimismo, porque veamos el sol muy claramente, no debemos por ello juzgar que sea del tamaño que le vemos; y muy bien podemos imaginar distintamente una cabeza de león pegada al cuerpo de una cabra, sin que por eso haya que concluir que en el mundo existe la quimera, pues la razón no nos dice que lo que así vemos o imaginamos sea verdadero; pero nos dice que todas nuestras ideas o nociones deben tener algún fundamento de verdad; pues no fuera posible que Dios, que es todo perfecto y verdadero, las pusiera sin eso en nosotros; y puesto que nuestros razonamientos nunca son tan evidentes y tan enteros cuando soñamos que cuando estamos despiertos, si bien a veces nuestras imaginaciones son tan vivas y expresivas y hasta más en el sueño que en la vigilia, por eso nos dice la razón, que, no pudiendo ser verdaderos todos nuestros pensamientos, porque no somos totalmente perfectos, deberá infaliblemente hallarse la verdad más bien en los que pensemos estando despiertos, que en los que tengamos estando dormidos.






CINQUSIÈME PARTIE.

Quinta parte

Je serois bien aise de poursuivre, et de faire voir ici toute la chaîne des autres vérités que j′ai déduites de ces premières ; mais, à cause que pour cet effet il seroit maintenant besoin que je parlasse de plusieurs questions qui sont en controverse entre les doctes, avec lesquels je ne désire point me brouiller, je crois qu′il sera mieux que je m′en abstienne, et que je dise seulement en général quelles elles sont, afin de laisser juger aux plus sages s′il seroit utile que le public en fût plus particulièrement informé. Je suis toujours demeuré ferme en la résolution que j′avois prise de ne supposer aucun autre principe que celui dont je viens de me servir pour démontrer l′existence de Dieu et de l′âme, et de ne recevoir aucune chose pour vraie qui ne me semblât plus claire et plus certaine que n′avoient fait auparavant les démonstrations des géomètres ; et néanmoins j′ose dire que non seulement j′ai trouvé moyen de me satisfaire en peu de temps touchant toutes les principales difficultés dont on a coutume de traiter en la philosophie, mais aussi que j′ai remarqué certaines lois que Dieu a tellement établies en la nature, et dont il a imprimé de telles notions en nos âmes, qu′après y avoir fait assez de réflexion nous ne saurions douter qu′elles ne soient exactement observées en tout ce qui est ou qui se fait dans le monde. Puis, en considérant la suite de ces lois, il me semble avoir découvert plusieurs vérités plus utiles et plus importantes que tout ce que j′avois appris auparavant ou même espéré d′apprendre. Mucho me agradaría proseguir y exponer aquí el encadenamiento de las otras verdades que deduje de esas primeras; pero, como para ello sería necesario que hablase ahora de varias cuestiones que controvierten los doctos , con quienes no deseo indisponerme, creo que mejor será que me abstenga y me limite a decir en general cuáles son, para dejar que otros más sabios juzguen si sería útil o no que el público recibiese más amplia y detenida información. Siempre he permanecido firme en la resolución que tomé de no suponer ningún otro principio que el que me ha servido para demostrar la existencia de Dios y del alma, y de no recibir cosa alguna por verdadera, que no me pareciese más clara y más cierta que las demostraciones de los geómetras; y, sin embargo, me atrevo a decir que no sólo he encontrado la manera de satisfacerme en poco tiempo, en punto a las principales dificultades que suelen tratarse en la filosofía, sino que también he notado ciertas leyes que Dios ha establecido en la naturaleza y cuyas nociones ha impreso en nuestras almas de tal suerte, que si reflexionamos sobre ellas con bastante detenimiento, no podremos dudar de que se cumplen exactamente en todo cuanto hay o se hace en el mundo. Considerando luego la serie de esas leyes, me parece que he descubierto varias verdades más útiles y más importantes que todo lo que anteriormente había aprendido o incluso esperado aprender.
Mais, pourceque j′ai tâche d′en expliquer les principales dans un traité que quelques considérations m′empêchent de publier, je ne les saurois mieux faire connoître qu′en disant ici sommairement ce qu′il contient. J′ai eu dessein d′y comprendre tout ce que je pensois savoir, avant que de l′écrire touchant la nature des choses matérielles. Mais, tout de même que les peintres, ne pouvant également bien représenter dans un tableau plat toutes les diverses faces d′un corps solide, en choisissent une des principales, qu′ils mettent seule vers le jour, et, ombrageant les autres, ne les font paroître qu′autant qu′on les peut voir en la regardant ; ainsi, craignant de ne pouvoir mettre en mon discours tout ce que j′avois en la pensée, j′entrepris seulement d′y exposer bien amplement ce que je concevois de la lumière ; puis, à son occasion, d′y ajouter quelque chose du soleil et des étoiles fixes, à cause qu′elle en procède presque toute ; des cieux, à cause qu′ils la transmettent ; des planètes, des comètes et de la terre, à cause qu′elles la font réfléchir ; et en particulier de tous les corps qui sont sur la terre, à cause qu′ils sont ou colorés, ou transparents, ou lumineux ; et enfin de l′homme, à cause qu′il en est le spectateur. Même, pour ombrager un peu toutes ces choses, et pouvoir dire plus librement ce que j′en jugeois, sans être obligé de suivre ni de réfuter les opinions qui sont reçues entre les doctes, je me résolus de laisser tout ce monde ici à leurs disputes, et de parler seulement de ce qui arriveroit dans un nouveau, si Dieu créoit maintenant quelque part, dans les espaces imaginaires, assez de matière pour le composer, et qu′il agitât diversement et sans ordre les diverses parties de cette matière, en sorte qu′il en composât un chaos aussi confus que les poëtes en puisse feindre, et que par après il ne fit autre chose que prêter son concours ordinaire à la nature, et la laisser agir suivant les lois qu′il a établies. Ainsi, premièrement, je décrivis cette matière, et tâchai de la représenter telle qu′il n′y a rien au monde, ce me semble, de plus clair ni plus intelligible, excepté ce qui a tantôt été dit de Dieu et de l′âme ; car même je supposai expressément qu′il n′y avoit en elle aucune de ces formes ou qualités dont on dispute dans les écoles, ni généralement aucune chose dont la connoissance ne fût si naturelle à nos âmes qu′on ne pût pas même feindre de l′ignorer. De plus, je fis voir quelles étoient les lois de la nature ; et, sans appuyer mes raisons sur aucun autre principe que sur les perfections infinies de Dieu, je tâchai à démontrer toutes celles dont on eût pu avoir quelque doute, et à faire voir qu′elles sont telles qu′encore que Dieu auroit créé plusieurs mondes, il n′y en sauroit avoir aucun où elles manquassent d′être observées. Après cela, je montrai comment la plus grande part de la matière de ce chaos devoit, en suite de ces lois, se disposer et s′arranger d′une certaine façon qui la rendoit semblable à nos cieux ; comment cependant quelques unes de ses parties devoient composer une terre et quelques unes des planètes et des comètes, et quelques autres un soleil et des étoiles fixes. Et ici, m′étendant sur le sujet de la lumière, j′expliquai bien au long quelle étoit celle qui se devoit trouver dans le soleil et les étoiles, et comment de là elle traversoit en un instant les immenses espaces des cieux, et comment elle se réfléchissoit des planètes et des comètes vers la terre. J′y ajoutai aussi plusieurs choses touchant la substance, la situation, les mouvements, et toutes les diverses qualités de ces cieux et de ces astres ; en sorte que je pensois en dire assez pour faire connoître qu′il ne se remarque rien en ceux de ce monde qui ne dût ou du moins qui ne pût paroître tout semblable en ceux du monde que je décrivois. De là je vins à parler particulièrement de la terre : comment, encore que j′eusse expressément supposé que Dieu n′avoit mis aucune pesanteur en la matière dont elle étoit composée, toutes ses parties ne laissoient pas de tendre exactement vers son centre ; comment, y ayant de l′eau et de l′air sur sa superficie, la disposition des cieux et des astres, principalement de la lune, y devoit causer un flux et reflux qui fût semblable en toutes ses circonstances à celui qui se remarque dans nos mers, et outre cela un certain cours tant de l′eau que de l′air, du levant Vers le couchant, tel qu′on le remarque aussi entre les tropiques ; comment les montagnes, les mers, les fontaines et les rivières pouvoient naturellement s′y former, et les métaux y venir dans les mines, et les plantes y croître dans les campagnes, et généralement tous les corps qu′on nomme mêlés ou composés s′y engendrer : et, entre autres choses, à cause qu′après les astres je ne connois rien au monde que le feu qui produise de la lumière, je m′étudiai à faire entendre bien clairement tout ce qui appartient à sa nature, comment il se fait, comment il se nourrit, comment il n′a quelquefois que de la chaleur sans lumière, et quelquefois que de la lumière sans chaleur ; comment il peut introduire diverses couleurs en divers corps, et diverses autres qualités ; comment il en font quelques uns et en durcit d′autres ; comment il les peut consumer presque tous ou convertir en cendres et en fumée ; et enfin comment de ces cendres, par la seule violence de son action, il forme du verre ; car cette transmutation de cendres en verre me semblant être aussi admirable qu′aucune autre qui se fasse en la nature, je pris particulièrement plaisir à la décrire. Mas habiendo procurado explicar las principales de entre ellas en un tratado que, por algunas consideraciones, no puedo publicar, lo mejor será, para darlas a conocer, que diga aquí sumariamente lo que ese tratado contiene. Propúseme poner en él todo cuando yo creía saber, antes de escribirlo, acerca de la naturaleza de las cosas materiales. Pero así como los pintores, no pudiendo representar igualmente bien, en un cuadro liso, todas las diferentes caras de un objeto sólido, eligen una de las principales, que vuelven hacia la luz, y representan las demás en la sombra, es decir, tales como pueden verse cuando se mira a la principal, así también, temiendo yo no poder poner en mi discurso todo lo que había en mi pensamiento, hube de limitarme a explicar muy ampliamente mi concepción de la luz; luego, con esta ocasión, añadí algo acerca del sol y de las estrellas fijas, porque casi toda la luz viene de esos cuerpos; de los cielos, que la transmiten; de los planetas, de los cometas y de la tierra, que la reflejan; y en particular, de todos los cuerpos que hay sobre la tierra, que son o coloreados, o transparentes o luminosos; y, por último, del hombre, que es el espectador. Y para dar un poco de sombra a todas esas cosas y poder declarar con más libertad mis juicios, sin la obligación de seguir o de refutar las opiniones recibidas entre los doctos, resolví abandonar este mundo nuestro a sus disputas y hablar sólo de lo que ocurriría en otro mundo nuevo, si Dios crease ahora en los espacios imaginarios bastante materia para componerlo y, agitando diversamente y sin orden las varias partes de esa materia, fórmase un caos tan confuso como puedan fingirlo los poetas, sin hacer luego otra cosa que prestar su ordinario concurso a la naturaleza, dejándola obrar, según las leyes por él establecidas. Así, primeramente describí esa materia y traté de representarla, de tal suerte que no hay, a mi parecer, nada más claro e inteligible , excepto lo que antes hemos dicho de Dios y del alma; pues hasta supuse expresamente que no hay en ella ninguna de esas formas o cualidades de que disputan las escuelas , ni en general ninguna otra cosa cuyo conocimiento no sea tan natural a nuestras almas, que no se pueda ni siquiera fingir que se ignora. Hice ver, además, cuales eran las leyes de la naturaleza; y sin fundar mis razones en ningún otro principio que las infinitas perfecciones de Dios, traté de demostrar todas aquéllas sobre las que pudiera haber alguna duda, y procuré probar que son tales que, aun cuando Dios hubiese creado varios mundos, no podría haber uno en donde no se observaran cumplidamente. Después de esto, mostré cómo la mayor parte de la materia de ese caos debía, a consecuencia de esas leyes, disponerse y arreglarse de cierta manera que la hacía semejante a nuestros cielos; cómo, entretanto, algunas de sus partes habían de componer una tierra, y algunas otras, planetas y cometas, y algunas otras, un sol y estrellas fijas. Y aquí, extendiéndome sobre el tema de la luz, expliqué por lo menudo cuál era la que debía haber en el sol y en las estrellas y cómo desde allí atravesaba en un instante los espacios inmensos de los cielos y cómo se reflejaba desde los planetas y los cometas hacia la tierra. Añadí también algunas cosas acerca de la sustancia, la situación, los movimientos y todas las varias cualidades de esos cielos y esos astros, de suerte que pensaba haber dicho lo bastante para que se conociera que nada se observa, en los de este mundo, que no deba o, al menos, no pueda parecer en un todo semejante a los de ese otro mundo que yo describía. De ahí pasé a hablar particularmente de la tierra; expliqué cómo, aun habiendo supuesto expresamente que el Creador no dio ningún peso a la materia, de que está compuesta, no por eso dejaban todas sus partes de dirigirse exactamente hacia su centro; cómo, habiendo agua y aire en su superficie, la disposición de los cielos y de los astros, principalmente de la luna, debía causar un flujo y reflujo semejante en todas sus circunstancias al que se observa en nuestros mares, y además una cierta corriente, tanto del agua como del aire, que va de Levante a Poniente, como la que se observa también entre los trópicos; cómo las montañas, los mares, las fuentes y los ríos podían formarse naturalmente, y los metales producirse en las minas, y las plantas crecer en los campos, y, en general, engendrarse todos esos cuerpos llamados mezclas o compuestos. Y entre otras cosas, no conociendo yo, después de los astros, nada en el mundo que produzca luz, sino el fuego, me esforcé por dar claramente a entender cuanto a la naturaleza de éste pertenece, cómo se produce, cómo se alimenta, cómo a veces da calor sin luz y otras luz sin calor; cómo puede prestar varios colores a varios cuerpos y varias otras cualidades; cómo funde unos y endurece otros; cómo puede consumirlos casi todos o convertirlos en cenizas y humo; y, por último, cómo de esas cenizas, por sólo la violencia de su acción, forma vidrio; pues esta transmutación de las cenizas en vidrio, pareciéndome tan admirable como ninguna otra de las que ocurren en la naturaleza, tuve especial agrado en describirla.
Toutefois je ne voulois pas inférer de toutes ces choses que ce monde ait été créé en la façon que je proposois ; car il est bien plus vraisemblable que dès le commencement Dieu l′a rendu tel qu′il devoit être. Mais il est certain, et c′est une opinion communément reçue entre les théologiens, que l′action par laquelle maintenant il le conserve, est toute la même que celle par laquelle il l′a créé ; de façon qu′encore qu′il ne lui auroit point donné au commencement d′autre forme que celle du chaos, pourvu qu′ayant établi les lois de la nature, il lui prêtât son concours pour agir ainsi qu′elle a de coutume, on peut croire, sans faire tort au miracle de la création, par cela seul toutes les choses qui sont purement matérielles auroient pu avec le temps s′y rendre telles que nous les voyons à présent ; et leur nature est bien plus aisée à concevoir, lorsqu′on les voit naître peu à peu en cette sorte, que lorsqu′on ne les considère que toutes faites. Sin embargo, de todas esas cosas no quería yo inferir que este mundo nuestro haya sido creado de la manera que yo explicaba, porque es mucho más verosímil que, desde el comienzo, Dios lo puso tal y como debía ser. Pero es cierto - y esta opinión es comúnmente admitida entre los teólogos- que la acción por la cual Dios lo conserva es la misma que la acción por la cual lo ha creado ; de suerte que, aun cuando no le hubiese dado en un principio otra forma que la del caos, con haber establecido las leyes de la naturaleza y haberle prestado su concurso para obrar como ella acostumbra, puede creerse, sin menoscabo del milagro de la creación, que todas las cosas, que son puramente materiales, habrían podido, con el tiempo, llegar a ser como ahora las vemos; y su naturaleza es mucho más fácil de concebir cuando se ven nacer poco a poco de esa manera, que cuando se consideran ya hechas del todo.
De la description des corps inanimés et des plantes, je passai à celle des animaux, et particulièrement à celle des hommes. Mais pourceque je n′en avois pas encore assez de connoissance pour en parler du même style que du reste, c′est-à-dire en démontrant les effets par les causes, et faisant voir de quelles semences et en quelle façon la nature les doit produire, je me contentai de supposer que Dieu formât le corps d′un homme entièrement semblable à l′un des nôtres, tant en la figure extérieure de ses membres, qu′en la conformation intérieure de ses organes, sans le composer d′autre matière que de celle que j′avois décrite, et sans mettre en lui au commencement aucune âme raisonnable, ni aucune autre chose pour y servir d′âme végétante ou sensitive, sinon qu′il excitât en son cœur un de ces feux sans lumière que j′avois déjà expliqués, et que je ne concevois point d′autre nature que celui qui échauffe le foin lorsqu′on l′a renfermé avant qu′il fût sec, ou qui fait bouillir les vins nouveaux lorsqu′on les laisse cuver sur la râpe : car, examinant les fonctions qui pouvoient en suite de cela être en ce corps, j′y trouvois exactement toutes celles qui peuvent être en nous sans que nous y pensions, ni par conséquent que notre âme, c′est-à-dire cette partie distincte du corps dont il a été dit ci-dessus que la nature n′est que de penser, y contribue, et qui sont toutes les mêmes en quoi on peut dire que les animaux sans raison nous ressemblent sans que j′y en pusse pour cela trouver aucune de celles qui, étant dépendantes de la pensée, sont les seules qui nous appartiennent, en tant qu′hommes ; au lieu que je les y trouvois toutes par après, ayant supposé que Dieu créât une âme raisonnable, et qu′il la joignît à ce corps en certaine façon que je décrivois. De la descripción de los cuerpos inanimados y de las plantas, pasé a la de los animales y particularmente a la de los hombres. Mas no teniendo aún bastante conocimiento para hablar de ellos con el mismo estilo que de los demás seres, es decir, demostrando los efectos por las causas y haciendo ver de qué semillas y en qué manera debe producirlos la naturaleza, me limité a suponer que Dios formó el cuerpo de un hombre enteramente igual a uno de los nuestros, tanto en la figura exterior de sus miembros como en la interior conformación de sus órganos, sin componerlo de otra materia que la que yo había descrito anteriormente y sin darle al principio alma alguna razonable, ni otra cosa que sirviera de alma vegetativa o sensitiva, sino excitando en su corazón uno de esos fuegos sin luz, ya explicados por mí y que yo concebía de igual naturaleza que el que calienta el heno encerrado antes de estar seco o el que hace que los vinos nuevos hiervan cuando se dejan fermentar con su hollejo; pues examinando las funciones que, a consecuencia de ello, podía haber en ese cuerpo, hallaba que eran exactamente las mismas que pueden realizarse en nosotros, sin que pensemos en ellas y, por consiguiente, sin que contribuya en nada nuestra alma, es decir, esa parte distinta del cuerpo, de la que se ha dicho anteriormente que su naturaleza es sólo pensar ; y siendo esas funciones las mismas todas, puede decirse que los animales desprovistos de razón son semejantes a nosotros; pero en cambio no se puede encontrar en ese cuerpo ninguna de las que dependen del pensamiento que son, por tanto, las únicas que nos pertenecen en cuanto hombres; pero ésas las encontraba yo luego, suponiendo que Dios creó un alma razonable y la añadió al cuerpo, de cierta manera que yo describía.
Mais afin qu′on puisse voir en quelle sorte j′y traitais cette matière, je veux mettre ici l′explication du mouvement du cœur et des artères, qui étant le premier et le plus général qu′on observe dans les animaux, on jugera facilement de lui ce qu′on doit penser de tous les autres. Et afin qu′on ait moins de difficulté à entendre ce que j′en dirai, je voudrois que ceux qui ne sont point versés en l′anatomie prissent la peine, avant que de lire ceci, de faire couper devant eux le cœur de quelque grand animal qui ait des poumons, car il est en tous assez semblable à celui de l′homme, et qu′ils se fissent montrer les deux chambres ou concavités qui y sont : premièrement celle qui est dans son côté droit, à laquelle répondent deux tuyaux fort larges ; à savoir, la veine cave, qui est le principal réceptacle du sang, et comme le tronc de l′arbre dont toutes les autres veines du corps sont les branches ; et la veine artérieuse, qui a été ainsi mal nommée, pourceque c′est en effet une artère, laquelle, prenant son origine du cœur, se divise, après en être sortie, en plusieurs branches qui vont se répandre partout dans les poumons : puis celle qui est dans son côté gauche, à laquelle répondent en même façon deux tuyaux qui sont autant ou plus larges que les précédents ; à savoir, l′artère veineuse, qui a été aussi mal nommée, à cause qu′elle n′est autre chose qu′une veine, laquelle vient des poumons, où elle est divisée en plusieurs branches entrelacées avec celles de la veine artérieuse, et celles de ce conduit qu′on nomme le sifflet, par où entre l′air de la respiration ; et la grande artère qui, sortant du cœur, envoie ses branches partout le corps. Je voudrois aussi qu′on leur montrât soigneusement les onze petites peaux qui, comme autant de petites portes, ouvrent et ferment les quatre ouvertures qui sont en ces deux concavités ; à savoir, trois à l′entrée de la veine cave, où elles sont tellement disposées qu′elles ne peuvent aucunement empêcher que le sang qu′elle contient ne coule dans la concavité droite du cœur, et toutefois empêchent exactement qu′il n′en puisse sortir ; trois a l′entrée de la veine artérieuse, qui, étant disposées tout au contraire, permettent bien au sang qui est dans cette concavité de passer dans les poumons, mais non pas à celui qui est dans les poumons d′y retourner ; et ainsi deux autres à l′entrée de l′artère veineuse, qui laissent couler le sang des poumons vers la concavité gauche du cœur, mais s′opposent à son retour ; et trois à l′entrée de la grande artère, qui lui permettent de sortir du cœur, mais l′empêchent d′y retourner et il n′est point besoin de chercher d′autre raison du nombre de ces peaux, sinon que l′ouverture de l′artère veineuse étant en ovale, à cause du lieu où elle se rencontre, peut être commodément fermée avec deux, au lieu que les autres étant rondes, le peuvent mieux être avec trois. De plus, je voudrois qu′on leur fît considérer que la grande artère et la veine artérieuse sont d′une composition beaucoup plus dure et plus ferme que ne sont l′artère veineuse et la veine cave ; et que ces deux dernières s′élargissent avant que d′entrer dans le cœur, et y font comme deux bourses, nommées les oreilles du cœur, qui sont composées d′une chair semblable à la sienne ; et qu′il y a toujours plus de chaleur dans le cœur qu′en aucun autre endroit du corps ; et enfin que cette chaleur est capable de faire que, s′il entre quelque goutte de sang en ses concavités, elle s′enfle promptement et se dilate, ainsi que font généralement toutes les liqueurs, lorsqu′on les laisse tomber goutte à goutte en quelque vaisseau qui est fort chaud. Pero para que pueda verse el modo como estaba tratada esta materia, voy a poner aquí la explicación del movimiento del corazón y de las arterias que, siendo el primero y más general que se observa en los animales, servirá para que se juzgue luego fácilmente lo que deba pensarse de todos los demás. Y para que sea más fácil de comprender lo que voy a decir, desearía que los que no están versados en anatomía, se tomen el trabajo, antes de leer esto, de mandar cortar en su presencia el corazón de algún animal grande, que tenga pulmones, pues en un todo se parece bastante al del hombre, y que vean las dos cámaras o concavidades que hay en él; primero, la que está en el lado derecho, a la que van a parar dos tubos muy anchos, a saber: la vena cava, que es el principal receptáculo de la sangre y como el tronco del árbol, cuyas ramas son las demás venas del cuerpo, y la vena arteriosa, cuyo nombre está mal puesto, porque es, en realidad, una arteria que sale del corazón y se divide luego en varias ramas que van a repartirse por los pulmones en todos los sentidos; segundo, la que está en el lado izquierdo, a la que van a parar del mismo modo dos tubos tan anchos o más que los anteriores, a saber: la arteria venosa, cuyo nombre está también mal puesto, porque no es sino una vena que viene de los pulmones, en donde está dividida en varias ramas entremezcladas con las de la vena arteriosa y con las del conducto llamado caño del pulmón, por donde entra el aire de la respiración; y la gran arteria, que sale del corazón y distribuye sus ramas por todo el cuerpo. También quisiera yo que vieran con mucho cuidado los once pellejillos que, como otras tantas puertecitas, abren y cierran los cuatro orificios que hay en esas dos concavidades, a saber: tres a la entrada de la vena cava, en donde están tan bien dispuestos que no pueden en manera alguna impedir que la sangre entre en la concavidad derecha del corazón y, sin embargo, impiden muy exactamente que pueda salir; tres a la entrada de la vena arteriosa, los cuales están dispuestos en modo contrario y permiten que la sangre que hay en esta concavidad pase a los pulmones, pero no que la que está en los pulmones vuelva a entrar en esa concavidad; dos a la entrada de la arteria venosa, los cuales dejan correr la sangre desde los pulmones hasta la concavidad izquierda del corazón, pero se oponen a que vaya en sentido contrario; y tres a la entrada de la gran arteria, que permiten que la sangre salga del corazón, pero le impiden que vuelva a entrar. Y del número de estos pellejos no hay que buscar otra razón sino que el orificio de la arteria venosa, siendo ovalado, a causa del sitio en donde se halla, puede cerrarse cómodamente con dos, mientras que los otros, siendo circulares, pueden cerrarse mejor con tres. Quisiera yo, además, que considerasen que la gran arteria y la vena arteriosa están hechas de una composición mucho más dura y más firme que la arteria venosa y la vena cava, y que estas dos últimas se ensanchan antes de entrar en el corazón, formando como dos bolsas, llamadas orejas del corazón, compuestas de una carne semejante a la de éste; y que siempre hay más calor en el corazón que en ningún otro sitio del cuerpo; y, por último, que este calor es capaz de hacer que si entran algunas gotas de sangre en sus concavidades, se inflen muy luego y se dilaten, como ocurre generalmente a todos los líquidos, cuando caen gota a gota en algún vaso muy caldeado.
Car, après cela, je n′ai besoin de dire autre chose pour expliquer le mouvement du cœur, sinon que lorsque ses concavités ne sont pas pleines de sang, il y en coule nécessairement de la veine cave dans la droite et de l′artère veineuse dans la gauche, d′autant que ces deux vaisseaux en sont toujours pleins, et que leurs ouvertures, qui regardent vers le cœur, ne peuvent alors être bouchées ; mais que sitôt qu′il est entré ainsi deux gouttes de sang, une en chacune de ses concavités, ces gouttes, qui ne peuvent être que fort grosses, à cause que les ouvertures par où elles entrent sont fort larges et les vaisseaux d′où elles viennent fort pleins de sang, se raréfient et se dilatent, à cause de la chaleur qu′elles y trouvent ; au moyen de quoi, faisant enfler tout le cœur, elles poussent et ferment les cinq petites portes qui sont aux entrées des deux vaisseaux d′où elles viennent, empêchant ainsi qu′il ne descende davantage de sang dans le cœur ; et, continuant à se raréfier de plus en plus, elles poussent et ouvrent les six autres petites portes qui sont aux entrées des deux autres vaisseaux par où elles sortent, faisant enfler par ce moyen toutes les branches de la veine artérieuse et de la grande artère, quasi au même instant que le cœur ; lequel incontinent après se désenfle, comme font aussi ces artères, à cause que le sang qui y est entré s′y refroidit ; et leurs six petites portes se referment, et les cinq de la veine cave et de l′artère veineuse se rouvrent, et donnent passage à deux autres gouttes de sang, qui font derechef enfler le cœur et les artères, tout de même que les précédentes. Et pourceque le sang qui entre ainsi dans le cœur passe par ces deux bourses qu′on nomme ses oreilles, de là vient que leur mouvement est contraire au sien, et qu′elles se désenflent lorsqu′il s′enfle. Au reste, afin que ceux qui ne connoissent pas la force des démonstrations mathématiques, et ne sont pas accoutumés à distinguer les vraies raisons des vraisemblables, ne se hasardent pas de nier ceci sans l′examiner, je les veux avertir que ce mouvement que je viens d′expliquer suit aussi nécessairement de la seule disposition des organes qu′on peut voir à l′oeil dans le cœur, et de la chaleur qu′on y peut sentir avec les doigts, et de la nature du sang qu′on peut connoître par expérience, que fait celui d′un horloge, de la force, de la situation et de la figure de ses contre-poids et de ses roues. Dicho esto, basta añadir, para explicar el movimiento del corazón, que cuando las concavidades no están llenas de sangre, entra necesariamente sangre de la vena cava en la de la derecha, y de la arteria venosa en la de la izquierda, tanto más cuanto que estos dos vasos están siempre llenos, y sus orificios, que miran hacia el corazón, no pueden por entonces estar tapados; pero tan pronto como de ese modo han entrado dos gotas de sangre, una en cada concavidad, estas gotas, que por fuerza son muy gruesas, porque los orificios por donde entran son muy anchos y los vasos de donde vienen están muy llenos de sangre, se expanden y dilatan a causa del calor en que caen; por donde sucede que hinchan todo el corazón y empujan y cierran las cinco puertecillas que están a la entrada de los dos vasos de donde vienen, impidiendo que baje más sangre al corazón; y continúan dilatándose cada vez más, con lo que empujan y abren las otras seis puertecillas, que están a la entrada de los otros dos vasos, por los cuales salen entonces, produciendo así una hinchazón en todas las ramas de la vena arteriosa y de la gran arteria, casi al mismo tiempo que en el corazón; éste se desinfla muy luego, como asimismo sus arterias, porque la sangre que ha entrado en ellas se enfría; y las seis puertecillas vuelven a cerrarse, y las cinco de la vena cava y de la arteria venosa vuelven a abrirse, dando paso a otras dos gotas de sangre, que, a su vez, hinchan el corazón y las arterias como anteriormente. Y porque la sangre, antes de entrar en el corazón, pasa por esas dos bolsas, llamadas orejas, de ahí viene que el movimiento de éstas sea contrario al de aquél, y que éstas se desinflen cuando aquél se infla. Por lo demás, para que los que no conocen la fuerza de las demostraciones matemáticas y no tienen costumbre de distinguir las razones verdaderas de las verosímiles, no se aventuren a negar esto que digo, sin examinarlo, he de advertirles que el movimiento que acabo de explicar se sigue necesariamente de la sola disposición de los órganos que están a la vista en el corazón y del calor que, con los dedos, puede sentirse en esta víscera y de la naturaleza de la sangre que, por experiencia, puede conocerse, como el movimiento de un reloj se sigue de la fuerza, de la situación y de la figura de sus contrapesos y de sus ruedas.
Mais si on demande comment le sang des veines ne s′épuise point, en coulant ainsi continuellement dans le cœur, et comment les artères n′en sont point trop remplies, puisque tout celui qui passe par le cœur s′y va rendre, je n′ai pas besoin d′y répondre autre chose que ce qui a déjà été écrit par un médecin d′Angleterre , auquel il faut donner la louange d′avoir rompu la glace en cet endroit, et d′être le premier qui a enseigné qu′il y a plusieurs petits passages aux extrémités des artères, par où le sang qu′elles reçoivent du cœur entre dans les petites branches des veines, d′où il va se rendre derechef vers le cœur ; en sorte que son cours n′est autre chose qu′une circulation perpétuelle. Ce qu′il prouve fort bien par l′expérience ordinaire des chirurgiens, qui, ayant lié le bras médiocrement fort, au-dessus de l′endroit où ils ouvrent la veine, font que le sang en sort plus abondamment que s′ils ne l′avoient point lié ; et il arriveroit tout le contraire s′ils le lioient au dessous entre la main et l′ouverture, ou bien qu′ils le liassent très fort au-dessus. Car il est manifeste que le lien, médiocrement serré, pouvant empêcher que le sang qui est déjà dans le bras ne retourne vers le cœur par les veines, n′empêche pas pour cela qu′il n′y en vienne toujours de nouveau par les artères, à cause qu′elles sont situées au dessous des veines, et que leurs peaux, étant plus dures, sont moins aisées à presser ; et aussi que le sang qui vient du cœur tend avec plus de force à passer par elles vers la main, qu′il ne fait à retourner de là vers le cœur par les veines ; et puisque ce sang sort du bras par l′ouverture qui est en l′une des veines, il doit nécessairement y avoir quelques passages au-dessous du lien, c′est-à-dire vers les extrémités du bras, par où il y puisse venir des artères. Il prouve aussi fort bien ce qu′il dit du cours du sang, par certaines petites peaux, qui sont tellement disposées en divers lieux le long des veines, qu′elles ne lui permettent point d′y passer du milieu du corps vers les extrémités, mais seulement de retourner des extrémités vers le cœur ; et de plus par l′expérience qui montre que tout celui qui est dans le corps en peut sortir en fort peu de temps par une seule artère lorsqu′elle est coupée, encore même qu′elle fût étroitement liée fort proche du cœur, et coupée entre lui et le lien, en sorte qu′on n′eût aucun sujet d′imaginer que le sang qui en sortiroit vînt d′ailleurs. Pero si se pregunta cómo la sangre de las venas no se acaba, al entrar así continuamente en el corazón, y cómo las arterias no se llenan demasiadamente, puesto que toda la que pasa por el corazón viene a ellas, no necesito contestar otra cosa que lo que ya ha escrito un médico de Inglaterra , a quien hay que reconocer el mérito de haber abierto brecha en este punto y de ser el primero que ha enseñado que hay en las extremidades de las arterias varios pequeños corredores, por donde la sangre que llega del corazón pasa a las ramillas extremas de las venas y de aquí vuelve luego al corazón; de suerte que el curso de la sangre es una circulación perpetua. Y esto lo prueba muy bien por medio de la experiencia ordinaria de los cirujanos, quienes, habiendo atado el brazo con mediana fuerza por encima del sitio en donde abren la vena, hacen que la sangre salga más abundante que si no hubiesen atado el brazo; y ocurriría todo lo contrario si lo ataran más abajo, entre la mano y la herida, o si lo ataran con mucha fuerza por encima. Porque es claro que la atadura hecha con mediana fuerza puede impedir que la sangre que hay en el brazo vuelva al corazón por las venas, pero no que acuda nueva sangre por las arterias, porque éstas van por debajo de las venas, y siendo sus pellejos más duros, son menos fáciles de oprimir; y también porque la sangre que viene del corazón tiende con más fuerza a pasar por las arterias hacia la mano, que no a volver de la mano hacia el corazón por las venas; y puesto que la sangre sale del brazo, por el corte que se ha hecho en una de las venas, es necesario que haya algunos pasos por la parte debajo de la atadura, es decir, hacia las extremidades del brazo, por donde la sangre pueda venir de las arterias. También prueba muy satisfactoriamente lo que dice del curso de la sangre, por la existencia de ciertos pellejos que están de tal modo dispuestos en diferentes lugares, a lo largo de las venas, que no permiten que la sangre vaya desde el centro del cuerpo a las extremidades y sí sólo que vuelva de las extremidades al centro; y además, la experiencia demuestra que toda la sangre que hay en el cuerpo puede salir en poco tiempo por una sola arteria que se haya cortado, aun cuando, habiéndose atado la arteria muy cerca del corazón, se haya hecho el corte entre éste y la atadura, de tal suerte que no haya ocasión de imaginar que la sangre vertida pueda venir de otra parte.
Mais il y a plusieurs autres choses qui témoignent que la vraie cause de ce mouvement du sang est celle que j′ai dite. Comme, premièrement, la différence qu′on remarque entre celui qui sort des veines et celui qui sort des artères ne peut procéder que de ce qu′étant raréfié et comme distillé en passant par le cœur, il est plus subtil et plus vif et plus chaud incontinent après en être sorti, c′est-à-dire étant dans les artères, qu′il n′est un peu devant que d′y entrer, c′est-à-dire étant dans les veines. Et si on y prend garde, on trouvera que cette différence ne paroît bien que vers le cœur, et non point tant aux lieux qui en sont les plus éloignés. Puis, la dureté des peaux dont la veine artérieuse et la grande artère sont composées montre assez que le sang bat contre elles avec plus de force que contre les veines. Et pourquoi la concavité gauche du cœur et la grande artère seroient-elles plus amples et plus larges que la concavité droite et la veine artérieuse, si ce n′étoit que le sang de l′artère veineuse, n′ayant été que dans les poumons depuis qu′il a passé par le cœur, est plus subtil et se raréfie plus fort et plus aisément que celui qui vient immédiatement de la veine cave ? Et qu′est-ce que les médecins peuvent deviner en tâtant le pouls, s′ils ne savent que, selon que le sang change de nature, il peut être raréfié par la chaleur du cœur plus ou moins fort, et plus ou moins vite qu′auparavant ? Et si on examine comment cette chaleur se communique aux autres membres, ne faut-il pas avouer que c′est par le moyen du sang, qui, passant par le cœur, s′y réchauffe, et se répand de là par tout le corps ? D′où vient que si on ôte le sang de quelque partie, on en ôte par même moyen la chaleur ; et encore que le cœur fût aussi ardent qu′un fer embrasé, il ne suffiroit pas pour réchauffer les pieds et les mains tant qu′il fait, s′il n′y envoyoit continuellement de nouveau sang. Puis aussi on connoît de là que le vrai usage de la respiration est d′apporter assez d′air frais dans le poumon pour faire que le sang qui y vient de la concavité droite du cœur, où il a été raréfié et comme changé en vapeurs, s′y épaississe et convertisse en sang derechef, avant que de retomber dans la gauche, sans quoi il ne pourroit être propre à servir de nourriture au feu qui y est ; ce qui se confirme parce qu′on voit que les animaux qui n′ont point de poumons n′ont aussi qu′une seule concavité dans le cœur, et que les enfants, qui n′en peuvent user pendant qu′ils sont renfermés au ventre de leurs mères, ont une ouverture par où il coule du sang de la veine cave en la concavité gauche du cœur, et un conduit par où il en vient de la veine artérieuse en la grande artère, sans passer par le poumon. Puis la coction comment se feroit-elle en l′estomac, si le cœur n′y envoyoit de la chaleur par les artères, et avec cela quelques unes des plus coulantes parties du sang, qui aident à dissoudre les viandes qu′on y a mises ? Et l′action qui convertit le suc de ces viandes en sang n′est-elle pas aisée à connoître, si on considère qu′il se distille, en passant et repassant par le cœur, peut-être plus de cent ou deux cents fois en chaque jour ? Et qu′a-t-on besoin d′autre chose pour expliquer la nutrition et la production des diverses humeurs qui sont dans le corps, sinon de dire que la force dont le sang, en se raréfiant, passe du cœur vers les extrémités des artères, fait que quelques unes de ses parties s′arrêtent entre celles des membres où elles se trouvent, et y prennent la place de quelques autres qu′elles en chassent, et que, selon la situation ou la figure ou la petitesse des pores qu′elles rencontrent, les unes se vont rendre en certains lieux plutôt que les autres, en même façon que chacun peut avoir vu divers cribles, qui, étant diversement percés, servent à séparer divers grains les uns des autres ? Et enfin, ce qu′il y a de plus remarquable en tout ceci, c′est la génération des esprits animaux, qui sont comme un vent très subtil, ou plutôt comme une flamme très pure et très vive, qui, montant continuellement en grande abondance du cœur dans le cerveau, se va rendre de là par les nerfs dans les muscles, et donne le mouvement à tous les membres ; sans qu′il faille imaginer d′autre cause qui fasse que les parties du sang qui, étant les plus agitées et les plus pénétrantes, sont les plus propres à composer ces esprits, se vont rendre plutôt vers le cerveau que vers ailleurs, sinon que les artères qui les y portent sont celles qui viennent du cœur le plus en ligne droite de toutes, et que, selon les règles des mécaniques, qui sont les mêmes que celles de la nature, lorsque plusieurs choses tendent ensemble à se mouvoir vers un même côté où il n′y a pas assez de place pour toutes, ainsi que les parties du sang qui sortent de la concavité gauche du cœur tendent vers le cerveau, les plus foibles et moins agitées en doivent être détournées par les plus fortes, qui par ce moyen s′y vont rendre seules. Pero hay otras muchas cosas que dan fe de que la verdadera causa de ese movimiento de la sangre es la que he dicho, como son primeramente la diferencia que se nota entre la que sale de las venas y la que sale de las arterias, diferencia que no puede venir sino de que, habiéndose rarificado y como destilado la sangre, al pasar por el corazón, es más sutil y más viva y más caliente en saliendo de este, es decir, estando en las arterias, que no poco antes de entrar, o sea estando en las venas. Y si bien se mira, se verá que esa diferencia no aparece del todo sino cerca del corazón y no tanto en los lugares más lejanos; además, la dureza del pellejo de que están hechas la vena arteriosa y la gran arteria, es buena prueba de que la sangre las golpea con más fuerza que a las venas. Y ¿cómo explicar que la concavidad izquierda del corazón y la gran arteria sean más amplias y anchas que la concavidad derecha y la vena arteriosa, sino porque la sangre de la arteria venosa, que antes de pasar por el corazón no ha estado más que en los pulmones, es más sutil y se expande mejor y más fácilmente que la que viene inmediatamente de la vena cava? ¿Y qué es lo que los médicos pueden averiguar, al tomar el pulso, si no es que, según que la sangre cambie de naturaleza, puede el calor del corazón distenderla con más o menos fuerza y más o menos velocidad? Y si inquirimos cómo este calor se comunica a los demás miembros, habremos de convenir en que es por medio de la sangre, que, al pasar por el corazón, se calienta y se reparte luego por todo el cuerpo, de donde sucede que, si quitamos sangre de una parte, quitámosle asimismo el calor; y aun cuando el corazón estuviese ardiendo, como un hierro candente, no bastaría a calentar los pies y las manos, como lo hace, si no les enviase de continuo sangre nueva. También por esto se conoce que el uso verdadero de la respiración es introducir en el pulmón aire fresco bastante a conseguir que la sangre, que viene de la concavidad derecha del corazón, en donde ha sido dilatada y como cambiada en vapores, se espese y se convierta de nuevo en sangre, antes de volver a la concavidad izquierda, sin lo cual no pudiera ser apta a servir de alimento al fuego que hay en la dicha concavidad; y una confirmación de esto es que vemos que los animales que no tienen pulmones, poseen una sola concavidad en el corazón, y que los niños que estando en el seno materno no pueden usar de los pulmones, tienen un orificio por donde pasa sangre de la vena cava a la concavidad izquierda del corazón, y un conducto por donde va de la vena arteriosa a la gran arteria, sin pasar por el pulmón. Además, ¿cómo podría hacerse la cocción de los alimentos en el estómago, si el corazón no enviase calor a esta víscera por medio de las arterias, añadiéndole algunas de las más suaves partes de la sangre, que ayudan a disolver las viandas? Y la acción que convierte en sangre el jugo de esas viandas, ¿no es fácil de conocer, si se considera que, al pasar una y otra vez por el corazón, se destila quizá más de cien o doscientas veces cada día? Y para explicar la nutrición y la producción de los varios humores que hay en el cuerpo, ¿qué necesidad hay de otra cosa, sino decir que la fuerza con que la sangre, al dilatarse, pasa del corazón a las extremidades de las arterias, es causa de que algunas de sus partes se detienen entre las partes de los miembros en donde se hallan, tomando el lugar de otras que expulsan, y que, según la situación o la figura o la pequeñez de los poros que encuentran, van unas a alojarse en ciertos lugares y otras en ciertos otros, del mismo modo como hacen las cribas que, por estar agujereadas de diferente modo, sirven para separar unos de otros los granos de varios tamaños. Y, por último, lo que hay de más notable en todo esto, es la generación de los espíritus animales, que son como un sutilísimo viento, o más bien como una purísima y vivísima llama, la cual asciende de continuo muy abundante desde el corazón al cerebro y se corre luego por los nervios a los músculos y pone en movimiento todos los miembros; y para explicar cómo las partes de la sangre más agitadas y penetrantes van hacia el cerebro, más bien que a otro lugar cualquiera, no es necesario imaginar otra causa sino que las arterias que las conducen son las que salen del corazón en línea más recta, y, según las reglas mecánicas, que son las mismas que las de la naturaleza, cuando varias cosas tienden juntas a moverse hacia un mismo lado, sin que haya espacio bastante para recibirlas todas, como ocurre a las partes de la sangre que salen de la concavidad izquierda del corazón y tienden todas hacia el cerebro, las más fuertes deben dar de lado a las más endebles y menos agitadas y, por lo tanto, ser las únicas que lleguen .
J′avois expliqué assez particulièrement toutes ces choses dans le traité que j′avois eu ci-devant dessein de publier. Et ensuite j′y avois montré quelle doit être la fabrique des nerfs et des muscles du corps humain, pour faire que les esprits animaux étant dedans aient la force de mouvoir ses membres, ainsi qu′on voit que les têtes, un peu après être coupées, se remuent encore et mordent la terre nonobstant qu′elles ne soient plus animées ; quels changements se doivent faire dans le cerveau pour causer la veille, et le sommeil, et les songes ; comment la lumière, les sons, les odeurs, les goûts, la chaleur, et toutes les autres qualités des objets extérieurs y peuvent imprimer diverses idées, par l′entremise des sens ; comment la faim, la soif, et les autres passions intérieures y peuvent aussi envoyer les leurs ; ce qui doit y être pris pour le sens commun où ces idées sont reçues, pour la mémoire qui les conserve, et pour la fantaisie qui les peut diversement changer et en composer de nouvelles, et, par même moyen, distribuant les esprits animaux dans les muscles, faire mouvoir les membres de ce corps en autant de diverses façons, et autant à propos des objets qui se présentent à ses sens et des passions intérieures qui sont en lui, que les nôtres se puissent mouvoir sans que la volonté les conduise : ce qui ne semblera nullement étrange à ceux qui, sachant combien de divers automates, ou machines mouvantes, l′industrie des hommes peut faire, sans y employer que fort peu de pièces, à comparaison de la grande multitude des os, des muscles, des nerfs, des artères, des veines, et de toutes les autres parties qui sont dans le corps de chaque animal, considéreront ce corps comme une machine, qui, ayant été faite des mains de Dieu, est incomparablement mieux ordonnée et a en soi des mouvements plus admirables qu′aucune de celles qui peuvent être inventées par les hommes. Et je m′étois ici particulièrement arrêté à faire voir que s′il y avoit de telles machines qui eussent les organes et la figure extérieure d′un singe ou de quelque autre animal sans raison, nous n′aurions aucun moyen pour reconnoître qu′elles ne seroient pas en tout de même nature que ces animaux ; au lieu que s′il y en avoit qui eussent la ressemblance de nos corps, et imitassent autant nos actions que moralement il seroit possible, nous aurions toujours deux moyens très certains pour reconnoître qu′elles ne seroient point pour cela de vrais hommes : dont le premier est que jamais elles ne pourroient user de paroles ni d′autres signes en les composant, comme nous faisons pour déclarer aux autres nos pensées : car on peut bien concevoir qu′une machine soit tellement faite qu′elle profère des paroles, et même qu′elle en profère quelques unes à propos des actions corporelles qui causeront quelque changement en ses organes, comme, si on la touche en quelque endroit, qu′elle demande ce qu′on lui veut dire ; si en un autre, qu′elle crie qu′on lui fait mal, et choses semblables ; mais non pas qu′elle les arrange diversement pour répondre au sens de tout ce qui se dira en sa présence, ainsi que les hommes les plus hébétés peuvent faire. Et le second est que, bien qu′elles fissent plusieurs choses aussi bien ou peut-être mieux qu′aucun de nous, elles manqueroient infailliblement en quelques autres, par lesquelles on découvriroit qu′elles n′agiroient pas par connoissance, mais seulement par la disposition de leurs organes : car, au lieu que la raison est un instrument universel qui peut servir en toutes sortes de rencontres, ces organes ont besoin de quelque particulière disposition pour chaque action particulière ; d′où vient qu′il est moralement impossible qu′il y en ait assez de divers en une machine pour la faire agir en toutes les occurrences de la vie de même façon que notre raison nous fait agir. Or, par ces deux mêmes moyens, on peut aussi connoître la différence qui est entre les hommes et les bêtes. Car c′est une chose bien remarquable qu′il n′y a point d′hommes si hébétés et si stupides, sans en excepter même les insensés, qu′ils ne soient capables d′arranger ensemble diverses paroles, et d′en composer un discours par lequel ils fassent entendre leurs pensées ; et qu′au contraire il n′y a point d′autre animal, tant parfait et tant heureusement né qu′il puisse être, qui fasse le semblable. Ce qui n′arrive pas de ce qu′ils ont faute d′organes : car on voit que les pies et les perroquets peuvent proférer des paroles ainsi que nous, et toutefois ne peuvent parler ainsi que nous, c′est-à-dire en témoignant qu′ils pensent ce qu′ils lisent ; au lieu que les hommes qui étant nés sourds et muets sont privés des organes qui servent aux autres pour parler, — autant ou plus que les bêtes, ont coutume d′inventer d′eux-mêmes quelques signes, par lesquels ils se font entendre à ceux qui étant ordinairement avec eux ont loisir d′apprendre leur langue. Et ceci ne témoigne pas seulement que les bêtes ont moins de raison que les hommes, mais qu′elles n′en ont point du tout : car on voit qu′il n′en faut que fort peu pour savoir parler ; et d′autant qu′on remarque de l′inégalité entre les animaux d′une même espèce, aussi bien qu′entre les hommes, et que les uns sont plus aisés à dresser que les autres, il n′est pas croyable qu′un singe ou un perroquet qui seroit des plus parfaits de son espèce n′égalât en cela un enfant des plus stupides, ou du moins un enfant qui auroit le cerveau troublé, si leur âme n′étoit d′une nature toute différente de la nôtre. Et on ne doit pas confondre les paroles avec les mouvements naturels, qui témoignent les passions, et peuvent être imités par des machines aussi bien que par les animaux ; ni penser, comme quelques anciens, que les bêtes parlent, bien que nous n′entendions pas leur langage. Car s′il étoit vrai, puisqu′elles ont plusieurs organes qui se rapportent aux nôtres, elles pourroient aussi bien se faire entendre à nous qu′à leurs semblables. C′est aussi une chose fort remarquable que, bien qu′il y ait plusieurs animaux qui témoignent plus d′industrie que nous en quelques unes de leurs actions, on voit toutefois que les mêmes n′en témoignent point du tout en beaucoup d′autres : de façon que ce qu′ils font mieux que nous ne prouve pas qu′ils ont de l′esprit, car à ce compte ils en auroient plus qu′aucun de nous et feroient mieux en toute autre chose ; mais plutôt qu′ils n′en ont point, et que c′est la nature qui agit en eux selon la disposition de leurs organes : ainsi qu′on voit qu′un horloge, qui n′est composé que de roues et de ressorts, peut compter les heures et mesurer le temps plus justement que nous avec toute notre prudence. Había yo explicado, con bastante detenimiento, todas estas cosas en el tratado que tuve el propósito de publicar. Y después había mostrado cuál debe ser la fábrica de los nervios y de los músculos del cuerpo humano, para conseguir que los espíritus animales, estando dentro, tengan fuerza bastante a mover los miembros, como vemos que las cabezas, poco después de cortadas, aun se mueven y muerden la tierra, sin embargo de que ya no están animadas; cuáles cambios deben verificarse en el cerebro para causar la vigilia, el sueño y los ensueños; cómo la luz, los sonidos, los olores, los sabores, el calor y demás cualidades de los objetos exteriores pueden imprimir en el cerebro varias ideas, por medio de los sentidos; cómo también pueden enviar allí las suyas el hambre, la sed y otras pasiones interiores; qué deba entenderse por el sentido común, en el cual son recibidas esas ideas; qué por la memoria, que las conserva y qué por la fantasía, que puede cambiarlas diversamente y componer otras nuevas y también puede, por idéntica manera, distribuir los espíritus animales en los músculos y poner en movimiento los miembros del cuerpo, acomodándolos a los objetos que se presentan a los sentidos y a las pasiones interiores, en tantos varios modos cuantos movimientos puede hacer nuestro cuerpo sin que la voluntad los guíe ; lo cual no parecerá de ninguna manera extraño a los que, sabiendo cuántos autómatas o máquinas semovientes puede construir la industria humana, sin emplear sino poquísimas piezas, en comparación de la gran muchedumbre de huesos, músculos, nervios, arterias, venas y demás partes que hay en el cuerpo de un animal, consideren este cuerpo como una máquina que, por ser hecha de manos de Dios, está incomparablemente mejor ordenada y posee movimientos más admirables que ninguna otra de las que puedan inventar los hombres. Y aquí me extendí particularmente, haciendo ver que si hubiese máquinas tales que tuviesen los órganos y figura exterior de un mono o de otro cualquiera animal, desprovisto de razón, no habría medio alguno que nos permitiera conocer que no son en todo de igual naturaleza que esos animales; mientras que si las hubiera que semejasen a nuestros cuerpos e imitasen nuestras acciones, cuanto fuere moralmente posible, siempre tendríamos dos medios muy ciertos para reconocer que no por eso son hombres verdaderos; y es el primero, que nunca podrían hacer uso de palabras ni otros signos, componiéndolos, como hacemos nosotros, para declarar nuestros pensamientos a los demás, pues si bien se puede concebir que una máquina esté de tal modo hecha, que profiera palabras, y hasta que las profiera a propósito de acciones corporales que causen alguna alteración en sus órganos, como, verbi gratia, si se la toca en una parte, que pregunte lo que se quiere decirle, y si en otra, que grite que se le hace daño, y otras cosas por el mismo estilo, sin embargo, no se concibe que ordene en varios modos las palabras para contestar al sentido de todo lo que en su presencia se diga, como pueden hacerlo aun los más estúpidos de entre los hombres; y es el segundo que, aun cuando hicieran varias cosas tan bien y acaso mejor que ninguno de nosotros, no dejarían de fallar en otras, por donde se descubriría que no obran por conocimiento, sino sólo por la disposición de sus órganos, pues mientras que la razón es un instrumento universal, que puede servir en todas las coyunturas, esos órganos, en cambio, necesitan una particular disposición para cada acción particular; por donde sucede que es moralmente imposible que haya tantas y tan varias disposiciones en una máquina, que puedan hacerla obrar en todas las ocurrencias de la vida de la manera como la razón nos hace obrar a nosotros. Ahora bien: por esos dos medios puede conocerse también la diferencia que hay entre los hombres y los brutos, pues es cosa muy de notar que no hay hombre, por estúpido y embobado que esté, sin exceptuar los locos, que no sea capaz de arreglar un conjunto de varias palabras y componer un discurso que dé a entender sus pensamientos; y, por el contrario, no hay animal, por perfecto y felizmente dotado que sea, que pueda hacer otro tanto. Lo cual no sucede porque a los animales les falten órganos, pues vemos que las urracas y los loros pueden proferir, como nosotros, palabras, y, sin embargo, no pueden, como nosotros, hablar, es decir, dar fe de que piensan lo que dicen; en cambio los hombres que, habiendo nacido sordos y mudos, están privados de los órganos, que a los otros sirven para hablar, suelen inventar por sí mismos unos signos, por donde se declaran a los que, viviendo con ellos, han conseguido aprender su lengua. Y esto no sólo prueba que las bestias tienen menos razón que los hombres, sino que no tienen ninguna; pues ya se ve que basta muy poca para saber hablar; y supuesto que se advierten desigualdades entre los animales de una misma especie, como entre los hombres, siendo unos más fáciles de adiestrar que otros, no es de creer que un mono o un loro, que fuese de los más perfectos en su especie, no igualara a un niño de los más estúpidos, o, por lo menos, a un niño cuyo cerebro estuviera turbado, si no fuera que su alma es de naturaleza totalmente diferente de la nuestra. Y no deben confundirse las palabras con los movimientos naturales que delatan las pasiones, los cuales pueden ser imitados por las máquinas tan bien como por los animales, ni debe pensarse, como pensaron algunos antiguos, que las bestias hablan, aunque nosotros no comprendemos su lengua; pues si eso fuera verdad, puesto que poseen varios órganos parecidos a los nuestros, podrían darse a entender de nosotros como de sus semejantes. Es también muy notable cosa que, aun cuando hay varios animales que demuestran más industria que nosotros en algunas de sus acciones, sin embargo, vemos que esos mismos no demuestran ninguna en muchas otras; de suerte que eso que hacen mejor que nosotros no prueba que tengan ingenio, pues, en ese caso, tendrían más que ninguno de nosotros y harían mejor que nosotros todas las demás cosas, sino más bien prueba que no tienen ninguno y que es la naturaleza la que en ellos obra, por la disposición de sus órganos, como vemos que un reloj, compuesto sólo de ruedas y resortes, puede contar las horas y medir el tiempo más exactamente que nosotros con toda nuestra prudencia.
J′avois décrit après cela l′âme raisonnable, et fait voir qu′elle ne peut aucunement être tirée de la puissance de la matière, ainsi que les autres choses dont j′avois parlé, mais qu′elle doit expressément être créée ; et comment il ne suffit pas qu′elle soit logée dans le corps humain, ainsi qu′un pilote en son navire, sinon peut-être pour mouvoir ses membres, mais qu′il est besoin qu′elle soit jointe et unie plus étroitement avec lui, pour avoir outre cela des sentiments et des appétits semblables aux nôtres, et ainsi composer un vrai homme. Au reste, je me suis ici un peu étendu sur le sujet de l′âme, à cause qu′il est des plus importants : car, après l′erreur de ceux qui nient Dieu, laquelle je pense avoir ci-dessus assez réfutée, il n′y en a point qui éloigne plutôt les esprits foibles du droit chemin de la vertu, que d′imaginer que l′âme des bêtes soit de même nature que la nôtre, et que par conséquent nous n′avons rien ni à craindre ni à espérer après cette vie, non plus que les mouches et les fourmis ; au lieu que lorsqu′on sait combien elles diffèrent, on comprend beaucoup mieux les raisons qui prouvent que la nôtre est d′une nature entièrement indépendante du corps, et par conséquent qu′elle n′est point sujette à mourir avec lui ; puis, d′autant qu′on ne voit point d′autres causes qui la détruisent, on est naturellement porté à juger de là qu′elle est immortelle. Después de todo esto, había yo descrito el alma razonable y mostrado que en manera alguna puede seguirse de la potencia de la materia, como las otras cosas de que he hablado, sino que ha de ser expresamente creada; y no basta que esté alojada en el cuerpo humano, como un piloto en su navío, a no ser acaso para mover sus miembros, sino que es necesario que esté junta y unida al cuerpo más estrechamente, para tener sentimientos y apetitos semejantes a los nuestros y componer así un hombre verdadero. Por lo demás, me he extendido aquí un tanto sobre el tema del alma, porque es de los más importantes; que, después del error de los que niegan a Dios, error que pienso haber refutado bastantemente en lo que precede, no hay nada que más aparte a los espíritus endebles del recto camino de la virtud, que el imaginar que el alma de los animales es de la misma naturaleza que la nuestra, y que, por consiguiente, nada hemos de temer ni esperar tras esta vida, como nada temen ni esperan las moscas y las hormigas; mientras que si sabemos cuán diferentes somos de los animales, entenderemos mucho mejor las razones que prueban que nuestra alma es de naturaleza enteramente independiente del cuerpo, y, por consiguiente, que no está sujeta a morir con él; y puesto que no vemos otras causas que la destruyan, nos inclinaremos naturalmente a juzgar que es inmortal.






SIXSIÈME PARTIE.

Sexta parte

Or il y a maintenant trois ans que j′étois parvenu à la fin du traité qui contient toutes ces choses, et que je commençois à le revoir afin de le mettre entre les mains d′un imprimeur, lorsque j′appris que des personnes à qui je défère, et dont l′autorité ne peut guère moins sur mes actions que ma propre raison sur mes pensées, avoient désapprouvé une opinion de physique publiée un peu auparavant par quelque autre, de laquelle je ne veux pas dire que je fusse ; mais bien que je n′y avois rien remarqué avant leur censure que je pusse imaginer être préjudiciable ni à la religion ni à l′état, ni par conséquent qui m′eût empêché de l′écrire si la raison me l′eût persuadée ; et que cela me fit craindre qu′il ne s′en trouvât tout de même quelqu′une entre les miennes en laquelle je me fusse mépris, nonobstant le grand soin que j′ai toujours eu de n′en point recevoir de nouvelles en ma créance dont je n′eusse des démonstrations très certaines, et de n′en point écrire qui pussent tourner au désavantage de personne. Ce qui a été suffisant pour m′obliger à changer la résolution que j′avois eue de les publier ; car, encore que les raisons pour lesquelles je l′avois prise auparavant fussent très fortes, mon inclination, qui m′a toujours fait hale métier de faire des livres, m′en fit incontinent trouver assez d′autres pour m′en excuser. Et ces raisons de part et d′autre sont telles, que non seulement j′ai ici quelque intérêt de les dire, mais peut-être aussi que le public en a de les savoir. Hace ya tres años que llegué al término del tratado en donde están todas esas cosas, y empezaba a revisarlo para entregarlo a la imprenta, cuando supe que unas personas a quienes profeso deferencia y cuya autoridad no es menos poderosa sobre mis acciones que mi propia razón sobre mis pensamientos, habían reprobado una opinión de física, publicada poco antes por otro ; no quiero decir que yo fuera de esa opinión, sino sólo que nada había notado en ella, antes de verla así censurada, que me pareciese perjudicial ni para la religión ni para el Estado, y, por tanto, nada que me hubiese impedido escribirla, de habérmela persuadido la razón. Esto me hizo temer no fuera a haber alguna también entre las mías, en la que me hubiese engañado, no obstante el muy gran cuidado que siempre he tenido de no admitir en mi creencia ninguna opinión nueva, que no esté fundada en certísimas demostraciones, y de no escribir ninguna que pudiere venir en menoscabo de alguien. Y esto fue bastante a mudar la resolución que había tomado de publicar aquel tratado; pues aun cuando las razones que me empujaron a tomar antes esa resolución fueron muy fuertes, sin embargo, mi inclinación natural, que me ha llevado siempre a odiar el oficio de hacer libros, me proporcionó en seguida otras para excusarme. Y tales son esas razones, de una y de otra parte, que no sólo me interesa a mí decirlas aquí, sino que acaso también interese al público conocerlas.
Je n′ai jamais fait beaucoup d′état des choses qui venoient de mon esprit ; et pendant que je n′ai recueilli d′autres fruits de la méthode dont je me sers, sinon que je me suis satisfait touchant quelques difficultés qui appartiennent aux sciences spéculatives, ou bien que j′ai taché de régler mes mœurs par les raisons qu′elle m′enseignoit, je n′ai point cru être obligé d′en rien écrire. Car, pour ce qui touche les mœurs, chacun abonde si fort en son sens, qu′il se pourroit trouver autant de réformateurs que de têtes, s′il étoit permis à d′autres qu′à ceux que Dieu a établis pour souverains sur ses peuples, ou bien auxquels il a donné assez de grâce et de zèle pour être prophètes, d′entreprendre d′y rien changer ; et, bien que mes spéculations me plussent fort, j′ai cru que les autres en avoient aussi qui leur plaisoient peut-être davantage. Mais, sitôt que j′ai eu acquis quelques notions générales touchant la physique, et que, commençant à les éprouver en diverses difficultés particulières, j′ai remarqué jusques où elles peuvent conduire, et combien elles diffèrent des principes dont on s′est servi jusques à présent, j′ai cru que je ne pouvois les tenir cachées sans pécher grandement contre la loi qui nous oblige à procurer autant qu′il est en nous le bien général de tous les hommes : car elles m′ont fait voir qu′il est possible de parvenir à des connoissances qui soient fort utiles à la vie ; et qu′au lieu de cette philosophie spéculative qu′on enseigne dans les écoles, on en peut trouver une pratique, par laquelle, connoissant la force et les actions du feu, de l′eau, de l′air, des astres, des cieux, et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connoissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature. Ce qui n′est pas seulement à désirer pour l′invention d′une infinité d′artifices, qui feroient qu′on jouiroit sans aucune peine des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s′y trouvent, mais principalement aussi pour la conservation de la santé, laquelle est sans doute le premier bien et le fondement de tous les autres biens de cette vie ; car même l′esprit dépend si fort du tempérament et de la disposition des organes du corps, que, s′il est possible de trouver quelque moyen qui rende communément les hommes plus sages et plus habiles qu′ils n′ont été jusques ici, je crois que c′est dans la médecine qu′on doit le chercher. Il est vrai que celle qui est maintenant en usage contient peu de choses dont l′utilité soit si remarquable : mais, sans que j′aie aucun dessein de la mépriser, je m′assure qu′il n′y a personne, même de ceux qui en font profession, qui n′avoue que tout ce qu′on y sait n′est presque rien à comparaison de ce qui reste à y savoir ; et qu′on se pourroit exempter d′une infinité de maladies tant du corps que de l′esprit, et même aussi peut-être de l′affoiblissement de la vieillesse, si on avoit assez de connoissance de leurs causes et de tous les remèdes dont la nature nous a pourvus. Or, ayant dessein d′employer toute ma vie à la recherche d′une science si nécessaire, et ayant rencontré un chemin qui me semble tel qu′on doit infailliblement la trouver en le suivant, si ce n′est qu′on en soit empêché ou par la brièveté de la vie ou par le défaut des expériences, je jugeois qu′il n′y avoit point de meilleur remède contre ces deux empêchements que de communiquer fidèlement au public tout le peu que j′aurois trouvé, et de convier les bons esprits à tâcher de passer plus outre, en contribuant, chacun selon son inclination et son pouvoir, aux expériences qu′il faudroit faire, et communiquant aussi au public toutes les choses qu′ils apprendroient, afin que les derniers commençant où les précédents auroient achevé, et ainsi joignant les vies et les travaux de plusieurs, nous allassions tous ensemble beaucoup plus loin que chacun en particulier ne sauroit faire. Nunca he atribuido gran valor a las cosas que provienen de mi espíritu; y mientras no he recogido del método que uso otro fruto sino el hallar la solución de algunas dificultades pertenecientes a las ciencias especulativas, o el llevar adelante el arreglo de mis costumbres, en conformidad con las razones que ese método me enseñaba, no me he creído obligado a escribir nada. Pues en lo tocante a las costumbres, es tanto lo que cada uno abunda en su propio sentido, que podrían contarse tantos reformadores como hay hombres, si a todo el mundo, y no sólo a los que Dios ha establecido soberanos de sus pueblos o a los que han recibido de él la gracia y el celo suficientes para ser profetas, le fuera permitido dedicarse a modificarlas en algo; y en cuanto a mis especulaciones, aunque eran muy de mi gusto, he creído que los demás tendrían otras también, que acaso les gustaran más. Pero tan pronto como hube adquirido algunas nociones generales de la física y comenzado a ponerlas a prueba en varias dificultades particulares, notando entonces cuán lejos pueden llevarnos y cuán diferentes son de los principios que se han usado hasta ahora, creí que conservarlas ocultas era grandísimo pecado, que infringía la ley que nos obliga a procurar el bien general de todos los hombres, en cuanto ello esté en nuestro poder. Pues esas nociones me han enseñado que es posible llegar a conocimientos muy útiles para la vida, y que, en lugar de la filosofía especulativa, enseñada en las escuelas, es posible encontrar una práctica, por medio de la cual, conociendo la fuerza y las acciones del fuego, del agua, del aire, de los astros, de los cielos y de todos los demás cuerpos, que nos rodean, tan distintamente como conocemos los oficios varios de nuestros artesanos, podríamos aprovecharlas del mismo modo, en todos los usos a que sean propias, y de esa suerte hacernos como dueños y poseedores de la naturaleza. Lo cual es muy de desear, no sólo por la invención de una infinidad de artificios que nos permitirían gozar sin ningún trabajo de los frutos de la tierra y de todas las comodidades que hay en ella, sino también principalmente por la conservación de la salud, que es, sin duda, el primer bien y el fundamento de los otros bienes de esta vida, porque el espíritu mismo depende tanto del temperamento y de la disposición de los órganos del cuerpo, que, si es posible encontrar algún medio para hacer que los hombres sean comúnmente más sabios y más hábiles que han sido hasta aquí, creo que es en la medicina en donde hay que buscarlo. Verdad es que la que ahora se usa contiene pocas cosas de tan notable utilidad; pero, sin que esto sea querer despreciarla, tengo por cierto que no hay nadie, ni aun los que han hecho de ella su profesión, que no confiese que cuanto se sabe, en esa ciencia, no es casi nada comparado con lo que queda por averiguar y que podríamos librarnos de una infinidad de enfermedades, tanto del cuerpo como del espíritu, y hasta quizá de la debilidad que la vejez nos trae, si tuviéramos bastante conocimiento de sus causas y de todos los remedios, de que la naturaleza nos ha provisto. Y como yo había concebido el designio de emplear mi vida entera en la investigación de tan necesaria ciencia, y como había encontrado un camino que me parecía que, siguiéndolo, se debe infaliblemente dar con ella, a no ser que lo impida la brevedad de la vida o la falta de experiencias, juzgaba que no hay mejor remedio contra esos dos obstáculos, sino comunicar fielmente al público lo poco que hubiera encontrado e invitar a los buenos ingenios a que traten de seguir adelante, contribuyendo cada cual, según su inclinación y sus fuerzas, a las experiencias que habría que hacer, y comunicando asimismo al público todo cuanto averiguaran, con el fin de que, empezando los últimos por donde hayan terminado sus predecesores, y juntando así las vidas y los trabajos de varios, llegásemos todos juntos mucho más allá de donde puede llegar uno en particular.
Même je remarquois, touchant les expériences, qu′elles sont d′autant plus nécessaires qu′on est plus avancé en connoissance ; car, pour le commencement, il vaut mieux ne se servir que de celles qui se présentent d′elles-mêmes à nos sens, et que nous ne saurions ignorer pourvu que nous y fassions tant soit peu de réflexion, que d′en chercher de plus rares et étudiées : dont la raison est que ces plus rares trompent souvent, lorsqu′on ne sait pas encore les causes des plus communes, et que les circonstances dont elles dépendent sont quasi toujours si particulières et si petites, qu′il est très malaisé de les remarquer. Mais l′ordre que j′ai tenu en ceci a été tel. Premièrement, j′ai taché de trouver en général les principes ou premières causes de tout ce qui est ou qui peut être dans le monde, sans rien considérer pour cet effet que Dieu seul qui l′a créé, ni les tirer d′ailleurs que de certaines semences de vérités qui sont naturellement en nos âmes. Après cela, j′ai examiné quels étoient les premiers et plus ordinaires effets qu′on pouvoit déduire de ces causes ; et il me semble que par là j′ai trouvé des cieux, des astres, une terre, et même sur la terre de l′eau, de l′air, du feu, des minéraux, et quelques autres telles choses, qui sont les plus communes de toutes et les plus simples, et par conséquent les plus aisées à connoître. Puis, lorsque j′ai voulu descendre à celles qui étoient plus particulières, il s′en est tant présenté à moi de diverses, que je n′ai pas cru qu′il fut possible à l′esprit humain de distinguer les formes ou espèces de corps qui sont sur la terre, d′une infinité d′autres qui pourroient y être si c′eût été le vouloir de Dieu de les y mettre, ni par conséquent de les rapporter à notre usage, si ce n′est qu′on vienne au devant des causes par les effets, et qu′on se serve de plusieurs expériences particulières. Ensuite de quoi, repassant mon esprit sur tous les objets qui s′étoient jamais présentés à mes sens, j′ose bien dire que je n′y ai remarqué aucune chose que je ne pusse assez commodément expliquer par les principes que j′avois trouvés. Mais il faut aussi que j′avoue que la puissance de la nature est si ample si vaste, et que ces principes sont si simples et si généraux que je ne remarque quasi plus aucun effet particulier que d′abord je ne connoisse qu′il peut en être déduit en plusieurs diverses façons, et que ma plus grande difficulté est d′ordinaire de trouver en laquelle de ces façons il en dépend ; car à cela je ne sais point d′autre expédient que de chercher derechef quelques expériences qui soient telles que leur événement ne soit pas le même si c′est en l′une de ces façons qu′on doit l′expliquer que si c′est en l′autre. Au reste, j′en suis maintenant là que je vois, ce me semble, assez bien de quel biais on se doit prendre à faire la plupart de celles qui peuvent servir à cet effet : mais je vois aussi qu′elles sont telles, et en si grand nombre, que ni mes mains ni mon revenu, bien que j′en eusse mille fois plus que je n′en ai, ne sauroient suffire pour toutes ; en sorte que, selon que j′aurai désormais la commodité d′en faire plus ou moins, j′avancerai aussi plus ou moins en la connoissance de la nature : ce que je me promettois de faire connoître par le traité que j′avois écrit, et d′y montrer si clairement l′utilité que le public en peut recevoir, que j′obligerois tous ceux qui désirent en général le bien des hommes, c′est-à-dire tous ceux qui sont en effet vertueux, et non point par faux semblant ni seulement par opinion, tant à me communiquer celles qu′ils ont déjà faites, qu′à m′aider en la recherche de celles qui restent à faire. Mais j′ai eu depuis ce temps-là d′autres raisons qui m′ont fait changer d′opinion, et penser que je devois véritablement continuer d′écrire toutes les choses que je jugerois de quelque importance, à mesure que j′en découvrirois la vérité, et y apporter le même soin que si je les voulois faire imprimer, tant afin d′avoir d′autant plus d′occasion de les bien examiner, comme sans doute on regarde toujours de plus près à ce qu′on croit devoir être vu par plusieurs qu′à ce qu′on ne fait que pour soi-même, et souvent les choses qui m′ont semblé vraies lorsque j′ai commencé à les concevoir, m′ont paru fausses lorsque je les ai voulu mettre sur le papier, qu′afin de ne perdre aucune occasion de profiter au public, si j′en suis capable, et que si mes écrits valent quelque chose, ceux qui les auront après ma mort en puissent user ainsi qu′il sera le plus à propos ; mais que je ne devois aucunement consentir qu′ils fussent publiés pendant ma vie, afin que ni les oppositions et controverses auxquelles ils seroient peut-être sujets, ni même la réputation telle quelle qu′ils me pourroient acquérir, ne me donnassent aucune occasion de perdre le temps que j′ai dessein d′employer à m′instruire. Car, bien qu′il soit vrai que chaque homme est obligé de procurer autant qu′il est en lui le bien des autres, et que c′est proprement ne valoir rien que de n′être utile à personne, toutefois il est vrai aussi que nos soins se doivent étendre plus loin que le temps présent, et qu′il est bon d′omettre les choses qui apporteroient peut-être quelque profit à ceux qui vivent, lorsque c′est à dessein d′en faire d′autres qui en apportent davantage à nos neveux. Comme en effet je veux bien qu′on sache que le peu que j′ai appris jusques ici n′est presque rien à comparaison de ce que j′ignore et que je ne désespère pas de pouvoir apprendre : car c′est quasi le même de ceux qui découvrent peu à peu la vérité dans les sciences, que de ceux qui, commençant à devenir riches, ont moins de peine à faire de grandes acquisitions, qu′ils n′ont eu auparavant, étant plus pauvres, à en faire de beaucoup moindres. Ou bien on peut les comparer aux chefs d′armée, dont les forces ont coutume de croître à proportion de leurs victoires, et qui ont besoin de plus de conduite pour se maintenir après la perte d′une bataille, qu′ils n′ont, après l′avoir gagnée, à prendre des villes et des provinces : car c′est véritablement donner des batailles que de tâcher à vaincre toutes les difficultés et les erreurs qui nous empêchent de parvenir à la connoissance de la vérité, et c′est en perdre une que de recevoir quelque fausse opinion touchant une matière un peu générale et importante ; il faut après beaucoup plus d′adresse pour se remettre au même état qu′on étoit auparavant, qu′il ne faut à faire de grands progrès lorsqu′on a déjà des principes qui sont assurés. Pour moi, si j′ai ci-devant trouvé quelques vérités dans les sciences (et j′espère que les choses qui sont contenues en ce volume feront juger que j′en ai trouvé quelques unes , je puis dire que ce ne sont que des suites et des dépendances de cinq ou six principales difficultés que j′ai surmontées, et que je compte pour autant de batailles où j′ai eu l′heur de mon côté : même je ne craindrai pas de dire que je pense n′avoir plus besoin d′en gagner que deux ou trois autres semblables pour venir entièrement à bout de mes desseins ; et que mon âge n′est point si avancé que, selon le cours ordinaire de la nature, je ne puisse encore avoir assez de loisir pour cet effet. Mais je crois être d′autant plus obligé à ménager le temps qui me reste, que j′ai plus d′espérance de le pouvoir bien employer ; et j′aurois sans doute plusieurs occasions de le perdre, si je publiois les fondements de ma physique : car, encore qu′ils soient presque tous si évidents qu′il ne faut que les entendre pour les croire, et qu′il n′y en ait aucun dont je ne pense pouvoir donner des démonstrations, toutefois, à cause qu′il est impossible qu′ils soient accordants avec toutes les diverses opinions des autres hommes, je prévois que je serois souvent diverti par les oppositions qu′ils feroient naître. Y aun observé, en lo referente a las experiencias, que son tanto más necesarias cuanto más se ha adelantado en el conocimiento, pues al principio es preferible usar de las que se presentan por sí mismas a nuestros sentidos y que no podemos ignorar por poca reflexión que hagamos, que buscar otras más raras y estudiadas; y la razón de esto es que esas más raras nos engañan muchas veces, si no sabemos ya las causas de las otras más comunes y que las circunstancias de que dependen son casi siempre tan particulares y tan pequeñas, que es muy difícil notarlas. Pero el orden que he llevado en esto ha sido el siguiente: primero he procurado hallar, en general, los principios o primeras causas de todo lo que en el mundo es o puede ser, sin considerar para este efecto nada más que Dios solo, que lo ha creado, ni sacarlas de otro origen, sino de ciertas semillas de verdades, que están naturalmente en nuestras almas; después he examinado cuáles sean los primeros y más ordinarios efectos que de esas causas pueden derivarse, y me parece que por tales medios he encontrado unos cielos, unos astros, una tierra, y hasta en la tierra, agua, aire, fuego, minerales y otras cosas que, siendo las más comunes de todas y las más simples, son también las más fáciles de conocer. Luego, cuando quise descender a las más particulares, presentáronseme tantas y tan varias, que no he creído que fuese posible al espíritu humano distinguir las formas o especies de cuerpos, que están en la tierra, de muchísimas otras que pudieran estar en ella, si la voluntad de Dios hubiere sido ponerlas, y, por consiguiente, que no es posible tampoco referirlas a nuestro servicio, a no ser que salgamos al encuentro de las causas por los efectos y hagamos uso de varias experiencias particulares. En consecuencia, hube de repasar en mi espíritu todos los objetos que se habían presentado ya a mis sentidos, y no vacilo en afirmar que nada vi en ellos que no pueda explicarse, con bastante comodidad, por medio de los principios hallados por mí. Pero debo asimismo confesar que es tan amplia y tan vasta la potencia de la naturaleza y son tan simples y tan generales esos principios, que no observo casi ningún efecto particular, sin en seguida conocer que puede derivarse de ellos en varias diferentes maneras, y mi mayor dificultad es, por lo común, encontrar por cuál de esas maneras depende de aquellos principios; y no sé otro remedio a esa dificultad que el buscar algunas experiencias, que sean tales que no se produzca del mismo modo el efecto, si la explicación que hay que dar es esta o si es aquella otra. Además, a tal punto he llegado ya, que veo bastante bien, a mi parecer, el rodeo que hay que tomar, para hacer la mayor parte de las experiencias que pueden servir para esos efectos; pero también veo que son tantas y tales, que ni mis manos ni mis rentas, aunque tuviese mil veces más de lo que tengo, bastarían a todas; de suerte que, según tenga en adelante comodidad para hacer más o menos, así también adelantaré más o menos en el conocimiento de la naturaleza; todo lo cual pensaba dar a conocer, en el tratado que había escrito, mostrando tan claramente la utilidad que el público puede obtener, que obligase a cuantos desean en general el bien de los hombres, es decir, a cuantos son virtuosos efectivamente y no por apariencia falsa y mera opinión, a comunicarme las experiencias que ellos hubieran hecho y a ayudarme en la investigación de las que aun me quedan por hacer. Pero de entonces acá, hánseme ocurrido otras razones que me han hecho cambiar de opinión y pensar que debía en verdad seguir escribiendo cuantas cosas juzgara de alguna importancia, conforme fuera descubriendo su verdad, poniendo en ello el mismo cuidado que si las tuviera que imprimir, no sólo porque así disponía de mayor espacio para examinarlas bien, pues sin duda, mira uno con más atención lo que piensa que otros han de examinar, que lo que hace para sí solo (y muchas cosas que me han parecido verdaderas cuando he comenzado a concebirlas, he conocido luego que son falsas, cuando he ido a estamparlas en el papel , sino también para no perder ocasión de servir al público, si soy en efecto capaz de ello, y porque, si mis escritos valen algo, puedan usarlos como crean más conveniente los que los posean después de mi muerte; pero pensé que no debía en manera alguna consentir que fueran publicados, mientras yo viviera, para que ni las oposiciones y controversias que acaso suscitaran, ni aun la reputación, fuere cual fuere, que me pudieran proporcionar, me dieran ocasión de perder el tiempo que me propongo emplear en instruirme. Pues si bien es cierto que todo hombre está obligado a procurar el bien de los demás, en cuanto puede, y que propiamente no vale nada quien a nadie sirve, sin embargo, también es cierto que nuestros cuidados han de sobrepasar el tiempo presente y que es bueno prescindir de ciertas cosas, que quizá fueran de algún provecho para los que ahora viven, cuando es para hacer otras que han de ser más útiles aun a nuestros nietos. Y, en efecto, es bueno que se sepa que lo poco que hasta aquí he aprendido no es casi nada, en comparación de lo que ignoro y no desconfío de poder aprender; que a los que van descubriendo poco a poco la verdad, en las ciencias, les acontece casi lo mismo que a los que empiezan a enriquecerse, que les cuesta menos trabajo, siendo ya algo ricos, hacer grandes adquisiciones, que antes, cuando eran pobres, recoger pequeñas ganancias. También pueden compararse con los jefes de ejército, que crecen en fuerzas conforme ganan batallas, y necesitan más atención y esfuerzo para mantenerse después de una derrota, que para tomar ciudades y conquistar provincias después de una victoria; que verdaderamente es como dar batallas el tratar de vencer todas las dificultades y errores que nos impiden llegar al conocimiento de la verdad y es como perder una el admitir opiniones falsas acerca de alguna materia un tanto general e importante; y hace falta después mucha más destreza para volver a ponerse en el mismo estado en que se estaba, que para hacer grandes progresos, cuando se poseen ya principios bien asegurados. En lo que a mí respecta, si he logrado hallar algunas verdades en las ciencias (y confío que lo que va en este volumen demostrará que algunas he encontrado , puedo decir que no son sino consecuencias y dependencias de cinco o seis principales dificultades que he resuelto y que considero como otras tantas batallas, en donde he tenido la fortuna de mi lado; y hasta me atreveré a decir que pienso que no necesito ganar sino otras dos o tres como esas, para llegar al término de mis propósitos, y que no es tanta mi edad que no pueda, según el curso ordinario de la naturaleza, disponer aún del tiempo necesario para ese efecto. Pero por eso mismo, tanto más obligado me creo a ahorrar el tiempo que me queda, cuantas mayores esperanzas tengo de poderlo emplear bien; y sobrevendrían, sin duda, muchas ocasiones de perderlo si publicase los fundamentos de mi física; pues aun cuando son tan evidentes todos, que basta entenderlos para creerlos, y no hay uno solo del que no pueda dar demostraciones, sin embargo, como es imposible que concuerden con todas las varias opiniones de los demás hombres, preveo que suscitarían oposiciones, que me distraerían no poco de mi labor.
On peut dire que ces oppositions seroient utiles, tant afin de me faire connoître mes fautes, qu′afin que, si j′avois quelque chose de bon, les autres en eussent par ce moyen plus d′intelligence, et, comme plusieurs peuvent plus voir qu′un homme seul, que, commençant dès maintenant à s′en servir, ils m′aidassent aussi de leurs inventions. Mais encore que je me reconnoisse extrêmement sujet à faillir, et que je ne me fie quasi jamais aux premières pensées qui me viennent, toutefois l′expérience que j′ai des objections qu′on me peut faire m′empêche d′en espérer aucun profit : car j′ai déjà souvent éprouvé les jugements tant de ceux que j′ai tenus pour mes amis que de quelques autres à qui je pensois être indifférent et même aussi de quelques uns dont je savois que la malignité et l′envie tâcheroit assez à découvrir ce que l′affection cacheroit à mes amis ; mais il est rarement arrivé qu′on m′ait objecté quelque chose que je n′eusse point du tout prévue, si ce n′est qu′elle fût fort éloignée de mon sujet ; en sorte que je n′ai quasi jamais rencontré aucun censeur de mes opinions qui ne me semblât ou moins rigoureux ou moins équitable que moi-même. Et je n′ai jamais remarqué non plus que par le moyen des disputes qui se pratiquent dans les écoles, on ait découvert aucune vérité qu′on ignorât auparavant : car pendant que chacun tâche de vaincre, on s′exerce bien plus à faire valoir la vraisemblance qu′à peser les raisons de part et d′autre ; et ceux qui ont été long-temps bons avocats ne sont pas pour cela par après meilleurs juges. Puede objetarse a esto diciendo que esas oposiciones serían útiles, no sólo porque me darían a conocer mis propias faltas, sino también porque, de haber en mí algo bueno, los demás hombres adquirirían por ese medio una mejor inteligencia de mis opiniones; y como muchos ven más que uno solo, si comenzaren desde luego a hacer uso de mis principios, me ayudarían también con sus invenciones. Pero aun cuando me conozco como muy expuesto a errar, hasta el punto de no fiarme casi nunca de los primeros pensamientos que se me ocurren, sin embargo, la experiencia que tengo de las objeciones que pueden hacerme, me quita la esperanza de obtener de ellas algún provecho; pues ya muchas veces he podido examinar los juicios ajenos, tanto los pronunciados por quienes he considerado como amigos míos, como los emitidos por otros, a quienes yo pensaba ser indiferente, y hasta los de algunos, cuya malignidad y envidia sabía yo que habían de procurar descubrir lo que el afecto de mis amigos no hubiera conseguido ver; pero rara vez ha sucedido que me hayan objetado algo enteramente imprevisto por mí, a no ser alguna cosa muy alejada de mi asunto; de suerte que casi nunca he encontrado un censor de mis opiniones que no me pareciese o menos severo o menos equitativo que yo mismo. Y tampoco he notado nunca que las disputas que suelen practicarse en las escuelas sirvan para descubrir una verdad antes ignorada; pues esforzándose cada cual por vencer a su adversario, más se ejercita en abonar la verosimilitud que en pesar las razones de una y otra parte; y los que han sido durante largo tiempo buenos abogados, no por eso son luego mejores jueces.
Pour l′utilité que les autres recevroient de la communication de mes pensées, elle ne pourroit aussi être fort grande, d′autant que je ne les ai point encore conduites si loin qu′il ne soit besoin d′y ajouter beaucoup de choses avant que de les appliquer à l′usage. Et je pense pouvoir dire sans vanité que s′il y a quelqu′un qui en soit capable, ce doit être plutôt moi qu′aucun autre : non pas qu′il ne puisse y avoir au monde plusieurs esprits incomparablement meilleurs que le mien, mais pourcequ′on ne sauroit si bien concevoir une chose et la rendre sienne, lorsqu′on l′apprend de quelque autre, que lorsqu′on l′invente soi-même. Ce qui est si véritable en cette matière, que, bien que j′aie souvent expliqué quelques unes de mes opinions à des personnes de très bon esprit, et qui, pendant que je leur parlois, sembloient les entendre fort distinctement, toutefois, lorsqu′ils les ont redites, j′ai remarqué qu′ils les ont changées presque toujours en telle sorte que je ne les pouvois plus avouer pour miennes. À l′occasion de quoi je suis bien aise de prier ici nos neveux de ne croire jamais que les choses qu′on leur dira viennent de moi, lorsque je ne les aurai point moi-même divulguées ; et je ne m′étonne aucunement des extravagances qu′on attribue à tous ces anciens philosophes dont nous n′avons point les écrits, ni ne juge pas pour cela que leurs pensées aient été fort déraisonnables, vu qu′ils étoient des meilleurs esprits de leurs temps, mais seulement qu′on nous les a mal rapportées. Comme on voit aussi que presque jamais il n′est arrivé qu′aucun de leurs sectateurs les ait surpassés ; et je m′assure que les plus passionnés de ceux qui suivent maintenant Aristote se croiroient heureux s′ils avoient autant de connoissance de la nature qu′il en a eu, encore même que ce fût à condition qu′ils n′en auroient jamais davantage. Ils sont comme le lierre, qui ne tend point à monter plus haut que les arbres qui le soutiennent, et même souvent qui redescend après qu′il est parvenu jusques à leur faîte ; car il me semble aussi que ceux-là redescendent, c′est-à-dire se rendent en quelque façon moins savants que s′ils s′abstenoient d′étudier, lesquels, non contents de savoir tout ce qui est intelligiblement expliqué dans leur auteur, veulent outre cela y trouver la solution de plusieurs difficultés dont il ne dit rien, et auxquelles il n′a peut-être jamais pensé. Toutefois leur façon de philosopher est fort commode pour ceux qui n′ont que des esprits fort médiocres ; car l′obscurité des distinctions et des principes dont ils se servent est cause qu′ils peuvent parler de toutes choses aussi hardiment que s′ils les savoient, et soutenir tout ce qu′ils en disent contre les plus subtils et les plus habiles, sans qu′on ait moyen de les convaincre : en quoi ils me semblent pareils à un aveugle qui, pour se battre sans désavantage contre un qui voit, l′auroit fait venir dans le fond de quelque cave fort obscure : et je puis dire que ceux-ci ont intérêt que je m′abstienne de publier les principes de la philosophie dont je me sers ; car étant très simples et très évidents, comme ils sont, je ferois quasi le même en les publiant que si j′ouvrois quelques fenêtres, et faisois entrer du jour dans cette cave où ils sont descendus pour se battre. Mais même les meilleurs esprits n′ont pas occasion de souhaiter de les connoître ; car s′ils veulent savoir parler de toutes choses, et acquérir la réputation d′être doctes, ils y parviendront plus aisément en se contentant de la vraisemblance, qui peut être trouvée sans grande peine en toutes sortes de matières, qu′en cherchant la vérité, qui ne se découvre que peu à peu en quelques unes, et qui, lorsqu′il est question de parler des autres, oblige à confesser franchement qu′on les ignore. Que s′ils préfèrent la connoissance de quelque peu de vérités à la vanité de paroître n′ignorer rien, comme sans doute elle est bien préférable, et qu′ils veuillent suivre un dessein semblable au mien, ils n′ont pas besoin pour cela que je leur dise rien davantage que ce que j′ai déjà dit en ce discours : car s′ils sont capables de passer plus outre que je n′ai fait, ils le seront aussi, à plus forte raison, de trouver d′eux-mêmes tout ce que je pense avoir trouvé ; d′autant que n′ayant jamais rien examiné que par ordre, il est certain que ce qui me reste encore à découvrir est de soi plus difficile et plus caché que ce que j′ai pu ci-devant rencontrer, et ils auroient bien moins de plaisir à l′apprendre de moi que d′eux-mêmes ; outre que l′habitude qu′ils acquerront, en cherchant premièrement des choses faciles, et passant peu a peu par degrés à d′autres plus difficiles, leur servira plus que toutes mes instructions ne sauroient faire. Comme pour moi je me persuade que si on m′eût enseigné dès ma jeunesse toutes les vérités dont j′ai cherché depuis les démonstrations, et que je n′eusse eu aucune peine à les apprendre, je n′en aurois peut-être jamais su aucunes autres, et du moins que jamais je n′aurois acquis l′habitude et la facilité que je pense avoir d′en trouver toujours de nouvelles à mesure que je m′applique à les chercher. Et en un mot s′il y a au monde quelque ouvrage qui ne puisse être si bien achevé par aucun autre que par le même qui l′a commencé, c′est celui auquel je travaille. En cuanto a la utilidad que sacaran los demás de la comunicación de mis pensamientos, tampoco podría ser muy grande, ya que aun no los he desenvuelto hasta tal punto, que no sea preciso añadirles mucho, antes de ponerlos en práctica. Y creo que, sin vanidad, puedo decir que si alguien hay capaz de desarrollarlos, he de ser yo mejor que otro cualquiera, y no porque no pueda haber en el mundo otros ingenios mejores que el mío, sin comparación, sino porque el que aprende de otro una cosa, no es posible que la conciba y la haga suya tan plenamente como el que la inventa. Y tan cierto es ello en esta materia, que habiendo yo explicado muchas veces algunas opiniones mías a personas de muy buen ingenio, parecían entenderlas muy distintamente, mientras yo hablaba, y, sin embargo, cuando luego las han repetido, he notado que casi siempre las han alterado de tal suerte que ya no podía yo reconocerlas por mías . Aprovecho esta ocasión para rogar a nuestros descendientes que no crean nunca que proceden de mí las cosas que les digan otros, si no es que yo mismo las haya divulgado; y no me asombro en modo alguno de esas extravagancias que se atribuyen a los antiguos filósofos, cuyos escritos no poseemos, ni juzgo por ellas que hayan sido sus pensamientos tan desatinados, puesto que aquellos hombres fueron los mejores ingenios de su tiempo; sólo pienso que sus opiniones han sido mal referidas. Asimismo vemos que casi nunca ha ocurrido que uno de los que siguieron las doctrinas de esos grandes ingenios haya superado al maestro; y tengo por seguro que los que con mayor ahínco siguen hoy a Aristóteles, se estimarían dichosos de poseer tanto conocimiento de la naturaleza como tuvo él, aunque hubieran de someterse a la condición de no adquirir nunca más amplio saber. Son como la yedra, que no puede subir más alto que los árboles en que se enreda y muchas veces desciende, después de haber llegado hasta la copa; pues me parece que también los que siguen una doctrina ajena descienden, es decir, se tornan en cierto modo menos sabios que si se abstuvieran de estudiar; los tales, no contentos con saber todo lo que su autor explica inteligiblemente, quieren además encontrar en él la solución de varias dificultades, de las cuales no habla y en las cuales acaso no pensó nunca. Sin embargo, es comodísima esa manera de filosofar, para quienes poseen ingenios muy medianos, pues la oscuridad de las distinciones y principios de que usan, les permite hablar de todo con tanta audacia como si lo supieran, y mantener todo cuanto dicen contra los más hábiles y los más sutiles, sin que haya medio de convencerles; en lo cual parécenme semejar a un ciego que, para pelear sin desventaja contra uno que ve, le hubiera llevado a alguna profunda y oscurísima cueva; y puedo decir que esos tales tienen interés en que yo no publique los principios de mi filosofía, pues siendo, como son, muy sencillos y evidentes, publicarlos sería como abrir ventanas y dar luz a esa cueva adonde han ido a pelear. Mas tampoco los ingenios mejores han de tener ocasión de desear conocerlos, pues si lo que quieren es saber hablar de todo y cobrar fama de doctos, lo conseguirán más fácilmente contentándose con lo verosímil, que sin gran trabajo puede hallarse en todos los asuntos, que buscando la verdad, que no se descubre sino poco a poco en algunas materias y que, cuando es llegada la ocasión de hablar de otros temas, nos obliga a confesar francamente que los ignoramos. Pero si estiman que una verdad pequeña es preferible a la vanidad de parecer saberlo todo, como, sin duda, es efectivamente preferible, y si lo que quieren es proseguir un intento semejante al mío, no necesitan para ello que yo les diga más de lo que en este discurso llevo dicho; pues si son capaces de continuar mi obra, tanto más lo serán de encontrar por sí mismos todo cuanto pienso yo que he encontrado, sin contar con que, habiendo yo seguido siempre mis investigaciones ordenadamente, es seguro que lo que me queda por descubrir es de suyo más difícil y oculto que lo que he podido anteriormente encontrar y, por tanto, mucho menos gusto hallarían en saberlo por mí, que en indagarlo solos; y además, la costumbre que adquirirán buscando primero cosas fáciles y pasando poco a poco a otras más difíciles, les servirá mucho mejor que todas mis instrucciones. Yo mismo estoy persuadido de que si, en mi mocedad, me hubiesen enseñado todas las verdades cuyas demostraciones he buscado luego y no me hubiese costado trabajo alguno el aprenderlas, quizá no supiera hoy ninguna otra cosa, o por lo menos nunca hubiera adquirido la costumbre y facilidad que creo tener de encontrar otras nuevas, conforme me aplico a buscarlas. Y, en suma, si hay en el mundo una labor que no pueda nadie rematar tan bien como el que la empezó, es ciertamente la que me ocupa.
Il est vrai que pour ce qui est des expériences qui peuvent y servir, un homme seul ne sauroit suffire à les faire toutes : mais il n′y sauroit aussi employer utilement d′autres mains que les siennes, sinon celles des artisans, ou telles gens qu′il pourroit payer, et à qui l′espérance du gain, qui est un moyen très efficace, feroit faire exactement toutes les choses qu′il leur prescriroit. Car pour les volontaires qui, par curiosité ou désir d′apprendre, s′offriroient peut-être de lui aider, outre qu′ils ont pour l′ordinaire plus de promesses que d′effet, et qu′ils ne font que de belles propositions dont aucune jamais ne réussit, ils voudroient infailliblement être payés par l′explication de quelques difficultés, ou du moins par des compliments et des entretiens inutiles, qui ne lui sauroient coûter si peu de son temps qu′il n′y perdît. Et pour les expériences que les autres ont déjà faites, quand bien même ils les lui voudroient communiquer, ce que ceux qui les nomment des secrets ne feroient jamais, elles sont pour la plupart composées de tant de circonstances ou d′ingrédients superflus, qu′il lui seroit très malaisé d′en déchiffrer la vérité ; outre qu′il les trouveroit presque toutes si mal expliquées, ou même si fausses, à cause que ceux qui les ont faites se sont efforcés de les faire paroître conformes à leurs principes, que s′il y en avoit quelques unes qui lui servissent, elles ne pourroient derechef valoir le temps qu′il lui faudroit employer à les choisir. De façon que s′il y avoit au monde quelqu′un qu′on sût assuré ment être capable de trouver les plus grandes choses et les plus utiles au public qui puissent être, et que pour cette cause les autres hommes s′efforcassent par tous moyens de l′aider à venir à bout de ses desseins, je ne vois pas qu′ils pussent autre chose pour lui, sinon fournir aux frais des expériences dont il auroit besoin, et du reste empêcher que son loisir ne lui fût ôté par l′importunité de personne. Mais, outre que je ne présume pas tant de moi-même que de vouloir rien promettre d′extraordinaire, ni ne me repais point de pensées si vaines que de m′imaginer que le public se doive beaucoup intéresser en mes desseins, je n′ai pas aussi l′âme si basse que je voulusse accepter de qui que ce fût aucune faveur qu′on pût croire que je n′aurois pas méritée. Verdad es que en lo que se refiere a las experiencias que pueden servir para ese trabajo, no basta un hombre solo a hacerlas todas; pero tampoco ese hombre podrá emplear con utilidad ajenas manos, como no sean las de artesanos u otras gentes, a quienes pueda pagar, pues la esperanza de una buena paga, que es eficacísimo medio, hará que esos operarios cumplan exactamente sus prescripciones. Los que voluntariamente, por curiosidad o deseo de aprender, se ofrecieran a ayudarle, además de que suelen, por lo común, ser más prontos en prometer que en cumplir y no hacen sino bellas proposiciones, nunca realizadas, querrían infaliblemente recibir, en cambio, algunas explicaciones de ciertas dificultades, o por lo menos obtener halagos y conversaciones inútiles, las cuales, por corto que fuera el tiempo empleado en ellas, representarían, al fin y al cabo, una positiva pérdida. Y en cuanto a las experiencias que hayan hecho ya los demás, aun cuando se las quisieren comunicar - cosa que no harán nunca quienes les dan el nombre de secretos -, son las más de entre ellas compuestas de tantas circunstancias o ingredientes superfluos, que le costaría no pequeño trabajo descifrar lo que haya en ellas de verdadero; y, además, las hallaría casi todas tan mal explicadas e incluso tan falsas, debido a que sus autores han procurado que parezcan conformes con sus principios, que, de haber algunas que pudieran servir, no valdrían desde luego el tiempo que tendría que gastar en seleccionarlas. De suerte que si en el mundo hubiese un hombre de quien se supiera con seguridad que es capaz de encontrar las mayores cosas y las más útiles para el público y, por este motivo, los demás hombres se esforzasen por todas las maneras en ayudarle a realizar sus designios, no veo que pudiesen hacer por él nada más sino contribuir a sufragar los gastos de las experiencias, que fueren precisas, y, por lo demás, impedir que vinieran importunos a estorbar sus ocios laboriosos. Mas sin contar con que no soy yo tan presumido que vaya a prometer cosas extraordinarias, ni tan repleto de vanidosos pensamientos que vaya a figurarme que el público ha de interesarse mucho por mis propósitos, no tengo tampoco tan rebajada el alma, como para aceptar de nadie un favor que pudiera creerse que no he merecido.
Toutes ces considérations jointes ensemble furent cause, il y a trois ans, que je ne voulus point divulguer le traité que j′avois entre les mains, et même que je pris résolution de n′en faire voir aucun autre pendant ma vie qui fût si général, ni duquel on put entendre les fondements de ma physique. Mais il y a eu depuis derechef deux autres raisons qui m′ont obligé à mettre ici quelques essais particuliers, et à rendre au public quelque compte de mes actions et de mes desseins. La première est que si j′y manquois, plusieurs, qui ont su l′intention que j′avois eue ci-devant de faire imprimer quelques écrits, pourroient s′imaginer que les causes pour lesquelles je m′en abstiens seroient plus à mon désavantage qu′elles ne sont : car, bien que je n′aime pas la gloire par excès, ou même, si j′ose le dire, que je la hae en tant que je la juge contraire au repos, lequel j′estime sur toutes choses, toutefois aussi je n′ai jamais tâché de cacher mes actions comme des crimes, ni n′ai usé de beaucoup de précautions pour être inconnu, tant à cause que j′eusse cru me faire tort, qu′à cause que cela m′auroit donné quelque espèce d′inquiétude, qui eût derechef été contraire au parfait repos d′esprit que je cherche ; et pourceque, m′étant toujours ainsi tenu indifférent entre le soin d′être connu ou de ne l′être pas, je n′ai pu empêcher que je n′acquisse quelque sorte de réputation, j′ai pensé que je devois faire mon mieux pour m′exempter au moins de l′avoir mauvaise. L′autre raison qui m′a obligé à écrire ceci est que, voyant tous les jours de plus en plus le retardement que souffre le dessein que j′ai de m′instruire, à cause d′une infinité d′expériences dont j′ai besoin, et qu′il est impossible que je fasse sans l′aide d′autrui, bien que je ne me flatte pas tant que d′espérer que le public prenne grande part en mes intérêts, toutefois je ne veux pas aussi me défaillir tant à moi-même que de donner sujet à ceux qui me suivront de me reprocher quelque jour que j′eusse pu leur laisser plusieurs choses beaucoup meilleures que je n′aurai fait, si je n′eusse point trop négligé de leur faire entendre en quoi ils pouvoient contribuer à mes desseins. Todas estas consideraciones juntas fueron causa de que no quise, hace tres años, divulgar el tratado que tenía entre manos, y aun resolví no publicar durante mi vida ningún otro de índole tan general, que por él pudieran entenderse los fundamentos de mi física. Pero de entonces acá han venido otras dos razones a obligarme a poner en este libro algunos ensayos particulares y a dar alguna cuenta al público de mis acciones y de mis designios; y es la primera que, de no hacerlo, algunos que han sabido que tuve la intención de imprimir ciertos escritos, podrían acaso figurarse que los motivos, por los cuales me he abstenido, son de índole que menoscaba mi persona; pues, aun cuando no siento un excesivo amor por la gloria y hasta me atrevo a decir que la odio, en cuanto que la juzgo contraria a la quietud, que es lo que más aprecio, sin embargo, tampoco he hecho nunca nada por ocultar mis actos, como si fueran crímenes, ni he tomado muchas precauciones para permanecer desconocido, no sólo porque creyera de ese modo dañarme a mí mismo, sino también porque ello habría provocado en mí cierta especie de inquietud, que hubiera venido a perturbar la perfecta tranquilidad de espíritu que busco; y así, habiendo siempre permanecido indiferente entre el cuidado de ser conocido y el de no serlo, no he podido impedir cierta especie de reputación que he adquirido, por lo cual he pensado que debía hacer por mi parte lo que pudiera, para evitar al menos que esa fama sea mala. La segunda razón, que me ha obligado a escribir esto, es que veo cada día cómo se retrasa más y más el propósito que he concebido de instruirme, a causa de una infinidad de experiencias que me son precisas y que no puedo hacer sin ayuda ajena, y aunque no me precio de valer tanto como para esperar que el público tome mucha parte en mis intereses, sin embargo, tampoco quiero faltar a lo que me debo a mí mismo, dando ocasión a que los que me sobrevivan puedan algún día hacerme el cargo de que hubiera podido dejar acabadas muchas mejores cosas, si no hubiese prescindido demasiado de darles a entender cómo y en qué podían ellos contribuir. a mis designios.
Et j′ai pensé qu′il m′étoit aisé de choisir quelques matières qui, sans être sujettes à beaucoup de controverses, ni m′obliger à déclarer davantage de mes principes que je ne désire, ne laissoient pas de faire voir assez clairement ce que je puis ou ne puis pas dans les sciences. En quoi je ne saurois dire si j′ai réussi, et je ne veux point prévenir les jugements de personne, en parlant moi-même de mes écrits : mais je serai bien aise qu′on les examine ; et afin qu′on en ait d′autant plus d′occasion, je supplie tous ceux qui auront quelques objections à y faire de prendre la peine de les envoyer à mon libraire, par lequel en étant averti, je tâcherai d′y joindre ma réponse en même temps ; et par ce moyen les lecteurs, voyant ensemble l′un et l′autre, jugeront d′autant plus aisément de la vérité : car je ne promets pas d′y faire jamais de longues réponses, mais seulement d′avouer mes fautes fort franchement, si je les connois, ou bien, si je ne les puis apercevoir, de dire simplement ce que je croirai être requis pour la défense des choses que j′ai écrites, sans y ajouter l′explication d′aucune nouvelle matière, afin de ne me pas engager sans fin de l′une en l′autre. Y he pensado que era fácil elegir algunas materias que, sin provocar grandes controversias, ni obligarme a declarar mis principios más detenidamente de lo que deseo, no dejaran de mostrar con bastante claridad lo que soy o no soy capaz de hacer en las ciencias. En lo cual no puedo decir si he tenido buen éxito, pues no quiero salir al encuentro de los juicios de nadie, hablando yo mismo de mis escritos; pero me agradaría mucho que fuesen examinados y, para dar más amplia ocasión de hacerlo, ruego a quienes tengan objeciones que formular, que se tomen la molestia de enviarlas a mi librero, quien me las transmitirá, y procuraré dar respuesta que pueda publicarse con las objeciones ; de este modo, los lectores, viendo juntas unas y otras, juzgarán más cómodamente acerca de la verdad, pues prometo que mis respuestas no serán largas y me limitaré a confesar mis faltas francamente, si las conozco y, si no puedo apercibirlas, diré sencillamente lo que crea necesario para la defensa de mis escritos, sin añadir la explicación de ningún asunto nuevo, a fin de no involucrar indefinidamente uno en otro.
Que si quelques unes de celles dont j′ai parlé au commencement de la Dioptrique et des Météores choquent d′abord, à cause que je les nomme des suppositions, et que je ne semble pas avoir envie de les prouver, qu′on ait la patience de lire le tout avec attention et j′espère qu′on s′en trouvera satisfait : car il me semble que les raisons s′y entre-suivent en telle sorte, que comme les dernières sont démontrées par les premières qui sont leurs causes, ces premières le sont réciproquement par les dernières qui sont leurs effets. Et on ne doit pas imaginer que je commette en ceci la faute que les logiciens nomment un cercle : car l′expérience rendant la plupart de ces effets très certains, les causes dont je les déduis ne servent pas tant à les prouver qu′à les expliquer ; mais tout au contraire ce sont elles qui sont prouvées par eux. Et je ne les ai nommées des suppositions qu′afin qu′on sache que je pense les pouvoir déduire de ces premières vérités que j′ai ci-dessus expliquées ; mais que j′ai voulu expressément ne le pas faire, pour empêcher que certains esprits, qui s′imaginent qu′ils savent en un jour tout ce qu′un autre a pensé en vingt années, sitôt qu′il leur en a seulement dit deux ou trois mots, et qui sont d′autant plus sujets à faillir et moins capables de la vérité qu′ils sont plus pénétrants et plus vifs, ne puissent de là prendre occasion de bâtir quelque philosophie extravagante sur ce qu′ils croiront être mes principes, et qu′on m′en attribue la faute : car pour les opinions qui sont toutes miennes, je ne les excuse point comme nouvelles, d′autant que si on en considère bien les raisons, je m′assure qu′on les trouvera si simples et si conformes au sens commun, qu′elles sembleront moins extraordinaires et moins étranges qu′aucunes autres qu′on puisse avoir sur mêmes sujets ; et je ne me vante point aussi d′être le premier inventeur d′aucunes mais bien que je ne les ai jamais reçues ni pourcequ′elles avoient été dites par d′autres, ni pourcequ′elles ne l′avoient point été, mais seulement pourceque la raison me les a persuadées. Si alguna de las cosas de que hablo al principio de la Dióptrica y de los Meteoros producen extrañeza, porque las llamo suposiciones y no parezco dispuesto a probarlas, téngase la paciencia de leerlo todo atentamente, y confío en que se hallará satisfacción; pues me parece que las razones se enlazan unas con otras de tal suerte que, como las últimas están demostradas por las primeras, que son sus causas, estas primeras a su vez lo están por las últimas, que son sus efectos. Y no se imagine que en esto cometo la falta que los lógicos llaman círculo, pues como la experiencia muestra que son muy ciertos la mayor parte de esos efectos, las causas de donde los deduzco sirven más que para probarlos, para explicarlos, y, en cambio, esas causas quedan probadas por estos efectos. Y si las he llamado suposiciones, es para que se sepa que pienso poder deducirlas de las primeras verdades que he explicado en este discurso; pero he querido expresamente no hacerlo, para impedir que ciertos ingenios, que con solo oír dos o tres palabras se imaginan que saben en un día lo que otro ha estado veinte años pensando, y que son tanto más propensos a errar e incapaces de averiguar la verdad, cuanto más penetrantes y ágiles, no aprovechen la ocasión para edificar alguna extravagante filosofía sobre los que creyeren ser mis principios, y luego se me atribuya a mí la culpa; que por lo que toca a las opiniones enteramente mías, no las excuso por nuevas, pues si se consideran bien las razones que las abonan, estoy seguro de que parecerán tan sencillas y tan conformes con el sentido común, que serán tenidas por menos extraordinarias y extrañas que cualesquiera otras que puedan sustentarse acerca de los mismos asuntos; y no me precio tampoco de ser el primer inventor de ninguna de ellas, sino solamente de no haberlas admitido, ni porque las dijeran otros, ni porque no las dijeran, sino sólo porque la razón me convenció de su verdad.
Que si les artisans ne peuvent sitôt exécuter l′invention qui est expliquée en la Dioptrique, je ne crois pas qu′on puisse dire pour cela qu′elle soit mauvaise ; car, d′autant qu′il faut de l′adresse et de l′habitude pour faire et pour ajuster les machines que j′ai décrites, sans qu′il y manque aucune circonstance, je ne m′étonnerois pas moins s′ils rencontroient du premier coup, que si quelqu′un pouvoit apprendre en un jour à jouer du luth excellemment, par cela seul qu′on lui auroit donné de la tablature qui seroit bonne. Et si j′écris en français, qui est la langue de mon pays, plutôt qu′en latin, qui est celle de mes précepteurs, c′est à cause que j′espère que ceux qui ne se servent que de leur raison naturelle toute pure jugeront mieux de mes opinions que ceux qui ne croient qu′aux livres anciens ; et pour ceux qui joignent le bon sens avec l′étude, lesquels seuls je souhaite pour mes juges, ils ne seront point, je m′assure, si partiaux pour le latin, qu′ils refusent d′entendre mes raisons pourceque je les explique en langue vulgaire. Si los artesanos no pueden en buen tiempo ejecutar el invento que explico en la Dióptrica, no creo que pueda decirse por eso que es malo; pues, como se requiere mucha destreza y costumbre para hacer y encajar las máquinas que he descrito, sin que les falte ninguna circunstancia, tan extraño sería que diesen con ello a la primera vez, como si alguien consiguiese aprender en un día a tocar el laúd, de modo excelente, con solo haber estudiado un buen papel pautado. Y si escribo en francés , que es la lengua de mi país, en lugar de hacerlo en latín, que es el idioma empleado por mis preceptores, es porque espero que los que hagan uso de su pura razón natural, juzgarán mejor mis opiniones que los que sólo creen en los libros antiguos; y en cuanto a los que unen el buen sentido con el estudio, únicos que deseo sean mis jueces, no serán seguramente tan parciales en favor del latín, que se nieguen a oír mis razones, por ir explicadas en lengua vulgar.
Au reste, je ne veux point parler ici en particulier des progrès que j′ai espérance de faire à l′avenir dans les sciences, ni m′engager envers le public d′aucune promesse que je ne sois pas assuré d′accomplir ; mais je dirai seulement que j′ai résolu de n′employer le temps qui me reste à vivre à autre chose qu′à tâcher d′acquérir quelque connoissance de la nature, qui soit telle qu′on en puisse tirer des règles pour la médecine, plus assurées que celles qu′on a eues jusques à présent ; et que mon inclination m′éloigne si fort de toute sorte d′autres desseins, principalement de ceux qui ne sauroient être utiles aux uns qu′en nuisant aux autres, que si quelques occasions me contraignoient de m′y employer, je ne crois point que je fusse capable d′y réussir. De quoi je fais ici une déclaration que je sais bien ne pouvoir servir à me rendre considérable dans le monde ; mais aussi n′ai aucunement envie de l′être ; et je me tiendrai toujours plus obligé à ceux par la faveur desquels je jouirai sans empêchement de mon loisir, que je ne serois à ceux qui m′offriroient les plus honorables emplois de la terre. Por lo demás, no quiero hablar aquí particularmente de los progresos que espero realizar más adelante en las ciencias ni comprometerme con el público, prometiéndole cosas que no esté seguro de cumplir; pero diré tan sólo que he resuelto emplear el tiempo que me queda de vida en procurar adquirir algún conocimiento de la naturaleza, que sea tal, que se puedan derivar para la medicina reglas más seguras que las hasta hoy usadas, y que mi inclinación me aparta con tanta fuerza de cualesquiera otros designios, sobre todo de los que no pueden servir a unos, sin dañar a otros, que si algunas circunstancias me constriñesen a entrar en ellos, creo que no sería capaz de llevarlos a buen término. Esta declaración que aquí hago bien sé que no ha de servir para hacerme importante en el mundo; mas no tengo ninguna gana de serlo y siempre me consideraré más obligado con los que me hagan la merced de ayudarme a gozar de mis ocios, sin tropiezo, que con los que me ofrezcan los cargos más honorables de la tierra.